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profiter frauduleusement contre des tiers (et l'arrêt, il faut bien le remarquer, n'impute pas de fraude à l'exposante, qui aurait seulement connu la circonstance), en ce cas même la sanction de l'inobservation de l'art. 22 serait non la nullité du contrat, puisque la loi ne la prononce pas, mais des dommages-intérêts que les parties lésées pourraient obtenir tant contre le notaire que contre les époux qui auraient profité de la perte momentanée de la minute pour se permettre des dispositions prohibées par ledit contrat. Mais cette hypothèse n'est même pas celle du procès; et, en fût-il autrement, il resterait toujours qu'en déclarant nul le contrat de mariage de l'exposante, par le motif que la minute, quoique faite par le notaire, n'avait pas été trouvée à un instant donné dans son étude, et que l'exposante a connu cette circonstance, l'arrêt attaqué a fait une fausse interpétation des art. 20, 22 et 68 de la loi organique du notariat, supprimé arbitrairement un acte authentique, et encouru, de ce chef, la censure . de la Cour de cassation.

On a répondu pour le défendeur: La Cour de Bastia n'a ni exprimé ni donné à entendre qu'elle annulait le contrat de mariage de la dame Blasini par le seul motif que le notaire se serait dessaisi de la minute pendant un temps plus ou moins long. Elle a dit que des faits constants de la cause il résultait que le notaire a n'aurait pas gardé minute de l'acte dans le sens des articles combinés 20, 22 et 68 de la loi de ventôse, ce qui en entraîne la nullité comme acte authentique contenant des conven'tions matrimoniales. » Or, à ce point de vue, la décision est juridique. En effet, un acte n'a droit à l'autorité des actes authentiques qu'autant que le notaire remplit toutes les obligations qui lui sont imposées. Ces obligations sont de deux sortes : les unes contemporaines de l'acte, les autres postérieures à sa confection. Les premières comprennent l'obligation de recevoir matériellement l'acte, et d'en assurer la date, soit par l'enregistrement, soit par l'inscription au répertoire; les secondes (il ne s'agit pas ici des actes qui, par exception, sont passés en brevet seulement) sont relatives au devoir d'assurer la conservation de la chose confiée. L'ensemble de ces obligations constitue l'essence et l'objet de l'institution du notariat; aussi les trouve-t-on résumées dans l'art. 1er de la loi de ventôse, suivant lequel « les notaires sont les fonctionnaires publics établis pour recevoir tous les actes et contrats auxquels les parties doivent ou veulent faire donner le caractère d'authenticité attaché aux actes de l'autorité publique, et pour en assurer la date, en conserver le dépôt, en délivrer des grosses et expéditions. L'art. 20, pour être moins explícite, n'en exprime pas moins les mêmes obligations indivisibles, et, par suite, la raison veut qu'on le traduise ainsi : « Les notaires, en règle générale, après avoir dressé leurs actes, après en avoir assuré la date par l'enregistrement et l'inscription au répertoire, devront garder en dépôt la minute de ces actes, à moins qu'il n'y ait lieu de passer simplement l'acte en

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brevet.» Voilà ce que signifie l'art. 20, dont les prescriptions doivent être observées à peine de nullité, aux termes de l'art. 68; et c'est ainsi que l'obligation de conserver ou garder la minute de l'acte résume tous les devoirs qui, pour le notaire, accompagnent et suivent la passation de l'acte. Quant à l'art. 22, il n'est placé après l'art. 20 que comme une confirmation de ce qui est exprimé dans celui-ci, et, à son tour, il doit être interprété en ce sens que « le notaire ne violera pas le dépôt qui lui est confié s'il ne fait qu'obéir à un jugement en se dessaisissant de l'acte objet de ce dépôt. » — D'après tout cela, il s'agissait de savoir, dans l'espèce, s'il y avait un contrat de mariage valable, c'est-à-dire un contrat de mariage retenu en minute par le notaire rédacteur, un contrat de mariage dont ce notaire eût assuré la date et la conservation, ainsi qu'il est prescrit par les lois fondamentales de sa profession. Or les constatations de l'arrêt attaqué sont celles-ci : l'acte passé le 5 nov. 1814 n'est enregistré que le 8 janv. 1849, pour le besoin du procès intenté par la dame Blasini au sieur Mattéi; l'acte n'a pas été répertorié, il n'a pas fait l'objet de cette formalité dont le but ne saurait être douteux, car elle était imposée aux notaires même avant l'établissement du contrôle ou de l'enregistrement, de cette formalité dont l'utilité « est évidente, dit M. Rolland de Villargues, puisqu'en assurant la perception des droits d'enregistre ment, les répertoires garantissent les antidates et aussi la conservation des actes, et peuvent aider à la preuve de leur existence.» (Toullier, t. 8, n. 470; arg. de l'arrêt du 17 juin 1825.) Le notaire n'a donc rien fait pour assurer la date de l'acte. Sans doute l'enregistrement tardif d'un acte ne lui enlève pas son caractère d'authenticité, et, par suite, sa validité, ainsi que l'a jugé l'arrêt attaqué; mais ce dont il s'agissait pour la Cour de Bastia, c'était d'apprécier non pas cette circonstance isolée, mais l'ensemble de tous les faits et circonstances qui pouvaient établir que l'officier public, soit par lui-même, soit par la tolérance ou avec le concours des parties, n'avait pas fait tout ce qu'il devait faire, dans le sens des obligations essentielles de sa fonction. Enfin, le notaire n'a pas mieux satisfait aux conditions de la loi en ce qui touche la nullité substantielle d'une minute gardée par lui comme dépositaire public. Il ne peut y avoir contrat de mariage valable quand les choses se sont passées de telle manière que ce fait de la rétention de l'acte dans les mains du notaire, même au moment du mariage, ne se trouve pas acquis au procès; quand les juges ont été amenés à penser, au contraire, que ce notaire n'avait pas pourvu au dépôt de l'acte dans ses minutes, parmi lesquelles il n'a pas même été répertorié. L'arrêt attaqué ne constate-t-il pas en fait que, pendant une période plus ou moins longue, Mme Blasini savait l'impossibilité où étaient les parties, qu'elle garantissait de toute éviction, de s'assurer de l'existence de son contrat de mariage? Cette déclaration, qui est souveraine, a une portée que l'on ne saurait méconnaître. Lorsque l'arrêt at

taqué constate ces faits, desquels il résulte que | L'acte par lequel sur cinq héritiers trois cèdent

le notaire n'a pas satisfait à l'obligation de garder minute; que les parties ont eu, au contraire, la disposition de l'acte, de manière à en cacher l'existence et à pratiquer contre les tiers les fraudes les plus impossibles à prévenir, les magistrats ont très justement décidé que les tiers ne devaient pas rester victimes de ces fraudes.

DU 6 DÉCEMBRE 1852, arrêt C. cass., ch. civ., MM. Bérenger prés., Alcock rapp., Nicias-Gaillard 1er av. gén. (concl. conf.), Rendu et Mo

reau av.

leurs droits successifs à un quatrième n'ayant pas pour effet de faire cesser l'indivision entre tous, ne peut être considéré comme un acte de partage (2), et peut, dès lors, être résolu pour défaut de paiement du prix (3). C. civ. 883 et 888.

La licitation à laquelle des étrangers ont été admis doit être considérée comme vente ordinaire, et est, dès lors, soumise à l'action résolutoire pour défaut de paiement du prix (4), mais pour la part seulement qui revient au cohéritier non. payé (5). (Rés. par la Cour d'appel.)

RAMONDENE C. GAIGNERON.

bule est ainsi conçu: «Lesquels, pour faire ces

ser l'indivision des biens des successions de

<< LA COUR; « Vu les art. 20, 22 et 68 de la loi du 25 vent. an XI; - Attendu que l'arrêt attaqué a décidé qu'à défaut, par le notaire qui avait reçu le contrat de mariage des époux BlaLes sieur et dame Gaigneron, décédés à la sini, d'en avoir conservé minute, cet acte de- Guadeloupe, avaient laissé leurs successions vrait par cela seul être considéré comme nul, indivises entre leurs cinq enfants : les dames aux termes des art. 20 et 68 de la loi du 25 Mayol, Crane et Chonaux-Dubisson, la demoivent. an XI; et qu'il ne s'est point agi au pro- selle Gaigneron et le sieur Claude-Gustave Gaicès de statuer sur des dommages-intérêts aux-gneron.-Le 17 août 1824, les cinq cohéritiers quels les défendeurs en cassation auraient pré-réglèrent leurs droits par un acte dont le préamtendu en réparation du préjudice que la dissimulation commise à leur égard aurait pu leur causer; Attendu que c'est l'art. 22 de la loi du 25 vent. an XI, et non l'art. 20 de cette loi, qui défend aux notaires de se dessaisir de leurs minutes, et les oblige d'en conserver le dépôt; mais que cet art. 22 n'est pas au nombre de ceux que rappelle l'art. 68 de ladite loi, et dont il ordonne l'exécution à peine de nullité; — Attendu, dès lors, que l'arrêt attaqué, en rejetant la demande de la femme Blasini par le motif tiré de la nullité de son contrat de mariage, a faussement appliqué l'art. 20 et formellement violé les art. 22 et 68 combinés de la loi du 25 vent. an XI; CASSE, etc. >>

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(1) La Cour, deyant statuer dans un délai déterminé, violerait la loi si, la cause étant en état, elle refusait de juger sous le prétexte qu'il faut réassigner une des parties: Chauveau sur Carré, Lois de la proc., t. 5, quest. 2423 decies. - V. aussi Grenoble, 5 avril 1848 (t. 1 1849, p. 438), et la note; -Rép. gén. Journ. Pal., vo Jugement par défaut, no 138.

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(2) Sur cette question controversée, mais plus généralement résolue dans le sens de l'arrêt que nous rapportons, V. conf. Cass. 19 janv. 1841 (t. 1 1841, p. 530), 6 mai 1844 (t. 2 1844, p. 411); Limoges, 14 fév. 1845 (t. 1 1846, p. 307); Toulouse, 16 mai 1846 (t. 2 1846, p. 722), et la note; Duranton, Cours de dr. fr., t. 20, no 223; Zachariæ,

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leurs père et mère, ont fait et arrêté le pacte de famille ci-après, pour leur tenir lieu de partage desdits biens.»-Il résulte de cet acie que les dames Mayol, Crâne et Dubisson cédèrent à leur frère Claude-Gustave Gaigneron tous les droits mobiliers et immobiliers qu'elles avaient dans lesdites successions, à l'exception des créances, qui restèrent en commun; et que, de plus, la demoiselle Gaigneron, demeurant propriétaire de son cinquième, l'affermait audit

Cours de dr. civ., § 625, et MM. Aubry et Rau, ses annotateurs, Ibid., note 9; Foüet de Conflans, Jurisp. des succ., sur l'art. 883-1°; Belost-Jolimont sur Chabot, Succession, observ. 1re, sur l'art. 883;-... et cette opinion est surtout adoptée en matière d'enregistrement.-V. Rép. gén. Journ. Pal., vis Enregistrement, no 3284; Transcription (Droits de), nos 61 et suiv.

Pour l'opinion contraire, V. Colmar, 27 déc. 1848 (t. 1 1850, p. 607), et la note; Duvergier, Vente, t. 2, n° 147; Vazeille, Success., sur l'art. 883, registr., t. 3, no 2735; Rolland de Villargues, Rép. no fer; Championnière et Rigaud, Tr. des dr. d'en

du notar., vo Licitation, nos 9 et suiv.. 19 et suiv.
V., au surplus, Rép. gén. Journ. Pal., vis Droits
successifs, nos 47 et suiv.; Partage, nos 529 et suiv.

Enfin, la Cour de cassation a jugé récemment, en principe, que la fiction de l'art. 883 C. civ., d'après laquelle chacun des cohéritiers est censé avoir succédé seul et immédiatement aux objets compris dans son lot, peut exister et produire ses effets alors même que l'indivision n'a pas entièrement cessé entre tous les cohéritiers, mais qu'il faut pour cela qu'il existe un partage réel: Cass. 2 avril 1851 (t. 1 1851, p. 664). - V. la note qui accompagne cet arrêt.

(3) V. conf. Cass. 28 déc. 1840 (t. 1 1841, p. 529); - Rép. gen. Journ. Pal., vo Droits successifs, no 39. (4) La doctrine et la jurisprudence sont d'accord sur ce point. V. Bourges, 13 juil. 1852 (inf., p. 115), et la note. Rép. gen. Journ. Pal., vis Licitation, nos 120, 133 et suiv.; Vente, no 1276. (5) V. conf. Nimes, 2 août 1838 (t. 1 1839, p. 430); Rép. gen. Journ. Pal., vo Licitation, no 135.

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Claude-Gustave Gaigneron, lequel se chargeait de payer toutes les dettes. Le sieur Claude Gaigneron, devenu ainsi propriétaire des quatre cinquièmes des biens de ses père et mère, pars mi lesquels se trouvait l'habitation sucrière de Rigolet, céda à son tour la moitié de tous ses droits au sieur Roch et forma avec lui une société pour l'exploitation de la sucrerie.

Les choses se continuèrent ainsi jusqu'au décès du sieur Roch. A cette époque, la demoiselle Gaigneron, qui avait conservé la propriété de ses droits héréditaires, poursuivit la licitation de l'habitation Rigolet devant le tribunal de la Basse-Terre; et l'adjudication en eut lieu le 19 juil. 1831, au profit de la dame Crâne, moyennant le prix de 242,000 fr.

Alors la veuve de Claude Gaigneron, comme tutrice de ses enfants mineurs, et le sieur Ramondène formèrent tierce-opposition au jugement du 29 août 1848, et en demandèrent la rétractation en ce qui les concernait. La dame Crâne, fol-enchérisseur, le sieur François Mayol, subrogé-tuteur des mineurs Claude Gaigneron, et les héritiers du sieur Roch, colicitant, furent appelés dans la cause.

Le 21 nov. 1848, jugement du tribunal de la Basse-Terre qui donne défaut contre les héritiers Roch, la dame Crâne et le sieur Mayol èsqualités, et, faisant droit sur la tierce-opposition de la dame veuve Claude Gaigneron, ordonne que, nonobstant le jugement du 29 août précédent, lequel est et demeure comme non avenu à l'égard des demandeurs, il sera passé outre à l'adjudication définitive sur la folle enchère.

A la suite de cette adjudication un ordre fut ouvert le cinquième du prix fut attribué à la demoiselle Gaigneron; mais des difficultés s'é- Sur l'appel des époux Mayol et Dubisson et levèrent sur la distribution des quatre cinquiè- de la demoiselle Gaigneron, le 11 déc. 1848, mes restants.Aux termes du jugement d'adju- arrêt de la Cour de la Guadeloupe ainsi conçu: dication, l'adjudicataire devait rapporter à titre « En ce qui touche l'intervention de la dame de comptant les quittances des créances privilé- Mayol, des sieur et dame Dubisson et de la degiées des dames Crâne et Dubisson, provenant de moiselle Gaigneron dans la poursuite en folle la cession qu'elles avaient faite de leurs droits enchère de l'habitation Rigolet, requête du sieur héréditaires au sieur Claude Gaigneron, et s'é- Ramondène: - Attendu que le jugement du 29 levant ensemble à la somme de 42,000 fr. envi- août dernier a ordonné contre la dame veuve ron. La dame Crâne, qui déjà, par acte nota- Crâne, et en faveur des dames Dubisson et rié du 24 fév. 1831, s'était rendue cessionnaire Mayol et demoiselle Gaigneron, les déguerpisde la créance de la dame Dubisson, demanda à sements des trois cinquièmes de l'habitation être colloquée par privilége pour sa créance per- dont la folle enchère est poursuivie; que de la sonnelle et pour celle qui lui avait été cédée. découle pour lesdits intervenants un intérêt inMais, sur la contestation des créanciers hypo- contestable dans cette poursuite; thécaires, sa demande fut rejetée par un juge- » En ce qui touche la tierce-opposition du ment du tribunal civil de la Basse-Terre, confir- sieur Ramondène et de la dame Petit-Lebrun mé par un arrêt de la Cour de la Guadeloupe, (veuve Gaigneron), ès qualités, au jugement dudu 13 mai 1833, par le motif que le privilege dit jour 29 août 1848, lequel a ordonné la résoréclamé n'avait pas été conservé par une in-lution tant de l'acte du 17 août 1824 à l'égard et scription prise dans les délais de la loi. Les créanciers hypothécaires furent donc colloqués au premier rang.

au profit des dames Mayol et Dubisson, que de l'adjudication du 19 juillet 1831 en ce qui concerne la demoiselle Gaigneron pour son cinLe sieur Ramondène, l'un d'eux, n'ayant pas quième, et, par suite, de la licitation de l'habitaété payé du montant de sa collocation, dirigeation Gaigneron :- Sur le point de savoir si l'acte contre la dame Crâne des poursuites de folle de 1824 doit être considéré comme un partage, enchère de l'habitation Rigolet, dont l'adjudica- et, à ce titre, la résolution, en vertu de la légis tion préparatoire ne tarda pas à être prononcée. lation exceptionnelle introduite par l'édit du 24 Cependant la dame Dubisson avait fait, par août 1726, peut-elle, en l'état de la législation un jugement du 8 août 1848, prononcer la ré- nouvelle qui vient de mettre en vigueur l'exsolution de la cession qu'elle avait consentie de propriation forcée, être encore ordonnée? sa créance à la dame Crâne le 24 fév. 1831. Ré- » Quant à la nature de l'acte du 17 août 1824: intégrée dans ses droits, elle demanda, de con- Attendu que les parties héritières de Claude cert avec la dame Mayol, dont la créance ne Gaigneron et de demoiselle Julie Romain, son s'élevait plus qu'à 252 fr. 67 cent., contre la épouse, leurs père et mère, y déclarent que, dame Crâne seulement', la résolution de l'acte « pour faire cesser l'indivision des biens de la de cession du 17 août 1824. De son côté, la» succession de leurs père et mère, elles ont ardemoiselle Gaigneron, non payée de son cin» rêté le pacte de famille ci-après pour leur tenir quième dans le prix de l'adjudication, intervint» lieu de partage desdits biens»;-Qu'en effet, pour demander la résolution de la licitation du 19 juil. 1831.

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Le 29 août 1848, jugement du tribunal civil de la Basse-Terre, qui déclare résolues la cession du 17 août 1824 et la vente sur licitation du 19 juil. 1831.

Armés de ce jugement, les époux Mayol et Chonaux-Dubisson et la demoiselle Gaigneron intervinrent dans la poursuite en folle enchère et en demandèrent la discontinuation.

après avoir établi la masse à partager, laquelle consistait principalement dans l'habitation dont s'agit, dans laquelle masse le cinquième de chaque héritier fut fixé à 108,425 livres 1 sol 5 deniers, faisant en France 54,549 fr. 55 c., les dames Mayol, Dubisson et veuve Crâne vendent au sieur Claude Gaigneron, leur frère, tous leurs droits et prétentions dans les biens composant la masse; et que, par le même acte, la demoiselle Gaigneron a déclaré donner à titre

de bail à ferme le cinquième à elle revenant; Qu'ainsi, soit par les termes de l'acte, soit qu'on y cherche la commune intention des parties, on doit reconnaître, de la part des dames Mayol, Dubisson, veuve Crâne et Claude Gaigneron, la volonté formelle de sortir de l'indivision;-Que, si trois seulement des héritiers ayant cédé leurs droits héréditaires à leur frère, le cinquième revenant à la demoiselle Gaigneron reste indivis, cette circonstance n'enlève rien au caractère de l'acte vis à vis des cohéritiers cédants, la cession de droits successifs constituant en principe, à l'égard des cohéritiers cédants, un véritable partage (Montpellier, 19 juillet 1828);

> Quant aux effets de l'acte :- Attendu que, contrairement au principe consacré en l'art. 883 C. civ., d'après lequel chaque héritier est censé avoir succédé seul et immédiatement à tons les biens compris dans son lot ou à lui échus en licitation, la jurisprudence constante dans cette colonie, en raison de la suppression de l'expropriation forcée, y a maintenu l'action résolutoire créée en l'édit du 24 août 1726 ;-Que, si le décret du 27 avril dernier, promulgatif, dans les colonies, du titre 19 du Code civil, a eu pour effet de les faire rentrer dans le droit commun de la métropole, c'est-à-dire de rendre toute sa force à la fiction de l'art. $83, on ne saurait, sans donner un effet rétroactif à ce décret, priver les parties du bénéfice de conventions antérieures intervenues dans la garantie de l'action résolutoire, en considération de laquelle, d'ailleurs, le cohéritier cédant a pu négliger les actes conservatoires de son privilége;

» Sur le moyen tiré de ce que les représentants de Claude Gaigneron n'ont pas été appelés dans l'instance sur laquelle est intervenu le jugement du 29 août; - Attendu que c'est précisément en raison du droit qu'a une partie d'etre appelée en toute instance qui pourrait préjudicier à ses droits que la tierce-opposition est ouverte, faculté exercée par les représentants de Claude Gaigneron :--Attendu, d'ailleurs, que les dames Mayol et Dubisson, venderesses primitivement de leurs parts héréditaires dans l'habitation Gaigneron, ont pu, exerçant l'action omisso medio, agir directement contré la dame Crâne, tiers-acquéreur, avec d'autant plus de raison que la clause 9 du cahier des charges lui imposait l'obligation de libérer l'immeuble des créances nées de l'acte de 1824; - Mais les dames Mayol et Dubisson sont-elles fondées?A l'égard de la dame Mayol, attendu, il est vrai, qu'il est reconnu que son prix de cession est réduit à une somme minime; mais attendu que le peu d'importance d'un prix de vente ne peut modifier l'exercice des droits attachés à la créance; que seulement l'exécution du contrat peut être suspendue dans les termes de l'art. 1244 C. civ., toutes choses demeurant en état; A l'égard de la dame Dubisson, attendu que l'acte du 24 fév. 1831 par lequel la dame Dubisson a transporté à la dame veuve Crane, sa sœur, les créances résultant du pacte de famille de 1824, et réduites, audit jour 24 février, à 11,888 fr. 22 c., porte sculement que « le

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»cessionnaire en disposera comme bon lui sem»blera, sous la seule stipulation, comme clause »pénale, qu'à défaut de paiement la dame veuve »Crâne ferait raison des intérêts», les parties n'y ayant manifesté, d'aucune manière que ce soit, l'intention de faire novation;- Que, sans aucun doute, la dame Crâne, devenue, le 19 juillet suivant, adjudicataire de l'habitation Gaigneron, a pu, en conformité de l'art. 9 du cahier des charges, faire comprendre, en acquit de son prix, les créances privilégiées à elle cédées, mais toutefois sans nuire à l'exercice ultérieur du droit de résolution du transport de février 1831, à défaut de paiement du prix; Que ce droit, garanti par les articles combinés 1183 et 1274 C. civ. et consacré au jugement de 1831, ne pourrait être nié à la dame cédante que sur quittances définitives produites, le paiement dudit prix étant la condition rigoureuse de l'extinction par confusion;

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>> Sur le moyen tiré de ce que le jugement d'adjudication sur licitation ne peut être résolu contre l'adjudicataire : Attendu que la licitation à laquelle des étrangers ont été admis doit être considérée comme une vente ordinai re; que dès lors elle est soumise à l'action résolutoire pour défaut de paiement du prix; que seulement, ainsi que l'a fait le jugement du 29 août 1848, elle ne peut être prononcée que pour la part revenant au colicitant non payé; Attendu, au surplus, que, si, sous le principe établi en l'art. 883 C. civ., qui considère tout partage comme purement déclaratif de propriété, des doutes sérieux peuvent s'élever sur l'action résolutoire ouverte au cohéritier non payé, qui n'aurait en ce cas que la voie de folle enchère, ces doutes disparaissent devant le droit exceptionnel de l'édit de 1726, maintenu par le présent arrêt à l'égard des contrats intervenus an térieurement à la mise en vigueur dans cette colonie de l'expropriation forcée;

» Par ces motifs, la Cour infirme le jugement dont est appel; émendant, maintient le jugement du 29 août dernier à l'égard de toutes les parties en cause, et ordonne qu'il sortira effet; en conséquence, dit et juge que les poursuites en folle-enchère du sieur Ramondène Junior seront discontinuées et qu'il ne sera pas passé outre à l'adjudication définitive de l'habitation Rigolet. »

ne.

Pourvoi en cassation par le sieur Ramondè

1. Violation des art. 153 et 470 C. proc. civ. Lorsque, de deux ou plusieurs parties assignées, l'une fait défaut et l'autre comparaît, l'art. 153 C. proc. exige que le profit du défaut soit joint à la cause et que la partie défaillante soit réassignée, pour être statué sur le tout par un seul et même jugement. Cette disposition est d'ordre public, et la nullité qu'entraîne son inobservation doit être prononcée d'office. V. Boncenne, t. 3, p. 36; Chauveau sur Carré, t. 2, quest. 622; Poncet, Traité des jugements, t. 1, p. 92; Thomines Desmazures, t. 1, p. 289, n. 181. V. aussi Cass., 15 janv. 1821. Dans l'espèce, les héritiers Roch et la dame Crane avaient fait défaut; la Cour d'appel, loin de

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joindre le profit du défaut en ordonnant la réassignation des parties défaillantes, a prononcé un jugement contradictoire avec celles qui ont comparu. L'arrêt attaqué a donc méconnu une disposition d'ordre public, et, dès lors, doit être cassé.

2 Violation des art. 883 et 887 C. civ., par suite d'une fausse interprétation de l'art. 2 C. civ. et d'une fausse application de l'édit du 24 août 1726. Le principe que l'action en résolution consacrée par l'art. 1184 C. civ. n'est pas admise en matière de partage doit paraître désormais à l'abri de toute controverse V. Cass. 24 mars 1823, 29 déc. 1829, 9 mai 1832 (3 éd. à leur date); Nancy, 27 juill. 1838 (t. 2 1838, p. 409). Or ici il s'agissait bien de partage à l'égard de l'acte de 1824, ainsi que l'a jugé l'arrêt attaqué par une appréciation d'acte et d'intention qui est irrécusable. L'arrêt a reconnu lui-même que, si la résolution d'un partage peut être prononcée dans les colonies, c'est uniquement en vertu de la législation spéciale créée par l'édit du 24 août 1726, et maintenue par les arrêtés du 19 vendém. an XIV et du 26 oct. 1806. La question est donc de savoir si cette législation spéciale est encore applicable. Le demandeur ne croit pas nécessaire d'examiner jusqu'à quel point l'action autorisée par cette législation a pu s'appliquer aux partages, question controversée entre les Cours de la Martinique et de la Guadeloupe. Il lui suffira d'établir que l'action extraordinaire dont il s'agit n'existait plus lorsqu'on a voulu l'exercer dans la cause. (Suit l'examen de cette question au point de vue de la législation de la colonie.)

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Du 13 DÉCEMBRE 1852, arrêt C. cass., ch. civ., MM. Bérenger prés., Grandet rapp., Rouland av. gén. (concl. conf.), Morin et Frignet av.

« LA COUR;-Sur le premier moyen :-Attendu qu'aux termes de l'art. 739 C. proc., aucune opposition n'est reçue contre les jugements par défaut en matière de folle-enchère; que ces jugements ont donc, à l'égard des parties défaillantes, tout l'effet d'un jugement contradictoire, et que rien ne s'oppose à ce qu'il soit statué, par un seul et même jugement, à l'égard de toute les parties assignées, comparantes ou non; -- Qu'il suit de là que les dispositions de l'art. 153 C. proc., qui n'ont pour but que de mettre le tribunal en position de statuer, par un seul et même jugement, à l'égard des parties défaillantes comme à l'égard des parties comparantes, ne sont nullement applicables en matière de folle-enchère et n'auraient pour résultat que de prolonger des procédures auxquelles la loi a voulu imprimer une grande célérité; Que la Cour de la Guadeloupe, saisie de l'appel d'un jugement qui avait ordonné la continuation des poursuites de folle-enchère, en statuant au fond à l'égard des parties défaillantes comme à l'égard des parties comparantes sans avoir prononcé un arrêt par défaut profit-joint, n'a violé ni l'art. 153 C. proc., ni aucune autre loi; > Sur le deuxième moyen : Attendu que

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l'arrêt attaqué établit, en fait, que, par l'acte du 17 août 1824, trois seulement des héritiers Gaigneron ont vendu et cédé leurs droits à Claude Gaigneron, leur frère, et que le cinquième revenant à Louise-Marguerite Gaigneron est resté indivis; Que, dès lors, cet acte, n'ayant pas eu pour effet de faire cesser l'indivision entre tous les cohéritiers, ne peut être considéré comme un acte de partage; Et attendu qu'en déclarant résolu, faute de paiement du prix, l'acte par lequel les dames Mayol, Dubuisson et Crâne avaient vendu leurs droits à leur frère, en déclarant également résolue la vente sur licitation du 19 juill. 1831, l'arrêt attaqué n'a violé ni les art. 883 et 887 C. Nap., ni aucune autre loi; REJETTE.

CASSATION (5 janvier 1853). ENREGISTREMENT, SOCIÉTÉ, APPORT D'IMMEU BLES, TRANSMISSION DE PROPRIÉTÉ, LIQUIDATION ULTÉRIEURE, DROIT DE MUTATION. Lorsque l'adjudicataire d'un immeuble qu'il n'a pas payé s'est associé deux autres personnes pour l'exploitation de cet immeuble, avec la condition expresse, réalisée ultérieurement en partie, que chacun des associés paiera son tiers dans le prix, il y a eu, à ce moment même, transmission de la propriété de l'immeuble pour un tiers au profit de chacun des deux associés non adjudicataires; et, dès lors, l'attribution qui leur est faite plus tard de ce tiers lors de la liquidation de la société, n'opérant plus transmission de propriété, ne saurait donner ouverture au droit de mutation (1). L. 22 frim. an VII, art. 68, § 3, no 2; et 69, § 7, n° 1.

s'il

(1) Une jurisprudence constante décide que, n'a été perçu aucun droit proportionnel à raison de

l'apport, par l'un des associés, d'un immeuble dans de partage attribue cet immeuble à un associé autre la société, il y a ouverture à ce droit lorsque l'acte que celui qui l'a apporté. V. Cass. 9 nov. 1842 (t. 2 1843, p. 54), et le renvoi, 14 avril 1847 (t. 1 1847, p. 713); Déc. min. fin., 8 déc. 1807, et 3 oct. 1828; -Rép. gén. Journ. Pal., v° Enregistrement, nos 3363 et suiv. Néanmoins toutes ces décisions supposent que c'est au moment même du partage que s'opère la transmission de propriété au profit de l'associé. Mais quand cette transmission a eu lieu en faveur de la société, ou, ce qui revient au même, en faveur de chacun des autres associés au moment même de l'apport; il y a eu vente ou donation actuelle au profit de la société ou des coassociés, et c'est à cette époque que le droit proportionnel était exigible eu égard à la nature du titre. V. Cass. 8 mars 1842 (t. 1 1842, p. 566) 1850, p. 117); Déc. min. fin., 29 thermid. an XII; 18 août 1842 (t. 2 1842, p. 716), 30 janv. 1850 (t. 1 Délib. 23 janv. 1835.

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V.. au surplus, Rep. gen. Journ. Pat., eod. verbo, nos 1824 et suiv., 1828 et suiv. Dans l'espèce de l'arrêt que nous rapportons il y avait eu transmission de propriété au moment même du contrat, puisqu'il y avait eu vente au profit des coassociés du sieur de Montburon, au moyen buer au paiement du prix, chacun pour un tiers. Le de l'engagement que ceux-ci avaient pris de contripris de la chose apportée en société consistait dans le paiement de la somme due au vendeur du sieur de Montburon. Le droit proportionnel était donc

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