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profit de Dubos et la créance de Moinet telle qu'elle sera déterminée par la taxe; Dit et juge que les parties se tiendront respectivement compte des sommes reçues ou payées depuis fin décembre 1839 jusqu'à ce jour, en y comprenant les déboursés et honoraires dus à Moinet. » Pourvoi en cassation par le sieur Dubos pour violation 1o de l'art. 1291 C. Nap., combiné avec les art. 51 de la loi du 25 vent. an XI | et 173 du décret du 16 fév. 1807, et 20 des art. 1153 et 2001 C. Nap.

L'arrêt attaqué, disait le demandeur, reconnaft expressément qu'entre lui et Moinet il y a eu compte courant, que ce compte a été clos le 31 déc. 1839 et que le demandeur est débiteur de Moinet de 5452 fr. 90 c. sauf taxe. D'un autre côté, il est établi par les motifs de l'arrêt que, le 30 juin 1838, Moinet était devenu débiteur pour solde de 7,189 fr. 33 c., et que Dubos, créancier du compte courant fin déc. 1839, n'avait plus à cette époque qu'une créance ordinaire productive d'intérêts au taux légal. Cela posé, en quoi consistait la créance de Moinet? Elle se composait principalement d'honoraires, les déboursés n'en faisaient que la moindre partie. Or une pareille créance, qui ne peut donner lieu à une action en justice qu'après la taxe du président (décret du 16 fév. 1807, art. 173), ainsi que l'a jugé la chambre civile par arrêt du 7 mai 1850 (Journ. Pal., t. 2 1850 p. 291), n'est par cela même, avant la taxe, ni liquide ni exigible; et, dès lors, elle ne peut venir en compensation d'une créance par compte courant, certaine, liquide et exigible. Vainement, l'arrêt attaqué s'est-il fondé sur ce que la taxe demandée, bien qu'elle pût apporter des modifications dans la quotité de la créance, n'empêcherait pas que cette créance eût été liquide et exigible. La réponse est qu'il n'y a de créance liquide et compensable que celle dont le chiffre est définitivement arrêté et invariablement fixé. La taxe qui peut en changer la quotité est donc un obstacle légal à la compensation, ainsi que la Cour de cessation l'a jugé par arrêt du 11 nov. 1851 (Journ. Pal., t. 1 1852, p. 246). --- Vainement encore l'arrêt attaqué s'est-il fondé sur ce que les parties entendaient balancer les deux comptes et négliger une liquidation dont le résultat devait être sans importance pour elles. Une convention tacite ou présumée ne saurait avoir plus de force qu'une convention expresse. Or un arrêt du 1er déc. 1841 V. cet arrêt au Journ. Pal., t. 1 1842, p. 390) dénie même à une convention expresse, même à un paiement réellement fait à un notaire, l'effet d'affranchir celui-ci de l'obligation légale de la taxe, laquelle est d'ordre public. Sous ce premier rapport donc l'arrêt attaqué est contraire à la loi. Il y contrevient pas moins sous un autre rapport, en faisant entrer la créance du défendeur éventuel dans un compte courant, et en la rendant ainsi de plein droit productive d'intérêts. En ceci l'arrêt attaqué contrevient aux art. 1153 et 2001 combinés C. Nap., desquels il résulte que les sommes dues aux notaires, soit à titre d'honoraires, soit à raison de l'avance qu'ils sont tenus de faire des droits

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d'enregistrement, ne sont pas par elles-même productives d'intérêts, ainsi que l'a jugé la Cour de cassation par arrêt du 18 mars 1850 (Journ. Pal., t. 1 1850 p. 699).

M. le conseiller rapporteur Brière-Valigny a fait, sur le pourvoi, les observations suivantes: « Pour apprécier le moyen proposé, il faut d'abord bien préciser les faits constatés par l'arrêt attaqué et les conventions dont il a reconnu l'existence. L'arrêt attaqué déclare Moique net a eu un compte courant ouvert chez Dubos et que ce compte a été clos au 31 déc. 1839. Les motifs de l'arrêt expliquent que, depuis cette époque, il n'y a plus eu d'éléments d'un compte courant entre les parties, Moinet ayant quitté les affaires et s'étant retiré à la campagne.Par le résultat du compte courant ainsi arrêté au 31 déc. 1839, Dubos était créancier de Moinet de 4,984 fr. 33 c., produisant intérêts; mais d'un autre côté, il était débiteur de Moinet pour honoraires et déboursés de 5452 fr. 90 c. sauf taxe. Dans cette situation les deux créances se balançaient à la fin de déc. 1839, « et les parties étaient d'accord pour né» gliger une liquidation dont le résultat devait » être pour l'une ou pour l'autre d'une minime » importance», ce sont les termes de l'arrêt. Qu'est il arrivé alors? Une compensation s'est opérée non seulement par la force de la loi, mais par la volonté des parties: « les parties enten» daient, dit l'arrêt attaqué, que les deux comp>> tes devaient se balancer...-Sans doute, cette compensation ne mettait pas obstacle à ce que Dubos demandât la taxe du mémoire des frais et honoraires dont il était débiteur envers Moinet; mais de ce que Dubos avait la faculté de demander la taxe, ne résulte pas l'impossibilité de compenser. La compensation est un mode de paiement. Or Dubos, qui aurait pu payer le mémoire, sans préjudice de son droit d'en réclamer ultérieurement la taxe, a pu en compenser le montant avec la créance résultant en sa faveur du compte courant. Dans la situation où se trouvaient les parties, Moinet n'avait aucune demande à former contre Dubos, qui était son créancier, par l'effet du compte courant, d'une somme à peu près égale à celle dont il était débiteur, et qui ne réclamait pas le paiement du reliquat de ce compte courant, mais l'abandonnait en compensation des frais qu'il devait à Moinet. La compensation, d'ailleurs, pas plus que le paiement n'a mis obstacle à ce que la taxe fût requise; l'arrêt attaqué le reconnait et réserve expressément la taxe du mémoire Il semble donc avoir fait une exacte application du principe aux faits qu'il a déclarés constants. >>

Du 29 NOVEMBRE 1852, arrêt C. cass., ch. req., MM. Mesnard prés., Brière-Valigny rapp., Nicias-Gaillard 1er av. gén., Ripault av.

« LA COUR; - Attendu qu'il est déclaré et constaté par l'arrêt attaqué que les parties ont consenti respectivement à ce que les comptes qui existaient entre elles fussent balancés à l'époque du 31 déc. 1839, et qu'elles étaient d'accord pour négliger une liquidation dont le

Il

me ayant reconnu son enfant dès l'instant de sa naisance, a pu être déclarée habile à lui succéder. C. civ. 765 et 768.

résultat devait être, pour l'une ou pour l'autre, | En conséquence, la mère, ainsi considérée comd'une minime importance; - Que, dans cet état des faits, la Cour d'appel n'a violé aucune loi en décidant que la compensation opérée par le consentement des parties avait pu produire effet; Que, d'ailleurs, l'arrêt attaqué a formellement réservé à Dubos la faculté de réclamer la taxe du mémoire des frais d'actes dus à Moinet, et dont la compensation avait eu lieu avec le reliquat de compte courant dû à Dubos; REJETTE, etc.>>

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(1) Une jurisprudence constante et la majorité des auteurs reconnaissent qu'il résulte a contrario de l'art. 336 C. civ. que la reconnaissance d'un enfant naturel faite dans son acte de naissance par le père, avec l'indication et l'aveu de la mère, a effet même à l'égard de celle-ci, et, en outre, que cet aveu n'est soumis à aucune condition spéciale, soit quant à la forme, soit quant à l'époque, et peut résulter des faits et circonstances, notamment 1o des soins dounés par la mère à son enfant: Bordeaux, 19 janv. 1830 (et non 1831); Paris, 15 déc. 1834; Cass. 5 mai 1836..., lequel enfant doit, dès lors, être réputé légitimé par le mariage postérieur de son père et de cette mère, quoique celle-ci ne l'ait pas formel. lement reconnu: Caen, 4 janv. 1838, rapporté avec Cass. 22 janv. 1839 (t. 1 1839, p. 74), et ce dernier arrêt; Paris, 20 avril 1839 (t. 1 1839, p. 537); Toullier, Dr. civ., t. 2, no 27; 20 De ce que la mère a fait élever l'enfant sous ses yeux et a avoué sa maternité dans l'inventaire fait après le décès du père: Bordeaux, 15 févr. 1832;-36 Des aveux consignés par la mère dans une procuration enregistrée avant la mort de l'enfant, et des soins qu'elle lui a donnés Douai, 23 janv. 1819; 40 De ce que la mère a comparu personnellement, du vivant de son enfant, dans l'inventaire auquel il a été procédé après le décès du père, et qu'elle y a fait divers dires et réclamations qui confirment l'indication de maternité contenue dans l'acte de naissance: Cass. 26 (et nou 25) avril 1824 (et non 1814); -50 De ce que la mère a pris cette qualité dans des actes judiciaires: Bruxelles, 4 févr. 1811; Cass. 22 juin 1813.

en est ainsi alors même que le déclarant, engagé lui-même dans les liens du mariage, n'aurait pu reconnaître valablement cet enfant qui, à son égard, eût été adulterin. C. civ. 335. L'avoué qui a obtenu la distraction des dépens n'a que les droits de la partie pour laquelle il a occupé; et, dès lors, le pourvoi dirigé contre celle-ci ne doit pas l'être en même temps contre lui, puisque, si la disposition relative aux dépens venait à être maintenue ou réformée quant à elle, elle le serait nécessairement quant à lui.

ETAT C. GRÉGOIRE ET MICHAL.

Le 15 juin 1830, Marie Vicat accoucha, à la Côte-Saint-André, d'une fille qui fut présentée le même jour à l'officier de l'état civil par le sieur Laurent Grégoire, et inscrite sur les registres, sous le prénom d'Eugénie, comme fille naturelle de Marie Vicat et de Laurent Grégoire.

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Celui-ci se trouvait cependant alors, et depuis le 27 avril 1813, engagé dans les liens du mariage avec Marie Lambert, qui mourut le 1er nov. 1846, sans héritier à réserve, et laissant l'aveu de la mère doit être formel, et ne peut résulter que d'une reconnaissance expresse de sa part ou d'un mandat spécial donné au père de reconnaître l'enfant en son nom. V. Marcadé, Cours de dr. civ., sur l'art. 336, et Revue crit. de jurispr., année 1852, p. 465 et suiv.; Demolombe, Cours de C. civ., t. 5, no 383; Boileux, Comment. C. civ., sur l'art. 336, Valette sur Proudhon, Tr. de l'état des pers., 3e édit., t. 2, p. 142, note a. V. aussi Bourges, 2 mai 1837 (t. 1 1838, p. 193). Suivant ces jurisconsultes, qui cherchent à appuyer leur opinion sur les travaux préparatoires du Code civil, l'art. 336 doit être interprété en ce sens la reconnaissance n'a d'effet qu'à l'égard de celui qui l'a faite. La conséquence qu'ils tirent de cette interprétation est que l'indication d'une mère qui n'est pas légalement connue, faite par un tiers sans pouvoir, ne saurait devenir contre elle un moyen de preuve. << Dire, ajoute M. Marcadé (Cours de dr. civ., sur l'art. 336, no 1er), que l'indication faite par le père sans mission de la mère (indication qui, par elle seule, o l'avoue, ne signifie rien) produit ensuite la reconnaissance quand il vient s'y joindre ce que la doctrine appelle tractatus, c'est dire, ni plus ni moins, que la reconnaissance des enfants naturels s'établit par la possession d'état. »

Observons néanmoins que la Cour de cassation, dont la jurisprudence, on le sait, rejette la possession d'état comme preuve de la filiation des enfants naturels (V. Cass. 17 fév. 1851 [t. 1 1851, p. 481], et la note détaillée), n'a pas employé, dans l'arrêt que nous recueillons, l'expression possession d'éV. Favard de Langlade, Rep., vo Re-iat; et qu'au surplus c'est non comme preuve diconn. d'enf. nat., sect. 1re, § 3, art. 1er, no 4; Du- recte de la filiation de l'enfant, mais comme preuve ranton, Cours de dr. franç., t. 3, no 245; Zachariæ, de l'aveu de la mère, que, dans l'espèce, des faits Cours de dr. civ., § 568 bis, et MM. Aubry et Rau, ses constituant en réalité la possession d'état étaient inannotateurs, ibid., note 26; Duvergier sur Toullier, voqués. La Cour de cassation, sans s'occuper de Dr. civ., t. 2, note 6 sur le n° 956; Taulier, Theor. l'effet de la possession d'état relativement à la filiadu C. civ., t. 1er, p. 427; Cadrès, Tr. des enf. nat., tion naturelle, a seulement jugé qu'il appartient no 10; Richefort, Tr. de l'el. des familles, t. 2, no aux juges du fait de décider souverainement, par 278; Teulet, d'Auvilliers et Sulpicy, Code civ. annoté, appréciation des circonstances, si l'indication de la sur l'art. 336, nos 6 et suiv.; Rolland de Villargues, mère dans l'acte de naissance a eu lieu de son aveu, Rép. du notar., yo Aveu de maternité, nos 3 et suiv. ce qui équivaudrait à une reconnaissance de sa part.

Au contraire, d'autres auteurs enseignent que

V. Rép.gen. J. Pal., vo Enfant naturel, nos 214 et suiv.

un testament public du 3 janvier précédent, par lequel elle léguait à Eugénie Vicat, dite Grégoire qui habitait, dit le testam nt, avec la testatrice et son mari), la généralité de ses biens de toute nature, consistant en 10,000 fr., grevés de l'usufruit de son mari.

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cession d'Fugénie Vicat, dite Grégoire, a été dévolue à Marie Vicat, sa mère, laquelle conti nuera de jouir et disposer des biens de cette succession.

Appel par l'état.

On a soutenu, dans son intérêt, que les faits Le 14 avril 1847, le sieur Laurent Grégoire exposés par les intimés n'étaient point établis; épousa en secondes noces Marie Vicat, qu'il a- notamment qu'il n'était pas prouvé que Marie vait désignée en 1830 comme mère d'Engénie Vicat fut accouchée, qu'elle fût la mère d'EugéGrégoire. Cette dernière mourut à son tournie Grégoire, et qu'elle eût traité et soigné cellele 31 déc. 1847; son acte de décès énonce qu'elle était fille de Laurent Grégoire et de Ma rie Vicat. Le 28 mars 1848, Marie Vicat, femme Grégoire, par acte notarié, reconnut, en tant que de besoin, Eugénie comme sa fille naturelle, déclarant qu'elle l'avait toujours élevée en cette qualité.

ci comme sa fille; que le testament de Marie Lambert renfermait des énonciations contraires; que les conclusions prises en prem ère instance et les écrits signifiés au procès, pris dans leur ensemble, n'avaient fait que repousser la maternité prétendue par Marie Vicat, soit parce que l'acte de naissance ne suffirait point pour la Cependant, le 24 juin suivant, un jugement prouver, soit parce que cet acte établirait à la du tribunal civil de Vienne, dans le ressort du- fois et la filiation et l'adultérinité qui rendrait quel était située la commune de la Côte-Saint-la filiation inutile pour succéder. On ajouAndré, autorisa l'administration de l'enregistre- tait, en droit, que la mère n'était appelée à la ment et des domaines, représentant l'état, à | succession de son enfant naturel `qu'autant remplir les formalités voulues par les art. 769 qu'elle l'avait légalement reconnu avant son déet 770 C. civ., à l'effet d'ètre envoyée en posses- cès; qu'Eugénie Grégoire n'avait jamais été resion de la succession, considérée comme va- connue avant cette époque; que ses héritiers cante, d'Eugénie Grégoire. n'étaient pas même recevables à rechercher sa filiation après son décès pour en hériter: ce qui ôtait toute importance à la reconnaissance posthume de Marie Vicat, aux certificats de possession d'état et même aux aveux prétendus de l'administration.

Mais la dame Marie Vicat, autorisée par son mari, assigna l'état devant le tribunal civil de Saint-Marcellin, lieu de l'ouverture de la succession, pour entendre dire et prononcer que la succession d'Eugénie, sa fille naturelle, lui avait été dévolue, et qu'en conséquence elle continuerait à jouir et disposer des biens qui la composaient.

L'état prétendait qu'Eugénie, étant née de Laurent Grégoire, marié, était adultérine d'une manière absolue et indivisible, et que cette qualité pouvait être opposée non seulement au père, mais encore à la mère et à l'enfant dans leurs rapports de filiation og de succession.

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Le 12 déc. 1850, arrêt de la Cour d'appel.de Grenoble ainsi conçu:

<< Attendu que, s'il est hors de doute, comme l'ont décidé les premiers juges, et comme l'administration de l'enregistrement l'a elle-même reconnu devant la Cour, que, d'après les dispositions de l'art. 335 C. civ., la déclaration faite par Laurent Grégoire, le 15 juin 1830, devant T'officier de l'état civil, doit être considérée comDe son côté, la dame Marie Vicat soutenait me nulle en ce qu'il s'y serait reconnu père aque, suivant une jurisprudence constante, la dultérin d'Eugénie Vicat, il est non moins cerdéclaration de Laurent Grégoire devait être con- tain que l'acte dressé sur cette déclaration et sidérée comme non avenue et destituée de tout dans la forme prescrite par l'art. 56 C. civ. fait effet, en tant qu'elle constatait une filiation a- néanmoins foi de la naissance de cet enfant et dultérine; que c'était le cas d'appliquer en fait du fait que la maternité y a été attribuée à Marie et en droit l'art. 336 C. civ.; qu'au surplus, la Vicat; Attendu que cet acte de naissance possession d'état entre la mère et l'enfant em- laissait sans doute à Marie Vicat, qui n'avait pas porte avec elle une suffisante reconnaissance de elle-même déclaré sa maternité et reconnu son maternité; que cette possession d'état se trou-enfant, le droit de dénier d'avoir été la mère de vait complétement établie dans la cause sans qu'il fut besoin de recourir à la preuve testimoniale, et qu'enfin la reconnaissance du 28 mars 1848, quoique posthume, devait néanmoins, dans l'espèce, en supposant même que cela fut nécessaire, produire tous les effets d'une reconnaissance faite du vivant de l'enfant.

la fille naturelle inscrite sous son nom, et d'obliger cet enfant illégitime, recherchant la maternité, à faire la preuve prescrite par l'art. 341 C. civ.; Attendu que cette disposition, faite au profit et dans l'intérêt de la femme non mariée qui n'a pas reconnu sa maternité, et qui soutient, soit de n avoir jamais été mère, soit Le 17 janv. 1850, jugement du tribunal de de n'être pas accouchée de l'enfant qui la réclaSa nt-Marcellin déclarant qu'il résulte de l'ac- me pour mère, ne saurait être tournée contre te de naissance d'Eugénie Vicat et, des faits et elle pour lui faire perdre les droits résultant actes qui sont venus le confirmer, ainsi que de d'une maternité qu'elle aurait constamment aL'indication de maternité qui s'y trouve, recon- vouée, que son enfant n'aurait jamais contes naissance suffisante qu'Eugénie Vicat est filletée, et dont elle aurait rempli tous les devoirs; naturelle de Marie Vicat. En conséquence, sans avoir égard aux fins et exceptions présentées par Tétat, en lesquelles il est déclaré mal fondé et dont il est débouté, dit et prononce que la suc

Attendu qu'il est dès à présent établi au procès et qu'il n'est pas dénié par l'administration que Marie Vical a reconnu la sincérité de l'acte de naissance d'Eugénie Vicat, quant à sa

qui a la même force que la reconnaissance prescrite par l'art. 334 C. civ., ou la preuve faite conformément à l'art. 344 du même Code; Attendu, d'ailleurs, que, si cette reconnaissance et cette preuve étaient encore susceptibles d'être attaquées, en vertu de l'art. 339, soit de la part de la mère, soit de la part de l'enfant ou de tous autres ayant intérêt, il est certain du moins que contre la mère, qui a toujours avoué sa maternité, on ne saurait le faire en invoquant les dispositions des art. 334 et 344, et la nécessité pour elle d'un commencement de preuve par écrit, lorsqu'elle a bien davantage; Attendu, en effet, qu'il est évident, comme on l'a déjà dit, que ces dispositions, faites dans l'intérêt de la femme qui nie sa maternité, ne sauraient

dans ses aveux, contre celle dont la maternité est avouée par celui qui lui en conteste les droits, contre celle enfin que son enfant a toujours acceptée pour mère, et qui, ayant rempli tous les devoirs de la maternité, doit, par réciprocité, en avoir les bénéfices, car telle a été la pensée du législateur, que la lettre de la loi n'a pu trahir; - Attendu que de toutes ces considérations il résulte que, l'administration n'ayant aucun moyen d'attaquer la sincérité de la filiation maternelle d'Eugénie Vicat qu'elle a formellement reconnue en première instance, et qui est prouvée par son acte de naissance, par une possession d'état conforme et constante, et par l'aveu de sa mère, elle est évidemment tout à la fois non recevable et mal fondée à contester à Marie Vicat les droits réciproques que cette filiation a créés; Par ces motifs. met au néant l'appellation émise par l'administration de l'enregistrement envers le jugement rendu par le tribunal de Saint-Marcellin le 17 janv. 1850; confirme ledit jugement »

maternité, en l'allaitant, en l'élevant auprès d'elle, en la plaçant ensuite dans une maison d'éducation, en payant les frais de cette éducation, et en la traitant, en un mot, comme son enfant, sans discontinuation, depuis le jour de sa naissance jusqu'à celui de sa mort, arrivée dix-sept ans après, le 31 déc. 1817; - Attendu qu'il est également établi et non contesté que Marie Vicat, qui avait pourvu à tous les besoins et à l'éducation d'Eugénie Vicat pendant sa vie, a également pourvu aux frais de sa dernière maladie et à ses frais funéraires, et que l'acte de son décès comme celui de sa naissance constate la même filiation maternelle; Attendu que non seulement la maternité et l'identité d'Eugénie Vicat n'ont pas été contestées par l'administration, mais qu'il résulte des conclu-être tournées contre celle dont l'aveu de masions par elle prises en première instance qu'elle ternité ne peut être argué ni de dol ni de fraules proclame l'une et l'autre, puisqu'elle de- de, contre celle qui a fourni à son enfant une mandait que Marie Vicat fût déclarée mère adul- preuve complète de cette maternité dans son actérine d'Eugénie Vicat, et, comme telle, inca-te de naissance, dans sa possession d'état et pable de succéder à sa fille; - Attendu que, si devant la Cour l'administration a abondonné ce système pour soutenir que Marie Vicat ne rapporte pas et doit rapporter la preuve de sa maternité, telle qu'elle est déterminée par les art. 334 et 341 C. civ., il n'en est pas moins vrai qu'en fait elle avait reconnú la sincérité des actes de naissance et de décès d'Eugénie Vicat | et avoué cette maternité, et que cet aveu ne peut pas être plus divisé que la maternité elle-même; Attendu que, dans cet état de cause, il doit être tenu pour certain qu'Eugénie Vicat est née, a vécu et est décédée fille naturelle de Marie Vicat; qu'elle a toujours eu une possession d'état conforme à son titre de naissance; Attendu qu'en admettant que le législateur n'a eu en vue que des enfants légitimes lorsqu'il a disposé, dans l'art. 332 C. civ., que nul ne peut | contester l'état de celui qui a une possession conforme à son titre de naissance, il faut au moins reconnaitre qu'il y a là un principe général d'après lequel l'enfant naturel qui a également une possession d'état conforme à son acte de naissance a une preuve de sa filiation, qui, si elle peut être contredite parce que l'enfant illégitime ne mérite pas la même faveur que T'enfant né du mariage, ne peut l'être cependant qu'en déniant la maternité et cette possession d'état, et en les accusant de mensonge et de fraude; Attendu que Marie Vicat, en se disant aujourd'hui mère d'Eugénie Vicat, ne fait que confirmer l'acte de naissance du 15 juin 1830, se l'approprier et le ratifier en ce qui concerne sa materuité, comme elle se l'est approprié, comme elle l'a approuvé et ratifié pendant dix-sept ans, en nourrissant et élevan son enfant, et en remplissant envers lui tous les devoirs de la maternité; Attendu, dès lors, que, quant à cette maternité, il doit en être de même que si la déclaration faite devant l'officier de l'état civil le 15 juin 1830 l'avait été par un mandataire régulier de Marie Vicat ou par elle-même, et qu'ainsi il existait réelle ment, avant la reconnaissance du 24 mars 1818, une reconnaissance et une preuve de la filiation maternelle d'Eugénie Vicat avec Marie Vicat

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Pourvoi en cassation par l'état, tant à l'égard de la dame Grégoire qu'à l'égard de Mc Michel, son avoué, qui avait obtenu la distraction des dépens à son profit, pour violation des art. 334, 765 et 768 C. civ., et fausse application des art. 320 et suiv. du même Code, en ce que l'arrêt attaqué avait déclaré habile à recueillir la succession d'Eugénie la dame Vicat, bien qu'elle ne justifiât d'aucune reconnaissance légale de cet enfant naturel et n'eût ancun droit à sa succession.

A l'appui de ce pourvoi, on a dit: Les enfants naturels ne sont point héritiers et ils n'ont de droits sur les biens de leurs père et mère qu'autant qu'ils ont été reconnus, dans les cas où cette reconnaissance n'est pas prohibée. Tel est le principe posé par l'art. 756 C. civ. Des dispositions de l'art. 765 du même Code il résulte que les père et mère des enfants naturels n'ont également de droits sur les biens laissés par ceux-ci que lorsqu'ils les ont reconnus. Ainsi la reconnaissance par les voies légales est le fondement de toute filiation d'enfant naturel et de tous droits à exercer en vertu de cette filiation, et le mode de reconnaissance des enfants nata

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rels a été déterminé par l'art. 334 C. civ. Or la dame Vicat n'avait pas reconnu la demoiselle Eugénie, dite Grégoire, pour sa fille naturelle, par l'acte de naissance de cette dernière, auquel elle n'a concouru ni en personne ni par fondé de pouvoir. La seule reconnaissance qu'elle peut prétendre avoir faite est celle du 28 mars 1848, trois mois après le décès de sa prétendue fille. Cette reconnaissance étant inefficace, il n'existe dans la cause aucun acte capable d'établir une filiation d'enfant naturel. On ne saurait, en effet, suppléer à l'absence d'une reconnaissance faite pendant la vie d'Eugénie par une possession d'état que l'art. 334 Č. civ. ne met pas au nombre des moyens légaux propres à établir la filiation des enfants naturels, et qui n'est admise par la loi qu'à l'appui de la filiation légitime. C'est dans ce sens que s'est prononcée la Cour de cassation par un arrêt du 17 février 1851 (V. Journ. Pal., t. 1 1851, p. 481), qui décide que l'enfant naturel ne peut être admis à invoquer la possession d'état, et qu'il ne peut réclamer les droits que les art. 756 et 757 fui accordent sur les biens de ses père et mère décédés que quand il a été reconnu, soit, suivant l'art. 334, par un acte authentique, s'il ne l'a pas été par l'acte de naissance, soit à la suite d'une recherche de la paternité ou de la maternité dans les cas prévus par les art. 340 et 341 C. civ. On ne peut donc admettre les conséquences que la Cour de Grenoble a tirées d'une prétendue possession d'état, et on doit les rejeter surtout lorsqu'on fait reposer cette possession surdes faits très contestables.-Ainsi ce n'est pas Marie Vicat, dénuée de tous moyens d'existence, mais bien le sieur Grégoire qui a pourvu à tous les besoins et à l'éducation d'Eugénie. Marie Vicat n'a pas donné à Eugénie une preuve complète de sa maternité dans sa possession d'état, puisque Eugénie était connue Sous le nom de Grégoire; que c'est sous ce nom qu'elle a été désignée dans le testament de la femme légitime du sieur Grégoire et dans la déclaration de succession faite après le décès d'Eugénie. Du reste, dans les pièces mêmes du procès on voit partout que la volonté du sieur Grégoire était de considérer Eugénie comme sa fille, et de la faire en quelque sorte adopter par sa légitime épouse. La filiation n'est donc pas justifiée par la possession d'état; elle ne l'est pas davantage par la reconnaissance du 28 mars 1848.-Les jurisconsultes attachés au conseil de l'administration des domaines, dans une consultation délibérée le 7 mai 1850 au sujet de cette affaire, ont déclaré qu'ils ne pouvaient admettre des reconnaissances faites après le décès de l'enfant naturel, parce qu'ils les croyaient opposées aux principes de la loi sur les successions, à l'esprit de la loi sur les reconnaissances des enfanis naturels, aux saines notions de la morale, et dangereuses dans leurs conséquences. « D'après l'art. 765 C. civ., disent-ils, la succession de l'enfant naturel décédé sans postérité est dévolue au père ou à la mère qui l'a reconnu. La condition de successibilité des père et mère est donc la reconnaissance, et si la reconnaissance n'a pas eu lieu avant le décès, le

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sort de la succession est fixé. On ne peut pas reconnaître après le décès, parce que, d'abord, si la loi avait voulu laisser cette faculté au père ou à la mère, elle aurait supprimé cette condition, ou bien aurait dit : l'enfant reconnu ou à reconnaître; ensuite les successions saisissent les survivants dans l'état où ils sont au moment du décès. Un événement postérieur ne peut pas leur donner un droit de successibilité. Un père ou une mère peuvent reconnaître ou ne pas reconnaître. Le droit n'existe donc que lorsqu'il a été donné. Enfin l'art. 765 C. civ. établit un droit de réciprocité fondé sur la reconnaissance. Si un père et une mère ont rempli leur devoir pendant la vie de leur enfant, elle leur donne le droit de lui succéder, mais elle ne veut pas qu'ils puissent violer leurs devoirs et se réserver tous les avantages de leur faute et de sa naissance. Cette supposition est aussi contraire à la morale qu'au texte de l'art. 765 C. civ. Cette doctrine est conforme à un arrêt de la Cour de Pau du 9 juil 1844 (Journal du Palais, t. 1 1845, p. 145) et à un arrêt de la Cour de Paris du 25 mai 1835 (Journal du Palais, 3e éd., à sa date). Les dispositions de la loi sur la reconnaissance sont aussi formelles que celles sur les successions pour condamner le système de l'arrêt attaqué. L'art. 334 permet de reconnaître les enfants naturels après leur décès, mais seulement dans l'intérêt de ces enfants naturels ou de leur postérité. D'après les art. 335 et 337, le profit des enfants seuls a été l'objet de la sollicitude du législateur; nulle part on ne voit que le législateur ait parlé de la mère comme objet de sa sollicitude. Bigot de Préameneu au Corps législatif, le tribun Duveyrier, en présentant le von du Tribunat au Corps législatif, laissent voir partout dans leurs discours la même pensée de faveur exclusive pour les enfants. Ce serait se mettre en opposition avec cette pensée du législateur que de dire que cette reconnaissance peut avoir lieu lorsqu'il n'y a plus d'enfant à reconnaître et dans l'unique intérêt des père et mère. S'il est vrai que nemo auditur propriam allegans turpitudinem, la naissance d'un enfant naturel est une faute contre la morale, la religion, la société. Si la loi en sollicite l'aveu, c'est uniquement dans l'intérêt de l'enfant; mais ce motif n'existe plus lorsque l'enfant a cessé de vivre et que cet aveu n'a pour but que de se procurer un bénéfice pécuniaire. Enfin la doctrine contraire serait dangereuse dans ses conséquences. Marie Vicat a refusé de reconnaître sa prétendue fille pendant sa vie. Celle-ci aurait été obligée de plaider contre sa mère pour se faire reconnaitre, et maintenant que la fille est morte, que la réparation n'est plus utile ni à la fille ni à la société, faire cette reconnaissance, demander à la prouver, c'est là un scandale utile à la mère seule, c'est là la honte de la spéculation. Si une mère pouvait reconnaître un enfant naturel après son décès dans le but unique de recueillir sa succession, il y aurait là une source de spéculations honteuses et de scandales. Le domaine, qui est le principal intéressé en pareil cas, ne pourrait se procurer les preuves renfermées

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