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expéditeurs était circonscrite dans les limites du même règlement, cette erreur ne peut être im putée qu'à elle-même, et est sans effet sur l'obligation du voiturier;-Que de ce qui précède il suit que l'appel interjeté par Weber contre la Compagnie est justifié;

» En ce qui concerne l'appel de la maison Schmitz, etc., contre Weber: Attendu que l'action de la maison Schmitz, etc., contre la Compagnie,et le recours de cette dernière contre Weber, étant fondés en droit, l'action directe de la maison Schmitz, etc., contre le voiturier Weber, se justifie par l'art. 1166 C. civ.;-Que, dès lors, Weber doit être condamné envers la maison Schmitz, etc., à payer la somme à la quelle il sera tenu envers la Compagnie;

ses expédiées par le chemin de fer ne peut réclamer, en cas de perte, que la valeur de 20 thalers par quintal, à moins qu'il ne les ait assurées spécialement pour une somme plus élevée; il n'y avait pas eu d'assurance particulière dans l'espèce, et, par conséquent, le demandeur ne pouvait réclamer, d'après cette base, que la somme de 7 thalers 18 gros pour son ballot pesant 38 livres.

Le 27 sept. 1850, jugement qui condamne la Compagnie à payer au demandeur la totalité de la somme réclamée. Ce jugement est ainsi motivé en droit.

«Attendu que la Compagnie défenderesse s'ap puie surtout sur ce qu'elle soumet aux expédìteurs des formulaires de lettres de voiture pour >> Par ces motifs, -MET au néant l'appel prin- être par eux remplies; sur ce que ces formucipal et l'appel incident; CONFIRME, etc.; RE- laires se réfèrent expressément aux conditions ÇOIT l'appel de Weber contre la Compagnie; é- de leur règlement, de manière que l'expéditeur, mendant, le Décharge de la condamnation deen signant la lettre de voiture, se soumet aux 777 thalers et réduit cette somme à 13 thalers conditions de ce règlement; Attendu qu'il 18 gros; REÇOIT également l'appel de la maison est vrai que l'art. 98 C. comm., qui déclare les Schmitz, etc., contre Weber; CONDAMNE ce commissionnaires qui se chargent d'un transdernier à payer directement à cette maison la port par terre ou par eau garants des avaries ou somme de 13 thalers 18 gros, laquelle sera im- pertes des marchandises et effets, lui permet de putée sur celle de 777 thalers à laquelle la stipuler le contraire dans la lettre de voiture; Compagnie a été condamnée envers la maison Schmitz, etc., etc. »>

CASSATION BERLIN (16 mars 1852).

VOITURIER, CHEMIN DE FER, PERTES, RESPONSABILITÉ, CLAUSE RESTRICTIVE. La clause, insérée dans une lettre de voiture ou imprimée dans un règlement de transport auquel renvoie la lettre de voiture, que, sauf le cas d'une assurance spéciale, le voiturier ne sera responsable que jusqu'à concurrence d'u ne somme déterminée en cas de perte des objets transportés, est valable et n'est contraire à aucune loi (1).

Cette règle s'applique aux transports effectués par chemin de fer (2). C. comm. 103; L. 3 nov. 1838, § 25.

COMPAGNIE DU CHEMIN DE FER RHÉNAN
C. MATHÉE.

Le 24 mars 1850, le sieur Mathée remit à l'administration du chemin de fer rhénan, à Aix-laChapelle, un ballot de coton, pesant 38 livres, pour être expédié à l'administration du chemin de fer de Minden à Deutz. Ce ballot n'arriva pas à sa destination. Il est avoué entre parties qu'il s'est égaré à la station de Cologne.-Le 31 juil. 1850, le sieur Mathée fit assigner la Compagnie du chemin de fer rhénan devant le tribunal de commerce de Cologne en paiement de la valeur de ces marchandises, évaluées à 89 thalers 20 gros avec les intérêts et dépens.

La Compagnie se déclara prête à payer la somme de 7 thalers 18 gros, et conclut à ce que la demande fût déclarée non fondée pour le surplus. Elle se fondait sur le § 16 de son règlement pour le transport des marchandises, aux conditions duquel la lettre de voiture renvoyait, et d'après lequel le propriétaire de marchandi(1-2) V. Contr. Cologne, 29 janvier 1852 (qui précède). V. aussi la note qui accompagne cet arrêt.

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Mais attendu que la Compagnie défenderesse qui effectue elle-même les transports dont elle s'est chargée appartient à la catégorie des voituriers; -Qu'aux termes de l'art. 103 C. comm. le voiturier est garant de la perte des objets à transporter, hors les cas de la force majeure; Que le § 25 de la loi du 3 nov. 1838 sur les entreprises de chemins de fer impose la même responsabilité aux compagnies de chemins de fer;

Que ces dispositions de la loi qui sont d'ordre public ne pouvaient pas être modifiées par le règlement inɣoqué par la défenderesse; Que, de même que la Compagnie défenderesse ne peut pas se soustraire en thèse générale à l'obligation de garantir de la perte des objets dont le transport lui a été confié, de même elle n'a pas le droit de restreindre sa garantie à une partie seulement de cette perte, etc. »>

Pourvoi en cassation par la Compagnie du application des art. 6, 1133, 1134 et 1172 C. chemin de fer rhénan pour violation et fausse civ., des art. 98, 101 et 103 C. comm. et du 25 de la loi du 3 nov. 1838.

Le tribunal de commerce, a-t-on dit dans suite de la lettre de voiture qui renvoie au § 16 son intérêt, n'a pas pu méconnaître que, par du règlement pour le transport, il s'est formé entre les parties un contrat, d'après lequel l'indemnité, en cas de perte des objets à transporter, ne pouvait pas dépasser le taux de 20 thalers par quintal. Mais, parce que l'art. 103 C. comm. déclare le voiturier, à la seule exlement responsable de la perte des objets à ception des cas de la force majeure, généra1838 impose la même obligation aux compatransporter, et que le § 25 de la loi du 3 nov. guies de chemins de fer, le tribunal de commerce cette obligation de garantie n'a pas pu être moest arrivé à l'inconcevable conséquence que difiée par des conventious particulières, par le motif qu'elle est d'ordre public. Cependant il est

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hors de doute que les dispositions de la loi sur | afin d'écarter le doute qui aurait pu s'élever les effets des conventions n'ont qu'un caractère sur la question de savoir si ces articles doivent subsidiaire; qu'il est permis de stipuler d'autres s'appliquer au transport par les chemins de fer; conditions et d'autres effets que ceux établis par mais ce paragraphe 25, pas plus que les articles la loi en cas de silence des parties. Les conven- cités, ne contient une restriction de la faculté tions légalement formées tiennent lieu de loi des parties de contracter librement comme elles à ceux qui les ont faites. (C. civ., art. 1134; l'entendent. Le tribunal de commerce a donc C. de comm., art. 101.) Il est vrai que la violé les articles cités dans le pourvoi, et son convention ne peut pas être contraire à une loi jugement doit être cassé. prohibitive, à l'ordre public, ni aux bonnes On répondait pour le défendeur : « Le pourmœurs. (C. civ., art. 6, 1133, 1172.) Mais la voi en cassation est basé sur la supposition que convention dont il s'agit dans l'espèce ne tou- la lettre de voiture forme le contrat entre les che en rien à l'ordre public. Une stipulation parties. Cette supposition n'est pas vraie en ayant pour objet d'affranchir l'une des parties ou fait. Le jugement attaqué ne reproduit pas les toutes deux de la responsabilité de leur propre stipulations de la lettre de voiture; il ne dit pas dol est contraire aux mœurs; mais il n'en est pas non plus si l'article 16 du règlement pour le de même d'une convention qui règle les effets transport doit être interprété comme le fait la de l'inexécution d'un contrat, que cette inexé- demanderesse en cassation, ni si le défendeur, cution ait lieu par suite de la faute ou sans la en signant la lettre de voiture, s'est soumis à faute du contractant. Une simple négligence, l'art. 16 de ce règlement. Il n'a pas été jugé en qui peut être commise même par le père de fa- fait que le défendeur a conclu une convention mille le plus soigneux, est excusable; or, les qui change l'étendue de la responsabilité de la objets à transporter peuvent être perdus ou en- Compagnie. Le défendeur en cassation a fondé dommagés, même sans qu'il y ait faute, par son action intentée devant le tribunal de comsuite d'une force majeure dont la preuve peut merce sur les comptes qu'il a fournis; et, si le cependant être difficile. Par l'article du règle-jugement du tribunal de commerce fait menment dont il s'agit, la Compagnie a donné aux expéditeurs le moyen de stipuler l'indemnité complète en cas de perte des objets, mais moyennant un prix de transport plus élevé. Par la signature de la lettre de voiture le demandeur a manifesté son intention de ne pas réclamer la valeur entière de sa marchandise en cas de perte; il y a donc eu convention valable entre lui et la Compagnie, et l'on ne conçoit pas pourquoi cette convention ne serait pas licite. Le droit romain aussi permet expressément aux parties de stipuler les effets de la faute (culpa) et de les régler autrement qu'ils ne le sont subsidiairement par la loi. La loi 23 D. De regulis juris, 50, 17 est très claire sur ce point. La L. 7 pr. D. Nauta, caupones, stabularii ut recepta restituant, 4, 9, contient un cas analogue à l'espèce; elle permet aux armateurs de stipuler par convention particulière qu'ils ne seront pas tenus des dommages qui pourront arriver aux effets des voyageurs, tandis que légalement ils sont tenus de ces dommages. L'art. 98 du Code de commerce donne la même faculté aux commissionnaires pour le transport par terre et par eau. Cet article n'est qu'une application du principe général qui permet aux parties de déroger aux effets légaux d'un contrat et de les déterminer comme elles l'entendent; il permet donc aussi d'attacher à la faute ou à la négligence, tant qu'elle ne peut pas être assimilée au dol, des effets autres que ceux que la loi y attache. Si donc l'art. 103 du C. de comm. ne répète pas et n'applique pas expressément aux voituriers la disposition de l'art. 98, il ne faut pas en conclure que cette disposition, qui d'ailleurs n'aurait pas eu besoin d'une sanction formelle, ne s'applique pas dans la même mesure au voiturier. Quant au § 25 de la loi sur les chemins de fer, il ne contient qu'une reproduction des art. 1784 du C. civ. et 103 du C. de comm.

tion de l'exception que la Compagnie a tirée de
l'art. 16 du règlement pour le transport, cette
simple mention ne constitue pas une décision
en fait. Mais il a été établi en fait que le ballot
de marchandises dont s'agit a été enlevé des
magasins de Cologne; que ce magasin est ou-
vert même aux heures où les magasiniers ne
sont pas de service, et que la place de gardien
de la station pendant la journée a été suppri-
mée pour des raisons d'économie. La deman-
deresse en cassation était donc évidemment en
faute lourde, in culpa lata, qui est assimilée au
dol. Dès lors il importe peu que les parties
aient dérogé par conventions particulières aux
règles légales sur la responsabilité ou non.
Au surplus, on ne peut pas hésiter à déclarer
que la stipulation qui limite l'indemnité est
contraire à l'ordre public, aux lois et à ce que
l'équité et l'usage entre négociants déterminent
en cette matière. (Art. 1135 C. civ.) - Les essen-
tialia contractus ne peuvent pas être changés par
les stipulations des parties. Or, ce qui forme l'es-
sence du contrat de louage de transport, c'est
l'obligation de transporter les marchandises d'un
endroit à un autre, et de payer l'équivalent ou
l'indemnité en cas de perte de ces marchandi-
ses. De même que les parties ne peuvent pas dé-
roger à l'obligation de transporter, sans détruire
ce contrat dans son essence, de même elles ne
peuvent pas déroger à l'obligation de payer l'in-
demnité en cas d'inexécution du contrat. (Art.
1779, 1782, 1785 et 1953 C. civ.) Cela résulte
encore de la différence entre les art. 98 et 103
C. comm. Le commissionnaire ou celui qui n'ef-
fectue pas lui-même le transport peut déroger à
la garantie; mais le voiturier ne le peut pas. Le
§ 25 de la loi du 3 nov. 1838 reconnaît aussi
que l'obligation d'indemniser est un essentiale
negotii; car, d'après cette loi, la Compagnie ne
peut se décharger de son obligation de payerles
dommages-intérêts qu'en prouvant, ou que le

.

dommage est arrivé par la faute de l'expéditeur, | avec l'expéditeur des marchandises sont licites ou par une force majeure. Il suit de là, per ar- et ne sont défendues par aucune loi; - Que gumentum a contrario, qu'une stipulation qui dès lors le tribunal de commerce, en déclarant dérogerait à cette obligation légale serait illi- en principe illégale la disposition du § 16 du cite, puisqu'on ne saurait admettre qu'une sem- règlement de transport de la demanderesse en blable stipulation devrait être placée sur la cassation, a faussement interprété les art. 103 même ligne que la propre faute de l'expéditeur. C. comm. et 1134 C. civ., et le § 25 de la loi du Enfin, il est contraire à l'ordre public qu'une 3 nov. 1838; Par ces motifs, CASSE et ANCompagnie de chemin de fer, qui a été autorisée NULE, etc.» dans l'intérêt public, abuse de son pouvoir pour imposer au public des conditions non seulement iniques, mais même illicites, et pour exercer de cette manière un véritable monopole. Les Compagnies savent très bien que, moyennant des clauses comme celle dont il s'agit dans l'espèce, le contrat bilatéral se transforme en un contrat unilatéral.

Du 16 MARS 1852, arrêt C. cass. Berlin, MM. Brewer rapp., Jaehnigen proc. gén.

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BOURGES (14 janvier 1853).
DEGRÉS DE JURIDICTION, SAISIE-EXÉCUTION,
OFFRES, DEMANDE EN VALIDITÉ, DOMMAGES-
INTÉRÊTS.

Est en dernier ressort le jugement qui statue sur
une demande en validité d'offres et en discon-
tinuation de poursuites exercées pour la somme
de 124f., quoique le débiteur ait en outre conclu
à 1600 fr. de dommages-intérêts pour répara-
tion du préjudice à lui causé par ces poursui-
tes. Les dommages-intérêts ne sont, en pareil
cas, qu'une défense à l'action principale ré-
sultant des poursuites intentées par le créan-
cier, demandeur véritable (1). L. 11 avril
1838, art. 2, § 3.

« LA COUR ; — Attendu qu'il s'agit uniquement d'examiner si la demanderesse en cassation pouvait se charger du transport du ballot en question sous la condition exprimée au § 16 de son règlement de transport, portant qu'en cas de perte des objets à transporter, l'indemnité due par la Compagnie est fixée à raison de 20 thalers par quintal, sauf le cas d'une assu(1) Avant la loi du 11 avril 1838, la jurisprudence rance spéciale; ou si une clause de cette nature, décidait que, pour fixer le ressort, il fallait cumuler la demande reconventionnelle avec la demande lorsqu'elle est intervenue entre les parties, soit principale. V. Rép. gén. Journ. Pal., vo Degrés de expressément, soit tacitement, doit être consi-juridiction, nos 476 et suiv. Toutefois, lorsqu'il dérée comme contraire aux lois sur la respon- s'agissait d'une demande reconventionnelle en domsabilité des voituriers, et par conséquent comme mages-intérêts, la jurisprudence distinguait le cas nulle et non avenue; Attendu que d'après où cette demande avait une cause antérieure à la l'art. 103 C. comm, et le § 25 de la loi du 3 nov. demande principale, de celui où elle était basée 1838, les Compagnies de chemins de fer sont, sur cette demande même, et, dans ce dernier cas, comme les voituriers en général, responsables sort. Pourtant cette distinction avait d'abord renelle n'en tenait aucun compte pour la fixation du resde la perte des objets à transporter, hors les cas contré une opposition qui fut promptement écarde la force majeure; — Qu'il est évident que le tée. En effet, le système contraire, consacré par quelparagraphe mentionné du règlement pour le ques arrêts seulement, avait un grave inconvénient: transport n'avait ni pour objet ni pour but de c'est qu'il dépendait entièrement du défendeur d'échanger ou de modifier les obligations que les chapper aux règles du dernier ressort par une delois citées imposent aux voituriers, et qu'il était mande reconventionnelle en dommages-intérêts mêdès lors inutile dans l'espèce de discuter la gen. Journ. Pal., eod. verbo, nos 522 et suiv., 547 et me dénuée de toute espèce de fondement.-V. Rep. question de savoir si ces obligations pouvaient suiv. être légalement changées ou modifiées par des stipulations particulières des parties; Que le paragraphe susmentionné ne dit pas que la perte des objets à transporter aura pour le voiturier des effets autres que ceux que la loi y attache, et notamment que ce paragraphe ne détruit et ne limite pas le droit de l'expéditeur de réclamer la véritable valeur des objets perdus; Que l'assurance particulière prescrite par ce paragraphe n'a évidemment d'autre but que de constater d'avance la valeur de ces objets avec autant de certitude que le comporte l'exploitation industrielle à laquelle la Compagnie se livre; Attendu qu'aucune loi ne défend au voiturier de prendre les mesures qui lui semblent les plus propres, et qui ne sont pas incompatibles avec l'industrie qu'il exerce, pour se convaincre suffisamment tant de l'existence que de la valeur des objets qu'il se charge de transporter, à l'effet de se prémunir contre les dangers qui pourraient résulter de l'erreur ou de la fraude: Que les conventions faites dans ce but

--

La loi du 11 avril 1838, qui règle aujourd'hui la matière, a reproduit la distinction établie par la jurisprudence, mais sans admettre, comme celle-ci, le cumul de la demande reconventionnelle avec la nier ressort. Suivant l'art. 2 de cette loi, il suffit que demande principale pour déterminer le taux du derl'une des deux demandes dépasse le taux du dernier ressort pour qu'il ne soit prononcé sur le tout qu'à charge d'appel. « Néanmoins, porte le § 3 du même article, il sera statué en dernier ressort sur les defondées exclusivement sur la demande principale mandes en dommages-intérêts, lorsqu'elles seront elle-même. >>-Observons qu'il n'est ici question que de dommages-intérêts réclamés par le défendeur. Ces derniers mots avaient même été introduits dans le paragraphe par la chambre des pairs; mais ils furent supprimés comme surabondants, sur l'observation suivante de M. le garde des sceaux : « Il est évident qu'il n'y a que le défendeur qui puisse former une mande principale, puisque celui qui a formé la dedemande en dommages-intérêts fondés sur la demande principale ne peut pas fonder sur sa propre demande une action en dommages-intérêts; dès lors la rédaction primitive est suffisamment claire.»> V. Duvergier, Collect. des lois, t. 38, p. 209 et 210.

DELARONDE C. DIZIER.

DU 14 JANVIER 1853, arrêt C. Bourges; 2 ch., MM. Dufour d'Astafort prés., Neveu Lemaire av. gén., (concl. conf.) Luneau et Aubineau av. << LA COUR; Sur la question de savoir si l'appel de Dizier est recevable; Considérant que Delaronde, en vertu de deux jugements de la justice de paix du Châtelet portant condamnation contre Dizier en 24 fr. de dommages-intérêts, a fait pratiquer sur lui une saisie-exécution pour avoir paiement de ladite somme en principal et accessoires, le tout s'élevant à 124 fr.;-Que Dizier s'est rendu opposant aux poursuites et a fait des offres qui n'ont pas été ac

ceptées; qu'alors il a assigné Delaronde devant le tribunal de Saint-Amand en validité d'offres et en discontinuation des poursuites; qu'en outre il a conclu en 1600 fr. de dommages-intérêts; mais que cette demande en dommages-intérêts n'était qu'une défense à l'action principale, résultant des poursuites intentées par Delaronde; qu'alors et aux termes de l'art. 2 de la loi du 11 avril 1838, il devait être statué en dernier ressort; Que s'il en était autrement, le débiteur poursuivi pour la cause la plus minime pourrait arbitrairement faire subir à son créancier tous les degrés de juridiction, ce qui n'est pas moins contraire à l'esprit qu'au texte de la loi ; Par ces motifs, déclare l'appel non

note.

p. 583).

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La jurisprudence, au surplus, a consacré cette Bourges, 18 décembre 1824; Poitiers, 11 avril interprétation. V. Rep. gén. Journ. Pal., vo Degrés 1826; Bordeaux, 5 juil. 1826, 30 janv. 1827; Nande juridiction, no 355. — Adde Limoges, 30 janv. ci, 29 nov. 1827; Agen, 10 janv. 1828; Cass. 18 1847 (t. 2 1847, p. 244); Bordeaux, 20 mars 1847 janv. et 19 avril 1830; Poitiers, 17 mars 1831; (t. 1 1849, p. 663). — Quant aux motifs qui ont fait Nanci, 24 mai 1831; Cass. 5 avril 1836; Bourges, établir cette règle spéciale pour les demandes en 29 mai 1840 (t. 2 1840, p. 637) (deux arrêts); Cass. dommages-intérêts, ce sont les mêmes que ceux qui | 8 déc. 1841 (t. 2 1841, p. 679); Orléans, 2 juin avaient déterminé la jurisprudence. Voici comment | 1843 (t. 2 1843, p. 524); Besançon, 26 janv. 1846 s'exprimait M. Pascalis à la chambre des députés, à (t. 1 1848, p. 49); Orléans, 25 août 1847 (t. 2 1847, propos des demandes en dommages-intérêts qui ne p. 416); Montpellier, 15 févr. 1851 (t. i 1851, p. puisent leur origine que dans la demande principale 583); Roger, Saisie-arrêt, no 547; Victor Fouelle-même « Ces sortes de demandes accessoi-cher, Comm. de la loi de 1838, no 545, p. 557, en res formées par le défendeur ne sont jamais séV. aussi Paris, 26 avril 1851 (t. 1 1851, rieuses quand elles sont nées de la demande même ; car demander quelque chose en justice, ce n'est faire Si le commandement et la saisie ne sont, au coninjure à personne, ce n'est pas causer un tort grave | traire, que des voies d'exécution, c'est la demande à quelqu'un; et si celui contre lequel la demande est en nullité des poursuites qui est l'action principale dirigée pouvait, au moyen d'une action incidente en et introductive d'instance, et les dommages-intérêts dommages-intérêts ne reposant sur aucune base réclamés qui ont leur origine dans la saisie, c'estfondée, élever le taux de la compétence, ce serait à-dire dans une cause antérieure à la demande en retomber dans l'inconvénient auquel le projet a main-levée ou en nullité, sont alors un des éléments voulu porter remède à l'occasion des procès de peu de cette demande et contribuent à fixer le taux du de valeur. Ce serait laisser un moyen toujours fa- ressort. V. en ce sens : Grenoble, 6 juil. 1810; cile, un moyen inévitable au défendeur de porter Riom, 22 juin 1812; Grenoble, 20 mai 1813; Metz, toujours la même cause en appel. Vainement vous 18 juil. 1817; Orléans, 11 déc. 1817, Agen, 13 mars auriez voulu arrêter en première instance les affai-1819; Bordeaux, 29 août 1829; Limoges, 28 nov. 1846 res de peu d'importance, le défendeur pourrait in- (t. 1 1848, p. 50), 30 janv. 1847 (t. 2 1847, p. 244); cessamment, quand il lui plairait, élever le taux de Bordeaux, 20 mars 1847 (t. 1 1849, p. 663); Nila compétence et laisser ainsi complétement sans mes, 23 mai 1848 (t. 2 1849, p. 264); Rouen, 24 application le principe que vous avez voulu adop- août 1849 (t. 2 1849, p. 384). V. aussi Limoter...-Telle est la règle consacrée par le législa-ges, 26 janv. 1848 (t. 2 1848, p. 138). teur. Parfaitement claire en théorie, elle n'en est C'est en faveur de cette dernière opinion que nous pas moins susceptible de très sérieuses difficultés nous sommes prononcés. V. nos observations en dans la pratique, notamment en matière de saisie. note sous un arrêt de la Cour de Paris du 26 avril Lorsque, par exemple, une saisie-exécution ayant 1851 (t. 1 1851, p. 582).-Sans doute, la première été pratiquée, le débiteur assigne le créancier sai- a pour avantage de mettre un frein aux chicanes des sissant en nullité des poursuites, et, en outre, en débiteurs de mauvaise foi; mais est-elle réelledommages-intérêts pour le préjudice que lui ont ment conforme aux principes? Cela nous paraît causé ces poursuites, ces dommages-intérêts sont- bien douteux, en présence surtout des observations ils fondés exclusivement sur la demande principale? que M. Pascalis a présentées à la chambre des déQuel est le demandeur véritable? Quel est le députés, et qui n'ont trouvé aucun contradicteur. fendeur? Si l'instance est engagée par le comman- « Supposez, a-t-il dit, qu'à l'occasion d'une saisie dement et la saisie, c'est le créancier qui est le de- faite au préjudice d'un négociant, d'un homme jouismandeur, et les dommages-intérêts ne se trouvent sant d'une grande considération, il soit allégué que réclamés que par le défendeur. Ils ne peuvent con- cette saisie nuit à son crédit, et qu'en conséquence séquemment élever le degré de juridiction; ils pren- une demande en dommages-intérêts soit formée; nent leur source dans les poursuites exercées con- cette demande en dommages-intérêts est alors printre le débiteur. La valeur réelle du lifige se réduit au cipale. Remarquez qu'il n'y a pas, dans ce cas, de chiffre de la somme due. C'est là l'intérêt du procès. demande formée de la part du saisissant. Il n'existe V., dans ce sens, Grenoble, 25 prairial an XI; en son nom aucune action en justice; il y a une pro-. Bruxelles, 11 déc. 1806; Cass. 30 juin 1807; Bour-cédure en saisie. La demande en dommages-intérêts ges, 25 juin 1810, 31 janv. 1812 (deux arrêts); Grenoble, 17 mars 1812; Bruxelles, 25 mars 1812; Riom, 25 août 1812; Rennes, 11 mars 1813; Grenoble, 24 juillet 1813; Rennes, 9 mars 1815; Agen, 27 avril 1820; Cass. 28 fév. 1821; Bourges, 11 mai 1822; Lyon, 26 novembre 1822; Grenoble, 1er mars 1823; Agen, 10 juin 1824 ;

du saisi est alors principale, et non incidente ou accessoire. Cette demande se trouve, par conséquent, régie par les règles ordinaires; elle est sujette à l'appel si, par son chiffre, elle excède le taux du dernier ressort. » Telle est aussi l'opinion de M. Duvergier, Collect. des lois, t. 38, p. 210, qui rapporte ces observations.

recevable, et condamne l'appelant en l'amende | d'une manière constante avec le fleuve, et ouet aux dépens. >>

BOURGES (24 février 1853).

PÊCHE FLUVIALE, BARRAGE,

COURS D'EAU ACCIDENTEL, DÉBORDEMENT. La prohibition d'établir un barrage est générale et absolue et s'applique à toute espèce de cours d'eau formé par les eaux d'une rivière, tant qu'il n'a pas cessé de communiquer naturellement avec la rivière dans laquelle il a pris naissance (1). L. 15 avril 1829, art. 1, 5,23, 24, 30.

Spécialement, elle s'applique au cours d'eau temporaire qui est la suite accidentelle du débordement d'une rivière sur un terrain privé. FORETS C. FAVARD.

Le sieur Favard possède sur la rive gauche de la Loire un terrain cultivé, conformé de telle façon que le fleuve, pour peu qu'il atteigne un niveau élevé, l'envahit et y forme une sorte de bras qui, suivant la pente du sol, vient regagner le lit et se réunir à la masse des eaux. Le 5 juil. 1852, une inondation ayant eu lieu, Favard établit à l'aide de toiles et de pieux sur le courant qui traversait sa terre un barrage complet, garni de quatre nasses en osier. Le garde-pêche Vincent dressa procès-verbal du fait et reconnut dans les nasses 12 kilogr. de poisson; il constata en outre, d'après la déclaration des ouvriers du délinquant, que 14 kilogr. avaient été pêchés la veille au même lieu, et par le même moyen.

Favard fut en conséquence cité devant le tribunal correctionnel de Sancerre, qui rendit, le 2 août 1852, le jugement suivant:

« Attendu qu'il résulte du procès-verbal dont vient de donner lecture M. le garde général, que le fait de pêche reproché au prévenu par suite d'un barrage qu'il aurait établi a eu lieu non dans le fleuve de la Loire, mais sur un terrain lui appartenant qui avait été inondé par le débordement de la Loire; qu'ainsi ce n'est pas le cas de lui faire application des art. 5, 24 et 73 de la loi du 15 avril 1829; par ces motifs, le tribunal renvoie le prévenu des fins de la plainte.>>

Appel par l'administration forestière.-L'art. 24 de la loi sur la pêche fluviale, disait-on pour elle, interdit l'établissement de barrages empêchant entièrement le passage du poisson, et l'art. 23 étend cette prohibition aux fleuves et rivières navigables et flottables, canaux, ruisseaux et cours d'eau quelconques. Le but évident du législateur est d'assurer la libre circulation du poisson dans toutes les eaux communiquant de près ou de loin, d'une manière continue, avec les fleuves et les rivières, et d'empêcher ainsi certains propriétaires de s'emparer au préjudice d'autrui du produit des fleuves, qui, par la masse de leurs eaux, servent en quelque sorte de réservoir général. Le poisson ne peut être privé de la faculté de circuler librement, de remonter ou de descendre les affluents et d'enrichir les cours d'eau secondaires. Or le cours d'eau formé sur le terrain de Favard, communiquant

(1) V. Rép. gén. Journ. Pal., vo Pêche fluviale, nos 162 et suiv.

vert ainsi au passage du poisson, rentre évidemment dans la catégorie des cours d'eau quelconques indiqués par l'art. 24. Son existence temporaire ne saurait le soustraire aux exigences de la loi, qui doit rationnellement protéger le poisson tant que la disposition des eaux lui permet une circulation continue.

Du 24 FÉVRIER 1853, arrêt C. Bourges, ch. corr., MM. Dufour d'Astafort prés., Neveu Lemaire av. gén., (concl. conf.)

« LA COUR ;-Considérant qu'il résulte d'un procès-verbal régulier que Louis Favard a, dans un cours d'eau communiquant avec la Loire et n'en formant qu'une dérivation, placé un barrage complet, composé de pieux, de toile et de nasses en osier; Considérant qu'il importe peu que ce cours d'eau ne fût que temporaire, et la suite accidentelle d'un débordement de la Loire sur un terrain appartenant au prévenn;

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Que la prohibition édictée par les art. 23 et 24 de la loi du 15 avril 1829 est générale et absolue, et s'applique à toute espèce de cours d'eau formé par les eaux d'une rivière, tant qu'il n'a pas cessé de communiquer naturellement avec la rivière dans laquelle il a pris naissance; Par ces motifs, Dir mal jugé, bien appelé; émendant et faisant ce que les premiers juges auraient dû faire, DECLARE Favard coupable du délit prévu par l'art. 24 de la loi sur la pêche fluviale, le condamne, etc. »

PARIS (12 février 1853);

DETTE COMMERCIALE, INVENTAIRE, DÉCLARATION, RECONNAISSANCE, PRESCRIPTION.

La déclaration d'une dette résultant d'effets de
commerce, faite par le débiteur dans un in-
ventaire où le créancier est partie, constitue
une reconnaissance de la dette dans le sens
de l'art. 189 C. comm. (2); et, dès lors, cette
dette est soumise, non plus à la prescription de
cing, mais à celle de trente ans (3). C. civ.
2262. C. comm. 189.

aussi Rép. gén. Journ. Pal., vo Inventaire, no 354.
(2) V., dans ce sens, Pothier, Oblig., no 834.]—Y.

(3) Ainsi jugé dans des espèces où la reconnaissance de la dette résultait : 1o d'un acte notarié; Paris, 14 janv. 1825;-20 d'un acte par lequel le porteur d'une lettre de change déclarait renoncer à opposer au porteur la déchéance résultant du défaut de dénonciation du protêt dans le délai; Cass. 14 fév. 1826;-3° de la mention, dans un arrêté de liquidation, d'une lettre de change souscrite par un individu émigré depuis; Paris, 14 avril 1829; -4° d'une lettre missive par laquelle le débiteur demandait un délai pour se libérer. Bordeaux, 24 août 1831, (avec Cass. 6 nov. 1832); Colmar, 29 avril 1839, (t. 2 1839, p. 581).

d'une dette résultant de lettres de change ou de bilJugé d'ailleurs que l'acte portant reconnaissance lets à ordre ne peut avoir pour effet de substituer à la prescription de cinq ans la prescription trentenaire, qu'autant qu'il constitue un titre nouveau, prescriptible seulement par trente ans : Cass. 28 nov. 1831; 14 mars 1838, (t. 1, 1838, p. 562), dans ses motifs.-V. Conf. Troplong, Prescript., t. 2, nos 697 et 698; Vazeille, Prescript., t. 2, no 628.

Quant au point de savoir dans quels cas une recon

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