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Do 7 JUIN 1853, arrêt C. Paris, 1re ch., MM. Delangle 1er prés., Mongis av. gén. (concl. conf.), Colmet d'Aage fils et Paillet av.

<< LA COUR; Considérant, sur la fin de non-recevoir opposée par l'intimé, que l'exercice de l'action ouverte par l'art. 721 du Code de proc. contre l'avoué qui prête son ministère à des personnes notoirement insolvables n'est point subordonné à la nullité prononcée de l'adjudication; — Qu'il suffit, pour rendre l'avoué passible de dommages-intérêts, que l'adjudication dont il s'est rendu l'intermédiaire n'ait pas été suivie d'effet, et que la folle-enchère ait été pour les créanciers du vendeur une cause de dommage; Qu'aux termes de l'art. 1382 C. Nap., tout fait de l'homme qui cause à autrui un préjudice, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer; Au fond:- Considérant qu'il est établi que Bouet, au moment où il achetait, moyennant 74,000 fr., une maison rue du Cherche-Midi, était dans un dénûment absolu; qu'en effet il était simple ouvrier bottier, avec un loyer de 140 fr. seulement; Que X... n'a pu ignorer cette situation; - Considérant, en outre, que des documents du procès et des déclarations consignées dans son interrogatoire sur faits et articles il résulte que

blable à l'art. 711 de la nouvelle loi) n'a pas lieu de plein droit. Cette nullité, en effet, n'est que relative établie dans l'intérêt du poursuivant et des créanciers (et du saisi, suivant M. Chauveau sur Carré, loc. cit., en note), elle ne peut être invoquée par l'avoué ni par l'incapable pour lequel il a agi. C'est la un point unanimement reconnu. V. notamment Thomine-Desmazures, Comment. C. proc., t. 2, p. 259; Chauveau sur Carré, loc. cit.; Persil fils, Comment. L. 2 juin 1841, p. 231, no 274; Paignon, Comment. L. 2 juin 1841, p. 176, no 118; Jacob, Comment. sur la saisie immob., t. 1er, p. 414, no 135; Duvergier, Collect. des Lois, t. 41, p. 260, note 5; Bioche, Dict. de proc., vo Saisie immob., no 504; Pascal Bonnin, Comment. C. proc., sur l'art. 71 1; -Rép. gén. Journ. Pal., vo Saisie immob., no 730. — C'est, au reste, ce que M. Persil a déclaré d'une manière formelle dans son rapport fait à la chambre des pairs, le 23 mars 1840, sur la loi du 2 juin 1841. (V. ce rapport dans Chauveau sur Carré, Lois de la proc., t. 5, p. 31.) « La même déclaration, dit M. Duvergier (loc. cit.), se trouve dans le rapport de la chambre des députés. Une explication a été donnée également dans ce sens lors de la discussion qui a eu lieu dans cette chambre. » Cette explication fut provoquée par M Emmanuel Poulle; ce fut M. le rapporteur Pascalis qui lui répondit. V. Chauveau sur Carré, op. cit., quest. 2395, quinquies.

(1) V. conf. sur la solidarité, dans le cas où l'adjudication est déclarée nulle, Pigeau, Proc. civ. édit. 1829, t. 2, p. 152; Carré et Chauveau, Lois de la proc., t. 5, quest. 2393, quinquies; Bioche, Dict. de proc., vo Saisie immob., no 50s; Pascal Bonnin, Comment. C. proc., sur l'art. 711.

(2-3) Cette décision est contraire à l'opinion émise par M. Chénier, dans son Manuel des conseils

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Bouet n'a fait, en se rendant adjudicataire, que prêter son nom à Pétrus et Bouchet, clients de X..., précédents acquéreurs de l'immeuble, et poursuivis en folle-enchère faute de paiement des frais de la vente faite à leur profit; - Que cette simulation, préparée par X..., engage de plus fort sa responsabilité, l'avoué ne pouvant pas plus enchérir pour l'adjudicataire évincé par folle-enchère que pour les tiers qui lui servent de prête-nom; Considérant toutefois la condamnation ne peut excéder la créance que de l'appelant ; INFIRME; au principal, CONDAMNE X...., solidairement avec Bouet, à payer, à titre de dommages-intérêts, à Vandevelde, la Bouet d'exécuter les conditions de l'adjudication somme de 4,005 fr. 80 cent., que, faute par du 22 janv. 1846, il a perdue sur sa créance. »

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La généralité de ces expressions de l'art. 15, tit. 8, de la loi du 21 brum. an V: «Voies de fait», comprend tous les attentats commis par un militaire envers la personne de son supérieur (2).

En conséquence, le fait de la part d'un soldat d'avoir tiré sur son sergent, sans l'atteindre, un coup de fusil chargé à balle, constitue une voie de fait punie de mort par l'article 15 précité, et non le crime commun de tentative de meurtre, non prévu par la loi militaire, et puni dès lors par le Code pénal (3).

de guerre, vis Meurtre, p. 178 et suiv., et Voie de fait, p. 310 et suiv. La tentative de meurtre dont se rend coupable un militaire envers son supérieur ne constitue pas, selon cet auteur, la voie de fait prévue et punie par l'art. 15. tit. 8, de la loi du 21 brum. an V, mais bien un crime commun qui tombe sous l'application des art. 2 et 304 du Code pénal. - Dans l'introduction placée en tête de la 2e édition du Guide des Tribunaux militaires (p. ccxxiv et suiv.), le même auteur s'exprime ainsi à propos de l'arrêt que nous rapportons : « Cette doctrine nouvelle (celle de l'arrêt) repose sur une erreur. La législation militaire n'a certainement pas entendu donner aux mots voies de fait une signification différente de celle du langage ordinaire, et, d'après le Dictionnaire de l'Académie, pour qu'il y ait voies de fait, il faut qu'il y ait des actes de violence, des mauvais traitements, des coups donnés à quelque supérieur, avec l'intention et la pensée de l'insubordination. Ce que le législateur de l'armée a voulu réprimer, c'est l'action qui prouve la haine contre l'autorité du chef, le mépris des ordres donnés, la révolte de l'inférieur contre le supérieur; c'est l'infraction manifestée par l'acte de la plus grave désobéissance, par le soufflet, par le coup porté au supérieur; c'est enfin l'intention bien formelle de secouer le joug de la subordination, de s'insurger contre les règles de la discipline, sans lesquelles il n'y a plus d'armée, sans lesquelles la société elle-même est en péril. Mais, pour arriver à cette répression, quelle nécessité y a-t-il de changer la nature des choses et d'altérer la valeur des mots? Pourquoi faire violence aux principes? L'art. 5 du Code pénal ne dit-il pas que les dispositions de ce Code ne s'appliquent pas aux contraventions, délits et crimes militaires? Dès lors, cet article explique clairement que la tentati

BOURDON.

(Intérêt de la loi.)

Réquisitoire. « Le procureur général près la Cour de cassation expose qu'il est chargé, par ordre formel de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, conformément à l'art. 441 C. inst. crim., de requérir l'annulation, tant dans l'intérêt de la loi que dans celui du condamné, d'un jugement du deuxième conseil de guerre permanent de la troisième division militaire, séant à Bone, en date du 28 avril dernier, qui a condamné à la peine de mort le nommé Bourdon, fusilier au 20° régiment de ligne, pour voie de fait envers le sergent Guyon, son supérieur.

>> Ce jugement, qui est devenu définitif, a été rendu dans les circonstances suivantes : Le 20 février, Bourdon rentra le soir sous sa tente, au moment de l'appel, en état d'ivresse ; il chargea son fusil, annonçant l'intention de se donner la mort. Cette arme lui ayant été enlevée, il en saisit une autre, et la chargea de deux balles. Le sergent Guyon, passant en ce moment devant la tente, ordonna, en raison de l'heure avancée, d'éteindre la lumière. Bourdon lui dit : « Venez donc l'éteindre vous-même, si >> vous êtes un bon bougre, etc. » Sur une observation du sous-officier, il ajouta : « Au fait, >> vous ne m'emm... plus. » Le sergent Guyon appela alors la garde, et Bourdon s'écria: << Te>>nez, vous allez voir. » En disant ces mots, il sortit de la tente et déchargea son fusil sur le sergent qui, toutefois, ne fut pas atteint... C'est à raison de ces faits que Bourdon a été condamné à la peine de mort par le conseil de guerre séant à Bone, par application de l'art. 15, tit. 8, de la loi du 21 brum. an V, ainsi conçu « Tout militaire convaincu d'avoir in»sulté ou menacé son supérieur de propos ou » de geste sera puni de cinq ans de fers. S'il >> s'est permis des voies de fait à l'égard du su»périeur, il sera puni de mort. » Mais les faits imputés à l'accusé étaient-ils, en effet,

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ve prévue par les art. 2 et 3 du même Code ne concerne nullement les crimes et délits militaires; or, les principes de la tentative n'étant relatifs qu'aux crimes et délits communs, il est évident que la voie de fait prévue par l'art. 15, tit. 8, de la loi du 21 brum. an V, est un crime purement militaire : donc il est incontestable qu'il ne peut y avoir de tentative de voie de fait, puisque la loi militaire ne l'a pas dit. Il en résulte que l'on arrive à ce dilemme : ou la tentative de meurtre reste tentative de meurtre conformément aux principes du droit commun, parce que la loi militaire n'y a apporté aucune modification; ou cette tentative de meurtre devient une tentative de voie de fait militaire, parce que la loi spéciale à l'armée l'a formellement exprimé. Nous venons de voir que les lois militaires n'ont admis nulle part la tentative de crime ou de délit: donc il n'y a point et il ne peut y avoir de tentative de voie de fait. Assurément nul plus que moi n'a peutêtre autant de respect pour les décisions de la Cour de cassation; mais je croirais faire une chose contraire à la haute opinion que j'ai de sa sagesse si je ne signalais pas à son attention une erreur évi

dente. »

V. Rép. gén. Journ. Pal., vo Délit militaire, no 31.

ceux que cet article a entendu punir, et ne s'a gissait-il pas, au contraire, d'un crime commun qui n'est pas prévu par la loi militaire? - M. le ministre, dans sa lettre, résout affirmativement cette question. - Voici les raisons sur lesquelles il fonde son opinion: «Il est évident que >> Bourdon ne s'est pas rendu coupable de voies >> de fait envers son supérieur: car les voies de >> fait supposent nécessairement un acte de vio>>lence quelconque, et il n'y a eu aucune collision >>entre Bourdon et le sergent Guyon. C'est donc »à tort que le conseil de guerre de Bone a pro>> noncé contre Bourdon la peine de mort, par >> application de l'art. 15, tít. 8, de la loi du 21 »brum. an V. Bourdon a commis une tentative » de meurtre qui n'a manqué son effet que par >> une circonstance indépendante de la volonté >> de son auteur. Ce crime n'étant pas prévu par » les lois militaires, le conseil de Bone devait, >> selon l'art. 18, tit. 13, de la loi du 3 pluv. an » II, recourir au Code pénal. Il convient ici » d'examiner, ajoute M. le ministre, si la peine dont Bourdon est passible, d'après le Code pé>>nal, ne serait pas la même que celle qui a été >> prononcée contre lui, et si, par suite, le ju>> gement du 28 avril ne serait pas à l'abri de la >> cassation, conformément à l'art. 411 C. inst. »crim. Le fait de tentative de meurtre, dégagé » de toute circonstance aggravante, est passi>> ble de la peine des travaux forcés à perpétui>>té, aux termes des art. 2 et 304 C. pén. Or >> aucun crime n'avait accompagné la tentative >> de meurtre c'était donc la peine des travaux >>forcés que Bourdon avait encourue. On ne peut, >> en effet, considérer comme insultes envers >> son supérieur les propos tenus par Bourdon: »ditait; ils en étaient l'annonce, la menace; ils >>ces propos se rattachaient au crime qu'il mé»> ne sauraient donc être isolés de la tentative >> de meurtre pour constituer un grief distinct. » Au surplus, en admettant même que Bourdon >>>ṣe soit rendu coupable d'insultes envers son » supérieur, ce fait, puni, comme un crime, de >> la peine des fers, par la loi du 21 brum. an »V, est un simple délit, d'après le Code pénal. >> Or l'aggravation de peine portée par le § 1 » de l'art. 304 C. pén. ne peut être prononcée que dans le cas où le meurtre a été accompa "gné ou suivi d'un fait qualifié crime par le >> Code pénal ordinaire. Il s'ensuit que Bourdon » n'aurait pu être condamné à la peine de mort >> en vertu de l'art. 304 C. pén., et que, par con»séquent, l'art. 411 C. inst. crim. ne peut être » invoqué contre le pourvoi. »

» Cette opinion soulève des objections sérieuses, que nous croyons devoir soumettre à la Cour.

Comme on le voit, l'unique question du pourvoi est celle de savoir si le fait imputé au soldat Bourdon rentrait dans les termes et dans l'esprit de l'art. 15, tit. 8, de la loi de brum. an V.

En lisant cette disposition si laconique, on est tout d'abord frappé de la rigueur et de l'uniformité des peines qu'elle prononce. - Ainsi, tandis que la loi commune gradue avec soin les peines des insultes et des menaces par paroles et gestes en raison de la gravité des faits; tandis que cette même loi gradue les peines des

voies de fait en raison de la gravité des actes que les coupables se sont permis, la loi militaire prononce, pour les insultes et les menaces de l'inférieur envers son supérieur, sans se préoccuper en rien de leur plus ou moins de gravité, la peine unique et uniforme de cinq ans de fers; et, pour les voies de fait, quelles qu'elles soient, le coup le plus léger ou la blessure la plus grave, une peine redoutable que la loi commune réserve au châtiment des plus grands crimes la mort! - La raison en est que cette disposition exceptionnelle se lie intimement à l'existence même de la société. En effet, c'est sur l'institution régulière de l'armée que reposent l'indépendance, la grandeur, la dignité et la sécurité de toutes les nations; et il n'y a pas d'armée sans une puissante organisation. Cette organisation repose elle-même sur deux grands principes d'ordre la discipline et la subordination. Ces deux principes sont l'âme et la vie de ces grands corps qui composent l'armée. Nous n'avons pas à nous occuper ici des règles de la discipline; l'art. 15, dont la lettre ministérielle conteste l'application au fait dont il s'agit, fait partie des diverses prescriptions relatives à la subordination, loi plus impérieuse encore que les règles de la discipline, car, sans l'obéissance hiérarchique aux ordres des supérieurs, et sans le respect de l'inférieur envers le supérieur, il est impossible de concevoir l'existence d'une armée. Mais cet art. 15 est la plus importante sanction de la loi suprême de la subordination; elle est comme la clef de voûte de cette grande institution de l'armée: car, si c'est, au point de vue de la loi militaire, un acte très coupable que de se refuser à exécuter un ordre en opposant au commandement la force d'inertie, repousser ce commandement par l'injure ou par la menace, ou se livrer à des voies de fait envers ceux que la loi investit de l'autorité, c'est l'insubordination poussée au dernier degré. On comprend dès lors et la rigueur et l'uniformité des peines que prononce cet art. 15. La peine des actes d'insubordination que prononce cet article devait être rigoureuse, car il s'agissait, pour l'armée, d'être ou de n'être pas. Elle devait être uniforme: car, que l'insulte ou la menace fussent légères ou graves, il y avait toujours la même infraction à la loi suprême de la subordination, infraction que la loi militaire punit de cinq ans de fers. Et, de même, quelle que fût la voie de fait que l'inférieur se permit envers son supérieur, c'est toujours le même manquement au devoir impérieux de la subordination; et c'est cet oubli du devoir sacré auquel se lie le salut de l'armée que le législateur de la loi militaire a voulu et dû atteindre. Ceci posé, la distinction au moyen de laquelle on prétend établir que le fait imputé au fusilier Bourdon ne rentre pas dans les termes de l'art. 15 de la loi de l'an V peut-elle se justifier? C'est sur ce point qu'un doute très grave s'est élevé dans notre esprit. - Et d'abord, remarquons-le bien, cet art. 15, dans sa généralité, ne paraît comporter aucune distinction. L'infraction coupable à la subordination de l'in

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férieur envers son supérieur ne peut se produire que dans deux catégories de faits, dont chacune est frappée d'une peine unique et uniforme. - S'agit-il de faits de la première catégorie, c'est-à-dire de l'insulte et de la menace par parole ou par geste, le législateur de la loi militaire ne se préoccupe pas le moins du monde, par les raisons que nous venons d'énoncer, de la nature du fait, et du caractère qu'il peut présenter dans les définitions de la loi pénale ordinaire. - Que la parole échappée à l'inférieur contre son supérieur constitue une simple insulte, qu'elle constitue une calomnie, une diffamation, que le geste soit plus ou moins insolent, la loi, dans tous les cas, ne voit qu'une infraction qui domine et couvre toutes les autres, l'infraction à la loi suprême de la subordination, que cette infraction, qu'elle érige en crime, et qu'elle punit de la peine militaire de cinq ans de fers. S'agit-il de faits de la seconde catégorie, c'est-à-dire de voies de fait, le législateur militaire ne s'occupe pas davantage des qualifications que la loi commune donne aux differentes voies de fait, ni de la perversité plus ou moins profonde de l'intention: il n'y a plus ici aucune de ces nombreuses distinctions que fait la loi commune, entre le meurtre (art. 295 C. pén.), l'assassinat (art. 296), les blessures ou coups portés, ayant occasionné une maladie ou incapacité de travail personnel pendant plus de vingt jours (art. 309), les blessures ou coups ayant occasionné la mort (ibid.), les blessures ou coups portés avec préméditation (art. 310), ou enfin les blessures ou coups n'ayant occasionné ni maladie ni incapacité de travail (art. 311). — Dans tous ces cas, la loi militaire ne distingue pas et ne devait pas distinguer, pour deux raisons: - La première, c'est que, quelle que soit la qualification que la loi commune donne à la voie de fait, simple coup ou assassinat, le fait étant celui d'un militaire, c'est le crime militaire d'insubordination qui domine, et que la loi militaire entend punir; le délit ou le crime commun que renferme la voie de fait est bien la cause du crime militaire, mais ce n'est pas cette cause que la loi militaire veut atteindre, c'est le crime d'insubordination qui s'est produit par la voie de fait. La seconde, c'est que, la loi militaire punissant le crime d'insubordination, dans ce cas, de la peine de mort, qui est la peine dont la loi commune punit les voies de fait les plus coupables, il était inutile que le législateur de la loi militaire distinguât entre les voies de fait. C'est cependant à cette disposition si générale, si absolue et si bien justifiée, de l'art. 15 de la loi de l'an V, qu'on prétend soustraire, contrairement au principe que là où la loi ne distingue pas il n'est pas permis de distinguer, la tentative de meurire consistant dans le fait, par un soldat, d'avoir déchargé son fusil sur son supérieur, sans l'atteindre.

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>> Examinons cependant les raisons sur lesquelles on essaie d'appuyer cette exception. — Elles se réduisent au raisonnement suivant : L'art. 15 de la loi de l'an V punit la voie de

fait; mais il n'y a pas de voie de fait sans vio- eu commencement d'exécution si, ayant levé lence, et il n'y a pas de violence constitutive son sabre, il avait porté un coup qu'aurait esde la voie de fait là où il n'y a pas de collision; quivé le sergent; mais si, au contraire, il avait or il n'y a pas eu de collision entre le soldat simplement levé son sabre, sans essayer d'en Bourdon et son sergent, puisque Bourdon a frapper son sergent, il y aurait eu seulement, simplement déchargé son fusil contre ce der- dans ce fait, la menace par geste que punit le nier: il ne s'agissait donc pas, devant le con- même art. 15. On comprend qu'il serait facile seil de guerre, de la voie de fait que l'art. 15 de de multiplier les exemples, s'il était besoin de la loi de l'an V punit de la peine de mort, mais mettre davantage en lumière cette distinction du crime commun de tentative de meurtre, que capitale. Mais s'il y a voie de fait dans la les art. 2 et 301 combinés du Code pénal pu- tentative dont il s'agit, d'après la définition nissent des travaux forcés à perpétuité.-Cette même de la tentative, nous ajoutons qu'il y a argumentation nous paraît susceptible d'être voie de fait avec violence. Qu'est-ce, en efcombattue par de puissantes considérations. fet, que la violence? C'est la force (vis) qu'on Nous pourrions contester d'abord cette proposi- emploie sans droit. En d'autres termes, il y a tion, qu'il n'y a pas de voie de fait sans vio-violence toutes les fois qu'au lieu d'agir en verlence; les auteurs disent le contraire. M. tu d'un droit, on agit par force, per vim. Or, Merlin, dans la définition qu'il donne de la voie comment ne pas reconnaître la violence, ou, de fait, suppose d'abord qu'elle peut exister en d'autres termes, un acte violent, dans le fait sans violence. «La voie de fait, dit-il, dans le d'un homme qui décharge son arme volontai>> sens le plus étendu de ce mot, désigne pres- rement, sans qu'il y ait nécessité ni même pro>> que toutes les actions qui blessent une per- vocation, contre un autre, dans l'intention de >>sonne dans son corps, dans son honneur ou lui donner la mort? - Mais c'est ici que nous » dans ses biens, ou seulement qui contrarient rencontrons l'argument qui consiste à préten>> ses prétentions; dommage, méfait injurieux, dre qu'il n'y a pas de violence sans collision, et > en un mot tout ce que les jurisconsultes com- à nier que cette collision existât entre le sol>> prennent sous le nom d'injure réelle. » (Kép., dat Bourdon et son sergent. Nous regrettons vo Voie de fait.) Et dans un autre endroit il d'être, dans une discussion aussi grave, obligé s'exprime ainsi «Il ne faut pas confondre la de nous livrer à la recherche du sens gramma» violence avec la voie de fait. Toute violence tical des mots, mais c'est une nécessité de l'ar» est voie de fait, mais toute voie de fait n'est gumentation elle-même. Le mot collision >> pas violence. La distinction est établie dans n'est pas même défini par le dictionnaire de » l'ordonnance de 1667, tit. 18, art. 2; tit. 19, l'Académie dans le sens que lui donne le lan>> art. 16 et 17, et dans l'ordonnance de 1670, gage ordinaire. En effet, ce dictionnaire s'ex» tit. 16, art. 4. » — Nous pourrions encore, prime ainsi : « Collision, terme didactique. Le à l'appui de cette opinion, citer deux arrêts de choc de deux corps. » Nous sommes réduit la Cour de cassation, du 15 oct. 1813 et du 30 à poser des hypothèses pour saisir la portée mars 1832, et les termes dans lesquels est con- qu'on a entendu donner à cette expression. Açu l'art. 209 C. pén. Mais des réponses plus t-on voulu dire qu'il faut nécessairement, pour péremptoires et plus puissantes encore nous qu'il y ait violence constitutive de la voie de paraissent repousser l'argumentation que nous fait, qu'une lutte ait existé entre l'inférieur et venons de rappeler. - 1o Dans le fait dont il le supérieur, dans le cas de l'art. 15 de la loi s'agit, il y avait voie de fait avec violence. de l'an V? Nous ne croyons pas que cette L'argumentation relative à la voie de fait serait idée puisse être admise; nous ne croyons pas exacte s'il était possible qu'il y eût tentative qu'il soit nécessaire que cette lutte préalable d'un crime sans voie de fait. Mais c'est le ait existé pour qu'il y ait collision; il suffit, secontraire qui est vrai. En effet, pour qu'il y ait lon nous, que la voie de fait ait été dirigée contentative punissable comme le crime lui-même, tre quelqu'un pour qu'il y ait cette sorte de colil faut, aux termes de l'art. 2 C. pén., qu'elle lision constitutive de la voie de fait. Autrese soit manifestée par un commencement d'exé- ment, l'application de l'art. 15 de la loi de l'an cution. Or ce commencement d'exécution est V demeurerait livrée au plus étrange arbitraire: évidemment une voie de fait. S'il n'y avait pas car non seulement il pourrait ne pas y avoir ce commencement d'exécution, il n'y aurait pas collision dans le cas de la tentative de meurtre, la voie de fait punissable aux termes de l'art. mais il pourrait même ne pas y avoir collision 15 précité de la loi de l'an V, mais un délit pu- dans le cas même où le supérieur aurait été nissable, par la loi militaire, d'une autre peine: blessé ou tué. Supposons, en effet, que le ce serait celui puni par la première partie du soldat Bourdon, au lieu de manquer son sergent même art. 15 de la peine uniforme de cinq ans dans les circonstances de l'espèce, l'eût atteint, de fers. Supposons, en effet, que le soldat et même l'eût tué, la lutte préalable n'en aurait Bourdon, au lieu de décharger son arme sur pas davantage existé. A-t-on voulu dire qu'il son sergent, l'eût mis en joue, et qu'il eût re- faut, pour que la collision existe, qu'il y ait au levé son fusil sans tirer, il n'y aurait plus eu, moins choc, contact, entre l'agresseur et la vicdans ce fait, la tentative qui résulte du com- time? Mais la raison repousse encore cette démencement d'exécution, mais il y aurait eu la finition de la collision, car l'homme qui attamenace par geste que punit la première partie que un autre homme à coups de pierre, et mêDe même, si c'eût été avec son me à coups de fusil, n'est pas en contact immésabre qu'il eût attaqué son sergent, il y aurait diat avec sa victime; il n'y a pas choc entre

de l'art. 15.

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eux, et cependant personne n'oserait prétendre fraction à la loi suprême qui est l'âme de l'arqu'il n'y a pas, dans ce cas, collision et voie de mée n'est-elle pas la même dans l'un et l'autre fait. Au reste, nous trouvons précisément la cas? Dans le système contraire, on sera donc justification de toutes ces observations, et la amené à dire que le meurtre lui-même est discondamnation de la doctrine contraire, dans un tinct du crime d'insubordination, et doit être arrêt de la Cour, qui a jugé que le fait de s'ar- puni, non plus de la peine de ce crime, c'est-àmer d'un fusil et de coucher en joue un officier dire de la mort, mais de la peine que la loi proministériel dans l'exercice de ses fonctions con- nonce contre le meurtre, c'est-à-dire des travaux stitue le délit de rébellion prévu par l'art. 209 forcés à perpétuité. Mais ce serait s'éloigner de C. pén. Le motif sur lequel la Cour se fonde plus en plus de l'esprit de la législation militaire. s'applique parfaitement, par voie d'analogie, à Comment! la loi militaire frappera de la l'espèce qui nous occupe : « Attendu qu'il n'est peine de mort le soldat qui aura poussé, frappé >> pas nécessaire pour qu'il y ait délit de rébel- avec la main, son supérieur, sans même lui »lion que des coups aient été portés à l'offi- avoir fait la plus légère blessure, parce qu'il a, >> cier ministériel contre lequel elle a eu lieu; dans ce cas, méconnu le premier et le plus sa» que ce délit peut résulter de tout acte violent cré des devoirs du soldat, celui de la subordi>> dont le but était d'empêcher l'officier minis- nation, et la même loi militaire ne comprendra >>tériel.... d'accomplir la mission dont il était pas dans sa prescription générale et absolue le >> charge; que l'on peut considérer comme une fait militaire d'avoir tiré sur son chef sans l'at» voie de fait l'action de s'armer d'un fusil et teindre, fait que la loi pénale ordinaire assimile » de coucher en joue.... ») Ne résulte-t-il pas au fait même de l'avoir tué! - Quoi! l'exemple évidemment de là que l'on doit considérer, à d'insubordination, dont la loi militaire a voulu fortiori, comme acte violent et comme voie de prévenir les funestes effets, par l'application de fait, l'action, non pas seulement de coucher en la peine la plus sévère, ne sera pas donné par joue, mais l'action de décharger son fusil sur le soldat qui tire sur son supérieur, tout aussi quelqu'un? bien que par celui qui le frappe seulement avec la main? Mais ne serait-ce pas la propager dans l'armée cette funeste pensée, qu'il est, moins dangereux à un inférieur de tirer sur son supérieur, et même de le tuer, que de le frapper du coup le plus léger?

>> Mais une seconde raison, et plus décisive encore que la première, c'est que, dans l'espèce, on rencontre surtout le crime d'insubordination puni par la loi militaire. — Nous avons vu que ce crime, lorsqu'il consiste, non pas seulement dans la désobéissance à l'ordre d'un supérieur, mais dans l'outrage par voie de fait à ce supérieur, est puni de la peine capitale. Nous avons dit que, dans ce cas, la gravité du crime militaire absorbe tous les autres; que le législateur n'a pas voulu qu'on distinguât dans ce cas si la voie de fait constituait de simples blessures, ou bien un meurtre, ou même un assassinat. C'est un militaire qui a commis envers un supérieur militaire une voie de fait, c'est-à-dire le crime d'insubordination au premier chef. La loi militaire, dans sa salutaire inflexibilité, prononce la peine de mort; le juge militaire n'a qu'une chose à rechercher, c'est si le crime d'insubordination a réellement existé. Eh bien! est-il possible de ne pas voir ce crime dans le fait du militaire qui décharge son fusil contre son supérieur? Il ne s'agit pas là simplement de l'acte de mise en joue de la part d'un soldat relevant son arme sans tirer, fait qui ne constituerait ni crime ni délit, selon la loi commune, et qui, selon la loi militaire, constituerait la menace par geste, punie de cinq ans de fers; il s'agit de la voie de fait qui consiste dans le commencement d'exécution. La loi commune elle-même assimile ce commencement d'exécution à l'exécution, et prononce la même peine. Or, au point de vue de la loi militaire, peut-on distinguer, quant au crime d'insubordination, entre deux faits que la loi commune elle-même confond dans la même peine, comme présentant le même degré de culpabilité? L'insubordination n'existe-t-elle pas au plus haut degré dans le fait du militaire qui tire sur son chef sans l'atteindre, comme dans le fait du militaire qui tire sur son chef et le tue? L'in

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T. 11e de 1853.

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» La Cour pèsera, dans sa haute sagesse, ces considérations, auxquelles la gravité de la ques tion et notre respect même pour l'opinion que nous avions à combattre nous ont forcé de donner une étendue inaccoutumée; notre devoir a été de les soumettre à sa souveraine appréciation.-Sous le mérite de ces considérations; vu la lettre de M. le garde des sceaux en date du 15 nov. 1851, les art. 15, tit. 8, de la loi du 21 brum. an V, 2 et 304 C. pén. ordinaire, 441 C. inst. crim., et toutes les pièces du dossier; nous requérons, pour le gouvernement, qu'il plaise à la Cour casser et annuler, tant dans l'intérêt de la loi que dans celui du condamné, le jugement dénoncé; renvoyer l'accusé et les pièces du procès devant tel conseil de guerre qu'il plaira à la Cour de désigner, etc. Fait au parquet le 31 déc. 1851. Le procureur général, » Signé Dupin. >>

Du 10 JANVIER 1852, arrêt C. cass., ch. crim., MM. Laplagne-Barris prés., Vincens-Saint-Laurent rapp., Dupin proc. gén.

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« LA COUR; Attendu que le fait à raison duquel Bourdon a été traduit devant le deuxième conseil de guerre permanent de la troisième division militaire d'Algérie consistait à avoir volontairement tiré sur le sergent Guyon, sans l'atteindre, un coup de fusil chargé à balle; Que le conseil de guerre, dans la question qu'il s'est posée, et qu'il a résolue affirmativement, a qualifié ce fait de voie de fait envers son supérieur; Que cette qualification est exacte; Qu'en effet, la loi militaire, dans l'art. 15, tit. 8, de la loi du 21 brum, an V, qui est destiné à régler les relations de l'inférieur 16

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