ULRICH C. MEERSEUR HUGUENIN. En 1849, Michel-Ulrich, fabricant de tricots Bar-le-Duc, modifia sa fabrication et en même temps le salaire de ses ouvrières. - Le sieur Mayeur-Huguenin, son concurrent, ayant manifesté l'intention d'opérer les mêmes modifications si Michel-Ulrich persistait dans ses résolutions premières, les ouvrières s'en émurent, et le conseil des prud'hommes fut saisi Mais, le 12 juin 1849, ce conseil reconnut son incompétence. Toutefois, après la séance et dans la salle même du conseil, en présence d'un certain nombre d'ouvrières, Michel-Ulrich prit l'engagement d'adopter le tarif de son concurrent.-Les deux fabricants devaient donc, à l'avenir, observer le même tarif, et payer aux ouvrières les prix de façon spécialement fixés par eux pour les divers articles de leur fabrication. Le paiement devait se faire moitié en argent, moitié en marchandises. Le 15 février 1851, Mayeur-Huguenin assigua Michel-Ulrich en paiement de 6,000 fr. de dommages-intérêts, soutenant que son confrère BORDEAUX (23 noût 1851). ENSEIGNE, USURPATION, COMPÉTENCE, NOTION AD FUTURU. n'avait point exécuté la convention du 12 juin Le tribunal de commerce est compétent pour 1819, et lui avait ainsi causé un préjudice dont réparation lui était due. Michel-Ulrich reconnut qu'il n'avait pas constamment observé le tarif réglé par cette convention, mais il prêténdit que celle-ci était nulle, comme contraire à raine la liberté de l'industrie et du commerce, et qu'il n'avait pu valablement se priver de la faculté de stipuler librementavec ses ouvrières. II articulait aussi la violence et le dol qui viciaient l'obligation et résultaient des menaces qui lui avaient été faites verbalement et par écrit. Jugement du tribunal de commerce de Barle-Duc qui repousse ce système et déclare la convention valable. Ce jugement est fondé sur ce qu'à l'époque où elle était intervende, cette convention devait produire une augmentation de salaires pour les ouvrières, en sorte qu'on ne se trouvait pas dans le cas prévu par l'art. 414 C. pén., celui d'une baisse de salaires abusivement causée par une coalition des patrons. Appel par Michel-Ulrich. Du 23 Juin 1851, arrêt C. Nanci, 2 ch., M. Jaunot de Morey prés., Lombard et Laflize «LA COUR; - Attendu que, si les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, c'est sous la condition qu'elles aient été léne produisent aucun galement formées; qu'elles effet lorsque, prenant naissance dans une cause illicite, elles sont contraires à l'ordre public; Attendu que la convention verbale du 12 juin 1819, qui fait la matière du litige, dont Tappelant demande la contestablement la liberté du commerce qu'exerçaient séparément, dans la même ville, les deux parties au procès, et apportait tout à la fois des entraves tant au libre exercice qu'au déve loppement de leur industrie; qu'en effet, en s'obligeant pour un temps indéterminé à tenir à des prix invariables les façons de certains objets de leur commerce, elles interdisaient formellement tout progrès, toute amélioration nullité, restreignait in statuer, entre commerçants, sur une deman de relative à l'usurpation d'une enseigne (1). C. comm. 631. Anya pas usarpation ou contrefaçon de l'ensei gne d'une boucherie s'intitulant Boucherie nationale de la part d'un boucher qui dans son enseigne introduit les mots boucherie na tionale, mais seulement pour indiquer, en ter tres de même dimension, et sans aucune ex (1) Cette question de compétence présente quelque difficulté. D'une part, on peut dire que, biện que l'enseigne ait une valeur industrie rielle, Faction en réparation du dommage causé par celui qui en üsurpe la propriété a pour cause une obligation résultart d'un quasi-delit, ce qui paraît devoir entraiher attribution de competence a la juridiction civile. C'est ce que pense M. Ét. Blanc (Tr. de la contrefaçon, p. 233; c'est également ce qu'a décidé un jugement di tribunal de premère instance d'Alger du 3) mai 1843, dans lequel on remarque les considérants suivants : a << Attendu que le négociant qui par son fait causé du dommage à un autre négociant ne peut être réputé avoir agi comme negociant, alors même sant d'un puasi qu'il serait établi qu'au nioment où le dommage a causé l'auteur du inteur du dommage se age se livrait a des op rations de commerce, la circonstance constitutive du quasi-délit ayant nécessairement le caractère d'un fait anormal et en dehors de T'exercice régulier de la profession de commerçant; -Attendu par suite qu'on doit poser comme règle générale que les obfigationis qui, entre négociants, nai délit, sont de la competence des tribunaux civils; Attendu que, si la coutstation a pour objet la propriété d'une en e gne, vacur industrielle, cette contestation n'est pas née a la sui d'une convention ayaat trait au commerce des parties, arais à l'occasion d'une usurpation qui con-tobaerait un quasi-delit, et que, d'après les principes porés plus haut, cette contestation rentre dans la compétence des tribunaux civils. Mais, en réponse on peut faire valoir que l'enseigne est, pour le négociant, l'emble de et tradice de son égoce; que c'est par cet em deme qu'il an nonce et cherche a étendre ses opérations; que c'est pression qui puisse laisser croire qu'il fait | père et consorts envers le jugement du 10 avril partie de la Boucherie nationale, qu'il vend la viande au même prix que cette boucherie (1). Le commerçant sommé par un autre commerçant de supprimer certaines énonciations de son enseigne est recevable à assigner ce dernier pour se faire autoriser à conserver son enseigne telle qu'elle existe (2). (Rés. par le tribunal.) ALÇUET ET AUTRES C. NEVEUX. Le 24 avril 1851, jugement du tribunal de commerce de Bordeaux ainsi conçu : << Attendu que l'opposition de Martin Alçuet en quelque sorte la personnification de son établissement; que, dès lors, toute atteinte à l'achalandage au moyen de l'usurpation d'enseigne étant à la fois, pour celui qui en profite, une spéculation dans l'intérêt de son négoce, et pour celui qui en souffre une atteinte à son commerce, il ne s'agit plus seu courant n'a pas été contestée dans la forme; >> Sur la fin de non-recevoir : Attendu défendeurs mettaient en question le droit que que la sommation donnée le 7 courant par les Neveux soutient avoir de placer au dessus de son enseigne un avis annonçant qu'il vend, au laribus. V. Rép. gén. Journ. Pal., vo Dissamari (loi). teurs se prononcent pour l'affirmative. V. Merlin, Rép., En est-il de même en droit français ?-Divers auvo Diffamari, no 1er, qui cite le chap. 14 des chartes générales du Hainaut, où on lit: «Tous manants de notre pays de Hainaut, étant menacés par aucuns lement d'un quasi-délit se produisant à l'occasion | particuliers faisant courir le bruit de les poursui d'un acte dè commerce, mais bien d'un fait commercial par lui-même, de contestations nées entre negociants, à l'occasion de leur négoce, sur une propriété essentiellement commerciale, et que de pareilles contestations, devant être jugées d'après les usages du commerce, rentrent nécessairement dans la compétence commerciale. - V. en ce sens Goujet et Merger, Dict. de dr. commercial, vo Enseigne, nos 65 et suiv.-V. aussi Nouguier, Des trib. de comm., t. 1er, p. 339. Ce qui donne du poids à cette dernière opinion, consacrée également par l'arrêt que nous recueillons, c'est que le décret du 11 juin 1809, sur les conseils de prudhomme, attribue art. 6) au tribunal de commerce juridiction pour connaître des contestations relatives aux marques de fabrique. Or l'analogie entre ces deux cas est évidente.-Au surplus, dans la pratique, le tribunal de commerce juge les questions d'usurpation ou de contrefaçon d'enseigne lorsqu'elles naissent entre commerçants. V. Gastambide, Tr. de la contrefaçon, no 486; Orillard, Compét. des trib. de comm., no 205. Mais s'il s'agissait de pareilles contestations entre personnes non commerçantes, le tribunal civil serait incontestablement seul compétent pour en connaître, comme le tribunal civil est également seul compétent pour apprécier les difficultés qui s'élèvent entre propriétaires et locataires sur l'usage plus ou moins restreint des enseignes et tableaux. Il n'y a, en effet, dans ces divers cas, rien de commercial. V. conf. Goujet et Merger, loc. cit. Il a été jugé que la demande formée par l'ancien titulaire d'un fonds de commerce en suppression de son nom sur les enseignes et les factures de son successeur a pour fondement, non un acte de conmerce, mais un quasi-délit, de la compétence des tribunaux civils: Paris, 10 fév. 1845 (t. 1 1845, p. 575). Dans l'espèce de cet arrêt, il est constaté que le demandeur n'était plus commerçant, et qu'il n'avait pas formé sa demande en qualité de commerçant. V. Rep. gen. Journ. Pal., vo Enseigne, nos 106 et suiv. (1) La solution de pareilles questions dépend toujours des circonstances. V. Rep. gen. Journ. Pal., vo Enseigne, nos 69 et suiv., 76 et suiv. - V. aussi Lyon, 21 mai 1850 t. 2 1850, p. 64; Bordeaux, 13 janv. 1852 (t. 2 1852, p. 248). sonnelle, pourront faire plainte en notre dite Cour, internat. privé, no 164. M. Chauveau (Journ. des avoués, 1849, art. 642, les juges sont appréciateurs des circonstances qui Ce qu'il faut conclure de ces citations, c'est que rendront admissible ou non l'action exercée par cement de l'arrêt que nous recueillons, Caen, 4 août lui qui se plaint. V., à cet égard, indépendam1851 (t. 2 1852, p. 567), et les divers arrêts cités en note. (2) Il s'agit ici d'une sorte d'action ad futurum. Le droit romain admettait cette action, qui trouvait, comme on le sait, son principe dans la loi Diffamari 5, au Code De ingenuis manumissis. aussi la loi dernière, au Code De usuris pupil-et suiv, V. V. Rep. gen. Journ. Pal., ve Tribunaux, nes 353 L même prix que ses concurrents, les marchandises de son commerce; que dès lors son intérêt lui commandait de provoquer une solution sur les conséquences de cette sommation; que linstance actuelle n'a pas d'autre objet; qu'elle est donc recevable; > Au fond: - Attendu que l'intérêt évident des opposants n'est autre que d'empêcher Nereux de faire connaître qu'il vend sa marchandise au même prix qu'eux, conséquemment de laisser croire qu'il la tient à un taux plus élevé, et, par ce moyen, d'éloigner les acheteurs de chez lui; - Attendu qu'en principe la faculté de réduire les prix existant, la faculté de le faire utilement savoir s'en doit naturellement suivre; que c'est là un moyen loyal de concurrence, qui, dans l'espèce, est d'autant plus respectable qu'il est favorable au consommateur, et d'autant plus nécessaire, que les établissements rivaux sont voisins; - Attendu que, ceci établi, la difficulté ne peut plus exister que sur le moyen employé par Neveux; que ce moyen consiste a placer au dessus de son en « LA COUR; - Attendu, sur la question d'incompétence, que le procès existe entre des individus commerçants, et que le fait de la contestation dérive de l'exercice de leur commerce, puisqu'il s'agit d'une demande en réparation de torts qu'aurait produits une enseigne usurpant le nom d'une société commerciale; que, dès lors, le tribunal de commerce avait juridiction pour statuer sur la contestation; >> Attendu que les termes dont se composait l'enseigne de Neveux n'étaient pas identiques avec ceux de l'enseigne adoptée par les bouchers qui donnaient à leur boucherie le nom de Bou cherie nationale; - Qu'en énonçant sur son enseigne qu'il vend marchandise prix de l'association dite Boucherie nationale, Neveux n'a fait qu'énoncer le prix auquel il en voulait fixer la vente; que ce droit ne saurait lui être contesté; qu'il établissait ainsi une concurrence licite; - Attendu, d'ailleurs, que les expresdonner lieu à aucune équivoque pour les achesions de l'enseigne de Neveux ne pouvaient teurs, et laisser croire qu'il faisait partie de lisait facilement, en lettres de mème dimension, que Neveux vendait la viande au même prix que la boucherie nationale; ce qui n'éta l'association dite Boucherie nationale; qu'on seigne, portant : «Neveux, boucher», une toile sur laquelle est écrite, en lettres toutes d'une même dimension, l'annonce suivante: «Onvend la viande aux mêmes prix qu'aux Boucheries nationales»; qu'il s'agit done de savoir si cet avis est, dans sa forme, de nature à constituer une usurpation d'enseigue, et par conséquent à jus tifier les prétentions des opposants; Attendu qu Alçuet père et consorts, en désignant leur société sous le titre de Boucheries nationales, n'ont pas régulièrement qualitié leur entreprise; que cette société n'est pas anonyme, puisqu'elle n'est pas revêtue des formalités voulues par l'art. 67 C. comm.; qu'elle devrait donc, à ce premier point de vue, ne pouvoir fonctionner que sous le nom personnel des associés gérants; - Attendu que, s'il est vrai, contrairerement à la valeur réelle de l'expression, valeur qu'il importerait de respecter, sous peine de confusion dans le langage et dans les choses, que chacun des débits d'Alçuet père et consorts porte Boucherie nationale, il n'en est pas moins vrai que cet abus de mots ne constitue pas en leur faveur un droit tellement exclusif a les employer qu'il puisse aller jusqu'à empê- Bien qu'en principe les honoraires des notaires cher Neveux de combattre la concurrence qui lui est faite, concurrence si hautement annoncée et à prix réduits, sous le titre conventionnel de « Boucherie nationale >>; Attendu que l'affiche ou annonce exposée par Neveux ne représente rien dans sa disposition qui puisse faire croire que, comme ses adversaires, il tient une boucherie prétendue nationale, mais que bien au contraire elle indique qu'il ne fait pas partie de cette association; que conséquemment les acheteurs ne peuvent s'y méprendre; qu'il suit de là que, sans préjudice pour les opposants, il a usé du seul moyen qui lui restait pour conserver sa clientèle; » Attendu, quant aux dommages réclamés par Neveux, qu'ils ne sont point justifiés; >> Par ces motifs, le tribunal reçoit Alçuet père et consorts opposants, pour la forme, envers le précédent jugement; pour le profit, et blissait aucune identité entre les deux ensei gnes, et par conséquent aucune usurpation; ce fait ne saurait done donner lieu une réparation; CASSATION (29 novembre 1852). COMPENSATION, HONORAIRES DE NOTAIRE, SOLDE ne soient pas par eux-mêmes productifs d'interêts (1), etne soient méme exigibles qu'après la taxe (2), une Cour a pu juger que le montant s'en était compensé, même avant taxe, avec une créance liquide et exigible, telle qu'un solde de compte courant chez un banquier, lorsqu'il est reconnu et constaté en fait que les parties avaient consenti respectivement à ce que les comptes qui existaient entre elles fus• sent balancés, et étaient d'accord pour negli (1) V. conf. Cass. 18 mars 1850 (t. 1 1850, p. 699), et les notes. et honorai (2) Il a été jugé, en effet, que l'action qui a pour objet de faire régler la quotité des frais res dus à un notaire pour les actes non expressément tarifés par le décret du 16 fév. 1807 est non recevable si elle n'a été précédée d'une taxe faite par le président du tribunal civil: Cass. 7 mai 1850 (t. 21850, p. 291). profit de Dubos et la créance de Moinet telle qu'elle sera déterminée par la taxe; - Dit et juge que les parties se tiendront respectivement compte des sommes reçues ou payées depuis fin décembre 1839 jusqu'à ce jour, en y comprenant les déboursés et honoraires dus à Moinet. >>> Pourvoi en cassation par le sieur Dubos pour violation 1o de l'art. 1291 C. Nap., combiné avec les art. 51 de la loi du 25 vent. an XI et 173 du décret du 16 fév. 1807, et 2o des art. 1153 et 2001 C. Nap. L'arrêt attaqué, disait le demandeur, reconnaît expressément qu'entre lui et Moinet il y a eu compte courant, que ce compte a été clos le 31 déc. 1839 et que le demandeur est débiteur de Moinet de 5452 fr. 90 c. sauf taxe. D'un autre côté, il est établi par les motifs de l'arrêt que, le 30 juin 1838, Moinet était devenu débiteur pour solde de 7,189 fr. 33 c., et que Dubos, créancier du compte courant fin déc. 1839, n'avait plus à cette époque qu'une créance ordinaire productive d'intérêts au taux légal. Cela posé, en quoi consistait la créance de Moinet? Elle se composait principalement d'honoraires, les déboursés n'en faisaient que la moindre partie. Or une pareille créance, qui ne peut donner lieu à une action en justice qu'après la taxe du président (décret du 16 fév. 1807, art. 173), ainsi que l'a jugé la chambre civile par par arrêt arrêt du 7 mai 1850 (Journ. Pal., t. 2 1850 p. 291), n'est par cela même, avant la taxe, ni liquide ni exigible; et, dès lors, elle ne peut venir en compensation d'une créance par compte courant, certaine, liquide et exigible. - Vainement, l'arrêt attaqué s'est-il fondé sur ce que la taxe demandée, bien qu'elle pût apporter des modifications dans la quotité de la créance, n'empêcherait pas que cette créance eût été liquide et exigible. La réponse est qu'il n'y a de créance liquide et compensable que celle dont le chiffre est définitivement arrêté et invariablement fixé. La taxe qui peut en changer la quotité est donc un obstacle légal à la compensation, ainsi que la Cour de cessation l'a jugé par arrêt du 11 nov. 1851 (Journ. Pal., t. 1 1852, p. 246). --- Vainement encore l'arrêt attaqué s'est-il fondé sur ce que les parties entendaient balancer les deux comptes et négliger une liquidation dont le résultat devait être sans importance pour elles. Une convention tacite ou présumée ne saurait avoir plus de force qu'une convention expresse. Or un arrêt du 1er déc. 1841 V. cet arrêt au Journ. Pal., t. 1 1842, p. 390) dénie même à une convention expresse, même à un paiement réellement fait à un notaire, l'effet d'affranchir celui-çi de l'obligation légale de la taxe, laquelle est d'ordre public. - Sous ce premier rapport Conc l'arrêt attaqué est contraire à la loi. Il s'y contrevient pas moins sous un autre rapport, en faisant entrer la créance du défendeur éventuel dans un compte courant, et en la rendant ainsi de plein droit productive d'intérêts. En ceci l'arrêt attaqué contrevient aux art. 1153 et 2001 combinés C. Nap., desquels il résulte que les sommes dues aux notaires, soit à titre d'honoraires, soit à raison de l'avance qu'ils sont tenus de faire des droits d'enregistrement, ne sont pas par elles-même productives d'intérêts, ainsi que l'a jugé la Cour de cassation par arrêt du 18 mars 1850 (Journ. Pal., t. 1 1850 p. 699). M. le conseiller rapporteur Brière-Valigny a fait, sur le pourvoi, les observations suivantes: << Pour apprécier le moyen proposé, il faut d'abord bien préciser les faits constatés par l'arrêt attaqué et les conventions dont il a reconnu l'existence. L'arrêt attaqué déclare que Moinet a eu un compte courant ouvert chez Dubos et que ce compte a été clos au 31 déc. 1839. Les motifs de l'arrêt expliquent que, depuis cette époque, il n'y a plus eu d'éléments d'un compte courant entre les parties, Moinet ayant quitté les affaires et s'étant rétiré à la campagne. Par le résultat du compte courant ainsi arrêté au 31 déc. 1839, Dubos était créancier de Moinet de 4,984 fr. 33 c., produisant intérêts; mais d'un autre côté, il était débiteur de Moinet pour honoraires et déboursés de 5452 fr. 90 c. sauf taxe. Dans cette situation les deux créances se balançaient à la fin de déc. 1839, « et les parties étaient d'accord pour né>> gliger une liquidation dont le résultat devait > être pour l'une ou pour l'autre d'une minime » importance», ce sont les termes de l'arrêt. Qu'est il arrivé alors? Une compensation s'est opérée non seulement par la force de la loi, mais par la volonté des parties : << les parties enten>> daient, dit l'arrêt attaqué, que les deux comp>> tes devaient se balancer... - Sans doute, cette compensation ne mettait pas obstacle à ce que Dubos demandât la taxe du mémoire des frais et honoraires dont il était débiteur envers Moinet; mais de ce que Dubos avait la faculté de demander la taxe, ne résulte pas l'impossibilité de compenser. La compensation est un mode de paiement. Or Dubos, qui aurait pu payer le mémoire, sans préjudice de son droit d'en réclamer ultérieurement la taxe, a pu en compenser le montant avec la créance résultant en sa faveur du compte courant. Dans la situation où se trouvaient les parties, Moinet n'avait aucune demande à former contre Dubos, qui était son créancier, par l'effet du compte courant, d'une somme à peu près égale à celle dont il était débiteur, et qui ne réclamait pas le paiement du reliquat de ce compte courant, mais l'abandonnait en compensation des frais qu'il devait à Moinet. La compensation, d'ailleurs, pas plus que le paiement n'a mis obstacle à ce que la taxe fût requise; l'arrêt attaqué le reconnaît et réserve expressément la taxe du mémoire Il semble donc avoir fait une exacte application du principe aux faits qu'il a déclarés constants. >>> DU 29 NOVEMBRE 1852, arrêt C. cass., ch. req., MM. Mesnard prés., Brière-Valigny rapp., Nicias-Gaillard 1er av. gén., Ripault av. <<< LA COUR; - Attendu qu'il est déclaré et constaté par l'arrêt attaqué que les parties ont consenti respectivement à ce que les comptes qui existaient entre elles fussent balancés à l'époque du 31 déc. 1839, et qu'elles étaient d'accord pour négliger une liquidation dont le résultat devait être, pour l'une ou pour l'autre, | En conséquence, la mère, ainsi considérée comd'une minime importance; - Que, dans cet état des faits, la Cour d'appel n'a violé aucune loi en décidant que la compensation opérée par le me ayant reconnu son enfant dès l'instant de sa naisance, a pu être déclarée habile à lui succéder. C. civ. 765 et 768. consentement des parties avait pu produire | Il en est ainsi alors même que le déclarant, en effet; - Que, d'ailleurs, l'arrêt attaqué a formellement réservé à Dubos la faculté de réclamer la taxe du mémoire des frais d'actes dus à Moinet, et dont la compensation avait eu lieu avec le reliquat de compte courant dû à Dubos; - REJETTE, etc.» gagé lui-même dans les liens du mariage, n'aurait pu reconnaître valablement cet enfant qui, à son égard, eût été adultérin. C. civ. 335. L'avoué qui a obtenu la distraction des dépens n'a que les droits de la partie pour laquelle il a occupé; et, dès lors, le pourvoi dirigé contre celle-ci ne doit pas l'étre en même temps contre lui, puisque, si la disposition relative aux dépens venait à être maintenue ou réformée quant à elle, elle le serait nécessairement quant à lui. CASSATION (7) janvier 1852). ENFANT NATUREL, ACTE DE NAISSANCE, DÉCLARATION DE LA MÈRE, AVEU, PREUVE, - SUCCESSION, - AVOUÉ, DISTRACTION DES DÉPENS, POURVOI EN CASSATION. L'indication de la mère d'un enfant naturel faite de l'aveu de celle-ci dans l'acte de naissance par celui qui déclare étre le père établit pleinement la maternité et la filiation maternelle; et la preuvede cet aveu peut, sans qu'il en résulte aucune violation de loi, s'induire de ce que la mère désignée a toujours traité cet enfant comme sien, et l'a, après sa mort, reconnu, au besoin, par acte authentique (1). C. civ. 334 et 336. (1) Une jurisprudence constante et la majorité des auteurs reconnaissent qu'il résulte a contrario de l'art 336 C. civ. que la reconnaissance d'un enfant naturel faite dans son acte de naissance par le père, avec l'indication et l'aveu de la mère, a effet même à l'égard de celle-ci, et, en outre, que cet aveu n'est soumis à aucune condition spéciale, soit quant à la forme, soit quant à l'époque, et peut résulter des faits et circonstances, notamment 1o des soins donnés par la mère à son enfant: Bordeaux, 19 janv. 1830 (et non 1831); Paris, 15 déc. 1834; Cass. 5 mai 1836..., lequel enfant doit, dès lors, être réputé légitimé par le mariage postérieur de son père et de cette mère, quoique celle-ci ne l'ait pas formel. lement reconnu: Caen, 4 janv. 1838, rapporté avec Cass. 22 janv. 1839 (t. 1 1839, p. 74), et ce dernier arrêt; Paris, 20 avril 1839 (t. 1 1839, p. 537); — Toullier, Dr. civ., t. 2, no 27; 2o De ce que la mère a fait élever l'enfant sous ses yeux et a avoué sa maternité dans l'inventaire fait après le décès du père: Bordeaux, 15 févr. 1832; -3o Des aveux consignės par la mère dans une procuration enregistrée avant la mort de l'enfant, et des soins qu'elle lui a donnés: Douai, 23 janv. 1819; 4o De ce que la mère a comparu personnellement, du vivant de son enfant, dans l'inventaire auquel il a été procédé après le décès du père, et qu'elle y a fait divers dires et réclamations qui confirment l'indication de maternité contenue dans l'acte de naissance: Cass. 26 (et non 25) avril 1824 (et non 1814); -5o De ce que la mère a pris cette qualité dans des actes judiciaires: Bruxelles, 4 févr. 1811; Cass. 22 juin 1813. - V. Favard de Langlade, Rep., vo Reconn. d'enf. nat., sect. 1re, § 3, art. 1er, no 4; Duranton, Cours de dr. franç., t. 3, no 245; Zachariæ, Cours de dr. civ., § 568 bis, et MM. Aubry et Rau, ses annotateurs, ibid., note 26; Duvergier sur Toullier, Dr. civ., 1. 2, note 6 sur le n° 956; Taulier, Théor. da C. civ., t. 1er, p. 427; Cadrès, Tr. des enf. nat., 10; Richefort, Tr. de l'ét. des familles, t. 2, no 278; Teulet, d'Auvilliers et Sulpicy, Code civ. annoté, sur l'art. 336, nos 6 et suiv.; Rolland de Villargues, Rép. du notar., vo Aveu de maternité, nos 3 et suiv. Au contraire, d'autres auteurs enseignent que ETAT C. GRÉGOIRE ET MICHAL. Le 15 juin 1830, Marie Vicat accoucha, à la Côte-Saint-André, d'une fille qui fut présentée le même jour à l'officier de l'état civil par le sieur Laurent Grégoire, et inscrite sur les renaturelle gistres, sous le prénom d'Eugénie, comme fille naturelle de Marie Vicat et de Laurent Grégoire. Celui-ci se trouvait cependant alors, et depuis le 27 avril 1813, engagé dans les liens du mariage avec Marie Lambert, qui mourut le 1 nov. 1846, sans héritier à réserve, et laissant l'aveu de la mère doit être formel, et ne peut résulter que d'une reconnaissance expresse de sa part ou d'un mandat spécial donné au père de reconnaître l'enfant en son nom. V. Marcadé, Cours de dr. civ., sur l'art. 336, et Revue crit. de jurispr., année 1852, p. 465 et suiv.; Demolombe, Cours de C. civ., t. 5, no 383; Boileux, Comment. C. civ., sur l'art. 336, Valette sur Proudhon, Tr. de l'état des pers., 3a édit., t. 2, p. 142, note a. - V. aussi Bourges, 2 mai 1837 (t. 1 1838, p. 193). Suivant ces jurisconsultes, qui cherchent à appuyer leur opinion sur les travaux préparatoires du Code civil, l'art. 336 doit être interprété en ce sens: la reconnaissance n'a d'effet qu'a l'égard de celui qui l'a faite. La conséquence qu'ils tirent de cette interprétation est que l'indication d'une mère qui n'est pas légalement connue, faite par un tiers sans pouvoir, ne saurait devenir contre elle un moyen de preuve. <<<< Dire, ajoute M. Marcadé (Cours de dr. civ., sur l'art. 336, no 1er), que l'indication faite par le père sans mission de la mère (indication qui, par elle seule, ов l'avoue, ne signifie rien) produit ensuite la reconnaissance quand il vient s'y joindre ce que la doctrine appelle tractatus, c'est dire, ni plus ni moins, que la reconnaissance des enfants naturels s'établit par la possession d'état. >>> Observons néanmoins que la Cour de cassation, dont la jurisprudence, on le sait, rejette la possession d'état comme preuve de la filiation des enfants naturels (V. Cass. 17 fév. 1851 [t. 1 1851, p. 481], et la note détaillée), n'a pas employé, dans l'arrêt que nous recueillons, l'expression possession d'état; et qu'au surplus c'est non comme preuve directe de la filiation de l'enfant, mais comme preuve de l'aveu de la mère, que, dans l'espèce, des faits constituant en réalité la possession d'état étaient invoqués. La Cour de cassation, sans s'occuper de l'effet de la possession d'état relativement à la filiation naturelle, a seulement jugé qu'il appartient aux juges du fait de décider souverainement, par appréciation des circonstances, si l'indication de la mère dans l'acte de naissance a eu lieu de son aveu, ce qui équivaudrait à une reconnaissance de sa part. V. Rép. gen. J. Pal., vo Enfant naturel, nos 214 et suiv. |