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(1) La Cour de cassation confirme, en ce point, une jurisprudence maintenant constante; et nous n'aurions rien à ajouter aux notes qui accompagnent ses plus récents arrêts (Cass. 30 juin 1847 [t. 2 1847, p. 5), 2 août 1848 [i. 2 1848, p. 185], 16 juil. 1849 [t. 2 1849, p. 607], 18 fév. 1851 [t. 2 1851, p. 592], 14 juil. 1852 [t. 2 1852, p. 292]), si la dernière de ces notes, qui est émanée de nous et que nous avons écrite, d'ailleurs, sans y attacher une importance qu'elle ne nous paraissait pas comporter, n'avait été l'objet, de la part de M. Marcade, dans la Revue critique (t. 3, p. 72 et suiv.), d'observations que nous ne saurions passer sous silence.-S'il n'y avait à relever, dans ces observations, que la brusquerie de la forme, nous aurions pu ne pas nous y arrêter nous aurions regretté, sans doute, d'avoir, par notre fait, expose le Journal du Palais à des coups dont M. Marcadé n'a évidemment pas mesuré la portée; cependant nous nous serions abstenu, persuadé qu'après tout le lecteur est bon juge, et qu'a ses yeux cette collection trouve dans ses efforts Constants, dans les soins de toute nature qu'elle apporte à l'accomplissement d'une tâche difficile et délicate, sa plus sûre sauvegarde contre de fâcheuses exagérations. Mais si M. Marcadé a manqué de bienveillance dans la forme, il a été mal inspiré quant au fond; et sur ce dernier point, nous attachons quelque importance à nous expliquer.

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pour atteinte à la réserve légale, autorisée par l'art. 1079 du Code Napoléon, ne peut être exercée qu'au décès de l'ascendant donateur (1).

Cette action se prescrit par dix ans, conformément aux dispositions générales de l'art. 1304

tre chose, alors qu'il n'avait droit à rien?... L'arrêt du 14 juil. 1852 expose en d'autres termes les mêmes idées. Il est fâcheux qu'un annotateur, qui se propose d'éclairer et de justifier la doctrine d'un arrêt, vienne exposer des idées fausses, au moment même où le texte de l'arrêt donne les bonnes; et mieux vaudrait assurément, pour le progrès des connaissances juridiques et jurisprudentielles, ne pas faire de notes doctrinales que de les faire ainsi.»

Donc la difficulté ici ne porte pas sur la solution même; comme M. Marcadé nous admettons que le partage d'ascendant ne peut pas être attaqué, par les descendants, du vivant de l'ascendant donateur : elle porte uniquement sur la raison de décider. Cette difficulté même n'en est pas une de notre part: nous n'avons, en effet, aucune peine à reconnaître que le motif admis par M. Marcadé est juste en droit et fort concluant par lui-même. Aussi la note sur l'arrêt du 14 juil. 1852 ne l'exclut-il pas; seulement comme l'arrêt le formule, elle s'abstient de le rappeler. Mais cette abstention, si tant est qu'elle soit un tort, aurait trouvé grâce, nous voulons le penser, devant M. Marcadé: car enfin ce n'est pas par une de ces petites faiblesses auxquelles ne savent pas toujours échapper les auteurs à succès que M. Marcadé nous renvoie à la cinquième édition de son œuvre, c'est plutôt parce que le motif n'aurait été exprimé que dans la cinquième édition, d'où sui: qu'il aurait été omis dans les quatre autres. Dans la pensée de M. Marcadé, ce n'est donc pas seulement paromission que nous aurions péché ; c'est parce qu'en donnant à notre solution, qui est la sienne, un motif qui n'est pas le sien, nous aurions substitué à une raison vraie, simple, péremptoire, une raison entièrement erronée. Arrêtons-nous à ce point de vue.

Par son arrêt du 14 juil. 1852 (t. 21852, p. 292), la Cour de cassation décide, comme par celui que nous rapportons, que l'action en nullité d'un partage d'ascendant ne peut être exercée qu'au décès de l'ascendant donateur; seulement le grief, dans l'espèce, était, non pas que le partage avait porté atteinte à la réserve ou contenait une lésion de plus du quart (art. 1079), mais que le partage n'attribuait pas à l'un Et d'abord, une chose a échappé certainement à des copartageants sa part de bien en nature. Sur quoi M. Marcadé : c'est que le moyen par lui décrié était nous avons fait remarquer « que la raison de décider pris dans les entrailles mêmes de l'affaire. La Cour est la même dans les deux cas, qu'il s'agit toujours de Paris, dont l'arrêt était attaqué, avait rejeté de prémunir l'autorité paternelle de graves atteintes, par ce moyen précisément, comme M. Marcadé en a et de ne pas mettre les descendants dans l'alterna- fait la remarque, l'action en nullité formée par l'un tive de compromettre leurs droits en gardant le si- des descendants entre lesquels l'ascendant donateur lence, ou de se montrer ingrats envers leur bienfai- avait fait le partage anticipé de ses biens (V. Paris, teur, en attaquant directement, à son vu et su, l'acte 8 avril 1850 [t. 1 1850, p. 267]. Il est à remarquer émané de lui en leur faveur.... ». C'est là ce qui même que la note que nous avons placée sous l'ara ému M. Marcadé. «Que signifient ici ces idées de rêt du 14 juil. 1852 est la reproduction à peu près procédés ingrats et d'atteinte à l'autorité paternelle, littérale des motifs de l'arrêt attaqué. Or ces motifs s'écrie-t-il? Est-ce que jamais on pourrait, sous dé étaient repris, devant la Cour suprême, par les depareils prétextes, refuser à un descendant l'exercice mandeurs en cassation. Etait-ce pour en contester d'une action, si cette action était vraiment fondée l'exactitude? Non : les demandeurs en cassation tesur un droit?... La vraie raison de décider, aussi naient, au contraire, qu'en eux-mêmes ces motifs simple que péremptoire,... c'est que les enfants, sont parfaitement exacts; ils se bornaient à soutenir comme nous l'avons expliqué dans un précédent qu'en raison de la nature du grief sur lequel était Examen doctrinal de cette Revue (t. 1er, p. 281), et fondée l'action en nullité 'dirigée contre le partage, dans la cinquième édition de notre Explication du ces motifs n'étaient pas susceptibles de recevoir apCode (t. 4, no 877), sont, tant que l'ascendant existe, plication. » On comprend, disaient-ils, que le respect sans aucune espèce de droit à critiquer le partage des dû à l'autorité paternelle ne permette pas d'introduire biens de celui-ci. Les enfants, avons-nous dit, l'action du vivant de l'ascendant donateur, lorsqu'il n'ont, au moment de l'acte qualifié de partage, au- s'agit d'attaquer un partage portant lésion de plus du cun droit sur les biens, puisqu'ils ne sont pas encore quart, ou qui n'a pas été fait entre tous les enfants ou héritiers et ne le deviendront que plus tard, si tant descendants. Mais, dans l'espèce, l'action en nullité est qu'ils le deviennent. Quant à présent, l'acte n'est avait une cause toute différente; elle était fondée pas un vrai partage de succession, il ne le sera que non seulement sur la lésion, mais encore et plus parplus tard: il n'est, en attendant, qu'une pure libé- ticulièrement sur l'inobservation des règles essenralité. Or comment un enfant se plaindrait-il de re- tielles au partage, en ce que, contrairement aux art. cevoir trop peu, quand ce qu'il reçoit lui est donné 826 et 832 C. Nap., un seul des copartageants avait à pur don? Comment prétendrait-il recevoir moins reçu l'attribution en nature de tous les biens partaque ce à quoi il avait droit, ou recevoir seulement au-gés, à la charge de payer une soulte en argent à l'au

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T. Ier de1853.

17

C. Nap. (1). (Rés. par la Cour d'appel et impl. 1 par la Cour de cass.) Le partage fait par l'ascendant entre tous ses successibles est un acte général qui ne peut être attaqué que par la voie de la rescision, et non par l'action en réduction, ouverte seulement contre les donations ou legs faits à l'un ou à quelques uns des héritiers ou à un étranger (2). C. Nap. 1079. (Résolu par la Cour d'appel.)

tre. Or, dans ce cas, il ne saurait y avoir le même motif d'ajournement: le préjudice existe, il est dès à prézent certain, et, pour le faire cesser, il n'y a qu'une opération matérielle à faire, opération qui ne blesse en aucune manière le respect dû à l'autorité paternelle. » C'est sur ces observations qu'est intervenu l'arrêt du 14 juil. 1852 qui rejette, en ce point, le pourvoi dirigé | contre l'arrêt de la Cour de Paris. Il est donc vrai que le motif contre lequel s'élève M. Marcadé était dans l'affaire; il y était comme la base même de toute la discussion cela seul suffisait pour que l'annotateur put se permettre de le signaler, sans supposer que M. Marcadé lui imputerait un jour, pour cela, de nuire au progrès des connaissances juridiques et jurisprudentielles, et de le compromettre.

ESCOFFIER C. ESCOFFIER.

Le 26 mars 1844, arrêt de la cour d'appel de Lyon qui décide qu'en matière de partage d'ascendant il y a lieu d'appliquer la prescription de dix ans, laquelle court du jour même du partage, et non pas seulement de celui du décès de l'ascendant.

« Attendu, porte cet arrêt, que les partages d'ascendant sont autorisés par la loi, et qu'ils

jamais tombés dans le non-sens que nous signalons... » L'arrêt que nous rapportons, du 31 janvier 1853, vient à point pour montrer à M. Marcadé combien il a manqué de prudence dans cette partie de ses observations.

Même en dehors de cet arrêt, l'objection de M. Marcadé tomberait devant une appréciation que n'ont pu manquer de faire tous ceux qui sont familiarisés avec la jurisprudence de la Cour de cassation. Pour quiconque suit cette jurisprudence et en étudie les monuments avec quelque attention, c'est un fait certain qu'à tort ou à raison la Cour s'abstient assez habituellement des considérations empruntées à l'ordre purement moral; elle les aborde quelquefois, sans doute, l'arrêt cidessus en fournit la preuve, mais, en général, elle aime mieux établir sa jurisprudence par des raisons puisées dans le pur droit. D'après cela, nous auM.rions pu dire, dans le cas qui nous occupe en ce moment, que, si, de deux considérations, l'une de pur droit, l'autre de morale, qui s'offraient à l'appui de la décision, la Cour de cassation s'est exclusivement attachée à rappeler la première, il serait déraisonnable d'en conclure qu'elle a entendu, par cette réserve, condamner la seconde. Mais aul'as-jourd'hui, en présence de son dernier arrêt, nous avons, pour établir la fausseté de l'induction, l'autorité d'un texte positif : « Attendu, dit cet arrêt, que l'action autorisée par l'art. 1079 C. Nap. était subordonnée, quant à son exercice, au décès de l'ascendant donateur, puisque ce n'est qu'à cette époque qu'il est possible d'apprécier et de calculer la valeur corrélative de la réserve légale et de la quotité disponible, et que toute querelle à cet égard du vivant du père serait une grave alleinte, non seulement à la loi, mais encore à la morale et au respect de la famille... »

Et maintenant, nous irons plus loin; nous dirons que, ce moyen n'eût-il pas été dans l'affaire, il convenait d'y suppléer dans l'annotation de l'arrêt. Pourquoi? Parce que, quoi qu'en puisse dire Marcadé, la raison qu'il critique avec une ardeur si grande a sa valeur réelle. Il y a plus cette raison porte en elle-même quelque chose de bien plus saisissant que la raison présentée par M. Marcadé comme la seule vraie. Il faut, en effet, un certain effort d'esprit pour saisir que la prohibition d'attaquer le partage d'ascendant du vivant de cendant donateur a pour cause l'absence de tout droit en la personne des descendants entre lesquels leur auteur a fait la distribution de ses biens; il faut, pour cela, reporter sa pensée sur la nature intime et sur les effets légaux du partage d'ascendant, comprendre que, bien qu'il y ait là un partage, ce partage n'en est pas un quant à présent, en raison des éventualités qui peuvent en changer les bases, en modifier les résultats. Au contraire, il ne faut pas le moindre effort pour se rendre compte de la prohibition en tant qu'on en fait résider le motif dans le respect dû à l'autorité paternelle : chacun sait, en effet, que le partage d'ascendant, dans la pensée du législateur, est un acte de magistrature domestique; et, ceci connu, on est naturellement conduit à conclure que, si la loi ne permet pas qu'un tel acte soit attaqué du vivant de l'ascendant de qui il est émané, c'est qu'elle veut assurer à cette magistra ture qu'elle a instituée le respect et l'autorité sans lesquels elle serait éphémère. — En définitive, ce sont deux arguments d'un ordre différent, l'un de pur droit, l'autre de morale, qui tous deux concourent à établir la même thèse; l'étude et la réflexion donnent la notion du premier; le simple bon sens suffit pour inspirer le second: acceptons-les et sachons reconnaître que l'un n'est pas moins avouable que l'autre.

Ainsi, M. Marcadé ne s'abritera plus derrière l'autorité de la Cour suprême. Ce motif qu'il condamne, ce motif qui est un non-sens selon lui, ce motif qu'on ne peut invoquer sans se mettre en travers du progrès des connaissances juridiques et jurisprudentielles, la Cour de cassation l'a formulé, nettement et sans hésitation, comme la Cour de Paris l'avait formulé avant elle. L'annotateur du Journal du Palais peut se pardonner, après cela, l'erreur qu'on lui reproche. Certes, on doit être fier d'avoir raison avec M. Marcadé; mais enfin on peut aussi, sans crainte excessive de reproches, se prononcer contre lui, et n'être pas trop humilié d'avoir tort avec la Cour de Paris et avec la Cour suprême.

PAUL POST,

Président du tribunal de Corbeil. (1) La jurisprudence est fixée en ce sens. V. Cass. 16 juil. 1849 (t. 2 1849, p. 607); Bordeaux, 30 juil. 1849 (t. 21850, p. 451); Agen, 28 mai 1850 (t. 1 1852, p. 669); Orléans, 17 janv. 1851 (t. 11851, p. 259). V., au surplus, Rép. gen. Journ. Pal., vo Partage d'ascendant, nos 231, 234, 273 et 274.

M. Marcadé est d'un avis différent, et il justifie sa manière de voir particulièrement sur ce que la Cour de cassation, tout en maintenant l'arrêt attaqué devant elle, a laissé néanmoins de côté cette idée de respect de la famille sur laquelle l'arrêt était exclusivement fondé. « Il est bon de faire remarquer, dit- (2) La jurisprudence tend à se fixer en sens conil, que les nombreux arrêts de la Cour de cassation, traire. V. Montpellier, 23 déc. 1846 (t. 2 1847, p. s'ils ont eu quelquefois le tort de n'être pas assez 113); Cass. 30 juin 1852 (t. 2 1852, p. 334), et la explicites et de ne motiver la décision que par des note.-V. aussi Rép. gén. Journ. Pal., vo Partage d'asidées qui étaient la question même, ne sont du moinscendant, nos 266 et suiv.

ne sauraient dès lors être considérés comme des
pactes prohibés et relatifs à une succession fu-
ture; attendu que le partage fait par l'ascen-
dant entre tous ses successibles est un acte gé-
néral, qui ne peut être attaqué que par la voie
de la rescision, et non point par l'action en ré-
duction, ouverte seulement contre les donations
ou legs faits à l'un ou à quelques uns des héri-
tiers ou à un étranger; - Attendu que l'art.
1079 C. civ., qui autorise à demander la resci-
sion dans les deux cas qu'il spécifie, ne s'expli-
que pas sur le délai dans lequel l'action doit être
exercée, et qu'il se réfère dès lors à cet égard
aux dispositions générales de l'art. 1304;
Que le partage fait par l'ascendant pour ré-
sultat de dessaisir actuellement celui-ci de la
propriété des biens partagés, pour en saisir ac-
tuellement les descendants; que le délai de
dix ans fixé par l'art. 1304 part dès lors du
jour de l'acte de partage qui à ouvert et fixé le
droit de toutes les parties; que ce délai de dix
ans s'applique nécessairement aux deux cas
de rescision prévus par l'art. 1079, puisque
la loi n'établit aucune distinction; Attendu
que la crainte révérentielle constitue d'autant
moins une impossibilité légale d'agir que l'ac-
tion est dirigée, non contre l'ascendant, mais
contre les cohéritiers de celui qui se prétend
lésé; Que la circonstance que des biens peu-
vent avoir été omis ou auraient pu survenir
depuis le partage est indifférente, puisque, sui-
vant l'art. 1079, il y a lieu alors à un partage
nouveau; Que la survenance possible d'un
enfant depuis le partage est sans importance
dans la question actuelle, puisqu'en ce cas l'acte
est vicié par une nullité radicale et de droit, et
non pas attaquable par l'action en rescision;
Attendu, en fait, que plus de dix ans s'étaient
écoulés entre le partage et la demande en res-
cision formée par les consorts Escoffier, et que
dès lors leur action n'était plus recevable. »

Pourvoi en cassation par les sieurs Philippe
Escoffier et autres pour violation de l'art. 1079
C. Nap., et de la maxime Contrà non valentem
agere non currit præscriptio.

DU 31 JANVIER 1853, arrêt C. cass., ch. civ.
MM. Troplong 1er prés., Lavielle rapp., Rou-
land av. gén. (concl. conf.), Groualle et
gnet av.

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SOCIÉTÉ ANONYME, STATUTS, INTERPRÉTATION,
CASSATION (13 décembre 1852).

COMPÉTENCE, ASSURANCES MUTUELLES,
AGENTS LOCAUX, DÉCHÉANCE.

Les statuts des sociétés anonymes, bien qu'ap-
prouvés par le gouvernement, ne cessent pas
de former, entre les compagnies et les particu-
liers qui adhèrent à ces statuts, des conven-
tions privées, dont le sens et la portée doivent
être appréciés par les tribunaux ordinaires,
et non par l'autorité administrative (1). C.
comm. 37.

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ne résulle aucune violation de loi de ce qu'un
jugement a, par interprétation des statuts d'u-
ne société anonyme d'assurances mutuelles, dé-
cidé que cette compagnie, étant soumise à l'ob-
ligation d'établir un agent dans chaque dépar-
tement, n'est point, faute par elle de l'avoir fait,
fondée à réclamer des adhérents à ses statuts
le paiement de leurs cotisations annuelles.
COMPAGNIE LA LIGÉRIENNE-TOURANGELLE
C. LETOURNEUR.

En 1844, le sieur Letourneur, cultivateur à Carentan, s'était rendu sociétaire de la compagnie la Ligérienne-Tourangelle, société civile d'assurances mutuelles contre les bestiaux, autorisée par une ordonnance royale du 16 mai 1843.

En 1848, le sieur Letourneur, débiteur de 930 fr. 60 cent. pour cotisations arriérées, refusa de payer cette somme par le motif que la compagnie n'avait pas fonctionné régulièrement, ni rempli fidèlement ses engagements envers lui. D'après ses statuls, en effet, elle était tenue d'établir dans chaque département un comité spécial et un

(1) V. conf. Troplong, Sociétés, t. 1er, no 474; Chauveau, Compét. et juridict. admin., t. 1er, no Fri-692, § 3. Jugé dans ce sens que les statuts d'une société anonyme ne perdent pas le caractère de conventions privées par l'approbation du gouvernement, ni par leur insertion au Bulletin des lois comme annexe de l'ordonnance d'autorisation; et que, dès lors, l'interprétation de ces statuts appartient souverainement au juge du fait: Cass. 15 fév. 1826; 25 août 1842 (t. 1 1843, p. 110); conf. Troplong, loc. cit., Delangle, Soc. comm., no

«LA COUR; -Vu l'art. 1079 C. Nap.;-Attendu, en fait, que Jean-Philippe Escoffier, auteur commun des parties, fit le partage anticipé de ses biens entre ses neuf enfants par acte public du 17 août 1830; qu'il décéda le 25 août 1841; et que, par exploit du 16 janv. 1843, les défendeurs assignèrent les deman-489; Malepeyre et Jourdain, Soc. comm., p. 189 et 190; Goujet et Merger, Dict. de dr. comm., vo Société deurs en nullité de l'acte de partage du 17 août anonyme, no 171. Toutefois, on comprend que, si 1830, par le motif que cet acte ne répondait pas les juges du fait ne tenaient aucun compte des staà la réserve légale et qu'il attribuait à l'aîné des tuts, ils contreviendraient à l'ordonnance d'autoriavantages excédant la quotité disponible; sation, et que, par suite, leur décision serait sujette Attendu que cette action, autorisée par l'art. à cassation. C'est en ce sens qu'il a été jugé que l'or1079 C. Nap., était subordonnée, quant à son donnance ou le décret qui autorise une société anoexercice, au décès de l'ascendant donateur, puis- nyme rend obligatoires pour les tribunaux les statuts de cette société : Cass. 24 juil. 1848; Angers, que ce n'est qu'à cette époque qu'il est possible 28 fév. 1849; Poitiers, 11 mai 1852 (t. 11852, p. 619). d'apprécier et de calculer la valeur corrélative V. Rép. gen. Journ. Pal., vis Cassation (mat. civ.), de la réserve légale et de la quotité disponible, | no 415; Société, nos 1165 et suiv.

-

<

12

agent chargé de la représenter. Elle ne l'avait
pas fait dans le département de la Manche, dont
dépendait la commune de Carentan; dès lors, il
était dégagé vis-à-vis d'elle de toute obligation»
personnelle.

Le 2 févr. 1852, jugement du tribunal de Saint-Lô, qui, accueillant ce moyen de défense, repousse la demande de la compagnie.

qui explique pourquoi les statuts ont été si mal exécutés et les assurés si mal traités; - Consi dérant que l'art. 3 porte « La Société ne pourra entrer en activité que lorsqu'il existera » des adhésions pour une somme de 4,000,000 >> au moins; si, après avoir atteint 6,000,000, >> les assurances venaient à tomber au dessous » de ce chiffre, la société serait dissoute de >> plein droit >>; Or considérant qu'il est dit dans le procès-verbal du conseil d'administration du 18 août 1851, déposé le 19 en l'étude de Me Vallée, notaire à Paris, que, depuis le 16 nov. 1843, époque où les assurances atteignirent 4,000,000, elles ne se sont jamais élevées au chiffre de 6,000,000; seulement au 31 déc. 1846 elles ont monté à 5,977,892 fr., ct, depuis, elles ont baissé, sans indiquer à quel chiffre elles sont tombées; Considérant que dès lors la société avait cessé d'être dans sa condition de durée, car le motif est le même, soit que les assurances diminuent après être arrivées au chiffre prescrit, soit qu'elles diminuent sans avoir pu l'atteindre; autrement, dans la prévision de ne pouvoir le conserver, il serait facile de n'y pas arriver et de se perpétuer dans un intérêt exclusif; - Considérant que l'adminis tration, quoique son siége fut fixé à Tours, l'avait transféré à Paris; -Considérant qu'elle devait avoir des agents ou employés dans tous

départements par elle désignés; l'art. 53 exigeait même qu'il fût formé dans chaque département un comité particulier, pris parmi les assurés, qui se réunit au moins une fois l'an pour prendre connaissance des opérations de la société dans ce département, vérifier les comp

« Considérant, porte ce jugement, que le sicur Letourneur, en assurant ses bestiaux contre la mortalité à la société la Ligérienne-Tourangelle, le 29 octobre 1844, se liait pour cinq ans, c'est-à-dire jusqu'au 30 octobre 1819, hors le cas de violation ou d'inexécution des statuts, conformément à l'art. 2 de l'ordonnance royale d'autorisation à la date du 16 mai 1843;-Considérant que, le 18 août 1848, Letourneur et quinze autres cultivateurs du canton de Carentan déclarèrent, par une sommation collective, qu'ils entendaient cesser leur assurance à l'expiration de ces cinq années, pour éviter la prorogation d'une sixième année, aux termes de l'art. 22 des statuts; —Considérant qu'ils se regardaient déjà comme déliés, en cas de persistance de la société dans l'inexécution des conventions, puisqu'ils avaient cessé de payer; Considérant que la société ne s'était pas dissimulé sa position et avait voulu en imposer par une poursuite quelconque; Considérant en effet que le 7 du même mois le sieur Desmirailles avait incompétemment intenté une action devant le tribunal de Tours, action dont il ne se désista que le 25 janv. 1850; - Considérant que, le 30 août suivant, il cita Letourneur en conciliation devant le juge de paix de Carentan, et, au lieu de saisir le tribunal dans le mois,tes il attendit jusqu'au 6 décembre, époque où le sieur Letourneur avait cessé depuis treize mois de faire partie de cette société; Considérant que dans l'assurance mutuelle chacun doit être assureur et assuré sans qu'il puisse exister la possibilité de bénéfices, en sorte que c'est plutôt une compagnie qu'une société; mais, dans l'espèce, l'entreprise avait pris à sa naissance un caractère de spéculation, puisque dix ou douze personnes s'étaient associées sous le titre de conseil d'administration pour répartir entre les propriétaires des quarante-cinq départements qui donneraient adhésion à leurs statuts des indemnités dont ils fourniraient eux-mêmes les fonds, à raison des pertes éprouvées dans les cas indiqués de mortalité; - Considérant qu'en adhérant, et au commencement de chaque année, les assurés versent certaines sommes pour T'administration et pour former un fonds particulier dit de prévoyance;-Considérant que les sinistres sont en outre acquittés au moyen de portions contributives réparties entre les assurés, car le conseil d'administration qui, pour la perception des deniers et la mise en action, est représenté par un caissier et un administrateur, est le véritable assureur; aussi l'art. 1er des statuts, bien apprécié, ne signifie autre chose qu'il y a société entro la personne collective de ce conseil et les personnes qui adbére-fit, Considérant qu'il est résulté de ce fait deux intérêts bien distincts, ce

ront à ses statuts;

-

de ses employés ou mandataires et surveiller d'une manière plus spéciale leurs opérations; - Considérant que rien ne justifie qu'il ait été satisfait à ces dispositions: de là une diminution forcée dans le nombre des assurances et les impossibilités pour les assurés de faire constater leurs sinistres dans les termes du chapitre 6 des statuts; Considérant en effet que la société n'a pas été représentée dans la Manche; qu'un sicur Morigny fut établi à Carentan, mais qu'il cessa de gérer les affaires de la société en février 1847; que le sieur Poisson, vétérinaire à Carentan, fut désigné comme expert, mais qu'il refusa de se rendre aux appels des assurés, ne voulant pas se déplacer, disait-il, pour une compagnie sans agents et qui avait manqué à ses engagements à son égard; Considérant que le sieur Letourneur n'a pu recevoir (c'était en nov. 1816) que 50 fr. pour la perte d'une vache en 1845; qu'il n'a rien reçu pour la mort constatée, le 22 avril 1847, d'une jument estimée 300 fr., ni pour deux vaches mortes les 18 mai 1847 et 11 juin 1849, estimées 425 fr. et 360 fr. ; - Considérant que la preuve de ces faits est offerte, mais qu'elle est inutile, puisque ces faits résultent des pièces ou sont restés sans réponses satisfaisantes; >> Considérant que lorsque le sieur Letourneur, cultivateur à Catz, canton de Carentau,

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dit-il, sous la promesse d'un représentant de ce canton, son adhésion en la commune d'Osmanville, canton d'Isigny, il ne la fit que

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parce qu'il existait en ce lieu un mandataire de | avait pris lui-même, le jugement attaqué n'a
l'administration, un sieur Dauvin, ayant le titre commis aucune violation de loi et qu'il s'est
de directeur particulier, et sa police portait borné à faire une saine application des disposi-
REJETTE, etc.>>
pour rubrique Département du Calvados, tions de l'art. 1184 C. Nap.;
Agence principale d'Isigny, Agence particulière
d'Isigny; - Considérant le sieur Dauvin,
que
décédé en novembre 1847, n'a pas été rem-
placé; Le tribunal dit à tort l'action du sieur
Desmirail aux qualités qu'il procède, en dé-
charge le sieur Letourneur. >>

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Pourvoi en cassation par la compagnie pour excès de pouvoirs, résultant de la violation des art. 22, 37, 39, 40 et 53 des statuts de la société, statuts que l'ordonnance royale d'autorisation avait érigés en loi. C'est à tort, disait-on, qu'à raison des faits par lui énoncés le tribunal avait refusé d'admettre la demande en paiement des cotisations sociales, et surtout de celles échues jusqu'en 1847. En supposant les faits prouvés, ce qui n'était pas, qu'en pouvait-il résulter? C'est que Letourneur avait le droit de se porter reconventionnellement demandeur en indemnité, et qu'alors le tribunal eût statué sur les deux demandes. Mais ici il y a évidemment excès de pouvoirs à rejeter une demande basée sur des titres et des faits reconnus constants par le jugement lui-même, sous le prétexte que le défendeur pouvait être créan cier à un autre titre. Quant à la déchéance fondée sur cette circonstance que la compagnie n'avait pas de représentant dans le département de la Manche, le tribunal n'aurait pas dû la prononcer, parce qu'elle ne se trouvait pas au nombre des cas prévus par les statuts comme devant délier les assurés des engagements sociaux par eux contractés. — D'ailleurs, les statuts d'une société anonyme ne sauraient être assimilés à une convention privée qu'il appartient aux tribunaux ordinaires d'apprécier; c'est à l'autorité administrative à déterminer le sens de ceux qui peuvent présenter de l'obscurité. De plus, par Tapprobation que ces statuts out reçue du gouvernement et par leur insertion au Bulletin des lois, ils ont été élevés au rang de lois. La Cour de cassation a dès lors le droit de contrôler l'interprétation qui en a été faite par les tribunaux.

Du 13 DÉCEMBRE 1852, arrêt C. cass., ch. req., MM. Jaubert cons. f. f. prés.. Sylvestre de Chanteloup rapp., Raynal av. gén. (concl. conf.), Hennequin av.

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« LA COUR; Attendu que les statuts des sociétés anonymes, bien qu'approuvés par le gouvernement, ne cessent pas de former, entre les compagnies et les particuliers qui adhèrent à ces statuts, des conventions privées dont le sens et la portée doivent être appréciés par les tribunaux ordinaires; Attendu que le jugement attaqué, en décidant que la compagnie la Ligérienne était soumise à établir un agent dans chaque département, et spécialement, dans la cause, un agent dans le département de la Manche, et qu'en ne le faisant pas, la compagnie demanderesse avait manqué à ses engagements envers Letourneur, et qu'elle ne pouvait lui demander l'exécution des engagements qu'il

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AIX (8 février 1853).

COMMISSIONNAIRE DE TRANSPORT, BATEAUX A VAPEUR, SERVICE RÉGULIER, ANNONCES PUBLIQUES, REFUS DE CHARGEMENT.

L'annonce, par affiches et dans les journaux, du départ de bateaux à vapeur faisant, sur une ligne déterminée, un service régulier, à jours fixes et moyennant un fret tarifë suivant la nature de la marchandise, emporte engagement de la compagnie envers le public, et ne permet pas, dès lors, à ladite compagnie, d'établir des préférences entre les chargeurs qui se présentent, et, lant qu'il y a place à bord, de refuser leurs marchandises (1).

(1) MM. Delamarre et Lepoitvin, auxquels nous avons, à raison de son importance, communiqué l'arrêt de la Cour d'Aix que nous rapportons, nous ont transmis les observations suivantes qu'il leur a suggérées:

«Au point de vue du droit, la question décidée dans un sens uniforme par le tribunal de commerce de Marseille et par la Cour d'Aix ne semble pas -Naute tesusceptible d'une controverse sérieuse, nentur, dit Casaregis, merces et viatores recipere in suis navibus pro illis aliò vehendis, maximé si tabellam palam exposuerint pro illis invitandis (Disc. 190, nos 6, 10). - Voilà le principe en droit, et ce principe est incontestable.

» En effet, qu'est-ce que l'annonce publique d'une entreprise de transports, de quelque genre qu'elle soit, avec des conditions de régularité dans l'itinéraire, dans le départ, l'arrivée, le prix des places, le tarif des marchandises? C'est une invitation continue au commerce de s'adresser à l'entreprise; c'est une offre permanente de services, une promesse toujours subsistante de traiter aux conditions annoncées avec quiconque y satisfera, sans pouvoir les modifier autrement que par une préalable et égale publicité: Mercator præsumitur in eadem voluntate perseverare (Casaregis, disc. 119, no 32). Or, tant que la proposition n'est pas régulièrement révoquée ou modifiée, libre à tout commerçant de l'accepter, et dès qu'il a fait connaître à l'entreprise son acceptation, avec offre de satisfaire aux clauses du prospectus, il se forme entre elle et lui un engagement, un contrat parfait : Tale programma publice expositum induit inviolabilem promissionem in magistro navis circa ea quæ sunt in illo expressa (Casaregis, disc. C'est, en matière de transports, 122, n° 99). l'espèce du négociant qui envoie circulairement à ses correspondants les prix courants des marchandises de son commerce, litteræ oblatorie, autre expression de Casaregis; c'est l'espèce du marchand qui expose en vente certains articles avec leur prix coté (V. notre Contrat de comm., t. 4, nos 6, 7). Du moment qu'il se forme entre l'entrepreneur et l'expéditeur un engagement parfait, inutile de rechercher la qualification de cet engagement. Qu'il ait une dénomination propre ou qu'il n'en ait pas, il n'en est pas moins une promesse inviolable, dont le principal objet est le transport de la marchandise, sinon dommages-intérêts.

» L'attestation des directeurs et agents de bateaux à vapeur, produite au procès, n'est qu'une confirmation, un aveu même, du principe du droit. Ces messieurs disent, entre autres choses, que leur prospectus, tabella, programma, n'exclut pas le droit de traiter

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