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684671

JURISPRUDENCE FRANÇAISE

1853

CASSATION (10 novembre 1852).

-

ARRÊT, COLONIES, CONSEILLER AUDITEUR
MENTION, DONATION, Déguisement, RAP-
PORT, DISPENSE, appréciatiON, -PREUVE
TESTIMONIALE, REJET, MOTIF.

Les conseillers auditeurs élant, dans les colo-
nies, membres de la Cour d'appel, il s'ensuit
que de la présence et du concours à un arrêt
d'un conseiller auditeur, même intérimaire, ré-
sulte la présomption de droit qu'il a été appelé,
suivant l'ordre prescrit par l'art. 60 de l'or-
donnance du 24 sept. 1828, à raison de cau-
ses légitimes d'absence des magistrats qui de-
vaient être appelés avant lui (1).

Le déguisement d'une donation faite à un successible ne suffit pas à lui seul pour créer de plein droit la présomption que la dispense de rapport, qui doit toujours être claire et certaine a réellement été dans la volonté du donateur. - En conséquence, une donation, quoique déguisée, a pu, sans qu'il en résulte aucune violation de loi, être déclarée sujette à rapport, lorsqu'il a été reconnu par les juges du fait qu'en dehors du déguisement il n'existait au procès ni preuve ni présomption suffisante que la volonté du donateur cût été de dispenser les donataires du rapport (2).

L'offre subsidiaire de prouver par témoins que le successible qui demande le rapport contre ses cohéritiers donataires a reçu lui-même du do

(1) V. conf. Cass. 12 août 1835; Rép. gén. soutenue par MM. Chabot, Comment. sur la loi des Journ. Pal., vo Colonies, no 545. — On décide aussi, success., sur l'art. 843, no 16; Grenier, Tr. des dans le même sens, que le jugement auquel a con- donat., testam., etc., nos 513 et 514; Merlin, Quest., couru un juge suppléant, sur le continent, n'est pas yo Donations, S 5, no 3 (ces trois auteurs s'étaient tenu, à peine de nullité, de constater que ce magis-prononcés d'abord en sens contraire); Delvincourt, trat a été appelé à raison de l'empêchement des autres Cours de dr. civ., édit. 1819, t. 2, p. 328, notes, p. juges suppléants inscrits avant lui dans l'ordre du ta- 39, no 10; Delaporte, Pandectes françaises, sur l'art. bleau. V. Cass. 14 août 1837 (t. 2 1837, p. 413), et 843, nos 420 et suiv.; Proudhon, Usufr., no 2396; la note.- - Mais il n'en serait pas ainsi dans le cas où, Guilhon, Tr. des donat. entre vifs, nos 1183 et suiv.; pour se compléter, un tribunal serait obligé d'appe-Duranton, Cours de dr. franç., t. 7, nos 313, 318 et ler un avocat ou un avoué.-V., indépendamment suiv.; de Fréminville, notes sur Grenier, no514; Dudes motifs de l'arrêt que nous rapportons, Cass. 26 vergier sur Toullier, Dr. civ., t. 4, note a, sur le no mai 1851 (t. 21851, p. 161), et le renvoi. - V., au 474; Mourlon, Répét. écrites, sur l'art. 843, 2e exasurplus, Rep. gen. Journ. Pal., v° Jugement (mat. civ.), men, p. 159 et suiv.; Teulet, d'Auvilliers et Sulpicy, nos 608 et suiv., 629 et suiv. Code civ. annoté, sur l'art. 843, nos 35 et suiv.; Coulon, Dialogues, t. 3, p. 170; Rolland de Villar gues, Rép. du notar., vo Rapport à succession, nos 161 et suiv.. C'est aussi l'opinion que nous avons soutenue dans la Revue de législation, année 1845, t. 1er, p. 284; et l'on verra plus loin que cette opinion était invariablement admise dans l'ancienne jurisprudence.

(2) M. Pont, auquel nous devons le compte rendu de l'arrêt que nous rapportons, y a joint des observations dans lesquelles il désapprouve et critique la solution consacrée par la Cour de cassation. Nous ne saurions partager, sur ce point, le sentiment de notre honorable collaborateur. La théorie de la Cour suprême nous semble plus en harmonie avec l'état des mœurs, plus conforme à la vérité des faits, et, par conséquent, plus favorable aux progrès de la loi. Nous la préférons donc à celle, trop absolue à nos yeux, de M. Pont; mais l'autorité qui s'attache aux opinions de ce jurisconsulte nous fait un devoir, tout en réservant notre propre sentiment, de mettre néanmoins sous les yeux de nos lecteurs son travail, dont on ne saurait, à quelque parti qu'on s'arrête, mécou-nos 1er et suiv.; Zachariæ, Cours de dr. civ., § 632, naître la haute valeur.

« Les auteurs, dit M. Pont, sont fort divisés sur la question de principe qui s'élevait dans l'espèce, celle de savoir si une libéralité indirecte ou déguisée est nécesairement censée faite par préciput et hors part, ou bien si elle est soumise au rapport, comme y serait assujettie toute donation expresse ou directe qui n'en aurait pas été formellement dispensée.

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>> D'une autre part, et dans le sens de la dispensc du rapport, on trouve l'opinion de MM. Toullier, Dr. civ., t. 4, no 474; Malpel, Tr. des success., no 266; Vazeille, Successions, sur l'art. 843, no 5; Poujol, Success., sur l'art. 843, no 8; Conflans, Jurispr. des success., sur l'art. 843, no 14; Belost-Jolimont, Addit. au Comment. de Chabot, sur l'art. 843, no 16, obs. 4; Marcadé, Cours de dr. civ., sur l'art. 851

et Aubry et Rau, ses annotateurs, Ibid., note 17.

» La jurisprudence des Cours d'appel n'est pas moins divergente. V., pour la dispense de rapport, Colmar, 10 déc. 1813, 27 juil. 1816; Renues, 10 fév. 1818; Nimes, 15 mars 1819; Grenoble, 6 juil. 1821; Lyon, 22 juin 1825; Toulouse, 7 juil. 1829; Agen, 4 mai 1830; Toulouse, 9 juin 1830; Agen, 3 mars 1832 (avec Cass. 19 déc. 1832); Liége, 4

- D'une part, la nécessité du rapport est vivement I fév. 1833; Caen, 26 mars 1833, 4 et 23 mai 1935,

nateur des avantages compensant et au delà
ceux résultant des donations faites à ceux-ci

Paris, 8 fév. 1837 (t. 2 1837, p. 445); Saint-Denis,
1er sept. 1838 (avec Cass. 6 déc. 1842 [t. 1 1843, p.
422]); Bordeaux, 27 avril 1839 (t. 2 1839, p. 275);
Paris, 8 août 1850 (t. 2 1850, p. 616).

a pu, alors que le fait est allégué uniquement comme circonstance indicative de l'inrapport, sans que cela fût nécessaire pour la solution de la question spéciale qu'elle avait à résoudre; et par là elle semblait avoir voulu condamner théosacrée, théoriquement aussi, sur l'effet du déguiseriquement la doctrine que l'arrêt d'appel avait conment, eu égard au principe qui prescrit, en général, le rapport de toute donation.- En sorte que, si l'arrêt ne se présentait pas avec toute l'autorité d'une solution franche et directe, il pouvait du moins être inque les donations déguisées doivent être présumées voqué comme induction par ceux qui soutenaient faites par préciput et hors part, et par conséquent dispensées du rapport. Telle était, en effet, la tendance de l'arrêt de 1817.

tinué de marcher dans cette voie. Un arrêt du 3 août »>Quoi qu'il en soit, la Cour suprême n'a pas con1841 (t. 2 1841, p. 573) a manifesté une tendance nouvelle que-la Cour a suivie et développée depuis, et sur les données de laquelle elle a fondé une jurisprudence qui tient en quelque sorte le milieu entre les deux opinions extrêmes qui divisaient les Cours d'appel et les auteurs. Cette jurisprudence, formulée dans trois arrêts successifs, des 20 mars 1843 (t. 2 1843, p. 197), 20 déc. 1843 (t. 1 1844, p. 166), et 12 août 1844 (t. 1 1845, p. 38), trouve son dernier. écho dans l'arrêt que nous rapportons, qui la confirme pleinement dans tous ses détails. Nous ne saujurisprudence, que nous référer au rapport qui a prérions mieux faire, pour indiquer l'économie de cette cédé le premier arrêt qui l'a consacrée. Voici comment s'exprimait M. Troplong à l'occasion de l'arrêt du 20 mars 1843: « La signification de l'arrêt attaqué » est celle-ci : toute donation déguisée peut être dé» clarée dispensée de rapport, alors même que la » formule de l'art. 919 n'a pas été employée, pourvu » qu'il résulte des circonstances que telle a été l'in>>tention du père de famille; et, en effet, ce point de » vue est le seul vrai. Dire qu'une donation déguisée » est virtuellement dispensée de rapport, c'est aller » contre la vérité, ériger en principe des présomp>>tions de droit qui ne sont pas infaillibles, le tout » pour donner à un acte simulé une faveur que n'au >> rait pas un acte sincère. Souvent la forme détour» née de la vente ou du contrat onéreux n'a été em»ployée que pour éviter des formes gênantes ou des » droits d'enregistrement considérables; souvent » elle n'a été mise en usage que pour maintenir » l'harmonie dans les familles, et écarter provisoi» la jalousie entre les enfants. La vérité vous paraf»rement l'idée d'avantages qui auraient pu exciter. » tra donc être ceci : une donation déguisée n'est » pas soumise à l'expression explicite requise par » l'art. 919; mais au moins il faut des preuves in» dépendantes du seul déguisement pour établir que » le donateur a voulu faire une donation hors part.

.....Et, pour l'obligation au rapport, Bruxelles, 30 mars 1812, 26 juil. 1820, 7 juin 1821; Grenoble, 14 janv. 1824; Toulouse, 2 fév. 1824, 10 juin 1829; Montpellier, 26 fév. 1830; Agen, 13 juin 1831 (dans ses motifs); Paris, 19 juil. 1833; Nanci, 26 nov. 1834; Bordeaux, 7 mars 1835; Montpellier, 21 nov. 1836; Limoges, 30 déc. 1837 (t. 2 1839, p. 274); Toulouse, 9 mai 1840 (t. 2 1840, p. 82); Besançon, 15 nov. 1843 (t. 1 1844, p. 639); Bruxelles, 28 déc. 1844 (Journ. Pal., Jurispr. belge, année 1845, p. 37). » Enfin, quant à la Cour de cassation, elle semblait d'abord avoir voulu éviter de résoudre la question. Disons-le cependant, un arrêt du 13 août 1817, qui a eu le singulier privilége d'être réciproquement invoqué par les partisans des deux opinions opposées, avait manifesté des tendances que les décisions ultérieures de la Cour suprême ne devaient pas confirmer. Rendu dans une espèce où il s'agissait particulièrement de décider si une donation déguisée est valable ou non, l'arrêt de 1817 subit en quelque sorte l'influence des principes qui avaient été posés dans la décision de la Cour d'appel sur le sort de laquelle il s'agissait alors de statuer. Cette Cour ne s'était pas bornée à considérer une semblable donation comme nulle; elle avait fait plus, et, dans un intérêt de pure théorie, elle avait exprimé Fidée qu'en supposant la donation valable, elle aurait dû au moins être rapportée pour le tout, puisqu'elle n'avait pas été faite expressément par préciput et hors part. C'est dans ces circonstances que la Cour de cassation déclare, d'une part, « que les art. 843, 853, 918, 920 et 1970, ne faisant aucune distinction entre les libéralités directes à titre purement gratuit et les libéralités ou avantages indirects faits dans un contrat à titre onéreux, ordonnent que le rapport sera fait des uns et des autres à la masse de la succession, et supposent, par conséquent, la validité des uns et des autres... » ; et, d'une autre part, « que l'art. 918 ordonne non seulement l'exécution du contrat de vente dont le prix aléatoire qui y est stipulé contient un avantage indirect pour le successible, mais dispose de plus que cet avantage indirect est ainsi fait par preciput et hors part, et qu'il n'y a lieu au rapport que de ce qui excederait la quotité disponible. » présence de ces motifs, dont le premier paraît faEn vorable à ceux qui soutiennent que la donation, quoique indirecte, est soumise au rapport, et dont la second pouvait être justement invoqué par les partisans de la doctrine contraire, il est aisé de comprendre que de part et d'autre on se soit rattaché à l'arrêt de 1817, d'autant plus que la jurispru-» Maintenant, qui appréciera les circonstances d'où dence des Cours d'appel était, comme elle l'a été depuis, fort incertaine sur la question, et que, dans Le doute qu'avait fait naître, en doctrine, un conflit d'autorités dont le nombre et le poids se balançaient à peu près, il y avait quelque chose de décisif à invoquer l'autorité plus puissante d'un arrêt souverain qui aurait fixé le point de droit. Mais, il faut le reconnaître, tout en exprimant en termes généraux Fobligation du rapport, la Cour suprême ne s'occupait, on le voit par le texte ci-dessus reproduit de son premier motif, que de la validité de la donation quant à la forme de l'acte dans lequel elle était contenue; et, à ce point de vue, sa décision ne fournissait même pas une induction en faveur de la doctrine des partisans du rapport. Au contraire, dans son second motif, la Cour de cassation rappelait l'argument le plus puissant à l'appui de la dispense de

-

» découle cette volonté? Les Cours d'appel. Votre
>> arrêt du 3 août 1841 établit qu'elles ont, à cet é
tème que consacre l'arrêt ci dessus, après ceux des
>> gard, un pouvoir souverain... » —
-Tel cst le sys-
20 mars et 20 déc. 1843, et 12 août 1844 (précités),
Douai du 21 mai 1851 (t. 2 1852, p. 557).
et qu'a également admis un arrêt de la Cour de

dérer: le principe et la règle d'application. - Quant
» Il y a, dans ce système, deux choses à consi-
au principe, à savoir qu'une libéralité, quoique indi-
seul déguisement ne suffit pas pour faire présumer
recte ou déguisée, est soumise au rapport, et que le
la dispense du rapport, il n'y a plus à y insister
beaucoup, après les discussions nombreuses et dé-
veloppées dont ce point de droit a été l'objet. Nous
avis, on ne s'y est pas suffisamment arrêté, qu'en
nous bornerons donc à rappeler, parce qu'a notre

tention où aurait été le donateur de les dispenser du rapport, étre rejetée par le motif géné

ceci la Cour de cassation n'a fait que suivre une doctrine invariablement admise dans l'ancienne jurisprudence, et qui même n'y avait soulevé aucune difficulté.

ral que les cas déterminés par la loi pour l'ad
missibilité de la preuve testimoniale ne se pré-

enfin l'opinion de Lebrun (Des succ., liv. 3, chap. 6,
sect. 3, nombres 7 et suiv.) et celle de Coquille
(Cout. de Nivernais, tit. Des donat., sur l'art. 7), etc.
»Or les art. 303 et 304 de la Coutume de Paris ont
leur équivalent dans le Code Napoléon. Le législa-
teur moderne semble même avoir voulu reproduire
dans le texte de la loi toute la précision que la Cou-
tume avait reçue de la doctrine des interprètes.
« Tout héritier..., dit l'art. 843, doit rapporter à
» ses cohériters tout ce qu'il a reçu du défunt entre vifs
» directement ou indirectement; il ne peut retenir les
» dons ni réclamer les legs à lui faits par le défunt, à
>> moins que les dons et legs ne lui aient été faits ex-
>> pressément par préciput et hors part, ou avec dis-
>> pense de rapport. » Certes, lorsqu'on rapproche de
cet article l'assentiment unanime des anciens auteurs
qui, pour satisfaire au principe de l'égalité des par-
tages proclainé par la législation coutumière, ne mi-
rent pas un seul instant en doute la nécessité du
rapport des libéralités, même indirectes ou dégui
sées, il devient difficile de prêter une autre pensée
à ce texte d'un Code qui, tout en adoptant, en ma-
tière de succession, les règles du droit coutumier,
a poussé cependant plus loin encore que la plupart
des Coutumes le sentiment de l'égalité entre les co-
héritiers, et lui a donné une satisfaction plus com-
plète. Evidemment il y a une liaison intime entre le
texte du Code et la doctrine des commentateurs de
la Coutume: le législateur moderne a traduit en lai
ce qui n'était avant lui qu'une déduction théorique.
En faut-il une preuve? Elle est dans l'art. 853, "qui
dispense du rapport les profits que l'héritier a pu
retirer de conventions passées avec le défunt, si ces
conventions ne présentaient aucun avantage indirect
lorsqu'elles ont été faites. Donc, a contrario, si les con-
ventions, quand elles sont faites, présentent un avan-
tage indirect, les profits que le successible en retire
sont sujets à rapport. Or la vente ou tout autre con
trat passé avec le successible, s'il n'est au fond
qu'une libéralité déguisée, est bien assurément une
de ces conventions qui présentent, lorsqu'elles sont
faites, un avantage indirect. Cet avantage doit done
être rapporté, aux termes de l'art. 853, qui, four
nissant ainsi une conséquence virtuellement déduite
par le législateur lui-même du principe posé dans
l'art. 843, vient confirmer ce dernier article et en
fixer la portée.

» Aux termes de l'art. 303 de la Coutume de Paris, « père et mère ne peuvent par donation entre » vifs, par testament et ordonnance de dernière vo» lonté, ou autrement en manière quelconque, avantager » leurs enfants venants à leur succession l'un plus » que l'autre ». L'article suivant ajoutait : « Les en>> fants venants à succession de père et mère doivent | Drapporter ce qui leur a été donné, pour, avec les » autres biens de ladite succession, être mis en par>> tage avec eux, ou moins prendre. » Le principe du rapport se trouvait ainsi consacré pour tout ce qui avait été donné au saccessible en manière quelconque. Quelle était la signification et l'étendue de ces dernières expressions? Voici ce qu'en dit Pothier, qui résumait, en ce point, les idées généralement reçues: « La Coutume, par ces termes: en manière » quelconque, assujettit au rapport tous les avantages, »tant directs qu'indirects, faits par les père, mère » ou autres ascendants à leurs enfants. C'est un » avantage indirect qu'un père fait à l'un de ses en»fants lorsqu'il donne quelque chose à une tierce » personne interposée pour la rendre à cet enfant. » L'enfant est tenu au rapport de la chose que lui a » rendue la tierce personne à qui elle avait été » donnée, non seulement lorsque la charge de la » lui rendre se trouve exprimée, ou dans la dona» tion même faite à cette tierce personne, ou dans » quelque contre-lettre par laquelle cette tierce » personne se serait obligée de rendre la chose à >> l'enfant, auxquels cas il est sans difficulté que la » donation faite à la tierce personne est indirecte> ment faite à l'enfant; mais même dans le cas auquel il n'y aurait aucun acte par écrit qui assure» rait que la donation faite à la tierce personne lui » a été faite à la charge de rendre à l'enfant, si les, >> circonstances le persuadent, il faudra pareillement » décider que l'enfant sera sujet au rapport de cette » chose... On appelle aussi avantages indirects tous les actes qui, étant passés entre le père et l'un de >> ses enfants, sous un autre nom que celui de dona» tion, renferment néanmoins un avantage au pro» fit de l'enfant. Ces avantages sont pareillement sujets | Dà rapport. Par exemple, si un père a vendu à son fils un héritage pour un prix au dessous de sa juste » valeur, cet acte, quoique conçu sous la forme de » vente, renferme un avantage indirect au profit du » fils, qui profite de ce que l'héritage vaut de plus » que le prix pour lequel il a été vendu, et, par con»séquent, oblige le fils au rapport...-Tous les autres Dactes, de quelque espèce qu'ils soient, qui contienDnent quelque avantage de la part d'un père ou d'une » mère au profit de quelqu'un de ses enfants, obli» gent cet enfant au rapport...» (Des successions, ch. 4, art. 11, S2, in princip. V. aussi Cout. d'Orléans, introduct. au tit. 17, no 77.). Ferrières (sur l'art. 303, Cout. de Paris, nomb. 3 et suiv., t. 4, col. 443) disait également : « Ce mot autrement s'entend de » tout avantage, de quelque manière qu'il soit fait, Mais comment la volonté du donateur devra-t» comme par substitution ou sous une vente simu- elle se manifester?-La Cour de cassation distingue: >»lée. » C'était aussi l'avis de Dumoulin (sur l'art. s'agit-il d'une donation directe, la Cour maintient 124 de l'anc. Cout., et sur l'art. 278 Cout. du Maine), la nécessité d'une dispense explicite et formelle; s'aqui ajoutait même qu'on n'en croirait pas le père dé-git-il d'une donation indirecte ou déguisée, la Cour clarant qu'il a reçu le prix de vente, a Conclusum cst » quod in venditione facta filio vel genero, confessio patris non valet de recepto, etiamsi notarius dicat pretium nu▷ meratum coram se ». En outre on peut voir dans Ferrières (loc. cit.) que tous les commentateurs de la Coutume arrivaient à cette conclusion « qu'une vente ▷ animo donandi était sujette à rapport ». Telle était

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»Cela étant, et sans revenir ici sur les arguments pour et contre, dont le lecteur pourra se pénétrer en se reportant aux autorités citées plus haut, nous concluons que la Cour de cassation ne pouvait faire moins que faire passer sous le même niveau, relativement à l'obligation du rapport, les donations di rectes et les donations indirectes ou déguisées.

>> Vient ensuite la règle d'application par laquelle la Cour de cassation a cru devoir modifier sa doc trine. Du principe que la donation directe et la donation déguisée sont soumises au rapport l'une aussi bien que l'autre, il s'ensuit nécessairement qu'il faut admettre à l'égard des deux la faculté pour le donateur de dispenser le donataire de cette obligation.

ne demande plus la dispense formelle, elle se contente de présomptions indépendantes du déguisement, présomptions propres à établir que le donateur a eu la volonté de faire une donation hors part, et livrées à l'appréciation des juges du fond.-Pourquoi cette différence, et sur quoi est-elle fondée! Les arrêts de la Cour suprême ne l'ont jamais dit.

sentaient pas au procès, surtout si ce motif | s'explique et se complète par un autre motif Nous avons cherché à suppléer à leur silence, et, loin de trouver un motif juridique, nous avons été amené à penser que cette distinction, dangereuse en ce qu'elle attaque et comproniet le principe que la Cour de cassation a voulu consacrer, si bien que des adversaires de ce principe paraissent se contenter du tempérament admis par la Cour (V. notamment M. Marcadé, sur l'art. 851, no 3, in fine, note), soulève, en outre, les objections qui doivent faire rejeter le déguisement seul comme preuve de l'intention par le donateur de dispenser le donataire du rapport.

>> En effet, selon l'expression de M. Troplong dans son rapport à l'occasion de l'arrêt du 20 mars 1843, admettre le déguisement comme établissant la volonté du donateur de disposer hors part, c'eût été donner à un acte simulé une faveur que n'aurait pas un acte sincère. Mais n'est-ce pas aussi accorder cette faveur à l'acte simulé que faire résulter la dispense de rapport de tout autre fait que de celui du déguisement? S'attacher au déguisement ou à une autre circonstance quelconque, c'est recourir toujours à l'intention, en invoquant une volonté tacite, qui est regardée comme insuffisante lorsqu'il s'agit d'une libéralité directe. Selon le même rapport encore, le déguisement est insuffisant par lui-même, parce qu'en l'employant le donateur a pu se proposer tout autre chose que disposer hors part, par exemple éviter des jalousies ou des haines entre successibles. Mais substituez au déguisement un autre fait, une circonstance quelconque, et vous changez l'élément de la présomption, sans lui donner plus de ceritude. Dans cette infinie variété de combinaisons qui peuvent constituer une libéralité déguisée, à quel signe, à quel élément, à quelles circonstances les juges pourront-ils s'arrêter comme établissant péremptoirement la volonté du donateur de dispenser du rapport? Dans telle circonstance donnée, qui pourra dire qu'un fait quelconque autre que le déguisement créera, relativement à la dispense de rapport, une présomption plus infaillible que lui? A côté de cette présomption, il s'en élèvera presque toujours une autre que pourraient tout aussi bien expliquer la conduite et les actes du donateur; et, placés entre deux volontés également présumables, les juges rencontreront cette incertitude et ce doute qui ont fait à si bon droit refuser au déguisement la signification d'une dispense virtuelle de rapport..

» Dans cette position, à quoi faut-il donc s'arrêter? Evidemment à une déclaration expresse du donateur: c'est le vœu de la loi; et on le méconnaît, ce semble, lorsqu'on ramène à une simple question de fait abandonnée au pouvoir souverain des juges du fond ce qui, au même titre que la difficulté principale, est une question de pur droit. - Le dirons-nous même ? la Cour de cassation, en ceci, n'est pas conséquente avec le principe qu'elle a posé. Sur quoi pouvait-elle se fonder, en effet, pour décider que la donation déguisée est, tout aussi bien qu'une libéralité patente, soumise à la loi du rapport? Sur l'art. 843, le seul qui pose la règle d'une manière directe et formelle (V. les motifs de l'arrêt ci-dessus). Otez cet article, et la doctrine de la Cour perd son appui le plus puissant. Que fait cependant la Cour lorsqu'en statuant ensuite sur la partie subsidiaire de la question, elle décide que la dispense de rapport peut résulter de circonstances particulières autres qu'une déclaration expresse? Elle écarte précisément cet article, et paraît oublier qu'il n'est pas plus muet, relativement aux libéralités indirectes, sur les circonstances constitutives de la dispense du rapport, qu'il ne l'a été sur l'obligation même de rapporter. En effet, si cet article ne prescrit pas une déclaration sacramentelle, s'il s'induit de ses termes que la

dans lequel l'arrêt, statuant sur les conclusions principales en dispense de rapport, exdispense de rapport pourra résulter d'une déclaration équivalente, du moins il ne permet pas d'autoriser la dispense même dans le silence absolu du donateur. Et cela est vrai des libéralités indirectes aussi bien que des donations patentes, car, après avoir embrassé les unes et les autres dans une même disposition pour les soumettre au rapport, l'art. 843 déclare, dans une disposition également commune, que l'obligation de rapporter ne doit cesser que par l'effet d'une dispense expresse de la part du donateur. Il y avait donc lieu de soumettre les do nations indirectes ou déguisées, comme les donations directes ou patentes, à une loi commune en ce qui concerne les circonstances constitutives de la dispense du rapport, comme on les y avait soumises relativement à l'obligation même de rapporter les deux objets sont réunis par la loi ; le principe de la solution se trouve, à l'égard des deux, dans une disposition qui leur est commune; et, lorsque la Cour de cassation appliquait cette disposition à l'objet principal, l'obligation du rapport, elle ne pouvait, sans nuire à cette doctrine, sans l'affaiblir, sans lui enlever en quelque sorte sa base légale, en refuser l'application à l'objet secondaire, c'est-à-dire aux circonstances susceptibles d'établir la dispense.

» Dira-t-on qu'une déclaration de la part du disposant est incompatible avec la vente ou avec tout autre contrat par lequel aurait été déguisée la volonté de donner? A cela nous pourrions répondre, avec la Cour de Bruxelles (arrêts des 30 mars 1812 et 26 juil. 1820), la première qui ait reconnu l'obligation du rapport dans les donations indirectes, que l'impossibilité d'insérer la dispense dans un acte à titre onéreux provient du fait des donataires ou tout au moins d'un fait auquel ils ont participé en recourant, d'un commun accord avec le donateur, dans la vue d'éluder la prohibition de la loi, à des actes non susceptibles de la déclaration, et qu'ainsi ils ne peuvent tirer aucun avantage de la position dans laquelle ils se sont placés. Mais la loi elle-même fournit une réponse plus décisive. Il n'est pas indispensable, en effet, que la déclaration soit contenue dans l'acte même: ce que le donateur, qui dissimulait sa libéralité, n'a pu faire à l'instant du contrat ou dans le contrat même, il peut toujours le faire après: « La » déclaration que le don ou le legs est à titre de pré>>ciput ou hors part, dit l'art. 919, pourra être

faite, soit par l'acte qui contiendra la disposition, >> soit postérieurement dans la forme des dispositions >> entre vifs ou testamentaires. » Ainsi le donateur qui prend une voie détournée pour gratifier un successible peut toujours suppléer au silence forcé qu'il a dû garder dans le contrat même relativement à la dispense du rapport; et, dès lors, s'il ne l'a pas fait, il faut dire, en supposant même que son intention première ait été de dispenser la libéralité du rapport, que du moins il n'a pas persévéré dans cette intention. Rien ne saurait donc soustraire le successible indirectement gratifié à l'application rigoureuse et complète de l'art. 843 C. Nap.

» Cette doctrine, en harmonie parfaite, selon nous, avec l'esprit de la loi, en ce qu'elle écarte les présomptions dans une matière où il ne paraît pas que le législateur ait voulu les autoriser, présente aussi plus de garanties que celle de la Cour de cassation, en ce que, ramenant à une loi commune des actes, qui, bien que différents par la forme, participent, au fond, de la même nature, elle enlève beaucoup aux dangers et à l'arbitraire de l'interprétation. »

V. Rep. gen. Journ. Pal., vis Donation déguisée, nos 261 et suiv.; Rapport à succession, nos 175 et suiv.

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