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Tespèce ce sont les acquéreurs qui le représentent: donc ils devaient consigner d'avance les frais de la quittance que le sieur de Mainville pourra être dans le cas de donner à la caisse des consignations, si la consignation est déclarée valable.

Enfin elle n'est pas seulement irrégulière et insuffisante, elle est encore prématurée.

Aux termes des art. 749, 750 et 775, C. pr. civ., les créanciers inscrits ont un mois à partir de l'adjudication pour se régler à l'amiable sur la distribution du prix et ce n'est que dans la huitaine suivante que l'ordre peut étre ouvert; d'où la conséquence que pendant ce temps l'acquéreur doit garder son prix entre ses mains, autrement ce serait rendre ces dispositions tout à fait sans objet et tromper ainsi la sage prévoyance du législateur. Cela résulte d'ailleurs plus particulièrement de l'art. 750, qui autorise l'acquéreur à ouvrir l'ordre après l'expiration du mois: car cet article suppose nécessairement qu'il ne s'est pas encore dessaisi de son prix, puisque dans le cas contraire il serait sans intérêt et ne serait pas même reçu à en provoquer la distribution. Donc toute consignation qui est faite avant l'expiration de ce délai est prématurée et doit être annulée.

Il est vrai que l'art. 2186 C. civ. autorise l'acquéreur à consigner aussitôt que ses intérêts l'exigent, et ne l'astreint pas à observer ancun délai. Mais il ne faut pas perdre de vue que cet article a été rédigé sous l'influence de l'art. 32 de la loi du 11 brum. an VII, qui ne permettait à l'acquéreur de se libérer que d'après l'événement de l'ordre. Cette disposition ayant paru trop dure aux rédacteurs du Code civil, ils l'ont modifiée en lui laissant le choix ou d'attendre la clôture de l'ordre, ou de consigner. Mais depuis est intervenu Tart. 749 C. proc. civ., qui à son tour a encore modifié cette nouvelle disposition. Ainsi, tout en ne lui retirant pas la faculté de consigner, les rédacteurs de cet article ont pensé qu'il fallait au moins donner aux créanciers le temps de se régler à l'amiable sur la distribution du prix, et cela afin de faire éviter les frais et les inconvénients d'une consignation. C'est dans cet esprit qu'ont été rédigés les art. 749, 750 et 775; et, comme ils ne peuvent recevoir leur exécution qu'autant que l'acquéreur garde son prix pendant le mois, la conséquence forcée et nécessaire est que pendant ce temps toute consignation lui est interdite.

Les sieurs Luce et autres n'ont pas laissé sans réponse tous les arguments de leur adversaire.

Sur la triple fin de non-recevoir opposée à leur action ils ont dit:

C'est à tort que l'on prétend que la surenchère autorisée par l'art. 2485 C. civ. a été introduite en faveur de tous les créanciers, même chirographaires, du débiteur; il résulte au contraire formellement du Sier de cet article, qui n'accorde le droit de surenchérir qu'au créancier dont le titre est inscrit, qu'elle n'a été créée que dans l'intérêt unique des créanciers hypothécaires afin de leur fournir, par l'élévation du prix. le moyen d'obtenir le

paiement des créances pour lesquelles ils ont pris inscription. L'acquéreur qui leur offre le montant intégral de ces créances ne leur fait conséquemment aucun tort, et on ne peut dès lors repousser sa demande en mainlevée.

C'est également à tort qu'on soutient que les intimés ne justifient pas suffisamment du désistement de quatre des huit créanciers inscrits, parce que les actes de désistement qu'ils rapportent, étant sous signature privée, ne font pas foi de leur contenu au regard du sieur de Mainville.

De ce que l'art. 1328 du Code civil déclare que les actes sous seing privé n'ont de date certaine à l'égard des tiers que du jour où ils ont été enregistrés, etc., on doit induire que lorsque cette date est certaine, ou, ce qui est la même chose, lorsqu'elle est indifférente au procès, ces actes font foi de ce qu'ils contiennent, même à l'égard des tiers, tant que l'écriture et les signatures n'en sont pas méconnues; et ce qui vient à l'appui de cette assertion c'est qu'il est de jurisprudence constante qu'entre deux actes de vente, l'un sous seing privé, l'autre authentique, le premier produit seul son effet, ce qui n'aurait pas lieu s'il ne faisait pas foi de son contenu à l'égard des tiers. Il ne suffit donc pas au sieur de Mainville de méconnaître vaguement les écritures et signatures des actes de désistement qu'on lui oppose. Il faut qu'il le déclare positivement, il faut qu'il demande en termes formels que ces écritures ne sont pas de ceux auxquels on les attribue. Jusque là ils doivent conserver toute leur force et rester au procès avec toutes les conséquences qui en dérivent. De quoi, d'ailleurs, peut se plaindre le sieur de Mainville? Pourvu qu'on le rembourse intégralement de tout ce qui lui est dû en capital et intérêts, il est sans intérêt et partant sans aucun droit pour exiger qu'on rembourse également ses cocréanciers, car ce serait exciper du droit d'autrui. Remarquons au surplus qu'on ne fait à ceux-ci aucune espèce de tort, puisque leurs droits restent entiers et pourront toujours être exercés au moyen d'une demande en subrogation.

Quant à l'objection tirée de ce que les sieurs Luce et autres n'ont pas mis en cause tous les créanciers inscrits pour faire prononcer avec eux la mainlevée de la surenchère, elle tombe devant l'art. 832 C. pr. civ., qui, par cela même qu'il permet d'admettre la surenchère hors la présence des créanciers, quoiqu'ils aient le plus grand intérêt à ce qu'elle ne soit pas rejetée, permet aussi d'en prononcer la mainlevée hors de leur présence, et surtout devant l'art. 838, qui ne leur accorde que le droit de se faire subroger dans la poursuite, droit qui suffit à leur légitime intérêt, puisqu'ils pourront toujours l'exercer malgré le jugement de mainlevée. En fait, d'ailleurs, tous les créanciers ont été, par la notification qui leur a été faite de la consignation, mis en demeure d'intervenir au procès; s'ils ne l'ont pas fait, c'est que apparemment ils n'avaient rien à opposer à la demande des sieurs Luce et autres, et dès lors, loin d'avoir commis une irrégularité en ne les mettant pas en cause, ils auraient, en les y appelant, fait une pro

cédure frustratoire dont les frais seraient nécessairement retombés sur eux. Relativement au défaut d'offres réelles ils ont dit:

La loi n'ayant pas déterminé la marche que doit suivre l'acquéreur qui veut arrêter les effets de la surenchère, il faut de toute nécessité recourir à des cas analogues et appliquer à celui dont est question ce qu'elle a décidé pour ces cas. Or cette analogie se rencontre a un tel degré d'évidence dans l'art. 687 C. proc. civ., qu'il est impossible de ne pas en être frappé. De quoi s'agit-il dans cet article? d'un acquéreur qui veut arrêter les effets d'une expropriation forcée. De quoi s'agit-il dans la cause? d'un acquéreur qui veut arrêter les suites d'une surenchère, c'est-à-dire d'une véritable expropriation, car la surenchère n'est pas autre chose. Donc la ressemblance, disons mieux l'identité, est parfaite entre les deux cas. Donc c'est la marche tracée par l'art. 687 qu'ont dû suivre les sieurs Luce et autres.

Cela posé, que porte cet article ? Que l'aliénation aura son effet și l'acquéreur consigne somme suffisante pour acquitter en principal, intérêts et frais, ce qui est dû aux créanciers ainsi qu'au saisissant, et qu'il leur notifie l'ac te de consignation. Donc, pour que les ventes qui leur ont été faites produisent leur effet, ils ont da, de plano, et sans offres préalables, car l'article n'en exige pas, consigner somme suffisante pour désintéresser le saisissant c'est-à-dire le surenchérisseur, ainsi que les créanciers dont ils n'ont pas obtenu le désiste ment, et leur notifier l'acte de consignation. C'est aussi ce qu'ils ont fait, et, dès lors, leur consignation est régulière.

C'est en vain qu'on invoque les dispositions générales de l'art. 1257 C. civ., aux termes duquel la consignation n'est valable qu'autant qu'elle a été précédée d'offres réelles. Cet article ne concerne que le débiteur personnel, et non le tiers détenteur, qui ne doit qu'à raison de l'immeuble qu'il détient.

Que le débiteur personnel qui sait ce dont il est redevable envers son créancier, et conséquemment ce qu'il doit lui offrir, soit astreint à faire des offres réelles avant de consigner, cela est de toute justice, car elles sont toujours possibles de sa part. Mais que la même obligation soit imposée au tiers détenteur, pour lequel elles sont impossibles, c'est ce qui ne se concevrait pas. Nous disons qu'elles sont impossibles; et, en effet, il doit bien toute la dette inscrite; mais, comme ce n'est pas sa dette personnelle, il ne peut savoir si tous les créanciers qui figurent dans l'état d'inscription sont ou ne sont pas désintéressés, soit en partie, soit en totalité, s'il leur est dû des intérêts, et jusqu'à concurrence de quelle somme; si le débiteur n'a pas des compensations, des prescriptions à opposer, etc. Or comment faire des offres réelles en l'absence de tous ces renseignements? Il y a plus, c'est qu'en faisant des offres de toute la créance inscrite, offres qui pourraient être acceptées malgré l'extinction de la dette, il s'exposerait à payer ce qui n'était pas dû, et, en cas d'insolvabilité du vendeur, à n'avoir conre lui

qu'un recours illusoire. C'est ce que n'a pas voulu et n'a pas dû vouloir le législateur, et c'est par ces motifs que l'art. 687 dispense l'acquéreur qui veut arrêter les effets de la saisie immobilière de l'obligation de faire des offres réelles; et comme ces motifs sont les mêmes pour l'acquéreur qui veut arrêter les suites de la surenchère, puisqu'il y a parfaite identité de position, il est évident qu'il en est également dispensé.

On prétend que les acquéreurs devaient consigner cinq, ou, tout au moins, trois années d'intérêts.

Le tiers détenteur qui ne purge pas ne devient pas débiteur de tout ce que devait le vendeur. Comme possesseur de l'immeuble, il ne doit que ce que doit l'immeuble lui-même, c'est-à-dire seulement la dette inscrite, et rien de plus. Cela résulte positivement de l'art. 2467, qui dispose que le tiers détenteur qui ne purge pas est obligé, comme tiers détenteur, à toutes les dettes hypothécaires, article qui n'est pas modifié par l'art. 2168, attendu que celui-ci n'en est que l'application, et qu'ainsi les intérêts et capitaux exigibles dont il parle ne doivent s'entendre que des intérêts et capitaux inscrits. Telle est aussi la portée de l'art. 2173 du même Code et de l'art. 687 C. proc. civ., qui, pour être sainement appréciés, ne doivent jamais être isolés de l'art. 2167.

Ce principe admis, il est évident que les acquéreurs ne devaient consigner que deux années d'intérêts, et seulement la portion échue de l'année courante: d'une part parce que ces deux années d'intérêts et la portion échue de l'année courante sont les seules qui, par une faveur spéciale de la loi, sont réputées inscrites de droit, les autres devant être l'objet d'une inscription particulière, sous peine de rester dans la classe des créances chirographaires et ne pouvant jamais être acquittées par le tiers détenteur; d'autre part, parce que ces expressions l'année courante ne peuvent s'entendre d'une troisième année tout entière, mais seulement de la portion de l'année échue au moment où l'inscription produit son effet.

Quant à l'inconvénient signalé par le sieur de Mainville, il est le résultat de la nécessité où s'est trouvé le législateur de mettre un terme au cours des intérêts, afin de conserver une ressource aux derniers créanciers inscrits. D'ailleurs, en permettant au créancier de prendre des inscriptions particulières pour les autres années d'intérêts, il a suffisamment garanti ses droits; c'est à lui à être vigilant.

C'est encore à tort qu'on prétend que les sieurs Luce et consorts devaient consigner les frais de mise à exécution de la créance, les 10 jours d'intérêts que ne paie pas la caisse d'amortissement, et enfin les frais de la quittance.

A l'égard des frais de mise à exécution de la créance, la prétention du sieur de Mainville ne saurait être accueillie : en premier lieu, parce que les art. 2167 et 2168, qui déterminent l'étendue des obligations du tiers détenteur, ne l'obligent à payer que les intérêts et les capitaux exigibles; en second lieu, par ce que, le sieur de Mainville n'ayant pas évalué ces frais, ainsi que l'y obligeait le no 4 de l'art. 2148 C. civ.,

fis ont été mis, par son propre fait, dans l'impossibilité d'en connaître le montant.

On convient que les art. 2473 C. civ. et 687 C. proc. civ. imposent à l'acquéreur l'obligation de payer les frais. Mais de quels frais s'agit-il? Des frais faits pour revendre l'immeuble qu'il a délaissé et qu'il veut reprendre, et de ceux faits pour saisir réellement celui qu'il a acheté nonobstant cette saisie. Cela est de toute justice, et c'est pour se conformer à ces articles que les sieurs Luce et consorts ont consigné une somme de 50 fr. pour les frais de la surenchère commencée par le sieur de Mainville. D'où il suit qu'ils ont pleinement satisfait à tout ce qu'on pouvait exiger d'eux. Quant aux dix jours d'intérêts que ne paie pas la caisse des consignations, il ne faut pas oublier que l'acquéreur ne doit d'intérêt que tant que le prix reste dans ses mains. Lors donc qu'il s'en dessaisit, il ne doit plus. D'ailleurs la caisse des consignations représente le créancier. Dès qu'elle a reçu, il est censé avoir reçu lui-même. Peu importe done que par suite de règlements particuliers cet établissement exige un délai de dix jours entre la demande en remboursement et le paiement, et qu'elle ne paie pas d'intérêts pendant cette très courte période. C'est un fait qui est étranger au tiers détenteur, et dont il ne peut supporter les conséquences.

Relativement aux frais de la quittance, ces frais, s'il y en a, ne doivent pas non plus être à la charge des consignataires, parce qu'ils ne sont pas débiteurs personnels et que c'est le débiteur personnel seul qui doit supporter les frais de la quittance. D'ailleurs ils ne peuvent payer deux quittances, la leur et celle du créancier.

Abordant enfin la question de savoir si la consignation était prématurée, ils ont dit :

D'après l'art. 2186 C. civ., le tiers détenteur a le choix, ou de garder son prix jusqu'à la clôture de l'ordre ou de le consigner de suite; mais, comme aucune restriction n'a été mise par la loi à l'exercice de cette faculté, c'est son intérêt tout seul qui lui sert de règle dans le parti qu'il doit prendre. C'est mal à propos qu'on soutient que cet article a été modifié par les art. 749, 750 et 775, C. proc., attendu que, s'ils autorisent l'acquéreur à ouvrir l'ordre, c'est uniquement pour le cas où il aurait gardé son prix entre ses mains, et dès lors on ne peut en conclure qu'ils aient voulu lui interdire la faculté de consigner pendant le mois qui est accordé aux créanciers pour s'entendre entre eux sur la distribution du prix. Une pareille restriction au droit qu'accorde l'art. 2186 ne pourrait résulter que d'une disposition formelle de la loi, et elle n'existe pas.

DU 26 JANVIER 1843, arrêt C. roy. Orléans, MM. Travers de Beauvert 1er prés., Legier et Johannet av.

■LA COUR ; — En ce qui touche la que stion de savoir si le tiers acquéreur peut arrê ter l'effet de la surenchère formée par suite des notifications par lui faites aux créanciers inscrits:

■ Considérant que l'art. 2183 C. civ., en

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› Considérant que le tiers détenteur, en demandant mainlevée de la surenchère qui a été la suite de ses notifications, renonce par cela même à l'effet de ces notifications et à la purge des hypothèques qu'elles avaient pour but d'opérer aux termes de l'art. 2483; — Qu'il rentre alors nécessairement dans la position de l'acquéreur qui n'a pas voulu purger sa propriété, et qui, d'après les art. 2467 et 2168, reste obligé à toutes les dettes hypothécaires et est tenu de payer tous les intérêts et capitaux exigibles, à quelque somme qu'ils puissent monter;

Considérant que l'acquéreur, jouissant, dans ce cas, des termes et délais accordés au débiteur, doit, s'il veut se libérer envers les créanciers, les payer d'après les termes ordinaires de droit et aux lieux déterminés par le titre constitutif de la dette, titre auquel il n'est alors innové ni par la disposition de la loi, ni par la volonté du créancier ; — Qu'il suit de ce principe que, dans l'espèce, les sieurs Luce, Ribault, Bourreau et Gousteau, étaient dans l'obligation, s'ils voulaient se libé rer envers le sieur de Mainville, de lui faire des offres réelles de tout ce qu'ils croyaient lui devoir à raison de ses droits hypothécaires, et que ce n'était qu'à défaut par lui de recevoir ces offres qu'ils eussent pu en consigner le montant; Qu'en se livrant à cette consignation prématurée ils ont mis le sieur de Mainville dans l'impossibilité de recevoir directement sa créance des mains de son débiteur et d'éviter les pertes d'intérêts et les faux frais qu'une consignation entraîne nécessairement;

-

» Considérant que pour valider cette consignation les premiers juges ont à tort cru trouver des cas d'analogie dans les art. 2173, 2186, C. civ., et 687 C. proc. civ. ; — Qu'en effet, le premier de ces articles, en autorisant le tiers détenteur qui a délaissé l'immeuble à le reprendre en payant la dette et les frais, ne l'autorise pas à consigner; - Qu'au cas de l'art. 2186 les offres réelles ne sont pas possibles, parce qu'alors ce n'est pas le montant des sommes dues aux créanciers que l'acquéreur consigne, mais bien le montant de son prix, vénement de l'ordre; - Que, dans le cas prépour être distribué aux créanciers d'après l'évu par l'art. 687 C. proc. civ., on peut présumer que le législateur a voulu arrêter le plus promptement possible la saisie immobilière, qui est toujours vue d'une manière défavorable et a pensé que des offres réelles, et les difficul tés que leur validité pourrait faire naître, laisseraient accomplir les formalités et la procédure que cet article avait précisément pour

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n'est pas nécessaire qu'elle ait pour objel des faits relatifs à leurs fonctions (1). Loi 17 mai 1819, art. 17.

but d'éviter; Qu'au surplus ces dispositions spéciales ne constitueraient que des exceptions aux principes généraux du droit, et qu'il faudrait restreindre aux cas mêmes qu'el les ont prévus; (1)

» Par ces motifs,

DÉCLARE les sieurs Luce et autres non recevable dans leur demande, et en conséquence ORDONNE que la surenchère poursuivie par le sieur de Mainville sera continuée en la forme ordinaire. »

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Qu'est-ce que la surenchère? Si elle a lieu à la suite d'une poursuite de saisie immobilière, elle n'est que la continuation de cette poursuite; si elle a lieu à la suite d'une aliénation volontaire, elle emporte saisie de l'immeuble aliéné et constitue conséquemment une véritable expropriation forcée, car elle tend à évincer l'acquéreur, et c'est par ce motif que l'art. 2187 C. civ. veut que la revente ait lieu suivant les formes établies pour les expropriations forcées. Donc l'acquéreur qui veut en arrêter l'effet, et par suite consolider la propriété dans ses mains, se trouve identiquement, et non pas seulement par analogie, dans la position de celui qui est l'objet de l'art. 687 C. proc. civ.: car, par l'événement de la surenchère, il se trouve avoir acquis un immeuble frappé d'une saisie réelle. Donc il peut consigner sans offres préalables, attendu que cet article n'en exige pas.

Non seulement l'art. 687 n'exige pas que la consignation de l'acquéreur soit précédée d'offres réelles, mais il ne pouvait même pas lui imposer une telle obligation, parce que des offres réelles ne sont possibles que de la part du débiteur, qui seul sait ce qu'il doit. Quant au tiers détenteur, il voit bien qu'une inscription a été prise pour telle ou telle créance; mais comme il ne peut savoir si cette créance est encore due ou si elle n'a pas été remboursée en totalité ou en partie, si le débiteur n'a pas des compensations ou des prescriptions à opposer, il est clair qu'il est dans l'impossibilité absolue d'en faire qui puissent réunir les conditions exigées par la loi pour qu'elles soient valables. Ajoutons que, s'il en faisait, et qu'elles fussent acceptées malgré l'extinction de la dette, il pourrait, au cas d'insolvabilité du vendeur, être réduit à un recours tout à fait illusoire. Or c'est ce que le législateur n'a pas voulu, et c'est par ce motif que toutes les fois qu'il s'agit d'un paiement, ou, ce qui est la même chose, d'une consignation à faire par un tiers détenteur, il le dispense de faire des offres; témoin l'art. 2186 C. civ., témoin l'art. 857 C. proc. civ. Dans l'espèce il s'agissait aussi d'un paiement à faire par un tiers détenteur, donc il pouvait également consigner sans offres préalables. V. Paris, 30 nov. 1842.

On peut même demander si, dans ce cas, la pro. cédure qui a pour but de faire valider la consignation n'est pas frustratoire.

Le

respect du au seul caractère d'ambassadeur n'a pas permis de faire à l'égard de ceux qui en sont revêtus la distinction introduite à l'égard des fonctionnaires par l'art. 16 de la loi du 17 mai 1819, et a encore moins permis de les ranger dans la classe des simples particuliers (2).

Les délits de diffamation commis par la voie de la presse doivent être portés devant les Cours d'assises, auxquelles la connaissance en est attribuée, et ce principe général ne reçoil exception que pour les délits de diffamation commis contre des particuliers.

En conséquence l'ambassadeur étranger poursuivant la réparation d'un délit de diffamation qu'il prétend avoir été commis à son égard par la voie de la presse doit traduire le prévenu non devant un tribunal correctionnel, mais devant une Cour d'assises (3).

(1-2-3) Lors de la discussion de la loi du 17 mai 1819, un amendement proposé par M. Bignon, et qui tendait à n'accorder l'action en diffamation ciprocité serait admise par la législation du pays aux ambassadeurs étrangers qu'autant que la réqu'ils représentent, a été rejeté par la chambre des députés, sur l'observation, faite par le garde des sceaux (M. de Serres), que tous les étrangers doivent trouver sûreté et protection en France, et que, les ambassadeurs étant considérés, suivant le droit des gens, comme les représentants de leurs souverains, il leur est dù une protection plus spéciale. C'est aussi par ce motif que l'article n'exige pas que le délit ait eu lieu pour des faits relatifs aux fonctions; la loi protège ici le caractère de la personne, et non pas les actes des fonctions dont elle est revêtue. M. de Grattier (Comment. sur les lois de la presse, t. 1er, p. 215, no 2) se demande si l'art. 17 de la loi du 17 mai 1819 ne serait pas applicable à la diffamation commise, pour un fait relatif au caractère dont il a été revêtu, envers l'agent diplomatique étranger qui a cessé d'être accrédité en France. La raison de douter, dit-il, viendrait de ce que la loi a voulu accorder aux agents diplomatiques, à raison de leur caractère, une plus grande protection, et que l'on semblerait en tirer ainsi contre eux une conséquence directement opposée à l'esprit de l'art. 17. Cependant, comme c'est le caractère seul, et non les actes de la personne, que la loi a voulu protéger, la protection ne peut être étendue au delà des limites qui ont été assignées à ce même caractère. L'ordre public n'est plus intéressé, comme lorsqu'il s'agit d'agents ou fonctionnaires régnicoles, à co que leurs actes soient respectés après la cessation des fonctions. Du moment où la loi a assuré le respect dù au caractère des agents diplomatiques étrangers, elle a pleinement satisfait aux principes du droit des gens. Si ces agents diplomatiques cessent d'être accrédités en France, ils deviennent à ses yeux de simples particuliers, et ce n'est que comme tels qu'ils peuvent invoquer sa protection.

Voici maintenant la doctrine de M. Chassan,

BARRACHIN C. RESCHID-PACHA

ET LE MINISTÈRE PUBLIC.

Le docteur Barrachin publia une lithographie représentant le portrait de Reschid-Pacha, et au bas de laquelle on lisait ces mots : « Le dogme religieux des Ottomans, étroit et exclusif, ne peut former qu'une société en état d'hostilité avec tout ce qui n'est pas musulman, et la constitue uniquement pour la guerre et la dévastation. L'orgueil et la satisfaction des sens sont les deux bases sur lesquelles repose leur société. Le sultan Mahmoud est un enfant gåté, qui veut posséder immédiatement Fobjet de sa convoitise; il ne voit en tout que la question de vanité personnelle; il n'aura jamais l'intelligence des choses utiles à son gouvernement tant qu'il ne sera pas soumis à un protectorat. Ces lignes étaient littéralement extraites d'une brochure attribuée à Reschid-Pacha, et intitulée : Le statu quo d'Orient. Reschid-Pacha fit directement citer le docteur Barrachin devant le tribunal de police correctionnelle de la Seine pour le faire déclarer coupable du délit de diffamation. Voici les motifs de la citation notifiée à la requête de Reschid-Pacha :

Attendu qu'il est évident que cette publication (la lithographie incriminée) a pour but et pour résultat d'attribuer publiquement à Reschid-Pacha des pensées et des paroles qui seraient de sa part un outrage et une trahison tout à la fois contre sa religion, son souverain et son pays; que dès lors cette publica tion est de nature à porter atteinte à son honneur et à sa considération, et constitue le délit de diffamation prévu et puni par la loi du 17 mai 1819; que cette diffamation a acquis un caractère nouveau de gravité par la publicité, donnée dans les journaux, d'une lettre adressée par le docteur Barrachin à ReschidPacha, dans laquelle l'imputation résultant des faits ci-dessus signalés est précisée en termes formels; que la position de S. E. ReschidPacha ajoute encore à la gravité du délit dont le sieur Barrachin s'est rendu coupable envers lui en rendant plus odieux le fait qui lui est imputé, etc. »

Le docteur Barrachin a opposé un déclinatoire dans des conclusions ainsi motivées : Attendu que, d'après la loi du 26 mai 1819, remise en vigueur par la loi du 8 oct. 1830, le jury est le juge de tous les crimes et délits commis par la voie de la presse, sauf deux ex

ceptions portées à l'art. 14 de la loi de 1819 1 1° le délit d'injure ou de diffamation yerbale 2o le délit d'injure et diffamation, même publiques, contre les particuliers; que le portrait de Reschid-Pacha, et les paroles qui l'accompagnent, tirées d'une brochure intitulée : Le statu quo d'Orient, et qui sont incriminées comme diffamatoires, sont une publication qui touche à Reschid-Pacha, ambassadeur; que lui Barrachin a déclaré et déclare que la brochure d'où les expressions incriminées sont extraites a été publiée à Paris sous les auspices et d'après les ordres de Reschid-Pacha, ambassadeur; qu'il l'avait fait rédiger par son secrétaire intime; que les premières pages, écrites de la main de ce secrétaire, déjà connues à Constantinople, furent suivies de la rédaction complète, qui se termina dans le lazaret de Malte pendant que Reschid-Pacha subissait la quarantaine ; que la brochure fut, par les ordres exprès de Reschid-Pacha, ambassadeur, revue et corrigée à Paris par un écrivain attaché à la rédaction d'un journal quotidien ; que le secrétaire de l'ambassadeur en surveilla et suivit l'impression à Paris, par son ordre, et que la publication eut aussi lieu à Paris par ordre de l'ambassadeur; que cet écrit, entiè rement politique, ne prenait une importance réelle que par la qualité de celui-là même qui, sans y apposer son nom, en était le véritable auteur et le véritable publicateur; et que les faits ainsi avancés par lui Barrachin devaient être portés, aux termes de la loi, devant le ju ry....

Un jugement du tribunal correctionnel a repoussé ce déclinatoire dans les termes suivants :

Attendu qu'aux termes des art. 14 de la loi du 26 mai 1819 et 2 de celle du 8 octobre 1830, les tribunaux correctionnels sont compétents pour connaître de la diffamation commise par la voie de la presse envers les simples particuliers;

» Attendu qu'à supposer que de la combinaison des art. 16 et 17 de la loi du 17 mai 1819, et 19 et 20 de celle du 26 du même mois, il pût résulter que les ambassadeurs étrangers dussent être placés sous l'empire du principe qui attribue aux Cours d'assises la diffamation contre les fonctionnaires publics, il est certain que ce principe ne serait applicable qu'autant que le fait imputé aurait été commis par ces fonctionnaires dans l'exercice de leurs fonctions, ou que ce fait serait relatif à cet exercice;

vee; qu'en outre, le fait dont il se plaint, et qui motive l'exception d'incompétence, serait étranger à ses fonctions d'ambassadeur, et ne serait nullement relatif à ces mêmes fonctions, ce qui encore rend l'art. 14 applicable. »

» Attendu que S. E. Reschid-Pacha ne se (Tr. des délits et contraventions de la parole, palement contre son caractère public d'am plaint pas d'une diffamation commise princiL. 1, p. 403). « La loi n'exige pas que la diffa-bassadeur, mais bien contre sa personne primation ou l'injure aient eu lieu pour des faits relatifs aux fonctions des agents diplomatiques; elle ne distingue pas non plus le cas où elles sont commises dans l'exercice de leurs fonctions. Elle entend leur accorder une protection spéciale pour tous les cas sans distinction où ils sont offensés, quels que soient les motifs de la diffamation et de Finjure.» V. aussi Parant, Lois de la presse en 1835, p. 93; Henri Celliez, Code annoté de la presse, p. 37.-M. Chassan, t. 2, p. 449, estime que la preuve de la vérité des faits diffamatoires allégués contre un ambassadeur étranger ne serait pas admissible.

Sur l'appel, la Cour royale de Paris, par arrêt du 26 nov. 1842, adoptant les motifs des premiers juges, a confirmé leur sentence.

Pourvoi en cassation de M. Barrachin. M. le conseiller Romiguières, après son rapport sur l'affaire, a présenté les observations suivantes:

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