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L'acquisition faite par des commerçants de portions d'intérêts dans une société en nom collectif dont ils sont déjà membres constitue de leur part un acte de commerce qui les rend passibles de la juridiction commerciale et de la contrainte par corps.

• Il en est autrement de l'acquisition faite par des individus non – négociants de parts dans celle société, dont ils sont devenus seulement commanditaires; il n'y a pas là, en ce qui les concerne, acte de commerce (1).

L'achat de l'immeuble dans lequel s'exploile la société ne constitue qu'un contral civil, même pour les parties commerçantes.

Bien que dans certains cas la juridiction civile puisse allirer à elle la connaissance de contestations commerciales, ce principe ne reçoit pas d'application lors qu'une acquisition est faite par plusieurs, qu'il s'agit de choses distinctes, n'ayant rien d'indivisible, el que la solidarité n'a pas été slipulée contre les acqué

reurs.

DANDOIS-MAILLARD ET AUTRES

C. LEBEAU ET AUTRES.

Les sieurs Dandois-Maillard, Titeux, Lemaire et Lebeau, avaient fondé à Maubeuge, sous la raison sociale Dandois-Maillard, Lebeau et compagnie, une société en nom collectif pour la fabrication de la quincaillerie.En 1841 les sieurs Lebeau vendirent aux sieurs Dandois-Maillard, Titeux et Lemaire, leurs coassociés, et aux sieurs Marchand et V. Lebeau, qui ne faisaient point partie de la société, un certain nombre de parts sociales leur appartenant, ainsi qu'un quart indivis de l'im meuble dans lequel s'exploitait la société. Des difficultés s'étant élevées pour le paiement du prix, les vendeurs assignèrent les acheteurs devant le tribunal de commerce d'Avesnes.

Les défendeurs opposèrent un déclinatoire fondé sur ce que l'acquisition d'un intérêt dans une société, même commerciale, et l'achat d'une part indivise dans un immeuble, ne constituaient que des actes purement civils.

On répondait que cette exception aurait pu tout au plus être invoquée par Marchand et Lebeau, qui, n'étant pas commerçants, n'a

(1) V., dans ce sens, Paris, 28 fév. 1842.

V. aussi Bioche et Goujet, Dict. de proc., Acte de commerce, no 5 et suiv.

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« LA COUR; En ce qui touche DandoisAttendu que Maillard, Titeux et Lemaire : l'art. 632 C. comm. répute acte de commerce toute entreprise de manufacture Attendu que l'acquisition faite par lesdits Dandois, Titeux et Lemaire, associés en nom

collectif dans la société de commerce DandoisMaillard, Lebeau et compagnie, de portions d'intérêts qui venaient augmenter celles qui leur appartenaient déjà dans ladite société, a été de leur part un acte de commerce qui les a rendus passibles de la juridiction commerciale et de la contrainte par corps; qu'il en résulte que la demande contre eux formée en paiement du prix d'achat de ces portions d'intérêts a été régulièrement portée devant le tribunal d'Avesnes jugeant commercialement ; — Qu'il n'importe que la juridiction civile soit seule compétente à l'égard de Marchand et de Lebeau, également acheteurs, et aussi relativement à la portion d'immeubles acquise par le contrat ; que, si dans certains cas la juridiction civile peut attirer à elle la connaissance de contestations commerciales, ce principe exceptionnel ne peut recevoir d'applica tion lorsque, comme ici, l'acquisition est faite par plusieurs; qu'il s'agit de choses distinctes; que ces choses n'ont rien d'indivisible, et que la solidarité n'existe pas même entre les acquéreurs; que la seule unité de contrat et d'action ne suffit pas pour changer l'ordre des juridictions, alors surtout que ce n'est pas même la juridiction civile qui a été saisie;

» En ce qui touche Marchand et Lebeau :

Attendu qu'ils ne sont pas négociants; que l'achat par eux fait ne devait leur conférer dans la société que la simple qualité de commanditaires; que cet achat n'a pas été, dès lors, un acte de commerce de leur part; que, par suite, la juridiction commerciale était incompétente pour connaître de la demande formée contre eux, et qu'à leur égard le jugement dont est appel doit être réformé ; qu'il doit l'être également quant à l'immeuble, dont l'achat n'a constitué qu'un contrat civil pour toutes les parties;

»Sans s'arrêter à la fin de non-recevoir proposée par les intimés, et dont ils sont déboutés, CONFIRME le jugement dont est appel en tant qu'il a condamné commercialement et par corps Dandois-Maillard, Titeux et Lemaire, au paiement des portions d'objets par eux acquises; pour le surplus, MET ledit jugement au néant comme incompétemment rendu, etc..

COUR ROYALE DE DOUAI. (26 janvier 1843.) Le droit de port de pièces est dû aux avoués, même en matière sommaire. L'art. 145

du larif n'est point uniquement applicable aux matières ordinaires (1).

QUERA C. FRANCONVILLE.

DE 26 JANVIER 1843, arrêt C. roy. Douai, MM. Petit prés., Dumon av.

LA COUR (après partage) ; — Attendu que, sauf ce qui concerne les copies d'enquêtes, d'expertise et d'interrogatoires, l'art. 67 du tarif ne règle que les émoluments qui doivent être alloués aux avoués en matière sommaire; Que les déboursés doivent être en outre alloués en dehors des honoraires, suivant la disposition finale de cet article, qui se borne à en énoncer le principe ;

Que les règles générales relatives aux déboursés sont posées au titre Des matières ordinaires, et que c'est à ces règles que l'on doit recourir dans le silence des dispositions spéciales aux matières sommaires ;

Que ce principe, consacré par la doctrine et la jurisprudence, a été particulièrement appliqué aux frais de copie des qualités et des jugements, réglés par les art. 88 et 89;

Attendu que, si, en général, les frais et déboursés peuvent et doivent se justifier par les pièces mêmes du dossier, il n'en peut être ainsi de ceux à l'égard desquels une telle jus tification serait non seulement difficile, mais souvent impossible;

Que de ce nombre sont les frais de copie, dont il vient d'être parlé; ceux de voyage, et surtout ceux de port de pièces et de correspondance:

Qu'il faudrait, en effet, si pour ces derniers déboursés la justification par détail et par pièce était exigée, produire l'enveloppe des pièces envoyées, celle de la correspondance, et la correspondance elle-même ; établir la relation des unes et des autres, débattre des questions d'identité, opérer des ventilations dans le cas où la même correspondance s'appliquerait à plusieurs affaires; que les lettres écrites à la partie par l'avoué devraient être renvoyées à celui-ci pour la taxe, et que le tout devrait être soumis non seulement à l'examen du juge taxateur, mais aussi à l'examen et à la critique de la partie condamnée, toutes choses qui donneraient lieu aux inconvénients les plus graves;

Que la loi, frappée de ces inconvénients, et déterminée par des motifs d'ordre et d'inté rêt public, a pris le soin de pourvoir à ce que exigerait la nature de certains déboursés en établissant pour leur remboursement une allocation à forfait qui, dans certains cas, peut sans doute dépasser le chiffre du déboursé réel, mais qui dans d'autres peut être inférieure à ce chiffre, ce qui est le propre des règlements de cette espèce;

Que c'est de cette dernière manière qu'elle a réglé ce qui doit entrer en taxe pour les frais de copie, pour ceux de voyage, et pour ceux de port de pièces et de correspondance; Attendu, quant à ces derniers frais, que

(1) V. Douai, 16 juil. 1828.

- Mais V. contr. Cass. 17 janv. 1812

tout démontre que dans l'intention de la loi l'allocation faite par l'art. 145 ne l'a été qu'à titre de remboursement, et sans aucun mélange d'honoraires pour l'avoué; qu'indépengard, des motifs qui ont donné lieu à une telle damment de la preuve qui ressort, à cet éallocation, les termes mêmes de l'art. 145 viennent justifier cette interprétation;

Que c'est, en effet, pour le remboursement des frais de port que cette allocation est autorisée; que, si l'expression frais, prise même isolément, présente naturellement l'idée d'un déboursé, les expressions qui la suivent immédiatement dans l'article lui impriment nécessairement ce caractère; que ce ne sont pas des frais in genere qui sont passés à l'avoué, mais des frais de port, expressions qui excluent toute idée d'un émolument quelconque compris dans l'allocation;

»Que, d'un autre côté, dans ledit article les mots frais de port se lient aussi intimement au mot correspondance qu'ils se lient au mot pièces; d'où il suit que l'allocation ne comprend que les frais de port de correspondance, comme elle ne comprend que les frais de port de pièces, et par conséquent un déboursé seulement;

»Que la même conséquence résulte du rapprochement de l'art. 145 et des art. 144 et 146; que l'expression frais, également employée dans ces deux derniers articles, y est nécessairement exclusive de tout émolument, et qu'on ne concevrait pas qu'il en fût autrement de l'article intermédiaire ;

» Attendu qu'il n'est aucune des considérations qui précèdent, en tant surtout qu'elles se rapportent à l'allocation du port de pièces et de correspondance en matière ordinaire, qui ne s'applique aux matières sommaires;

» Que là existent les mêmes difficultés, les mêmes inconvénients, et par suite la même nécessité d'un règlement à forfait ;

Que, du moment que celui qu'a établi l'art. 145 est exempt de tout mélange d'honoraires, rien dans l'art. 67 ne fait obstacle à ce qu'il reçoive son application aux matières sommaires; qu'on objecterait en vain que, l'instruction des affaires sommaires étant généralement moins etendue que celle des affaires ordinaires, il y aurait inconséquence à allouer la même somme dans une matière que dans l'autre ;

> Que, si l'observation peut être vraie en tant qu'elle porte sur les actes de procédure et d'instruction, elle cesse de l'être en ce qui touche l'envoi des pièces et la correspondance, surtout à l'égard des affaires d'une certaine nature, telles que celles de commerce en général, celles de faillite, celles d'ordre, celles de distribution par contribution, et au

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rieur, tels que ceux occasionnés par le renvoi des pièces à la partie et par l'accusé de réception de celle-ci à l'avoué, et qu'il suivrait du système de règlement à vue de pièces ou que ces frais postérieurs seraient irrévocables pour a partie, ou qu'une action spéciale devrait lui être accordée pour leur recouvrement, ce qui est également inadmissible;

Que de toutes ces considérations il résulte que la disposition de l'art. 145 du tarif est applicable aux matières sommaires comme aux matières ordinaires, et que par suite il échet d'augmenter de la somme de 18 fr. le montant des taxes contenues en l'arrêt du 24 nov. 1842;

Par ces motifs, vidant le partage, - REÇOIT les parties de Debeaumont et de Guilmor opposantes à la disposition de l'arrêt dont il s'agit portant liquidation des dépens; et, statuant sur ladite opposition, Dir que la somme de 18 fr. réclamée pour port de pièces et de correspondance est légitimement due à chacune desdites parties, ORDONNE en conséquence que pour chacune d'elles le montant de la taxe sera augmenté de cette somme, CoxDAMNE les parties de Duchochois aux dépens.»

COUR ROYALE DE NIMES.
(26 janvier 1843.)

Il y a escroquerie dans le fait d'un marchand épicier qui, pour attirer des chalands, annonce qu'il vendra au dessous du cours, mais qui se couvre de celle différence en déclarant aux acheteurs et se faisant payer par eux un poids supéricur à celui qu'il leur livre.

BOUVET C. MINISTÈRE Public.

Le sieur Bouvet avait, à la foire de Beaucaire de 1842, établi un magasin d'épicerie. Bientôt les autres marchands se plaignirent qu'il leur faisait une concurrence extrêmement redoutable en livrant ses marchandises au dessous du cours. La police vérifia la nature des marchandises: elles étaient de bonne qualité; elle vérifia aussi les poids et les balances ils étaient parfaitement exacts. Quel était donc le moyen qu'employait Bouvet pour s'indemniser de l'avantage qu'il faisait sur les prix à ses acheteurs? Une surveillance établie dans les environs de ses magasins fit enfin découvrir le genre de fraude employé. Bouvet se servait de poids et de balances réguliers; mais il avait dressé ses commis à accuser un poids toujours supérieur à celui que les marchandises avaient réellement; et comme, au milieu du désordre et de l'encombrement qui règne dans une foire telle que celle de Beaucaire, les acheteurs ne prennent pas le soin de véritier fort exactement si cela qu'on leur livre a bien réellement le poids qu'on leur fait payer, il en résultait que Bouvet non seulement pouvait, sans préjudice pour lui,

livrer au dessous du cours, mais qu'il s'assurait même de très gros bénéfices.

Traduit en raison de ces faits devant le tribunal de Nimes sous la prévention d'escroquerie, il fut acquitté; mais, sur l'appel du mi nistère public,

DU 26 JANVIER 1843, arrêt C. roy. Nimes, 3 ch., MM. Vignolles prés., Rousselier cons rapp., Rieff av, gén., Cousy av.

• LA COUR ; Attendu qu'il résulte des débats qu'à la foire de Beaucaire dernière Bouvet avait établi un magasin de denrées coloniales, et que, pour attirer les acheteurs, il vendait à un prix au dessous du cours ; qu'il est constant, en fait, par les dépositions des témoins, qu'un grand nombre d'acheteurs n'ont pas reçu la quantité de marchandises qui leur avait été annoncée, soit par Bouvet, soit par ses commis, avoir été pesée dans ses magasins; qu'après avoir payé leurs marchandises plusieurs ont reçu, sur leurs plaintes et sur l'intervention de la police, de Bouvet luimême la restitution du prix pour défaut de poids;

» Attendu qu'il résulte, soit de la vente faite au dessous du cours, soit de la fausse déclaration de la quantité des marchandises vendues, des manœuvres employées pour faire naître l'espérance d'un gain ou de tout autre événement chimérique, et qu'à l'aide de ces manœuvres frauduleuses Bouvet a escroqué ou tenté d'escroquer tout ou partie de la fortune d'autrui, délit prévu et puni par l'art. 406 C. pén.;

>> Par ces motifs, - RÉFORME et CONDAM→ NE, etc. »

COUR ROYALE D'ORLÉANS.
(26 janvier 1843.)

Quoiqu'il ail notifié son conlrat et offert son prix, l'acquéreur a le droit d'arréter les effets de la surenchère en désintéressant les créanciers inserits de tous leurs droits hypothécaires (1). C. civ.

2190.

Dans ce cas il est obligé de se con ormer. le mode, le temps et le treu au paiepour ment, aux conventions contenues dans le litre constitutif de la dette, ou, s'il n'y en a pas, aux règles générales du droil. En conséquence il ne peut consigner le montant de la créance hypothécaire qu'après avoir fait des offres réelles au lieu indiqué pour le paiement soit par la loi, soit par la convention.

(1) Cette décision est conforme à un arrêt de la Cour de cassation du 3 fév. 1808. Cet arrêt, il est vrai, a été rendu sous l'empire de l'art. 35 de la loi du 11 brum, an VII, qui porte que l'acquéreur qui préférerait de solder toutes les créances a son recours contre le vendeur pour le remboursement de ce qu'il aurait payé ou devra pa er en sus du prix stipulé par le contrat de vente.

De Mainville C. LUCE ET AUTRES. Suivant actes des 11 fév., 6 et 20 mai 1840, et 12 janv. 1842, les sieurs Luce, Gousteau, Bourreau et Ribault, se sont rendus acquéreurs des biens des sieur et dame Housset.

Les acquéreurs ont notifié leurs contrats et offert leurs prix conformément aux art. 2183 et 2184 C. civ.

Le 17 mars 1842 le sieur de Mainville, l'un des créanciers inscrits, a formé une surenchère. Afin d'en arrêter les suites, les sieurs Luce et autres ont commencé par obtenir le désiste ment de quatre des huit créanciers inscrits, dé sistement qui a été donné par actes sous seings privés; ensuite, et pour désintéresser les quatre autres, ils ont, sans leur avoir préalablement fait des offres réelles, déposé à la caisse des consignations la somme de 4,679 fr. 80 c., dans laquelle entrait celle de 2,280 fr. 40 c., pour le montant de la créance du sieur de Mainville.

Assigné en validité de cette consignation, le sieur de Mainville l'a contestée en la forme, et, malgré cela, elle a été déclarée valable par le jugement du tribunal de Vendôme dú 14 juin 1842.

Sur l'appel le sieur de Mainville a soutenu que l'action des sieurs Luce et autres était non recevable

1° Parce qu'un acquéreur ne pouvait être admis à arrêter les effets d'une surenchère; 2. Parce qu'en supposant que cela fût admissible, il aurait dû au moins désintéresser tous les créanciers inscrits ;

3 Parce que la mainlevée de la surenchère ne pouvait être prononcée qu'avec tous les créanciers inscrits.

Il a ajouté qu'en tous cas la consignation élait nulle

1 Parce qu'elle n'avait pas été précédée d'offres réelles,

2° Parce qu'elle était insuffisante, 3° Parce qu'elle était prématurée. Au soutien des trois premiers moyens il a dit: Le droit de surenchérir a été introduit par la loi en faveur des créanciers, même chirographaires; il ne peut donc tourner contre eux, et c'est cependant ce qui arriverait s'il était permis à l'acquéreur d'arrêter les effets de la surenchère. En effet, si l'on décide que, comme tiers détenteur, il n'est tenu que du paiement des créances inscrites, il ne paiera que le montant de ces créances, c'est-à-dire le capital, deux années d'intérêts et l'année courante, et n'acquittera pas toutes les années d'intérêts pour lesquelles il n'aurait pas été pris d'inscription et qui seront ainsi perdues pour les créanciers; que la surenchère, au contraire, ait son cours, et le prix pourra être élevé à une somme telle qu'il suffira pour payer non seulement toutes les créances inscrites, mais encore les créances non inscrites, soit qu'elles soient hypothécaires, soit qu'elles soient purement chirographaires. Or n'est-il pas évident que l'acquéreur ne peut par son propre fait enlever à ses créanciers une telle expecta tive, et qu'aiusi il ne peut être admis à arrêter les effets de la surenchère.

Une fois la surenchère formée, elle appar

tient à tous les créanciers, et si bien qu'aux termes de l'art. 2190 C. civ. il ne peut, même en payant le montant de sa soumission, s'en désister que de leur consentement exprès. De là on doit tirer cette double conséquence : 1° L'acquéreur qui veut en arrêter les suites et en obtenir mainlevée doit désintéresser intégralement tous les créanciers inscrits ; c'est d'ailleurs un point de jurisprudence constante: or les sieur Luce et autres ne justifient pas avoir satisfait à cette obligation, attendu que, s'ils ont déposé 4,679 fr. 80 cent. pour désintéresser quatre de ces créanciers, et s'ils rapportent le désistement des quatre autres, ces désistements, étant sous seing privé, ne font pas foi à l'égard du sieur de Mainville, et ne peuvent en conséquence faire preuve que ces créanciers n'ont plus rien à prétendre sur les immeubles dont il s'agit; 2o il ne peut obtenir la mainlevée de la surenchère qu'en la faisant ordonner avec tous les créanciers inscrits, puisque autrement ceux-ci pourraient toujours reprendre la poursuite au moyen d'une demande en subrogation, et rendre ainsi illusoire et sans objet le jugement qui en aurait prononcé la mainlevée.

Pour justifier les trois derniers moyens, il a encore dit :

L'acquéreur qui notifie son contrat et offre son prix conformément aux art. 2183 et 2184 C. civ. n'est tenu des dettes hypothécaires que jusqu'à concurrence de ce prix. Mais celui qui veut prévenir ou arrêter la surenchère, ce qu'il ne peut faire, ainsi qu'on l'a vu plus haut, qu'en désintéressant tous les créanciers inscrits; celui-là, disons-nous, renonce par le fait au bénéfice de ses notifications et se trouve conséquemment dans la position de celui qui n'a pas payé, et qui aux termes de l'art. 2467 du même Code est tenu de toutes les dettes hypothécaires, sauf à jouir des termes et délais accordés au débiteur originaire. En d'autres termes il se trouve subrogé à ce dernier, et, à ce titre, il ne peut comme lui se libérer que dans le temps, de la manière et dans le lieu déterminé par la convention ou par la loi. Or il n'y a que deux modes de paiement, le paiement amiable et le paiement forcé. « Quand le créancier, porte l'art. 1257 C. civ., refuse de recevoir son paiement, le débiteur doit lui faire des offres réelles au lieu dont on est convenu pour le paiement, et, s'il n'y a pas de convention à cet égard, soit à la personne ou au domicile du créancier, soit au domicile élu pour l'exécution de la convention. » Ce n'est qu'après un second refus que le même article l'autorise à consigner le montant des offres. Dans l'espèce, les sieurs Luce et consorts ont cru devoir consigner sans avoir préalablement fait d'offres réelles; donc cette consignation est irrégulière et doit être annulée.

Il est vrai que, dans le cas prévu par l'art. 2186, le tiers détenteur est autorisé à consigner son prix sans offres préalables. Mais pourquoi cela? Parce que, les créanciers ne pouvant toucher leurs créances que d'après l'événement de l'ordre, il est inutile de leur faire des offres qu'ils ne pourraient accepter.

Il est vrai encore qu'aux termes de l'art. 687 C. proc. civ.. celui qui s'est rendu acqué

reur d'un immeuble saisi réellement et qui veut obtenir mainlevée de la saisie est également autorisé à consigner sans offres réelles la somme nécessaire pour désintéresser tous les créanciers inscrits;

Mais les sieurs Luce et consorts ne se trouvent ni dans la première ni dans la seconde de ces positions:

Ni dans la première, en premier lieu, parce que, étant obligé de payer simultanément et intégralement tous les créanciers inscrits sans exception, il n'y a nul besoin de recourir aux juges pour faire régler l'ordre de leur paiement; en second lieu, parce que, se substituant au débiteur, ils doivent, pour effectuer un paiement forcé, se conformer, comme il y aurait été lui-même obligé, aux dispositions des art. 1257 et 1258 C. civ.;

Ni dans la seconde, parce qu'il s'agit d'un cas tout spécial aux saisies immobilières, et qui ne peut, même par voie d'analogie, être étendu aux aliénations volontaires.

Non seulement la consignation est irrégulière, mais elle est insuffisante.

Si l'art. 2151 C. civ. dispose que le créancier inscrit n'a droit d'être colloqué au même rang que le capital que pour deux années d'intérêts et l'année courante, c'est afin que par des intérêts accumulés et non connus les premiers en ordre d'hypothèque n'absorbent pas le prix à distribuer au détriment de ceux qui viennent après eux. De là il suit que cette disposition ne concerne que les créanciers entre eux, et qu'elle ne peut profiter au tiers détenteur. Cela résulte d'ailleurs de l'art. 2168, qui déclare que le tiers détenteur qui ne purge pas est tenu de payer tous les intérêts et capitaux exigibles; de l'art. 2173, qui dispose que le tiers détenteur qui veut reprendre l'immeuble dont il a fait le délaissement est tenu de payer toute la dette et les frais; et enfin de l'art. 687 C. proc. civ., qui ne valide la vente d'un immeuble qui a eu lieu malgré la saisie qu'à la charge par l'acquéreur de consigner somme suffisante pour acquitter en principal, intérêts et frais, tout ce qui est dû aux créanciers; et telle est enfin l'opinion de M. Persil, Régime hypothécaire, no 11, art. 2151; et de M. Grenier, Traité des hypothèques, vol. 1, no 101. Les sieurs Luce et consorts ne devaient donc pas se borner, comme ils l'ont fait, à consigner deux années d'intérêts et la portion échue de l'année courante; ils devaient déposer cinq années de ces mêmes intérêts.

En tout cas, ils auraient dû au moins désintéresser intégralement le surenchérisseur, car celui-ci se trouve absolument dans la même position que le créancier qui a fait procéder à la saisie immobilière de l'immeuble de son débiteur. Comme lui, en effet, il a fait des diligences pour réaliser le gage commun; comme lui, il s'est exposé aux chances périlleuses d'une procédure de surenchère. Il doit donc être traité aussi favorablement; et puisqu'aux termes de l'art. 687 C. civ., l'acquéreur qui veut arrêter l'effet de la saisie immobilière ne peut en obtenir mainlevée qu'en acquittant en capital et intérêts tout ce qui est dû au saisissant, de même celui qui veut arrêter l'effet d'une surenchère ne peut en obtenir mainlevée qu'en dés

intéressant intégralement le créancier surenchérisseur.

Veut-on toutefois que les créanciers ne puissent réclamer cinq années d'intérêts, on ne peut, du moins, leur contester le droit d'en demander trois, attendu que l'année courante dont parle l'art. 2451 est en réalité une troisième année tout entière, et non pas seulement la portion échue au jour de la notification du contrat. C'est toujours ainsi, en effet, que cet article a été entendu dans la pratique et qu'il est compris par M. Troplong (t. 3, p. 147, n° 698 ter). Admettre le système contraire, ce serait faire dépendre le sort des créanciers du caprice ou de la volonté du tiers détenteur: car on va voir qu'en avançant ou retardant ses notifications, il pourrait à son gré favoriser les uns et nuire aux autres.

Supposons en effet qu'un créancier soit inscrit pour une dette contractée le 1er déc. 1836, et que l'acquéreur signifie son contrat le 30 nov. 1842; voilà ce créancier qui touchera près de 3 années d'intérêts de sa créance, puisque la troisième sera encore courante.

Supposons au contraire que cet acquéreur ne notifie son contrat que le 1er décembre, et voilà ce même créancier qui ne recevra que deux années d'intérêts, puisque la troisième ne sera pas encore commencée. Or, comme il est impossible de supposer que le législateur ait voulu sanctionner un résultat aussi bizarre et consacrer un inconvénient aussi grave pour les créanciers, c'est avec raison que l'on décide que l'année courante dont parle l'art. 2451 est une année pleine et entière, ou, si l'on veut, une troisième année. (Troplong, vol. 3, art. 2151, n° 698 ter.)

La consignation des sieurs Luce et consorts est encore insuffisante à défaut par eux d'avoir consigné 1o les 40 jours d'intérêts qui courent entre la demande en remboursement et le paiement effectif, et que ne paie pas la caisse des consignations; 2o les frais de mise à exécution de la créance; 3° et les frais de la quittance.

Quant à ces 10 jours d'intérêts, tout le monde sait qu'aux termes des règlements sur la caisse des consignations, cette caisse ne paie pas les intérêts des 10 jours qui s'écoulent entre la demande en remboursement et le paiement effectif. Or, puisque les sieurs Luce et consorts sont tenus, par suite de l'abandon qu'ils ont fait du bénéfice de leurs notifications, de payer non seulement les capitaux, mais encore tous les intérêts, ils devaient, pour satisfaire à cette dernière obligation, consigner également ces 10 jours d'intérêts, qui autrement seraient perdus pour ces créanciers.

A l'égard des frais de mise à exécution de la créance, c'est un principe incontestable qu'ils suivent le sort de cette créance, et que par suite ils doivent être payés avec elle. Ils ont d'ailleurs été compris dans l'inscription du sieur de Mainville, et dès lors les acquéreurs n'ont pu ignorer qu'ils lui étaient dus. On convient qu'ils n'y ont été portés que pour mémoire. Mais il ne pouvait en être autrement d'après le n° 4 de l'art. 2448, puisque la cré ance était éventuelle.

Relativement aux frais de la quittance, ils sont toujours à la charge du débiteur. Dans

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