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de Madame Fiquet, que ces héritiers accep- | collectivement à ceux qui ont conservé le titre tants ou non renonçants devaient rapporter à la d'héritier, et que dès lors l'enfant donataire qui succession. Mais l'insolvabilité de Madame Dan- a répudié ce titre pour s'en tenir aux avantages tier était un obstacle à son rapport en nature. qui lui ont été faits perd tout droit à cette ré--Pour obvier à cette cause de déficit, le no- serve et ne peut jamais profiter que de la portaire proposa de faire supporter et restituer sur tion disponible; Que l'on ne saurait soutenir le disponible 1,090 fr. par Madame Levavas-d'ailleurs que la réserve est une créance des enseur, et 875 fr. par Madame Carlier.

L tribunal civil d'Amiens admit le travail du

notaire.

Appel par les dames Levavasseur et Carlier. Du 7 décembre 1852, arrêt C. Amiens, 1re ch., MM. Boullet 1er prés., Siraudin av. gén. (concl. conf.), Deberly, D'Haussy et Malot av.

fants sur la succession de leur père, et dont la donation par avancement d'hoirie n'est que l'acquittement anticipé;-Que, si tel était le caractère de la légitime sous l'ancien droit, il n'en actuelle n'attribue point à l'enfant à titre de seest pas ainsi de la réserve, que notre législation cours et de créance, mais qui, comme on vient de l'établir, constitue un droit héréditaire dévolu « LA COUR; Sur le point de savoir si l'héri- à ceux-là seuls qui sont restés héritiers; - Que tier donataire peut, en renonçant à la succes- dans le système contraire le vœu du père de sion, cumuler la portion disponible et la ré- famille serait méconnu; · Qu'en donnant à serve: Considérant que la disposition de l'art. l'un de ses enfants sans clause de préciput, il 845 C. Nap., qui permet à l'héritier renonçant manifeste en effet l'intention qu'il soit fait rapde retenir le don qui lui a été fait jusqu'à con- port à sa succession de ce que le donataire a currence de la portion disponible, est une ex- reçu, et que celui-ci ne puisse y appréhender ception au principe qui ré, ute étranger à la suc- qu'une part égale à celle de ses copartageants; cession l'héritier qui y renonce, et qui attribue mais que cette égalité serait rompue si la resa part à ses cohéritiers; Que l'on ne peut nonciation de l'enfant donataire avait pour efdonc l'étendre au delà de ses termes; Qu'il fet de lui attribuer la portion disponible et une en résulte que l'héritier donataire renonçant, partie de la réserve; — Qu'il obtiendrait ainsi auquel la loi n'accorde que la portion disponi- d'ailleurs ce qu'il n'aurait eu, même en accepble, ne saurait être fondé à rien appréhender tant, que dans le cas où le don lui aurait été dans la réserve; Qu'aussi l'art. 920, qui dé- fait avec dispense de rapport; qu'alors cesseclare réductibles à la quotité disponible les dis-rait, quant à leurs effets, la différence établie positions entre vifs et testamentaires qui excè- par la loi entre le don sans dispense de rapport dent cette quotité, comprend-il dans la généra- et le don par préciput; que le donataire obligé lité de ses termes aussi bien les libéralités fai-au rapport aurait même sur le donataire précites à des héritiers donataires renonçants que celles dont les donataires étrangers ont été l'ob jet; Que, si l'art. 924 autorise le successible en faveur duquel une donation réductible a eu lieu à retenir sur les biens donnés sa part dans ceux indisponibles, il résulte de ses termes qu'il n'accorde cette faculté qu'au successible acceptant, puisqu'il la subordonne au cas où il existe dans la succession des biens de même nature, et où conséquemment il vient à partager avec ses cohéritiers; Que vainement prétendon que l'héritier donataire qui renonce, se trouvant saisi par une donation irrévocable de sa part dans la réserve, ne saurait etre tenu de l'abandonner pour en faire profiter les héritiers acceptants au delà de celle à laquelle ils ont droit dans cette réserve; Qu'il résulte en effet de l'ensemble des dispositions de la loi sur les successions qu'au décès du père de famille son patrimoine se divise en deux parties distinctes, dont l'une est disponible, et l'autre ne l'est pas; Que la première est invariablement fixée par le nombre des enfants alors existants; Que la deuxième est considérée comme une succession ab intestat réservée à ses enfants, et dont ils sont saisis par la mort de leur auteur. Que ceux qui y renoncent n'y peuvent plus rien prétendre et que leur part accroît à leurs cohéritiers. Qu'il suit de là que chacun d'eux n'a point dans cette partie réservée un droit individuel, indépendant de sa renonciation, et attaché à sa seule qualité d'enfant, mais qu'elle appartient exclusivement et

-

putaire cet avantage que par sa renonciation il se trouverait affranchi des charges de la sucsession, lorsque ce dernier y resterait soumis; -- Qu'il ressort de ces considérations que la volonté du législateur n'a pu être que Theritier donataire qui renonce cumulat la portion disponible et une part dans la réserve; Qu'admettre ce cumul, ce serait outrepasser les limites posées par l'art. 815, et contrevenir à toutes les dispositions fondamentales de notre droit sur les successions; - Que c'est donc avec raison que le jugement attaqué a rejeté sur ce chef les prétentions des appelantes;

» Sur le point de savoir si la délivrance de la quotité disponible doit être affectée par l'insolvabilité de la dame Dautier : Considérant que, pour déterminer la quotité disponible, le notaire liquidateur a formé une masse des biens composant la succession de Levavasseur.

Qu'il a été établi que cette masse était de 83,500 fr., et la quotité disponible de 20,875 fr.; que son travail sur ce point n'a été critiqué par aucune des parties; Considérant que les dames Levavasseur et Carlier, ayaut renoncé à la succession pour s'en tenir aux 20,000 fr. qu'elles avaient reçus en dot, avaient droit à tout le disponible; - Que, s'il se trouvait réduit par l'insolvabilité de la dame Dantier, les renonçantes seraient frustrées d'une partie de ce que la loi leur accorde; - Que, devenues par leur renonciation étrangères à la succession, leur droit ne saurait être affecté par l'insolvabilité de l'un de ceux entre lesquels s'est opéré le

PRÉFET DE POLICE C. LETERME.

En 1847, le sieur Leterme, fabricant d'ébénis

pour

--

partage; que la perte qui peut en être la conséquence ne doit être supportée que par ceuxci, qui seuls d'ailleurs peuvent trouver dans leur titre et leur qualité le moyen d'en obtenir laterie à Paris, fit un traité avec l'administration réparation, si l'insolvabilité venait à cesser; établir dans la prison des jeunes détenus >>Sur les conclusions subsidiaires de la dame de la Roquette un atelier où il devait occuper Carlier: Considérant qu'aux termes de l'art. 70 enfants. Aux termes du marché, le prix 923 C. Nap., la donation qui est la première en des journées devait être payé d'après un tarif date ne peut être réduite que si les donations gradué suivant l'habileté des jeunes ouvriers; postérieures n'ont pas suffi pour former la ré- l'entrepreneur fournissait les outils et les maserve; Que cet article ne distingue pas entre tières premières, recevait les marchandises le donataire successible et le donataire étran- confectionnées, et en disposait à son profit. ger; -Qu'il est constant que la dame Carlier a Ce marché était en cours d'exécution lorsque été dotée après la dame Levavasseur;-Que le le décret du 24 mars 1848, depuis abrogé par notaire liquidateur et le tribunal ont donc dù, la loi du 9 janv. 1849, vint suspendre le travail comme ils l'ont fait, compléter la réserye par dans les prisons. une réduction sur sa dot, en laissant entière celle de la dame Levavasseur;-Que le chef de ces conclusions ayant pour objet de faire imputer sur la réserve d'abord, puis sur la quotité disponible, la donation de la dame Levavasseur, se trouve repoussé par les motifs relatifs aux conclusions principales;

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>>Par ces motifs, REJETTE les conclusions subsidiaires; MET l'appellation et le jugement dont est appel au néant en ce que, pour parfaire le rapport dû par la dame Dantier, il a condamné les dames Levavasseur et Carlier à faire raison la première de 1,090 fr., et la seconde de 875 fr.; au principal, Dir qu'elles retiendront sur le disponible, savoir: la dame Levavasseur les 20,000 fr. qui lui ont été constitués en dot, et la dame Carlier les 875 fr. qui n'ont pas été atteints par la réduction, etc.»

PARIS (18 novembre 1852). COMPÉTENCE, TRAVAIL DANS LES PRISONS, SUSPENSION, EntrepreneuR, INDEMNITÉ.

Leterme avait réclamé à l'amiable une indemnité pour privation de jouissance, et cette indemnité n'était point réglée, lorsqu'il reçut du préfet de police de Paris, agissant au nom de son administration, une assignation en paiement de 7,028 fr. montant des travaux exécatés pour son compte dans la prison. - Leterme, tout en se reconnaissant débiteur, mais de 6,393 fr. seulement, forma une demande reconventionnelle en fixation à 5,635 fr. de l'inderanité à laquelle il prétendait, aux offres de payer la différence.

Le 12 février 1851, jugement du tribunal civil de la Seine qui, avant faire droit, ordonne une expertise à l'effet de vérifier si un préjudice avait pu résulter pour Leterme de l'interruption des travaux dans la maison de correction, et de déterminer quelle en était l'importance, sous réserve de statuer sur la demande de l'administration après le dépôt du rapport.

Appel par le préfet. On opposait dans son intérêt un déclinatoire fondé sur l'incompétence des tribunaux ordinaires pour connaître de la

L'action en indemnité formée contre l'administra-
tion par un entrepreneur de l'exploitation du
travail dans une prison en raison du préju-mière
dice résultant de la suspension des travaux
ordonnée par le décret du 24 mars 1848 est de
la compétence des tribunaux ordinaires (1). L.
28 pluv. an VIII, art. 4.

(1) V., en sens contraire, la jurisprudence du Conseil d'état, qui se fonde sur ce que les traités pas sés entre l'administration et des entrepreneurs pour l'exploitation du travail dans les prisons doivent être considérés comme des marchés de travaux publics Cons. d'état, 29 juin 1850 (Letestu), 12 avril 1851 (Dutfoy), 2 avril 1852 (Baudoin et Aubertin). C'est encore dans un sens analogue que s'est constamment prononcé le Conseil d'état, en assimilant également aux marchés de travaux publics les marchés ayant pour objet les fournitures dans les prisons Cons. d'état, 27 mai 1816 (Levacher), 29 juin 1832 (Murjas), 20 juil. 1832 (Vial), 24 oct. 1834 Guillol), 16 nov. 1836 (Testard), 27 août 1845 (de Taverne).

Toutefois cette assimilation est repoussée par MM. Dufour (Tr. de dr. admin., t. 3, no 2006 et Chauveau (Compét. et juridict. admin., t. 3, no1162), qui pensent que c'est aux tribunaux ordinaires qu'il appartient de connaître de l'exécution des marchés de fournitures.- Cette dernière opinion rentre dans le système de l'arrêt que nous recueillons.

Le

demande reconventionnelle de Leterme.
fois devant la Cour, n'en est pas moins
moyen, disait-on, bien que produit pour la pre-
recevable, puisqu'il sagit d'une incompétence
d'ordre public, opposable en tout état de cause,
et même d'office. L'appelant s'attachait en-
suite à établir une assimilation complète des
vail des détenus dans les prisons aux marchés
marchés ayant pour objet l'exploitation du tra-
de travaux publics. Ceci démontré, il invo-
quait l'art. 4 de la loi du 28 pluv. an VIII, qui
défère aux conseils de préfecture la connaissan-
ce des difficultés survenues entre les entrepre-
neurs et l'administration relativement à l'inter-
prétation ou à l'exécution des marchés, et aux
demandes en indemnité auxquelles ils peuvent
donner lieu.

L'intimé répondait que les tribunaux ordinaires sont compétents pour connaître de toutes contestations, à l'exception de celles qui sont attribuées expressément à des juridictions spécia les; cette compétence subsiste même à l'égard d'un acte administratif, lorsqu'il s'agit de lui appliquer les principes du droit commun. Or la question est de savoir si l'on peut assimiler un contrat de louage d'ouvrage tel que celui formé entre l'administration et Leterme à une entre

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cette exception, n'étant point d'ordre public, ma peut être proposée en tout état de cause, et es trouve couverte par des conclusions au fond (2). C. proc. civ. 186.

CHARPILLON C. QUIGNARD.

Du 3 JANVIER 1853, arrêt C. Paris, 2 ch., MM. Delahaye prés., Berville 1er av. gén., Cli quet et Gérard av.

est impossible.Qu'est-ce en effet qu'un en-
trepreneur de travaux publics?... C'est l'homme
qui se charge de construire un canal, d'établir
une route, un chemin de fer. Il vend ou son
ouvrage, ou les matériaux nécessaires, et livre
toujours quelque chose dont il reçoit le prix.-
Quelle est, au contraire, la nature du marché
passé avec Leterme? Ce fabricant donne ses soins
à l'apprentissage des détenus; il ne fait ni li-
vraison ni vente à l'administration; c'est elle, au
contraire, qui lui loue le travail des détenus;
l'ouvrage confectionné pour son compte lui est
remis, il le vend au dehors; au lieu d'être payé,
il paie. Il n'existe nulle similitude entre des
contrats d'une nature si différente: la juridic-dans
tion ordinaire est donc compétente, et l'appe-

lant l'a reconnu lui-même en saisissant le tri-
bunal civil de sa réclamation.

Du 18 NOVEMBRE 1852, arrêt C. Paris, 2 ch., MM. Delahaye prés., Berville 1er av. gén. (concl. conf.), Duvergier et Poupinel av.

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Considérant

<< LA COUR; En ce qui touche la fin de non-recevoir résultant de la signification du jugement sans réserves d'appel que Charpillon, ayant signifié le jugement sans réserves d'appel, est censé y avoir acquiescé; le délai de la loi, Quignard, intimé sur cependant, Charpillon ayant interjeté appel cet appel a conclu, dans les termes ordinaires, et sans douner aucuns motifs, à ce que l'appel fût déclaré nul, subsidiairement non recevable, plus subsidiairement mal fondé; Que ces conclusions, quoique de pure forme, n'en avaient pas moins pour effet de réserver à Quignard tous moyens de nullité et toutes fins de nonrecevoir; Mais considérant qu'après avoir posé à l'audience et signifié le 25 novembre 1851 les conclusions susrelatées, Quignard a signifié, le 11 mars 1852, ses défenses écrites; que, dans cet acte, sans s'occuper de la fin de non-recevoir résultant de l'acquiescement, Quignard prétend d'abord et cherche à prouver que Charpillon serait sans intérêt; qu'il aborde ensuite et discute tous les moyens du fond, et qu'enfin il conclut, comme dans ses conclusions premières, à ce que l'appel soit déclaré nul, subsidiairement non recevable, plus subsidiairement mal fondé; -Considérant que la signification de cette requête a eu pour effet de cou>> En ce qui touche les conclusions de l'appe- vrir la fin de non-recevoir résultant de l'aclant sur sa demande principale: - Considérant quiescement, laquelle, n'étant pas d'ordre puque la demande reconventionnelle de Leterme blic, était susceptible d'être couverte; -Considé est une exception et une défense à cette demanderant que les conclusions finales dudit acte ne principale, puisqu'elle a pour objet d'en réduire ou d'en éteindre les causes; Considérant qu'il doit être statué sur ces deux demandes par une seule et même décision; DÉBOUTE le préfet de police de ses conclusions exceptionnelles, se DECLARE compétente, JOINT les demandes, et ORDONNE qu'il sera plaidé au fond.»

« LA COUR ; - En ce qui touche l'exception d'incompétence présentée par le préfet de police, audit nom, contre la demande reconventionnelle formée par Leterme : Considérant que Leterme ne fonde les dommages-intérêts objet de sa demande sur aucun fait de l'administration ou de ses agents; qu'il appuie sa prétention seulement sur le décret du 24 mars 1848; - Que ce décret, émané d'une autorite qui réunissait le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif, a toute la force d'une loi; Qu'aucune de ses dispositions ne retire aux tribunaux ordinaires son application ni son exécution; qu'ainsi, à l'égard de ce décret, ces tribunaux conservent leur entière juridiction;

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peuvent avoir pour effet de maintenir au profit de Quignard une fin de non-recevoir dont il ne soupçonnait pas l'existence, puisqu'il n'en fait pas mention; qu'elles doivent être entendues dans le sens de la discussion qui les précède, savoir: discussion du fond précédée de la discussion du défaut d'intérêt, que Quignard aurait considéré comme la seule fin de non-recevoir pouvant militer à son profit, etc.;

DEBOUTE

des jugements, t. 1er, no 285; Carré et Chauveau, Prix, Cours de proc. civ., p. 362; Boitard, Leçons sur Lois de la proc. civ., t. 3, quest. 1564; Berriat Saint-" le C. proc., t. 2, no 287; Bioche, Dict. de proc., vo Acquiescement, no 60; Pascal Bonnin, Comment, C. proc., sur l'art. 443; Coffinières, Encyclop. du dr., vo Acquiescement, nos 50 et suiv.

(1) La jurisprudence et la doctrine sont d'accord sur ce point. V. Rép. gén. Journ. Pal., vo Acquiescement, nos 346 et suiv. - Adde arrêt du Parlement de Paris du 13 août 1765 (V. Merlin, Rép., vo Ap-oct. pel, sect. 1, S6); Cass. belge, 25 juin 1840 (Journ. Pal., Jurispr. belge, année 1837-1840, p. 665);

Merlin, Quest., vo Acquiescement, S 5; Favard de Langlade, Rép., vo Appel, sect. 1re, S2, no 12; Toullier, Dr. civ., t. 10, no 107; Pigeau, Proc. civ., édit. 1829, t. 1er, p. 635, liv. 2, part. 3, tit. 8, art. 1er, no 6; et Comment., t. 2, p. 12; Poncet, Tr. T. Ir de 1853.

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(2) V. conf. Rennes (2e ch.), 27 juil. 1810. Contr. Rennes (3e ch.), 14 déc. 1810; Paris, 21 1813; Bruxelles, 30 juin 1818; Nîmes, 21 août 1822; Limoges, 31 déc. 1832 (dans ses motifs); Carré, Lois de la proc. civ., t. 2, quest. 751; et Chauveau, quest. 739; Talandier, Tr. de l'appel, no 89; Coffinières, Encyclop. du dr., να Acquiescement, no 26.

V. Rép. gén. Journ. Pal., vis Acquiescement, no 619; Fins de non-recevoir, no 66.

6

l'intimé de la fin de non-recevoir résultant de la signification du jugement sans réserves....>>

BORDEAUX (6 juin 1851).

TÉMOIN, MATIÈRE CRIMINELLE, REFUS DE DÉPOSER, COMPLICITÉ, COURTAGE ILLICITE. En matière criminelle, le témoin appelé pour déposer sur un fait qui, s'il était établi, le rendrait complice du délit imputé au prévenu, a le droit de refuser son témoignage (1). C. inst. crim. 80.

Ainsi, dans une accusation de courtage illicite, celui qui aurait employé le ministère du prévenu (ce qui le rendrait complice du délit) ne peut être tenu de déposer sur le fait de cet emploi. Décr. 27 prair. an X, art. 6.

COURTIERS DE BORDEAUX C. DUVERGIER.

Les sieurs Boucherie et Manade, courtiers à Lamarque et Pauillac, étaient cités devant le tribunal correctionnel de Bordeaux, à la requête de la chambre syndicale des courtiers de cette ville,comme s'étant immiscés dans des opérations de courtage sur la place. A l'audience, un des témoins, le sieur Dintrans, déposa avoir vendu des vins par l'entremise des prévenus au sieur Duvergier, négociant à Bordeaux. Le sieur Duvergier, appelé à déposer de ce fait comme témoin, refusa de prêter serment et de répondre, en se fondant sur ce que, s'il y avait eu dans cette opération délit de courtage illicite de la part des prévenus, il pourrait lui-même être recherché comme complice, conformément au décret du 27 prairial an X art. 6).

Le 14 mars 1851, jugement qui prononce en ces termes sur l'incident:

« Attendu que Duvergier a été assigné par la chambre syndicale des courtiers de Bordeaux pour avoir à déposer comme témoin sur des faits qui, d'après elle, constitueraient des actes

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de courtage clandestin; Que parmi les faits
il en est deux, les achats de vins à Dintrans et
Lille, qui auraient été négociés pour Duvergier
lui-même; Que, d'après l'arrêté du 27 prair.
an X, celui-ci serait recherchable pour ces
achats comme le courtier clandestin qui les au-
rait consommés; - Qu'ainsi, il se trouve appelé
pour confirmer des faits présentés comme exi-
stants et certains, et qui impliqueraient sa pro-
pre culpabilité; Que, dans cette position, il
se refuse à rendre son témoignage, s'appuyant
sur son droit de veiller à sa défense et de n'a-
voir pas à s'accuser lui-même; Qu'il y est
fondé ;
Que la loi écrite n'a point prévu le
cas, peut-être parce que le législateur n'a pas
cru qu'il se pût présemer; Mais que l'excep-
tion est de droit naturel et n'a pas besoin d'une
disposition qui la consacre; Que la raison et
l'équité disent assez que nul ne doit pouvoir
être forcément placé entre l'abandon de soi-
même ou le parjure; que les textes, et notam-
ment le Code d'instruction criminelle, ne le
commandent point par leur silence; que les ex-
cuses de l'avocat, du médecin, du prêtre, n'y
sont pas non plus consignées, et que cependant
elles étaient reçues et appliquées, même avant
l'émission de l'art. 378 C. pén., d'où l'on vou-
drait les induire, et qui, conçu dans le même
ordre d'idées, n'a été édicté que pour une si-
tuation complétement différente; Par ces
motifs, le tribunal, faisant droit à la demande
de Duvergier, le dispense de déposer sur le fait
des deux marchés de vins Dintrans et Lille, pré-
tendus effectués pour son compte; Dit qu'il
rendra seulement son témoignage sur les autres
faits articulés dans l'assignation et qui lui sont
étrangers, restreignant à ces faits sa qualité de
témoin et l'étendue de son serment.

Appel par le syndicat des courtiers.

DU 6 JUIN 1851, arrêt C. Bordeaux, ch. corr., MM. Dégranges prés., Peyrot subst. proc. gén. (concl. conf.), de Chancel, Lafon et Vaucher av.

(1) Cette question ne manque pas d'intérêt ni de difficulté. On a jugé, par application de l'art. 324 C. «LA COUR;-Attendu qu'à la date du 5 fév. proc. civ. et de l'art. 1358 C. civ., que l'interroga- 1851, la chambre syndicale des courtiers de toire sur faits et articles peut bien porter et le ser- commerce de Bordeaux, poursuites et diligenment être déféré sur des faits tendant à prouver l'a- ces de sieur Perrin, son syndic, fit donner assure à la charge de la partie (V. Bruxelles, 1er fév.signation aux sieurs Boucherie et Manadé, cour1809; Liége, 5 avril 1811; Bordeaux, 10 mai 1833). ..., ou sur des faits honteux V. Pau, 3 déc. 1829.V. aussi Cass. 27 août 1824. Cet arrêt décide que le témoin qui a prêté le serment de dire la vérité est obligé de déclarer même les faits qui l'incriminent personnellement, à peine de se constituer en état de faux témoignage.-Mais la doctrine de cet arrêt n'a pas été approuvée par les auteurs. V., à cet égard, Rép. gén. Journ. Pal., vo Faux témoign., nos 67 et suiv. -V. encore Delamarre et Lepoitvin, Tr. du contr. de commis., t.1er, no 341, qui décident qu'un commettant ne pourrait déférer le serment à son commissionnaire sur le point de savoir si celui-ci n'a pas falsifié son mandat; et un arrêt de la Cour de Bruxelles du 17 fév. 1819, qui a jugé qu'un interrogatoire sur faits et articles ne pourrait porter sur des faits tendant à obtenir de la partie l'aveu de ses propres crimes et délits ou des crimes et délits de ses père et mère.-V. au reste, sur ces divers points, Rep. gen. Journ. Pal., vis Interrogatoire sur fails et articles, nos 16 et suiv.; et Serment judiciaire et extrajudiciaire, nos 60 et

suiv.

tiers, le premier à Lamarque, le second à Pauillac, à comparaître devant le tribunal correctionnel de Bordeaux pour s'entendre déclarer contrevenants aux dispositions de l'art. 8 de la loi du 28 vent. an IX; qu'il est articulé par la chambre syndicale que Boucherie et Manadé ont empiété sur les droits des courtiers de commerce de Bordeaux en se livrant, dans cette ville, à des opérations de courtage sur les vins ; Qu'au dire de la chambre syndicale, les sieurs Boucherie et Manadé auraient fait vendre aux sieurs Guillou frères, le 4 sept. 1848, par la dame veuve Ducru, la quantité de 957 futailles vin rouge de son domaine de Saint-Estèphe; que les mêmes courtiers auraient, à la date du 20 fév. 1852, fait vendre aux sieurs Ducos et Gouteryon, par la dame veuve Caussan, 775 hectolitres de vin rouge de son domaine de Pauillac; enfin, qu'à la date du 5 janv. 1849,

crim.; -- Attendu que parmi ces faits se trouvaient nécessairement ceux relatifs aux vins des sieurs Dintrans et Lille; que l'on demandait donc à Davergier de rendre témoignage sur ces deux ventes de même que sur les autres faits articulés dans l'assignation ;—Attendu que l'art. 6 d'un décret du 27 prair. an X prononce une pénalité contre le négociant qui aurait emfé-ployé des courtiers sans qualité; que, dès lors, puisque la chambre syndicale tenait pour constant que les courtiers de Lamarque et de Pauil lac avaient fait une concurrence illicite aux courtiers de Bordeaux, en vendant des vins au sieur Duvergier, exiger de ce négociant que, sous la foi du serment, il vint s'expliquer sur les circonstances relatives à ces vente, c'était le placer entre le parjure et l'abandon du droit sacré de la défense; que le tribunal correctionnel de Bordeaux a montré une grande prudence en rejetant cette prétention exorbitante de la chambre syndicale tout en respectant le principe qui ne permet pas au citoyen appelé en témoignage de se refuser à déclarer la vérité; Que les premiers juges ont répondu de la manière la plus satisfaisante aux exigences, soit de la morale, soit du texte de nos Codes, en déci dant que Duvergier rendrait son témoignage seulement sur les faits qui lui sont étrangers, en restreignant à ces faits sa qualité de témoin et l'étendue de son serment; Attendu que le syndic des courtiers de Bordeaux soutient en vain que, l'art. 378 C. pén. ne parlant, pour leur défendre de déposer, que du médecin, de l'avocat et du prêtre, ce sont là les seuls cas d'excuse légale; d'où suit qu'en dehors de ces situations, aucune excuse ne peut être admise;

les courtiers déja nommés auraient fait vendre |
à Devergier et compagnie, négociants à Bor-
deaux, par le sieur Dintrans oncle, 729 hecto-
litres vin rouge de son domaine d'Ambarès, et
par le sieur Lille, le 15 juin 1849, 255 hectoli-
tres 36 litres vin rouge de son domaine de
Sainte-Eulalie-d'Ambarès; Attendu que, par
la même assignation du 5 fév. 1851, le sieur
Duvergier fut sommé de comparaître, le 20
vrier suivant, devant le tribunal correctionnel
de Bordeaux, pour y déposer, conformément à
la loi, sur les faits ci-dessus articulés; At-
tendu quà l'audience correctionnelle du 13 mars
dernier, le sieur Ambroise Duvergier, témoin
cité à la requête de la chambre syndicale, re-
fusa de prêter serment et de déposer, parce que,
si les faits sur lesquels il était appelé à rendre
témoignage constituaient un délit de la part
des courtiers Boucherie et Manadé, il pourrait,
lui témoin, être recherché comme leur com-
plice; - Attendu que, par jugement du 14 mars
dernier, le tribunal correctionnel, statuant sur
cet incident, et faisant droit à la demande de
Duvergier, sans s'arrêter à l'opposition de la
chambre syndicale, dispensa Duvergier de dé-
poser sur les faits des deux marchands de vins
Dintrans et Lille, disant qu'il rendrait seule-
ment bon témoignage sur les autres faits articu-
lés dans l'assignation, et qui lui sont étrangers;
Attendu que la chambre syndicale, s'étant
pourvue par appel, a soutenu devant la Cour,
par l'organe de son avocat, que Duvergier était
tenu de déposer de tous les faits dont il avait
connaissance, même de ceux relatifs aux deux |
marchés Dintrans et Lille; Attendu que la
question ainsi présentée dut paraître d'au-
tant plus importante et plus délicate, qu'elle
semble toucher d'une manière indirecte à l'ob-
ligation jadis imposée aux accusés, par l'or-
donnance de 1670, de prêter serment avant d'é-
tre interrogés, obligation difficile à compren-
dre, et qu'a fait disparaître notre nouvelle légis-
lation criminelle; que sans doute Duvergier n'est
pas pris comme prévenu: que ce nom ne lui est pas
donné par la chambre syndicale; mais que, par
la manière dont le syndic Perrin avait introduit
l'action correctionnelle Duvergier se trouvait
réduit à l'une de ces deux fàcheuses extrémi-
tés, ou de se parjurer en ne disant pas tou-
te la vérité, ou de se compromettre en la con-
fessant; qu'en effet, Boucherie et Manadé étaient
cités comme s'étant rendus coupables d'empié
tements sur les fonctions des courtiers de Bor-
deaux, action prévue et punie par l'art. 8 de la
loi du 28 vent. an IX; que les plaignants ajou-
taient: « Le délit imputé par nous aux deux
courtiers du dehors résulte de ce qu'ils ont, en
» 1847, à Bordeaux, fait conclure deux ventes de
> vins, l'une dans l'intérêt du sieur Dintrans,
» l'autre dans l'intérêt du sieur Lille; toutes les
» deux acceptées et accomplies par Duvergier et
>> compagnie, acheteurs des vins »; - Attendu
que le sieur Duvergier était formellement assi-
gné pour, disait le syndic Perrin, venir, con-
formément à la loi, déposer et dire la vérité
sur les faits ci-dessus articulés, à peine d'en-
courir l'application des art. 157 et 189 C. inst.

Que les premiers juges ont suffisamment ré futé cette augmentation, en disant que rien ne saurait résulter contre Duvergier du silence gardé par les Codes pénal et d'instruction criminelle, parce que l'exception dont on s'occupe; prenant sa racine dans le droit naturel, n'avait besoin d'aucnn autre appui; Que non moins inutilement la chambre syndicale prétend que le système consacré par la décision du tribunal correctionnel rendrait impossibles toutes poursuites criminelles; que l'exagération de ce raisonnement se laisse bientôt apercevoir; qu'on ne peut raisonnablement admettre qu'une personne assignée comme simple témoin pour déposer sur des faits à elle étrangers voulût, pour se dispenser de rendre témoignage, se déclarer le complice du prévenu, et s'exposer aux conséquences d'une pareille déclaration; que de telles craintes sont si peu partagées par le ministère public, qu'il a conclu formellement à la confirmation du jugement; - Attendu, quant aux conclusions des courtiers Boucherie et Manadé, par lesquelles ils demandent leur mise hors d'instance d'appel, que, l'incident dont la Cour est nantie s'étant produit à l'occasion de la prévention dont ils sont l'objet, il était régulier qu'ils fussent parties instanciées devant la Cour, comme ils l'étaient nécessairement devant les premiers juges, et que la décision à intervenir ne peut leur être étrangère ; ces motifs, CONFIRME. >>

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