Images de page
PDF
ePub

Un tirage nouveau au moyen de clichés établis et la généralité des termes de ce décret étenantérieurement à la promulgation du décret dent le bénéfice de ces dispositions aux ouvraprécité équivaut à une édition nouvelle, sur-ges publiés antérieurement à sa promulgation, tout lorsque ce tirage n'a été obtenu qu'à l'aide du remaniment des clichés, avec changement de format et addition de gravures; et constitue, dans les circonstances susindiquées, un délit de contrefaçon dont la répression peut être provoquée par l'auteur étranger ou son cessionnaire, qui se sont soumis aux obligations imposées par l'art. 4 du décret.

BARBA C. LECOU.

En 1840, le sieur Topffer, de Genève, réunit en un seul volume ses œuvres, écrites en fran.. çais, qu'il avait publiés à diverses époques dans sa patrie. Accueillies en France avec faveur, elles furent successivement reproduites sous le titre de Nouvelles genevoises, d'abord, en 1840, par les libraires Charpentier et Paulin; plus tard, en 1845, par les sieurs Garnier et Dubochet; en 1850, par le sieur Panard; enfin en 1851, par le sieur Barba. Le livre de Topffer était ainsi répandu en France par de nombreuses éditions librement publiées, sans opposition de la part de l'auteur, lorsqu'au commencement de 1853, le sieur Lecou, libraire à Paris, annonça qu'il 'il avait acquis de la veuve de Topffer, décédé, le droit exclusif de reproduire ses ouvrages, et qu'il poursuivrait comme contrefaçon leur reproduction.

Le 7 mars 1853, le sieur Lecou fit au ministère de la police générale le dépôt d'une édition dont il allait commencer la publication; puis, le 24, en sa qualité de cessionnaire de madame veuve Topffer, aux termes d'un acte du 24 déc. 1852, il fit pratiquer la saisie des exemplaires d'une édition publiée par Barba, ainsi que des clichés qui avaient servi à cette publication, et l'actionna comme coupable du délit de contrefaçon.

Jugement du tribunal correctionnel de la Seine qui reconnaît le délit, condamne Barba en 100 fr. d'amende, 300 fr. de dommages-intérêts, et ordonne la confiscation des exemplaires saisis et des clichés.

[blocks in formation]

« LA COUR; Considérant que la création d'une œuvre littéraire ou artistique constitue au profit d'un auteur une propriété dont le fondement se trouve dans le droit naturel et des gens, mais dont l'exploitation est réglementée par le droit civil; - Considérant que, sous la législation antérieure au décret du 28 mars 1852, on contestait aux auteurs étrangers le droit exclusif de vendre et éditer en France leurs ouvrages publiés en pays étranger; - Que le décret du 28 mars 1852 a eu précisément pour but de leur conférer ce droit, dans les limites concédées et sous les conditions imposées aux auteurs français, et de donner ainsi aux nations étrangères l'exemple de la consécration la plus large de la propriété littéraire et artistique; - Que l'esprit

alors même qu'ils auraient été réimprimés en France par des tiers avant cette dernière époque; que cette interprétation ne porte atteinte à aucun droit acquis et ne donne au décret aucun effet rétroactif; - Que le fait de réimpression en France de l'ouvrage d'un auteur étranger, en l'absence de tout droit pour celui-ci de s'y opposer, n'impliquait point effectivement de de sa part une renonciation à sa propriété; que le dépôt nécessaire pour conserver le droit de poursuite, mais non le droit de propriété, n'a pu, lorsqu'il a été effectué par un tiers, transmettre cette propriété ni au reproductear, nias domaine public; - Que la liberté de réimpression accordée à tous par la loi civile a sealement protégé les faits consommés sous son empire, et conservé, comme conséquence nécessaire, aux tiers qui ont usé de cette liberté, la faculté de vendre des exemplaires des éditions créées ou en cours d'exécution lors de l'accomplissement, par les auteurs étrangers ou leurs cessionnaires, des conditions auxquelles est subordonnée l'application du décret précité; Considérant que, dans le sens de ce décret, ua tirage nouveau, au moyen de clichés établis antérieurement à sa promulgation, équivaut à une édition nouvelle, surtout lorsque ce tirage n'a été obtenu, comme dans l'espèce, qu'à l'aide du remanîment des clichés, avec changement de format et addition de gravures: rant que, si les Nouvelles genevoises de Topfler, étranger, ont été publiées en Suisse de 1833 à 1840, si elles ont été depuis réimprimées en France par plusieurs libraires, la veuve de Topffer, décédé en 1846, a cédé à Lecon, le 24 déc. 1852, le droit d'éditer les Nouvelles genevoises; - Que cette cession a été connue de Barba dès le mois de février 1853; que Lecou a effectué le 7 mars 1853 le dépôt exigé par le décret, et que, postérieurement à ce dépôt, Barba, à l'aide de clichés par lui établis en 1851, mais remaniés en un format différent et avec addition de gravures, a réimprimé les Nouvelles genevoises, , et s'est ainsi rendu coupable du délit de contrefaçon prévu et puni par l'art. 1 du décret du 28 mars 1852, et les art. 425 et 427 C. pén.; MET l'appellation au néant; ORDONNE que le jugement dont est appel sortira son plein et entier effet. >>>

PARIS (12 décembre 1853).

PERTE, COCHER.

Considé

RESPONSABILITÉ, VOITURE DE PLACE, BAGAGE, Bien que, par les ordonnances de police, les cochers de voitures de place, à Paris, soient obligés de recevoir les bagages des voyageurs soit dans l'intérieur soit sur l'impériale des voitures, les voyageurs, demeurant maîtres du choix de l'un de ces modes de transport, ve sauraient rendre les cochers responsables de la perte des bagages placés de leur plein gré sur l'impériale, alors qu'ils n'ont point exigé les précautions nécessaires pour empêcher cette perte, et qu'ils n'allèguent point qu'elle LEMONNIER C. PAGE.

!

doive étre imputée à un fait du cocher (1). C. | de 1,000 fr. est suffisante; - Condamne LeNap. 1382, 1383 et 1781.

Le 12 janv. 1853, le sieur Page, négociant anglais, arrivant, à onze du soir, à Paris, par le chemin de fer de Lyon, monta dans une voiture de place, sur l'impériale de laquelle les facteurs de la compagnie avaient chargé une malle contenant ses effets. - Dans le trajet de l'embarcadère à la place de la Madeleine, le cocher s'aperçut que la malle avait disparu, et en avertit immédiatement le

Après

une déclaration faite à la préfecture de police

et des démarches inutiles pour retrouver l'objet perdu, Page se décida à former une demande en responsabilité contre le sieur Lemonnier, directeur de l'entreprise à laquelle appartenait la voiture dont il s'était servi, et l'assigna en paiement de 2,500 fr., somme à laquelle il fixait la valeur des effets contenus dans la malle.

Le défendeur répondait que le cocher, contre lequel on n'alleguait aucun fait direct et personnel, était à l'abri de toute responsabilité.

Le 13 juil. 1833, jugement du tribunal civil de la Seine qui accueille la demande dans les termes suivants :

<< Le tribunal; - Attendu qu'en plaçant, en vertu d'ordonnance de police, sur l'impériale de leurs voitures, et se chargeant ainsi du transport des bagages comme de celui des voyageurs, les entrepreneurs des voitures de place se sont soumis virtuellement à l'obligation de surveiller les objets à eux confiés; - Attendu que le fait de la disparition de la malle de Harrisson Page est constant et reconnu au procès; que cet événement n'a pu avoir lieu que par l'incurie, l'imprudence ou le défaut de vigilance du cocher;

Attendu que Lemonnier est responsable des actes de son préposé; - Attendu que le tribunal a les éléments pour fixer dans une juste mesure ce qui peut être dû à Page; qu'une somme

(1) V., sur la responsabilité des entrepreneurs de transports relativement aux effets des voyageurs, Rép. gén. Journ. Pal., vo Transports (Entrepr. de), nos 99 et suiv.

(2-3) V., dans le même sens, Cass., 22 février et 8 mars 1851 (qui suivent). - Cette solution de la chambre criminelle et des chambres réunies de la Cour de cassation, approuvée par M. Dalloz dans son Recueil périodique, 1851, ire part., p. 99, et que, pour notre compte, nous ne serions point éloignés d'accepter, est vivement combattue par des autorités considérables et nombreuses. Ainsi elle est formellement repoussée par M. le procureur général Dupin, dans le réquisitoire par lui prononcé devant les chambres réunies, et que nous rapportens; par M. Nicias-Gaillard, dans un article remarquable qu'il a publié, depuis et à l'occasion des arrêts de la Cour de cassation, dans la Revue critique de jurisprudence, t. 1, p. 282, article dont il a bien voulu nous autoriser a reproduire quelques passages; par MM. Chauveau et Hélie, dans leur Théorie du C. pén., ch. 31, § 1er, 1re éd., t. 4, p. 359, et 2e éd., t. 3, p. 141. M. Morin, Rép. de dr. crim., vo Outrages et violences, rejette également la doctrine de la Cour suprême: « Il ne suffit pas, dit-il (loc. cit. no 6), que le propos soit injurieux ou outrageant, la loi exige expressément un outrage qui inculpe l'honneur ou la délicatesse du magistrat...>> Tel paraît être aussi le senti

monnier à payer à Harrisson Page la somme de 1,000 fr.... »

Appel par Lemonnier.

DO 12 DÉCEMBRE 1853, arrêt C. Paris, 2och., MM. Delahaye prés., Lévesque subst. proc.gén.,

Beaume et Duez aîné av.

ou

«LA COUR; - Considérant que, si, par les ordonnances de police, les cochers de voiture de place sont obligés de recevoir les bagages des voyageurs soit dans l'intérieur de la voiture, soit sur l'impériale, les voyageurs sont maîtres du choix de l'un de ces modes de transport, qu'ils sont les appréciateurs de la garantie plus moins grande qu'ils offrent; qu'ils peuvent même exiger toutes les précautions nécessaires pour empècher la perte de leurs bagages; - Considérant qu'il n'est pas même articulé que ce soit contre le gré de Page que son bagage ait été placé sur l'impériale de la voiture; - Qu'il n'est pas non plus allégué que ce soit par un fait du cocher que le bagage ait été perdu; - INFIRME; au principal, DEBOUTE Page de sa demande. >>>

CASSATION (6 sept. 1850 et 17 mars 1851). OUTRAGE, CARACTÈRE, FONCTIONNAIRES, EXPRESSIONS INJURIEUSES, POURSUITES, PLAINTE. L'art. 222 C.pen., qui punit l'outrage fait, par paroles, à un magistrat de l'ordre administratif ou judiciaire, dans l'exercice de ses fonctions, et tendant à inculper son honneur ou sa délicatesse, comprend nécessairement toutes les expressions injurieuses qui manifestent le mépris pour le fonctionnaire auquel elles son: adressées, pour ses actes et pour ses fonctions (2).

Ainsi il y a outrage, selon l'esprit et le sens de l'art. 222 C.pen., de la part de l'individu qui a dit publiquement à un commissaire de police, dans l'exercice de ses fonctions, qu'il lemm...... lui et ses procès-verbaux (3).

ment de Carnot, Comm.C.pen., sous l'art. 222, no 10. Quant à la question, qui ressort implicitement des arrêts que nous rapportons, de savoir quels sont en pareille matière les pouvoirs de la Cour de cassation, elle nous paraît, en présence surtout de la doctrine qu'ils consacrent, pouvoir être ramenée à des termes assez simples. Sans doute le domaine du fait est hors des attributions de la Cour suprême, et, dès lors, il ne lui appartient, sous aucun prétexte, de contrôler et modifier, au point de vue de leur constatation, les appréciations auxquelles les juges du fond ont pu se livrer relativement aux faits incriminés; mais, ces faits établis, reconnus constants et bien définis, la Cour suprème peut et doit examiner les conséquences légales qu'en ont tirées les juges du fond, et les ramener, si ceux-ci l'ont méconnue, à la qualification qui, aux termes de la loi, leur appartient véritablement. Une fois donc, pour ne pas sortir de notre espèce, l'existence et la nature des propos dirigés contre un fonctionnaire bien reconnues et constatées en fait, la Cour de cassation a pu, acceptant pleinement cette constatation et s'y conformant, rectifier la qualification légale émanée des premiers juges, et, par exemple, restituer auxdits propos le caractère d'outrage que l'esprit et les termes del'art. 222 C. pén., sainement entendus, devaient leur faire attribuer. En cela, elle se renfermait dans une appréciation de droit, et n'excédait, par suite, en au

སུ

En conséquence, l'auteur de telles expressions peut être poursuivi par le ministère public, sans qu'il y ait plainte préalable de la part du

fonctionnaire offensé, et alors même que ce fonctionnaire refuserait formellement de porter plainte.

cune façon, les limites de sa compétence. C'est, au » Il était facile au Code de 1810 de mieux faire. surplus, ce qui a été maintes fois jugé par elle, no- Compléter les dispositions antérieures en assimilant tamment par un arrêt du 2 avril 1825, qui décide, l'outrage à l'occasion de l'exercice des fonctions à comme conséquence, que, lorsque le juge d'appel à l'outrage dans l'exercice des fonctions, distinguer qualifié d'injures simples des discours proférés con- d'ailleurs dans le délit le mode, l'importance hiétre un magistrat, et portant, spécialement, qu'il était rarchique des fonctions, graduer la peine en consémalheureusement le procureur du roi, bien qu'il ait quence, c'était ce que le nouveau Code avait à faire, reconnu en même temps que ces propos constituaient c'est ce qu'il a fait. « La hiérarchie politique, disait tout à la fois des expressions outrageantes, des ter- » l'orateur du gouvernement, sera prise en considémes de mépris, et même l'imputation de faits capa- >> ration; celui qui se permet des outrages ou viobles de porter atteinte à l'honneur et à la considéra- >>lences envers un officier ministériel est coupable, tion du procureur du roi, la Cour de cassation peut >> sans doute, mais il commet un moindre scandale considérer au contraire ces faits comme présentant » que lorsqu'il outrage un magistrat. L'offense enle caractère d'un outrage à la dignité de la magis-» vers celui-ci peut même varier d'intensité, selon trature, et casser l'arrêt pour violation de l'art. 222 » qu'elle est commise dans le sanctuaire même de C. pen. V. Rép. gen. Journ. Pal., vo Outrage, nos » la justice ou ailleurs, mais toujours à l'occasion 34 et suiv., 57 et suiv. » de ses fonctions. - Dans la classification de ces Du reste, et pour en revenir à la question princi-» outrages on a placé au moindre degré de l'échelle pale résolue par nos arrêts, quels sont les caractères » ceux qui sont commis par gestes ou par menaces. de l'outrage mentionné dans l'art. 222 C. pén.? Faut- >> Les paroles outrageantes, qui ont ordinairement il, suivant l'avis des auteurs et jurisconsultes que » un sens plus précis et mieux déterminé que de simnous avons précédemment cités, que les propos soient » ples gestes ou menaces, ont paru être un délit sude nature à porter par eux-mêmes atteinte à l'hon- »périeur à celui-ci. » neur et à la considération du fonctionnaire auquel ils sont adressés, ou cette atteinte résulte-telle virtuellement, ainsi que le décide la Cour de cassation, de l'existence de propos injurieux, ou simplement grossiers, qui, adressés à un fonctionnaire, dans l'exercice ou à raison de ses fonctions, manifestent du mépris pour sa personne, ses actes ou sa qualité? A cet égard, nos lecteurs, qui ont lu déjà le réquisitoire de M. le procureur général Dupin, nous sauront gré de mettre sous leurs yeux les parties principales du remarquable travail, que nous avons cité plus haut, de M. le premier avocat général Nicias-559): « Si les outrages, par leur nature ou les cirGaillard:

[ocr errors]

Mais, indépendamment de ces différences extérieures, il en est d'autres dont il était juste aussi de teuir compte. Celles-ci dérivent de la nature même du délit, et en sont, pour ainsi dire, les circonstances intrinsèques. Le Code de brumaire an IV avait déjà indiqué cette distinction. Après avoir parlé, in genere (art. 558, V. aussi le décret du 28 fév.-17 avril 1791, relatif au respect dû aux juges et à leurs jugements, de l'outrage commis par quelques mauvais citoyens contre les juges et officiers de justice dans l'exercice de leurs fonctions, il ajoutait (art.

>> constances, méritent une peine plus forte, les pré«... Pour reconnaître et déterminer le sens exact >> venus sont renvoyés à subir, devant les officiers de l'art. 222 C. pén., il faut, dit cet éminent juris- >> compétents, les épreuves de l'instruction correcconsulte, rapprocher de cet article les dispositions » tionnelle ou criminelle, telles qu'elles sont réglées des lois antérieures en matière d'outrage. Le dé- » par le titre précédent. » Plus que tout autre genre cret du 19 juil. 1791, relatif à l'organisation d'une d'outrage, l'outrage par parole est susceptible de police municipale et correctionnelle, punissait (tit. ces modifications que prévoyait le législateur. Le 2, art. 19) d'un emprisonnement qui ne pouvait geste, instrument si énergique, image si vive de la excéder deux années, et d'une amende, les outrages pensée, n'a pas d'ailleurs toutes les nuances, ni, par paroles ou par gestes, faits aux fonctionnaires dans ses variétés à lui, toute la netteté de sens de publics dans l'exercice de leurs fonctions. Le Code la parole. Que de degrés entre une réponse irrévérenpénal des 25 sept.-6 oct. 1791 prononçait (2e partie, te et une violente invective! ou encore depuis l'insisect. 4, art. 7), contre quiconque aurait outragé un nuation timidement malveillante jusqu'à la calomnie fonctionnaire public en le frappant au moment où il audacieuse! Saisir toutes ces nuances, classer touexerçait ses fonctions; la peine de deux années de tes ces variétés, la loi pénale n'y saurait prétendre ; détention. On le voit, ces deux dispositions ne mais, s'il n'est pas possible de tout distinguer, il est protégeaient le fonctionnaire public que dans l'exer- facile de ne pas tout confondre. Une différence surcice même de ses fonctions: hors de la elles ne fai- tout était saillante, différence que la législation posaient plus rien pour lui. Cependant le magistrat stérieure devait mieux développer, mais qui se troun'est pas magistrat seulement sur son siège; il ne vait déjà indiquée dans le nouveau Code (art. 375 et. se dépouille pas de sa qualité en se dépouillant de 376), celle entre les propos grossiers, les expressa robe; son caractère public n'est pas renfermé sions vaguement injurieuses, et les reproches intédans le prétoire. S'il reçoit une injure à raison de ressant la délicatesse, les aitaques contre l'honneur. ses fonctions, à l'occasion de leur exercice, ne les » Sans doute, l'outrage étant dirigé contre un exerçàt-il pas au moment même, c'est bien encore fonctionnaire public dans l'exercice ou à l'occasion dans son caractère public qu'il est atteint. La fonc-de l'exercice de ses fonctions, il y resterait toujours, tion a toujours une part, quoique plus ou moins grande, dans l'outrage. Les lois de 1791 étaient incomplètes sous d'autres rapports. Au dessous de l'outrage avec violence, que le Code pénal du 25 septembre punissait d'une peine infamante, il n'y avait plus de distinction dans ces lois, ni quant aux personnes outragées, ni quant au mode de l'outrage, ni quant au degré. Le décret du 19 juillet n'avait, pour les outrages ou menaces par paroles ou par gestes, qu'une disposition unique. Même qualification, même peine.

[ocr errors]

même alors qu'il n'impliquerait ni vice déterminé ni action déshonnête, un caractère plus grave que s'il s'agissait d'un délit purement privé; la loi, si elle était attentive à toujours proportionner la peine à la malignité de l'agent et au danger de l'acte, trouverait encore là une différence dont l'exactitude de son langage devrait tenir compte dans les qualifications, sa justice dans la graduation des peines; mais, même à l'égard du fonctionnaire public, même alors que, suivant la parole du législa teur (Exposé des motifs par M. le conseiller d'état

DUBREUIL. 1er.

Le 18 mai 1850, jugement du tribunal corBerlier), « ce n'est plus seulement un particulier, >> mais l'ordre public, qui est blessé, le plus ou le moins n'est pas sans doute chose indifférente; tout au contraire, la raison nous dit que c'est lorsque la faute et le dommage sont plus graves qu'il importe plus d'en marquer les degrés. - Or, si tout outrage qui, dans le fonctionnaire, s'attaque à la fonction, comme objet ou comme cause, a plus de gravité que s'il était dirigé contre un simple citoyen, il faut aussi reconnaître que cet outrage lui-même peut différer suivant qu'il consiste seulement en une parole grossière qui blesse le respect dû à la fonction, en épargnant d'ailleurs le caractère personnel de celui qui en est revêtu, ou qu'au contraire il s'attaque à la fois à la dignité et à la personne: plus

rectionnel de Bellac qui fuit suffisamment connaître les faits, et statue ainsi qu'il suit :

grave en cela même à ne voir que la fonction elle-changer la loi. Car enfin, si l'outrage de l'art. 222

même, car la valeur personnelle du fonctionnaire et ce qu'elle lui mérite de considération et d'estime publique sont encore ce qui fait le plus pour l'honneur de la fonction.

Eh bien! c'est cette distinction que l'art. 222 C. pén. nous semble avoir voulu faire, et le texte répond parfaitement à l'intention. - Après avoir parlé, en termes généraux, de l'outrage par paroles (quelque outrage), il dit quels caractères l'outrage devra présenter pour rentrer dans sa disposition. Il le détermine par son objet ou son but. Quelque ontrage par paroles tendant à inculper l'honneur ou la delicatesse, et non pas l'honneur de la fonetion, par exemple la majesté de la justice: non, la majesté de la justice est toujours blessée par un outrage commis contre le magistrat, qui en est le ministre, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, mais l'honneur du magistrat lui-même (leur honneur), ee qui est rendu plus sensible encore par l'addition du mot qui suit (ou leur délicatesse), mot dont le sens est plus personnel et montre mieux qu'il ne s'agit pas, en cela, du titre, mais de l'homme. --Puis, quand le législateur a déterminé avec cette précision le délit, il résume ce qu'il a dit jusque la en un seul mot, le mot ainsi (les aura AINSI outrages), et, tout étant expliqué désormais, il ne lui reste plus qu'a prononcer la peine. Jamais, semble t-il, précautions plus prudentes ne furent prises dans la rédaction des lois. Ce dernier mot, notamment, est décisif. - Comment, dans le système contraire, expliquer le soin que prend la loi? Est-ce une définition générale de l'outrage par parole qu'elle a voulu donner? A-t-elle voulu exprimer que ce genre d'outrage inculpait toujours l'honneur ou la délicatesse? Mais d'abord cela ne serait pas exact: toute expression outrageante n'inculpe pas nécessairement l'honneur ou la délicatesse de celui, magistrat ou non, qui en est l'objet. Puis, à quoi bon? S'il n'y a pas à distinguer, il n'y a pas à définir. L'article entend s'appliquer à tout outrage par parole; eh bien! que ne ditil simplement Poutrage par paroles, comme se bornait a dire le décret du 19 juil. 1791? On ne s'y était pas trompé. Le mot était consacré dans le langage Tégislatif. En l'employant dans d'autres dispositions (art. 375 et 376), le Code lui-même ne sentait aucunement le besoin de le définir. Mais non! ce n'est pas une définition grammaticale ou philosophi

que de l'outrage par paroles que la loi a voulu don-tème reste le même dans un ordre plus élevé de cul

ner, bien inutilenment; elle ne définit pas le genre, elle détermine l'espèce. C'est une disposition restrictive, qui, sa part faite, laisse le reste en dehors.Comment aussi n'être pas frappé du mot inculper qu'emploie ici la loi? Une inculpation (culpa, conlpe, aute), qu'est-ce sinon l'attribution d'un fait blamable, l'imputation d'un tort? Inculper l'honneur, la

<< Attendu que, dans la soirée du 23 avril dernier, à dix heures environ, le commissaire de délicatesse, c'est alléguer, reprocher des actes, des habitudes contraires à l'honneur, à la délicatesse. Or, cela ne se trouve pas dans toute injure. Rien de semblable, par exemple, dans le propos sale et grossier que s'était permis le prévenu. Traduire les termes de la loi par ceux-ci: expressions de mépris de nature à diminuer le respect des citoyens pour l'autorité morale du magistrat et le caractère dont il est revêtu (arrêt, ch. erim., 6 sept. 1850), ou par ceux-ci: expressions injurieuses qui manifestent le mépris pour le magistrat, pour ses actes et pour ses fonctions (arrêt, ch. réunies), c'est, d'une part, appliquer à la fonction ce que la loi a dit de la personne, d'autre part, étendre a toutes les injures ce qu'elle n'a dit que de certaines injures; en un mot, c'est

consiste en toute expression de mépris pour le magistrat, pour l'acte ou pour la fonction, il n'est pas d'injure qui n'y soit comprise, puisque l'injure est définie par la loi (art. 13, L. 17 mai 1819, tout terme de mépris. C'était bien la peine de distinguer et de préciser!

» Ilya, j'en ai dėja dit un mot, des différences que nos lois sur la presse ont rendues plus saillantes, mais qui, avant elles, étaient déjà indiquées dans la législation générale. L'allégation ou imputation d'un fait portant atteinte à l'honneur ou à la considération, que la loi du 17 mai 1819 (art. 13) a qualifiée de diffamation, le Code pénal (art. 367 et suiv.) la punissait sous le nom de calomnie. L'injure que la loi du 17 mai définit (même article): toute expression outrageante, terme de mépris ou inveetive, ne renfermant l'imputation d'aucun fait, le Code pénal, qui y comprenait aussi toute répression outrageante, la punissait dans ses art. 375 et 376; et, се qui est reinarquable, même après avoir séparé et puni à part les imputations de faits précis, il distinguait encore dans l'injure, comme l'a fait plus tard la loi du 17 mai 1819, suivant qu'elle renferme une autre espèce d'imputation, celle d'un vice déterminé, ou qu'elle ne consiste qu'en généralités inconvenantes et grossières. Eh bien! ce que le Code faisait par rapport aux simples citoyens, pourquoi n'eût-il pastrouvé sage de le faire aussi pour les fonctionnaires publics? Qu'est-ce, en effet, que l'outrage, qui est le mot dont se servent les lois pénales quand il s'agit de délits de paroles contre les hommes revêtus d'un caractère public, si ce n'est à la fois la diffamation et l'injure? <<« Quant à ce qui constitue l'outrage, dit >> M. Chassan, t. 2, no 510, on peut dire qu'il con>> siste tant dans des expressions injurieuses ou dif>> famatoires que dans l'imputation on l'allégation >> d'un fait de nature à blesser l'honneur, la considé>> ration ou la délicatesse de la personne. Ainsi les >> propos constitutifs de la diffamation ou de l'injure >> sont un outrage. Il en est de même d'un acte, >> d'une menace, lorsqu'ils ont ou qu'ils indiquent >> un sens injurieux ou diffamatoire. » S'il en est ainsi, on doit comprendre d'autant mieux la distinction qui résulte de l'art. 222 C. pén. C'est le droit commun des injures appliqué aux injures contre les fonctionnaires publics. Sous le nom complexe d'outrage, l'injure simple se distingue encore de celle qui inculpe l'honneur ou la délicatesse. Le sys

pabilité. - Seulement, il est vrai que, s'il fallait réduire toute la loi en matière d'outrage par paroles à l'art. 222 C. pén., la loi serait incomplète, car il n'y aurait plus de peine pour les autres degrés du délit. Quiconque aurait outragé, mais non pas outragé ainsi, aurait outragé impunément. - Et ce ne serait pas suffisamment répondre à l'objection, nous

bon ordre, et étant entré dans le café du sieur Lamorlière, afin de s'assurer s'il ne s'y trouvait pas attardés quelques militaires du 11o léger, en

police de Magnac-Laval, après avoir conféré avec l'autorité militaire, faisant, accompagné de deux gendarmes, sa ronde pour veiller au en convenons, que de citer l'art. 20 de la loi du 17 sition générale s'appliquant à toutes les audiences et mai 1819, ou, dans le Code pénal lui-même, les à tous les tribunaux (Chassan, t. 1, p. 397, et t. 3, art. 376 et 471, no 11. Il ne s'agit dans ces disposi- p. 31 et 55; Degrattier, t. 2, p. 59 et 60; Théorie du tions que de l'injure contre les particuliers; et, si on Code pénal, t. 4, p. 468), sauf la différence des juriles applique aussi à l'injure contre les fonctionnai- dictions quant au droit de prononcer la peine ou res, alors qu'elle est coinmise en dehors de leurs seulement de constater le délit en laissant au tribufonctions et n'a aucun rapport de cause ou d'occa-nal compétent le soin de punir (Chass., t. 1, loc. sion avec elles, c'est parceque le .fonctionnaire, cit.; art. 509 C. iust. crim.).- Voila donc une disainsi isolé de tout ce qui lui donne le caractère pu- position à ajouter à l'art. 222 C. pén. Quand l'oublic, n'est plus lui-même aux yeux de la loi qu'un irage aura la gravité requise par cet article, ce ne simple particulier. Mais, quand la parole insultante sera pas trop des pénalités qu'il prononce; moins vient l'atteindre dans l'exercice ou à raison de ses grave, il sera puni moins sévèrement, mais encore fonctions, c'est bien encore, quel que soit le degré de d'une peine correctionnelle, de la peine des délits; si la blessure, la personne publique qui est blessée. Et, ce ce n'est tout, il n'y a pas, du moins, grandement à qui reste de ce caractère public, ne fût-ce que le motif, s'inquiéter de ce qui reste. l'occasion, suffisant pour aggraver le délit, une aggravation analogue devrait y correspondre dans la peine. >>Voilà l'objection: je n'en méconnais point la gravité, mais je dis avec assurance qu'elle ne saurait être décisive.... En matière pénale il n'est pas permis de combler les lacunes de la loi avec la jurispru- | dence. La loi elle-même en a fait une règle positive (C. pén., art. 4); mais ce serait ne pas comprendre une telle vérité que de la réduire aux proportions d'un argument de texte. Elle vient de plus haut: elle a sa source dans la justice éternelle. On demandait un jour à la Cour de cassation d'appliquer le décret du 19 juil. 1791, qui ne prévoyait, nous l'avons vu, que l'outrage dans l'exercice des fonctions, à un cas où le fonctionnaire public avait été outragé à raison de ses fonctions, mais non point au moment même où il les exerçait. Il y avait de puissantes raisons d'ana-raison, la cause directe ou indirecte, présente ou logie, de hautes considérations d'ordre public à faire valoir. La Cour, jugeant sur les conclusions de M. Daniels (arrêt du 10 déc. 1807), répondit : « Quelque » analogie qu'il puisse y avoir dans l'une et l'autre » espèces, il n'appartient pas à la Cour de cassation » d'étendre la disposition de la loi, du seul cas » qu'elle exprime à un autre cas sur lequel elle ne » s'est pas expliquée. » Le fait resta impuni; mais la règle ne reçut aucune atteinte; et, plus tard, le législateur avisa.

Ici du moins, toute peine ne manquerait pas, seulement le fait descendrait d'un degré : du délit il resterait une contravention. Mais le mal est-il bien même aussi grand? Quel est le cas en vue duquel nous sommes le plus choqués de la gravité qui reste à l'outrage? C'est celui où il a été commis contre un juge dans l'exercice de ses fonctions. En présence de cette image de la justice outragée sur son siége, nous sommes peu sensibles à ce qu'il y a de moins dans les éléments intrinsèques du délit. Il nous répugne de descendre jusqu'aux derniers échelons pour lui trouver une peine. Mais n'y a-t-il donc que l'art. 222 C. pén. qui puisse remédier à cet inconvénient, et faut-il, de toute nécessité, ou bien forcer le sens des mots pour voir partout une inculpation à l'honneur ou à la délicatesse, ou se contenter d'une peine disproportionnée à la faute et au dommage? L'art. 91 C. proc. punit d'une amende de 25 à 300 fr., et d'une détention qui peut durer un mois, ceux qui outrageraient les juges on les officiers de justice dans l'exercice de leurs fonctions. MM. Chauveau et Faustin Hélie, dans leur Théorie du Code pénal (t. 4, p. 366), et les auteurs qui ont plus particulièrement étudié notre législation sur la presse, notamment MM. Chassan (t. 1, p. 395, et t. 3, p. 48) et Degrattier (t. 2, p. 59. V. aussi M. Lesellyer, no 1689), ont très bien prouvé, contre l'opinion non motivée de M. Carré (Lois de la pr., sur l'art. 91), que l'art. 91 était encore en vigueur. Ils ont de même établi que cet article, quoique placé dans le Code de procédure civile, était une dispo

Et pourtant ce n'est pas le seul remède; en voici un autre au besoin: - L'art. 6 de la loi du 25 mars 1822, beaucoup plus large que l'art. 222 C. pén.. punit d'un emprisonnement de quinze jours à deux ans et d'une amende de 100 fr. à 400 fr. l'outrage fait publiquement d'une manière quelconque è un fonc tionnaire public à raison de ses fonctions ou de sa qualité. On conçoit la différence qui existe entre l'outrage dans l'exercice des fonctions et l'outrage à raison des fonctions; la loi les a distingués, et l'on ne prétend point les confondre; toutefois il faut reconnaitre que fort souvent ils sont réunis. Sans doute un magistrat peut être outragé dans ses fonctions pour une cause qui y soit tout à fait étrangère; imais dans beaucoup de cas la fonction n'est pas seulement l'occasion de l'outrage, elle en est en même temps la

passée. Il y a presque toujours de la rancune ou de la vengeance dans l'outrage; l'homme qui insulte son juge est d'ordinaire un plaideur mécontent. Eb bien! les auteurs que j'ai cités (Chassan, t. 2, 20 édit., no 572; Degrattier, t. 2, p. 59) enseignent qu'en pareil cas il y a dans le même fait deux délits, et que, s'il arrive que l'art. 222 C. pén. devienne inapplicable, l'outrage, quoique commis dans l'exercice des fonctions, ne renfermant pas l'inculpation à l'honneur ou à la délicatesse du magistrat, l'art. 6 de la loi du 25 mars 1822 peut, lui, recevoir son application, l'outrage à raison des fonctions, qui n'a pas besoin de présenter ce caractère pour être punissable, restant dans le fait incriminé.

Je sais bien que cet art. 6 de la loi du 25 mars, si large qu'il soit d'ailleurs, ne s'applique, ainsi que les autres dispositions des lois sur la presse, qu'aux délits commis publiquement. Pour le délit non public, ce ne serait encore que dans l'art. 222 C. pén. qu'on pourrait trouver une peine correctionnelle; mais c'est bien alors, la publicité manquant et en même temps la circonstance aggravante exigée par l'art. 222, qu'on pourrait sans dommage pour la société laisser descendre le fait aux proportions d'une simple contravention.-Seulement, si c'est l'art. 6 de la loi du 23 mars 1822 qu'on applique, il faudra done, pour autoriser les poursuites, la plainte de la partie lésée? Sans doute, la conséquence est inévitable: pour la poursuite comme pour la peine, le fait suivra la condition des délits dans la classe desquels il viendra se ranger; mais sera-ce donc un si grand mal dans l'hypothèse où nous raisonnous, c'est-àdire l'infraction étant à ce point atténuée et amoindrie? Cette plainte préalable, la loi l'exige expressément pour la poursuite de l'outrage à raison des fonctions, et cependant les deux cas se rapprochent assez pour que le Code les eût d'abord confondus dans la même disposition; c'était de l'un aussi bien que de l'autre que l'orateur du gouvernement disait : L'ordre public est blessé, la paix publique est compromise!

« PrécédentContinuer »