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CROMBEZ-LEFEBVRE C. CHEVRIER. Des contestations s'étant élevées à la fin du tion, se borne i exiger la portion des fruits nécessaire à ses besoins et à ceux de sa famille. Tous les textes du droit français qui règlent l'exercice de l'usage proclament et appliquent ce principe. S'agit-il d'un droit ayant pour objet d'assurer la nourriture de l'usager, l'art. 630 C. Nap. confère à ce dernier le droit d'exiger que le propriétaire lui délivre la quantité de produits nécessaire pour sa subsistance et celle de sa famille. Ce droit est-il assis sur un champ, une vigne, un jardin, l'usager ne pourra prendre lui-même, et sans autorisation préalable, ce dont il aura besoin. La loi lui dénie cette faculté, comme elle refuse à celui qui peut faire reculer l'arbre ou la haie de son voisin à la distance indiquée par l'art. 671 C. Nap., le pouvoir d'abattre cet arbre ou d'arracher cette haie; comme elle défend, sous les peines portées par les art. 150 et 196 C. for., à celui sur le terrain duquel s'étendent les branches d'un arbre voisin, d'aller élaguer lui-même cet arbre. L'art. 672 C. Nap. nous fait toucher au doigt le motif de ces interdictions, en décidant que le propriétaire sur le terrain duquel s'avancent les racines d'un arbre appartenant au voisin peut couper lui-même ces racines. Ce propriétaire fait acte de maître sur son propre fonds. Dès lors il n'a point d'avertissement à donner, point de mise en demeure à signifier; il agit en vertu du droit de propriété. Au contraire, quand on veut exercer un droit sur le terrain d'autrui, il faut que le propriétaire de ce terrain ait été averti, qu'il ait été mis en demeure de reconnaître la légitimité du droit et de consentir à son exercice. Si le propriétaire débiteur n'obtempère pas à la sommation; s'il en trave ou restreint l'exercice du droit, il est passible de dommages-intérêts. Par contre, celui qui, sans mise en demeure, ou sans en attendre les effets, prétend se faire justice à soi-même, est passible des peines portées par les lois protectrices du droit de propriété.

»Tels sont les principes élémentaires du droit commun, dont le Code forestier, loi spéciale, a fait de nombreuses applications. S'agit-il d'un droit ayant pour objet la nourriture des bestiaux, l'usager ne pourra l'exercer qu'après une déclaration préalable de défensabilité (C. for., art. 67 et 119). S'agit-il d'un droit au bois, la permission d'user s'appellera délivrance (C. for., art. 79, 80 et 120). — S'agit-il enfin d'un droit ayant pour objet l'un des produits énoncés en l'art. 144, l'usager ne pourra s'en emparer que sur l'autorisation du propriétaire (C. for., art. 144, et ord. for. 169). L'art. 144 C. for. n'a pas seulement pour but de régler les rapports du propriétaire avec l'usager. Sa portée est plus étendue. Cette disposition défend à tout individu, quel qu'il soit, d'enlever ou d'extraire aucune production forestière sans l'autorisation de celui auquel le bois appartient. La généralité de cette prohibition atteint évidemment l'usager aussi bien que celui qui n'a rien à prétendre ni à exiger des produits forestiers.-De deux choses l'une: ou le titre confère, une fois pour toutes, à l'usager l'autorisation de percevoir ce à quoi il a droit, sans avoir besoin de le demander au propriétaire, et alors l'art. 144 du Code n'est pas applicable; ou bien le titre est muet à cet égard, et alors chaque acte de perception doit être légitimé par l'autorisation que l'article précité exige impérieusement. (V. Cass. 15 nov. 1842 [J. Pal., t. 1 1844, p. 832].)—Dans quelque hypothèse qu'on se place, l'enlèvement ne peut être valablement opéré qu'en vertu d'une autorisation générale ou spéciale, expresse ou tacite. La forme de l'autorisation pourra varier suivant les circon

siècle dernier entre le propriétaire des bois dé pendant anciennement de l'abbaye de Meaubecq et les habitants de la paroisse de Neuillay-les

stances et la surveillance plus on moins grande que le propriétaire croira devoir exercer; mais l'autorisation elle-même sera toujours, et, dans tous les cas, indispensable.-Ainsi, lorsque le droit s'exerce sur une lande inculte, où ne croissent que de rares touffes d'ajoncs, de bruyères ou de genêts, le propriétaire pourra, sans inconvénient, tolérer que l'usager exerce son droit sans une autorisation expresse. Le fait même de l'exercice, au vu et au su de celui qui pouvait l'empêcher, sera considéré comme une autorisation suffisante. Mais si celui qui a un droit à l'enlèvement des mêmes substances, ou seulement de l'herbe, dans une forêt, veut exercer ce droit, tout propriétaire intelligent voudra prendre des précautions contre l'abus qu'on pourrait faire de cette faculté. Il y aura lieu, dans certains cas, à en circonscrire l'exercice dans les parties de la forêt qui ne pourront pas en souffrir; dans d'autres, à indiquer des époques et des modes particuliers d'extraction ou d'enlèvement. S'il y a contestation entre le propriétaire et l'usager, les tribunaux prononceront.Telle est l'économie de la loi.-Le Code forestier n'a pas réglé, d'une manière particulière, la police des droits d'usage sur les produits énumérés en l'art. 144. La raison en est simple. La loi spéciale a été faite pour les cas les plus fréquents. Ce sont ceux où les droits d'usage ont pour objet le chauffage, la construction des maisons et la nourriture des bestiaux. Quant aux autres droits, fort rares, dont le Code forestier ne parle pas, on rentre, à défaut de dispositions spéciales, sous l'empire de la règle générale (C. Nap., art. 636). Or cette règle est tracée par l'art. 630 C. Nap., aux termes duquel l'usager à le droit d'eriger, mais non celui de prendre. L'usager qui viole cette règle ne peut plus se prévaloir de son droit, puisqu'il n'a pas satisfait à la condition sous laquelle il pouvait être exercé. Dès lors, l'art. 144 C. for. devient applicable, car il atteint d'une manière générale celui qui, sans l'autorisation du propriétaire, a enlevé ou extrait une production intérieure et superficielle du sol forestier.

» Ces principes et leurs conséquences ont été admis et appliqués par la jurisprudence. Ainsi, il a été jugé, avant le Code forestier et par application de l'art. 12, tit. 27, de l'ordonnance de 1669, qu'un droit d'usage consistant dans l'enlèvement de gazons n'avait pu être exercé que dans les temps et sur les lieux qui auraient été préalablement déterminés par l'administration forestière, et que l'exercice de ce droit fait arbitrairement, et sans avoir obtenu de cette administration la détermination du temps et du lieu où les gazons pouvaient être enlevés, avait constitué le délit prévu et puni par l'article précité (Cass. 24 janv. 1812 [J. Pal., à sa date]). Depuis la promulgation du Code forestier, il a été également jugé que l'allégation et la production d'un titre d'usage n'avaient pu dispenser les usagers de la nécessité d'obtenir préalablement de l'administration forestière l'autorisation exigée par l'art. 169 de l'ordonnance du 1er août 1827 (Cass. 28 mars 1839 [J. Pal., t. 1 1844, p. 329]). — La même doctrine est enseignée par MM. Baudrillard, Comment., sur l'art. 144, et Curasson, t. 2, p. 393.

»Si ce point est aujourd'hui constant lorsqu'il s'agit de bois soumis au régime forestier, il ne l'est pas moins lorsque la difficulté s'élève à l'occasion d'un bois appartenant à un particulier. En effet, l'art. 169 de l'ordonnance réglementaire du 1er août 1827 n'a de force obligatoire que celle qu'il tire de l'art. 144 du Code, à l'exécution duquel il pourvoit.-Le règlement d'administration publique n'a pour effet que de déterminer la forme de l'autorisation. Il est sans ap

Bois, il intervint le 3 août 1783, par devant Me
Moreau, alors notaire à Châteauroux, une trans-
action homologuée en parlement le 22 du mê-
me mois, et dont l'art. 6 est ainsi conçu: «Est |
convenu que
lesdits habitants et propriétaires
de la paroisse de Neuillay auront le droit de pais-
son et glandée dans les bois de ladite abbaye de
Meaubecq, et d'y prendre de l'épine pour clore et
boucher leurs héritages, même couper des bro-
malles (1) pour l'usage de leurs fours sans payer
aucune chose...»-Un bois, appelé le bois des
Houx, faisait partie des forêts soumises à ce droit
d'usage. Le 8 thermidor an IV, le sieur Savary
de Lancosme devint acquéreur de ce bois, et en
1850 la terre de Lancosme tout entière fut
vendue au sieur Crombez-Lefebvre, habitant la
Belgique. Il paraît qu'à raison de leur éloigne-
ment des habitants de Neuillay-les-Bois avaient
exercé rarement leur droit de prendre de l'épine
et de couper des bromalles; mais au mois d'oc-
tobre 1852, et à des jours différents, quelques
habitants se sont introduits dans le bois des
Houx, et là, sans donner aucun avertissement
ni demander aucune délivrance, ont coupé des

bromalles et en ont fait des bourrées.

dont il résulte que les habitants de la commu-
ne de Neuillay-les-Bois ont le droit de fagoter,
dans les bois dont il s'agit, des bruyères et épi-
nes pour chauffer leurs fours; — Considérant
que Crombez ne conteste ni le titre, ni son effi-
cacité, ni son applicabilité; mais qu'il fait ré-
sulter le délit dont il poursuit la réparation
contre Chévrier de ce que celui-ci ne s'est pas
mis en mesure de lui demander et d'obtenir la
délivrance nécessaire pour exercer son droit ;-
Considérant que les art. 79, 192 et suivants,
titre 12 du Code forestier, que le demandeur
invoque pour justifier sa plainte, sont relatifs
aux bois de toutes essences mentionnés audit
art. 192, mais qu'ils ne disposent point et n'é-
dictent aucune pénalité en ce qui touche les
bruyères ou autres productions utiles de la terre
dont il n'est question qu'au titre 10, art. 144 du
même Code, auquel ne renvoie pas l'art. 79;
Par ces motifs, etc. »>
Appel par le sieur Crombez.

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av.

d'usage sans l'autorisation du propriétaire; — En cas d'affirmative, s'il est passible de dommages-intérêts et quelle doit en être la quotité:

Procès-verbaux ont été dressés, et le sieur Chévrier, l'un de ces habitants, a été cité, à la « LA COUR; Sur la question de savoirsi requête de M. Crombez-Lefebvre, devant le tri- Chévrier, en sa qualité d'usager, ayant coupé des bunal correctionnel de Châteauroux. Il a sou- bruyères dans un bois appartenant à Crombez, tenu, contrairement à la prétention du plai-a commis un délit par l'exercice de son droit gnant, qu'il n'était point soumis, pour l'exercice de son droit d'usage, à la délivrance préalable. D'ailleurs, ajoutait-il, le maire de Neuillay a fait déclarer le bois des Houx défensable le 5 octo- Considérant qu'il résulte d'un procès-verbal bre par le garde général des forêts commis par dressé par le garde particulier de Crombez en le conservateur; et à dater de ce jour le pro-date du 15 oct. 1852 que le nommé Chévrier, priétaire s'est trouvé en demeure de surveiller l'usager, si cela lui convenait.

Le 18 nov. 1852, jugement qui renvoye le prévenu de la plainte en ces termes :

journalier, habitant de la commune de Neuillay; a coupé dans le bois dudit Crombez de la bruyère måle dont il a fait environ cent bourrées destinées à chauffer son four; - Que, poursuivi « Considérant que la demande de Crombez pour ce fait, il a excipé d'une transaction en date tend à obtenir les dommages et intérêts résul-du 3 août 1783, qui accorde aux habitants de tant du délit qu'il impute à Chévrier d'avoir commis à son préjudice, en faisant, dans les bois du plaignant, un certain nombre de fagots de bruyère; - Considérant que Chévrier rapporte, pour sa défense, un acte authentique, en date du 3 août 1783, homologué le 22 du même mois,

Neuillay, dans les bois de l'abbaye de Meaubecq, dont provient celui de Crombez, divers droits d'usage, et spécialement ceux d'y prendre de l'épine pour clore et boucher leurs héritages, méme de couper des bromalles (bruyères máles) pour l'usage de leurs fours; - Que, malgré ce titre, Crombez n'en a pas moins soutenu que l'usager, plication aux enlèvements à faire dans les bois ap- ayant agi sans autorisation avait commis le dé partenant à des particuliers, qui peuvent, ainsi qu'on lit prévu soit par l'art. 79, soit par l'art. 144 du l'a dit ci-dessus, accorder expressément ou tacite- Code forestier;- Considérant que l'art. 79, qui ment l'autorisation exigée par l'art. 144. Du reste, impose à l'usager l'obligation d'obtenir la déliil est constant que les dispositions de cet article vrance, n'est relatif qu'aux bois de toutes essenprotègent les bois des particuliers aussi bien que ces, dans lesquels les bruyères ne sont pas comles bois de l'état, puisqu'il est placé sous cette ru-prises; qu'ainsi cet article n'est point applicabrique: Dispositions applicables à tous les bois et forêts ble à la cause; mais que le fait imputé à Chéen général. Le législateur a groupé sous cet intitulé toutes les règles communes à la police et à la convrier tombe sous l'application de l'art. 144, qui servation des forêts, quel qu'en fût le propriétaire, comprend les bruyères dans l'énumération qu'il et il a réservé pour une seconde section les disposi- renferme; Considérant que cet article est tions spéciales applicables seulement aux bois et forêts conçu dans les termes les plus généraux, qu'il soumis au régime forestier... >> des produits y énoncés sans aucune distinction, punit l'extraction ou l'enlèvement non autorisé et que l'usager se trouve dès lors soumis à ses dispositions; Qu'aux termes du droit commun, l'usager ne peut qu'exiger les fruits auxquels il a droit; que l'art.79 pour les bois, com

V. également Cass. 14 mars 1834 et 16 mars 1836;

-Meaume, Comment. C. for., nos 963 et suiv. · V. aussi Rép. gén. Journ. Pal., vis Forêts, nos 1538 et suiv.; Usage (forêts), nos 577 et suiv.

(1) Dans le Berri on entend par bromalles la bruyère

måle ou brande

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VAVIN C. CHATENET ET DUBIEF. janv. 1852 en ces termes : Aiusi jugé par le tribunal de la Seine le 10

me l'art. 144 pour les bruyères, ne sont qu'une application de ce principe; - Considérant que ledit art. 144 est placé sous le titre De la police et conservation des bois et forêts, et dans la section première, intitulée: Dispositions appli- non-recevoir tirée de la prescription et soulevée <«< En ce qui touche la demande sur la fin de cables à tous les bois et forêts en général; Qu'il serait souverainement contraire à la poli-chitecte et entrepreneur): - Attendu que, suipar les héritiers Chatenet et par Dubief (les arce et à la conservation des bois de permettre à vant les art. 1792 et 2270 C. Nap., les entreprel'usager d'exercer arbitrairement son droit; qu'il neurs sont déchargés de toute responsabilité re importe que le propriétaire soit mis à même de lative à l'exécution de leurs travaux dix ans après pouvoir, sans porter atteinte au droit de l'usa- la réception de ces travaux ;-Que rien n'autorise ger, en régler et surveiller l'exercice; que son à prétendre que cette prescription s'applique autorisation est dès lors indispensable particu- seulement au principe de la garantie, c'est-à-dire lièrement lorsque le titre de l'usager ne fait que à la constatation du fait qui y donne naissance, consacrer son droit et n'a pas déterminé le mode tandis que l'action elle-même résultant de ce de jouissance; - Qu'il suit de là que Chévrier principe, une fois née, resterait soumise soit à la a commis le délit prévu et puni par l'art. 144du prescription trentenaire comme toutes les autres, Code forestier; Par ces motifs, faisant droit soit à une prescription de dix ans; - Attendu, sur l'appel, Dirmal jugé, bien appelé; INFIRME d'une part, que les termes de la loi sont clairs le jugement dont est appel; émendant et faisant et précis et se refusent à cette interprétation;ce que les premiers juges auraient dû faire, dé- Attendu que la pensée du législateur, révélée clare que Chévrier, en coupant des bruyères dans dans l'exposé des motifs, y est également conle bois de Crombez sans autorisation, a commis traire; qu'en effet, l'orateur du gouvernement, le délit prévu par l'art. 144 du C. for., etc. » M. Bigot, après avoir exposé que l'art. 2270 avait pour objet de régler la prescription en faveur des architectes et entrepreneurs, à raison de garantie des gros ouvrages qu'ils ont dirigés ou faits, ajoute que le droit commun qui exige dix années pour cette prescription a été maintenu;-Attenpas en ce qui concerne l'action en garantie. Telle est aussi l'opinion de la plupart des auteurs. V. Lepage, Lois des bâtim., 2e partie, chap. 1er, § 5 et 6; Fremy-Ligneville, C. des archit., p. 276, nos 1326, 1327, et Législation des bâtiments, t. 1, no 156; Duranton, Cours de dr. franç., t. 17, no 255; Zachariæ, Cours de dr. civ., § 374, note 13; Marcadé, Expl. C. Nap., sur l'art. 1792, no1; Taulier, Théor. du C. civ., t. 6, p. 317 et 318; Boileux, Comment. C. civ., sur l'art. 1792.

PARIS (17 février 1853). LOUAGE D'Ouvrage et d'industrie, ARCHITECTE, RESPONSABILITÉ, PRESCRIPTION. L'action en garantie accordée contre l'architecte ou entrepreneur à raison des vices de construction se prescrit, comme la garantie elle-même, par le laps de dix et non par celui de trente ans; et celle prescription court du jour de la réception des travaux, et non à compter de la perle de l'édifice ou de la manifestation des vices de construction arrivée dans les dix ans (1). C. Nap. 1792 et 2270.

M. Duvergier (Louage, t. 2, no 360) propose un système intermédiaire. Suivant lui, 1° les constructions doivent, après dix ans, être réputées sans vices, et ce délai de dix ans court de la réception des travaux; 2o l'action en garantie pour pertes survenues dans les dix ans est également soumise à la prescription décennale, mais cette prescription ne court

(1) Le siége de la difficulté se trouve dans les art. 1792 et 2270 C. Nap. Le premier de ces articles dispose que « si l'édifice construit à prix fait périt en tout ou en partie par le vice de la construction, même par le vice du sol, les architectes et entrepreneurs en sont responsables pendant dix ans >>. L'art. 2270 porte: «Après dix ans, l'architecte et les entrepreneurs sont déchargés de la garantie des gros ouvrages qu'ils ont faits ou dirigés.» Déjà, parque du jour où la perte est arrivée. M. Duvergier arrive un précédent arrêt du 15 novembre 1836, la Cour à cette solution en attribuant aux art. 1792 et 2270, de Paris avait décidé, comme elle le décide encore qui règlent la matière, deux intentions différentes: aujourd'hui, que le laps de dix ans écoulé depuis la «Le laps de temps dont il est question dans l'un, réception des travaux emporte extinction non seu-dit-il, n'est pas celui dont parle l'autre. Le premier lement de la responsabilité, mais encore de l'action délai part du jour de la réception des travaux, et lien garantie. V. conf. Mourlon, Répét, écrites, sur mite la durée de la responsabilité de l'architecte; le l'art. 1792, 3e examen, p. 253 et 256. — Ce système second commence au moment où une perte est surest vivement critiqué par M. Troplong, Louage, t. 3, venue, et opère la prescription de l'action du pron° 1011. « Voyez, dit cet auteur, à quel résultat i priétaire. La place qu'occupe chacun de ces articles conduit. Si la ruine est arrivée après la construction est en harmonie avec l'interprétation que je leur livrée, le propriétaire aura neuf années pour faire donne. Celui qui est relatif à la responsabilité de valoir ses droits; si elle est arrivée la veille des l'architecte est placé au chapitre Du louage d'ondix ans, il n'aura qu'un jour! quelques heures peut-rrage; et celui qui règle la durée de l'action du être!» M. Troplong (Ibid., no 1010) est donc d'avis que le délai de dix ans fixé par l'art. 1792 ne règle que la durée de la responsabilité de l'architecte ou entrepreneur; mais que, une fois la ruine survenue et constatée dans ce délai, l'action en garantie, comme toutes les actions à l'égard desquelles la loi n'a pas fixé un temps plus court, a trente ans pour s'exercer. Il se fonde notamment sur ce que, si l'art. 2270 C. Nap. déclare les architectes et entrepreneurs déchargés après dix ans de la garautie des gros ouvrages qu'ils ont faits ou dirigés, il ne s'explique

propriétaire, née d'un accident, fait partie du titre de la prescription. »— M. Troplong (Ibid., nos 1007 et suiv.) combat aussi ce dernier système, en soutenant que les art. 1792 et 2270 se réunissent dans une même pensée, celle de mettre un terme à la responsabilité de l'entrepreneur; que l'un et l'autre de ces articles laisse en dehors l'action en garantie, laquelle, dès lors, dure trente ans à partir de la ruine survenue et constatée dans les dix ans d'épreuve.

V. Rep. gen. Journ. Pal., vo Louage d'ouvrage et d'industrie, nos 145 et suiv.

« LA COUR,—Adoptant les motifs des miers juges, - CONFIRME. »

du que rien dans ce langage netend à distinguer le principe de la garantie de l'action elle-même; Attendu que l'interprétation qu'on prétend donner à la disposition dont s'agit serait contre le but que la loi propose; qu'en effet, cette prescription de dix ans a été introduite en faveur des entrepreneurs qui, si elle n'existait pas,

ORLEANS (15 février 1853).

pre

TRIRUNAL DE COMMERCE, MANDATAIRES,
CONSTATATION, JUGEMENT PAR DÉFAUT.

ayant été légalement représentées devant le tribunal de commerce, alors même qu'elles auraient été présentes à l'audience avec leur mandataire, si la minute du jugement ne constate pas, soit qu'elles ont déclaré verbalement autoriser ce mandataire, soit que celui-ci était muni d'un pouvoir écrit spécial (1). C. comm. 627; ord. 10 mars 1825.

En conséquence, le jugement rendu dans de telles circonstances est par défaut, et tombe en péremption s'il n'est exécuté dans le délai légal (2).

se trouveraient soumis au droit commun, c'est- Les parties ne peuvent être considérées comme à-dire exposés à garantir leurs ouvrages pendant trente ans ;-Attendu que, si l'action en garantie ne commence à courir que du jour de la perte de l'édifice ou de la découverte du vice de construction; si, à partir de ce moment, elle doit durer trente ans, l'entrepreneur se trouvera plus longtemps exposé à ce recours de la part du propriétaire que si la législation n'avait pas fait une disposition spéciale pour lui;-Attendu que la loi n'a pu vouloir un pareil résultat; Qu'au contraire la disposition dont s'agit est fondée sur le désir d'étouffer les causes des procès; - Que le législateur a pensé que, lorsque dix ans s'étaient écoulés sans qu'un vice de construction se fût manifesté, la perte totale ou partielle de l'édifice qui surviendrait après ce délai ne pourrait être présumée provenir de ce vice de construction; Qu'il faut reconnaître qu'il entre également dans son esprit de décider que, si un propriétaire a laissé écouler dix ans sans réclamation, bien qu'un accident soit survenu, qu'un vice de construction lui soit apparu, il doit être considéré comme ayant renoncé à tout recours; - Attendu qu'il résulte de tout ce qui précède que l'action en responsabilité à raison de vice de construction doit être exercée dans les dix ans

-

HÉRITIERS PICARD C. LEJEUNE.

Du 15 FÉVRIER 1853, arrêt C. Orléans, MM. Vilneau prés., Chevrier av. gén., Genteur et

Johanet av.

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« LA COUR; Attendu que, d'après les dispositions combinées des art. 414 et 421 C. proc. civ., la procédure devant les tribunaux de commerce se fait sans le ministère d'avoué; — Que, par suite, les parties sont tenues de comparaitre en personne ou par le ministère d'un fondé Attendu qu'aux de procuration spéciale; termes de l'art. 627 C. comm., la présence même à partir de la réception des travaux ;- En fait d'une partie à l'audience ne suffit pas pour donattendu que la maison dont s'agit au procès de la représenter legalement; qu'il faut encore, ner au tiers qui a plaidé pour elle la capacité a été construite en 1838 et 1839, et que les travaux ont été reçus avant l'expiration de cette de la part de celle-ci, une autorisation formelle, dont l'ordonnance du 10 mars 1825 a réglé la dernière année; Attendu que l'exploit introforme et le mode de constatation, en exigeant ductif d'instance est du 28 mars 1851; · Que l'assignation en référé qui l'a précédé, à suppo- faite dans la minute mème du jugement; — Atque mention expresse de cette autorisation soit ser qu'elle pût être considérée comme le premier acte de l'instance, est du 25 janv. 1851;-At- tendu en fait que les qualités du jugement du 2 tendu que plus de dix ans s'étaient écoulés de- août 1837 se bornent à énoncer que ce jugepnis la réception des travaux;-Attendu que, si, ment a été rendu entre le sieur Lejeune, demancomme le prétend Vavin, le vice de construction deur, comparant par Me Arbey, avoué à Pithi– dont il se plaint aujourd'hui, et qui consiste viers, son mandataire défenseur, d'une part, et dans les mauvaises dispositions des poêles et de François Picard, défendeur, comparant par Me leurs tuyaux, lui a été signalé dès 1847, rien Duchemin, avoué à Pithiviers, son mandataire n'établit qu'il en eût fait à cette époque l'objet défenseur, d'autre part; Attendu que de cette d'une réclamation contre Chatenet et Dubief; énonciation ne résulte pas la preuve de la présence du sieur Picard à l'audience, non plus que Qu'au contraire, il résulte des documents de la cause qu'il a fait faire par les entrepreneurs rait dû être muni et dont la date et l'enregistrecelle du mandat spécial dont M Duchemin auquelques réparations nécessitées par l'incendie, Qu'à la au premier étage au-dessus de l'entresol, et ment auraient dû être mentionnés ; qu'il leur a tenu compte du prix de ces répara- vérité on lit, en outre, dans les qualités du jutions sans faire aucune espèce de réserve;-At-gement, « qu'à l'audience du 2 août 1837 les partendu que sa prétention se manifeste tardive-» ties s'étant présentées volontairement, Me Arment et que la prescription est acquise aux en»bey pour le demandeur a requis l'adjudication trepreneurs, etc., etc.;-Déclare prescrite l'ac>> des conclusions de la demande, et Me Duchemin Mais attion en responsabilité de Vavin contre les héri- pour Picard a reconnu la dette »; tiers Chatenet et contre Dubief, à raison de la tendu que ce serait forcer le sens naturel de ces maison édifiée par eux en 1839, etc. »> Appel par Vavin.

Du 17 FÉVRIER 1853, arrêt C. Paris, 4 ch., MM. Ferey prés., Thureau, Da et Bertout av.

(1) V. Rép. gen. Journ. Pal., vo Jugement commercial, no 77.

(2) V. Rép. gén. Journ. Pal., vo Jugement par dé— faut, nos 557 et suiv., 563.

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ORLEANS (7 février 1853).

ABUS DE BLANC-SEING, BLANC-SEING, PREUVE,
REGLES CIVILES.

Lorsqu'un délit prend sa source dans la viola-
tion d'un contrat civil, il faut, même devant
la juridiction criminelle, que l'existence de ce
contrat soit préalablement prouvée conformé
ment aux règles du droit civil (1).

En conséquence, lorsque l'existence d'un blancseing n'est pas établie par écrit, et est déniée par celui qui est prévenu d'en avoir abusé, la preuve n'en peut être faite par témoins ou par présomption qu'autant que la cause est inférieure à 150 fr., ou qu'il existe un commencement de preuve par écrit (2).

CHENAUX.

Du 7 FÉVRIER 1853, arrêt C. Orléans, ch. corr., MM. Vilneau prés., Chevrier av. gén., Robert de Massy av.

<< LA COUR;- En ce qui touche la question préjudicielle et le mode de preuve à admette:

mots les parties s'étant présentées volontairement, pour en tirer, comme l'ont fait les premiers juges, l'induction nécessaire de la présence des parties en personne; Qu'en effet, cette énonciation s'explique par cette circonstance, que l'ajournement avait été donné à l'audience du 5 juil. 1837; qu'à cette audience aucune des parties n'avait comparu; qu'aucun défaut n'avait été ni requis, ni prononcé ; qu'aucune assignation nouvelle n'avait été donnée pour l'audience du2 août suivant, à laquelle les parties s'étaient présentées volontairement, c'est-à-dire sans intimation régulière; - Attendu qu'en constatant ce fait dans les qualités du jugement le greffier n'a pas attesté la présence des parties en personne (ce qu'il n'eût pas manqué de faire si elles eussent été réellement présentes), mais seulement la comparution des parties par leurs mandataires défenseurs, ainsi qu'il l'avait énoncé en tête des qualités, et ainsi que les juges l'ont répété dans le préambule de leur jugement, parties ouïes par leurs mandataires; Attendu qu'en admettant même l'interprétation des premiers juges, la présence à l'audience du sieur Picard ne suffirait pas pour suppléer à l'absence d'un mandat spécial; qu'il faudrait en outre trouver dans la minute même du jugement la mention expresse de l'autorisation que Picard aurait donnée à Me Duchemin de le représenter;- Attendu que la mention de cette autorisation n'existe pas; qu'on ne justifie pas non plus de l'existence d'un mandat spécial; que, dans ces circonstances, les héritiers Picard n'ont point à recourir au désaveu, qui ne doit être formé qu'en matière civile contre l'avoué mandataire ad litem, et non pas contre le simple particulier qui se présente au nom d'une partie devant un tribunal de commerce, sans avoir aucun titre ou caractère légal à cet effet; - Attendu que les héritiers Picard ne sont pas tenus non plus de recourir à l'inscription de faux, puisqu'ils ne contredisent pas dans sa matérialité le fait énoncé par le greffier dans les qualités du jugement, et qu'ils contestent seulement l'interprétation donnée à cette énonciation; Attendu que de tout ce qui précède il résulte que le jugement du 2 août 1837 a été rendu par défaut contre Picard, non comparant en personne ni légalement représenté; - Attendu que ce jugement n'a été levé qu'en septembre 1850, et signifié pour la première fois que le 29 avril 1851, c'est-à-dire plus de treize ans après son obtention; Attendu que les intimés ne produisent aucun acte duquel pourrait s'induire l'exécution volontaire dudit jugement dans les six mois de sa date; qu'il doit donc être considéré comme non avenu, aux termes de l'art. 156 C. proc. civ.; d'où il suit que le commandement signifié le 28 oct. 1851 à la requête du sieur Lejeune ne repose sur aucun titre légal, et que c'est à bon droit que la veuve et les héritiers Picard y ont formé opposition; - Par ces motifs, DÉCLARE bonne et valable l'opposition formée par les appelants aux poursuites commencées par le sieur Lejeune; en conséquence, D-pén., chap. 63, § 2, 1re éd., t. 7, p. 553 et suiv., CLARE lesdites poursuites nulles et de nul effet. »

Attendu que si les crimes et délits sont susceptibles de tous les genres de preuve, il n'eu est pas ainsi des faits civils qui, quoique connexes au délit, lui sont préjudiciels; Que ces faits rentrent alors sous l'empire du droit commun, qui prohibe la preuve testimoniale de toute chose excédant la somme ou valeur de 150 fr., à moins qu'il n'y ait un commencement de preuve par écrit; Attendu que le délit d'abus de blanc-seing est complexe; que l'abus implique nécessairement l'existence antérieure du blanc-seing; Que ce fait préalable présuppose ou un mandat illimité, ou une convention sous-entendue dont la valeur est indéterminée, et dont le signataire pouvait et devait se procurer la preuve écrite; Qu'il n'est donc pas possible, même devant la juridiction criminelle, de prouver, par témoins, le fait complexe de l'abus de blanc-seing, puisque la preuve de l'abus emporterait inévitablement celle de l'existence du blanc, et que ce serait arriver, par une voie indirecte, à constater des conventions civi

les par un genre de preuve que la loi civile a expressément prohibé, sauf dans les cas d'exception spécifiés aux art. 1347 et 1318 C. Nap. ;; Attendu, en fait, que Chenaux est prévenu d'avoir, postérieurement au 26 déc. 1851, abusé d'un blanc-seing à lui confié par Antoine Bracquemond, en écrivant frauduleusement au desnature à compromettre la fortune dudit Bracquesus de la signature de celui-ci une décharge de

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(1-2) C'est là un point constant. V. Rép. gén. Journ. 30 mars 1843 (t. 2 1844, p. 456); Nanci, 8 fév. 1845 Pal., vo Abus de blanc-seing, no 43. Adde Riom, (t. 2 1845, p. 428); Orléans, 7 août 1845 (t. 21845, p. 344); Cass. 30 juil. 1846 (t. 1 1847, p. 22); 3 mai 1848 (t. 2 1848, p. 281); 15 déc. 1849 (t. 1 1851, p. 580); Toullier, Dr. civ., t. 9, no 149; Le Sellyer, Tr. du dr. crim., t. 4, no 1488; Delapalme, Encyclop. du dr., vo Abus de blanc-seing, no 25.

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V. cependant Chauveau et Hélie, Théor. du C.

et 20 éd., t. 5, p. 408 et suiv.; Morin, Rép. du dr. crim., vo Abus de blanc-seing, no 10.

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