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S...

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La restitution de ces fonds postérieurement aux | la date du 4 octobre 1852; -Que, cette sompoursuites n'efface pas le délit, et ne saurait,mation, comme les nombreuses démarches qui dès lors, arrêter l'action publique (3). l'avaient précédée, étant demeurée sans effet, ledit Triboux a porté plainte le 5 novembre suivant; Qu'à la suite de cette plainte, le ministère public près le tribunal de Saint-Amand a fait citer S... en police correctionnelle, par exploit du 15 du même mois, pour se voir condamner aux peines portées par l'art. 171 C. pén.;

DU 21 JANVIER 1853, arrêt C. Bourges, ch.

corr.

Considérant que le délit imputé à S... était établi; qu'en effet sa désobéissance à la loi, son refus de satisfaire aux demandes du créancier Triboux, provenaient évidemment de l'emploi qu'il avait fait des deniers pour ses besoins personnels; Que des plaintes nombreuses pour des faits semblables ont été portées contre lui durant le cours de ses fonctions, et que c'est pour un fait de cette nature qu'il a été forcé de se démettre de ses fonctions d'huissier; qu'enfin il était dans un état continuel de gêne; Que les fonds que reçoit un comptable ou dépositaire public à raison de ses fonctions doivent être pour lui un dépôt sacré; qu'aussitôt qu'il dispose de ces fonds pour ses propres affaires, il commet le délit de détournement; que sans doute l'intention frauduleuse est toujours nécessaire pour constituer le délit, mais que cette intention résulte suffisamment de l'usage abusif et illégal que le dépositaire fait des deniers à lui confiés, et de l'impossibilité où il se met d'exhiber les deniers à toute réquisition;

<<< LA COUR ; A reconnu que la cause présente à juger la question de savoir si l'appel interjeté par le ministère public du jugement du tribunal correctionnel de Saint-Amand du 14 décembre 1852 est fondé, et plus particulièrement si Mathieu S..., ancien huissier, s'est rendu coupable du délit de détournement qui lui est imputé; et, en cas d'affirmative, quelle peine doit lui être appliquée; - Considérant que S..., alors qu'il exerçait les fonctions d'huissier à la résidence de la Guerche, a pratiqué une saisie-exécution sur un sieur Chaudefaux, à la suite de laquelle les meubles et marchandises saisis ont été vendus les 22, 23 et 26 février 1852, et ont produit une somme de 735 fr. 35 c., que S... a touchés en sa qualité d'officier ministériel; -- Que, le 4 mars 1852, Charles Triboux, adjoint au maire de la commune de Chautay, créancier privilégié de Chaudefaux, son locataire, a formé opposition sur les deniers provenant de la vente tant entre les mains des saisissants qu'en celle de l'huissier S..., dépositaire des fonds; Qu'aux termes de l'art. 657 C. proc. civ., l'huissier S... était tenu, faute par les créanciers de s'être entendus dans le mois de la vente pour une distribution amiable, de consigner les deniers dans la huitaine suivante, à la charge des oppositions, déduction faite de ses frais d'après la taxe faite par le juge sur la minute du procès-verbal de vente; Que l'ordonnance du 3 juillet 1816 >> Considérant que la remise tardive des sur la caisse des consignations, articles 8 et 10, fonds détournés n'efface point le délit et ne peut contient à l'égard de l'obligation de consigner arrêter le cours de l'action publique; Que les injonctions les plus impératives aux officiers S... produit un acte notarié constatant qu'il a ministériels ou autres comptables, avec menace désintéressé Triboux, créancier plaignant, et de révocation, sans préjudice des peines qui reçu décharge du montant de la vente, sauf la sont ou seront prononcées par les lois; Que taxe de ses frais, pour lesquels il a retenu 300 f. cependant S... n'a pas fait la consignation à la- 35 c.; Mais que sa libération, fût-elle réguquelle il était obligé ; Que le créancier Tri-lière et complète, n'a eu lieu que le 2 décemboux, n'ayant pu rien obtenir par des démarches bre dernier, à la veille du jugement, après somofficieuses, lui a fait faire une sommation de mation, plainte, citation en justice, après deux consigner par exploit de Cornier, huissier, sous remises successives de la cause, et lorsque plus de neuf mois s'étaient écoulés depuis la vente;

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été faite avant toutes poursuites: Liége, 21 juil. 1832; Cass. 25 fév. 1843 (t. 1 1843, p. 380). Même solution en matière d'escroquerie: Cass. 6 sept. 1811, 4 avril 1839 (t. 1 1843, p. 591); et en matière de vol: Paris, 15 oct. 1836; Cass. 10 juin 1842 (t. 2 1842, p. 397). V. aussi Delapalme, Encycl. du dr., vo Abus de confiance, no 19; Morin, Rép. du

dr. crim., vo Abus de confiance, no 8.- En effet, l'action publique est indépendante des intérêts civils des parties: c'est là un principe applicable à tous les crimes et à tous les délits (art. 1, 3, 4, C. inst. crim.), sauf disposition contraire de la loi. V. Legraverend, Législ. crim., édit. 1830, t. 1er, p. 70, chap. 1er, sect. 4,3; Carnot, Inst. crim., sur l'art. 4, no 1er; Le Sellyer, Dr. crim., t. 2, no 467; Mangin, Act. publ., t. 1er, no 31, p. 59.

V., au surplus, Rép. gén. Journ. Pal., vis Abus de confiance, nos 26 et suiv.; Action publique, nos 165 et suiv.; Escroquerie, nos 288 et 289; Vol, nos 75 et suiv.

Que tel est le cas dans lequel s'est trouvé S...; qu'il prétend vainement avoir conservé les fonds dans l'espoir d'arriver à une contribution amiable; qu'il allègue même avoir fait des démarches dans ce but, mais que rien ne justific son allégation;

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>> Considérant que le tribunal de Saint-Amand a déclaré par le jugement dont est appel que l'inculpation de détournement n'était pas établie; Que ce jugement est le résultat d'une a préciation inexacte des faits; Qu'il résulte au contraire de tous les faits et circonstances

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de la cause que S... s'est rendu coupable d'a-
voir, en sa qualité de dépositaire public, détour-
né une somme de deniers privés qui étaient en-
tre ses mains en vertu de ses fonctions, laquelle
somme était inférieure à 3,000 fr. et au montant
de son cautionnement, qui était de 900 fr.,
art. 171 et 172 C. pén.;
ce qui constitue le délit prévu et puni par les
Considérant, au

surplus, qu'il existe dans la libération de S...,
quoique tardivement opérée, un motif suffisant
d'admettre des circonstances atténuantes;

JURISPRUDENCE FRANÇAISE.

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DOUAI (25 janvier 1853). COLPORTAGE,

ÉCRITS, DÉPOT A LA POSTE. Le dépôt dans les bureaux de la poste d'écrits adressés à un certain nombre de personnes constitue un mode de distribution qui, comme tout autre, est soumis à l'autorisation préfectorale (1). L. 27 juil. 1849, art. 6.

(1) Cette décision, contraire à un arrêt de la Cour de cassation du 17 août 1850 (t. 1 1851, p. 11), ne s'écarte-t-elle pas de la pensée de la loi? Il semble résulter des paroles du rapporteur de cette loi (séance V. nos Lois, dédu 26 juillet, Moniteur du 27. crets, etc., t. 2, p. 611 et suiv.), que le législateur a entendu exempter de la formalité de l'autorisation la distribution par la voie de la poste. S'il en était autrement, pourquoi les journaux, dont le colportage et la distribution par les voies ordinaires sont astreints à l'autorisation préalable, pourraient-ils être distribués sans cette autorisation par la voie de la poste? Comment d'ailleurs la formalité devraitelle et pourrait-elle être remplie lorsque les destinataires de l'écrit habiteraient un ou plusieurs départements autres que celui dans lequel est situé le bureau de la poste où le dépôt en serait effectué? Du reste, la Cour de cassation aura prochaine ment à se prononcer à cet égard pour la seconde fois, par suite du pourvoi qu'a formé le sieur de Thieffries contre l'arrêt que nous rapportons.

La question s'est aussi élevée tout récemment devant le tribunal de Cosne, qui l'a résolue en sens contraire à la Cour de Douai,

20

Ce jugement a décidé, en outre, 10 que la distribution d'un imprimé ne constitue par le délit prévu par l'art. 283 C. pén. par cela seul que cet imprimé ne porte que le nom de son auteur, et non celui de l'imprimeur, l'art. 283 n'exigeant pas les deux noms, mais l'un ou l'autre seulement; Que la personne qui s'est bornée à faire déposer à la poste un écrit non revêtu de la formalité du timbre ne peut être considérée comme distributeur days le sens de l'art. 24 L. 16 juil. 1850, et n'est pas, dès lors, passible de l'amende prononcée par cet article; 30 Enfin qu'en supposant que ladite amende pût être réclamée de cette personne, ce ne serait pas par une action de police correctionnelle, à la requête du ministère public, mais par une contrainte décernée par l'administration de l'enregistrement, conformément à l'art. 76 L. 28 avril 1816, ainsi qu'en disposent les art. 25 L. 16 juil. 1850, et 12 Décr. 17 fév. 1832.

Voici dans quelles circonstances et dans quels termes ce jugement a été rendu.

M. de Vogué était traduit devant le tribunal correctionnel de Cosne pour avoir fait distribuer par la poste le manifeste de M. le comte de Chambord.

Le 14 fév..1853, jugement qui, sur la plaidoirie de Me Berryer, renvoie le prévenu des poursuites par les motifs suivants :

«Le tribunal, etc.;-Sur l'infraction à l'art. 6 de la loi des 27-29 juil. 1849:- Attendu que l'écrit déposé à la poste de l'ordre du prévenu n'est pas incriminé, mais seulement le mode de sa distribution; - Que, s'il avait été remis par le marquis de Vogué à un colporteur de profession ou à un distributeur accidentel munis d'autorisation, il n'aurait été commis aucune infraction à l'art. 6 de la loi des 27-29

DE THIEFFRIES.

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Le sieur de Thieffries avait été condamné, le 22 déc. 1852, par le tribunal correctionnel de Valenciennes, à un mois d'emprisonnement et 25 fr. d'amende, pour avoir déposé au bureau de la poste aux lettres de Saint-Amand-les-Eaux un certain nombre d'exemplaires, de l'écrit dit le Manifeste du comte de Chambord, adressés res qu'il aurait chargés de répandre l'écrit; - Que juil. 1849 ni par M. de Vogué ni par les mandataila question est uniquement de savoir si, en faisant remettre cet écrit à la poste, au lieu de le faire reQue l'art. 6 a eu pour mettre à une personne autorisée à distribuer, M. de Vogué a contrevenu à la loi ;but de proscrire le colportage clandestin, soit protion d'écrits dangereux par des personnes inconnues fessionnel, soit accidentel, c'est-à-dire la distribuou qui n'offrent aucune prise à la répression, mais que la loi est muette sur la distribution par la voie de la poste; - Que le législateur n'a pas voulu soumettre à une autorisation préalable le dépôt d'écrits à la contraire à ceux qui objectaient qu'un refus d'autoposte, puisque le rapporteur de la loi répondait au - Qu'en efrisation ôterait à certaines prétentions la possibilité on aurait toujours la voie de la poste; de se produire que, malgré ce refus d'autorisation, fet, la poste n'est pas un colportage ou une distribution d'écrits non autorisée, mais au contraire le mode le plus légal, le plus autorisé, de distribution d'écrits; qu'en remettant celui dont il s'agit de la loi qu'en le remettant à un colporteur muni poste, le prévenu n'a pas plus contrevenu à l'art. 6 rait donner à la loi de juillet 1849 une telle portée, d'une autorisation; que décider le contraire, ce setout prospectus, ne pourraient que toute annonce, s'envoyer par la poste sans avoir préalablement recours à l'autorisation préfectorale, ce qui est inadmissible et contraire évidemment à l'esprit de la loi;

-

la

Qu'on objecterait vainement que la distribution en effet, si l'écrit est timbré et qu'on l'affranchisse, par la poste ne donne pas de garantie de répression: cer; s'il est déposé sans affranchissement, le droit l'expéditeur est connu et la responsabilité peut s'exerblicité qu'il acquerrait par le colportage;-Enfin, en postal est une garantie que l'écrit n'aura pas la pumatière criminelle, l'interprétation ne peut étendre Attendu >>Sur l'infraction à l'art. 283 C. pén. : les effets d'une loi qui n'aurait pas prévu tous les cas; que l'écrit est daté du jour et du lieu; qu'il est signé; que le nom de l'auteur et sa demeure sont notoirement connus; qu'il ne s'élève pas de doute sur la sincérité des énonciations faites à cet égard dans l'écrit; qu'ainsi il a été satisfait aux dispositions de l'art. 283 C. pén., quoique le nom de l'imprimeur ne soit pas exprimé, car la loi n'exige pas et le nom tre seulement; de l'auteur et celui de l'imprimeur, mais l'un ou l'au

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>> Sur l'infraction aux dispositions des art. 13 et Attendu, d'une part, que février sur le timbre : 24 de la loi du 16 juil. 1850, et 22 du décret du 17 le marquis de Vogué n'est pas dans la catégorie des tion reprochée à l'écrit ; qu'en le faisant déposer à la personnes passibles de l'amende pour la contravenposte il n'a occasionné aucun préjudice au trésor;de lui, ce ne serait pas par une action de police correcD'autre part, que, si l'amende pouvait être réclamée tionnelle, à la requête du ministère public, mais par une contrainte décernée par l'administration de l'enregistrement, dans les formes prescrites par l'art. les art. 25 de la loi du 16 juil. 1850 et 12 du décret 76 de la loi du 28 avril 1816, ainsi qu'en disposent du 17 fév. 1852;

» Par ces motifs, renvoie le marquis de Vogué des fins de la plainte, sans dépens. »

par lui à différents destinataires du départe- | deviendraient tout à fait illusoires, puisque, et ment du Nord.

Il interjeta appel, et soutint que le fait pour lequel il était poursuivi n'était pas incriminé par la loi, et que c'était à tort que les premiers juges lui avaient fait application de l'art. 6 de la loi du 27 juil. 1849.

DU 25 JANVIER 1853, arrêt C. Douai, ch. corr., MM. Bigant prés., d'Ubexi proc. gén., Ber

ryer av.

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<< LA COUR; - Attendu qu'il résulte de l'instruction, des débats, et aussi de l'aveu d'Alphonse-Casimir-Henri comte de Thieffries, qu'il a, dans le courant de nov. 1852, sans avoir ni demandé ni obtenu l'autorisation du préfet, déposé au bureau de la poste aux lettres de Saint-Amand-les-Eaux, département du Nord, une trentaine d'exemplaires d'un écrit autographié commençant par ces mots: Français, en présence des épreuves, et finissant par ceuxci: Frosdorf, le 25 oct. 1852, Henri, lesdits exemplaires placés sous enveloppes cachetées, sur lesquelles se trouvaient les noms et domiciles des destinataires, demeurant dans ledit département du Nord, à plusieurs desquels il a été constaté qu'ils sont parvenus; Attendu que le dépôt dans le bureau de la poste aux lettres de Saint-Amand par de Thieffries des écrits ci-dessus mentionnés constitue un mode de distribution qui, comme tout autre, ne pouvait avoir lieu sans autorisation préfectorale; Que par ce dépôt ainsi effectué la distribution desdits écrits devenait obligatoire et forcée pour les préposés de l'administration des postes; Qu'en effet, ceux-ci, agents de l'autorité et revêtus d'un caractère public, ont pour devoir rigoureux de remettre fidèlement à tous les destinataires, sous des peines sévères, ce qui leur est confié, sans que même l'autorité préfectorale puisse entraver leur service, et, dès lors, ne sont réellement que des instruments passifs et aveugles que chacun a le droit de mettre en mouvement, sans qu'ils puissent en aucun cas s'y refuser; Que conséquemment ils ne peuvent être considérés comme des distributeurs autorisés dans le sens de l'art. 6 de la loi du 27 juil. 1849, ces derniers, au contraire, n'étant que des mandataires particuliers, qui, selon leur volonté, remplissent ou cessent leur mission, à laquelle d'ailleurs encore le préfet peut mettre obstacle en leur retirant l'autorisation qu'ils avaient d'abord obtenue;

>> Attendu qu'une fois établi que la distribution dont il s'agit était obligatoire et forcée, il en résulte nécessairement qu'elle a été, quant à de Thieffries, entièrement consommée à l'instant même où les écrits ont été déposés par lui dans le bureau de la poste de Saint-Amand, et que, par suite, il doit être considéré comme étant le véritable et le seul distributeur; - Attendu que la loi du 27 juillet 1849, dans son art. 6, n'a fait aucune exception en faveur de tel ou tel mode de distribution; qu'elle les a au contraire tous proscrits, à moins d'autorisation obtenue; que, si elle avait permis le mode par la voie de la poste, les dispositions dudit art. 6 |

c'est surtout ce que le législateur a voulu empêcher, les écrits les plus subversifs de toute société, les plus immoraux, les plus anti-religieux, seraient impunément distribués par les agents mêmes du gouvernement, et qu'on pourrait ainsi accomplir indirectement et en secret ce que la loi défend de faire directement et d'une manière ostensible; - Que d'ailleurs encore, les lois répressives devant être stricte ment appliquées dans leurs dispositions, on ne peut ni les étendre ni les restreindre;

» Par ces motifs, DECLARE de Thieffries coupable du délit prévu par l'art. 6 de la loi du 27 juil. 1849, etc. »

CASSATION (28 décembre 1852). EXPROPRIATION POUR UTILITÉ PUBLIQUE, CHEMIN VICINAL, TERRAIN NON EMPLOYÉ, REMISE A UN TIERS, RÉCLAMATION DU PROPRIÉTAIRE, COMPÉTENCE.

Lorsqu'un propriétaire a été régulièrement exproprié d'une parcelle de son terrain pour la confection d'un chemin vicinal de grande communication, et a reçu l'indemnité pour la totalité de cette parcelle, l'autorité judiciaire est incompétente pour décider que la partie de ter-” rain non employée à la confection du chemin sera remise au propriétaire qui la réclame, sous prétexte que l'abandon en aurait été fait à un tiers, alors qu'un arrêté préfectoral, méme postérieur à la réclamation, a déclaré que le terrain réclamé serait attribué au chemin, pour l'établissement de gares et lieux de dépot (1). LL. 21 mai 1836, art. 15; 3 mai 1841, art. 60.

Il

en est ainsi alors même qu'une ordonnance du Conseil d'état, intervenue dans le cours des débats soulevés par la réclamation, et antérieurement à l'arrêté préfectoral, aurait décidé que remise serait faite au propriétaire, conformé ment aux art. 60 et suiv. de la loi du 3 mai

(1) Dès que l'autorité administrative avait décidé, à tort ou à raison, que le terrain était attribué au chemin vicinal, la propriété n'en était plus incertine, et l'autorité judiciaire était incompétente pour statuer sur la question de savoir qui y avait droit, ou de l'ancien propriétaire ou du tiers à qui l'administration en aurait antérieurement fait l'abandon. Mais il en eût été autrement si le nouvel arrêté préfectoral n'eût pas fait disparaître le litige sur la question de propriété. Les tribunaux eussent été compétents pour statuer sur cette même question entre l'ancien propriétaire et le nouveau avril 1840 (Autun).-V. aussi Rep. gen. Journ. Pal., concessionnaire du terrain: Arg. Cons. d'ét., 1er

vo Compétence administrative, nos 256 et suiv. Jugé toutefois que, lorsqu'un propriétaire ne demande la remise des terrains non employés dont il avait été exproprié pour cause d'utilité publique que postérieurement à un arrêté du préfet portant cession de ces terrains à un tiers, le tribunal saisi de la demande en remise doit surseoir à statuer jusqu'à ce qu'il ait été prononcé par l'administration Cass. 29 mars 1842 (t. 1 1842, p. 490.- V., au supérieure sur le mérite de l'arrêté de cession: surplus, Rép. gen. Journ. Pal., vo Expropriation pour utilité publique, nos 1124 et suiv.

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1841, de la partie de terrain réclamée qui ne serait pas occupée par le chemin ou ses travaux accessoires.

PRÉFET DU RHONE C. DE CUZIbu.

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rain contesté est ou non nécessaire à la confection du chemin.

En cet état, le préfet du Rhône prit, le 14 mai 1843, un nouvel arrêté consacrant de nouveau la dépossession de la dame de Cuzieu et maintint le sieur Reyre dans la possession du terrain à lui concédé.- Puis, le 29 avril 1844, une décision du ministre de l'intérieur confir ma les arrêtés du préfet.

La dame de Cuzien est propriétaire, dans la commune de Sainte-Foy-lès-Lyon, d'un domaine bordé par le chemin vicinal de Brignais à Tassin. En 1839, le préfet du Rhône, procédant en vertu de la loi du 21 mai 1836, or- La dame de Cuzieu ayant déféré cette décidonna, pour l'élargissement et l'alignement de sion et les arrêtés au Conseil d'état, une orce chemin, l'expropriation d'une parcelle dé- donnance du 27 mai 1846 ordonna que, dans pendant de ce domaine. La direction du chemin le cas où, après la complète exécution du êtait telle qu'il ne paraissait pas devoir occuper chemin, une portion de la parcelle de terrain complétement la parcelle expropriée; il en res- réclamée par la dame de Cuzieu ne serait pas ta, en effet, une petite partie que la dame de occupée par ledit chemin ou les travaux accesCuzieu réclama comme devant lui être restituée.soires, il en serait fait remise à la dame de CuLe 18 mars 1840, le juge de paix du canton de Saint-Genis-Laval, procédant au règlement de l'indemnité due à la dame de Cuzieu, décida que la partie de terrain que cette dernière vou-trative, p. 168.) lait se réserver était indispensable au service du chemin vicinal, soit pour servir de fossé, soit comme accessoire et aisance de la route; qu'ainsi l'indemnité devait porter sur la totalité du terrain exproprié, laquelle était de 240 mètres; en conséquence, et en prenant cette base, il fixa le montant de ladite indemnité à la somme totale de 2,012 fr. 66 c.

Cependant, le préfet, qui avait d'abord considéré cette partie de terrain comme nécessaire à l'établissement du talus du chemin, traita depuis avec un sieur Reyre pour la construction d'un mur, qui, en soutenant le chemin, devait rendre le talus inutile; en compensation, l'administration fit au sieur Reyre l'abandon du terrain primitivement destiné au talus.

Mais le 13 nov. 1839, au moment où Reyre creu sait les fondations de son mur, la dame de Cuzieu lui fit sommation d'avoir à cesser son entreprise et à combler la tranchée par lui ouverte; puis, le 14 décembre suivant, elle l'assigna devant le tribunal de première instance de Lyon, pour voir ordonner en sa faveur l'abandon du terrain litigieux, par le motif que, ce terrain n'étant pas nécessaire à l'établissement du chemin, il devait lui en être fait restitution. Le préfet, de son côté, intervint, et proposa, ainsi que le défendeur, un déclinatoire, qui fut ensuite abandonné.

Le 8 août 1840, jugement qui maintient la dame de Cuzieu dans la propriété et jouissance de l'espace de terrain par elle réclamé, et accueille la demande en garantie exercée par Reyre contre le département.

Sur l'appel interjeté par le préfet et par Rey re', le 15 fév. 1843, arrêt de la Cour de Lyon qui reconnaît que la prétention de Me de Cuzieu soulève une question de propriété sur laquelle elle est compétente pour statuer; mais, considérant qu'on oppose à cette dame qu'elle a cédé au département toute la partie de son domaine qui serait nécessaire à l'établissement d'un chemin, et que c'est là une question qui sort de la compétence de l'autorité judiciaire, surseoit à statuer au fond jusqu'à ce que les parLies aient fait décider par qui de droit si le ter

zieu, conformément aux art. 60 et suiv. de la loi du 3 mai 1841. (V. cette ordonnance à sa date, au t. 10 de notre Jurisprudence adminis

A la suite de cette ordonnance, le 30 mars 1847, le préfet du Rhône prit un dernier arrêté, par lequel il ordonna qu'il serait établi, le long du chemin vicinal de grande communication, des gares ou chambres de dépôt pour l'approvisionnement des matériaux destinés à l'entretien du chemin; il décida, en conséquence, que les terrains particuliers à occuper sur les propriétés riveraines pour l'établissement de ces chambres de dépôt seraient attribués au chemin vicinal et feraient partie de ses dépendances. Il détermina enfin que ces terrains seraient acquis de gré à gré, ou, à défaut d'arrangement amiable, dans les formes prescrites par la loi du 21 mai 1836.

C'est alors que l'affaire revint devant la Cour de Lyon, à laquelle la dame de Cuzieu demanda le maintien du jugement de première instance.

Le 29 janv. 1850, arrêt qui confirme ce jugement par les motifs suivants :

<< Attendu que la Cour s'était formellement réservé de statuer sur le droit de propriété; qu'elle avait renvoyé les parties à se pourvoir pardevant l'autorité administrative sur le point de savoir si la parcelle de terrain réclamée par madame de Cuzieu était nécessaire à la confection de la route; Attendu que le conseil d'état, devant lequel les parties s'étaient pourvues, a, d'une part, annulé l'arrêté administratif qui avait concédé cette partie de terrain à M. Reyre; d'autre part, ordonné qu'on restituerait à madame de Cuzieu la partie de terrain qui n'aurait pas été employée; Attendu que le droit de propriété a été reconnu appartenir à madame de Cuzieu, soit par la sentence dont est appel, soit par la décision du conseil d'état; Attendu que, si un nouvel arrêté a été pris par l'administration portant qu'il serait établi des gares le long de la route, il a en même temps décidé que l'administration traiterait pour l'établissement de ces gares de gré à gré avec les propriétaires des terrains dont une partie serait nécessaire pour l'établissement de ces gares;— Attendu que, si l'administration veut donner suite à ce projet, et que, si la parcelle de terrain

qui fait aujourd'hui l'objet de la contestation doit y être employée, ce n'est qu'avec madame de Cuzieu qu'elle peut traiter, puisqu'elle est seule propriétaire. »

Pourvoi en cassation par le préfet du Rhône pour violation des principes relatifs à la séparation des pouvoirs administratif et judiciaire, et spécialement pour fausse application et violation de l'art. 60 de la loi du 3 mai 1841.

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1847, par lequel le préfet avait attribué au chemin la parcelle de terrain dont il s'agit comme nécessaire à l'établissement d'une gare pour le dépôt de matériaux, était évidemment rendu dans la limite des pouvoirs attribués à ce magistrat. Or l'ordonnance rendue en Conseil d'état en 1846 ne prescrivait la remise à la dame de Cuzieu que des terrains qui pourraient rester libres après la complète exécution du chemin et de ses accessoires restés libres, c'est-à-dire qu'à cette époque de 1846 il était reconnu que la construction du chemin était encore incomplète, et il était absolument nécessaire, avant d'effectuer la remise au profit de la dame de Cuzieu, que la question d'emploi se trouvât négativement résolue. Ainsi il y avait encore à statuer sur ce point, et, pour le faire, l'autorité administrative était seule compétente. Or c'est ce qu'a fait l'arrêté préfectoral du 30 mars 1847. Il résulte de cet arrêté que le terrain pris sur la propriété de Cuzieu devra servir pour le dépôt des matériaux nécessaires à la confection du chemin; or l'arrêt attaqué vient contredire formellement cette décision administrative, qu'il ne pouvait infirmer. On ne saurait soutenir que l'affectation de cette parcelle de terrain comme gare de dépôt n'est encore qu'un projet, et que, si ce projet s'exécute, c'est à la dame de Cuzieu qu'une indemnité sera due pour cette nouvelle expropriation. En effet, d'une part, cette résolution est définitive; et, d'autre part, la dame de Cuzieu n'est pas demeurée propriétaire, puisque depuis longues années elle a consenti la cession de ce terrain dans toute son étendue, et que l'indemnité à elle due pour la totalité du terrain a été légalement liquidée. En un mot, il ne s'agit pour elle que d'un droit de reprise, et non pas d'une continuation de propriété.

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Sous un premier point de vue, a-t-on dit, et en considérant l'affaire dans l'état où elle se trouvait avant l'arrêté préfectoral du 30 mars 1847, il y avait dans ce cas même violation de l'art. 60 précité. En effet, c'est aux préfets qu'il appartient, conformément à la loi de 1836, de déterminer la largeur des chemins vicinaux, et les arrêtés qu'ils prennent à cet égard attribuent définitivement au chemin le sol compris dans les limites qu'ils déterminent. Or l'arrêté primitif pris en 1839, par lequel le préfet du Rhône avait attribué le sol au chemin en question, n'avait jamais été attaqué dans sa ré- | gularité. Le sol déterminé faisait donc partie du chemin, et en était une dépendance; à ce titre, il avait été compris dans l'appréciation qu'avait faite le juge de paix pour déterminer la valeur du terrain exproprié. Lors donc qu'ultérieurement l'ordonnance du roi rendue en conseil d'état le 27 mai 1846 décida que, s'il arrivait qu'après la complète exécution du chemin vicinal quelque parcelle du terrain réclamé ne fût pas employée au chemin, il en serait fait remise à la dame de Cuzieu, conformément à l'art. 60 de la loi du 3 mai 1841, cette ordonnance n'emporta pas par elle-même dépossession du terrain qui pourrait être inutile à l'établissement du chemin; elle rappela seulement les règles tracées par ledit art. 60 de la loi du 3 mai. Or, aux termes de cet article, l'acquisiPour madame de Cuzieu, on répondait en tion faite par l'état est, dans ce cas, maintenue, substance: L'arrêté préfectoral du 30 mars 1847 et les anciens propriétaires n'ont d'autre droit n'a reçu aucune atteinte par la décision attaquée; que celui de réclamer la remise des terrains au contraire, cette décision le respecte et lui superflus. Quant aux formalités qui doivent ac- réserve toute son action, le cas échéant. Comcompagner cette remise, la loi les trace elle-me il était constant en fait qu'au moment où même; le prix des terrains revendiqués est fixé à l'amiable, et, s'il n'y a pas accord, par le jury, dans les formes déterminées par la loi d'expropriation. L'état ou les communes se trouvent donc alors, à leur tour, sous la protection du principe posé dans l'art. 545 C. civ., c'est-à-dire qu'ils ne peuvent être dépossédés sans une juste et préalable indemnité, et le droit de rétention jusqu'au règlement et au paiement de l'indemnité ne saurait leur être refusé. La Cour de Lyon a violé les dispositions de l'art. 60 en supposant que la dépossession de la dame de Cuzieu aurait été illégale dans son principe, tandis que ce n'est que par un fait postérieur à cette dépossession régulière que la parcelle de terrain a pu redevenir libre; par suite, il n'y avait pas à ordonner le rétablissement des lieux dans feur premier état; il y avait, tout au plus, à réserver à la dame de Cuzieu une action en remise, après qu'elle aurait fait liquider l'indemnité pouvant être due à cette occasion. Sous un second point de vue, la violation de la loi n'est pas moins manifeste. L'arrêté du 30 mars

la Cour de Lyon a eu à statuer définitivement sur le litige, la parcelle de terre litigieuse n'était pas employée, que, de plus, le sieur Reyre la possédait indûment, et que le Conseil d'état avait ordonné, pour ce cas, la remise de cette parcelle à madame de Cuzieu, la Cour de Lyon, par son arrêt du 29 janv. 1850, a rendu l'hommage le plus solennel à l'ordonnance du Conseil d'état.-Le procès terminé par l'arrêt attaqué existait entre madame de Cuzieu et le sieur Reyre, et n'existait qu'entre eux, malgré la mise en cause du préfet comme garant. Madame de Cuzieu n'a jamais eu l'intention de contester les droits de l'administration sur son terrain, s'il est jugé nécessaire et est réellement employé à l'établissement d'un chemin vicinal ou à des travaux accessoires. Ce que madame de Cuzieu contestait, c'était le prétendu droit du sieur Reyre de s'emparer de sa propriété; madame de Cuzieu ne pouvait croire que, sous le voile d'une autorisation donnée par l'administration, un simple particulier pût s'emparer de son terraindans un but personnel d'utilité ou d'agrément,

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