Images de page
PDF
ePub

profit de Dubos et la créance de Moinet telle qu'elle sera déterminée par la taxe ; Dit et juge que les parties se tiendront respectivement compte des sommes reçues ou payées depuis fin décembre 1839 jusqu'à ce jour, en y comprenant les déboursés et honoraires dus à Moinet.» Pourvoi en cassation par le sieur Dubos pour violation 1o de l'art. 1291 C. Nap., combiné avec les art. 51 de la loi du 25 vent. an XI | et 173 du décret du 16 fév. 1807, et 2o des art. 1153 et 2001 C. Nap.

-

[ocr errors]

d'enregistrement, ne sont pas par elles-même productives d'intérêts, ainsi que l'a jugé la Cour de cassation par arrêt du 18 mars 1850 (Journ. | Pal., t. 1 1850 p. 699).

«

M. le conseiller rapporteur Brière-Valigny a fait, sur le pourvoi, les observations suivantes : Pour apprécier le moyen proposé, il faut d'abord bien préciser les faits constatés par l'arrêt attaqué et les conventions dont il a reconnu l'existence. L'arrêt attaqué déclare que Moinet a eu un compte courant ouvert chez Dubos L'arrêt attaqué, disait le demandeur, recon- et que ce compte a été clos au 31 déc. 1839. Les naît expressément qu'entre lui et Moinet il y a eu motifs de l'arrêt expliquent que, depuis cette compte courant, que ce compte a été clos le 31 époque, il n'y a plus eu d'éléments d'un compte déc. 1839 et que le demandeur est débiteur de courant entre les parties, Moinet ayant quitté Moinet de 5452 fr. 90 c. sauf taxe. D'un autre les affaires et s'étant retiré à la campagne.. côté, il est établi par les motifs de l'arrêt que, le | Par le résultat du compte courant ainsi arrêté 30 juin 1838, Moinet était devenu débiteur pour au 31 déc. 1839, Dubos était créancier de Moisolde de 7,189 fr. 33 c., et que Dubos, créancier net de 4,984 fr. 33 c., produisant intérêts; du compte courant fin déc. 1839, n'avait plus à mais d'un autre côté, il était débiteur de Moicette époque qu'une créance ordinaire productive net pour honoraires et déboursés de 5452 fr. d'intérêts au taux légal. Cela posé, en quoi 90 c. sauf taxe. Dans cette situation les consistait la créance de Moinet? Elle se compo- deux créances se balançaient à la fin de déc. sait principalement d'honoraires, les débour- 1839, « et les parties étaient d'accord pour nésés n'en faisaient que la moindre partie. Or une »gliger une liquidation dont le résultat devait pareille créance, qui ne peut donner lieu à une » être pour l'une ou pour l'autre d'une minime action en justice qu'après la taxe du président (dé- » importance», ce sont les termes de l'arrêt. cret du 16 fév. 1807, art. 173), ainsi que l'a jugé Qu'est il arrivé alors? Une compensation s'est la chambre civile par arrêt du 7 mai 1850 (Journ. opérée non seulement par la force de la loi, mais Pal., t. 2 1850 p. 291), n'est par cela même, par la volonté des parties: « les parties entenavant la taxe, ni liquide ni exigible; et, dès lors, »daient, dit l'arrêt attaqué, que les deux compelle ne peut venir en compensation d'une cré- »tes devaient se balancer... Sans doute, cette ance par compte courant, certaine, liquide et compensation ne mettait pas obstacle à ce que exigible. Vainement, l'arrêt attaqué s'est-il Dubos demandât la taxe du mémoire des frais fondé sur ce que la taxe demandée, bien qu'elle et honoraires dont il était débiteur envers Moipût apporter des modifications dans la quotité net; mais de ce que Dubos avait la faculté de de la créance, n'empêcherait pas que cette demander la taxe, ne résulte pas l'impossibilité créance eût été liquide et exigible. La réponse de compenser. La compensation est un est qu'il n'y a de créance liquide et compen- mode de paiement. Or Dubos, qui aurait pu sable que celle dont le chiffre est définitive payer le mémoire, sans préjudice de son droit ment arrêté et invariablement fixé. La taxe qui d'en réclamer ultérieurement la taxe, a pu en peut en changer la quotité est donc un obstacle compenser le montant avec la créance résultant légal à la compensation, ainsi que la Cour de en sa faveur du compte courant. Dans la siCessation l'a jugé par arrêt du 11 nov. 1851 tuation où se trouvaient les parties, Moinet (Journ. Pal., 1. 1 1852, p. 246). — Vainement n'avait aucune demande à former contre Dubos, encore l'arrêt attaqué s'est-il fondé sur ce que qui était son créancier, par l'effet du compte les parties entendaient balancer les deux comp- courant, d'une somme peu près égale à celle tes et négliger une liquidation dont le résultat dont il était débiteur, et qui ne réclamait pas devait être sans importance pour elles. Une le paiement du reliquat de ce compte courant, convention tacite ou présumée ne saurait avoir mais l'abandonnait en compensation des frais plus de force qu'une convention expresse. Or qu'il devait à Moinet. La compensation, un arrêt du 1er déc. 1841 V. cet arrêt au Journ. d'ailleurs, pas plus que le paiement n'a mis Pal., t. 1 1842, p. 390) dénie même à une obstacle à ce que la taxe fût requise;l'arrêt atconvention expresse, même à un paiement taqué le reconnaît et réserve expressément réellement fait à un notaire, l'effet d'affranchir la taxe du mémoire Il semble donc avoir fait celui-ci de l'obligation légale de la taxe, la- une exacte application du principe aux faits quelle est d'ordre public. Sous ce premier qu'il a déclarés constants. »> rapport onc l'arrêt attaqué est contraire à la loi. Il y contrevient pas moins sous un autre rapport, en faisant entrer la créance du défendeur éventuel dans un compte courant, et en la rendant ainsi de plein droit productive d'intérêts. En ceci l'arrêt attaqué contrevient aux art. 1153 et 2001 combinés C. Nap., desquels il résulte que les sommes dues aux notaires, soit à titre d'honoraires, soit à raison de l'avance qu'ils sont tenus de faire des droits

Du 29 NOVEMBRE 1852, arrêt C. cass., ch. req;, MM. Mesnard prés., Brière-Valigny rapp., Nicias-Gaillard 1er av. gén., Ripault av.

« LA COUR; - Attendu qu'il est déclaré et constaté par l'arrêt attaqué que les parties ont consenti respectivement à ce que les comptes qui existaient entre elles fussent balancés à l'époque du 31 déc. 1839, et qu'elles étaient d'accord pour négliger une liquidation dont le

[blocks in formation]

336.

En conséquence, la mère, ainsi considérée comme ayant reconnu son enfant dès l'instant de sa naisance, a pu être déclarée habile à lui succéder. C. civ. 765 et 768.

Il

en est ainsi alors même que le déclarant, engagé lui-même dans les liens du mariage, n'aurait pu reconnaître valablement cet enfant qui, à son égard, eût été adulterin. C. civ. 335. L'avoué qui a obtenu la distraction des dépens n'a que les droits de la partie pour laquelle il a occupé; et, dès lors, le pourvoi dirigé contre celle-ci ne doit pas l'être en même temps contre lui, puisque, si la disposition relative aux dépens venait à être maintenue ou réformée quant à elle, elle le serait nécessairement quant à lui.

ETAT C. GRÉGOIRE ET MICHAL.

Le 15 juin 1830, Marie Vicat accoucha, à la Côte-Saint-André, d'une fille qui fut présentée le même jour à l'officier de l'état civil par le sieur Laurent Grégoire, et inscrite sur les registres, sous le prénom d'Eugénie, comme fille naturelle de Marie Vicat et de Laurent Grégoire.

L'indication de la mère d'un enfant naturel faite de l'aveu de celle-ci dans l'acte de naissance par celui qui déclare être le père établit pleinement la maternité et la filiation maternelle; et la preuve de cet aveu peut, sans qu'il en résulte aucune violation de loi, s'induire de ce que la | mère désignée a toujours traité cet enfant com- Celui-ci se trouvait cependant alors, et deme sien, et l'a, après sa mort, reconnu, au be- puis le 27 avril 1813, engagé dans les liens du soin, par acte authentique (1). C. civ. 334 et mariage avec Marie Lambert, qui mourut le 1er nov. 1846, sans héritier à réserve, et laissant l'aveu de la mère doit être formel, et ne peut résulter que d'une reconnaissance expresse de sa part ou d'un mandat spécial donné au père de reconnaître l'enfant en son nom. V. Marcadé, Cours de dr. civ., sur l'art. 336, et Revue crit. de jurispr., année 1852, p. 465 et suiv.; Demolombe, Cours de C. civ., t. 5, no 383; Boileux, Comment. C. civ., sur l'art. 336, Valette sur Proudhon, Tr. de l'état des pers., 3o édit., t. 2, p. 142, note a. V. aussi Bourges, 2 mai 1837 (t. 1 1838, p. 193). Suivant ces jurisconsultes, qui cherchent à appuyer leur opinion sur les travaux préparatoires du Code civil, l'art. 336 doit être interprété en ce sens la reconnaissance n'a d'effet qu'à l'égard de celui qui l'a faite. La conséquence qu'ils tirent de cette interprétation est que l'indication d'une mère qui n'est pas légalement connue, faite par un tiers sans pouvoir, ne saurait devenir contre elle un moyen de preuve. ajoute M. Marcadé (Cours de dr. civ., sur l'art. 336, no 1er), que l'indication faite par le père sans mission de la mère (indication qui, par elle seule, l'avoue, ne signifie rien) produit ensuite la reconnaissance quand il vient s'y joindre ce que la doctrine appelle tractatus, c'est dire, ni plus ni moins, que la reconnaissance des enfants naturels s'établit par la possession d'état. »

(1) Une jurisprudence constante et la majorité des auteurs reconnaissent qu'il résulte a contrario de l'art. 336 C. civ. que la reconnaissance d'un enfant naturel faite dans son acte de naissance par le père, avec l'indication et l'aveu de la mère, a effet même à l'égard de celle-ci, et, en outre, que cet aveu n'est soumis à aucune condition spéciale, soit quant à la forme, soit quant à l'époque, et peut résulter des faits et circonstances, notamment 10 des soins donnés par la mère à son enfant: Bordeaux, 19 janv. 1830 (et non 1831); Paris, 15 déc. 1834; Cass. 5 mai 1836..., lequel enfant doit, dès lors, être réputé légitimé par le mariage postérieur de son père et de cette mère, quoique celle-ci ne l'ait pas formel. lement reconnu: Caen, 4 janv. 1838, rapporté avec Cass. 29 janv. 1839 (t. 1 1839, p. 74), et ce dernier arrêt; Paris, 20 avril 1839 (t. 1 1839, p. 537); Toullier, Dr. civ., t. 2, no 27; 20 De ce que la mère a fait élever l'enfant sous ses yeux et a avoué sa maternité dans l'inventaire fait après le décès du père: Bordeaux, 15 févr. 1832; -36 Des aveux consignés par la mère dans une procuration enregistrée avant la mort de l'enfant, et des soins qu'elle lui a donnés : Douai, 23 janv. 1819; 40 De ce que la mère a comparu personnellement, du vivant de son enfant, dans l'inventaire auquel il a été procédé après le décès du père, et qu'elle y a fait divers dires et réclamations qui confirment l'indication de maternité contenue dans l'acte de naissance: Cass. 26 (et nou 25) avril 1824 (et non 1814); -50 De ce que la mère a pris cette qualité dans des actes judiciaires: Bruxelles, 4 févr. 1811; Cass. 22 juin 1813. - V. Favard de Langlade, Rep., vo Reconn. d'enf. nat., sect. 1re, § 3, art. 1er, no 4; Duranton, Cours de dr. franç., t. 3, no 245; Zachariæ, Cours de dr. civ., § 568 bis, et MM. Aubry et Rau, ses annotateurs, ibid., note 26; Duvergier sur Toullier, Dr. civ., t. 2, note 6 sur le no 956; Taulier, Théor. du C. civ., t. 1er, p. 427; Cadrès, Tr. des enf. nat., ao 10; Richefort, Tr. de l'et. des familles, t. 2, no 278; Teulet, d'Auvilliers et Sulpicy, Code civ. annoté, sur l'art. 336, nos 6 et suiv.; Rolland de Villargues, Rép. du notar., yo Aveu de maternité, nos 3 et suiv.

Au contraire, d'autres auteurs enseignent que

[ocr errors]

« Dire,

Observons néanmoins que la Cour de cassation, dont la jurisprudence, on le sait, rejette la possession d'état comme preuve de la filiation des enfants naturels (V. Cass. 17 fév. 1851 [t. 1 1851, p. 481], et la note détaillée), n'a pas employé, dans l'arrêt que nous recueillons, l'expression possession d'élat; et qu'au surplus c'est non comme preuve directe de la filiation de l'enfant, mais comme preuve de l'aveu de la mère, que, dans l'espèce, des faits constituant en réalité la possession d'état étaient invoqués. La Cour de cassation, sans s'occuper de l'effet de la possession d'état relativement à la filiation naturelle, a seulement jugé qu'il appartient aux juges du fait de décider souverainement, par appréciation des circonstances, si l'indication de la mère dans l'acte de naissance a eu lieu de son aveu, ce qui équivaudrait à une reconnaissance de sa part.

V. Rép.gén. J. Pal., vo Enfant naturel, nos 214 et suiv.

un testament public du 3 janvier précédent, par lequel elle léguait à Eugénie Vicat, dite Grégoire qui habitait, dit le testament, avec la testatrice et son mari), la généralité de ses biens de toute nature, consistant en 10,000 fr., grevés de l'usufruit de son mari.

Le 14 avril 1847, le sieur Laurent Grégoire épousa en secondes noces Marie Vicat, qu'il avait désignée en 1830 comme mère d'Eugénie Grégoire. Cette dernière mourut à son tour le 31 déc. 1847; son acte de décès énonce qu'elle était fille de Laurent Grégoire et de Ma rie Vicat. Le 28 mars 1848, Marie Vicat, femme Grégoire, par acte notarié, reconnut, en tant que de besoin, Eugénie comme sa fille naturelle, déclarant qu'elle l'avait toujours élevée en cette qualité.

cession d'Fugénie Vicat, dite Grégoire, a été
devolue à Marie Vicat, sa mère, laquelle conti
nuera d jouir et disposer des biens de cette
succession.

Appel par l'état.

On a soutenu, dans son intérêt, que les faits exposés par les intimés n'étaient point établis; notamment qu'il n'était pas prouvé que Marie Vicat fut accouchée, qu'elle fût la mère d'Engénie Grégoire, et qu'elle eût traité et soigné celleci comme sa fille; que le testament de Marie Lambert renfermait des énonciations contraires; que les conclusions prises en prem ère instance et les écrits signifiés au procès, pris dans leur ensemble, n'avaient fait que repousser la maternité prétendue par Marie Vicat, soit parce que l'acte de naissance ne suffirait point pour la prouver, soit parce que cet acte établirait à la fois et la filiation et l'adultérinité qui rendrait filiation inutile pour succéder. On ajoutait, en droit, que la mère n'était appelée à la succession de son enfant naturel qu'autant qu'elle l'avait légalement reconnu avant son décès; qu'Eugénie Grégoire n'avait jamais été reconnue avant cette époque; que ses héritiers n'étaient pas même recevables à rechercher sa filiation après son décès pour en hériter : ce qui ôtait toute importance à la reconnaissance posthume de Marie Vicat, aux certificats de possession d'état et même aux aveux prétendus de l'administration.

Cependant, le 24 juin suivant, un jugement du tribunal civil de Vienne, dans le ressort duquel était située la commune de la Côte-Saint-la André, autorisa l'administration de l'enregistrement et des domaines, représentant l'état, à remplir les formalités voulues par les art. 769 et 770 C. civ., à l'effet d'être envoyée en possession de la succession, considérée comme vacante, d'Eugénie Grégoire.

Mais la dame Marie Vicat, autorisée par son mari, assigna l'état devant le tribunal civil de Saint-Marcellin, lieu de l'ouverture de la succession, pour entendre dire et prononcer que la succession d'Eugénie, sa fille naturelle, lui avait été dévolue, et qu'en conséquence elle continuerait à jouir et disposer des biens qui la composaient.

L'état prétendait qu'Eugénie, étant née de Laurent Grégoire, marié, était adultérine d'une manière absolue et indivisible, et que cette qualité pouvait être opposée non seulement au père, mais encore à la mère et à l'enfant dans leurs rapports de filiation og de succession.

De son côté, la dame Marie Vicat soutenait que, suivant une jurisprudence constante, la déclaration de Laurent Grégoire devait être considérée comme non avenue et destituée de tout effet, en tant qu'elle constatait une filiation adultérine; que c'était le cas d'appliquer en fait et en droit l'art. 336 C. civ.; qu'au surplus, la possession d'état entre la mère et l'enfant emporte avec elle une suffisante reconnaissance de maternité; que cette possession d'état se trouvait complétement établie dans la cause sans qu'il fut besoin de recourir à la preuve testimoniale, et qu'enfin la reconnaissance du 28 mars 1848, quoique posthume, devait néanmoins, dans l'espèce, en supposant même que cela fut nécessaire, produire tous les effets d'une reconnaissance faite du vivant de l'enfant.

Le 17 janv. 1850, jugement du tribunal de Saint-Marcellin déclarant qu'il résulte de l'acte de naissance d'Eugénie Vicat et, des faits et actes qui sont venus le confirmer, ainsi que de L'indication de maternité qui s'y trouve, reconnaissance suffisante qu'Eugénie Vicat est fille naturelle de Marie Vicat. En conséquence, sans avoir égard aux fins et exceptions présentées par Tétat, en lesquelles il est déclaré mal fondé et dont il est débouté, dit et prononce que la suc

[ocr errors]
[ocr errors]

Le 12 déc. 1850, arrêt de la Cour d'appel.de
Grenoble ainsi conçu :

<< Attendu que, s'il est hors de doute, comme l'ont décidé les premiers juges, et comme l'administration de l'enregistrement l'a elle-même reconnu devant la Cour, que, d'après les dispositions de l'art. 335 C. civ., la déclaration faite par Laurent Grégoire, le 15 juin 1830, devant T'officier de l'état civil, doit être considérée comme nulle en ce qu'il s'y serait reconnu père adultérin d'Eugénie Vicat, il est non moins certain que l'acte dressé sur cette déclaration et dans la forme prescrite par l'art. 56 C. civ. fait néanmoins foi de la naissance de cet enfant et du fait que la maternité y a été attribuée à Marie Vicat; Attendu que cet acte de naissance laissait sans doute à Marie Vicat, qui n'avait pas elle-même déclaré sa maternité et reconnu son enfant, le droit de dénier d'avoir été la mère de la fille naturelle inscrite sous son nom, et d'obliger cet enfant illégitime, recherchant la maternité, à faire la preuve prescrite par l'art. 341 C. civ.; Attendu que cette disposition, faite au profit et dans l'intérêt de la femme non mariée qui n'a pas reconnu sa maternité, et qui soutient, soit de n avoir jamais été mère, soit de n'être pas accouchée de l'enfant qui la réclame pour mère, ne saurait être tournée contre elle pour lui faire perdre les droits résultant d'une maternité qu'elle aurait constamment a-vouée, que son enfant n'aurait jamais contes tée, et dont elle aurait rempli tous les devoirs;

Attendu qu'il est dès à présent établi au procès et qu'il n'est pas dénié par l'administration que Marie Vicat a reconnu la sincérité de l'acte de naissance d'Eugénie Vicat, quant à sa

[ocr errors][merged small]

--

qui a la même foree que la reconnaissance prescrite par l'art. 334 C. civ., ou la preuve faite conformément à l'art. 344 du même Code; Attendu, d'ailleurs, que, si cette reconnaissance et cette preuve étaient encore susceptibles d'être attaquées, en vertu de l'art. 339, soit de la part de la mère, soit de la part de l'enfant ou de tous autres ayant intérêt, il est certain du moins que contre la mère, qui a toujours avoué sa maternité, on ne saurait le faire en invoquant les dispositions des art. 334 et 344, et la nécessité pour elle d'un commencement de preuve par écrit, lorsqu'elle a bien davantage; Attendu, en effet, qu'il est évident, comme on l'a déjà dit, que ces dispositions, faites dans l'intérêt de la femme qui nie sa maternité, ne sauraient être tournées contre celle dont l'aveu de maternité ne peut être argué ni de dol ni de fraude, contre celle qui a fourni à son enfaut une preuve complète de cette maternité dans son acte de naissance, dans sa possession d'état et dans ses aveux, contre celle dont la maternité est avouée par celui qui lui en conteste les droits, contre celle enfin que son enfant a toujours acceptée pour mère, et qui, ayant rempli tous les devoirs de la maternité, doit, par réciprocité, en avoir les bénéfices, car telle a été la pensée du législateur, que la lettre de la loi n'a pa trahir; Attendu que de toutes ces considérations il résulte que, l'administration n'ayant aucun moyen d'attaquer la sincérité de la filiation maternelle d'Eugénie Vicat qu'elle a formellement reconnue en première instance, et qui est prouvée par son acte de naissance, par une possession d'état conforme et constante, et par l'aveu de sa mère, elle est évidemment tout à la fois non recevable et mal fondée à contester à Marie Vicat les droits réciproques que cette filiation a créés; Par ces motifs. met au néant l'appellation émise par l'administration de l'enregistrement envers le jugement rendu par le tribunal de Saint-Marcellin le 17 janv. 1850; confirme ledit jugement

maternité, en l'allaitant, en l'élevant auprès d'elle, en la plaçant ensuite dans une maison d'éducation, eu payant les frais de cette éducation, et en la traitant, en un mot, comme son enfant, sans discontinuation, depuis le jour de sa naissance jusqu'à celui de sa mort, arrivée dix-sept ans après, le 31 déc. 1847; - Attendu qu'il est également établi et non contesté que Marie Vicat, qui avait pourvu à tous les besoins et à l'éducation d'Eugénie Vicat pendant sa vie, a également pourvu aux frais de sa der- | nière maladie et à ses frais funéraires, et que l'acte de son décès comme celui de sa naissance constate la même filiation maternelle; Attendu que non seulement la maternité et l'identité d'Eugénie Vicat n'ont pas été contestées par l'administration, mais qu'il résulte des conclusions par elle prises en première instance qu'elle les proclame l'une et l'autre, puisqu'elle de- | mandait que Marie Vicat fût déclarée mère adultérine d'Eugénie Vicat, et, comme telle, incapable de succéder à sa fille; - Attendu que, si devant la Cour l'administration a abondonné ce système pour soutenir que Marie Vicat ne rapporte pas et doit rapporter la preuve de sa maternité, telle qu'elle est déterminée par les art. 334 et 341 C. civ., il n'en est pas moins vrai qu'en fait elle avait reconnú la sincérité des actes de naissance et de décès d'Eugénie Vicat et avoué cette maternité, et que cet aveu ne peut pas être plus divisé que la maternité elle-même; Attendu que, dans cet état de cause, il doit être tenu pour certain qu'Eugénie Vicat est née, a vécu et est décédée fille naturelle de Marie Vicat; qu'elle a toujours eu une possession d'état conforme à son titre de naissance; Attendu qu'en admettant que le législateur n'a eu en vue que des enfants légitimes lorsqu'il a disposé, dans l'art. 332 C. civ., que nul ne peut contester l'état de celui qui a une possession conforme à son titre de naissance, il faut au moins reconnaitre qu'il y a là un principe général d'après lequel l'enfant naturel qui a également une possession d'état conforme à son acte de naissance a une preuve de sa filiation, qui, si elle peut être contredite parce que l'enfant illégitime ne mérite pas la même faveur que T'enfant né du mariage, ne peut l'être cependant qu'en déniant la maternité et cette possession d'état, et en les accusant de mensonge et de fraude; Attendu que Marie Vicat, en se disant aujourd'hui mère d'Eugénie Vicat, ne fait que confirmer l'acte de naissance du 15 juin 1830, se l'approprier et le ratifier en ce qui A l'appui de ce pourvoi, on a dit: Les enfants concerne sa maternité, comme elle se l'est ap- naturels ne sont point héritiers et ils n'ont de proprié, comme elle l'a approuvé et ratifié pen- droits sur les biens de leurs père et mère qu'audant dix-sept ans, en nourrissant et élevan tant qu'ils ont été reconnus, dans les cas où son enfant, et en remplissant envers lui tous cette reconnaissance n'est pas prohibée. Tel est les devoirs de la maternité; Attendu, dès le principe posé par l'art. 756 C. civ. Des dispofors, que, quant à cette maternité, il doit en sitions de l'art. 765 du même Code il résulte être de même que si la déclaration faite devant que les père et mère des enfants naturels n'ont l'officier de l'état civil le 15 juin 1830 l'avait également de droits sur les biens laissés par été par un mandataire régulier de Marie Vicat ceux-ci que lorsqu'ils les ont reconnus. Ainsi la ou par elle-même, et qu'ainsi il existait réelle-reconnaissance par les voies légales est le fonment, avant la reconnaissance du 24 mars 1818, une reconnaissance et une preuve de la filiation maternelle d'Eugénie Vicat avec Marie Vicat

Pourvoi en cassation par l'état, tant à l'égard de la dame Grégoire qu'à l'égard de Me Michel, son avoué, qui avait obtenu la distraction des dépens à son profit, pour violation des art. 334, 765 et 768 C. civ., et fausse application des art. 320 et suiv. du même Code, en ce que l'arrêt attaqué avait déclaré habile à recueillir la succession d'Eugénie la dame Vicat, bien qu'elle ne justifiât d'aucune reconnaissance légale de cet enfant naturel et n'eût aucun droit à sa succession.

dement de toute filiation d'enfant naturel et de tous droits à exercer en vertu de cette filiation, et le mode de reconnaissance des enfants nata

rels a été déterminé par l'art. 334 C. civ. Or la dame Vicat n'avait pas reconnu la demoiselle Eugénie, dite Grégoire, pour sa fille naturelle, par l'acte de naissance de cette dernière, auquel elle n'a concouru ni en personne ni par fondé de pouvoir. La seule reconnaissance qu'elle peut prétendre avoir faite est celle du 28 mars 1848, trois mois après le décès de sa prétendu● fille. Cette reconnaissance étant inefficace, il n'existe dans la cause aucun acte capable d'établir une filiation d'enfant naturel. On ne saurait, en effet, suppléer à l'absence d'une reconnaissance faite pendant la vie d'Eugénie par une possession d'état que l'art. 334 Č. civ. ne met pas au nombre des moyens légaux propres à établir la filiation des enfants naturels, et qui n'est admise par la loi qu'à l'appui de la filíation légitime. C'est dans ce sens que s'est prononcée la Cour de cassation par un arrêt du 17 février 1851 (V. Journ. Pal., t. 1 1851, p. 481), qui décide que l'enfant naturel ne peut être admis à invoquer la possession d'état, et qu'il ne peut réclamer les droits que les art. 756 et 757 lui accordent sur les biens de ses père et mère décédés que quand il a été reconnu, soit, suivant l'art. 334, par un acte authentique, s'il ne l'a pas été par l'acte de naissance, soit à la suite d'une recherche de la paternité ou de la maternité dans les cas prévus par les art. 340 et 341 C. civ. On ne peut donc admettre les conséquences que la Cour de Grenoble a tirées d'une prétendue possession d'état, et on doit les rejeter surtout lorsqu'on fait reposer cette possession surdes faits très contestables.-Ainsi ce n'est pas Marie Vicat, dénuée de tous moyens d'existence, mais bien le sieur Grégoire qui a pourvu à tous les besoins et à l'éducation d'Eugénie. Marie Vicat n'a pas donné à Eugénie une preuve complète de sa maternité dans sa possession d'état, puisque Eugénie était connue sous le nom de Grégoire; que c'est sous ce nom qu'elle a été désignée dans le testament de la femme légitime du sieur Grégoire et dans la déclaration de succession faite après le décès d'Eugénie. Du reste, dans les pièces mêmes du procès on voit partout que la volonté du sieur Grégoire était de considérer Eugénie comme sa fille, et de la faire en quelque sorte adopter par sa légitime épouse. La filiation n'est donc pas justifiée par la possession d'état; elle ne l'est pas davantage par la reconnaissance du 28 mars 1848.-Les jurisconsultes attachés au conseil de l'administration des domaines, dans une consultation délibérée le 7 mai 1850 au sujet de cette affaire, ont déclaré qu'ils ne pouvaient admettre des reconnaissances faites après le décès de l'enfant naturel, parce qu'ils les croyaient opposées aux principes de la loi sur les successions, à l'esprit de la loi sur les reconnaissances des enfants naturels, aux saines notions de la morale, et dangereuses dans leurs conséquences. « D'après l'art. 765 C. civ., disent-ils, la succession de l'enfant naturel décédé sans postérité est dévolue au père ou à la mère qui l'a reconnu. La condition de successibilité des père et mère est donc la reconnaissance, et si la reconnaissance n'a pas eu lieu avant le décès, le

sort de la succession est fixé. On ne peut pas reconnaître après le décès, parce que, d'abord, si la loi avait voulu laisser cette faculté au père ou à la mère, elle aurait supprimé cette condition, ou bien aurait dit : l'enfant reconnu ou à reconnaître; ensuite les successions saisissent les survivants dans l'état où ils sont au moment du dé cès. Un événement postérieur ne peut pas leur donner un droit de successibilité. Un père ou une mère peuvent reconnaître ou ne pas reconnaître. Le droit n'existe donc que lorsqu'il a été donné. Enfin l'art. 765 C. civ. établit un droit de réciprocité fondé sur la reconnaissance. Si un père et une mère ont rempli leur devoir pendant la vie de leur enfant, elle leur donne le droit de lui succéder, mais elle ne veut pas qu'ils puissent violer leurs devoirs et se réserver tous les avantages de leur faute et de sa naissance. Cette supposition est aussi contraire à la morale qu'au texte de l'art. 765 C. civ. Cette doctrine est conforme à un arrêt de la Cour de Pau du 9 juil 1844 (Journal du Palais, t. 1 1845, p. 145) et à un arrêt de la Cour de Paris du 25 mai 1835 (Journal du Palais, 3e éd., à sa date). Les dispositions de la loi sur la reconnaissance sont aussi formelles que celles sur les successions pour condamner le système de l'arrêt attaqué. L'art. 334 permet de reconnaitre les enfants naturels après leur décès, mais seulement dans l'intérêt de ces enfants naturels ou de leur postérité. D'après les art. 335 et 337, le profit des enfants seuls a été l'objet de la sollicitude du législateur; nulle part on ne voit que le législateur ait parlé de la mère comme objet de sa sollicitude. Bigot de Préameneu au Corps législatif, le tribun Duveyrier, en présentant le von du Tribunat au Corps législatif, laissent voir partout dans leurs discours la même pensée de faveur exclusive pour les enfants. Ce serait se mettre en opposition avec cette pensée du législateur que de dire que cette reconnaissance peut avoir lieu lorsqu'il n'y a plus d'enfant à reconnaître et dans l'unique intérêt des père et mère. S'il est vrai que nemo auditur propriam allegans turpitudinem, la naissance d'un enfant naturel est une faute contre la morale, la religion, la société. Si la loi en sollicite l'aveu, c'est uniquement dans l'intérêt de l'enfant; mais ce motif n'existe plus lorsque l'enfant a cessé de vivre et que cet aveu n'a pour but que de se procurer un bénéfice pécuniaire.-Enfin la doctrine contraire serait dangereuse dans ses conséquences. Marie Vicat a refusé de reconnaître sa prétendue fille pendant sa vie. Celle-ci aurait été obligée de plaider contre sa mère pour se faire reconnaître, et maintenant que la fille est morte, que la réparation n'est plus utile ni à la fille ni à la société, faire cette reconnaissance, demander à la prouver, c'est là un scandale utile à la mère seule, c'est là la honte de la spéculation. Si une mère pouvait reconnaître un enfant naturel après son décès dans le but unique de recueillir sa succession, il y aurait la une source de spéculations honteuses et de scandales. Le domaine, qui est le principal intéressé en pareil cas, ne pourrait se procurer les preuves renfermées

« PrécédentContinuer »