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ULRICH C. MEERSEUR HUGUENIN. En 1849, Michel-Ulrich, fabricant de tricots Bar-le-Duc, modifia sa fabrication et en même temps le salaire de ses ouvrières. Le sieur Mayeur-Huguenin, son concurrent, ayant manifesté l'intention d'opérer les mêmes modifications si Michel-Ulrich persistait dans ses résolutions premières, les ouvrières s'en émurent, et le conseil des prud'hommes fut saisi Mais, le 12 juin 1849, ce conseil reconnut son incompétence. Toutefois, après la séance et dans la salle même du conseil, en présence d'un certain nombre d'ouvrières, Michel-Ulrich prit l'engagement d'adopter le tarif de son concurrent.-Les

deux fabricants devaient donc, à l'avenir, ob

server le même tarif, et payer aux ouvrières les prix de façon spécialement fixés par eux pour les divers articles de leur fabrication. Le paiement devait se faire moitié en argent, moitié en marchandises.

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économique dans le mode de leur fabrication,
dustriels du même genre de produits; — Que
'toute concurrence possible avec d'autres in-
non seulement leur convention, en face des
devait les conduire à leur perte, mais encore,
progrès toujours croissants de la fabrication,
dans un temps plus ou moins éloigné, priver
leurs ouvriers de tout travail, et, par dessus
tout, obliger le public à payer des marchandi-
déterminés une concurrence naturelle et libre
ses à une valeur au-dessus des prix qu'aurait
de leur commerce; Qu'on doit donc dire
étant gravement froissé dans la convention dont
que, sous tous ces rapports, l'ordre public
il s'agit, elle doit être déclarée illicite, et par
mis le jugement dont est appel au néant; émên-
conséquent sans effet;
dant, DECLARE hulle et de nul effet la conven-
tion dont excipe la partie de Laftise, etc. V

Le 15 février 1851, Mayeur-Huguenin assigna Michel-Ulrich en paiement de 6,000 fr. de dommages-intérêts, soutenant que son confrère n'avait point exécuté la convention du 12 juin Le 1849, et lui avait ainsi causé un préjudice dont Michel-Ulrich reréparation lui était due. connut qu'il n'avait pas constamment observé lé tarif réglé par cette convention, mais il préten dit que celle-ci était nulle, comme contraire à la liberté de l'industrie et du commerce, et qu'il n'avait pu valablement se priver de la faculté de stipuler librementavec ses ouvrières. Il articulait aussi la violence et le dol qui viciaient l'obligation et résultaient des menaces qui lui avaient été faites verbalement et par écrit.

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Par ces motifs, A

BORDEAUX (23 août 1851). ENSEIGNE, USURPATION, COMPÉTENCE, ACTION AD FUTURUM.

tribunal de commerce est compétent pour

statuer, entre commerçants, sur une demande relative à l'usurpation d'une enseigne (1). G. comm. 631.

n'y a pas usurpation du contrefaçon de l'ensei gne d'une boucherie s'intitulant Boucherie nationale de la part d'un boucher qui dans son enseigne introduit les mots boucherie nationale, mais seulement pour indiquer, en teltres de même dimension, et sans aucune ex

Jugement du tribunal de commerce de Bar11) Cette question de compétence présente quel(1) Cette quest le-Duc qui repousse ce système et déclare la con- que difficulté. D'une part, on peut dire que, bien vention valable. Ce jugement est fondé sur que l'enseigne ait une valeur industrielle, Faction ce qu'à l'époque où elle était intervenue, cette usurpe la propriété a pour cause une obligation reen réparation du dommage causé par celui qui en convention devait produire une augmentation sultart d'un quasi-delit, ce qui paraît devoir entraî de salaires pour les ouvrières, en sorte qu'on her attribution de compétence a la juridiction cine se trouvait pas dans le cas prévu par l'art. | vile.—C'est ce que pense M. Et. Blanc (Tr. de la con414 C. pén., celui d'une baisse de salaires abu-trefaçon, p, 233; c'est également ce qu'a décidé un sivement causée par une coalition des patrons. du 31 mai 1843, dans lequel on remarque les consijugement du tribunal de première instance d'Alger Appel par Mieliel-Ulrich. dérants suivants :

Du 23 Juin 1851, arrêt C. Nánci; 2a ch., MM. Jaunot de Morey prés., Lombard et Laflize

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Attendu que le négociant qui par son fait a causé du dommage à un autre négociant ne peut être réputé avoir agi comme negociant, alors même qu'il serait établi qu'au moment où le dommage a fai-rations de commerce, la circonstance constitutive été cause l'auteur du dommage se livrait a des o, 0,16du quasi-délit ayant nécessairement le caractère d'un fait anormal et en dehors de l'exercice régulier de la profession de commerçant ;-Att du par suite qu'on doit poser comme règle générale que les obligations qui, entre négociants, mais ut d'ua quasidélit, sont de la compétence des tribunaux civils; la propriété d'une en e gne, va cur industrielle, Attendu que, si la cont station a pour objet cette contestation n'est pas née à la sui'~ d'une con vention ayaat trait au commerce des parties, mais à l'occasion d'une usurpation qui constituerait on quasi-delit, et que, d'après les principes po és plug haut, cette confestation rentre dans la compétence des tribunaux civils. »

« LA COUR; - Attendu que, si les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont tes, c'est sous la condition qu'elles aient êté légalement formées; qu'elles ne produisent aucun effet lorsque, prenant naissance dans une cause illicite, elles sont contraires à l'ordre public; - Attendu que la convention verbale du 12 juin 1849, qui fait la matière du litige; dont T'appelant demande la nullité, restreignait incontestablement la liberté du commerce qu'exerçaient séparément, dans la même ville, les deux parties au procès, et apportait tont à la fois des entraves tant au libre exercice qu'au déve. loppement de leur industrie; qu'en effet, en s'obligeant pour un temps indéterminé à tenir à des prix invariables les façons de certains objets de leur commerce, elles interdisaient formellement tout progrès, toute amélioration

seigne est pour le négociant l'emblé ne et Piudice Mais, en réponse on peut faire valoir que l'ende son égoce; que c'est par cet em deme qid annonce et cherche a étendre ses opérations; que c'est

JOURNAL DU PALAIS.

pression qui puisse laisser croire qu'il fait partie de la Boucherie nationale, qu'il vend la viande au même prix que celle boucherie (1). Le commerçant sommé par un autre commerçant de supprimer certaines énonciations de son enseigne est recevable à assigner ce dernier pour se faire autoriser à conserver son enseigne telle qu'elle existe (2). (Rés. par le tribunal.)

Alçuet et autres C. Neveux.

Le 24 avril 1851, jugement du tribunal de commerce de Bordeaux ainsi conçu :

« Attendu que l'opposition de Martin Alçuet

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| père et consorts envers le jugement du 10 avril
courant n'a pas été contestée dans la forme;
qu'elle est donc recevable;
prétendue incompétence révélée dans l'acte
Attendu que la
d'opposition ne repose sur aucun motif. qu'elle
n'a d'ailleurs aucune valeur, toutes parties fai-
même de ce commerce; qu'il n'y a pas lieu de
sant le commerce, et le procès naissant à raison
s'y arrêter;
Attendu

» Sur la fin de non-recevoir :

défendeurs mettaient en question le droit que
que
la sommation donnée le 7 courant par les
son enseigne un avis annonçant qu'il vend, au
Neveux soutient avoir de placer au dessus de

En est-il de même en droit français ?-Divers auteurs se prononcent pour l'affirmative. V. Merlin, Rép., générales du Hainaut, où on lit : « Tous manants de vo Diffamari, no 1er, qui cite le chap. 14 des chartes particuliers faisant courir le bruit de les poursuinotre pays de Hainaut, étant menacés par aucuns sonnelle, pourront faire plainte en notre dite Cour, vre pour quelque action que ce soit, réelle ou perpour, là, en droit, être poursuivis et bailler ter me à partie de faire la poursuite à peine de privation, sauf pour matière de crime dont justice voudrait se mêler, auquel cas on ne sera reçu à faire cette plainte. » - - V. aussi Poncet, Tr. des actions, p. droit, vo Actions, no 68. 38, note 1re, et p. 207, no 144; Marie, Encyclop. du

en quelque sorte la personnification de son établis-laribus.-V. Rép. gén. Journ. Pal., vo Diffamari (loi). sement; que, dès lors, toute atteinte à l'achalandage au moyen de l'usurpation d'enseigne étant à la fois, pour celui qui en profite, une spéculation dans l'intérêt de son négoce, et pour celui qui en souffre une atteinte à son commerce, il ne s'agit plus seulement d'un quasi-délit se produisant à l'occasion d'un acte de commerce, mais bien d'un fait commercial par lui-même, de contestations nées entre negociants, à l'occasion de leur négoce, sur une propriété essentiellement commerciale, et que de pareilles contestations, devant être jugées d'après les usages du commerce, rentrent nécessairement dans la compétence commerciale. V. en ce sens Goujet et Merger, Dict. de dr. commercial, vo Enseigne, nos 65 et suiv.-V. aussi Nouguier, Des trib. de comm., t. 1er, p. 339.-Ce qui donne du poids à cette dernière opinion, consacrée également par l'arrêt que nous recueillons, c'est que le décret du 11 juin 1809, sur les conseils de prudhomme, attribue art. 6) au tribunal de commerce juridiction pour connaître des contestations relatives aux marques de fabrique. Or l'analogie entre ces deux cas est évidente.-Au surplus, dans la pratique, le tribunal de commerce juge les questions d'usurpation ou de contrefaçon d'enseigne lorsqu'elles naissent entre commerçants. V. Gastambide, Tr. de la contrefaçon, no 486; Orillard, Compét. des trib. de comm., no 205.

Mais s'il s'agissait de pareilles contestations entre personnes non commerçantes, le tribunal civil serait incontestablement seul compétent pour en connaître, comme le tribunal civil est également seul compétent pour apprécier les difficultés qui s'élèvent entre propriétaires et locataires sur l'usage plus ou moins restreint des enseignes et tableaux. Il n'y a en effet, dans ces divers cas, rien de commercial. V. conf. Goujet et Merger, loc. cit.

Il a été jugé que la demande formée par l'ancien titulaire d'un fonds de commerce en suppression de son nom sur les enseignes et les factures de son successeur a pour fondement, non un acte de commerce, mais un quasi-délit, de la compétence des tribunaux civils: Paris, 10 fév. 1845 (t. 1 1845, p. 575). Dans l'espèce de cet arrêt, il est constaté que le demandeur n'était plus commerçant, et qu'il n'avait pas formé sa demande en qualité de commerçant.

V. Rep. gen. Journ. Pal., vo Enseigne, nos 106 et suiv.

(1) La solution de pareilles questions dépend toujours des circonstances. V. Rep. gen. Journ. Pal., vo Enseigne, nos 69 et suiv., 76 et suiv. V. aussi Lyon, 21 mai 1850 t. 2 1850, p. 64; Bordeaux, 13 janv. 1852 (t. 2 1852, p. 248).

internat. privė, no 164.
Mais V., en sens contraire, Felix, Tr. du dr.

M. Chauveau (Journ. des avoués, 1849, art. 642, p. 117) reconnaît l'existence des actions ad futurum, base des actions, et que là où il existe un intérêt en se fondant sur le principe que l'intérêt est la sérieux, né et actuel, qui se trouve compromis ou menacé, il doit exister une action pour le faire valoir, maintenir et raffermir. Mais le même auteur ajoute qu'une pareille action ne doit être admise « qu'autant 1° que la certitude des prétentions de l'adversaire est acquise; 20 que cet adversaire les moyens de faire valoir ses droits pendant un ne puise dans aucune loi la faculté de réfléchir sur temps déterminé; des événements, peut compromettre les moyens de 3o que l'incertitude du temps, défense de celui qui veut obtenir une espèce de déclaration judiciaire ». des bruits injurieux, dit-il, le crédit d'un négoMerlin (Rep., loc. cit.) se montre moins exclusif. « L'honneur compromis par tranquillité d'un citoyen troublée par la crainte de se ciant altéré par des dettes dont on le dit grevé, la voir inquiété dans la possession de ses biens, voilà des motifs suffisants pour contraindre toute pergir tout de suite ou de se taire pour toujours. » →→→ sonne qui se vante d'avoir des droits à exercer d'aportée par «Mais, ajoute-t-il (no 3), de ce que l'exception ap

obliger personne d'agir n'a lieu que lorsqu'on s'est loi Diffamari à la règle qu'on ne peut vanté d'avoir des prétentions à la charge d'un autre, il suit clairement que pour engager quelqu'un dans un procès du chef de cette loi, il faut prouver qu'il s'est vante.» (Arr. Parl. Flandres, 12 nov. 1669.Arr. 2 oct. 1646, grand Conseil de Maliues).

les juges sont appréciateurs des circonstances qui Ce qu'il faut conclure de ces citations, c'est que rendront admissible ou non l'action exercée par celui qui se plaint. - V., à cet égard, indépendam1851 (t. 2 1852, p. 567), et les divers arrêts cités ment de l'arrêt que nous recueillons, Caen, 4 août en note.

(2) Il s'agit ici d'une sorte d'action ad futurum. Le droit romain admettait cette action, qui trouvait, comme on le sait, son principe dans la loi Diffamari 5, au Code De ingenuis manumissis. aussi la loi dernière, au Code De usuris pupil-'et suiv,

V.

V. Rep. gen. Journ. Pal., ye Tribunaux, no9 353

JURISPRUDENCE FRANÇAISE.

même prix que ses concurrents, les marchandises de son commerce; que dès lors son intérêt lui commandait de provoquer une solution sur les conséquences de cette sommation; que l'instance actuelle n'a pas d'autre objet; qu'elle est donc recevable;

Atteu

>> Au fond: - Attendu que l'intérêt évident des opposants n'est autre que d'empêcher Nereux de faire connaître qu'il vend sa marchandise au même prix qu'eux, conséquemment de laisser croire qu'il la tient à un taux plus élevé, et, par ce moyen, d'éloigner les acheteurs de chez lui; Attendu qu'en principe la faculté de réduire les prix existant, la faculté de le faire utilement savoir s'en doit naturellement suivre; que c'est là un moyen loyal de concurrence, qui, dans l'espèce, est d'autant plus respectable qu'il est favorable au consommateur, et d'autant plus nécessaire, que les établisseAttendu que, cements rivaux sont voisins; ci établi, la difficulté ne peut plus exister que sur le moyen employé par Neveux; que ce moyen consiste a placer au dessus de son enseigne, portant: «Neveux, boucher», une toile sur laquelle est écrite, en lettres toutes d'une même dimension, l'annonce suivante: «On vend la viande aux mêmes prix qu'aux Boucheries nationales»; qu'il s'agit donc de savoir si cet avis est, dans sa forme, de nature à constituer une usurpation d'enseigue, et par conséquent à jus tifier les prétentions des opposants; du qu'Alçuet père et consorts, en désignant leur société sous le titre de Boucheries nationales, n'ont pas régulièrement qualitié leur entreprise; que cette société n'est pas anonyme, puisqu'elle n'est pas revêtue des formalités voulues par l'art. 67 C. comm.; qu'elle devrait donc, à ce premier point de vue, ne pouvoir fonctionner que sous le nom personnel des associés gécontrairerants; Attendu que, s'il est vrai, rement à la valeur réelle de l'expression, valeur qu'il importerait de respecter, sous peine de confusion dans le langage et dans les choses, que chacun des débits d'Alçuet père et consorts porte Boucherie nationale, il n'en est pas moins vrai que cet abus de mots ne constitue pas en leur faveur un droit tellement exclusif à les employer qu'il puisse aller jusqu'à empêcher Neveux de combattre la concurrence qui lui est faite, concurrence si hautement annoncée et à prix réduits, sous le titre conventionAttendu nel de Boucherie nationale >> ; que l'affiche ou annonce exposée par Neveux ne représente rien dans sa disposition qui puisse faire croire que, comme ses adversaires, il tient une boucherie prétendue nationale, mais que bien au contraire elle indique qu'il ne fait pas partie de cette association; que conséquemment les acheteurs ne peuvent s'y méprendre; qu'il suit de la que, sans préjudice pour les opposants, il a usé du seul moyen qui lui restait pour conserver sa clientèle; » Attendu, quant aux dommages réclamés Neveux, qu'ils ne sont point justifiés; >> Par ces motifs, le tribunal reçoit Alçuet pèré et consorts opposants, pour la forme, envers le précédent jugement; pour le profit, et

par

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en tant que de besoin, se déclare compétent;
et, sans s'arrêter au moyen d'opposition, con-
firme son précédent jugement, et en ordonne
l'exécution. »
Appel.

Du 23 AOUT 1851, arrêt C. Bordeaux, 2¢
ch., MM. Ganvry prés., Choisy subst., Gergerès

et Blondeau av.

<< LA COUR;

Attendu, sur la question d'incompétence, que le procès existe entre des individus commerçants, et que le fait de la contestation dérive de l'exercice de leur commerce, puisqu'il s'agit d'une demande en réparation de torts qu'aurait produits une enseigne usurpant le nom d'une société commerciale; que, dès lors, le tribunal de commerce avait juridiction pour statuer sur la contestation;

>> Attendu que les termes dont se composait l'enseigne de Neveux n'étaient pas identiques avec ceux de l'enseigne adoptée par les bouchers qui donnaient à leur boucherie le nom de BouQu'en énonçant sur son cherie nationale; enseigne qu'il vend sa marchandise au prix de l'association dite Boucherie nationale, Neveux n'a fait qu'énoncer le prix auquel il en voulait fixer la vente; que ce droit ne saurait lui être contesté; qu'il établissait ainsi une concurrence licite; Attendu, d'ailleurs, que les expressions de l'enseigne de Neveux ne pouvaient donner lieu à aucune équivoque pour les acheteurs, et laisser croire qu'il faisait partie de l'association dite Boucherie nationale; qu'on y lisait facilement, en lettres de même dimension, que Neveux vendait la viande au même prix que la boucherie nationale; ce qui n'établissait aucune identité entre les deux enseignes, par conséquent aucune usurpation; Que ce fait ne saurait donc donuer lieu à une Sans s'arrêter à l'exception d'inréparation; MET l'appel au néant, etc. » compétence,

et

CASSATION (29 novembre 1852).
COMPENSATION, HONORAIRES DE NOTAIRE, solde
DE COMPTE-COURANT, TAXE.-COMPTE-COU-
RANT, BANQUIER,
INTÉRÊTS.

NOTAIRE, COMMISSION,

Bien qu'en principe les honoraires des notaires ne soient pas par eux-mêmes productifs d'intèrêts (1), et ne soient même exigibles qu'après la taxe (2), une Cour a pu juger que le montant s'en était compensé, même avant taxe, avec une créance liquide et exigible, telle qu'un solde de compte courant chez un banquier, lorsqu'il est reconnu et constaté en fait que les parties avaient consenti respectivement à ce que les comptes qui existaient entre elles fussent balancés, et étaient d'accord pour négli

(1) V. conf. Cass. 18 mars 1850 (t. 1 1850, p. 699), et les notes.

(2) Il a été jugé, en effet, que l'action qui a pour objet de faire régler la quotité des frais et honorai

res dus à un notaire pour les actes non expressément tarifés par le décret du 16 fév. 1807 est non recevable si elle n'a été précédée d'une taxe faite par le président du tribunal civil: Cass. 7 mai 1850 (t. 2 1850, p. 291).

ger une liquidation dont le résultat devait être pour l'une ou pour l'autre d'une minime im

portance.

Il en est ainsi surtout si la Cour, en réservant formellement au débiteur des honoraires la faculté de réclamer la taxe, a reconnu par là même que la compensation ne s'opérerait que jusqu'a concurrence de la somme allouée par be juge laxateur(1).

après reproduit, ont eu lieu entre les sieurs Dubos et Moinet, le premier banquier, le second notaire à Rouen. A la suite de ces opérations, le sieur Dubos, se prétendant créancier d'une somme de 9,484 fr. pour balance du comp te courant avec le sieur Moine', embrassant une période de onze années, de juin 1838 à mai 1849, a fait assigner ce dernier en paiement de la dite somme, ainsi que des intérêts à dater du mai 1819.-Sur cette demande, le sieur Moinet a pris des conclusions reconventionnelles dans lesquelles il prétendait que, loin d'être débiteur du sieur Dubos, il était son créancier de 5,452 fr. pour déboursés et honoraires de cerMais, après que les faits qui constituent les élé-tains actes de son ministère, et soutenait que, ments du compte courant ont cessé, le ban- déduction faite du solde de son compte, le sieur quier créditeur du solde ne peut continuer à Dubos devait être condamné à lui payer une som arrêter le compte tous les trois mois et à pren- me de 1,648 fr. 03 c. avec intérêts. dre une commission; le solde n'est plus pour lui qu'une simple créance productive d'intérêts annuels au taux ordinaire. (Jugé par la Cour d'appel.)

Les remises réciproques de valeurs entre un ban-2
quier et un notaire peuvent donner lieu, mé-
me en l'absence de stipulation des parties, à
l'ouverture d'un compte courant. (Jugé par la
Cour d'appel.)

Duros C. MorNET.

Des opérations de natures diverses, toutes détaillées dans l'arrêt de la Cour de Rouen ci

(1) Par cette décision, l'arrêt que nous rappor tons rentre dans l'esprit de la jurisprudence actaelle, qui, revenant, en matière de taxe des actes noariés, sur les anciennes données, d'après lesquelles les réglements amiables entre les notaires et les parsies étaient considérés comme irrévocables, sauf le cas d'erreur, de dol ou de fraude (V. Cass. 17 mars 1829, et la note), déclare que le décret du 16 fév. 1807, relatif au tarif des frais et dépens, a dérogé aux dispositions de la loi du 25 vent. an XI, qui autorisaient les règlements amiables d'honoraires entre les notaires et les parties, et que, les dispositions de ce décret étant d'ordre public, le droit qu'il consacre pour les parties de recourir a la taxe peut être exercé par elles alors même qu'elles auraient exécuté volontairement, par le paiement, le règlement amiable (V. Cass. 1er déc. 1841 [t. 1 1842, p. 390], et la note; Orléans, 7 janv. 1852 [t. 1 1852, p. 841, et le renvoi).-L'arrêt que nous rapportons ne dit rien de

contraire à cela, bien qu'il donne effet à la compensation consentie, avant taxe, des honoraires dus à un notaire, avec la créance résultant, à la charge de ce dernier, du compte courant, puisqu'en même temps il réserve au débiteur des honoraires le droit de réclamer la taxe nonobstant l'exécution volontaire par un mode particulier de paiement, par la comDensation. A la vérité, on disait, dans le système du pourvoi, que les honoraires, à défaut de taxe, ne constituent pas une dette exigible et liquide (V. l'arrêt cité à la note qui précède), et, à ce point de vue, on invoquait un autre arrêt de la Cour de cassation, du 11 nov. 1851 (t. 1 1832, p. 246), aux termes duquel la compensation ne peut avoir lieu entre deux dettes dont le caractère et le chiffre sout l'objet d'une contestation judiciaire. Mais, à cet ézard, la volonté des parties de compenser devait être toute puissante; si cette volonté ne pouvait être opposée a l'une d'elles comme faisant obstacle à l'exercice du droit de requérir la taxe, elle pouvait certainement lui être opposée comme lui interdisaut désormais tout retour sur une compensation dont elle avait admis le principe, et qui, par suite, devait s'opérer jusqu'a concurrence. On peut voir, dans les observations ci-dessus reproduites de M. le conseiller rapporteur, que cette distinction, d'ailleurs très juridique, est dans l'esprit de l'arrêt.

Le 13 déc. 1850, jugement du tribunal de Rouen qui déclare Dubos mal fondé dans sa demande, reçoit Moinet reconventionnellement demandeur, condamine Dubos à lui payer 1,529 fr. 48 c., sauf taxe, et aux dépens.

Appel par Dubos, et, le 24 juill. 1851, arrêt de la Cour de Rouen ainsi couçu :

« Attendu qu'il est constant en fait qu'en mars 1836 Moinet, notaire, remit à Dubos, banquier, six effets à recouvrer sur Paris, montant à 13,791 fr.; qu'au mois de septembre suivant Moinet prit chez le banquier un bon do 20,000 fr. sur Paris, et qu'en même temps il lui paya 6,000 fr. pour solde, à quelques francs près, de la différence entre la valeur des effets remis et le bon sur Paris; - Qu'en 1837 Moinet remit à Dubos, au mois de juillet, 13,426 fr. 47 cent. de papier déplacé, et en décembre 8,829 fr. de même papier, et qu'il reçut de Dubos, au mois d'octobre, 8,000 fr. en un mandat sur Paris à courte échéance, et en décembre deux autres mandats de la même nature, ensemble de 10,476 fr., de telle sorte que Moinet était créancier de Dubos, époque 20 fév. 1838, de la somme de 3,792 fr. 9 cent.;- Qu'à cette dernière époque de 1838, et quelques jours après, Moinet prit chez Dubos 13,001 fr. 87 c. en 26 effets déplacés à diverses échéances, payables en diverses villes, et que, dans le mois de juin suivant, il remit à Dubos, en deux effets également déplacés, la somme de 2,006 fr. 90 cent. ; qu'il est résulté de la balance du compte entre les parties, époque 30 juin 1838, que Moinet, qui le 20 février précédent était créditeur, était devenu débiteur pour solde de 7,189 fr. 33 cent.;-Que, depuis, Moinet a fait à Dubos deux remises, l'une de 203 fr. en un billet en mars 1839, l'autre de 2,000 fr., le 25 mai de la même année, en deux effets sur Paris; Que depuis, et pendant les dix années qui ont suivi jusqu'au 15 déc. 1849, date de l'action de Dubos, une seule opération a eu lieu entre les parties: le 13 sept. 1875, Moinet a remis à Dubos diverses valeurs sur Château-Gontier, ensemble de la somme de 28,969 fr. 35 c.; sept jours après, Dubos a fait compte à Moinet de 28,000 fr. especes par Baudon; — Attendu, d'autre part, qu'il est également constant au procès que Moinet a quitté le notariat au mois

de juin 1839, et qu'il s'est retiré à la campagne, où il est resté jusqu'en 1844, époque où il a racheté son étude de notaire; Qu'au moment où il cédait son étude, il était créancier de Dubos, pour déboursés et honoraires, d'une somme qu'il prétend être de 5,452 fr. 90 cent., de telle sorte qu'en défalquant de son solde de compte chez Dubos, époque 30 juin 1838, les 2,205 fr. qu'il lui avait payés en 1839, ce solde paraissait, à quelques francs près, balancé par le montant des honoraires qu'il prétendait lui être alors dus; Que, néanmoins, Dubos, qui avait ouvert un compte courant à Moinet, a continué ce compte jusqu'à l'époque 2 mai 1849, en le liquidant tous les trois mois, avec intérêts et commissions s'accumulant à chaque trimestre, et qu'il en est résulté que le solde à nouveau, qui, époque 30 juin 1838, était de 7,189 fr. 33 c., s'était élevé au jour de l'action, défalcation faite de 2,205 fr. reçus en 1839 par Dubos, à la somme de 9,484 fr. 3 cent., qui forme aujourd'hui l'objet de la demande ;-Que, dans ces circonstances, Dubos prétend que son compte courant avec Moinet n'a été clos que le 2 mai 1849, sept mois avant la date de l'action, et qu'il a droit à tous les intérêts et commissions de ce compte; D'autre part, que Moinet ne peut à aucune époque compenser la somme qui lui était due pour honoraires, et que ce n'est qu'après la taxe qu'il en demande aujourd'hui, et sur le solde du compte courant, que cette compensation doit avoir lieu;

que ce compte est porté sur ses livres et invoque l'acquiescement tacite que Moinet lui aurait donné en le recevant de Dubos, sans protestation, tous les trois mois, depuis l'ouverture de ce compte jusqu'en 1819; Que Dubos n'a pu, par ses livres, se faire un titre à lui-même, Que Moinet soutient n'avoir reçu que trois comptes trimestriels en 1849, et affirme que sur ses réclamations Dubos avait abandonné sa prétention; - Que les avances de Moinet ne penvent être divisées; - Qu'il est difficile de croire que Dubos ait envoyé ces comptes pendant dix années à chaque trimestre à Moinet, même pendant qu'il était fixé à la campagne; Qu'en tous cas, la loi comme l'équité s'opposent à ce qu'on puisse valider un compte courant dont le seul élément est le solde du débiteur liquidé, pendant dix ans, tous les trois mois, avec nouveaux intérêts et nouveau droit de commission; » Sur la deuxième question, celle des déboursés et honoraires : Attendu que la prétention de Dubos de ne pas devoir à Moinet quelques uns des actes que celui-ci a réclamés, parce qu'il n'y aurait pas été partie, n'est pas fondée; Que ces actes ont été faits par Moinet, alors son notaire, dans l'intérêt de la veuve Vallée, et de sa fille unique, qu'il a épousée ; — Que ces actes ont eu pour objet de constater et liquider les droits de la veuve Vallée et ceux de sa fille dans la succession de Vallée père; Que la dame Dubos devait ces actes, où elle figure comme partie, et que c'est avec raison que Moinet en demande le prix à Dubos, soit coinme administrateur des biens de sa femme pendant qu'elle vivait, soit comme son légataire universel, soit comme tuteur légal des enfants issus de leur mariage; -Que Dubos devait donc, sauf taxe, la somme de 5,152 fr. 90 c. à Moinet pour honoraires et déboursés au 31 déc. 1849;

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» Sur la première question: Attendu que Dubos, banquier, a pù croire, par suite des relations qui s'étaient engagées entre lui et le notaire Moinet depuis 1836, et notamment par suite des remises réciproques qui avaient eu lieu entre eux de nombreux effets déplacés en 1838, qu'un compte courant était nécessaire entre eux pour déterminer leurs situations respec- Que la taxe demandée par Dubos n'est pas tives; Que c'est donc avec raison que, dans un obstacle à ce que cette créance ait été liquide semblables circonstances, Dubos à ouvert à de et exigible;-Que la taxe peut apporter quelMoinet un compte courant, lequel, suivant les que modification dans la quotité de la créance, usages de la banque, devait être liquidé tous mais ne peut en changer la nature-Que, si, les trois mois, avec intérêts et droits de commis- en décembre 1839, Moinet, qui quittait Rouen sion; - Que, néanmoins, ces relations de ban- et se retirait des affaires, n'a pas demandé à que ont bientôt cessé, puisqu'en 1839 elles Dubos le paiement des honoraires qu'il lui den'ont consisté que dans la remise par Moinet à vait, si Dubos, de son côté, n'a pas demandé, Dubos de trois effets montant à la somme de à cette époque, et dans les mêmes circonstances, 2,205 fr.; que de 1839 à 18 19 aucune opération le solde de son compte à Moinet, il est évident de banque, sauf l'opération soldée de 1845, n'a que les parties entendaient que ces deux compeu lieu entre les parties;- Que le compte cou- tes devaient se balancer, et qu'elles étaient d'ac rant de Moinet chez Dubos a donc été clos par cord pour négliger une liquidation dont le réla force des circonstances au 31 déc. 1839, et sultat devait être pour l'une ou pour l'autre parce que depuis cette époque il n'y a plus eu d'une minime importance;-Que la compensad'éléments d'un compte courant entre les par-tion entre ces deux créances liquides et exigities, et parce qu'il était évident que Moinet, bles a eu lieu par la force du droit et par le quittant les affaires et se retirant à la campa- consentement tacite des parties; gne, ne reprendrait pas les relations qui au- >> Met l'appellation et le jugement dont est apraient pu donner suite à ce compte ;- Qu'il ré-pel au néant; statuant par jugement nouveau, dit sulte de ce que dessus que Dubos, créancier du et juge qu'il y a eu compte courant entre Dubos e solde de ce compte courant fin de décembre Moinet chez Dubos; que ce compte courant a été 1859, n'avait plus à cette époque, contre Moinet, clos au 31 déc. 1839;-Dit et juge que Dubos est qu'une créance ordinaire, productive d'intérêts débiteur de la somme de 5,452 fr. 90 c. envers annuels au taux déterminé par la loi; Que Moinet, sauf taxe; - Dit et juge qu'il y a e vainement Dubos, pour prolonger son compte compensation jusqu'à due concurrence entre courant jusqu'au 2 mai 1849, se fonde sur ce solde du compte courant fin décembre 1839 ar

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