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JOURNAL DU PALAIS.

votre rapporteur doit vous présenter l'analyse que les motifs | La masse et l'importance des documents dont ont rendu sa tâche difficile, en lui inspirant la crainte ou de ne pas savoir éviter les longueurs, soin aujourd'hui, plus encore qu'à l'ordinaire,de ou de laisser échapper des omissions. Il a bepouvoir compter sur votre indulgence.»>

M. le conseiller rapporteur commence par

gués de plagiat: Considérant qui précèdent s'appliquent à douze de ces articles, tombés dans le domaine public par suite du décès des auteurs (Beauchamp, Clavier, Correa de Serra, Durdant, Jourdain, Noël et Tabaraud); Que d'ailleurs ces douze ararticles et les dix autres, comparés avec ceux de la biograbie Michaud, ne présentent pas les caractères de la contrefaçon, mais la res-exposer les faits de la cause et par donner lecsemblance inévitable dans certaines parties de toutes les biographies lorsqu'il s'agit de rapporter succinctement les mêmes faits et de citer les mêmes ouvrages; Qu'enfin les vingt-deux articles dont s'agit ont été composés, pour l'une et l'autre biographie, à l'aide d'emprunts faits à des livres anciens, où chacun a le droit de puiser;

» MET l'appellation au néant; ORDONNE que le jugement dont est appel sortira son plein et entier effet. >>

Pourvoi en cassation par le sieur Michaud et la dame Thoisnier-Desplaces.

rapportés plus haut; puis il ajoute : « Le sieur ture des jugement et arrêt que nous avons Michaud et la dame Thoisnier Desplaces, dûment assistée et autorisée de son mari, se sont pourvus en temps utile, le 7 mars 1853, contre cet arrêt. De leur côté, MM. Firmin Didot sont intervenus sur ce pourvoi.

de la Cour impériale de Paris, trois moyens de >> Les demandeurs ont proposé, contre l'arrêt cassation : le premier dirigé contre la partie de second et le troisième, qui nous ont paru se l'arrêt qui porte sur la contrefaçon du titre; le confondre, s'attaquent à la partie de l'arrêt re

M. le conseiller Quénault a présenté le rap-lative à la contrefaçon du texte même de l'ouport suivant, dans lequel sont analysés d'une vrage par la reproduction de cinquante-neuf manière complète les moyens proposés à l'appui articles ou notices.- Les demandeurs soutiendu pourvoi, ainsi que la défense du sieur Fir-nent d'abord qu'en déclarant que le titre Biomin Didot, intervenant.

graphie ancienne et moderne ne constitue pas trefaçon dans l'usurpation de ce titre par MM. une propriété, et en refusant de voir une conFirmin Didot, la Cour impériale de Paris a violé les art. 1er et 2 de la loi du 19 juil. 1793, 39 et 40 du décret du 10 fév. 1810, 425, 427 et 429 C. pén. L'art. 425 C. pén. qualifie de contre

«Le procès en contrefaçon intenté contre MM. Firmin Didot frères par M. Michaud et par le cessionnaire de la deuxième édition de la Biographie universelle n'a pas seulement excité P'intérêt qui s'attache à des noms et à un ouvrage connus de tous les amis des lettres, il offre à la Cour, qui en est aujourd'hui saisie par le pour-façon toute édition d'écrits imprimés en tout voi des demandeurs, d'autres éléments d'intérêt dans l'examen des questions graves qui s'y relatifs à la propriété des auteurs. Or le titre ou en partie au mépris des droits et règlements trouvent engagées, et sur lesquelles il importe n'est-il pas une partie essentielle de l'ouvrage que le droit soit fixé par la jurisprudence. Qu'y pour lequel il a été inventé ? « Il y aurait cona-t-il en effet de plus important pour la sécurité des grandes entreprises scientifiques et litté»travention à la loi du 19 juil. 1793, disait M. raires que de bien déterminer les droits d'au» le procureur général Merlin, dans le cas où teurs à l'égard de ces ouvrages collectifs, ency>> l'on n'aurait usurpé que le titre du Dictionclopédies, répertoires, dictionnaires, biographi-» de l'Académie fait essentiellement partie de ce >> naire de l'Académie. Le titre de: Dictionnaire ques ou autres, que les créateurs de ces entreprises ne pourraient mettre à fin par leurs >> Dictionnaire : usurper ce titre, c'est done seules forces, et dont ils font rédiger les plus >> usurper une partie de ce dictionnaire luinombreuses parties par des écrivains qui ne >> même. Or comment la loi qualifie-t-elle l'udédaignent pas d'y consacrer leur talent et >> surpation d'un ouvrage littéraire? Elle la quamême d'y attacher leur nom? Quels sont, à >>lifie de contrefaçon, et c'est comme contrefal'égard d'une œuvre semblable, à la fois une et >> çon qu'elle la punit. » L'opinion qu'exprimait complexe, les droits du fondateur, de l'organi- l'arrêt que la Cour de cassation rendit sur ses en ces termes M. Merlin fut sanctionnée par sateur de l'entreprise, et quels sont ceux de ses collaborateurs? Ont-ils, les uns et les autres, le conclusions le 28 flor. an XII.- « Pour un ouprivilége d'auteur? Ces divers priviléges, si l'on » vrage ordinaire, ajoutait M. Merlin dans le admet leur coexistence, sont-ils divisibles ou » même réquisitoire, le titre est ce qui apparindivisibles? Les diverses parties de l'ensemble » tient le plus essentiellement à l'auteur. Otez tombent-elles séparément, et même avant l'en» le titre, il n'y a plus de moyen de l'annoncer semble de l'œuvre collective, dans le domaine >> au public, plus de moyen de le déposer à la public? A quelles conditions et dans quelles li» Bibliothèque nationale pour en assurer la promites?-Ces questions difficiles, qu'une légis-» tirer aucun parti. » Dans son Traité de la » priété, plus de moyen de le vendre et d'en lation incomplète a paru laisser incertaines, contrefaçon, M. Etienne Blanc a très bien fait n'ont point reçu de la jurisprudence une solu- ressortir aussi ce qui constitue le caractère spétion propre à faire cesser les incertitudes. Mais cial et la propriété du titre. « Le titre, dit-il, tout ce que la science peut fournir de lumières, » est l'enseigne d'un ouvrage. C'est le titre qui tout ce que le talent peut y ajouter, semble avoir été réuni dans ce procès, à tous les degrés qu'il >> le désigne au public; c'est le titre qui le disa parcourus, pour préparer une bonne solution. >> tingue soit des autres productions du même >> geure, soit des autres productions du même

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auteur. Le titre est le nom de l'ouvrage. On cette catégorie. C'est en effet l'expression em>> ne peut s'en emparer sans le rendre mécon- ployée généralement, comme le constate l'ar>> naissable aux yeux du public auquel il s'a- rêt, pour désigner ce que l'on appelait autrefois >>dresse.» Le même auteur ajoute: « Le dictionnaire historique. Par ce motif, il ne peut >> titre d'un ouvrage appartient à celui qui le être l'objet d'une propriété littéraire. L'addition >> premier l'a adopté. » — Ce principe a été sou- du mot universelle ne peut faire du titre employe vent appliqué par la jurisprudence, notamment par M. Michaud un titre original et d'invention. en faveur de la dame Belloc, qui avait donné le Il en serait de même des mots ancienne et motitre Education familière à un ouvrage fait pour derne, que MM. Didot ont consenti à supprimer, la jeunesse, titre que l'on avait usurpé. Or l'association de ces mots étant en quelque sorte J'invention du titre Biographie universelle appar consacrée pour qualifier les œuvres d'histoire tient à M. Michaud. Les demandeurs rappellent ou de géographie qui embrassent leur sujet dece que disait sur ce point l'organe du ministère puis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours. public devant la Cour impériale de Paris: « Si C'est par application de ces principes que la l'expression Biographie universelle a acquis Cour de Paris a déjà jugé, par arrêt du 8 déc. » une notoriété considérable, si elle est en quel- 1833, entre MM. Michaud et M. Furne, que » que sorte entrée dans la langue, c'est par le ce même titre, Biographic universelle, n'appar >> fait de M. Michaud, et par l'effet de l'immense tenait pas plus à MM. Michaud qu'à tous les au» popularité dévolue à son œuvre. M. Michaud tres éditeurs qui ont pu l'employer comme eux. » a créé l'expression. Avant lui,'avant la publi-Des décisions analogues ont été rendues par la » cation de la Biographie universelle, trouve-t- Cour de Paris, dans d'autres affaires, les 8 oct. >> on cette expression quelque part? Non, nul 1835 et 5 fév. 1836.-En l'absence de toute >> avant M. Michaud n'avait trouvé cette associa- définition légale, il appartient aux juges du fait »tion de mots : Biographie universelle. C'est de décider souverainement, d'après les circon>> donc une conception de M. Michaud, titre heu- stances, si l'emploi du titre d'un ouvrage con>>reux, remplissant toutes les conditions que doit stitue le délit de contrefaçon, puisque ce délit » remplir un titre, résumant une pensée très gé- existe ou n'existe pas selon que ce titre est nou>>nérale et très vaste dans une formule brève, clai- veau ou qu'il a déjà été employé, selon qu'il » re, substantielle, facile à saisir. Il n'y a pas de constitue une œuvre de l'esprit empreinte d'un >> motifs pour qu'il n'y ait pas là une propriété vé- cachet d'originalité, ou au contraire une dési>>>ritable.»-Les demandeurs font ensuite remar- gnation généralement usitée. Ces questions de quer que la Cour, dans l'arrêt de cassation qu'elle nouveauté ou d'originalité du titre ne peuvent a rendu le 28 flor. an XII au sujet du Dictionnaire se résoudre que par des appréciations de fait qui de l'Académie, ne s'est pas seulement attribué le sont dans les attributions souveraines des Cours droit de reconnaître elle-même et de qualifier impériales. Aussi ne trouve-t-on aucun arrêt de la contrefaçon qui résulte de l'usurpation du la Cour de cassation sur ces questions: celui titre d'un ouvrage, mais qu'elle a étendu l'exer- qu'elle a rendu dans l'affaire du Dictionnaire eice de son pouvoir jusqu'à discerner et à qua- de l'Académie porte sur une question toute spélifier ce qu'il y a de principal dans le titre, ce ciale et différente.-Ici, l'arrêt attaqué constate qui constitue, comme elle le dit, le titre prin- en fait que le titre de Biographie universelle est cipal. Raisonnant à ce point de vue, les une expression générique adoptée depuis longdemandeurs démontrent que les mots Biogra- temps, qui a servi depuis la publication de la phic universelle ancienne et moderne, empruntés Biographie Michaud à qualifier d'autres ouvrapar MM. Didot, sont les énonciations principages du même genre, et qui ne constitue pas une les et constitutives du titre de leur ouvrage; que les autres énonciations, relatives à l'éditeur, à l'imprimeur, au libraire, sont tout à fait accessoires. La suppression du nom de M. Michaud dans le titre et son remplacement par un autre nom étaient d'ailleurs une des conditions, une des nécessités de la contrefaçon.

propriété. Ces déclarations échappent au contrôle de la Cour de cassation, parce que la recherche et l'examen des faits et de l'usage sur lesquels elles se fondent sont en dehors des attributions de la Cour. En outre, l'arrêt déclare qu'il n'y a pas similitude entre le titre de la Biographie Michaud et celui de la Biographie >>> Les intervenants repoussent ce premier Didot, et qu'il n'est pas possible de les confonmoyen par les observations suivantes: Le fait de dre. Le seul inconvénient de l'usurpation donner à un ouvrage le titre dont un autre auteur d'un titre d'ouvrage est dans la méprise qui s'est déjà servi constitue quelquefois, il est vrai, pourrait en résulter, et à l'aide de laquelle les le délit de contrefaçon, mais il n'a pas toujours acheteurs pourraient être induits à prendre un et nécessairement ce caractère; il peut, suivant ouvrage pour l'autre. L'arrêt déclare en fait les circonstances, être parfaitement licite. En que ce danger n'existe pas dans l'espèce; que effet, un titre d'ouvrage n'est privilégié au pro- l'erreur n'est pas possible, à raison des difféfit de celui qui l'a employé pour la première fois rences qui existent entre les titres des deux ouqu'à la condition que ce titre soit une œuvre de vrages. Il y a encore sur ce point appréciation l'esprit, un produit de l'imagination ou du tra- souveraine.-En résumé, le titre dont il s'agit vail. On ne peut attribuer ce caractère d'origi- ne pouvait être l'objet d'une propriété exclusinalité à des titres qui sont pour ainsi dire né-ve; les titres sont d'ailleurs dissemblables. L'arcessaires, parce qu'ils servent à désigner un rêt juge ces deux points en fait; il est donc à genre d'ouvrage et qu'ils n'ont pas d'équivalent l'abri de toute censure. dans la langue. Le mot biographie rentre dans

>> Nous n'avons pas d'observations à ajouter à

JOURNAL DU PALAIS.

celles qui ont été présentées des deux parts sur
le moyen relatif à la contrefaçon du titre. -
Nous avons hâte d'arriver à la discussion du
moyen principal, relatif à la contrefaçon du
fond. Ce deuxième moyen est pris de la viola-
tion des art. 1 et 2 de la loi du 19 juil. 1793,
39 et 40 du décret du 5 fév. 1810, 425 et 429
C. pén.

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peine d'être infidèle à ce principe général, se ditions d'exécution nécessaires pour réaliser un prêter à la variété des combinaisons et des congenre quelconque d'ouvrage et pour le porter à sa perfection. La Biographie universelle est, suivant les termes mêmes de l'arrêt, du genre des ouvrages collectifs, genre qui exige le con>> Les demandeurs avaient signalé comme l'é- de collaborateurs chargés d'exécuter, d'après cours d'un nombre plus ou moins considérable lément principal de la contrefaçon la reproduc- un même plan et sous une direction commune, tion textuelle, dans la Biographie Didot, de les diverses parties d'un ensemble conçu par soixante-un articles ou notices, aujourd'hui ré- | une pensée première. Ce genre, auquel apparduits à cinquante-neuf, formant une partie no- tiennent de nos jours les plus grandes entretable de la Biographie Michaud, environ 4,000 prises scientifiques, a droit, sans doute, à la prolignes sur 40,000 dans le premier volume. Ce tection de la loi, qui ne fait défaut à aucun genre. fait avoué, la Cour impériale a refusé de le qua- Or c'est par l'ensemble que chacun de ces grands lifier de contrefaçon, et l'a, au contraire, consi- ouvrages, et notamment la Biographie univerdéré comme licite. Elle est arrivée à cette con- selle, appartiennent au genre collectif. C'est séquence en déniant à M. Michaud la qualité l'ensemble de la Biographie universelle qui conet les droits soit d'auteur de l'ensemble, soit stitue legenre de cet ouvrage et en même temps de coauteur de chacun des articles de sa Biographie, et en décidant que ces articles, après différentes parties, les divers articles ou notices, son individualité. On ne pourrait en séparer les avoir appartenu aux écrivains qui les avaient signés, étaient tombés dans le domaine public à ter; les articles isolés ne seraient pas la Biograsans que la Biographie universelle cessât d'exisl'expiration du délai légal de dix ou vingt ans phie universelle; ils n'auraient ni la destination à partir de la mort de ces écrivains. Toutefois, et le caractère, ni l'utilité et le prix de cet ousi peu favorable que soit l'arrêt aux prétentions vrage. C'est donc l'œuvre d'ensemble conçue, de M. Michaud, il a constaté, par des déclara- composée, publiée sous le titre de Biographie tions expresses, que MM. Michaud ont conçu le universelle, qui doit être protégée par la loi dans projet de la Biographie universelle; qu'ils ont la personne de son auteur. Il ne reste plus qu'à rassemblé des matériaux pour cet ouvrage col-rechercher, au point de vue légal, quel en est lectif et d'ensemble; qu'ils ont traité pour son exécution avec des savants et des gens de let- consacrés des développements assez étendus, l'auteur. Dans cette recherche, à laquelle sont tres; qu'ils ont contrôlé ou fait contrôler les ar- il importe, pour ne pas s'égarer, d'avoir touticles ou notices avant leur publication; qu'en- jours présente à l'esprit cette pensée dominante, fin ils ont publié l'ouvrage qu'ils avaient fait qu'il s'agit de l'auteur de l'œuvre d'ensemble. ainsi composer. Avant de faire jaillir de ces constatations de faits la vraie qualification qui appartient à M. Michaud et la preuve de ses droits sur la Biographie universelle, les demandeurs s'arrêtent un moment pour fixer le sens et la portée, dans son application à l'espèce, de l'art. 1er de la loi du 19 juil. 1793, qui réserve aux auteurs d'écrits en tous genres le droit exclusif de vendre, faire vendre et distribuer leurs ouvrages. Ces expressions de la loi, écrits en tous genres, ont toujours été entendues et appliquées dans leur sens général et absolu. «Non seulement elles n'excluent rien, mais elles >> excluent même toute espèce d'exception. Qui >> dit tout n'excepte rien. » Ce sont les paroles de M. Merlin dans un de ses réquisitoires. Aussi la Cour de cassation a-t-elle décidé sur ce réquisitoire, par un arrêt du 2 déc. 1814 (1) dans l'affaire Cardon, qu'une simple réunion d'extraits d'un ouvrage tombé dans le domaine public (il s'agissait d'un choix de morceaux pris textuellement dans les prônes de Cochin) pouvait conférer les droits d'auteur an compilateur sans qu'une ligne fût sortie de sa plume. Si le privilége s'étend même à une pareille compilation, comment ne seraitpas attaché à un monument littéraire tel que la Biographie universelle? Laloi, couvrant de sa protection les écrits en tous genres, doit, sous

il

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(1) V. Merlin, Rép., vís Cassation, § 5, et Contrefaçon, $ 11,

vrage de ce genre se reconnaît à trois caractèSuivant les demandeurs, l'auteur d'un oudes autres, et qui appartiendraient tous à M. res principaux qu'il ne faut point isoler les uns Michaud, d'après les constatations de l'arrêt atqué. Il a eu la première conception de l'ouvrage; il en a fait composer les parties qu'il n'a pas rédigées lui-même par des savants et des gens de lettres, dont il a commandé, rémunéré, contrôlé les travaux; enfin il a publié l'ouvrage et l'a déposé. - Les jurisconsultes qui ont traité de la propriété littéraire entendent le mot auteur dans son sens le plus large. Ils remontent, avec le Dictionnaire de l'Académie, à l'idée de première cause, au fait de création donnant naissance à une production nouvelle. On cite un passage du traité de M. Gastambide dans ce sus, qui définit les auteurs en ces termes : sens. On invoque aussi l'autorité de M. Pardes« Tous ceux à qui appartient la première con>>ception d'un ouvrage de littérature ou de par la Cour de cassation dans les motifs d'un ar>> beaux-arts. » Cette définition a été consacrée rêt du 5 brum. an XIII, qui portent : « que les » être réclamés que par ceux auxquels appar>> avantages accordés aux auteurs ne peuvent La conception première de l'ouvrage est surtout >> tient la première conception d'un ouvrage. » tif, car elle sert de lien à toutes les parties, et importante lorsqu'il s'agit d'un ouvrage collecc'est à elle que viennent se rallier et se subor

donner les travaux divers qui doivent se com-joute ce qui suit : « Cette doctrine, qui veut que biner et se coordonner dans l'ensemble. Or» le privilége d'une entreprise ainsi organisée la conception première de la Biographie uni- >> pour coordonner en un même plan et conduiverselle appartient à M. Michaud, aux termes >> re vers un même but les travaux de collabomêmes de l'arrêt, qui porte : « Attendu que, si >> rateurs différents réside en la personne du » les frères Michaud ont conçu le projet d'un >> propriétaire, auteur de l'entreprise, a pour >> nouveau Dictionnaire biographique, etc., etc.>> » conséquence de régler la durée du privilége -A ce fait de la conception première se ré- » sur la vie de ce propriétaire et sur le temps unissent, dans la personne de M. Michaud,» pour lequel ses héritiers et successeurs sed'autres faits qui caractérisent plus essentielle-»ront appelés à en jouir après lui comme les ment encore l'auteur d'un ouvrage collectif tel » héritiers et successeurs de tout autre auteur. que la Biographie universelle. Il a fait composer >>> Cette conséquence me semble raisonnable. par des savants et des gens de lettres, avec les- >> Dans une entreprise de ce genre, la qualité quels il avait traité, les diverses parties de cet» de véritable et principal auteur appartient à l'orouvrage, et il a contrôlé ou fait controler avant »ganisateur de la pensée fondamentale qui sert la publication ces travaux qu'il avait comman- » de lien à toutes les parties de l'ouvrage. » — dés. Les demandeurs rappellent, pour l'appli M. Etienne Blanc dit également : « Sous le point quer aux faits ainsi constatés, la doctrine pro- » de vue de la durée du droit de propriété limifessée plusieurs fois avec tant d'autorité par M. »tée à la vie de l'auteur et à un certain temps le procureur général Merlin devant la Cour de >> après sa mort, l'auteur, dans le sens légal, cassation. « Le mot auteurs n'a pas dans la loi, » n'est pas seulement celui qui crée par lui>>> disait-il, une signification aussi restreinte » même, mais celui qui fait composer pour lui » qu'on a voulu le prétendre. Il désigne non >> et en son nom. Tel est l'auteur sous le nom >> seulement ceux qui ont composé par eux-mê- » duquel a été publié le Dictionnaire des scien>>mes un ouvrage littéraire, mais encore ceux » ces médicales, rédigé par un grand nombre de » qui l'ont fait composer par d'autres et qui en >> savants; tels sont encore Panckoucke, éditeur » ont pris la composition à leur compte. Ainsi >> des classiques traduits, et Michaud, qui a » ce n'est pas le feu citoyen Panckoucke qui a >> mis son nom à la Biographie universelle, dont >> composé l'Encyclopédie méthodique; il l'a fait » les différents articles sont dus à des écrivains > composer par des gens de lettres à qui il en a >> qui travaillaient sous ses ordres. >> - Les de» distribué les matières et dont il a salarié le mandeurs citent encore, dans le même sens, >> travail; et, certainement, depuis comme a- M. Pardessus et MM. Goujet et Merger, et pré>> vant la loi du 19 juil. 1793, le citoyen Pan-sentent l'opinion des auteurs comme unanime » ckoucke a été reconnu seul propriétaire de et comme favorable à M. Michaud sur ce point. » l'Encyclopédie méthodique, et le citoyen Pan- Enfin, ajoutent-ils, non seulement M. Mi>>ckoucke aurait pu la céder en tont ou en par- chaud a eu la conception première de la Bio>> tie à des étrangers, comme il a pu la transmet-graphie universelle, non seulement il a comman>>tre et comme de fait il l'a transmise à ses hé-dé, salarié, contrôlé l'exécution des diverses >>ritiers. Le citoyen Guyot n'a composé qu'une parties de cette œuvre, mais, après l'avoir fait » partie du Répertoire de jurisprudence; les composer pour la publier, il l'a effectivement >> trois quarts au moins de cet ouvrage ont été publiée. Ce fait de la publication, envisagé au >> composés par des jurisconsultes que le citoyen point de vue des lois spéciales sur la propriété >> Guyot avait associés à ses travaux et qu'il a littéraire, a fourni à l'organe du ministère pu» indemnisés par des honoraires au fur et à me- blic devant la Cour impériale de Paris le sujet >>sure qu'ils fui remettaient leurs manuscrits. d'une savante argumentation. Après avoir éta» Cependant, qui est ce qui oserait aujourd'hui bli que c'est la publication qui, mettant le do>>contester au sieur Guyot, sur l'intégralité du maine public en jouissance d'un ouvrage, ap» Répertoire de jurisprudence, le plein exercice pelle l'intervention de la loi spéciale nécessaire >> des droits que la loi du 19 juil. 1793 attribue pour régler les droits respectifs de l'auteur et >> aux auteurs sur leurs ouvrages?-Ce n'est pas du domaine public; après avoir ainsi montré » le citoyen Agasse qui a composé la collection à sa naissance le privilége d'auteur comme le » du Moniteur, il n'en a pas même fourni per- fruit et la récompense de la publication, et en »sonnellement un seul article. Cependant, si appuyant sa théorie sur les textes des art. 6 de » quelqu'un s'avisait aujourd'hui de réimprimer la loi du 19 juil. 1793, 39 et 40 du décret du » cette collection sans le consentement du ci- 5 fév. 1810, et sur l'exposé des motifs du détoyen Agasse, bien sûrement le citoyen Agas-cret du 1er germ. an XIII, l'organe du ministère »se trouverait dans la loi du 19 juil. 1793 des » armes répressives de cette violation de sa pro»priété. » — Les demandeurs font remarquer que toutes ces paroles de M. Merlin s'appliquent à M. Michand, avec la seule différence, à l'avantage de ce dernier, qu'il a fait lui-même 1267 articles, 250,000 lignes de la Biographie universelle. La doctrine de M. Merlin n'a pas vieilli. M. Renouard, après avoir cité dans son Traité des droits d'auteurs le passage du réquisitoire que nous venons de mettre sous vos yeux, a

public concluait ainsi : « L'auteur, dans le sens » de la loi, c'est celui qui dote le domaine pu» blic. Dans les conditions ordinaires, l'auteur, » après avoir fait son œuvre, traite avec un édi>>teur pour la publication. Dans ces conditions >> c'est l'auteur qui met au jour, car c'est lui qui >> fait publier. L'éditeur agit sous son impulsion >> et n'est qu'un instrument dans ses mains. Mais » qu'on renverse l'hypothèse si le rédacteur » n'est qu'un instrument dans la main de l'édi>>teur, s'il a composé sous l'impulsion de l'édi

»teur, etc., la propriété littéraire sera con>stituée au profit de l'éditeur, qui seul aura mis >> au jour et qui devra être considéré comme le >> seul et véritable auteur dans le sens de la loi. >> Les demandeurs font remarquer avec quelle justesse cette théorie s'applique dans la cause. La publication de la Biographie universelle, le droit de la publier, ne pouvait appartenir à des écrivains qui n'en avaient rédigé que quelques parties sous l'impulsion de M. Michaud. C'est M. Michaud qui l'a mise au jour après l'avoir fait composer pour cette destination. Lui seul est donc le véritable auteur dans le sens de la loi. - Le fait de la publication par M. Michaud est authentiquement prouvé par le dépôt légal qu'il a personnellement opéré.

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chaud seul, elle appartient à la société de savants et de gens de lettres qui se composait de tous les collaborateurs réunis pour l'exécution de cette œuvre. C'est une œuvre d'ensemble; une direction était nécessaire pour former cet ensemble si elle n'est pas venue de M. Michaud, il faut accorder qu'elle procède des collaborateurs associés. Le privilege de l'ensemble appartiendrait donc aux collaborateurs associés, il ne pourrait être divisé à leur préjudi-* ce, et chacun d'eux aurait le droit de se plaindre si une contrefaçon totale ou partielle venait porter atteinte à la propriété, à la valeur de l'œuvre collective. Or M. Michaud est, en ne tenant même aucun compte de sa coopération à d'autres titres, l'un des collaborateurs, et le Les demandeurs voient dans l'acte de dépôt la plus important, de la Biographie universelle. preuve du droit de propriété de M. Michaud, con- 250,000 lignes de cet ouvrage sont sorties de formément aux termes de l'ordonnance du 28 oct. sa plume. En outre, les autres rédacteurs lui 1814, qui porte, art. 9: « Le récépissé détaillé qui ont abandonné la propriété de leurs articles. Il »en sera délivré à l'auteur formera son titre de est donc fondé, soit en vertu de son propre droit, >propriété. Ils soutiennent que l'arrêt attaqué soit en vertu du droit qui appartiendrait à la réa violé cet article, combiné avec l'art. 6 de la loi | union des collaborateurs, à poursuivre la condu 19 juil. 1793, et font de cette violation un contrefaçon commise par MM. Didot. — L'arrêt troisième moyen de cassation. Ce moyen ne attaqué n'a point admis le système qui tendrait paraît pas nouveau, comme le prétendent les in- à chercher l'auteur de la Biographie universelle tervenants, car il a été discuté dans le mémoire dans la réunion des rédacteurs de cet ouvrage. signé de Me Bethmont, aux pages 47 et 48; mais Suivant l'arrêt, il n'y a point eu coopération siil suppose que le dépôt légal a, pour la preuve multanée, collaboration, œuvre commune, ende la propriété de l'ouvrage auquel il s'applique, tre les rédacteurs des divers articles. — La des effets nécessaires et absolus que vous n'ad- Cour impériale n'était-elle pas en conséquence mettrez peut-être pas. Le dépôt ne prouve, à la réduite à admettre la seconde proposition comrigueur, qu'un fait, le fait de la publication par prise dans l'alternative, savoir que la création celui qui a opéré le dépôt, et si le fait de la pu- de la Biographie universelle, n'appartenant point blication de l'ouvrage a ici de l'importance, il à la réunion des rédacteurs des articles, apl'emprunte aux autres faits constatés par l'arrêt partenait nécessairement, avec toutes ses conavec lesquels il se combine. Le fait de la pu- séquences légales, à M. Michaud? - Mais non, blication par M. Michaud n'est pas d'ailleurs l'arrêt refuse aussi à M. Michaud la qualité et dénié; il est, au contraire, reconnu par l'arrêt les droits soit d'auteur, soit de coauteur, de la attaqué. - L'acte du dépôt de la première édi- | Biographie universelle, et le motif que donne tion de la Biographie universelle était conçu l'arrêt de cette décision est que «l'on ne trouve en ces termes: « Biographie universelle, ou >> pas dans la Biographie Michaud la preuve Histoire, etc., etc., rédigée par une société de» d'une surveillance et d'une direction supégens de lettres et de savants, imprimerie de G. L. Michaud, chez Michaud frères. » L'acte de dépôt de la seconde édition porte: Biographie universelle, etc., etc., publiée sous la direction de M. Michaud. » Ces actes établissent deux points importants. En premier lieu c'est la Biographie universelle dans son ensemble et dans son unité qui a été légalement déposée et publiée; ce ne sont pas des articles séparés, des notices détachées. En second lieu, les actes de dépôt n'indiquent que M. Michaud et une société anonyme de gens de lettres et de savants. De cette double indication résulte cette alternative: l'auteur légal de la Biographic universelle est ou Michaud, ou la société de gens de lettres et de savants indiquée dans l'acte de dépôt. Dans cette seconde hypothèse, disent les demandeurs, les droits de M. Michaud sont aussi incontestables que dans la première. C'est ce qu'avait démontré le procureur impérial près le tribunal de la Seine dans le mémoire présenté à l'appui de son appel. Ce magistrat faisait remarquer que, si la qualité d'auteur de la Biographie universelle n'appartient pas à M. Mi

>> rieure constatées par l'unité de pensée et de > doctrine dans la rédaction des diverses par» ties et dans leur coordination.» Ce n'est point là, disent les demandeurs, une décision assise sur des bases juridiques. C'est une décision fondée sur une appréciation des résultats de la direction de M. Michaud, au point de vue littéraire, ou philosophique, ou politique, de l'unité de doctrine et de pensée dans le cours d'un ouvrage qui compte plus de quatre-vingts volames. En se plaçant à ce point de vue, la justice est sortie de son domaine pour entrer dans le champ de la critique littéraire. Sous ce rapport, l'opinion exprimée par la Cour impériale, en désaccord avec celle du public et du monde savant, perd l'autorité qui appartient à des décisions basées sur des preuves juridiques ou sur des principes de droit. Sa critique, fùt-elle fondée, ne serait pas nécessairement concluante, car le défaut d'unité de doctrine et de pensée dans l'ouvrage pourrait avoir d'autres causes que l'absence d'une direction. Il pourrait tenir même à certains calculs, à des modifications que la direction aurait cru devoir admettre en te

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