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Bryon 1er prés., Lardière subst. proc. gén., Lucien Brun av.

<<< LA COUR - Attendu que l'obligation où sont les notaires de prêter leur ministère aux parties qui le requièrent ne peut aller jusqu'à leur interdire la faculté de le refuser lorsqu'il aurait pour objet de consacrer un acte illicite on illégal, ou même lorsque le notaire ne pourrait intervenir dans l'acte qui lui serait demandé qu'en compromettant la dignité de son caractère ou la gravité de ses fonctions; - Attendu, dans l'espèce, qu'il résulte de l'instruction et des débats que le notaire D..., appelé de sa résidence C..., arrondissement de Gex, département de l'Ain, à se rendre sur la frontière de la Suisse afin d'y rédiger une procuration, a su qu'il s'agissait d'un réfugié politique français, compromis dans la procédure instruite en France contre les auteurs du complot dit le complot de Lyon; que, n'en eût-il pas été instruit d'avance, tout ce qui s'est passé alors autour de lui a dû nécessairement lui révéler cette circonstance; - Que, ne connaissant pas le sieur de Saint-Prix, qu'il n'avait jamais vu, pour lequel l'individu qui l'avait appelé se présentait et au nom duquel il s'agissait de dresser une procuration, le notaire devait, aux termes de l'art. 11 de la loi du 25 vent. an XI, et suivant les conditions qui y sont exigées, certifier son individualité; - Que, pour obtenir la certitude qui lui manquait sur ce point, il s'est transporté, accompagné de cet individu, à Chancy, commune située sur le canton de Genève, et qui se trouve séparée de la France par le Rhône, y a pris, d'un autre réfugié français, des renseignements qui lui ont paru suffisants pour la tâche qu'il avait à remplir, et est revenu ensuite dans la commune de Pougny, située en France et dans le canton de sa résidence, et y a rédigé, sans autre formalité, la procuration que le sieur de Saint-Prix réclamait de son ministère; - Mais que, dans ce double trajet de France en Suisse et de Suisse en France, tout ne s'est pas passé sans éclat et sans bruit; qu'en ce moment les obsèques d'un réfugié français avaient réuni à Chancy un assez grand nombre de réfugiés; qu'un banquet y avait lieu à cette occasion; que dix à douze réfugiés accompagnaient mème le notaire et le sieur de Saint-Prix à leur retour en France, et qu'une partie s'arrêta devant la maison où se fit la rédaction de la procuration, et fit le guet pendant qu'on y procédait ; - Attendu que la conduite tenue alors par le notaire D... n'est évidemment pas celle d'un notaire qui aurait eu un juste sentiment de ses devoirs et de la dignité de ses fonctions; - Que, s'il était autorisé par la loi à prêter son ministère, sur France et dans l'enclave de sa résidence, même à un réfugié politique français contre lequel aucune espèce d'interdiction n'existait, il ne l'était nullement d'aller lui-même, à l'étranger, à la recherche des renseignements qui lui manquaient sur l'individualité de ce réfugié; Qu'en se livrant aux démarches qu'il a faites, il y a eu, de sa part, d'abord oubli complet des prescriptions de l'art. 11 de la loi du 25 vent.

an XI, qui exigent que, lorsque la partie qui se présente au notaire n'en est pas connue, ce fonetionnaire s'en fasse certifier l'individualité dans l'acte même qu'il rédige par deux témoins citoyens français, sachant signer et domiciliés dans l'arrondissement; et ensuite abaissement de ses fonctions et de la gravité de son caractère, puisqu'il devenait par la l'agent personnel et le faiseur d'affaires de la partie, pour des soins qui la concernaient uniquement; - Attendu, d'ailleurs, que, si les autres faits de la cause n'incriminent pas d'une manière plus grave sa manière de procéder en cette circonstance, ils attestent, du moins, que ce notaire a agi, dans toute cette affaire, avec une légèreté et une imprudence répréhensibles; - Attendu, dès lors, qu'il a justement encouru l'une des peines disciplinaires édictées par l'art. 14 de l'ordonnance des 4-12 janv. 1843, et que les tribunaux, compétents pour lui appliquer, en vertu de l'art. 53 de la loi du 25 vent. an XI, des peines plus graves, le sont évidemment pour lui appliquer une peine moindre; - Par ces motifs, A MIS et MET le jugement dont est appel au néant; émendant et faisant ce que les premiers juges auraient dû faire, INFLIGE au notaire D... la peine disciplinaire de la censure simple, etc. »

BORDEAUX (21) juillet 1851).

ENQUÊTE, TÉMOIN, REPROCHE, CERTIFICAT. On ne doit pas considérer comme constituant un certificat sur les faits du procès, et, dès lors, comme pouvant donner matière à reproche contre un témoin, lalettre missive écrite spontanément par ce témoin à la partie pour lui faire connaître les faits dont il a gardé le souvenir (1). C. proc. civ. 283.

(1) La loi ne détermine pas les caractères et la forme que doivent présenter les certificats donnés par les témoins pour que ces témoins puissent être reprochés. Dès lors, il semble qu'elle s'en rapporte à la sagesse des juges pour l'appréciation des écrits auxquels on peut attribuer ces caractères et qui peuvent servir de fondement aux reproches. C'est ce que faisait remarquer M. le rapporteur lors d'un arrêt de la Cour de cassation du 12 déc. 1831, et les termes de cet arrêt confirment cette doctrine. Dans l'espèce, il s'agissait également de lettres écrites par un des témoins aux parties sur les faits du procès; la Cour a pensé que les juges avaient pu considérer ces lettres comme ayant le caractère de certificats. Toutefois, Toullier (Dr. civ., t. 9, no 307), pose en principe que, pour pouvoir fonder un moyen de reproche, l'écrit qu'on présente comme certificat doit avoir pour objet de s'assurer de la déposition des témoins, et qu'il doit être délivré volontairement à la partie qui en fait usage. Tel est aussi l'avis de MM. Carré et Chauveau, Lois de la proc. civ., t. 3, quest. 1110; Thomine-Desmazures, Comment.C.proc., no 333; Bioche, Dict. de proc., vo Enquête, no 351; et Coffinière, Journ. des avoués, 1811, p. 343. - Par suite, ces auteurs décident qu'on ne devrait pas considérer comme un certificat ou moyen de reproche suffisant la réponse faite par un témoin à une lettre où on lui demandait s'il avait cu connaissance des faits. Jugé aussi qu'une partie est non recevable à reprocher un témoin pour avoir donné des certificats sur les faits du procès, alors que lesdits certi

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« LA COUR; Sur le reproche proposé contre la dame Witfooth, veuve Noël: Attendu qu'on ne doit considérer comme un certificat, dans le sens de l'art. 283 C. proc. civ., que la dé claration ou attestation obtenue par une partie en vue d'en faire usage; qu'on ne peut donner cette qualification à une simple lettre-missive écrite spontanément par le témoin à la partie pour Jui faire connaître les faits dont il a gardé le sou

venir; qu'une telle lettre n'a point le caractère d'affirmation, de certificat, qui rend plus difficile le retour de celui qui l'a fourni à la vérité, lorsqu'il s'en est écarté par erreur ou par complaisance; Qu'une partie ne peut d'ailleurs être privée, sans son fait, du droit de faire entendre un témoin dont la déposition peut être pour elle d'une grande importance; - Qu'ainsi le reproche a été avec raison écarté par les premiers juges; - Au fond (il s'agissait de savoir si une testatrice était saine d'esprit); Par ces mo

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Le 17 mars 1852, jugement du tribunal civil de Beaupreau qui admet la fin de non-recevoir

dans les termes suivants :

<<« Le tribunal; -Attendu qu'il s'agit au procès de la revendication d'une somme équivalente à plus du vingtième du prix de l'immeuble saisi sur la famille Subileau, et acheté par Le

peau, suivant jugements d'adjudication rendus à ce tribunal les 13 nov. 1850 et 16 janvier suivant, enregistrés; Attendu que, sans examiner si, en droit, la vente par autorité de justice peut soustraire l'acquéreur à l'obligation, certaine en tout autre cas, de payer l'excédant de mesure indiquée au contrat, sous faculté de se désister de la vente...; - Mais con

pothécaire sur le reproche

Witfooth, veuve Noël,

tifs, statuant préalablement
prealablement
dirigé contre Elisabeth Witfo
DIT que le tribunal a bien jugé en écar-
tant le reproche. >>>

ANGERS (25 août 1852).

CRÉANCIER, DROITS DU DÉBITEUR, SUBROGATION,
MISE EN CAUSE, SAISIE IMMOBILIÈRE, EXCÉ-
DANT DE CONTENANCE, SUPPLÉMENT DE PRIX.

Le créancier qui veut exercer les droits et actions.
de son débiteur en vertu de l'art. 1166 C.
Nap. n'est tenu ni de mettre celui-ci en cause,
ni de faire préalablement prononcer sa sub-
rogation à ses droits (1).

L'ari. 1619 C. Nap., qui accorde au vendeur une action en supplément de prix pour excès de contenance, s'applique aux ventes forcées comme aux ventes volontaires (2). C. Nap. 1649, 1684.

MALINGE C. LEPEAU.

En 1850 et 1851 le sieur Lepeau se rendit adjudicataire, moyennant le prix de 7,680 fr., de divers immeubles saisis sur le sieur Subileau. Plus tard, le sieur Melinge, cessionnaire de l'un des créanciers inscrits, prétendant que la contenance réelle des immeubles excédait de plus d'un vingtième celle indiquée au cahier des charges, forma, dans les termes de l'art. 1619 C. Nap., une demande en supplément de prix, en raison de l'excédant de conte

nance.

L'adjudicataire répondait 1o par une fin de

ficats n'ont été donnés que sur la provocation de
cette partie et dans le but d'arriver a une transac-
tion: Paris, 2 mars 1846 (t. 1 1846, p. 487). - V.
Rep. gen. Journ. Pal., vo Enquête, nos 718 et suiv.
(1) V. conf. Cass. 23 janv. 1849 (t. 1 1849, p.
230); Douai, 23 août 1850 (t. 2 1851, p. 661);
Cass. 2 juil. 1851 (t. 21852, p. 257).

sidérant que la qualité du demandeur en cause est avant tout mise en question; qu'il se présente en cause au double titre de créancier hyet de créancier exerçant les droits de son débiteur; Attendu que la première de ces qualités est évidemment sans application dans l'affaire, n'y ayant place pour le créancier qu'autant que le gage de la créance est incontestablement dans la main de son débiteur, ce qui, évidemment, n'est pas quant à présent;

Que la deuxième qualité, celle de créancier exerçant le droit de son débiteur, ne peut se comprendre et s'exercer qu'avec le concours et la présence en cause de ce dernier; - Qu'il est sensible, en effet, que, la chose revendiquée ne pouvant éventuellement rentrer que dans la main du propriétaire, elle resterait flottante et sans maître, faute de trouver en la cause à qui s'attacher; - Que, de plus, le sort de la chose, sans le concours et la présence du propriétaire, pourrait être irréparablement compromis, in. convénients qui tous motivent la sagesse de la maxime de droit qui n'admet personne à plaider par procureur, position cependant que le demandeur a prise dans l'affaire; Par ces motifs, déclare ledit demandeur non recevable

en sa demande. >>>
Appel.

Du 25 AOUT 1852, arrêt C. Angers, ch. civ., MH. de Beauregard prés., Métivier 1r av. gen., Guitton ainé et Bellanger père av.

<< LA COUR; Considérant que l'art. 1164 C. Nap. autorise les créanciers à exercer tous les droits de leur débiteur, à l'exception de ceux attachés à sa personne; qu'aucune disposition de la loi n'exige que, pour exercer cette facul

traire. V., à cet égard, le renvoi sous l'arrét précité de Douai, 23 août 1850. V. aussi Orléans, 3 juil. 1847 (t. 2 1847, p 495).

V. Rép. gen. Journ. Pal., v Créanciers, nos 109 et suiv. (2) V. conf. Nimes, 31 mars 1852 (t. 2 1832, p. 722), et le renvoi. - V. aussi Rep, gén. Journ. Pat.,

Mais la plupart des auteurs ont une opinion con- | vo Venic, nos 882 et suiv.

té, les créanciers mettent préalablement leur | débiteur en cause, ou fassent prononcer leur subrogation à ses droits;

>> Considérant que l'appelant a soutenu que les biens dont la famille Subileau a été expropriée ont été vendus comme ne contenant que 5 hectares 14 ares 17 centiares, tandis qu'en réalité, ils présentent une contenance de 7 hectares 50 ares, et demande à en faire preuve; -Considérant que, la loi ne faisant aucune exception pour les ventes par autorité de justice, les tribunaux ne peuvent y suppléer; - Que le Code Napoléon, ayant, par ses articles 1649 et 1684, posé une exception par rapport à la rescision pour vice rédhibitoire ou pour cause de lésion, a prouvé par là qu'il n'entendait pas étendre sur ce cas la même exception; Qu'il est de principe que l'erreur vicie les contrats; - Que la raison et l'équité veulent que ce principe s'applique aux ventes forcées comme aux ventes volontaires; INFIRME le jugement dont est appel, etc. >>>

PARIS (24 juillet 1852).

ANTICHRÈSE, EXPROPRIATION FORCÉE,
CRÉANCIERS HYPOTHECAIRES POSTÉRIEURS.

L'expropriation forcée ou dépossession de l'immeuble donné en antichrèse fait cesser les droits du créancier antichrésiste, même à l'égard des créanciers hypothécaires du vendeur postérieurs à l'antichrèse (1). C. Nap. 2091.

RIVOLET C. CHEVANCE.

Le sieur Chavoutier avait, le 9 janv. 1844, par acte sous seings privés enregistré, donné en antichrèse une maison à lui appartenant aux époux Rivolet, ses créanciers. Ce droit devait s'exercer au moyen d'un bail de la maison fait à ces derniers, et qui leur permettrait de se payer de leur créance sur les loyers. Eu 1850. une saisie immobilière fut pratiquée sur la maison dont il s'agit par un autre créancier du sieur Chavoutier, le sieur Chevance, qui avait deux hypothèques, l'une antérieure et l'autre postérieure à la constitution de l'antichrèse. Le sieur Chevance s'étant rendu adjudicataire de la maison, les époux Rivolet formèrent entre ses mains une saisie-arrêt des fruits immobilisés et du prix d'adjudication, prétendant qu'il devait subir l'exécution du contrat d'antichrèse, ou au moins affecter à leur paiement tout ce qui resterait du prix après le prélèvement de celle de ses créances pour sûreté de laquelle il avait acquis hypothèque antérieurement à la constitution de l'antichrèse.

Le 22 fév. 1851, jugement du tribunal de la

(1) Cette solution est contraire à celle qu'a consacrée un arrêt récent de la Cour suprême. V. Cass. 31 mars 1851 (t. 2 1831, p. 5 et suiv.), et, dans la note qui accompagne cet arrêt, l'analyse des éléments de doctrine et de jurisprudence sur cette question vivement controversée, ainsi que nos observations sur les difficultés qu'elle fait naître. - Adde, dans le sens de la décision de la Cour de cassation, Caen, 12 fév. 1853 (qui suit). - V. aussi Rep. gen. Journ. Pal., Antichrese, nos 115 et suiv.

Seine qui repousse les prétentions des époux Rivolet en ces termes :

<<< Attendu que les époux Rivolet, en prenant la maison à bail, ont entendu prendre un gage pour assurer le recouvrement de leur créance au moyen de la perception des loyers, et stipulé un contrat d'antichrèse dont l'exécution était forcément subordonnée à la condition que Chavoutier demeurerait propriétaire de l'immeuble soumis à ce contrat; - Attendu qu'aux termes de l'art. 2091 C. civ., l'antichrèse ne peut nuire aux droits des créanciers hypothécaires inscrits, soit antérieurement, soit postérieurement à sa date, parce qu'il constitue un privilége sur les fruits, et non sur le fonds de l'immeuble; que les droits de l'antichrésiste cessent de plein droit du jour où, par suite d'une expropriation forcée ou d'une dépossession, les créanciers hypothécaires se trouvent avoir un droit de préférence à tous autres à exercer sur le fonds et les fruits immobilisés de l'immeuble; que Chavoutier, comme créancier inscrit sur lequel les fonds manquent, a droit et intérêt de demander mainlevée de l'opposition frappant la somme, faisant partie de son prix, déposée par lui à la caisse des dépôts et consignations, etc. >>>

Appel par les époux Rivolet.

On a sontenu pour eux, en résumé, que l'antichrèse impliquait au profit de l'antichrésiste une aliénation de jouissance qui était opposable aux tiers, et dont l'antichrésiste ne pouvait être frustré par un fait ultérieur du débiteur; que, ce débiteur devant au moins, sans conteste, respecter l'aliénation de jouissance qu'il avait consentie, il ne pouvait transférer à autrui plus de droits qu'il n'en avait lui-même; que la sûreté résultant de l'antichrèse serait illusoire s'il pouvait ainsi dépendre du débiteur de nuire au créancier antichrésiste, en consentant postérieurement des hypothèques au profit d'autres créanciers. On ajoutait, d'une part, que l'acquéreur, en matière de bail, était tenu de respecter les droits du fermier (V.C. Nap., art. 1743), et que l'antichrésiste ne pouvait se trouver, à cet égard, dans une position plus défavorable qu'un simple fermier; d'autre part, que la nécessité d'un écrit pour l'antichrèse ne se comprendrait pas, si les effets de cette aliénation de jouissance ne pouvaient pas être opposés aux tiers.

DU 24 JUILLET 1852, arrêt C. Paris, 4 ch., MM. Rigal prés., Quétand et Landrin av.

« LA COUR; - En ce qui touche les conclusions des époux Rivolet tendant à faire payer à Chevance ce qui peut leurresterdû, ou au moins à avoir le droit de toucher à la caisse des dépôts et consignations la somme que Chevance y a déposée sur son prix : - Considérant que cette double prétention est fondée sur la distinction entre les hypothèques antérieures au contrat d'antichrèse et les hypothèques postérieures, et sur le fait que Chevance, compensant avec son prix une première créance hypothécaire par lui înscrite avant le contrat d'antichrèse dont s'agit, aurait et au delà de quoi satisfaire les

Consi

vente à réméré est valable, même à l'égard des
tiers; il suffit que les parties qui ont cru de-
voir employer ce déguisement aient accompli
les formalités prescrites pour la validité du
contrat de vente lui-même (2).

Ilen est ainsi surtout lorsque, le prétendu acqué-
reur étant entré immédiatement en possession
et jouissance du bien vendu, et n'en ayant
laissé la détention matérielle aux vendeurs
qu'à titre précaire, comme simples fermiers,
ne possédant que pour lui, les tiers se trou-
vent avoir été mieux avertis par cet acte de
vente, qui a même été transcrit, qu'ils n'au-
raient pu l'être par un simple acte d'antichré-
se et une simple possession qui aurait pu éga-
lement n'être exercée que par un fermier (3).
C. Nap. 2085 et 2086.
Encore que les parties aient déclaré acheter et
vendre, la vilité du prix stipulé, la faculté
de réméré accordée aux prétendus vendeurs,
le bail à eux consenti moyennant des ferma-
ges représentant exactement l'intérêt au de-
nier cinq du prix de la vente, sont des cir-
constances dont on peut induire que les par-
ties n'ont pas entendu faire un contrat de
vente, mais plutôt un contrat d'antichre-
se (4).

époux Rivolet, s'il n'a pas le droit de compen- | Une antichrèse déguisée sous l'apparence d'une ser avec le surplus de son prix le montant d'un prêt hypothécaire qu'il a consenti et inscrit postérieurement à l'antichrèse; dérant que la distinction dont s'agit n'existe pas dans la loi; qu'elle est proscrite par les termes généraux de l'art. 2091 C. Nap., qui dispose, dans des termes formels, que les droits de l'antichrésiste ne prejudicient point aux droits que des tiers pourraient avoir sur le fonds de l'immeuble remis à titre d'antichrèse; - Qu'en décider autrement, c'est introduire dans la loi un privilége qui n'existe pas; que, pour créer ce privilége, il faut confondre l'antichrèse avec le gage, et transporter sous le chapitre de l'antichrèse l'art. 2073, placé sous le chapitre du gage, alors que le législateur, non seulement n'a pas reproduit cette disposition en parlant de l'antichrèse, mais encore y a introduit une disposition contraire; - Que le système hypothécaire répugne a aux conséquences des prétentions dont s'agit, puisque rien n'avertirait le prêteur hypothécaire de l'existence d'une antichrèse, qui doit sans doute ètre constatée par écrit, mais qui n'est révélée aux tiers par aucune voie de publicité; - Que l'antichrésiste, au contraire, est averti suffisamment; qu'il n'a qu'un droit mobilier qui doit céder devant un droit réel et immobilier; que la mauvaise foi et la connivence seules de l'emprunteur et du préteur agissant en fraude du contrat d'antichrèse pourraient rraient faire exception ces principes; Que celui qui a consenti une antichrèse ne s'est pas privé de l'exercice de son droit de propriété dans la plénitude que ce droit comporte, notamment du droit de conférer une hypothèque utile sur le fonds et ses accessoires; MET l'appellation au néant; ORDONNE que le jugement dont est appel sortira effet, etc. >>>

à

CAEN (12 février 1853). HYPOTHÈQUE, INSCRIPTION TARDIVE, JUGEMENT D'EXPÉDIENT, DROIT CONDITIONNEL, INDIVISIBILITÉ, ANTICHRÈSE DÉGUISÉE, VALIDITÉ, VENTE A RÉMÉRÉ, VILITÉ DU PRIX, RELOCATION, TRANSCRIPTION, - CRÉANCIER HYPOTHÉCAIRE POSTÉRIEUR, PRÉFÉRENCE, TRAN

SCRIPTION.

Le créancier dont le droit hypothécaire, par suite d'une inscription tardive, ne serait efficace qu'autant que l'annulation d'une vente consentie par le débiteur aurait pour résultat de faire rentrer l'immeuble dans le patrimoine

de ce dernier, ne peut diviser les dispositions

ditions.

d'un jugement d'expédient qui, du consentement du vendeur et de l'acquéreur, aurait prononcé cette annulation sous certaines conAinsi il ne peut étre admis à se prévaloir de la disposition qui déclare nulle la vente, et à se refuser à l'exécution de celle qui n'ordonne la mise en adjudication des biens que sous la condition que le prix en sera employé par préférence au paiement des sommes dues à l'acquéreur ou à ses héritiers (1).

Par suite, le seul défaut de paiement au terme convenu n'a pu avoir pour effet, comme il l'aurait en cas de vente, en vertu d'une clause de l'acte, de rendre le créancier propriétaire définitif de l'immeuble, l'art. 2088 6. Nap. n'admettant pas de telles clauses en matière d'antichrèse (5).

Le créancier dont l'hypothèque a été constituée postérieurement à la dation d'un immeuble en antichrèse ne peut étre payé sur le prix provenant de l'aliénation de cet immeuble qu'a

(2) V. conf. Bastia, 9 mai 1838 (t. 2 1838, p. 297), et d'autres arrêts cités infr., note 4. - V. aussi Rep. gén. Journ. Pal., vo Antichrèse, nos 16 et suiv.

(3) Le créancier antichrésiste peut faire recueillir les fruits de l'immeuble par un fermier: Troplong, Du nantissement, no 533. - V. aussi Rép. gén. Jouru. Pal., vo Antichrèse, no 60.

(4) V. notamment, comme exemples d'antichrèses dissimulées sous le voile de ventes à reméré avec relocation au vendeur, Cass. 31 janv. 1837 (t. fer 1837, p. 347); Bastia, 9 mai 1838 (t. 21838, p. 297); Bourbon, 7 mars 1846 (cité par M. Troplong, Du nantissement, no 528). V. aussi Rep. gen. Journ. Pal., vo Antichrèse, nos 16 et suiv. - Les tribunaux ont, au reste, un pouvoir discrétionnaire apprécier ici l'intention des parties, et décider. d'après les circonstances, si l'acte constitue une vente proprement dite ou un contrat d'impignoration. V. Rép. gen. Journ. Pal., vis Contrat pigacratif, no 29; Vente à réméré, no 14. - Adde Troplong, Da nantissement, no 531.

(5) Jugé, en ce sens, que, lorsqu'en fait il est reconnu qu'un acte sous le titre de vente à réméré ne

renferme, en réalité, qu'un contrat pignoratif, il ne peut attribuer aucun droit de propriété au prétendu acquéreur; et que la vente que celui-ci aurait faite de l'immeuble est nulle, même à l'égard du tiers qui l'aurait acheté avec connaissance que le contrat originaire était un simple contrat pignoratif: Douai,

(1) V. anal. Cass., 31 mars 1851 (L. 2 1851, p. 5). [25 juil. 1846 (t. 2 1846, p. 334).

près l'entier désintéressement de l'antichré-sant les dispositions de ce jugement, à se présiste (1). C. Nap. 2091.

It en est ainsi surtout alors que le créancier hypothécaire n'a pu être induit en erreur à raison de la transcription du contrat de vente sous la forme duquel a été établie l'antichrèse.

LAPEYRIÈRE C. HEUDIARD.

DE 12 FÉVRIER 1853, arrêt C. Caen, 2 ch., MM. Binard prés., Mourier av. gén., Bertault et Feuguerolles av.

<< LA COUR; -Considérant que, lors du jugement du 15 juill. 1849, Chambran et les époux Brière soutenaient que l'acte du 9 mai 1839 n'était pas, comme le prétendaient les époux Lapeyrière, un véritable contrat de vente ayant transmis à Bard, auteur de ces derniers, la propriété des immeubles qui en faisaient l'objet; qu'en conséquence, ils en proposaient la nullité; mais qu'en même temps ils demandaient acte de ce qu'ils consentaient, comme ils F'avaient toujours fait, à ce que la vente des dits immeubles fût faite avec leur concours et

sous condition de verser le prix entre les mains des héritiers Bard jusqu'à concurrence des sommes qui leur étaient légitimement dues, en principal, intérêts et frais, le surplus devant rester à leur profit; - Que, de leur côté, les époux Lapeyrière, tout en soutenant qu'ils étaient réellement propriétaires et qu'ils devaient être maintenus dans la jouissance des biens, soit à titre de propriété, soit au moins à titre d'antichrèse, demandaient acte aussi de ce qu'ils consentaient à ce que ces biens fussent mis en adjudication, conformément à la proposition de Chambran et des époux Brière, en y ajoutant, comme nouvelle condition, que le prix s'élèverait à un chiffre suffisant pour les désintéresser entièrement; - Que, sur ces soutiens et consentements respectifs, le tribunal déclara que l'acte du 9 mai 1839 ne conférait aucun droit de propriété aux héritiers Bard; qu'il en prononça, en conséquence, la nullité; qu'il rejeta, d'ailleurs, la nouvelle condition faite par lesdits he

ritiers Bard que le prix de vente fût au moins égal au montant des sommes à eux dues; mais que, du reste, en donnant acte aux parties des consentements par elles passés dans leurs conclusions, il ordonna que les biens seraient vendus aux enchères, avec le concours de Chambran et des époux Brière; puis que le prix serait versé entre les mains des héritiers Bard jusqu'à concurrence des sommes qui leur seraient légitimement dues en principal, intérêts et frais, le surplus, sil y en avait, devant rester au profit de Chambran et des époux Brière;

Que ce fut sur la foi de l'accomplissement de cette condition, qui fut formellement exprimée dans le cahier des charges, que les époux Lapeyrière acquiescèrent au jugement et consentirent à l'adjudication du 15 juil. 1849, et qu'il est impossible d'admettre Heudiard, en divi

(1) V. conf. Cass. 31 mars 1851 (t. 2 1831, p. 5), et la note. - Contr., Paris, 24 juil. 1852 (qui préV. Rép. gén. Journ. Pal., vo Antichrese, nos cède). 115 et suiv.

valoir de celle qui déclare nul l'acte du 9 mai 1839, et à se refuser à l'exécution de celle qui n'ordonne la vente des biens que parce que le prix en sera employé au paiement des sommes dues aux époux Lapeyrière;

>> Considérant que, pour se soustraire à l'effet de cette indivisibilité du jugement du 15 mars 1849, Heudiard, qui n'y était pas partie, a déclaré s'y rendre tiers opposant, mais que l'admission de cette tierce opposition aurait pour résultat de rétablir les époux Lapeyrière dans la plénitude de leurs droits pour faire valoir l'acte du 9 mai 1839, soit comme contrat de vente, soit comme contrat d'antichrèse; Que, sous le premier rapport, leur prétention ne serait pas fondée; qu'effectivement, il résulte de la vile vileté du prix stipulé, de la faculté de réméré accordée aux prétendus vendeurs pendant cinq ans, du bail à eux consenti moyennant des fermages représentant exactement l'intérêt au denier cinq du prix de la vente, que les parties n'avaient réellement pas voulu transférer la propriété des biens dont il s'agissait;Mais que, sous le deuxième rapport, la prétention des époux Lapeyrière est incontestable; que les circonstances qui viennent d'être rappelées, et l'ensemble des faits de la cause, démontrent clairement que les parties avaient voulu que lesdits biens servissent de garantie, à titre d'antichrèse, pour le remboursement des sommes versées par Bard, et qu'elles n'avaient déguisé cette antichrèse sous la forme d'une vente que pour la rendre plus efficace; - Qu'à la vérité, il en résultait que Bard serait devenu propriétaire des immeubles par le seul défaut de paiement au terme convenu, ce que défend l'art. 2088 C. Nap.; que cette conséquence de l'acte du 9 mai 1839 doit donc être repoussée; mais qu'à qu'à cela près, la convention étant parfaitement licite, elle doit recevoir son exécution, quelle que soit la forme, d'ailleurs régulière, que les parties lui ont donnée; - Qu'inutilement objecte-t-on ne fut pas mis en possession réelle des que Bard immeubles, et qu'ainsi rien ne révélait aux tiers son droit d'antichrèse; que dès la que les parties avaient cru devoir employer la forme du contrat de vente, il leur suffisait d'accomplir les conditions nécessaires à la validité de ce contrat pour rendre également valable l'autre contrat licite qu'elles entendaient cacher sous cette forme; qu'ainsi la jurisprudence a décidé que, malgré l'art. 931 C. Nap., une donation dégui

sée sous l'apparence d'une vente est valable, quoique l'acte soit sous seing privé; que, d'ailleurs, d'après la stipulation expresse de l'acte du 9 mai 1839, Bard entrait, dès le jour même, en propriété et jouissance du bien vendu; que, s'il en laissait la détention matérielle aux vendeurs, ce n'était qu'à titre précaire, comme simples fermiers ne possédant que pour lui; qu'on faisait, à cet égard, plus qu'on n'aurait pu faire par une antichrèse ostensible, et qu'en réalité les tiers avaient été beaucoup mieux avertis par cet acte de vente, qui avait même été transcrit, qu'ils n'auraient pu l'être par un simple acte d'antichrèse et une simple possession

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