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JURISPRUDENCE FRANÇAISE.

et la justice a partagé son opinion. En ordonnant donc que madame de Cuzieu serait remise en possession de son terrain, parce qu'il était inoccupé, la Cour de Lyon a rendu une décision tout à fait juridique : car, ainsi qu'on l'a déjà dit, elle a réservé tous les droits de l'administration, et mis fin à une usurpation de propriété qu'elle avait la mission de faire cesser.

Du 28 DÉCEMBRE 1852, arrêt C. cass., ch. civ., MM. Berenger prés., Delapalme rapp., NiciasGaillard 1er av. gén. (concl. conf.), Luro et Delachère av.

-

Il

CASSATION (28 novembre 1851).
DÉNONCIATION CALOMNIEUSE, APPRÉCIATION

DES FAITS, COMPÉTENCE, SURSIS.
ne peut être statué par le tribunal correction-
nel sur une plainte en dénonciation calom-
nieuse qu'après que la vérité ou la fausseté
des faits imputés dans la dénonciation a été
appréciée par l'autorité compétente (1); jus-
qu'à cette décision, il y a lieu de surseoir,
alors même que le tribunal serait saisi de l'ac-
tion par ordonnance de la chambre du con-
seil en vertu d'un réquisitoire du ministère
public ayant pour objet la mise en jugement
des dénonciateurs. C. pén. 373.

LANGE.

ch.

- Vu les art. 60 et 61 de la loi « LA COUR ; du3 mai 1841 et la loi du 5 fruct. an III ;-Attendu qu'il résulte des faits établis par l'arrêt atDu 28 NOVEMBRE 1851, arrêt G. cass., taqué que, la dame de Cuzieu ayant été légalement expropriée, par arrêté du préfet du Rhône, crim., MM. Laplagne-Barris prés., Rocher Vu l'art. 373 C. pén.; en vertu de la loi du 21 mai 1836, d'une parcelle rapp, Plougoulm av. gén., Morin av. << LA COUR; de terrain nécessaire pour la confection du chemin vicinal de grande communication de Bri- Attendu qu'une ordonnance de la chambre du gnais à la route nationale n° 7, l'indemnité due conseil du tribunal de Château-Thierry a renå cette dame a été régulièrement fixée et liqui-voyé Lange et consorts devant la chambre de dée, suivant procès-verbal du juge de paix du police correctionnelle dudit tribunal sous la Attendu qu'avant tout débat sur canton de Saint-Genis-Laval en date du 18 prévention du délit de dénonciation calomQue, par l'effet de cette expro- nieuse; mars 1840; priation régulièrement prononcée et de la liqui- le fond, les prévenus ont pris des conclusions dation de l'indemnité qui en était la suite, le formelles tendantes à ce que le tribunal sursit département est définitivement devenu proprié-à statuer sur la poursuite dirigée contre eux taire de la parcelle de terrain ainsi attribuée au jusqu'à la décision de l'autorité compétente reAttendu que cette exception préchemin; Que, depuis, la dame de Cuzieu lativement à la vérité ou à la fausseté des faits ayant prétendu qu'une partie de cette parcelle dénoncés; n'était pas nécessaire à la confection du chemin, judicielle a été rejetée, par le motif que l'oret une instance administrative s'étant à cet égard donnance de la chambre du conseil qui avait engagée, il est intervenu, à la suite de cette in-saisi de l'action en dénonciation calomnieuse la stance, une ordonnance rendue en Conseil d'état juridiction correctionnelle avait implicitement le 27 mai 1846, laquelle, considérant qu'aux ter- décidé que les imputations contenues dans lames de l'art. 60 de la loi précitée du 3 mai 1841, dite dénonciation étaient dénuées de fondeAttendu que le tribunal supérieur de les anciens propriétaires ont le droit de deman- ment; der la remise des terrains acquis pour les tra- Laon, devant lequel les mêmes conclusions ont vaux d'utilité publique qui ne reçoivent pas cet- été reproduites, a fait résulter la même décision te destination, a décidé que, dans le cas où, du réquisitoire du procureur de la république après la complète exécution du chemin vicinal de Château-Thierry ayant pour objet la mise dont il s'agit, la parcelle de terrain réclamée par en jugement des dénonciateurs;- Attendu que la dame de Cuzien ne serait pas occupée par le-ni l'un ni l'autre de ces deux motifs n'a pu légadit chemin ou ses travaux accessoires, il en serait lement servir de base au refus de sursis prononfait remise à la dame de Cuzieu, conformément cé en première instance et confirmé en appel; - Que, d'une part, la chambre du conseil, en aux art. 60 et suivants de la loi du 3 mai 1841; Attendu que postérieurement aux faits ci-instruisant uniquement contre les auteurs de la dénonciation, et en se bornant, par suite du dessus un arrêté du préfet en date du 30 mars (1) C'est la un point généralement reconnu.,V. 1847 a décidé que le terrain litigieux serait attribué au chemin, comme nécessaire pour l'é- Adde Cass. 17 avril 1846 (t. 2 tablissement de gares et lieux de dépôt;-Que, Rep. gen. Journ. Pal., vo Dénonciation calomnieuse dès lors, loin que la partie de terrain apparte- 1849, p. 303), 17 sept. 1846 (t. 1 1849, p. 593), 11 Le Sellyer, Tr. du dr. crim., t. 4, nant précédemment à la dame de Cuzieu ait été déc. 1847 (t. 2 1848, p. 260), 20 nov. 1851 (t. 1 inutile à la confection du chemin, il avait au 1852, p. 384); contraire été déclaré par l'autorité adminitrative no 1562; Morin, Rép. du dr. crim., vo Dénonciation Que l'autorité calomnieuse, nos 17 et suiv. qu'elle y serait incorporée; judiciaire était donc incompétente pour apprécier l'acte émané de l'autorité administrative, et qu'en conséquence, en décidant que la dame de Cuzieu était propriétaire de la parcelle de ́terrain par elle réclamée, qu'elle était maintenue dans cette propriété et jouissance, et que la restitution lui en serait faite, l'arrêt attaqué violé les articles précités et les règles de la compétence; CASSE.>>

nos 102 et suiv.

Tel est aussi l'avis de MM. Chauveau et Hélie (Theor. du Code penal, chap. 57, 1re edit., t. 6, p. le cas où les faits dénoncés peuvent donner lieu à 498 et suiv., et, 2e édit., t. 4, p. 564 et suiv.) pour des poursuites judiciaires; mais, pour le cas où ces faits ne peuvent donner lieu qu'à une répression administrative, ils enseignent, contrairement à l'opianion générale, que la question préjudicielle de satence du tribunal correctionnel saisi de la poursuite voir s'ils sont vrais ou faux rentre dans la compéen dénonciation calomnieuse.

réquisitoire qui avait ainsi circonscrit son action, à constater à leur charge l'existence d'indices de culpabilité, n'avait eu ni le pouvoir ni la volonté de statuer préjudiciellement sur la réalité des faits dénoncés, ce qui d'ailleurs n'aurait pu avoir pour effet de lier le tribunal correctionnel, et moins encore d'autoriser ce tribunal à improuver ou à sanctionner une appréciation de cette nature, qui était en dehors de ses attributions; -Que, d'autre part, et en principe général, le ministère public, auquel appartient exclusivement l'exercice de l'action publique, ne saurait entreprendre sur le droit également exclusif du juge de prononcer sur le mérite de cette action, et s'attribuer le jugement d'une question préjudicielle qui ne peut être soumise qu'à une autorité ayant juridiction; Attendu, dès lors, que le tribunal correctionnel de Laon, en considérant cette question comme comme jugée, et en procédant à l'exanien du fond, a méconnu les règles de sa compétence, et fait aux prévenus du délit de nonciation calomnieuse une fausse application de l'art. 373 C. pén. ; CASSE, etc.>>

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riage et le consolide, sauf les contestations que ́peuvent s'élever sur la réalité des apports. Des collatéraux ne peuvent attaquer simultanément, d'une part, la reconnaissance et la légitimation du fils de leur auteur, et, de l'autre, des actes de libéralité entre vifs et testamentaires faits par le défunt en faveur de sa femme. Ce n'est qu'après avoir triomphé sur le premier point que, devenant héritiers légitimes du défunt, ils ont qualité pour plaider sur le second. DAME C... C. HÉRITIERS C...

Le 6 mai 1848, le sieur Joseph C..., chet d'escadron, contracta mariage à Paris avec la demoiselle Sybille T...-Dans l'acte de célébration les époux légitimèrent, comme issue de leur union naturelle, une fille, nommée Elisabeth, née en 1839 à Heidelberg.—Quant au conle 21 janv. 1818, il reconnaissait à la demoiselle trat de mariage, passé précédemment à Embrun Sybille T... des apports d'une valeur de 40,000 f., dé-parelle à Strasbourg en 1847 moyennant 4,000 f. entre autres une maison de campagne, achetée

COLMAR (27 février 1852). MARIAGE, PUBLICITÉ, OFFICIER CIVIL, INCOMPÉTENCE, ACTION EN NULLITÉ, DEMENCE, COLLATÉRAUX, LÉGITIMATION, CONTRAT DE MARIAGE.

Le 24 juin 1848, après son mariage, le sieur Joseph C..., qui, déjà, partestament du 17 sept. 1847, avait légué à la demoiselle Sybille T... une somme de 15,000 f., fit un nouveau testament par lequel il instituait sa femme sa légataire universelle. En 1850, le sieur Joseph C... mourut dans une maison d'aliénés. Sa mort mit fin à une procé dure en interdiction commencée par sa famille.

L'incompétence de l'officier de l'état civil qui a Le 11 mars 1851, Antoine C..., colonel en procédé à un mariage provenant de ce qu'au retraite, frère du défunt, Emile et Jules C..., cun des deux époux n'a un domicile de six mois ses neveux, venant, par représentation de leur dans la commune où il exerce ses fonctions mère, Marie C..., assignèrent devant le tribune suffit pas pour entrainer la nullité du ma-nal civil de Strasbourg Sybille T..., tant en son riage, alors d'ailleurs qu'il s'agit du mariage d'un militaire, et que toutes les formalités de nature à attester la publicité et le libre consentement ont été remplies (1). C. civ.74, 191, 193. L'action en nullité du mariage pour cause de démence est interdite aux collatéraux (2). C.

civ. 174, 184. L'enfant dont la légitimation est attaquée comme frauduleuse et mensongère n'est pas suffisamment représenté au procès par sa mère, sa tutrice légale, quand celle-ci est en même temps assignée personnellement en nullité des testaments emanés du père qui l'instituent légataire universelle. Il résulte de cette situation une opposition d'intérêts qui rend nécessaire de pourvoir l'enfant d'un représentant spécial. La validité déclarée du mariage attaqué pour cause de démence rejaillit sur le contrat de ma

(1) La plupart des auteurs reconnaissent que le mariage contracté devant un officier de l'état civil incompétent pour défaut de domicile des parties n'est pas nécessairement nul, et qu'il résulte de la combinaison des art. 165, 191 et 193 C. civ. que c'est la un point abandonné à la prudence du juge. V. Merlin, Rep.,vo Mariage, sect. 6, § 2, quest. 2, sur l'art. 191 C. civ.; Toullier, Dr. civ., t. 1er, no 644; Male ville, Analyse C. civ., sur l'art. 192; Demolombe, Cours de Code civ., t. 3, no 298; Zachariæ, Cours de dr. civ., S 467; Marcadé, Cours de dr. civ., sur l'art. 191, no 2; Boileux, Comment. C. civ., sur l'art. 191; | Mourlon, Repetitions écrites, 1er examen, p. 330; Allemand, Tr. du mar., t. 1er, no 455; Vazeille, Tr. du mar., t. 1er, no 251.

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nom personnel qu'en qualité de tutrice légale d'Elisabeth T..., sa fille mineure, aux fins 1° de faire annuler son mariage avec Joseph C..., comme ayant été célébré par un officier de l'état civil incompétent, et comme ayant été contracté par un individu en état de démence; 2o de faire déclarer également nulles, comme ayant été faites en état de démence et comme frauduleuses, les reconnaissance et légitimation de la mineure Elisabeth C...; 3o enfin de faire annuler le contrat de mariage et toutes les libéralités, constitution de dot, donation et testaments faits par Joseph C... en faveur de sa femme ou de sa prétendue fille. A l'appui de leur demande, its demandaient subsidiairement à faire la preuve de certains faits.

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Le 21 août 1851, jugement du tribunal de Strasbourg qui admet la preuve des faits articulés.

V. cependant, en sens contraire, Favard de Langlade, Rép., vo Mariage, sect. 5, § 1er, no 7; Duranton, Cours de dr. fr., t. 2, nos 338 et suiv.; Rieff, Comment. sur la loi des actes de l'ét. civ., no 224. V. Rép. gén. Journ. Pal., vo Mariage, nos 437 et suiv.

(2) V. conf. Cass. 9 janv. 1821; Caen, 28 janv. 1843 (t. 1 1844, p. 176); Cass. 12 nov. 1844 (t. 1 1844, p. 176); - Duranton, Cours de dr. franç., t. 2, no 33; Troplong, Revue de législ., t. 21, p. 53 et 54; Allemand, Tr. du mar., t. 1er, no 192.

V. cependant, en seus contraire, Vazeille, Du mariage, t. 1er, no 240; Magnin, Tr. des minor.,.l. 1er, no 159. — V. aussi Toulouse, 26 mars 1824. V., au surplus, Rép. gén. Journ. Pal., vo Mariage, nos 45 et suiv.

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Appel.

JURISPRUDENCE FRANÇAISE.

Du 27 Février 1852, arrêt C. Colmar, MM. Rossée 1er prés., Lecauchois-Féraud 1er av. gen. (concl. conf.), Fleurent et Ign. Chauffour av.

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« LA COUR (après délibération en la chambre du conseil); Sur la nullité du mariage, fondée sur ce que, lors de la célébration à Paris, les parties contractantes n'y avaient qu'une résidence de moins de six mois:-Considérant que le sieur C..., commandant d'artillerie, a occupé un emploi de son grade à Strasbourg;Qu'ensuite il a été placé à Embrun en qualité de commandant d'artillerie de la place; Que là il se trouvait dans la direction de Grenoble, qui avait pour chef le colonel C..., son frère;Qu'il y a exercé cet emploi jusqu'au mois de juil let 1849, époque à laquelle, à raison de son âge et de la durée de ses services, il a été admis la retraite ; Que, se proposant d'épouser la demoiselle Sybille T..., il y fit recevoir, le 21 janv. 1848, par le notaire Jaquier, l'acte portant règlement de leurs conventions matrimoniales; Que vers la fin de février il se rendit à Paris à la faveur d'une permission de huit jours, qui, à son arrivée, fut prolongée pour trois mois; .qu'il sollicita du ministre de la guerre l'autorisation qui lui était nécessaire pour son mariage; que cette autorisation lui fut accordée le 4 avril 1848, vraisemblablement sur les renseignements fournis par ses supérieurs hiérarchiques; qu'il demanda et se fit expédier de Narbonne, où réside sa famille, l'extrait de son acte de naissance et les extraits de décès de ses père et mère; que les publications prescrites par la loi ont été faites à Strasbourg, à Embrun et à Paris, villes que les futurs époux avaient successivement habitées; Que le mariage ainsi préparé de longue main et avec réflexion a été célébré le 6 mai 1848, publiquement et devant l'officier de l'état civil, à la mairie du deuxième arrondissement de Paris, en présence de quatre témoins, dont deux du rang de colonel d'artillerie, un chef de bataillon et un employé du Que l'acte de céléministère de la guerre: bration, qui constate le libre consentement des parties et les autres formalités d'usage, a été inscrit sur le registre de l'état civil du deuxième arrondissement; qu'enfin, et à la suite de cette célébration, il a été procédé à la cérémonie religieuse dans l'église paroissiale de Saint-Roch, Qu'un avec le même concours de personnes; mariage contracté dans de telles circonstances et entouré de tant de solennités est revêtu d'un caractère de publicité qui le met au dessus de toute attaque, et notamment de toute imputation de clandestinité; · Que l'insuffisance dans la l'égard d'un durée de la résidence, surtout militaire, qui, quant à ce, ne jouit pas d'une entière liberté, n'est pas assez grave pour entralner la nullité du mariage; -Que cette décision s'appuie sur la saine interprétation des dispositions du Code civil; Qu'il résulte, en effet, de la combinaison des art. 165, 192 et 193 du Code, que l'infraction qui se rattache à la célébration devant l'officier de l'état civil, et même à la compétence de ce fonctionnaire, n'est d'aucus

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ne conséquence, lorsque, comme dans l'espèce
le mariage réunit les autres éléments constitu-
tifs de la publicité; que cette vérité est mise
dans le plus grand jour par de nombreux monu-
ments de jurisprudence;

» Sur la question de savoir si des collatéraux sont recevables à attaquer pour cause de démence le mariage de leurs parents décédés: Considérant que le mariage est le contrat le plus important de la vie civile; qu'il ne doit y être donné atteinte qu'avec la plus grande circonspection; que le législateur, qui l'environne de toute sa sollicitude, a déterminé avec précision les cas de nullité, les qualités des personnes admises à s'en prévaloir, la durée, les déchéances des actions; que dans cette matière plus que religieudans toute autre il faut renfermer les disposiConsitions de la loi dans d'étroites limites, sement observer les règles établies; dérant que, d'après l'art. 184 C. civ., tout mariage contracté en contravention aux dispositions contenues aux art. 144, 147, 161, 162 et 163, peut être attaqué, soit par les époux euxmêmes, soit par tous ceux qui y ont intérêt; que les articles visés embrassent les mariages contractés avant l'âge requis, avant la dissolution d'un premier mariage ou entre parents aux degrés prohibés; que l'on est frappé de ce fait que dans la nomenclature des articles cités se trouve omis l'art. 146, qui néanmoins comprend incontestablement le cas de défaut de raison, comme ceux de violence ou d'erreur sur la personne; Que cette omission par le législateur ne peut être que le fruit de la réflexion et d'une volonté éclairée; que de là on doit tirer la conséquence rigoureuse que la loi refuse aux collatéraux d'attaquer pour cause de démence le mariage de leurs parents décédés; qu'il existe à la vérité, en dehors de l'art. 184, un cas de nullité que peuvent opposer les collatéraux, celui où le mariage n'a pas été célébré publiquement, à moins que le cas soit formellement prévu par l'art. 191 C. civ., tandis que nul texte du Code ne confère aux collatéraux le droit de demander pour cause de démence la nullité du mariage de leurs parents; que la disposition de l'art. 184 s'explique et se complète par celle de l'art. 174, qui accorde aux collatéraux la faculté de former opposition au mariage de leurs parents en démence, mais qui rend jusqu'à un certain point inutile l'action en nullité, concédée avec une grande réserve, sous la condition que mainlevée sera donnée de suite si l'opposition n'est pas accompagnée d'une demande en interdiction; que la disposition de l'art. 174 est pleine de sagesse; qu'il vaut mieux prévenir le mariage d'un parent que l'on prétend être en démence que d'avoir à faire annuler ce mariage lorsqu'il a été accompli et qu'il a produit des effets dans un temps Qu'en outre il y a plus ou moins long avant que soit né l'intérêt qui habilite à attaquer; une grande différence dans le mode de prouver la démence dans le cas d'opposition au mariage et dans celui d'une action en nullité après décès;

Que, dans le premier cas, on possède tous les éléments de justification; qu'aux preuves orales et littérales viennent se joindre l'avis

» Sur la validité ou l'invalidité du contrat de mariage : Considérant que l'annulation du mariage eût indubitablement entraîné celle du contrat de mariage, puisqu'il ne peut y avoir de contrat de mariage là où il n'y a pas de mariage; mais que, par une raison inverse, et par l'in-suite des liens intimes qui unissent ces deux actes, la validité déclarée du mariage doit rejaillir sur le contrat de mariage et le consolider; que, toutefois, dans l'hypothèse où les intimés, par l'effet de l'annulation de la légitimation, acquerraient des droits sur la succession du commandant C..., ils seraient admissibles à contester les apports déclarés et reconnus au profit de Sybille T... dans le contrat de mariage; mais que les critiques auxquelles ils se livrent sur ce point sont prématurées et doivent être repoussées par une fin de non-recevoir temporaire ;

de parents et l'interrogatoire; qu'on ne peut
cependant méconnaître l'utilité de ces deux
moyens auxiliaires d'instruction, et notamment
de l'interrogatoire; que l'on voit fréquemment
en effet les preuves de la démence en apparen-
ce les plus fortes, les plus décisives, s'évanouir
complétement lors de la comparution et de
terrogatoire de la personne dont l'interdiction est
poursuivie; qu'il est vrai que les intimés avaient,
avant la fin de 1850, dirigé une poursuite aux
fins d'interdiction du commandant C..., mais
qu'elle n'a pu recevoir son complément, le com-
mandant étant décédé après le jugement qui
ordonnait son interrogatoire et avant qu'il ait
pu y être procédé; que, conséquemment, de la
combinaison de ces divers articles du Code, et
spécialement des art. 174 et 184, il résulte que
l'action en nullité de mariage pour cause de dé-
mence est interdite aux collatéraux ; que la loi >> Sur la nullité des testaments et de l'acte
ne leur accorde d'autre ressource que celle de d'acquisition d'une maison: Considérant que,
l'opposition; que, dans l'espèce, il est établi dans le cas d'anéantissement de la légitimation
par les pièces du procès que les intimés ont les intimés seraient appelés à la succession
connu les relations intimes du commandant C... du commandant C..., alors seulement ils au-
avec la demoiselle T..., son projet de mariage raient qualité et intérêt
pour faire déclarer si-
avec cette demoiselle, les démarches qu'il a fai- mulé l'acte du 6 juil. 1847, par lequel Sybille
tes pour régulariser sa position à cet égard, et T...a acquis une maison pour le prix de 4,000 fr.,
enfin le dérangement qu'ils prétendent être sur- et à faire écarter deux testaments, dont l'un lè-
venu dans ses facultés intellectuelles; qu'à sup-gue une somme de 15,000 fr. à Sybille T..., et
poser même qu'ils n'eussent pas eu une con-
naissance particulière du projet de mariage, ils
en auraient été suffisamment avertis par les
voies obligées, par les publications qui ont été
faites; qu'ils auraient dû prendre leurs mesures
pour s'opposer en temps opportun à un mariage
qui, selon eux, blessait au plus haut degré la
raison et les convenances; que, si, comme ils
l'articulent, la demoiselle T... avait des torts
graves de conduite à se reprocher, c'était un
motif de plus pour mettre de côté tout ménage-
ment, pour user de la seule ressource que la
loi leur offrait;

>> Sur la légitimation: - Considérant que les intimés prennent des conclusions en nullité de la reconnaissance et de la légitimation insérées dans l'acte de célébration du mariage du 6 mai 1848; que ces conclusions soulèvent relativement à l'enfant une question de la plus haute importance pour lui; que, de plus, elles donnent naissance à des intérêts opposés entre la mère et l'enfant; qu'en effet, l'existence et l'étendue de leurs droits respectifs dépendent du fait de la reconnaissance et de la légitimation, comme aussi de celui des testaments qui confèrent à Sybille T... des droits sur la succession du commandant C...; que, dès lors, il ne suffit pas que dans la cause Sybille T... prenne ellemême et reçoive de ses adversaires la qualité de tutrice légale de sa fille mineure; qu'il est nécessaire qu'il soit nommé à l'enfant, dans les formes régulières, un représentant contre le quel puissent être débattues contradictoirement les prétentions des intimés relativement à la reconnaissance et à la légitimation dont s'agit; et qu'il y a lieu de déclarer à cet égard les intimés quant à présent non recevables, sauf à eux à se pourvoir ultérieurement et comme ils le jugeront convenable;

l'autre l'institue légataire universelle ; que l'u-
tilité des attaques qu'ils dirigent contre ces ac-
tes est nécessairement subordonnée à l'issue de
la lutte qui peut s'engager sur la légitimation;
qu'il y a donc pareillement lieu, dans cette par-
tie de la cause, à les déclarer quant à présent
non recevables;

>> Par ces motifs, MET l'appellation et ce
dont est appel au néant en ce que les premiers
juges ont omis de statuer sur l'incompétence
de l'officier de l'état civil, et parce qu'ils ont
admis les intimés à faire preuve, tant par ti-
tres que par témoins, de l'état de prétendue
démence du commandant C...; émendant quant
à ce, sans s'arrêter à la nullité dudit mariage
déduite de l'incompétence de l'officier de l'e-
tat civil, laquelle est rejetée comme mal fon-
dée; sans s'arrêter à la nullité dudit ma-
riage que l'on fait résulter de la prétendue
demeure du commandant C... à l'époque de
la célébration d'icelui, à l'égard de laquelle
nullité les intimés sont déclarés purement et
simplement non recevables, DECLARE vala-
ble ledit mariage célébré à Paris le 6 mai 1848
et le contrat de mariage passé à Embrun le
21 janvier précédent; DECLARE les intimés
non recevables, quant à présent, dans les con-
clusions qu'ils ont prises 1° contre la recon-
naissance et la légitimation insérées dans l'acte
de célébration de mariage ci-dessus énoncé en
faveur de la mineure Elisabeth T...; 2° con-
tre les testaments des 17 sept. 1847 et 24 juin
1848, et contre l'acte d'acquisition du 6 juil.
1847; 3° enfin contre les énonciations relatives
aux apports reconnus au profit de Sybille T...
dans le contrat de mariage du 31 janv. 1848,
sauf auxdits intimés à se pourvoir sur ces di-
vers chefs ainsi et comme ils aviseront bon
être, etc., etc. >>

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La dame Baudu était créancière de son gendre, le sieur Hébert, pour une somme de 13,000 fr. Cette dette étant devenue exigible le 19 janv. 1848, la créancière accorda une prorogation de délai, à la condition qu'elle serait remboursée chaque année sur les bénéfices qu'Hébert pourrait faire dans une société en projet avec le sieur Appert. Cette société en nom collectif fut en effet formée le lendemain 20 janvier, et il fut dit que la société paierait certaines dettes mentionnées dans l'acte, parmi lesquelles figurait la créance de la dame Baudu.

Plus tard, cette dame, qui n'avait point été partie dans ledit acte, ayant formé contre la société, qu'elle considérait comme obligée, une demande en paiement de sa créance, il lui fut répondu que la société ne s'était pas engagée envers elle, et qu'elle avait si bien reconnu Hébert pour son seul débiteur, que c'était avec lui qu'elle avait traité d'une prorogation de délai pour son remboursement.

Jugement du tribunal de commerce de la Seine, et, sur l'appel, le 21 juin 1851, arrêt de la Cour de Paris, qui accueillent ce système et repoussent la demande.

Pourvoi en cassation pour 1° violation des art. 20, 21 et 22 C. comm.; 2° violation de l'art. 22 C. comm., et fausse application de l'art. 1271 C. Nap., en ce que l'arrêt attaqué avait réputé dette personnelle à Hébert une dette sociale reconnue telle par l'acte même de constitution de la société, ce qui rendait indifférent le fait antérieur d'une prorogation de délai accordée au débiteur primitif.

Du 5 MAI 1852, arrêt C. cass., ch. req., MM. Mestadier cons. f. f. prés., Glandaz rapp., Sevin av. gén. (concl. conf.), Delachère av.

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« LA COUR ; — En ce qui touche les deux moyens de pourvoi, tirés, le premier, de la violation des art. 20, 21 et 22 C. comm.; le deuxième, de la violation de l'art. 22 C. comm., et de la fausse application de l'art. 1271 C. Nap. et des principes sur la novation : Attendu que l'arrêt constate en fait que la dame Baudu, belle mère du sieur Hébert, était sa créancière antérieurement à la société Appert et Hébert, formée

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le 20 janv. 1848; que, dès le 19, elle consentait à son gendre un nouveau délai, à la condition qu'elle serait remboursée chaque année sur les bénéfices qu'il pourrait faire; qu'il ressort de cette prorogation de délai que la demande resse n'a pas entendu avoir la société pour obligée, mais seulement le sieur Hébert, son gendre; qu'il suit de là que l'arrêt attaqué, en jugeant que la dame n'était pas créancière de la maison Appert et Hébert, n'a pu ni violer les règles sur les obligations des sociétés envers les tiers ni les principes de la novation; Que vainement la dame Baudu prétend faire ré

sulter d'un acte additionnel à la société du 20 janv. 1818 la preuve que cette société se serait personnellement obligée vis-à-vis d'elle; - Que la dame Baudu est tout à fait étrangère à cette convention; qu'il n'apparaît pas qu'elle ait été soumise à la Cour de Paris, et qu'enfin, en l'interprétant dans un sens contraire à celui que la dame Baudu prétend lui attribuer, cette Cour n'aurait fait qu'user de son droit souverain ; REJETTE. »

PARIS (19 août 1852).

SAISIE IMMOBILIÈRE, COMMANDEMENT, BAIL, DATE CERTAINE, FRAUDE.

Il n'est pas nécessaire, pour l'application de l'art. 684 C. proc. civ., qui autorise les créanciers ou l'adjudicataire à demander la nullité des baux n'ayant point acquis date certaine avant le commandement tendant à saisie immobiliè re, qu'il y ait eu fraude et collusion; il suffit que le bail leur soil préjudiciable (2).

Peu importe que l'adjudicataire qui demande cette nullité ait connu le bail avant l'adjudication; cette circonstance ne peut prévaloir contre le droit.

VEFOUR C. BARRÉ.

Ainsi jugé par le tribunal civil de la Seine, le 5 fév. 1852. dans les termes suivants : « Le tribunal; Attendu que l'art. 684 C. proc. civ. s'applique à tous les cas, soumis à l'appréciation des juges, qui peuvent fonder l'action des créanciers ou de l'adjudicataire; qu'il n'est pas nécessaire que la nullité demandée du bail n'ayant pas date certaine antérieurement à l'adjudication résulte de la preuve des faits de fraude et de collusion; qu'elle peut encore comme dans l'espèce, être demandée pour préjudice éprouvé par l'adjudicataire ou les créanciers; Attendu que, si, dans l'espèce même, aucun fait de fraude n'est allégué, il y a lieu néanmoins de reconnaitre qu'Hédé, administrateur, a fait un acte léger et imprudent en · passant le bail dont il s'agit presqu'à la veille de l'adjudication; Attendu que ce bail porte un véritable préjudice à la propriété, et par con

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(2) V. conf. Nimes, 4 mars 1850 (t. ↑ 1851, p. 190).

Contr. Bordeaux, 18 nov. 1848 (t. 1 1850, p.207). V., au surplus, sur cette question controversée, notre annotation sous l'arrêt précité de Bordeaux da 18 nov. 1848. 1 V aussi Rep. gen. Journ. Pal., vo Saisie immobilière, nos 491 et suiv.

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