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fraction à la loi suprême qui est l'âme de l'armée n'est-elle pas la même dans l'un et l'autre cas? - Dans le système contraire, on sera donc amené à dire que le meurtre lui-même est distinct du crime d'insubordination, et doit être

eux, et cependant personne n'oserait prétendre
qu'il n'y a pas, dans ce cas, collision et voie de
fait. Au reste, nous trouvons précisément la
justification de toutes ces observations, et la
condamnation de la doctrine contraire, dans un
arrêt de la Cour, qui a jugé que le fait de s'ar-puni, non plus de la peine de ce crime, c'est-à-

mer d'un fusil et de coucher en joue un officier ministériel dans l'exercice de ses fonctions constitue le délit de rébellion prévu par l'art. 209 C. pén. Le motif sur lequel la Cour se fonde s'applique parfaitement, par voie d'analogie, à l'espèce qui nous occupe : « Attendu qu'il n'est >> pas nécessaire pour qu'il y ait délit de rébel

lion que des coups aient été portés à l'offi>> cier ministériel contre lequel elle a eu lieu; > que ce délit peut résulter de tout acte violent >> dont le but était d'empêcher l'officier minis>>> tériel.... d'accomplir la mission dont il était >> chargé; que l'on peut considérer comme une >> voie de fait l'action de s'armer d'un fusil et >> de coucher en joue.... >>- Ne résulte-t-il pas évidemment de la que l'on doit considérer, à fortiori, comme acte violent et comme voie de fait, l'action, non pas seulement de coucher en joue, mais l'action de décharger son fusil sur quelqu'un?

>> Mais une seconde raison, et plus décisive encore que la première, c'est que, dans l'espèce, on rencontre surtout le crime d'insubordination puni par la loi militaire. - Nous avons vu que ce crime, lorsqu'il consiste, non pas seulement dans la désobéissance à l'ordre d'un supérieur, mais dans l'outrage par voie de fait à ce supérieur, est puni de la peine capitale. Nous avons dit que, dans ce cas, la gravité du crime militaire absorbe tous les autres; que le législateur n'a pas voulu qu'on distinguât dans ce cas si la voie de fait constituait de simples blessures, ou bien un meurtre, ou même un assassinat. C'est un militaire qui a commis envers un supérieur militaire une voie de fait, c'est-à-dire le crime d'insubordination au premier chef. La loi militaire, dans sa salutaire inflexibilité, prononce la peine de mort; le juge militaire n'a qu'une chose à rechercher, c'est si le crime d'insubordination a réellement exisEh bien! est-il possible de ne pas voir ce crime dans le fait du militaire décharge qui dech son fusil contre son supérieur? Il ne s'agit pas là simplement de l'acte de mise en joue de la part d'un soldat relevant son arme sans tirer, fait qui ne constituerait ni crime ni délit, selon la loi commune, et qui, selon la loi militaire, constituerait la menace par geste, punie de cinq ans de fers; il s'agit de la voie de fait qui consiste dans le commencement d'exécution. La loi commune elle-même assimile ce commencement d'exécution à l'exécution, et prononce la même peine. Or, au point de vue de la loi militaire, peut-on distinguer, quant au crime d'insubordination, entre deux faits que la loi commune elle-même confond dans la même peine, comme présentant le même degré de culpabilité? L'insubordination n'existe-t-elle pas au plus haut degré dans le fait du militaire qui tire sur son chef sans l'atteindre, comme dans le fait du militaire qui tire sur son chef et le tue? L'in

té.

T. 11o de 1853.

dire de la mort, mais de la peine que la loi prononce contre le meurtre, c'est-à-dire des travaux forcés à perpétuité. Mais ce serait s'éloigner de plus en plus de l'esprit de la législation militaire.

Comment! la loi militaire frappera de la peine de mort le soldat qui aura poussé, frappé avec la main, son supérieur, sans même lui avoir fait la plus légère blessure, parce qu'il a, dans ce cas, méconnu le premier et le plus sacré des devoirs du soldat, celui de la subordination, et la même loi militaire ne comprendra pas dans sa prescription générale et absolue le fait militaire d'avoir tiré sur son chef sans l'atteindre, fait que la loi pénale ordinaire assimile au fait même de l'avoir tué! - Quoi! l'exemple d'insubordination, dont la loi militaire a voulu prévenir les funestes effets, par l'application de la peine la plus sévère, ne sera pas donné par le soldat qui tire sur son supérieur, tout aussi bien que par celui qui le frappe seulement avec la main? Mais ne serait-ce pas là propager dans l'armée cette funeste pensée, qu'il est, moins dangereux à un inférieur de tirer sur son supérieur, et même de le tuer, que de le frapper du coup le plus léger?

>> La Cour pèsera, dans sa haute sagesse, ces considérations, auxquelles la gravité de la ques. tion et notre respect même pour l'opinion que nous avions à combattre nous ont forcé de donner une étendue inaccoutumée; notre devoir a

été de les soumettre à sa souveraine appréciation. - Sous le mérite de ces considérations; vu la lettre de M. le garde des sceaux en date du 15 nov. 1851, les art. 15, tit. 8, de la loi du 21 brum. an V, 2 et 304 C. pén. ordinaire, 441 C. inst. crim., et toutes les pièces du dossier; nous requérons, pour le gouvernement, qu'il plaise à la Cour casser et annuler, tant dans l'intérêt de la loi que dans celui du condamné, le jugement dénoncé; renvoyer l'accusé et les pièces du procès devant tel conseil de guerre qu'il à la plaica Cour de désigner, etc. - Faitau parquet le 31 déc. 1851. - Le procureur général, >> Signé: Dupin. >>>

DU 10 JANVIER 1852, arrêt C. cass., ch. crim., MM. Laplagne-Barris prés., Vincens-Saint-Laurent rapp., Dupin proc. gén.

<<< LA COUR; - Attendu que le fait à raison duquel Bourdon a été traduit devant le deuxième conseil de guerre permanent de la troisième division militaire d'Algérie consistait à avoir volontairement tiré sur le sergent Guyon, sans l'atteindre, un coup de fusil chargé à balle; - Que le conseil de guerre, dans la question qu'il s'est posée, et qu'il a résolue affirmativement, a qualifié ce fait de voie de fait envers son supérieur; Que cette qualification est exacte; Qu'en effet, la loi militaire, dans l'art. 15, tit. 8, de la loi du 21 brum. an V, qui est destiné à régler les relations de l'inférieur 46

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:

242

JOURNAL DU PALAIS.

envers son supérieu ieur, prévoit deux sortes d'in-
subordination: l'insulte ou la menace par pro-
pos ou gestes, punie de cinq ans de fers, et la
voie de fait, punie de mort; que la généralité
de cette dernière expression comprend tous les
attentats envers la personne du supérieur; qu'il
est impossible d'admettre que, lorsque la loi
militaire, aire, dans sa juste sévérité, prononce la
peine capitale contre le moindre délit de coups,
que la loi commune ne punirait que d'une pei-
ne correctionnelle, elle n'ait pas entendu pro-
noncer la même peine contre la tentative carac-
térisée de meurtre, que la loi commune punit
des travaux forcés à perpétuité, - Attendu, en
conséquence, que le conseil de guerre, en con-
damnant Bourdon à la peine de mort, s'est con-
formé à la loi; - REJETTE, etc. >>>

CASSATION (16 mars 1852).

COMMUNE, RESPONSABILITÉ, RASSEMBLEMENT,
ÉTAT DE RÉVOLUTION.

Une commune ne peut se prétendre exonérée de
la responsabilité des dégâts commis sur son
territoire par des rassemblements composés
en partie de ses habitants, sous prétexte que
la municipalité avait été désorganisée par l'é-
tat de révolution dans lequel se trouvait le
pays entier, lorsqu'il est établi qu'elle n'était
pas tellement dépourvue d'agents de l'autorité
municipale qu'il lui fût impossible de faire
une démonstration pour empêcher les dévas-
tations (1).

fait qu'une

VILLE DE VAISE C. BOURGEOIS ET TOURNIER.
DU 16 MARS 1852, arrêt C. cass., ch. req., MM.
Pataille rapp., Chégaray, av. gén. (concl. conf.).
« LA COUR; - Attendu que l'arrêt attaqué,
après avoir déclaré constant en
troupe de malfaiteurs, composée en partie d'ha-
bitants de la ville de Vaise, avait dévasté et
pillé, dans la journée du 27 fév. 1848, les ate-
liers des défendeurs éventuels situés dans le ter-
ritoire de la ville de Vaise, a ajouté, aussi en
fait, que la commune n'était pas tellement dé-
pourvue d'agents de l'autorité manicipale qu'il
lui fût impossible de faire une démonstration
pour empêcher les dévastations commises sur
son territoire, et que, cependant, il n'était pas
même allégué qu'une telle démonstration ait été
faite sous la direction d'aucun fonctionnaire;-
Attendu qu'en prononçant, dans de telles cir-
constances, une condamnation en responsabilité
du dommage contre la ville de Vaise, l'arrêt at-

(1) V., dans ce sens, Orléans, 8 fév. 1839 (t. 2
1839, p. 572); Cass. 14 janv. 1852 (t. 1 1852, p.
656); Rendu, Tr. de la responsab. des communes,
nos 18 et 19. - Jugé même que la responsabilité
d'une commune relativement au pillage commis par
ses habitants ne cesse point par ce motif qu'à l'épo-
que du pillage elle se serait trouvée dans une
anarchie complète: Bruxelles, 15 juil. 1832. -

Toutefois, la Cour de cassation a jugé qu'il n'y avait
pas lieu d'appliquer la loi de l'an IV, soit lorsque les
lois étaient sans force et les magistrats sans autori-
té (arrêt du 25 juin 1822), soit lorsqu'il n'existait
aucune autorité investie de la force nécessaire pour
faire respecter les lois (arrêt du 5 déc. 1822), soit

taqué, loin de violer l'art. 1er du tit. 4 de la loi
du 10 vend. an IV, en a fait une juste applica-
tion; - REJETTE le pourvoi formé contre l'arrêt
de la Cour de Lyon du 2 avril 1851.>

CASSATION (12 juillet 1852).
COMMUNE, RESPONSABILITÉ, NON-

RASSEMBLEMENT.

Une commune qui n'a rien fait pour empêcher
ses habitants de prendre part au pillage com-
mis par des attroupements sur le territoire
d'une commune voisine est responsable envers
celle-ci, alors même qu'il ne serait pas con-
staté que le départ de ses habitants aurait eu
lieu en état de rassemblement (2).

COMMUNE DE NIBELLE ET AUTRES
C. COMMUNE DE SURY-AUX-BOIS.

Ainsi jugé sur le pourvoi dirigé contre l'arrêt de la Cour d'Orléans du 14 août 1851 (V. t. 1 1852, p. 400).

DU 12 JUILLET 1852, arrêt C. cass., ch. req., M. Jaubert rapp.

« LA COUR; -Sur le premier moyen, tiré de la violation et de la fausse application de l'art. 3 de la loi du 10 vend. an IV, en ce que l'arrêt attaqué aurait condamné les communes demanderesses, comme responsablesdes faits de leurs habitants, sans constater que ceux de ces habitants qui auraient pris part au pillage seraient partis en état de rassemblement des territoires de leurs communes respectives: -Attendu que l'arrêt attaqué constate en fait qu'un grand nombre d'habitants des communes demanderesses ont pris part aux scènes de pillage dont la réparation était poursuivie; que ces communes n'ont pas fait tout ce qu'elles pouvaient faire pour empêcher le pillage, ou pour empècher leurs habitants d'y prendre part; qu'en admettant, dans ces circonstances, contre celles-ci, l'action en garantie de la commune de Sury-auxBois, directement actionnée par les parties lésées, la Cour d'Orléans, loin de violer l'art. 3 de la loi du 10 vend. an IV, en a fait au contraire une juste application; - REJETTE. D

CASSATION (27 mai 1852).

COUR D'ASSISES, PRÉSIDENT, NOMINATION,

REMPLACEMENT.

L'art. 16 de la loi du 20 avril 1810, qui altribue au ministre de la justice, et, à son défaut, au premier président de la Cour impériale, le droit de nommer le président des assises, s'ap

plique aussi bien lorsqu'il s'agit de pourvoir

enfin lorsque le pouvoir municipal avait été paralysé dans son action (arrêt du 11 mai 1836).-V.Rendu, op. cit., nos 20 et 35; - Rép. gen. Journ. Pal., vo Commune, nos 1543 et suiv. - V. aussi, sur la responsabilité des communes, Cass. 12 juil. 1852 (qui suit), et le renvoi.

(2) V., dans ce sens, Orléans, 14 août 1851 (t.1 1852, p. 400). C'est l'arrêt contre lequel le pourvoi était dirigé. - V., aussi, sur la responsabilité des communes, Orléans, 30 juin 1849 (t. 1 1853, P. 397); Cass., 14 janv. et 17 fév. 1852 (1. 11852, p. 656 et 661), 16 mars 1852 (qui précède); - Rép. gén. Journ. Pal., vo Commune, nos 1484 et suir.

i

au remplacement du président déjà désigné, que dans le cas d'une première nomination; il n'y a lieu de recourir au mode de remplacement du président empéché, prescrit par l'art. 263 C. inst. crim., que lorsqu'iln'y a pas été pourvu par le ministre ou le premier président (1). C. inst. crim. 253; Déc. 6 juil. 1810, art. 79 et 81.

Il en est ainsi alors même que la notification aux jurés, en exécution de l'art. 389 C.inst.crim., aurait été déjà effectuée.

RISCH.

DU 27 MAI 1852, arrêt C. cass., ch. crim., MM. Laplagne-Barris prés., Faustin-Hélie rapp., Raynal av. gén.

<< LA COUR; - Sur le moyen pris de la violation de l'art. 263 C. inst. crim. et de l'art. 16 de la loi du 20 avril 1810, en ce que le président des assises du Bas-Rhin aurait été illégalement délégué: - Attendu qu'aux termes des art. 252 et 253 C. inst. crim., les Cours d'assises sont présidées par un conseiller de la Cour d'appel délégué à cet effet; - Que l'art. 16 de la loi du 20 avril 1810, en attribuant au premier président le droit de faire cette délégation, a attribué en même temps au ministre de la justice la faculté d'exercer le même droit dans tous les cas;-Que cette double attribution, n'ayant reçu aucune restriction de la loi, peut s'appliquer, soit au cas d'une première nomination, soit au cas du remplacement pour cause d'empêchement du magistrat nommé; qu'il n'y a lieu dès lors de recourir au mode de remplacement prescrit par l'art. 263 C. inst. crim., dans le cas qu'il a prévu, que lorsqu'il n'y a pas été pourvu par le ministre ou le premier président; -Que dans le cas de remplacement, comme dans le cas de première nomination, le droit du ministre et le droit du premier président, demeurant dans les mêmes termes, doivent s'exercer dans l'ordre qui a été fixé, dans ce dernier cas, par la loi; - Que l'art. 79 du décret du 6 juil. 1810 dispose que le premier président ne doit procéder à la délégation du président des assises qu'autant que le ministre n'a pas fait lui-même cette délégation pendant la durée de l'assise du précédent trimestre;-Que, par suite du même principe, le premier président ne peut procéder au remplacement du président des assises empêché qu'autant que le ministre neprocède paslui-même à ce remplacement; que son droit, qui, dans le cas d'une première nomination, est subordonné à celui du ministre, ne doit pas, dans le cas d'un remplacement, faire obstacle à ce dernier;-Que, si

(1) V. conf. Cass. 10 avril 1847 (t. 21849, p. 332). V. aussi Rép. gen. Journ. Pal., vo Cour d'assises, nos 86 et suiv., 106 et suiv.

l'art. 81 du décret lui délègue le droit de nommer immédiatement le président de l'assise extraordinaire au cas d'empêchement du président de l'assise ordinaire, cette disposition, spéciale pour ce seul cas, est une exception au droit général du ministre, qui doit être restreinte dans ses termes; -Et attendu, en fait, que, par ordonnance du 6 oct. 1851, le ministre de la justice a désigné M. le conseiller Schultz pour présider les assises du premier trimestre de 1852 dans le département du Bas-Rhin; que ce magistrat a fait connaître au premier président, le 23 février, et lorsque la notification faite aux jurés en exécution de l'art. 389 C. inst. crim. avait eu lieu, qu'à raison d'une indisposition grave il se trouvait empêché de remplir ses fonctions; que le premier président, par une ordonnance du 24 du même mois, a nommé M. le conseiller Villemann en remplacement de M. Schultz; mais que, par une autre ordonnance du 25, le ministre, informé de l'empêchement, a luimême procédé au remplacement, et a désigné M. le conseiller Mégeard pour présider les mêmes assises; - Que cette dernière ordonnance a été prise par le ministre dans les limites légales de ses attributions; qu'elle a donc dû recevoir son exécution; que la validité de la nomination faite par le premier président était nécessairement subordonnée à l'exercice que ferait le ministre d'un droit dont il pouvait user dans tous les cas; que par le seul fait de l'usage qu'il en a fait, l'ordonnance du premier président, qui d'ailleurs n'avait pas encore été publiée, a dû être considérée comme non avenue; que M. le conseiller Mégeard a donc été légalement investi de la présidence des assises; - REJETTz, etc. >>>

CASSATION (1er jula 1853). COMMUNAUTÉ, SOCIÉTÉ D'ACQUÊTS, CONTRAT DE MARIAGE, INTERPRÉTATION.

Est à l'abri de toute critique l'arrét qui, en reconnaissant qu'à défaut de stipulation expresse, l'intention de n'établir qu'une société d'acquéts peut résulter de l'ensemble des stipulations matrimoniales, décide, en se fondant sur le rapprochement et la combinaison des clauses du contrat de mariage, notamment sur ce que le mobilier présent et futur du mari n'a pas été exclu de la communauté, et sur ce que celui de la femme ne l'a été qu'en partie par l'effet d'une clause de réalisation, que les époux n'ont pas entendu réduire aux acquets la communauté qu'ils avaient adoptée pour base de leur association (2).

et exclusive comme celle-ci: « Il n'y aura entre les époux qu'une communauté d'acquêts. » V., dans le sens de la décision actuelle, Pont, Revue crit. de la jurisp., t. 3, p. 140; Pont et Rodière, Tr. du contr. de mar., t. 2, no 17; Troplong, Comment. du contr. de mar., sur les art. 1498-1499, t. 3, no 1855; Odier, Tr. du contr. de mar., t. 2, no 683; Duranton, Cours de dr. franc., t. 15, no 9; Marcadé, Ezplic. C. Nap., sur l'art. 1499, no 1er; Duvergier sur Toullier, Dr. civ., t. 13, note a sur le n° 317; Zafice, par

(2) Cette décision reconnaît, en principe, qu'il
n'y a pas de formule sacramentelle pour opérer la
réduction d'une communauté en une société d'ac-
quêts, et par là elle condamne une fois de plus la
doctrine si manifestement exagérée de Merlin (Rep.,
vo Réalisation, § 1er, no 2), et de Toullier (Dr. civ.,
t. 13, no 317), d'après lesquels la communauté d'ac-
quêts ne saurait résulter que d'une formule négative | chariæ, Dr. civ., § 522, et note 2; Taulier, Théor.

Lorsque, sous le régime de la communauté légale, | ment du tribunal de Rouen. La liquidation de la

les époux ont stipulé que la totalité de la communauté appartiendrait au survivant, la communauté doit, dans le cas elle vient à se dissoudre par l'effet d'une séparation de corps et de biens prononcée entre les époux, se partager par moitié comme si la clause n'existait pas, un tel partage laissant intact le droit de reprise d'apports à exercer, aux termes del'art. 1525, par les héritiers de l'époux qui prédécédera (1). Et l'on ne peut reprocher à l'arrêt qui le juge ainsi de n'avoir pas prescrit des mesures conservatoires à ce sujet, alors que ces mesures. n'ont pas été demandées (2).

PENNETIER C. PENNETIER.

Le sieur Pennetier, avoué, a contracté mariage, le 3 novembre 1835, avec la demoisel

le

le Chalon. Les deux fortunes, d'une nature
bien différente, étaient, celle du sieur Penne-
tier presque toute mobilière, et celle de la
demoiselle Chalon entièrement immobilière.
Néanmoins, le contrat passé entre les époux le
3 nov. 1835 réglait les conditions civiles de leur
mariage ainsi qu'il suit: Après avoir déclaré,
dans l'art. 1o, qu'ils adoptaient pour base
régime de la communauté tel qu'il est établi par
le Code Napoléon, sauf les modifications stipu-
lées dans les articles suivants, ils disposaient,
par l'art. 2, que les dettes et charges antérieu-
res au mariage seraient personnelles à chaque
époux et ne pourraient grever les biens ni
dans la communauté de l'autre époux. Par les
art. 3 et 4, chacun des époux indiquait
ports; l'art. 6 contenait, au profit de la future
épouse une clause d'emploi de ses capitaux
échus ou à échoir, ainsi que de remploi des im-
meubles aliénés durant le mariage. L'art. 7 dis-

,

Papart

ses ap

posait que les biens de la communauté appartiendraient au survivant des époux, qu'il y eût

ou non des enfants de leur mariage; enfin, par l'art. 9 les époux se donnaient mutuellement l'usufruit des biens meubles ou immeubles qui

existeraient au décès du prémourant, et ce sans être obligės de donner caution; et la donation était déclarée réductible en cas de survenance d'enfant.

Après quinze années d'union, les époux fu

rent séparés de corps et de biens par un juge

du C. civ., t. 5, p. 174; Glandaz, Encyclop. de dr., ReCommun. conjug., ne 383; Rolland de Villargues,

Rép. du not., Communauté de biens entre

449. V. aussi Cass., 16 déc. 1840 (t. 2 1840, р. 781). Toutefois, suivant MM. Pont et Rodière (Tr. du contr. de mar., t. 2, no 16), et Marcadé (loc. cit.), la communauté d'acquêts ne doit être reconnue

que lorsqu'elle a été formellement expriméc. - V. Rép. (1) V., en ce sens, Pont et Rodière, Tr. du contr. de mar., t. 2, nos 298 et 339 - V. Rép. gén. Journ. Pal., vo Communauté, nos 1735, 1744 et suiv.

gén. Journ. Pal., vo Communauté, nos 1369 et suiv.

(2) Des mesures conservatoires sont prescrites, en certains cas, pour le préciput conventionnel (art. 1518). Mais elles ne doivent pas être étendues d'ofou aux autres pactes de partage Tout juge, au cas de forfait denganmunauté, plus y aurait-il lieu d'examiner si elles sont applicables dans le casoù elles seraient demandées par Ja partie intéressée.

communauté eut lieu, et le partage allait s'ensuivre, lorsque survint une difficulté à l'occasion des reprises à exercer par les époux. La dame Pennetier avait exercé les siennes, et le sieur Pennetier se disposait à faire de même; mais la dame Pennetier s'y opposa et soutint qu'aux termes du contrat de mariage, tous les apports de son mari étaient entrés dans la communauté; elle se fondait notamment sur les termes de l'art. 6, qui contenait une clause d'emploi de ses propres à elle, tandis qu'il gardait le silence sur les propres de son mari.

Cette prétention fut écartée par le tribunal civil de Rouen, qui, en se fondant, soit surla grande disproportion qui existait entre la fortune mobilière des époux, soit sur cette idée que le mariage avait été contracté en Normandie, pays de dotalité, où la communauté est peu usitée, et où par conséquent les époux qui l'adoptent comme base de leur union sont censés plutôt en restreindre qu'en étendre les effets, soit enlin sur diverses clauses du contrat de mariage, déclara que le contrat avait établi entre les parties une communauté réduite aux acquêts, quoique elles n'eussent pas employé les expressions consacrées par l'usage pour l'adoption de cette restriction au régime de la communauté légale. Sur l'appel de la dame Pennetier, le 2 déc. 1852, arrêt de la Cour de Rouen ainsi conçu : <<Attendu que, par l'art. 1er de leur contrat de

mariage, les époux Pennetier ont déclaré adop

ter pour base de leurs conventions matrimoniales le régime de la communauté tel qu'il est établi par le Code Napoléon, sauf les modifications qui se trouvent stipulées dans les articles suivants; Attendu que l'art. 1o de ces conventions indique tout d'abord d'une ma

nière générale quelle doit être l'économie du contrat; que la communauté légale modifiée est

le régime que les contractants entendent adop

activement, entre autres choses, de tout le moter; - Attendu que la communauté se compose bilier que les époux possèdent au jour de la célébration du mariage (art. 1401); - Attendu que, d'après l'art. 3 du contrat, les apports de Pennetier, à l'exception d'un immeuble situé au biens meubles, tous ses biens, moins l'immeumont Saint-Aignan, ne se composant que de

-At

ble, sont entrés dans la communauté ;
tendu qu'à la différence des biens de son mari,
dans lesquels il ne se trouvait qu'un immeuble
au moment du mariage, les apports de la dame
Pennetier, quoique moins importants, en com-
prenaient plusieurs; mais que cela est évidem-
ment sans influence quant au point de savoir
quel est le régime choisi par les époux; que
cette autre circonstance, que le chiffre des ap-
ports de la dame Pennetier était subordonné au
résultat d'un compte de tutelle, n'implique pas
davantage l'adoption de la communauté réduite
aux acquêts, puisqu'il n'y a dans ce fait rien
d'inconciliable avec la communauté légale: -
Attendu qu'il en est de même de l'art. 6, qui
impose à Pennetier l'obligation de faire emploi
decertains capitaux apportés en dot par la dame
Pennetier; que la seule chose qui en résulte

1

C'est la différence de position faite aux époux, mais que, pour y voir la preuve qu'ils ont voulu établir une société d'acquêts, il faudrait que cet article fût en opposition avec la communauté légale, tandis qu'il n'y apporte qu'une simple modification; - Attendu que, si l'art. 2 du contrat met à la charge de chaque époux les dettes antérieures au mariage, lorsque, cessant cette stipulation, elles fussent entrées dans le passif de la communauté légale, conformément à l'art. 1409 C. Nap., il est évident qu'on ne rencontre ici qu'une simple modification de cette communauté; que cela est si vrai que l'on trouve fréquemment une pareille stipulation dans les contrats où les époux reconnaissent avoir fait choix de ce régime; - Attendu qu'il est à remarquer que par les art. 7 et 9 de leur contrat de mariage les époux avaient eu le soin, en assurant au survivant des avantages importants, d'atténuerles conséquences de l'inégalité des apports;

fié, restreint la communauté légale par eux adoptée; mais qu'aucune clause de leur contrat n'est inconciliable avec ce régime; que, sans doute, le droit d'interprétation qui appartient aux tribunaux leur permet d'induire une communauté réduite aux acquêts de l'ensemble des stipulations matrimoniales; mais qu'ils n'ont pas le pouvoir de refaire les conventions des parties et de décider qu'elles ont voulu être régies par les règles relatitives à la société d'acquêts, lors. que la volonté d'adopter la communauté légale, sauf des modifications, selon l'expression du contrat, se trouve formellement et nettement exprimée; Par ces motifs, émendant, juge que les apports mobiliers de Pennetier, y compris son office d'avoué, sont entrés dans la communauté et doivent faire l'objet du partage pour être attribué par moitié à chacun des époux. >>>

Pourvoi en cassation par le sieur Pennetier pour 1o violation des art. 1156, 1157, 1161, 1401 1474, 1497, 1498 et 1528 C. Nap., et de l'art. 7 du contrat de mariage des époux Pennetier, en ce que la Cour de Rouen a déclaré que les stipulations dudit contrat ne pouvaient constituer une société d'acquêts, ou tout au moins un droit de reprise des apports pour le demandeur, parce que lesdites stipulations ne sont pas incompatibles avec ce régime et les principes de la communauté légale; - 2o violation de l'art. 1525 C. Nap. et des articles précités, en ce que, même en admettant que le régime adopté par les époux Pennetier fût celui de la communauté légale, la Cour de Rouen a décidé que le partage des apports du demandeur serait fait par moitié entre les époux.

Du 1er JUIN 1853, arrêt C. cass., ch. req., MM. Mesnard prés., Leroux de Bretagne rapp., Sévin av. gén., Frignet av.

Qu'en effet, d'après l'art. 7, les biens composant la communauté doivent appartenir au survivant des époux, qu'il y ait ou non des enfants de leur mariage; Que par l'art. 9 ils se donnent mutuellement la jouissance pendant la vie du survivant, de tous les biens meubles et immeubles qui appartiendront au prémourantau jour de son décès, en réduisant toutefois cette donation de la moitié en cas de survenance d'enfants; Attendu que par cette stipulation l'on voit que, si Pennetier n'a pas prévu la dissolution de la communauté comme conséquence d'une séparation de corps, du moins, en cas de mort, les avantages stipulés en faveur de l'époux survivant étaient les mêmes; Attendu que l'on ❘ soutiendrait vainement que les prétentions de madame Pennetier ne peuvent se concilier avec les termes de l'art. 9 du contrat, en ce que, dans l'hypothèse du prédécès de Pennetier, cet article n'aurait pu recevoir d'application relativement à la donation des biens meubles; - Attendu, en effet, que la donation faite par Pennetier, en ce qui concerne les biens, aurait pu produire un résultat utile pour la dame Pennetier, d'abord dans un des cas prévus par le § 1er de l'art. 1401 C. Nap., puisque, d'après cet article, le mobilier provenant de la donation ne fait pas partie de l'actif de la communauté lorsqu'elle est la condition de la donation, et que, par suite, si Pennetier eût possédé des biens meubles à un pareil titre, ils auraient été compris dans la donation résultant du contrat; Attendu ensuite qu'un autre événement pouvait encore arriver qui aurait offert le même résultat quant aux apports et capitaux tombés dans la communauté; qu'en effet, si l'art. 1525 permet aux époux de stipuler que la totalité de la communauté appartiendra au survivant, ce n'est qu'à la condition que les héritiers de l'autre époux pourront reprendre les apports et capitaux tombés dans la communauté du chef de leur auteur; que par suite encore ces apports et capitaux retirés de la communauté seraient entrés dans la donation; qu'il est donc évident que du chef de Pennetier la donation aurait pu n'être pas illusoire; Attendu qu'il suit de tout ce qui précède que les époux Pennetier ont modi- | dant cet événement la communauté dissoute par

« LA COUR; - Sur les deux branches du moyen de cassation pris de la violation des art. 1401, 1474 et 1525 C. Nap.: Attendu que l'arrêt attaqué reconnaît qu'à défaut de stipulation expresse, l'intention de n'établir qu'une société d'acquêts peut résulter de l'ensemble des stipulations matrimoniales; que, pour décider que les époux Pennetier n'ont pas entendu réduire aux acquêts la communauté qu'ils avaient adoptée pour base de leur association, il se fonde sur le rapprochement et la combinaison des diverses clauses de leur contrat de mariage, notamment sur ce que le mobilier présent et futur du mari n'a pas été exclu de leur communauté, et sur ce que celui de la femme ne l'a été qu'en partie par l'effet d'une clause de réalisation; qu'une telle décision est à l'abri de critique; - Attendu qu'en attribuant au survivant la propriété de la communauté, ce contrat de mariage n'a pas prévu le cas de séparation de corps et de biens; que, si, par l'effet de cette clause, les époux Pennetier sont censés, aux termes de l'art. 1525, avoir autorisé la reprise des apports tombés dans la communauté du chef du prémourant, c'est seulement au décès de ce dernier et en faveur de ses héritiers que cette reprise pourra avoir lieu; qu'en atten

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