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en usufruit, en tant que cette donation ferait ob- | du marquis, mort en 1845, laissant pour héritiers stacle à l'exécution de celle qui était présente ses trois fils, Sosthènes, Adolphe-Gustave et Gusment faite à son fils.- Néanmoins, lors du décès tave-Adolphe, sa veuve déclara formellement, quart d'usufruit; car ce second quart d'usufruit n'é- pas la même nature le premier n'a qu'une seule tant disponible que d'après l'art. 1094, le donner mesure, applicable à l'usufruit comme à la propriété; ainsi à un étranger serait faire bénéficier celui-ci de le second a deux mesures distinctes, l'une pour la cet art. 1094; or cet article ne peut jamais profiter propriété, l'autre pour l'usufruit. Ceci compris, à aucun autre que le conjoint. En vain vous essaie-analysons et apprécions ce qui se passe dans l'ap riez de nier que c'est bien alors l'art. 1094 qui pro- plication du système de la Cour de cassation. fiterait à l'étranger, puisque, quoi que vous disiez, il restera toujours évident que, si cet art. 1094 n'existait pas, la seconde donation serait impossible.

» Ces idées ne sont-elles pas incontestables, et, par conséquent, la jurisprudence de la Cour de cassation parfaitement juridique quant à son principe? Mais si ce principe, que les adversaires de cette jurisprudence ont grand tort d'attaquer, se trouve irréprochable, en est-il de même de l'application que la Cour en fait à notre cas particulier? Non, certes. Autant il est certain que le principe est vrai, autant il est certain aussi qu'il ne régit point les donations faites au conjoint en usufruit seulement, que celles ci sont toujours imputables, de par la loi même, sur le disponible extraordinaire de l'art. 1094, et que, si l'époux laissant trois enfants ne peut plus, quand il a d'abord donné à son conjoint un quart de pleine propriété, donner à un autre le second quart d'usufruit de l'art. 1094, il peut très bien, quand il a d'abord donné au conjoint une moitié d'usufruit, donner ensuite à un autre le quart de nue propriété de l'art. 913.-C'est pour n'avoir pas fait cette distinction que la Cour suprême, d'une part, et d'autre part la majorité des auteurs et les Cours d'appel, sont arrivés aux deux extrêmes opposés; et c'est quand le temps et l'étude l'auront fait penétrer dans les esprits, que ces deux erreurs disparaîtront pour faire enfin place à la vérité, qui se trouve entre elles in medio veritas. Justifions cette distinction en établissant qu'elle n'est point imaginée arbitrairement, mais écrite au contraire dans les textes mêmes du Code.

:

» D'après ce système, le juge qui se trouve en présence de deux donations faites par un défunt laissant trois enfants ou davantage, et dont la première en date attribue moitié en usufruit au conjoint, puis la seconde un quart de nue propriété à l'un des enfants, ce juge peut, ou plutôt doit, sous peine de voir sa décision cassée, prendre la donation d'usufruit non pas pour ce qu'elle est, c'est-à-dire donation d'usufruit, mais pour ce qu'elle n'est pas, c'est-à-dire donation de pleine propriété, en faisant l'évaluation de ce que vaut en pleine propriété l'usufruit donné, évaluation dans laquelle il doit toujours (à moins que des circonstances particulières lui permettent de prendre par exception une base différente) donner la même valeur à l'usufruit et à la nue propriété, en d'autres termes compter la propriété pleine pour le double de l'usufruit, de sorte que la donation de moitié d'usufruit sera fictivement transformée en donation d'un quart de propriété. Cette opération une fois faite, le reste va de soi: on dira, d'après les principes exposés plus haut, que le défunt ayant donné d'abord à son conjoint un quart de propriété, et cette quotité prenant tout ce que l'art. 913 lui permettait de donner, la donation qu'il a faite à son enfant se trouve dès lors nulle.

» Tel est le système de la Cour de cassation. Or quoi de plus abusif, quoi de plus contraire tout à la fois, comme le disait le jugement de Lectoure, à la loi, à la raison et à la volonté manifeste du donateur, que l'opération par laquelle ce système débute? Comment! vous êtes en face d'une première donation d'usufruit, que le défunt a faite en usufruit. parce qu'il avait ses raisons pour la faire ainsi et que la loi le lui permettait formellement, et voilà que, pour le plaisir de déclarer nulle une libéralité postérieure (que, sans cet étrange procédé, vous seriez forcé de reconnaître valable), vous ne trouvez rien de mieux que de dénaturer cette donation, et de la transformer fictivement en donation de propriété!... Comment! vous avez deux donations que vous trouverez valables l'une et l'autre, si vous les prenez telles qu'elles sont; et vous vous empressez de prendre la première pour ce qu'elle n'est pas, afin de pouvoir annuler la seconde ! Non seulement c'est un arbitraire tellement flagrant et d'un degré tel, qu'on a vraiment peine à y croire même en le

» Quand on compare la disposition de l'art. 1094 avec celle des art. 913-917, on y trouve une différence bien remarquable pour ce qui concerne le disponible en usufruit. Dans les art. 913-917, le disponible est en usufruit le même qu'en propriété celui qui peut donner moitié en pleine propriété ne peut donner aussi que moitié en usufruit; celui dont le disponible en pleine propriété n'est que d'un quart ne peut pas dépasser ce quart, alors même qu'il ne donne rien que de l'usufruit. Il est très vrai que, quand la disposition d'usufruit est excessive, la réduction à laquelle il y a lieu ne s'opère pas d'après les règles ordinaires; la loi, qui a voulu proscrire les évaluations de l'usufruit à cause de leur incertitude (et ce fait est important à noter), coupe court à toute dispute sur la valeur de cet usufruit par rap-voyant se réaliser chaque jour; mais cet arbitraire port à la propriété, en donnant simplement au réservataire le choix d'exécuter en entier la donation excessive ou de retenir l'usufruit donné en y substituant tout le disponible en propriété. Mais quelle que soit ici la sanction de l'excès, il n'en est pas moins vrai que l'excès existe dès là qu'on a donné en usufruit plus qu'on ne pouvait donner en propriété. Dans l'art. 1094 il en est autrement: le disponible en usufruit dépasse de beaucoup le disponible en propriété. Celui qui peut donner en propriété trois quarts ou moitié parce qu'il n'a que des ascendants, soit dans une seule ligne, soit dans toutes deux, pourra donner en usufruit la totalité, et celui qui ne peut donner en propriété qu'un quart, parce qu'il a trois enfants ou davantage, pourra donner en usufruit moitié.... Ainsi le disponible du chap. 3 et celui du chap. 9, en dehors même de leur étendue différente selon les cas, ne sont pas organisés de la même manière et n'ont

est d'ailleurs d'autant plus contraire à tous les principes, que, tandis qu'on doit toujours interpréter et expliquer les actes de manière à en conjurer autant que possible la nullité, potius ut valeant quam ut pereani, ce procédé a ici pour but, au contraire, de procurer la nullité d'un acte qu'on sera forcé d'avouer valable, si l'on reste dans la vérité des faits. Ainsi, lorsque la Cour, dans l'arrêt du 21 juil.1813 dont nous avons déjà parlé (aff. Hocquart), se trouvait vis-àvis d'une donation de moitié d'usufruit faite à un second conjoint en présence d'enfants d'un premier lit, l'application de son procédé était parfaitement légale, puisque, le conjoint ne pouvant pas alors recevoir cette moitié d'usufruit (art. 1098), la donation était excessive et devait être ramenée, d'après l'art. 917, au quart de propriété disponible: l'évaluation et transformation de la moitié d'usufruit au quart de propriété, et, par suite, la déclaration de nullité de la donation postérieuré, n'étaient alors que l'ap

à plusieurs reprises, accepter la donation d'usu- | ne part, puis son fils aîné d'autre part, elle confruit à elle faite en 1807; et dans l'instance qui clut à ce que, sans avoir égard à la donation faite s'engagea, entre elle et ses deux jeunes fils d'a- à celui-ci en 1832 et à la renonciation par elle plication des art. 1098, 917 et 913. Mais quand le à un simple usufruit, loin de se faire ici par hasard, conjoint donataire est le second auteur des enfants, y est le résultat d'une intention très réfléchie, d'une que la règle à suivre se trouve dès lors, non plus volonté bien préméditée et profondément mûrie, dans l'art. 1098, mais dans l'art. 1094, et que par d'un calcul que le donateur a fait précisément et tout conséquent le disponible ouvert pour ce conjoint exprès pour se réserver, après sa donation au conn'est plus seulement du quart de propriété, mais joint, la disponibilité de la nue propriété que l'art. aussi de moitié d'usufruit, la donation à lui faite de 913 lui permet de donner à tout autre. On en a la cette moitié d'usufruit n'a donc rien d'illégal, rien preuve par l'extrême fréquence, dans les contrats d'excessif, elle est parfaitement valable telle qu'elle de mariage, de ces donations d'usufruit au futur est faite, et c'est par conséquent violer la loi et briser conjoint. Ainsi, chose bien remarquable, des nomtous les principes que de transformer cette donation breux arrêts cités plus haut et qui, avec les cinq qui d'usufruit en donation de propriété, pour enlever au sont ici recueillis, s'élèvent au nombre de quarante, disposant l'autre disponible du quart de nue pro- trente-neuf ne présentent que des donations d'usufruit, priété qu'il s'était réservé lors de cette première do- un seul (celui de Cass. du 18 nov. 1840) présente une nation et qu'il a ensuite attribué, d'après l'art. 913, donation contenant de la propriété! Toutes les fois à un second donataire.-En deux mots, il est évi- qu'on rencontre une espèce présentant la question dent que l'art. 1094 permet à l'époux laissant trois du concours des deux disponibles, on est presque enfants ou davantage de donner à son conjoint, se- toujours sûr d'avance que la donation du conjoint cond auteur de ces enfants, soit un quart de nue n'est qu'en usufruit! Que les magistrats de la Cour propriété, soit un quart ou une moitié d'usufruit, suprême et ceux des Cours d'appel qui suivent son avec ou sans ce quart de nue propriété; il est bien fâcheux système aillent lire leurs propres contrats évident aussi que c'est au disposant que le choix de mariage, ceux de leurs enfants, de leurs parents appartient à cet égard, qu'il est parfaitement libre et amis ils y verront les conjoints se donnant de de donner à son conjoint telle partie ou telle au- l'usufruit presque toujours, de la propriété presque tre partie de son disponible, et que sa donation jamais. Or pourquoi cela, sinon par la volonté, aussi devra toujours s'exécuter telle qu'elle sera faite, du naturelle que légitime assurément, de se réserver moment qu'elle le sera conformément à la loi et pour l'avenir le disponible en propriété? Quoi de dans les limites légales. Ceci posé, si l'époux a donné plus juste, en effet, de plus convenable, nous dirions au conjoint, soit un quart d'usufruit, soit un quart volontiers de plus nécessaire, que de permettre à de nue propriété, soit un quart de propriété plei- deux futurs époux de se témoigner leur attachement, ne, comme alors la disposition de la chose donnée et d'inaugurer leur union par des libéralités réciétait permise et par l'art. 913 et par l'art. 1094, on proquement faites dans leur contrat même, en se conçoit qu'il y ait dispute sur le point de savoir si réservant néanmoins de disposer encore plus tard la donation doit s'imputer sur le disponible ordi-d'une portion de leur patrimoine, soit pour récomnaire du premier article ou sur le disponible extra-penser l'enfant dont l'excellente conduite les aura ordinaire du second; et nous disons à cet égard, avec la Cour de cassation, que, des crédits supplé mentaires ne devant être entamés que quand les ressources ordinaires font défaut, c'est donc sur le disponible de l'art. 913 que la donation doit ici s'imputer. Mais quand le défunt a donné au conjoint une moitié d'usufruit, la question ne peut plus exister, puisque le disponible ordinaire ne contenant qu'un quart de cet usufruit, c'est nécessairement sur le disponible extraordinaire que le défunt a pris le second quart, en sorte qu'il est resté dans le premier une quote de nue propriété dont il a pu disposer ensuite au profit d'un autre. Tout ceci est bien évident. Car, encore une fois, et on ne saurait trop le répéter, nulle autorité au monde ne peut, pour enlever à un donateur une partie de son droit de disposition et dépouiller un donataire du bien qui lui est dûment donné, transformer arbitrairement en donation de propriété la libéralité que son auteur a faite en usufruit, tenant positivement à la faire ainsi, et alors que la loi le lui permettait formellement.

consolés de l'inconduite de ses frères ou sœurs, soit pour laisser de quoi vivre à un vieux parent tombé dans la misère, soit pour reconnaître le généreux dévoûment d'un ami? Les futurs époux ne peuvent pas deviner, dès le début de leur carrière, les mille causes qui pourront, dans vingt ou trente années, les solliciter à une donation; ils ne peuvent pas, à l'avance, apprécier la conduite, la position, les droits ou les besoins d'enfants qui ne sont pas encore nés et que peut-être même ils n'auront jamais; et pourtant, c'est aujourd'hui même, c'est dans leur contrat que les convenances ou plutôt les nécessités de leur position leur commandent de s'assurer les avantages qu'ils veulent se faire. Il était donc indispensable, absolument indispensable, de donner aux époux le moyen de s'avantager immédiatement en dehors du disponible ordinaire, et en conservant ce disponible ordinaire pour les éventualités de l'avenir. C'est ce qu'a parfaitement senti le législateur lorsque, dans l'art. 1094, il est venu ajouter de l'usufruit au disponible ordinaire de la propriété: on » Nous disons que l'époux qui, dans les circon- ne peut pas douter de sa pensée à cet égard quand stances dont il s'agit, n'a donné que de l'usufruit à on le voit, un peu plus loin, dans l'art. 1098, alors son conjoint, tenait positivement à ne lui donner qu'il ne s'agit plus que d'un second conjoint auquel que de l'usufruit, et nous devous faire à ce sujet on donne en présence d'enfants d'une précédente une remarque importante. Sans doute le seul fait union, se faire aussi avare qu'il était libéral dans que la donation est toute en usufruit, et que la loi, le premier cas, et supprimer cette extension de l'upar l'art. 1094, permettait de la faire ainsi, ce seul sufruit pour revenir rigoureusement au disponible fait commanderait déjà de ne la traiter qu'en dona- ordinaire, qu'il restreint même encore... Mais puistion d'usufruit, alors même que ce serait sans des- qu'il en est ainsi, puisque des donations en usufruit sein et comme par hasard que le disposant aurait faites au conjoint préliminairement, et avec réserve donné de l'usufruit plutôt que de la propriété; du disponible en propriété pour les éventualités de en sorte que la jurisprudence de la Cour de cassa- l'avenir, sont une chose si fréquente, une chose que tion se trouverait arbitraire et illégale par cela seul le cours ordinaire et forcé des choses rend si néceset en dehors de toute autre observation. Mais une saire, et que les rédacteurs du Code ont si bien comchose aggrave singulièrement ici l'arbitraire et l'il-prise et si sagement facilitée, rien n'est donc plus légalité que nous signalons : c'est que la restriction contraire, tout à la fois, à l'esprit de la loi comme

JOURNAL DU PALAIS.

consentie à la même époque, lesquelles seraient
déclarées nulles et non avenues, la succession
fût partagée par égales portions entre ses trois
à son texte, à la volonté manifeste des donateurs,
à la raison et aux nécessités sociales elles-mêmes,
que la transformation fictive et arbitraire de ces
donations d'usufruit en donations de propriété.

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enfants.-Sur ce, jugement du tribunal civil de la Seine, et arrêt confirmatif de la Cour de Paris du 8 janv. 1848, qui maintiennent les deux do1831 et de 1833, Proudhon, Toullier, et même M. Vazeille, l'un de ceux qui enseignent le plus formellement que l'époux qui a d'abord donné moitié d'usuquart de nue propriété. fruit peut très bien donner ensuite à un autre le de dr., dial. 135), suit, il est vrai, complétement le système de la Cour de cassation; mais, loin de trai- M. Coulon, enfin (Quest. ter la question, il ne l'a pas même vue, puisque le point qu'il déclare traiter, et qu'il traite en effet (t. 3, p. 521), c'est celui de savoir si l'époux qui a épuisé le disponible de l'art. 913, au profit de son conjoint, peut encore donner à un autre; ce qui n'est ni notre question ni une question. Quant au point de savoir si l'époux placé dans notre hypothèse a, oui ou non, épuisé ce disponible, M. Coulon ne l'examine pas, et c'est en la supposant résolue affirmativement (p. 525), par une prétérition fort étrange, qu'il en conclut l'impossibilité de la seconde donation.

» Rien n'est donc plus manifeste, selon nous, que le droit, pour l'époux qui, ayant trois enfants ou davantage, a d'abord donné moitié d'usufruit à son conjoint, de donner ensuite à tout autre un quart de nue propriété; et il faut, en effet, qu'il soit bien incontestable, quoi que dise la Cour de cassation, pour qu'il n'ait jamais été nié par aucun auteur, et que, parmi tant de jurisconsultes qui ont écrit sur le Code, il ne s'en soit pas trouvé un seul qui admît la solution contraire de cette Cour. Pas un seul, disons-nous: car, tandis que MM. Guilhon, DuportLavillette, Vazeille, Benech, Pont, Molinier et Valette professent à cet égard le principe diamétralement contraire à celui de la Cour, la doctrine intermédiaire que nous venons d'exposer est celle qu'admettent, au moins implicitement, non seulement cassation n'a pour elle l'autorité d'aucun auteur. Et » Il reste donc vrai que la doctrine de la Cour de Toullier et Rolland de Villargues, mais aussi MM. comment, en effet, un homme dégagé de toutes préProudhon, Duranton et Coin-Delisle, que l'on cite ventions et libre de tous précédents pourrait-il adopter si souvent, mais bien à tort, comme partageant le système de la Cour de cassation. un système qui trouve sa condamnation dans la mabien loin que Proudhon ait jamais dit nulle part que tiver? Qu'on lise les motifs de notre arrêt Chanaleilles Ainsi d'abord, nière même dont la Cour suprême est réduite à le mol'époux qui, dans notre cas, a d'abord donné moitié d'usufruit à son conjoint, ne peut plus donner à un sur le premier moyen du premier pourvoi, et on autre le quart de nue propriété, il présente bien tion, ils n'y touchent même pas. Il s'agissait, en verra que, loin de discuter logiquement notre quesplutôt l'idée contraire par induction, puisque d'une effet, de savoir si la donation faite au conjoint épuipart il n'admet jamais l'estimation de l'usufruit en nue propriété que dans les cas où cette estimation sait ou non le disponible de l'art. 913. Or l'arrêt se se trouve rendue nécessaire et forcée par la nature contente de dire, en substance: « Attendu que c'est des choses, ainsi qu'elle l'était dans l'arrêt Hocquart »rise l'extension du disponible de l'art. 913; qu'ainsi >> seulement en faveur de l'époux que l'art. 1094 autodu 21 juillet 1813 (Traité de l'usufruit, no 359, alinéas 5 et 6, 10 à 14, 17; no 360, alinéa 7), et >> la disposition faite en second lieu à l'enfant ne peut que, d'autre part, il ne présente la quotité ordi>> valoir lorsque celle faite précédemment au conjoint a énaire de l'article 913 comme épuisée, et dès lors » puisé ce disponible; d'où il suit qu'en déclarant nulle Loute donation ultérieure à un étranger comme im- » père, alors que la portion disponible de celui-ci se trou>> la donation faite à Sosthènes de Chanaleilles par son possible, qu'autant que la donation faite d'abord au conjoint serait ou d'un quart en propriété et d'un au»vait absorbée par la donation faite à sa femme, l'arrêt tre quart en usufruit, ou du moins du quart en propriété >> attaqué a justement appliqué les art. 913 et 1094. » (Ibid., no 358, dern. alin.). C'est bien reconnaître Ainsi la question est : la donation de moitié d'usufruit au qu'il en serait autrement si cette première donation pour justifier sa thèse de l'épuisement, nous dit conjoint ABSORBE-T-ELLE LE DISPONIBLE? Et la Cour, n'était que de moitié d'usufruit, sans contenir de la Attendu que cette donation ABSORBE LE DISPONIBLE! II propriété.-M. Duranton (t. 9, nos 794, 796), quoi- serait difficile d'imaginer une plus belle et plus que plus incomplet encore que Proudhon, donne franche pétition de principe. Les motifs des arrêts lieu cependant à la même induction. Cet auteur❘ portant cassation sont, non pas plus faibles (c'est imdit bien que, quand il y a épuisement du dispo- possible, puisque ceux-ci ne font que résoudre la pible ordinaire par la donation d'abord faite au question par la question même, et sout par conséconjoint, on ne peut plus rien donner ensuite à au- quent nuls), mais plus étranges encore. Qu'on lise cun autre; mais c'est aussi ce que nous disons nousmême, et la question est précisément de savoir on verra qu'ils se réduisent à ceci : « Attendu que les motifs des deux arrêts précités du 7 mars 1849, quand est-ce que ce disponible ordinaire est épuisé; » quand le disponible de l'art. 913 se trouve ab or, tandis que M. Duranton, ainsi que nous-même, le regarde comme épuisé quand la donation anté» sorbé par la libéralité faite au conjoint, le droit rieure du conjoint porte sur le quart de propriété, il » attendu que les juges d'appel n'ont pas déclaré >> du disposant est épuisé à l'égard de tous autres; n'est pas un passage où il en dise autant de la dona-» que la moitié d'usufruit donnée au conjoint N. tion de moitié d'usufruit; il laisse même entendre le » n'était point l'équivalent du quart de pleine procontraire. - Pour ce qui est de M. Coin-Delisle (art. 1094, no 16), il est bien vrai qu'il approuve » priété, et que par conséquent ils ont, en validant les trois arrêts de cassation, 7 janv. 1824, d'Agen, » la donation postérieurement faite à un enfant, 30 août 1831, et de Limoges, 26 mars 1833, qui pro» violé l'art. 913, casse.» Ces arrêts reposent done noncent tous trois sur des donations d'usufruit; principe et à moins de circonstances exceptionsur ces deux propositions: 1o qu'un usufruit, en mais, d'une part, il les explique par cette circon- nelles, vaut toujours et nécessairement la moitié de stance exceptionnelle qu'il s'agissait de donations la pleine propriété; 2o que la donation de moitié faites en usufruit (et de la totalité de l'usufruit) avant d'usufruit, d'abord faite au conjoint, doit toujours le Code civil, et d'autre part, il semble si loin d'ad-être évaluée et fictivement transformée en donation mettre in petto la règle nette et absolue que les arrêts postérieurs de la Cour de cassation ont appliquée, qu'il cite, au contraire, comme étant en communauté de doctrine avec lui sur le principe dont il croit voir une application dans ces arrêts de 1824, de

sition (dont la discussion est ici surabondante) sede propriété. Or, alors même que la première propole voit par ce qui précède, doublement illégale : illérait parfaitement vraie, la seconde est, comme on gale en ce qu'elle prend pour principe une préten

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nations de 1807 et de 1832, en ordonnant que la marquise de Chanaleilles aura, sa vie durant, son usufruit de moitié des biens, et que le fils aîné recueillera son quart de préciput en nue propriété, pour n'en avoir la jouissance qu'au décès de sa mère.

faite en 1832 à sa donation de 1807, en tant que cette renonciation serait utile pour faire valoir la donation du quart de propriété faite à son fils aîné. Celui-ci, de son côté, conclut, comme il l'avait fait à Paris, à ce que, dans le cas où sa donation serait déclarée nulle, sa mère fût déclarée garante envers lui, à raison de la renonciation passée par elle, et tenue dès lors de l'indemniser.-C'est en cet état de choses qu'est

Pourvoi par les frères de Chanaleilles pufnés; et, le 7 mars 1849, arrêt de la Cour de cassation qui, persistant dans sa jurisprudence sur la question du concours des deux quotités dé-intervenu l'arrêt d'Orléans du 28 déc. 1849, leterminées par les art. 913 et 1094 C. Nap., annule la décision de la Cour de Paris par le motif que la donation de moitié d'usufruit faite en 1807 était même chose qu'une donation d'un quart en pleine propriété ; que dès lors cette donation avait épuisé la quotité disponible du feu marquis de Chanaleilles, et qu'ainsi la donation faite par celui-ci à son fils aîné, en 1832, était nulle.

Devant la Cour d'Orléans, où l'affaire avait été renvoyée, la marquise de Chanaleilles, changeant de système, renouvela, tant par acte signé au greffe du tribunal de la Seine que par une requête d'intervention, la renonciation par elle

due nécessité d'estimation de l'usufruit dans les calculs du disponible, tandis que la loi pose, au contraire, comme principe fondamental en cette matière, la proscription de cette estimation, proscription tellement sévère, que du moment qu'une libéralité d'usufruit dépassera le disponible d'usufruit, il faudra d'après la loi, si minime que l'excès puisse être, choisir entre l'exécution complète de la libéralité et l'abandon complet du disponible de propriété, afin d'éviter l'estimation (art. 917); illégale encore, et non plus seulement illégale, c'est-à-dire contraire à la loi, mais encore contraire à toutes les règles de la

quel déclare nulle, comme venue après épuisement de la quotité disponible, la donation faite au fils en 1832, nulles également les deux renonciations faites par la mère en 1832 et en 1849 à sa donation de 1807, et déboute le fils de son recours en garantie contre sa mère.

Cet arrêt a été frappé de deux pourvois, formés l'un par M. Sosthènes de Chanaleilles, l'autre pår Mme de Chanaleilles.

Le pourvoi de M.de Chanaleilles reposait sur quatre moyens:

Premier moyen.-Violation de l'art. 913 et violation de l'art. 1094 C. Nap.-La loi, disait-on, permet par ces deux articles au père de trois enfants de donner à qui bon lui semble le quart en propriété de ses biens, et à son conjoint la moitié en usufruit de ces mêmes biens, et tout le monde reconnaît que, s'il avait commencé par donner le quart en pleine propriété à son enfant ou à un étranger, il pourrait encore donner à son conjoint le second quart d'usufruit. Or qu'importe l'ordre des donations? Qu'importe que le disposant ait donné à l'enfant ou à l'étranger d'abord et au conjoint ensuite, ou qu'il ait commencé par le conjoint pour finir par l'aujustice et de la raison, en ce que pour arriver à une tre? Le résultat n'est-il pas le même, et ne s'aannulation d'acte, elle traite en donation de pro- git-il pas dans les deux cas d'une moitié en usupriété une simple donation d'usufruit, que son au- fruit, plus un quart de la nue propriété? L'arrêt teur a tenu à faire en usufruit, et que la loi lui per- a donc violé les articles précités en refusant son mettait expressément de faire en usufruit. Où trou-effet à la donation de 1832. ver, en vérité, une décision plus illégale et entachée d'un arbitraire plus abusif, d'un excès de pouvoir plus manifeste que l'arrêt qui revient à dire : Al-Nap. et fausse application des art. 1395, 791 et tendu que les juges d'appel ont pris et apprécié la donation du conjoint telle qu'elle ÉTAIT ET QUE LA LOI PERMETTAIT QU'ELLE FUT, au lieu de la dénaturer, la

Cour CASSE l'arrét!

» Si donc le système suivi depuis vingt-neuf ans par la Cour de cassation sur cette question du concours des deux quotités disponibles est exact, et critiqué à tort par MM. Benech, Pont et autres, toutes les fois que la donation faite au conjoint ne porte que sur un objet compris dans le disponible de l'art. 913, il est faux, au contraire, quand cet objet est la moitié d'usufruit rendue disponible par l'art. 1094; et la jurisprudence de la Cour ne saurait manquer, sous ce rapport, d'être répudiée tôt ou tard. Il ne s'agit pas ici, en effet, comme naguère dans une dissertation où M. Pont (Journ. Pal., t. 2 1852, p. 513) combattait la Cour de cassation, M. Tro plong et nous (et à laquelle nous répondrons prochainement dans la Revue critique), d'une critique qui n'a pour elle que la conviction erronée de son auteur, et qui se trouve forcée de combattre jusqu'au texte même du Code en exhumant une erreur condamnée depuis trois siècles; ici c'est la raison même qui parle avec la loi,comme l'a dit le tribunal de Lectoure; c'est la raison, qui dit que quand une donation a pu légalement se faire telle qu'elle est, il faut dès lors la prendre telle qu'elle est.

>>V. MARCADE. »

Deuxième moyen.-Violation de l'art. 1134 C..

1130 du même Code, en ce que la Cour d'Orléans a déclaré nulle la renonciation faite par la marquise de Chanaleilles dans le contrat de mariage de son fils en 1832.-L'art. 1395, disait le demandeur, a bien pour objet d'imprimer le caractère d'immutabilité aux conventions commutatives du contrat de mariage et même aux libéralités qu'il contient, en ce sens que le donateur ne puisse plus les révoquer par sa volonté unique; mais cet article ne saurait interdire au donataire de se désister du bénéfice de ces mêmes libéralités : car renoncer, surtout au profit d'une tierce personne, à une libéralité conventionnelle, c'est exécuter la convention, loin de la changer; c'est user, à l'avantage du tiers, du droit qu'on tenait du contrat. Quant aux art.791 et 1130, ils proscrivent bien les stipulations relatives à des successions non ouvertes, c'est-àdire à des droits héréditaires; mais elles n'interdisent pas celles qui touchent seulement à des droits conventionnels. Une convention peut toujours révoquer une précédente convention. C'est ce que décide formellement un arrêt d'Agen du 12 mai 1848 (t. 2 1848, p. 216), jugeant que « les art. 791 et 1130 C. civ. ne s'appli

quent évidemment qu'aux héritiers naturels, et non à ceux qui peuvent avoir des droits à exercer sur une succession à venir en vertu d'une concession faite en leur faveur. » On invoquait aussi dans le même sens des arrêts de cassation des 18 avril 1812, 11 nov. 1828 et 22 fév. 1831, puis un arrêt de Bordeaux du 30 juil. 1849 (t. 2 1850, p. 451). Done, disait-on, il y a fausse application des trois articles précités, et par cela même violation de l'art. 1134, qui déclare vala bles et efficaces toutes conventions légalement formées.

Troisième moyen. Violation du même art. 1134 et fausse application des art. 1350 et 1351 sur l'autorité de la chose jugée, en ce que l'arrêt attaqué a déclaré nulle également la seconde renonciation de la marquise de Chanaleilles, faite en 1849, tandis que cette renonciation, étant postérieure au décès du mari et portant sur une succession actuellement ouverte, était manifestement efficace. En vain l'arrêt invoque à cet égard les art. 1350 et 1351, puisque, s'il est vrai que l'arrêt de Paris était antérieur cette nouvelle renonciation et proclamait la qualité de donataire chez la marquise de Chanaleilles, il est évident aussi que cet arrêt n'avait plus force de chose jugée après avoir été cassé.

liquidation et le partage de sa succession, tant entre ses enfants qu'entre ceux-ci et sa veuve, l'arrêt attaqué a ordonné que la donation faite à la marquise de Chanaleilles en 1807 recevrait effet, et a déclaré nulle la donation faite à Sosthènes de Chanaleilles en 1832;

»Sur le premier moyen :- Attendu que l'art. 913 C. Nap. règle la mesure des libéralités permises au père de famille d'après le nombre d'enfants légitimes qu'il laisse à son décès et déclare qu'elles ne pourront excéder cette mesure; Attendu que c'est en faveur de l'époux seulement, et à l'exclusion de toutes autres personnes, que l'art. 1094, lorsqu'il existe des enfants, autorise l'extension exceptionnelle de la quotité déterminée par l'art. 913; qu'ainsi le cumul des deux quotités jusqu'à concurrence de la plus forte ne saurait avoir lieu lorsque la disposition autorisée par l'art. 1094, ayant précédé celle que l'art. 913 prévoit, a épuisé, dès l'instant de la libéralité faite au conjoint, la totalité de la portion disponible; d'où il suit qu'en déclarant nulle la donation par préciput faite à Sosthè nes de Chanaleilles par son père, alors que la portion disponible dans la succession de celuici se trouvait précédemment absorbée par la donation faite à la femme, l'arrêt attaqué, loin de violer les art. 913 et 1094 C. Nap., en a, au contraire, fait une juste application;

Quatrième et dernier moyen. Violation de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que la Cour d'Orléans n'aurait pas motivé son refus d'accorder au demandeur en cassation son re-nonciation de 1832 : Attendu que l'art. 1395 cours en garantie contre sa mère.

Le pourvoi de la marquise de Chanaleilles, ne faisait que reproduire une partie des moyens présentés par le pourvoi de M. de Chanaleilles son fils

>> Sur le deuxième moyen, qui concerne la re

C. Nap., qui veut que les conventions matrimoniales ne reçoivent aucun changement après la célébration du mariage, interdit aussi bien les changements indirects à ces conventions que les changements directs; — Attendu que la volonté de la loi, lorsqu'elle a garanti la fixité des con

Les défendeurs ont opposé à ce dernier pourvoi une fin de non-recevoir tirée du défaut d'in-ventions matrimoniales, a été d'assurer la paix térêt de madame de Chanaleilles. Au fond, ils ont développé les moyens que consacre l'arrêt de la Cour de cassation.

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LA COUR (après délib. en la ch. du cons.); Attendu la connexité;-JOINT les deux pourvois;

>> En ce qui touche le pourvoi formé par Sosthènes de Chanaleilles :- Attendu, en fait, que, par le contrat de mariage de Sosthènes de Chanaleilles, fils aîné, en date du 6 mai 1832, le marquis de Chanaleilles, son père, lui a fait donation par préciput et hors part de tous les biens devant composer sa succession au jour de son décès;-Que la marquise de Chanaleilles, stipulant dans le contrat de mariage du 6 mai 1832, a renoncé au bénéfice de la donation à elle faite par son mari, en tant qu'elle porterait atteinte à la donation présentement faite par celui-ci à leur fils commun, sous la réserve toutefois de son droit d'usufruit sur la portion préciputaire, objet de cette seconde donation; Que le marquis de Chanaleilles est décédé le 21 août 1845 laissant pour héritiers ses trois fils, et que des contestations s'étant élevées sur la

intérieure des familles et leurs droits acquis, en fermant toute espérance et toute attente de modifications postérieures, et en ne permettant pas de livrer aux discussions et à l'incertitude des volontés réciproques les conditions solennellement arrêtées sur la foi desquelles le mariage a été contracté; - Attendu que cette stabilité serait ébranlée s'il était permis au mari d'obtenir de sa femme que, à l'effet de concourir avec lui aux avantages par lui conférés sur sa succession future à l'un des enfants du mariage, elle renoncât sur la même succession à une partie des avantages dont l'expectative lui est assurée en vertu d'une donation à elle faite par son mari dans son contrat de mariage; qu'un tel usage de l'autorité maritale est un des résultats que la loi a voulu empêcher en attachant aux conventions matrimoniales le caractère d'immutabilité; d'où il suft qu'en annulant la renonciation faite éventuellement par la marquise de Chanaleilles dans le contrat de mariage de son fils Sosthènes, en garantie de la donation faite par son mari à ce même fils dans le même contrat, l'arrêt attaqué a sainement appliqué l'art. 1395 C. Nap.;

» Attendu que cette renonciation est encore nulle sous un autre rapport, comme contraire aux art.791 et 1130C. Nap.;-Attendu que la femme instituée par son contrat de mariage donataire en usufruit de la moitié des biens que son mari

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