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ment devait être considéré comme nul et non avenu, et à ce qu'il fût procédé au partage de la succession;

Attendu que l'on ne peut confondre la dénégation de l'écriture et de la signature d'un testament olographe avec les moyens de nullité qui peuvent en faire regarder les dispositions comme nulles et non avenues; que, dans le premier cas, c'est l'existence matérielle du testament qui est contestée et déniée;

· Attendu que dans cette situation Jeanne Lalanne, héritière à réserve, a pu et dû accorder la delivrance qui lui était demandée; que, seule investie du droit de faire cette délivrance, il n'a pu y être fait obstacle par l'instance eu nullité et en partage introduite par

les appelants;

Attendu que c'est seulement dans leurs conclusions signifiées le 15 déc. 1840, cinq mois après la contestation en cause, que les appelants ont déclaré d'une manière formelle que l'écriture et la signature du testament n'émanaient pas de Catherine Bégand;

> Attendu que Bézian réunissait à son titre la possession de fait et de droit qu'il avait en outre la preuve résultant de la reconnais sance de l'héritière à réserve et celle de l'un des héritiers naturels; que, dans cette situation, c'est aux appelants à faire procéder à la vérification de l'écriture et de la signature du testament qu'ils dénient; (1)

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Par ces motifs, - MET au néant l'appel interjeté par les époux Grugier et Pierre Bégaud du jugement du tribunal civil de Libourne du 30 avril 1841. »

COUR ROYALE DE MONTPELLIER. (23 janvier 1843.)

COUR DE CASSATION.

(12 mai 1843.)

Le propriétaire d'un café, cabaret ou auberge, qui y donne habituellement à jouer à des jeux de hasard, commel le délit prévu par l'art. 410 C. pén., et

(1) La circonstance, dans la décision que nous recueillons, que la délivranco avait été faite par le réservataire, c'est-à-dire par l'individu qui connait le mieux les secrets de la succession, rendait encore plus favorable la position du légataire quant à la question tranchée par la Cour de Bordeaux. V. Turin, 10 janv. 1809; Cass. il nov. 1829, et les notes.

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V. aussi Cass. 25 mai 1845. Dans l'espèce de ce dernier arrêt il n'y avait pas d'héritier à réserve. Du reste, et en principe, la jurisprudence des Cours royales tend à consacrer la doctrine que l'envoi en possession du légataire opère en sa fayeur une saisine irrévocable, qui est attributive de droit, en sorte qu'il devient défendeur et se trouve ainsi protégé par la maxime: Actori incumbit onus probandi. Ce sera donc désormais à l'héritier du sang, réservataire ou non réservataire, à rapporter la preuve; c'est à lui de s'imputer de n'avoir pas empêché l'envoi en posses sion. Paris, 11 août 1816.

non pas seulement la contravention punie par l'art. 475, § 5, du même Code (1)

Il n'est pas nécessaire, pour qu'une maison de jeu soit considérée comme répréhensible, qu'elle soil organisée de manière à avoir des administrateurs, préposés ou agents; il suffit qu'on y ait joué à

(1) L'opinion consacrée par les arrêts que nous recueillons, contraire à une précédente jurisprudence de la Cour de cassation et à la doctrine des auteurs (V. Cass. 14 nov. 1840.

- Chauveau et Hélie, Théorie du Code

pénal, t. 7, p. 404; Morin, Dict. du dr. crim., vo Jeux prohibés, p. 442, ne nous semble pas à l'abri de toute critique. En effet, que dit la loi ? L'art. 410 C. pén. punit correctionnellement << ceux qui auront tenu une maison de jeux de hasard et y auront admis le public, etc.» L'art. 475 même Code, $5, punit comme coupables seulement de contravention « ceux qui auront établi ou tenu dans les rues, chemins, places ou lieux publics, des jeux de loterie ou autres jeux de hasard. » La conséquence qui résulte nécessairement de ees deux dispositions, c'est que le fait que le législateur a voulu atteindre est un délit ou une simple contravention, suivant qu'il est clandestin ou public. Et cela se conçoit, car la tenue d'une maison de jeux clandestine, sur laquelle la police no peut exercer aucune surveillance, présente des dangers beaucoup plus graves que le jeu qui s'exerce en public, et que la police peut constamment surveiller et interrompre du moment où il offre un caractère dangereux. Or le jeu qui se joue dans les cafés, auberges ou cabarets, est précisément dans ce dernier cas, ces divers établissements étant des lieux publics, où la police peut toujours pénétrer. (LL. 16-24 août 1790, tit. 11, art. 3, no 3; 19-22 juil. 1791, tit. 1er, art. 9 et 10; décr. 27 sept. 1792; L. 28 germ. an VI, art. 129.) Ce caractère de lieux publics est même positivement reconnu à ces établissements par l'art. 475, S5, C. pén.; car autrement, comme le font remarquer MM. Chauveau et Hélie, quel serait le sens des mots lieux publics, placés dans cet article après l'énumération des places, des rues et des chemins? L'infraction commise dans les cafés, cabarets et auberges, continuellement soumis à l'inspection de l'autorité, ne peut donc être ni bien grave, ni bien dangereuse; dès lors elle doit être réprimée par une pénalité moins sévère.

V. encore les deux arrêts rendus par la Cour de Cassation les 26 mars 1813 et 1er juin 1821. Carnot, sur les art. 410 et 475 C. pén., où les cafés et auberges sont considérés comme lieux publics. Toutefois, dans l'espèce soumise à la Cour do Montpellier, le substitut du procureur général, dont les conclusions furent adoptées, crut devoir insister avec force pour l'application de l'art. 410. « Les jeux de hasard et autres, disait-il, joués dans les cafés, les auberges et les cabarets, dans les petites villes, et surtout les villages, sont plus dangereux encore pour les ouvriers et les pères de famille qui les fréquentent, et qui y consomment leur salaire de la semaine, que les maisons de jeux tenues et établies sur un grand pied; celleslà, du moins, ne s'adressent pas aux classes pauvres de la société, que les magistrats doivent plus particulièrement protéger de leur sollicitude, à raison de leur infériorité même. »

1

des jeux de hasard, el que le public y ail été admis soil librement, soit sur la présentation d'affiliés (1). C. pén. 410. (Rés. par le premier arrêt.)

PREMIÈRE ESPÈCE.

MINISTÈRE Public C. Bousquet.

Le sieur Bousquet, propriétaire d'un café à Lodève, fut poursuivi devant le tribunal correctionnel de cette ville pour avoir donné à jouer dans son établissement à des jeux de hasard, tels que le lansquenet, le vingt-et-un, la dupe.

Le ministère public conclut contre lui à l'application de l'art. 410 C. pén.; mais le tribunal condamna seulement Bousquet aux peines portées par l'art. 475, § 3, C. pén., attendu que la maison du prévenu ne présentait, quant aux jeux, ni administrateurs, ni préposés ou agents, condition indispensable pour constituer le délit prévu par l'art. 440. »

Appel par le ministère public.

DU 23 JANVIER 1843, arrêt C. roy. Montpellier, ch. corr., MM. Chais prés., Thomas-Latour subst. proc. gén. (concl. conf.), Jamme av.

LA COUR: Attendu qu'il résulte du procès-verbal du commissaire de police de Gignac, assisté des deux gardes champêtres de la commune, en date du 8 déc. 1842, ainsi que des dépositions des témoins entendus à l'audience du 6 janvier courant du tribunal correctionnel de Lodève, que François Bousquet a, ledit jour 8 décembre, donné, dans son auberge ou café, à jouer à des jeux de hasard, tels que ceux appelés le lansquenet, le vingtet-un, la dupe;

Attendu qu'il est également établi que, vers la fin du mois de novembre, et les 4 et 6 du mois de décembre, François Bousquet a donné à jouer aux mêmes jeux et dans le meme lieu;

Attendu que non seulement il y a reçu le public, puisque, dans certaines occasions, on y a remarqué plus de douze personnes, mais qu'il y a fait appeler des individus du pays pour y prendre part;

Attendu que de la multiplicité de ces faits résulte la conviction que François Bousquet tenait habituellement une maison de jeux de hasard; qu'il y recevait et y appelait le public; Attendu qu'une pareille conduite constitue le délit prévu par l'art. 440 C. pén;

Attendu que de la contexture de cet article il ne résulte pas que, pour qu'une maison de jeu soit considérée comme répréhensible, il faille absolument qu'elle soit organisée de manière à avoir des administrateurs, préposés ou agents;

Qu'il suffit, pour être déclaré coupable, qu'un individu ait converti sa maison en maison de jeu; qu'on y ait joué des jeux de hasard, et que le public y ait été admis, soit librement, soit sur la présentation d'affiliés;

(1) V. conf. Chauveau et Hélie, t. 7, p. 405; Morin, v Jeux prohibes, p. 44%.

qu'aucune autre condition n'est indiquée par la loi, et qu'il a été reconnu par la jurisprudence qu'il n'était pas même nécessaire que la tenue de la maison fût permanente, et que le banquier y fut toujours le même et à poste fixe (1);

» Attendu que le législateur, en faisant, dans le même article, peser une culpabilité semblaquiers dans lesdites maisons, sur ceux qui auble sur ceux qui auraient été reconnus banront tenu ou établi des loteries non autorisées, et sur les administrateurs, préposés ou agents de ces établissements, n'a fait qu'indiquer les personnes qui participaient au délit, dont il s'agit n'indique qu'il ait voulu que et que rien, dans la rédaction de la disposition l'existence de ces administrateurs, préposés ou agents, soit nécessaire pour qu'une maison de jeux de hasard rentre dans la prévision de culpabilité qu'elle contient ;

Attendu que, si l'art. 410 n'était point entendu de cette manière, la loi deviendrait, dans beaucoup de cas, insuffisante ou impuissante contre ceux qui entretiennent des jeux de hasard, surtout dans les petites localités, où ces exercices ne sont ni moins fréquents, ni moins dangereux pour l'ordre public et pour les familles ;

» Attendu que ce n'est pas ce genre de délit que le législateur a voulu punir par le § 5 de l'art. 475 du même Code, car il est évident que ce n'est pas une amende de 6 à 10 fr. qu'il aurait jugée capable de retenir l'individu mal intentionné, qui pourrait en peu de moments réaliser des bénéfices bien au dessus d'une aussi faible somme; que, d'ailleurs, une peine aussi minime n'aurait pu lui paraître proportionnée à un fait aussi grave;

Attendu, dans tous les cas, qu'il résulte des faits établis que François Bousquet était l'administrateur de la maison qu'il ouvrait au public, et qu'il ne mauquait pas d'agents pour la tenir et y attirer des joueurs ;

» Attendu, dès lors, que le tribunal a mal apprécié les faits de la cause; qu'il a mal à propos appliqué à François Bousquet l'art. 475, et qu'il aurait dû appliquer les dispositions de l'art. 410; qu'il y a, par conséquent, lieu de réformer sur ce chef;

» Attendu néanmoins qu'il est juste de reconnaître qu'il existe quelques circonstances atténuantes qui permettent de réduire la peine au dessous du minimum de l'art. 410 C. pén.;

Par ces motifs, faisant droit à l'appel du procureur du roi près le tribunal de première instance de l'arrondissement de Lodève, — A MIS et MET à néant le jugement dont est appel; DECLARE François Bousquet coupable du délit de tenue de maison de jeux de hasard, etc.» DEUXIÈME ESPÈCE.

MINISTÈRE PUBLIC C. TALLET.

DU 12 MAI 1843, arrêt C. cass., ch. crim., MM. de Ricard cons. f. f. prés., Vincens SaintLaurent rapp., Delapalme av. gén.

(1) V. Cass. 2 avril 1819.-Chauveau et Hélie, t. 7, p. 403.

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• LA COUR ; Vu les art. 410 et 475, no 5, C. pén.; - Attendu que l'art. 410 C. pén. prononce des peines correctionnelles contre tous ceux qui tiennent des maisons de jeux de hasard où ils admettent le public, soit librement, soit sur la présentation des intéressés ou affiliés; que sa disposition est générale et absolue; et qu'on n'y trouve rien dont on puisse inférer qu'il est inapplicable aux aubergistes, cabaretiers ou cafetiers qui tiendraient une maison de jeux de hasard;

» Attendu que l'art. 475, no 5, C. pén., en prononçant des peines de simple police contre ceux qui auront établi ou tenu dans les rues, chemins, places ou lieux publics, des jeux de hasard, n'a point dérogé à la généralité des dispositions de l'art. 410 à l'égard des maisons de jeux établies dans des auberges, cafés ou cabarets; qu'il a pour objet d'atteindre tout jeu de hasard qui, tenu d'une manière passagère ou accidentelle, ne pourrait par ce motif être considéré comme constituant l'établissement d'une maison de jeu, puisque d'ailleurs il est tenu dans un lieu public;

Attendu que Tallet, aubergiste et cafetier, avait été condamné par le tribunal correctionnel d'Avignon comme s'étant rendu coupable du délit prévu par l'art. 410 C. pén.;

⚫ Qu'appelé à statuer sur son appel, le tribunal supérieur de Carpentras devait examiner si les circonstances qui motivaient la décision des premiers juges étaient prouvées, et si elles étaient de nature à constituer l'établissement d'une maison de jeux de hasard; qu'au lieu de se livrer à cette appréciation, le tribunal a décidé en droit que le fait ne pouvait constituer que la contravention de police prévue par l'art. 475, n° 5, C. pén.;

Qu'en jugeant ainsi il a fait une fausse application dudit article; CASSE. »

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COUR ROYALE DE NIMES.

(23 janvier 1843.)

L'acle par lequel un futur gendre s'engage vis-à-vis son beau-père futur à n'exiger pour la dot de sa femme qu'une somme moindre que celle qui sera portée au contrat de mariage est une contre-lettre frappée de nullité aux termes de l'art. 1396 C. civ.-Peu importe que cet acte ait été rédigé et signé avant la passation du contrat de mariage. (1) Celle nullité est d'ordre public, el peut, dès lors, être invoquée par le gendre malgré l'exécution qu'il aurait donnée à l'acle dérogatoire des clauses du contrat de mariage.

(1) V., sur les contre-lettres en matière de mariage, Toullier, t. 12, nos 41 et suiv.; Bellot, Contrat de mariage, t. 1, p. 39.

Les époux ne peuvent, même par testament, changer ou modifier les clauses de leur contrat de mariage, encore bien qu'ils y consentissent tous deux. Cass. 27 mai 1817, 29 juil. 1818.

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PEYRACHE C. ROUMESTAN.

Le sieur Roumestan recherchait en mariage la demoiselle Peyrache. L'union, bien assortie quant aux personnes, ne l'était pas aussi bien quant à la fortune, et les parents de Roumestan, quoiqu'il fût majeur et maître de ses droits, cherchaient à le détourner de ce mariage, en insistant sur le peu de fortune de sa future. Pour faire cesser ces observations, Roumestan convint avec son beau-père Peyrache que celui-ci serait, au moins en apparence, plus libéral envers sa fille qu'il ne voulait l'être réellement, et que la dot, au lieu d'être fixée à 10,000 fr., serait portée au double dans le conréels, Roumestan, une heure avant la signatrat authentique. Mais, pour sûreté des accords ture du contrat de mariage, souscrivit un acte n'avoir droit à réclamer que 10,000 fr. pour sous seing privé par lequel il reconnaissait la dot de sa femme. Cet acte souscrit, on passa le contrat authentique. Peyrache y constituait à sa fille une dot de 20,000 fr., dont 40,000 étaient payés comptant par une lettre de change de cette valeur, signée du beau-père et remise par lui immédiatement à son gendre, qui lui en donnait quittance et qui reconnaissait cette somme au profit de sa femme sur tous ses biens immobiliers. Les 10,000 fr. restant étaient payables en divers termes. Ce contrat de mariage est à la date du 14 nov. 1838, ce qui est aussi la date de l'acte sous seing privé remis par Roumestan à Peyrache et de la lettre de change donnée par celui-ci au premier. Deux jours après le mariage, le gendre remit à son beau-père, en présence de sa femme, la lettre de change souscrite le 14 novembre, et d'un commun accord elle fut lacérée. Le premier terme des 10,000 fr. restant venait à échéance le 14 nov. 1839, il fut payé par Peyrache à son gendre, qui reçut ensuite divers à-compte sur les termes à échoir, sans jamais faire de réclamation au sujet de la lettre de change de 10,000 fr. Cependant, trois ans après le mariage, la division s'étant mise dans la famille, Roumestan assigna son beaupère en remise de la lettre de change du 14 nov. 1838, qu'il prétendait lui avoir été soustraite par Peyrache. Le demandeur ne rapportait aucune preuve à l'appui de cette allégation: la contre-lettre avait été faite en un seul exemplaire et remise au beau-père; celuici aurait donc pu facilement résister à la demande en se bornant à en demander le rejet, comme n'étant pas justifiée. Mais dans un interrogatoire sur faits et articles que son adversaire lui fit subir Peyrache déclara tous les faits comme ils s'étaient passés et produisit même avec beaucoup d'insistance la contrelettre que lui avait souscrite son gendre. Celuici abandonna dès lors son premier système de soustraction de la lettre de change, et, prenant les faits tels que son beau-père les avait lui-même révélés, il demanda la nullité de la contre-lettre par application de l'art. 1396 C. civ.

On disait dans son intérêt : Les aveux de Peyrache lui-même constatent que la somme de 10,000 fr. n'a jamais été payée par lui, et qu'au contraire cette somme n'a figuré au con

trat que pour faire honneur à l'acte. Il ne peut se prévaloir, pour se soustraire au paiement de cette somme par lui promise dans le contrat de mariage, ni de la déclaration faite par Roumestan avant cet acte, ni de la remise que celui-ci aurait consenti à lui faire de la lettre de change, car cette double remise de pièces constitue une contre-lettre dérogatoire et abrogatoire de la donation portée audit contrat, lequel acte de dérogation et d'abrogation, fait en violation des dispositions de l'art. 1096 C. civ., est frappé de nullité (4).

ment. On disait en terminant que la remise faite à Peyrache par Rounestan du titre en vertu duquel il pouvait exiger une partie de la dot de sa femme n'était autre chose qu'une remise de la dot elle-même que le gendre consentait au profit de son beau-père, remise qu'il avait le droit de faire aux termes de l'art. 1422 C. civ., la dot étant toute mobilière.

Sur ces moyens respectifs, jugement du tribunal d'Alais, à la date du 21 avril 1842, qui:

port matrimonial de la future épouse, laquelle n'aurait en conséquence réellement reçu de son père que les 10,000 fr. payables aux termes énoncés dans l'acte ; qu'enfin, cette convention aurait été réalisée par la remise volontaire que Roumestan avait faite à Peyrache de la lettre de change après la signature du contrat notarié ;

>>Attendu que Roumestan, en acceptant cette version telle qu'elle est consignée dans les réponses catégoriques de son adversaire, en a fait la base de ses conclusions en nullité soit de la déclaration, soit de la remise manuelle de la lettre de change, en tant qu'on voudrait considérer ce fait comme libératoire ;

• Attendu que dans son interrogatoire sur On répondait, de la part de Peyrache, faits et articles Peyrache a reconnu que la d'abord en écartant l'argument que l'on pou- lettre de change dont est mention dans le convait tirer de l'existence de la contre-lettre ré- trat de mariage de sa fille avec Roumestan vélée assez imprudemment par le défendeur n'avait pas été payée à celui-ci, bien qu'elle lui-même. Il ne s'agit dans la cause, disait-on lui eût été remise à lui-même après la passasur ce premier point, que de l'appréciation tion du contrat de mariage et qu'il ne l'eût d'un fait libellé dans l'assignation introducti- plus rendue depuis à Roumestan, son gendre; ve d'instance, l'abus de confiance dont se que Peyrache a expliqué sa conduite à cet éplaint Roumestan au sujet d'une lettre de gard en se prévalant d'une déclaration privée, change souscrite par Peyrache avant le con- souscrite par Roumestan avant la signature du trat de mariage dudit Roumestan avec la fille contrat de mariage, et par laquelle ledit RouPeyrache. Ce fait est-il établi au procès ? Non, mestan s'engage à ne pas demander le paiesans doute; Roumestan renonce lui-même à ment des 10,000 fr. montant de la lettre de soutenir que son beau-père lui a soustrait ce change, et reconnaît que cette somme ne figutitre, il abandonne donc sa demande premièrera que pour l'honneur du contrat dans l'apre, et Peyrache doit en être relevé. Peut-on s'emparer contre celui-ci des déclarations contenues dans son interrogatoire? Mais il faut alors les prendre en leur entier, et elles démontrent que la remise de la lettre de change a été spontanée, libre et volontaire, de la part de Koumestan; qu'elle a été le résultat d'un engagement d'honneur pris par Roumestan avant son contrat de mariage; que cette obligation a été contractée par lui de son propre mouvement et en parfaite connaissance de cause; qu'aucun indice de fraude, de dol ou de violence, n'est même allégué; qu'en un mot, dette d'honneur au moment où elle était contractée, elle a été acquittée comme telle, et que l'art. 4325 C. civ. rend Roumestan non recevable à revenir sur la remise qu'il a faite volontairement de son titre à son débiteur; que, si l'on veut même apprécier les faits au point de vue des conventions matrimoniales, on remarquera que la remise faite de la lettre de change par Roumestan à Peyrache n'altère en rien ces conventions et n'est pas atteinte par suite par l'art. 1396 C. civ. En effet, le contrat de mariage porte qu'une somme de 20,000 fr. est constituée en dot, et que sur cette somme le futur époux reçoit 40,000 fr. en une lettre de change de pareille valeur. Maintenant, que la remise de celte lettre de change ait lieu plus tard des mains du gendre entre celles du beau-père, la substance du contrat n'en restera pas moins la même, il y aura toujours une dot de 20,000 fr. constituée et reçue par le mari; par conséquent, par rapport à la femme comme par rapport aux tiers, l'acte de mariage subsiste en son entier, cette remise n'étant qu'une espèce de donation déguisée faite par Roumestan à sa femme, à laquelle il reconnaît une plus forte dot que celle qu'elle lui apporte réelle

(1) Toullier, t. 19, p. 88, no 62.

» Attendu, en cet état, que la déclaration dont s'agit n'est autre chose qu'une contre-lettre dérogatoire à l'une des clauses du contrat de mariage; qu'elle a effectivement pour objet d'annihiler la partie de cet acte dans laquelle Peyrache fait donation à sa fille d'une somme de 10,000 fr. représentée par la lettre de change souscrite à Roumestan; qu'il importe peu que la déclaration soit antérieure d'une heure à la passation du contrat de mariage; qu'il suffit, pour qu'on doive la ranger dans la classe des contre-lettres, qu'elle ait été faite dans l'intention de déroger au contrat et qu'elle y déroge en effet ;

Attendu que la remise de la lettre de change effectuée immédiatement après la passation du contrat de mariage et avant la célébration n'a été que la conséquence et l'exécution de la convention dérogatoire aux clauses dudit contrat; que ce fait se présente dès lors, quant à sa valeur juridique, avec les mêmes caractères que la déclaration elle-même; il constitue aussi une contre-lettre destinée à consommer la dérogation concertée entre Peyrache et Roumestan ;

»Et attendu qu'aux termes de l'art. 1296 C. civ., les changements apportés au contrat de mariage sont nuls si la contre-lettre qui les

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(1) Jugé, par application des mêmes principes, que, lorsque, sur une instance en nullité d'un acte, cet acte a été déclaré valable, le jugement ainsi rendu acquiert chose jugée à l'égard de tous les moyens de nullité que l'on pouvait invoquer, même à l'égard de ceux qui n'ont pas fait l'objet de conclusions; peu importerait même que des réserves d'attaquer l'acte par divers moyens eussent été faites, si d'ailleurs ces réserves ont ellesmêmes été rejetées. Douai, 12 janv. 1846.

Ce qui est jugé à l'égard d'une année d'arrérages par appréciation du fond du droit acquiert force de chose jugée pour les arrérages des années suivantes. Toulouse, 24 déc. 1842.

Toutes ces décisions et les décisions analogues sont fondées sur cette règle : « que la chose jugée est réputée la vérité même, et qu'il n'est plus permis de remettre en question devant le juge, Sous quelque prétexte que ce soit, sauf les cas d'exception déterminés par la loi dans lesquels il y a lieu à recours en requête civile ou en cassation ce qui a été une fois jugé. »

C'est à la partie qui a succombé de s'imputer de n'avoir pas réuni toutes ses preuves.

La décision suivante a fait une application remarquable de cette règle.

Par jugement du tribunal de cassation du 1r therm. an VIII, il a été jugé que, lorsqu'une demande a été rejetée faute de justification des titres à l'appui, et que le jugement est passé en for. ce de chose jugée, il n'est plus permis au deman

RATISBONNE C. BOUBÉE.

En 1816 la compagnie Boubée traita avec le gouvernement pour des fourrages nécessaires aux troupes étrangères qui, aux termes des traités de 1815, devaient occuper plusieurs départements du nord. Parmi les sous-traitants qui s'adjoignirent à la compagnie Boubée se trouvaient les frères Ratisbonne. Par suite de pertes considérables, les soumissionnaires s'étant trouvés dans la nécessité de cesser leurs fournitures, le ministre de la guerre passa des marchés d'urgence à la charge de la compagnie. Constitués par suite débiteurs de plus de quatre millions envers l'état, les sieurs Boubée et compagnie réclamèrent une indemnité, que le gouvernement leur accorda, en leur donnant un quitus de leur débet: alors se présentèrent les sous-traitants, qui, après de nombreuses contestations, obtinrent, par un arrêt du 31 mai 1824, une participation à l'indemnité. Depuis, de nouvelles diflicultés ont encore divisé les parties soit sur le mode de partage et les comptes respectifs, soit sur les imputations réciproques. Enfin, un arrêt de la Cour royale de Paris du 11 mars 1841 a terminé les nombreux procès qui duraient depuis vingtcinq ans.

Un double pourvoi a déféré cet arrêt à la Cour de cassation (1).

Le pourvoi formé par les frères Ratisbonne est basé :

1° Sur la violation de la chose jugée, notamment en ce qui concernait un sieur Hyne, sous-traitant, qui avait été exclu de l'indemnité par un précédent arrèt non attaqué, et qu'on avait néanmoins admis à y prendre part indirectement sous le nom de la compagnie Boubée.

2o. Même violation relativement à une som

me de 359,945 fr., en ce que cette somme devait venir en augmentation de l'indemnité de 1,104,914 fr. fixée par l'arrêt de 1824, attendu que cette première somme représentait la valeur des denrées livrées par l'état à la compagnie, et que les sous-traitants devaient y prendre une part proportionnelle.

3o Enfin sur la violation de la chose irrévo

deur de suivre sur cette demande, même en offrant les communications originairement requises; et qu'il ne peut venir que par nouvelle action, s'il y a lieu. V. ord. 1667, tit. 35, art. 3; tit. 27, art. 5.-V. aussi Carré et Chauveau, Lois de la procéd., quest. 1765; Toullier, Droit civil, nos 121 et 122; Merlin, Rép., vo Succession, p. 436.

On admettait anciennement en Bretagne une action sous la dénomination de lief de comminatoire qui avait pour objet de faire juger de nouveau une affaire qui ne l'avait été que dans l'état où elle se trouvait, et faute d'avoir fourni telles pièces, telles preuves qui, si elles l'avaient été, eusSur la sent pu motiver une décision différente. question de savoir si cette action existe encore aujourd'hui, V. Carré, loc. cit., et sur Part. 451.— V. aussi Rennes, 22 nov. 1811, 5 fév. 1812, 2 mars 1818.

(1) V. l'arrêt qui suit, rendu entre les mêmes parties.

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