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espèce, exige une plainte préalable; — Atten- | l'art. 222 C. pén. que sur la fausse application
du qu'il n'existe dans la cause aucune plainte de l'art. 5 de la loi du 25 mai 1819.
du fonctionnaire public envers lequel l'outrage
aurait été commis; que, loin de là, ce fonction-
naire a manifesté le désir de ne porter aucune
plainte, se trouvant satisfait des excuses qui
lui avaient été faites par le prévenu;-Adoptant,
au surplus, les motifs des premiers juges, la
Cour déclare le ministère public mal fondé en
ce qui touche le chef de son action qui aurait
eu pour objet l'application des art. 222 et 223
C. pén., et non recevable quant au chef de sa
poursuite tendant à faire appliquer au prévenu
les peines portées par l'art. 6 de la loi du 25
mars 1822. D

Devant la Cour, M. le procureur général Dupin a d'abord distingué, dans l'art. 222 C. pén., deux défits: 1° l'outrage dans l'exercice des fonctions, lequel blesse non seulement le magistrat outragé, mais encore la loi, dont il est l'image et l'organe; 2o l'outrage à l'occasion de l'exercice des fonctions, qui peut ne porter atteinte qu'à l'honneur et à la considération da magistrat outragé. — « La loi du 25 mars 1822, a-t-il dit, s'est emparée de ce dernier délit; l'art. 5 de la loi du 26 mai 1819, remis en vigueur par la loi du 8 oct. 1830, lui est applicable; la poursuite ne peut avoir lieu que sur la plainte de la partie lésée. Au contraire, l'outrage dans l'exercice des fonctions continue d'être régi par l'art. 222 C. pén., soit quant à la

Pourvoi en cassation par le ministère public. Do 6 SEPTEMBRE 1850, arrêt C. cass., ch. crim., MM. Rives rapp., Plougoulm av. gén. « LA COUR ; —Vu l'art. 222 C. pén.; — At-peine, soit quant à la poursuite d'office du mitendu qu'il est reconnu par l'arrêt dénoncé nistère public, qui n'a besoin d'être provoquée qu'Achille Dubreuil se permit, le 23 avril der- par aucune initiative de la partie lésée. » nier, vers dix heures du soir, d'adresser des pa- dent que l'arrêt qui vous est déféré a méconnu « Cela posé, continue ce magistrat, il est éviroles d'une grossière saleté au commissaire de police de Magnac-Laval, dans le café Lamor- les principes, car il juge que l'art. 5 de la loi du 26 lière, où ce fonctionnaire était entré en faisant mai s'appliquait aux deux délits, il juge qu'une sa ronde d'ordre public, et de répéter une seplainte préalable était exigée pour les outrages conde fois ces paroles en présence tant de la dans l'exercice des fonctions, aussi bien que pour femme du maître du café que de celui-ci et de deux soldats du 11 régiment d'infanterie légè-loi re qui étaient passagèrement logés chez lui; Attendu, en droit, que ce fait caractérise l'outrage par paroles que l'art. 222 C. pén. prévoit et punit, puisqu'il a été commis envers un magistrat de l'ordre administratif dans l'exercice de ses fonctions, et que les expressions de mépris dont ledit Dubreuil s'est servi à l'égard du commissaire de police sont de nature à diminuer le respect des citoyens pour son autorité morale et pour le caractère dont il est revêtu; qu'elles tendent dès lors à inculper son honneur ét sa délicatesse, selon l'esprit et le sens de cette disposition; qu'en décidant le contraire, l'arrêt précité l'a donc expressément violé dans l'espèce; en conséquence, CASSE, etc.; - RENVOIE la cause et les parties devant la Cour d'appel de Poitiers, etc. >> $ 2.

La Cour de Poitiers, saisie en vertu de ce renvoi, a, par arrêt du 26 oct. 1850, confirmé, de même que la Cour de Limoges, le jugement du tribunal de Bellac, en ces termes :

ceux commis seulement à leur occasion. En cela du 26 mai 1819, et violé l'art. 222 C. pén. il a fait une fausse application de l'art. 5 de la C'est donc avec raison que, par son arrêt du l'arrêt de Limoges; et je crois qu'il y a lieu de sept. 1850, votre chambre criminelle a cassé casser également l'arrêt de Poitiers, qui a jugé comme le précédent, par les mêmes motifs, et qui est entaché des mêmes vices (1).

(1) Le jugement du tribunal de Bellac, dont la Cour de Poitiers avait adopté les motifs, ne jugeait pas, sans doute, explicitement, que l'outrage commis envers un fonctionnaire dans l'exercice de ses fouctions et celui commis à l'occasion de l'exercice des

dites fonctions devaient être mis sur la même ligne, et ne pouvaient, les uus et les autres, être poursuivis par le ministère public qu'à la suite d'une plainte du fonctionnaire offensé; mais il n'est guère possible d'admettre que tel ne fût pas, en réalité, son sentiment, lorsqu'on voit, d'une part, qu'en fait, il constate qu'il est évident que c'est au commissaire de police, en exercice de ses fonctions, que s'adresprévenu, et, d'autre part, qu'en droit, il déclare : saient les expressions abjectes » prononcées par le

que « tous les délits prévus et puuis par les dispositions de la loi du 17 mai 1819 ne pouvaient être « La Cour, adoptant les motifs exprimés dans poursuivis à la requête du ministère public que sur la le jugement dont est appel, et complétant seu- plainte de la partie lésée, aux termes de la loi du 26 lement le dispositif de ce jugement, dit à bon mai 1819; 20 que les art. 222 et 223 C. pén. ne sont droit déclarée non recevable par le tribunal pas applicables, en ce que ces articles n'ont voulu correctionnel de Bellac, faute d'une plainte 'honneur ou la délicatesse du magistrat qui l'aurait punir que l'outrage par paroles tendant à inculper préalable de la partie offensée, l'action du mi- reçu », caractère que ne présentent pas les propos nistère public tendant à faire appliquer au pré-incriminés dans l'espèce. C'est sans doute pour recvenu les peines portées par l'art. 6 de la loi du 25 mars 1822; déclare cette même action mal fondée en ce qui concerne l'application subsidiairement requise des art. 222 et 223 C. pén.; renvoie de la plainte le prévenu sans dépens. » Nouveau pourvoi par le ministère public, soumis, cette fois, aux chambres réunies de la Cour de cassation, et motivé tant sur la violation de

tifier ce que les conséquences à tirer de prémisses empreintes d'une pareille confusion auraient eu de peu juridique que la Cour de Limoges avait netteconstituait le délit d'outrage fait publiquement à un ment décidé que « le fait reproché au prévenu... fonctionnaire public à raison de ses fonctions ou de sa qualité »; mais, la Cour de Poitiers, à laquelle avait été soumise l'affaire après cassation de l'arrêt de Limoges, s'étant bornée à adopter les motifs du ju

!

JURISPRUDENCE FRANÇAISE.

» Mais, en cassant une seconde fois, devez vous, comme dans le premier arrêt de cassation, vous expliquer sur le point de fait d'une manière si précise et si formelle, que, d'avance, toute liberté d'appréciation soit, en quelque sorte, enlevée au juge du fait, et, par le même motif, toute défense enlevée au prévenu? Les chambres réunies sont souveraines en point de droit, et le juge de renvoi devra, cette fois, se conformer à ce que vous aurez déclaré sur la fausse application de la loi du 26 mai, et sur la violation de l'art. 222 C. pén. A vous il appar- | tiendrait encore de décider, avec la même autorité, que le délit a été réellement commis dans l'exercice des fonctions, si ce point était contesté, car ce serait une question de droit. Mais avez-vous donc la même puissance sur le point de fait, pour déclarer que les mots dont on veut faire résulter l'outrage ont tel ou tel caractère précis de gravité et de culpabilité? L'un de vos présidents, M. Favard (Rep., tit. 3, vo Injure, no 9, p. 29), dénie formellement cette appréciation à la Cour de cassation; il veut qu'à cet égard, le juge du fait reste souverain. Les auteurs de la Théorie du Code pénal (t. 4, p. 359), sont moins absolus; ils pensent que le juge du fait n'est pas investi d'un pouvoir discrétionnaire pour en apprécier les éléments quand ces éléments ont été définis par la loi. Or on ne peut nier que l'art. 222 comporte une véritable définition légale, car il ne punit pas tout outrage, mais seulement celui qui, par son caractère, tend à inculper l'honneur ou la délicatesse du magistrat.-En effet, si l'on interroge votre jurisprudence, on trouve des arrêts qui ont cassé des décisions où les faits constitutifs de l'outrage n'avaient pas été appréciés assez sévèrement (arrêt du 22 déc. 1814), et d'autres qui ont cassé parcequ'on avait puni comme outrageuses des paroles qui n'avaient pas ce caractère. C'est ainsi qu'un arrêt du 19 avril 1810 a cassé une condamnation prononcée contre un maire qui avait appelé âne un ministre luthérien. C'eût été certainement un outrage si cette expression insultante avait été prononcée contre lui dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions. Mais il était établi en fait que cette expression ne s'appliquait pas à l'exercice de ses fonctions, mais à des connaissances tout à fait étrangères à son état, et qu'il lui était permis d'ignorer. — Toujours estil, suivant nous, que ces appréciations de fait, devant la Cour de cassation, si on peut se les permettre dans des cas bien tranchés, ne doivent en général être admises qu'avec une grande

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réserve, pour éviter l'abus. C'est à ce poin de vue seulement qu'il serait permis d'examiner, dans l'espèce, si les paroles proférées par Dubreuil rentraient dans les dispositions de l'art. 222.

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>> Nous ne croyons pas devoir nous attacher
cher en quoi il diffère de l'injure; l'outrage n'est
à discuter le sens du mot outrage, ni à recher-
pas autre chose qu'une injure très grave, et qui
prend particulièrement le nom d'outrage à rai-
lieu où le fait se passe : atrocem injuriam aut
son de la position sociale des personnes et du
ait, 1. 7, § 3 et seq.,
persona, aut tempore, aut re ipsa fieri, Labeo
De injuriis.
l'attention de la Cour dans l'appréciation du fait
nous semble devoir appeler particulièrement
Mais ce qui
pour l'application de l'art. 222, c'est la cir-
constance dont, aux termes de cet article, le
fait doit s'aggraver, c'est-à-dire qu'il tende à
trat. L'arrêt de la chambre criminelle, pour
inculper l'honneur ou la délicatesse du magis-
faire rentrer les paroles grossières imputées au
prévenu dans les dispositions de l'art. 222, dé-
Dubreuil s'est servi à l'égard du commissaire de
cide que les expressions de mépris dont ledit
police « sont de nature à diminuer le respect
» le caractère dont il est revêtu. »
» des citoyens pour son autorité morale et pour
préciation du fait dont il s'agit, et pour laquelle
l'arrêt emploie des termes qui ne sont pas ceux
Cette ap-
de l'art. 222, répond-elle bien à la circonstan-
l'outrage punissable? Il est permis d'en dou-
ce aggravante qui, d'après cet article, rend
ter. Ces mots « tendant à inculper leur
>> honneur et leur délicatesse » n'ont-ils pas un
l'honneur, n'est-ce pas imputer à un homme
sens naturel et facile à déterminer? - Inculper
quelque fait ou quelque action honteuse de na-
ture à entacher l'honneur? Inculper la délica-
tesse, n'est ce pas imputer à un fonctionnaire
public un acte de concussion, de dilapidation
reprochait au prévenu inculpait-il l'honneur et
ou de vol? En quoi le propos grossier qu'on
la délicatesse du fonctionnaire? De quelle faute
grave Dubreuil l'accusait-il? car tel est le sens
du mot inculper. - Les expressions ordurières
dont il s'agit n'accusaient que la rusticité de ce-
lui qui les avait proférées; elles ne pouvaient
atteindre la personne du commissaire, ni souil-
ler son caractère. Elles pouvaient, dans le lan-
breuil ne craignait pas le commissaire, lui et
gage populaire, se traduire en ce sens, que Du-
culpations pouvant porter atteinte à l'honneur
ses procès-verbaux. Eh bien! sont-ce là des in-
et à la délicatesse de ce fonctionnaire? — Si
l'art. 222 devait s'entendre dans le sens prolixe
de la formule employée dans l'arrêt de la cham-
bre criminelle, il n'y a pas une injure verbale,
pas un propos grossier, qui ne pût rentrer dans
la disposition rigoureuse de cet article: car
toute injure emporte nécessairement avec elle
un manquement au respect de la personne qu'on
injurie...

gement du tribunal de Bellac, c'est en définitive à
ce jugement seulement qu'a dù se reporter le mi-
nistère public lorsqu'il déférait à la Cour suprême
l'arrêt de la Cour de Poitiers.-Il a donc pu dire, ainsi
que le fait M. le procureur général au début de son
réquisitoire, que les juges du premier degré avaient
décidé « qu'une plainte préalable était exigée pour
les outrages dans l'exercice des fonctions aussi bien
que pour ceux commis seulement à leur occasion
c'est, conséquemment, à tort, ce nous semble, qu'un entrainerait encore, à notre avis, d'autres con-
» Une interprétation aussi vague de l'art. 222
recueil conteste et critique, en reproduisant le réqui-séquences que les auteurs du Code pénal n'ont
sitoire, cette appréciation de l'éminent magistrat. certainement pas entendu y attacher. — Si l'ou-

»>, et

-

trage doit s'entendre, dans l'art. 222 C. pén., de toute expression grossière de nature à diminuer le respect pour l'autorité morale du magistrat et pour le caractère dont il est revêtu, cette interprétation s'étendra nécessairement à toutes les dispositions de la loi générale ou des lois spéciales dans lesquelles se trouve le mot ou trage! Ainsi il devra s'entendre dans le même sens dans les cas prévus par les art. 224 et 225 C. pén. - Voilà donc toutes les expressions grossières, tous les mots injurieux, érigés en délits correctionnels, lorsqu'ils auront été adressés, non pas seulement au magistrat, mais à ces nombreux officiers ministériels ou agents de la force publique qui sont chaque jour en rapport avec tous les citoyens, sur toute la surface de la France; le moindre mot échappé à l'impatience, à la contrariété, à l'ivresse, sera de la compétence des tribunaux correctionnels ! Est-ce donc là ce qu'ont voulu toutes les lois en matière d'injures, de diffamation et d'outrages? Ont-elles donc effacé toutes les distinctions?La définition de la loi romaine, que nous avons rappelée au commencement de cette discussion, n'indique-t-elle pas de quel point, dans chaque affaire, il faut avoir égard aux temps, aux lieux, aux personnes, à leurs différentes qualités, et à la nature même des faits? En matière de séparation de corps, la loi autorise à la prononcer pour excès, sévices ou injures graves. La formule est la même pour tous les mariages et pour tous les époux. Et pourtant, la législation n'a-t-elle pas établi avec raison cette différence, que telle injure, sans être extrème, tel sévice, sans être atroce, peuvent sembler accablants pour une femme distinguée par sa naissance, son éducation, l'élégance de ses mœurs, la délicatesse de son tempérament et de ses manières, et motiver à son égard une séparation; tandis que les propos les plus obscènes, des voies de fait d'ailleurs fort brutales, ont été souvent jugés insuffisants pour entraîner le même résultat entre gens d'une condition où ces manières de parler et d'agir sont loin d'offrir la même gravité et de laisser des traces aussi profondes. C'est le sens de cet axiome dont les lois romaines offrent aussi plusieurs applications Rusticitati hominis aliquando parcendum. — N'en doit-il pas être de même quand il s'agit de propos auxquels l'accusation et la défense s'efforcent tour à tour d'attribuer le caractère d'outrage ou celui de simple injure? Sera-t-il défendu aux juges du fait d'avoir égard aux temps, aux lieux, aux circonstances, à la question intentionnelle, à la condition des personnes, aux dépositions des témoins, aux explications du prévenu? Dans l'espèce présente, leur sera-t-il interdit d'avoir égard, au moins comme circonstances atténuantes, aux expressions, je ne dis pas de ce procès-verbal, car ce n'en est pas un, mais de ce rapport, non pas spontané, mais requis d'office, où le commissaire de police, cédant à une injonction supérieure du ministère public, a consigné des considérations de nature à influer puissamment sur l'opinion du tribunal? Qu'il ine soit permis de les retracer ici. » Ici M. le

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procureur général lit une lettre du commissaire de police outragé, dans laquelle ce magistrat, en adressant au procureur de la République le rapport que celui-ci avait exigé, lui exprime le vif désir que des poursuites n'aient pas lieu; puis il reprend ainsi :

« Qu'une plainte du fonctionnaire offensé ne soit pas une condition nécessaire de la poursuite pour outrage dans l'exercice des fonctions, c'est un point accordé; nous en avons dit les raisons. Mais est-il donc défendu à ce fonctionnaire d'admettre des explications, de recevoir des excuses? Lui est-il ordonné d'être implacable? Sera-t-il interdit à un tribunal, à une Cour de justice, de laisser effacer par une rétractation immédiate ce qui s'était d'abord produit comme une offense dans les réponses de la partie, ou dans le plaidoyer de son défenseur? La loi leur prescrit-elle d'être inexorables? Et leur faudrait-il agir comme ce personnage de la scène qui, voulant absolument arriver à un duel, en repoussant toute satisfaction, dit à son interlocuteur: Non, le démenti y est. Et le ministère public restera-t-il maître de leur forcer la main et d'agir malgré le tribunal, malgré la Cour? Ce n'est point ainsi que vous avez entendu la loi, et j'en trouve la preuve dans votre arrêt du 27 fév. 1832. Il s'agissait d'un outrage commis à l'audience envers la Cour d'assises par l'accusé Raspail, et l'arrêt renferme pour premier motif: « Attendu que le >> procès-verbal des débats constate que Ras» pail, Blanqui, Bonier et Thouret ont été mis » à portée de rétracter les paroles par eux pro» noncées à l'occasion de leur défense, et qui » ont été incriminées par le ministère public, » et qu'au lieu d'attribuer ces paroles à la cha» leur de la défense, les prévenus y ont per»sisté. » Ainsi, c'est la persistance seule qui a entraîné la condamnation, et, s'il y avait eu rétractation, et, par suite, absence de condamnation, la Cour elle-même reconnaît, dans cet arrêt, que l'art. 222 n'aurait pas été violé. D'ailleurs, à côté de l'art. 222 C. pén., n'y at-il pas l'art. 91 C. proc., auquel les tribunaux peuvent recourir, selon les circonstances? De même que, si l'outrage envers d'autres fonctionnaires se trouve n'être qu'une irrévérence ou une simple injure, il y a les art. 375 et 376 C. pén.

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Dans tous ces cas, il n'y a pas impunité, mais seulement modération. Toutes ces appréciations d'excuses, ces modifications de peines, restent dans le domaine des juges du fait; et ma discussion n'a pas eu d'autre but que de montrer qu'on ne doit pas y préjudicier.

>> Sous le bénéfice de ces observations, nous estimons qu'il y a lieu de casser. »

Du 17 MARS 1851, arrêt C. cass., ch. réun., MM. Portalis 1er prés., Delapalme rapp., Dupin proc. gén., Ledien av.

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neur ou leur délicatesse, comprennent néces-
sairement toutes les expressions injurieuses qui
manifestent le mépris pour le fonctionnaire au-
quel elles sont adressées, pour ses actes et pour
ses fonctions, et qu'en jugeant le contraire, et
en tirant la conséquence que l'art. 222 no de-
vait pas recevoir son application aux faits de la
cause, la Cour de Poitiers, dans l'arrêt attaqué,
a expressément violé ledit article; - Par ces
motifs, CASSE. >>

CASSATION (22 février 1851).
COMMISSAIRE DE POLICE, MAGISTRAT,
TATION, COOPÉRATION, -
TÈRE, TERMES DE MÉPRIS.

ARRES-
OUTRAGES, CARAC-

Les commissaires de police, exerçant par délégation directe de la loi une portion de l'autorité publique, soit comme appartenant à la police administrative, soit comme auxiliaires de la police judiciaire, et ayant le droit de requérir la force publique, sont, suivant la qualité en laquelle ils agissent, magistrats de l'ordre administratif ou de l'ordre judiciaire, et protégés, à ce titre, par les dispositions des art. 222 et suiv. C. pén. (1).

formes du jugement attaqué, que le sieur Gonnot, ouvrier menuisier à Charolles, s'était présenté chez le commissaire de police de cette ville pour lui soumettre le règlement d'un compte au sujet duquel il était en désaccord avec son maître; que, n'ayant pu, à raison de son état d'ivresse, obtenir de ce fonctionnaire qu'il consentit à l'entendre, il avait insulté à sa qualité de commissaire de police, soit en le tutoyant, soit en proférant contre lui des paroles grossièrement injurieuses; qu'après avoir été, à raison de cette conduite, mis en état d'arrestation par ce dernier, il avait tenté de s'enfuir, et que, le commissaire s'y étant opposé, Gonnot l'avait invectivé de nouveau, l'avait traité de canaille, avait déchiré ses vêtements, et s'était efforcé de lui arracher son écharpe;

>> En droit, et quant au moyen pris de la violation prétendue de l'art. 228 C. pén., en ce que le jugement attaqué n'aurait pas appliqué cet article aux actes par lui imputés au prévenu dans sa lutte avec le commissaire de police: Attendu que le tribunal de Châlons-sur-Saône, en décidant que lesdits actes n'avaient pas le caractère et la gravité pénale des violences prévues et punies par l'article précité, n'en a pas violé les dispositions; - REJETTE ce moyen;

1

En vain prétendrait-on échapper aux peines portées par cet article contre l'outrage dont un commissaire de police a été l'objet sous » Mais en ce qui concerne la violation, sous le motif que ce fonctionnaire, en procédant luiun triple rapport, de l'art. 222 du même Code, même à une arrestation, a fait par là office, en ce que le jugement aurait dénié aux comnon de magistrat, mais d'agent de la force pu- missaires de police la qualité de magistrats; 2° blique, alors que, cette arrestation se référant en ce qu'il aurait déclaré qu'en fût-il autreà un fait antérieur du commissaire de police ment, la protection due à cette qualité ne pouagissant à ce titre, il y a relation entre l'ouvait s'étendre au cas où un commissaire de potrage et ce fait qui doit rester couvert de la protection de la loi comme accompli en vertu du caractère public de son auteur. Les expressions de mépris adressées à un magistrat, tendant à diminuer le respect des citoyens pour sa mission légale, peuvent être considérées comme portant atteinte, dans le scns et selon l'esprit de l'art. 222 C. pén., à son honneur ou à sa délicatesse, et constituent, dès lors, l'outrage mentionné par cet article (2): C. pén. 222.

GONNOT.

Du 22 FÉVRIER 1851, arrêt C. cass., ch. crim., MM. Laplagne-Barris prés., Rocher rapp., Sévin av. gén.

<< LA COUR; Attendu, en fait, qu'il résulte des termes du procès-verbal qui a servi de base à la poursuite, et des énonciations con

-

(1) La doctrine et la jurisprudence sont d'accord sur ce point. V. Rép. gen. Journ. Pal., vo Outrage, nos 103 et suiv.-Adde Cass. 8 déc. 1849 (t. 1 1851, p. 570), 7 sept. 1849 (t. 1 1851, p. 179), 26 juin 1851 (t. 2 1851, p. 597); - Carnot, Comment. C. pén.. sur l'art. 222, no 7; Bourguignon, Jurispr. des C. crim., sur l'art. 222 C. pén., no 5; Chauveau et Hélie, Théor. C. pén., chap. 31, § 1er, 1re édit., t. 4, p. 356, et 2e édit., t. 3, p. 138; Duvergier sur Legraverend, Législ. crim., t. 2, p. 368, note 11, no 3; de Grattier, Comment. sur les lois de la presse, t. 2, p. 57, en note; Morin, Rép. du dr. crim., vo Outrage et violence, no 4. Jugé aussi que celui qui a adressé un outrage à un commissaire de police dans l'exercice de ses fonctions ne peut se soustraiT. II de 1852.

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lice procédant lui-même à une arrestation faisait par la office d'agent de la force publique; 30 en ce qu'il aurait jugé que des paroles grossières ne constituaient pas des outrages susceptibles de porter atteinte à l'honneur ou à la délicatesse de celui qui en avait été l'objet :

>> Sur le premier point: Attendu qu'il y a lieu de distinguer entre l'autorité publique et limite de ses attributions légales, caractère pour la force publique ; que la première a, dans la ordonner, et que la mission de la seconde se borne à contraindre à exécution; qu'il ressort tant des lois relatives à l'institution des commissaires de police que des dispositions les concernant du Code d'instruction criminelle qu'ils exercent, par délégation directe de la loi, une portion de l'autorité publique, soit comme appartenant à la police administrative, soit comme auxiliaires de la police judiciaire, et que

re à l'application de l'art. 222 C. pén. en prouvant que ce magistrat n'a pas prêté serment: Cass. 26 juin 1851 (précité).

Jugé, cependant, que, lorsqu'un commissaire de police n'agit que comme simple officier de police judiciaire, il ne peut être considéré comme magistrat, et que, dès lors, l'individu accusé d'outrage contre sa personne échappe à l'application de l'art. 222 C. pén. Bruxelles, 14 juil. 1837 (Journ. Pal., Jurisp. belge, année 1837-1840, p. 118).

(2) V., en ce sens, Cass. 6 sept. 1830 et 17 mars 1851 (qui précèdent), et la note, 8 mars 1851 (qui suit). V. aussi Rép. gén. Journ. Pal., vo Outrage, nos 34 et suiv., 57 et suiv.

40

cet article, et non pas simples propos inconvenants, de la part de l'individu qui, parlant du maire dans l'exercice de ses fonctions et à raison de sa qualité, a dit publiquement qu'il se moquait de ses procès-verbaux, qu'il était un imbécile et qu'il l'emm..... (4).

le droit qu'ils ont de requérir la force publique | Spécialement, il y a outrage punissable d'après établit une différence essentielle entre eux et les agents tenus de déférer à leurs réquisitions; »Sur le second point: -Attendu que l'immunité spéciale inhérente aux fonctions de magistrat couvre tout acte, quel qu'il soit, accompli en vertu du caractère public dont il est revêtu, et qu'il suffisait, dans l'espèce, de la relation existant entre les paroles incriminées et un fait antérieur du commissaire de police agissant à ce titre pour que la protection accordée par l'art. 222 au principe d'autorité qu'il représentait lui fût légalement assurée;

»Sur le troisième point: - Attendu que les expressions de mépris adressées à un magistrat tendent à diminuer le respect des citoyens pour sa mission légale, et peuvent être considérées, dès lors, comme étant de nature à porter atteinte, dans le sens et selon l'esprit de l'art. 222, à son honneur ou à sa délicatesse; - Attendu qu'en méconnaissant sur ces trois points les principes de la matière, le jugement attaqué a formellement violé ledit art. 222 C. pén.; CASSE, etc. >>

CASSATION (8 mars 1851).

TROUSSIER ET AUTRES.

Du 8 MARS 1851, arrêt C. cass., ch. crim.. MM. Laplagne-Barris prés., Rives rapp., Sévin av. gén. (concl. conf.).

« LA COUR (après délib. en ch. du cons.); — En ce qui touche tous les prévenus: - Vu les art.218, 221, 224, 229, 408 et 413 C. inst. crim., et 7 de la loi du 20 avril 1810;- Attendu qu'il résulte de la combinaison de ces articles que les chambres des mises en accusation sont tenues de statuer, par des dispositions formelles et motivées, non seulement sur tous les chefs de prévention spécifiés dans les ordonnances des chambres du conseil dont elles se trouvent saisies, mais encore sur les réquisitions expresses du procureur général tendant à faire modifier ou rectifier la qualification donnée aux faits par les premiers juges; d'où il suit que l'inobservation de cette règle fondamentale et substan

JUGEMENT ET ARRÊT, MOTIFS, CHAMBRE D'AC- tielle de l'instruction criminelle doit entraîner
CUSATION, MISE EN PRÉVENTION, CHEFS
DISTINCTS, OUTRAGE, CARACTÈRE, FONC-
TIONNAIRE, EXPRESSIONS INJURIEUSES.

La chambre d'accusation est tenue, à peine de nullité, de statuer, par des dispositions for melles et motivées, non seulement sur tous les chefs de prévention spécifiés dans l'ordonnance de la chambre du conseil dont elle se trouve saisie, mais encore sur les réquisitions expresses du procureur général tendant à faire modifier ou rectifier la qualification donnée aux faits par les premiers juges (1). Ainsi, lorsque, la chambre d'accusation ayant à statuer sur une mise en prévention prononcée par la chambre du conseil pour plusieurs chefs distincts, le ministère public conclut à l'infirmation pour fausse qualification sur un chef, et à la confirmation sur les autres, l'arrêt qui intervient est nul s'il se borne à infirmer l'ordonnance de la chambre du conseil par le motif général que les fails incriminés ne constituent qu'une simple contravention de police (2). C. inst. crim. 218, 221, 224 et 229: L. 20 avril 1810, art. 7. Les expressions grossières et termes de mépris adressés à un magistral dans l'exercice de ses fonctions ou à l'occasion de cet exercice, étant de nature à diminuer le respect des citoyens pour son autorité morale et pour le caractère dont il est revêtu, tendent à inculper son honneur ou sa délicatesse, et constituent, dès lors, un outrage, selon l'esprit et le sens de l'art. 222 C. pén. (3).

(t-2) V. Rép. gen. Journ. Pal., vo Chambre des mises en accusation, nos 343 et suiv.

(3-4) V., en ce sens, Cass. 6 sept. 1850 et 17 mars 1851 (sup., p. 617), et la note, 22 fév. 1851 (qui précède). — V. aussi Rép. gén. Journ. Pal., vo Outrage, nos 34 et suiv., 57 et suiv.

l'annulation des arrêts qui en sont entachés; —Et attendu, dans l'espèce, que les sept individus dont il s'agit ont été, par l'ordonnance de la chambre du conseil du tribunal de première instance séant à Aix, en date du 8 janvier dernier, déclarés suffisamment prévenus d'avoir, dans la nuit du 8 au 9 déc. 1850, à Velaux, sur la place publique, dans l'auberge de Matheron, et à haute voix 1o proféré des cris séditieux, en disant: Vive la république démocratique et sociale! Vivent Barbès, Raspail, Ledru-Rollin, Robespierre! 2° offensé la personne du président de la république, en criant: A bas Napoléon! A bas le président de la république ! et en chantant: Mettons au bout de nos fusils Changarnier, Radestki, Napoléon et le pape aussi; 3° cherché à troubler la paix publique, en excitant le mépris et la haine des citoyens les uns contre les autres, en criant: A bas les carlistes! ce qui constitue le délit prévu par les art. 1 de la loi du 17 mai 1819, 8 de la loi du 25 mars 1822, 7 de la loi du 11 août 1848, 1er de la loi du 29 juillet 1849, 1 et 2 de la loi du 11 août 1848; Que le procureur général a requis formellement que cette ordonnance fût réformée sur le deuxième chef, attendu que le cri A bas le président de la République ! constitue un cri séditieux, et non le délit d'offense, et confirmé sur le surplus; que la chambre d'accusation, au lieu de statuer par des motifs distincts, et successivement, tant sur chacun des chefs de la prévention que sur les réquisitions spéciales du ministère public quant à l'un d'eux, s'est contentée d'annuler ladite ordonnance et de renvoyer les inculpés en simple police; - Attendu qu'il ressort de la procédure que les chants et cris séditieux qui donnent lieu aux poursuites auraient été proférés dans une réunion sans caractère politique, par des individus échauffés

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