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COUR DE CASSATION.
(2 janvier 1843.)

La remise de la dette, n'étant pas une do-
nation proprement dile, n'est assujettie à
aucune formalité, el peut, par suile, élre
prouvée par témoins, surtout lorsqu'il
s'agil d'une delle commerciale (1).
Les tribunaux peuvent puiser un commen
cement de preuve par écrit autorisant la
preuve testimoniale dans les explications
et aveux fournis par les parties lors de
leur comparulion en personne à l'au-
dience (2).

La disposition de l'art. 283 C. proc. civ. doit être entendue en ce sens que les juges pourront facultativement admellre ou rejeter le témoignage des personnes désignées par cel article (3).

LAPOUJADE C. AMOUROUX.

Le sieur Andreau fit, le 21 déc. 1840, donation entre vifs à la dame Lapoujade de l'usufruit de plusieurs immeubles. Par testament du 10 janv. 1844, il l'institua sa légataire universelle. Dans la succession se trouva une lettre de change de 1,000 fr. dont la dame Lapoujade poursuivit le paiement contre le sieur Amouroux, souscripteur. Celui-ci prétendit qu'il ne devait pas le montant de cette lettre de change, attendu que, comme condition de la donation à elle faite le 21 déc. 1840, la dame Lapoujade devait renoncer à réclamer cette somme de 1,000 fr., sauf au sieur Amouroux à en servir les intérêts à la dame Andreau pendant tout le temps que celle-ci vivrait. Le sieur Amouroux offrait de faire, par témoin, la preuve que telle avait été la volonté bien

arrêtée du donateur.

Le tribunal de commerce de Villeneuve-surLot ordonna la comparution des parties. Ce fut à la suite des explications par elles fournies qu'il autorisa la preuve testimoniale. L'audition des témoins eut lieu devant le tribunal. Plusieurs témoins cités par le sieur Amouroux ayant été reprochés par la dame Lapoujade, comme parents collatéraux au degré prohibé, un premier jugement ordonna qu'ils seraient néanmoins entendus, sauf à apprécier leurs dépositions.

Le 27 déc. 1841 le tribunal déclara la dame Lapoujade mal fondée, et ordonna la remise de la lettre de change au sieur Amouroux.

• Attendu, quant aux témoins reprochés, que, par leur probité, leur fortune, leur position sociale, ils jouissaient d'une considération méritée; au fond, que des témoignages il résultait qu'avant et après la donation, et jus

(1) V. conf. Cass. 2 avril 1823; Duranton, t. 2, no 358; Toullier, t. 7, nos 353 et 337.

(2) V. conf. Bordeaux, 6 avril 1855; Cass. 9 fév. 1837, 19 juin 1839; Toulouse, 16 jan. 1841. (3) V. conf. Cass. 4 janv. 1808; Grenoble, 16 fev. 1829, 12 déc. 1831, 15 fév. 1837.

qu'à la veille de sa mort, le sieur Andreau avait souvent rappelé, tant en présence qu'en l'absence des sieur et dame Lapoujade, que sa volonté était que les intérêts de la lettre de change de 1,000 fr. que lui avait consentie Amouroux fussent servis à sa femme sa vie durant, et que remise du capital fût faite au sieur Amouroux. »

Pourvoi basé sur deux moyens. Premier moyen. Violation des art. 931, 982 et 1341, C. civ., en ce que le jugement attaqué avait autorisé la preuve testimoniale dans un cas où elle était inadmissible, 1o parce qu'elle tendait à établir une donation nulle tant pour défaut d'acceptation que pour vice de forme; 2° parce qu'il s'agissait d'une somme supérieure à 150 fr.; 3° parce qu'enfin il existait un acte formel d'où résultait la créance, et que l'on ne pouvait recevoir contre et outre le contenu de cet acte aucune preuve par témoins.

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< LA COUR ; Sur le premier moyen: Attendu, en droit, que l'art. 1282 n'assujettit la remise de la dette à aucune formalité;

Attendu que le jugement a déclaré, en fait, qu'il ne s'agissait pas, dans l'espèce, d'une donation, mais bien de la remise d'une dette; que dès lors il n'était pas besoin que cette remise fût constatée par un acte notarié, ni que l'on justifiât d'une acceptation formelle ;

» Attendu que la preuve testimoniale a pu être admise, puisque, d'une part, il s'agissait d'une lettre de change, que les juges de commerce étaient appelés à prononcer, et que les juges, en cette matière, ont une plus grande latitude pour l'admission des preuves testimoniales; d'autre part, que, les parties ayant subi un interrogatoire, et le jugement s'appuyant sur les explications fournies par elles et sur leurs aveux, on a pu y puiser un commencement de preuve par écrit pour ordonner la preuve testimoniale;

» Sur le deuxième moyen : - Attendu que la disposition de l'art. 283 C. proc. civ. est démonstrative, et non limitative; la preuve en résulte des termes de cet article et de sa combinaison avec les art. 268, 284 et 291; ainsi le législateur a voulu que les parents en ligne directe ne fussent point entendus comme témoins, et il a dit, art. 268: nul ne pourra être assigné, etc., etc.; et, au contraire, pour les parents en ligne collatérale, il a dit: pourront étre reprochés, etc., etc. D'où suit une faculté pour le juge d'admettre ou de rejeter le témoignage, suivant qu'il le croit convenable d'après les circonstances et les nécessités de la cause;

» Qu'en usant de ce pouvoir discrétionnaire les juges n'ont pu violer la loi ;

» REJETTE. »

Contr. Nimes, 10 janv. 1832; Montpellier, avril 1840.

COUR ROYALE DE PARIS.

(2 janvier 1843.)

La vente d'un fonds d'imprimerie avec les presses, les caractères et les autres ustensiles nécessaires à l'exercice de la profession d'imprimeur, ne constitue pas un acle de commerce lorsqu'elle ne comprend pas en même temps des marchandises, et que l'acquéreur n'est pas déjà commerçant (1). C. comm. 632.

Est nulle, comme contraire à l'ordre public, la stipulation par laquelle un imprimeur s'oblige à remettre, à titre de garantie, à un créancier, son brevet et sa démission en blanc.

BRETON C. MÉVIL.

Le sieur Mévil, pour garantie d'un prêt de 10,000 fr. par lui consenti au profit du sieur Bajat, imprimeur, avait exigé de l'emprunteur le dépôt entre ses mains de son brevet et de sa démission en blanc de titulaire de ce brevet. Cette condition avait été plus tard également imposée au sieur Breton dans l'acte par lequel celui-ci s'était rendu acquéreur du fonds d'imprimerie de Bajat, avec oblation de payer la somme dont ce dernier était débiteur envers Mévil.

Cependant, Breton s'étant refusé à remettre le brevet et sa démission en blanc, ainsi qu'il avait été convenu, Mévil l'assigna devant le tribunal de commerce de Paris pour le contraindre à effectuer ce dépôt.

Sur cette demande, Breton proposa un déclinatoire tiré de ce que le tribunal était incompétent pour connaître des stipulations énoncées dans un acte qui ne constituait pas un fait de commerce, puisque, d'une part, il n'y avait pas de marchandises comprises dans la vente du fonds d'imprimerie qui lui avait été consentie, et qu'en second lieu il n'était pas commerçant au moment de cette acquisi

tion.

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»Que Breton, acquéreur, n'était pas alors commerçant, et que la vente à lui faite n'a pu à elle seule constituer un acte de commerce et rendre Breton justiciable du tribunal de

commerce;

ment rendu, et évoquant, en conformité de INFIRME le jugement comme incompétem

l'art. 473 C. proc. civ.;

» Au fond:

-

Considérant que le brevet délivré par l'administration publique à un imprimeur est personnel, et ne peut être remis en gage à un créancier, ni déposé entre ses mains à titre de garantie;

»Que le même principe s'applique à une démission en blane ayant pour effet de transporter le brevet d'imprimeur à un tiers;

» Que, le but et les effets de ces deux stipulations étant les mêmes, la même nullité d'ordre public s'applique à l'une comme à l'autre ;

DÉCLARE nulle l'obligation contractée par Breton de remettre à Mévil le brevet d'imprimeur à lui délivré et sa démission en blanc..

COUR ROYALE DE DOUAI.
(2 janvier 1843.)

La demande dont l'objet est d'obtenir la restitution d'immeubles attribués aux hospices par la loi du 7 sept. 1807, ou, subsidiairement, de faire déclarer que ces biens, malgré cette attribution, son reslés affectés au paiement d'une delle hypothécaire du propriétaire dépossédé, est de la compétence des tribunaux ordinaires...., el ce, nonobstant le recours en garantie exercé par les hospices contre l'élal.

L'attribution de biens aux hospices faile en verlu de la loi précitée ne peut pas élre considérée comme une vente de domaine national dont le contentieux a élé réservé à l'autorité administrative. Les tribunaux ordinaires sont compétents pour faire l'application des traités diplo matiques dans le cercle des intérêts privés qui s'agitent devant eux

Les traités de Campo-Formio et de Luneville, en faisant dévolution à l'état des biens et domaines que les princes de l'empire germanique tiraient de celle seule qualité, leur ont fait réserve des biens qu'ils possédaient comme simples particuliers

HOSPICES DE BETHUNE C. GOUDEMETZ.

DU 2 JANVIER 1843, arrêt C. roy. Douai, 1re ch., MM. Colin 1er prés., Rabou av. gén. (concl. contr.), Dumont, Roty et Laloux, av.

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sement de Béthune, qui auraient fait partie des biens particuliers de ce prince, et dont il a joui jusqu'à l'époque où, par un arrêté provisoire du préfet du Pas-de-Calais en date du 30 flor. an XII, confirmé par la loi du 7 sept. 4807, ils furent attribués aux hospices de Béthune; et, subsidiairement, de faire déclarer que ces mêmes biens, malgré leur attribution aux hospices, restaient affectés hypothécairement au paiement de la créance desdits héritiers Goudemetz contre la succession de ce prince; que cette demande était de la compétence du tribunal de Béthune, comme le reconnaît, du moins implicitement, le jugement dont est appel, en prononçant un simple sursis; que le recours en garantie exercé à ce sujet par les hospices contre l'état ne peut, quelle que soit l'autorité qui doive en connaître, rendre ce tribunal incompétent pour statuer sur la demande originaire dont il a été régulièrement saisi ;

Attendu qu'il ne s'agit pas dans la cause d'une vente de domaine national déclarée irrévocable par l'art. 94 de la constitution de l'an VIII, dont le contentieux a été, par les lois spéciales, réservé à l'autorité administrative, mais de l'attribution de biens faite à divers hospices par la loi précitée de 1807; que la question de savoir si cette attribution n'a pas eu lieu sauf le droit des tiers, si la réserve qui est faite expressément des biens qui ne seraient pas disponibles ne doit pas s'appliquer aux biens qui n'auraient jamais appartenu à la nation, et si par suite cette loi peut ou non faire obstacle à l'action en revendication des prétendants à la propriété desdits biens, est évidemment de la compétence de l'autorité judiciaire ;

Que, quant au point de savoir si les biens particuliers que le prince de Salm-Kirbourg possédait en France lors des traités de CampoFormio et de Lunéville avaient été, comme ses biens princiers, réunis par ces traités au domaine national, cette question, qui s'élevait au principal entre un particulier et un établis sement de bienfaisance relativement à des immeubles dont ils se prétendaient tous deux propriétaires, est aussi de la compétence des tribunaux ordinaires, parce que les traités sont des lois dont on peut leur demander et dont ils doivent faire l'application dans le cercle des intérêts privés qui s'agitent devant eux;

» Attendu que les traités de Campo-Formio et de Lunéville des 13 brum, an VI et 28 vent. an IX sont aussi clairs qu'explicites; que, si par l'art. 3 du premier de ces traités, et par les art. 2 et 5 du second, les biens et domaines que les princes de l'empire germanique tenaient de cette seule qualité ont été dévolus à la France, et si l'arrêté du 21 flor. an XII a fait l'application de ces articles notamment aux biens du prince de Salm-Kirbourg, l'art. 9 de ces deux traités leur a conservé les biens qu'ils possédaient comme simples particuliers; que les rapports faits à l'occasion de l'arrêté du 21 flor, an XII ne laissent aucun doute à cet égard;

Attendu que, si les héritiers Goudemetz ont eux-mêmes, en première instance, conclu à ce qu'il fût sursis au jugement jusque après in

terprétation à donner par Pautorité administrative, ce n'a été que subsidiairement, et pour le cas de doute sur le sens des traités de paix relativement aux biens revendiqués ; que leurs conclusions principales, qui tendaient à ce que, sans s'arrêter au déclinatoire proposé par le préfet, il fût passé outre au jugement du fond de la contestation, n'ayant point élé accueillies, ils sont recevables et fondés à demander de ce chef la réformation du jugement;

» Par ces motifs, sans s'arrêter au déclinatoire proposé devant les premiers juges par le préfet, et reproduit en appel par le ministère public en tant qu'il aurait pour but de faire déclarer le tribunal de Béthune incompétent pour connaître de la demande originaire, et sans entendre rien préjuger sur la compétence de ce tribunal relativement au recours en garantie formé par les hospices contre l'état, question réservée par les premiers juges; sans s'arrêter non plus au sursis ordonné par eux,

- DIT qu'ils étaient compétents pour statuer sur la demande intentée par les appelants; et, pour faire à la cause l'application des traités de Campo-Formio et de Lunéville, de l'arrêté du 24 flor, an XII, et de la loi du 7 sept. 1807, RENVOIE devant eux la cause et les parties pour être fait droit au fond, etc. »

COUR ROYALE DE GRENOBLE.

(2 janvier 1843.)

Les Cours royales appelécs à statuer sur les inscriptions contenues dans les listes électorales sont nécessairement investies du droit de rechercher si les acles qui servent de fondement à l'inscription sont ou non sincères (1). L. 19 avril 1831, art. 33.

Spécialement, doil élre considéré comme dissimulé, et, par suite, non susceptible de fournir à la composition du cens électoral, l'achat fail d'un même vendeur, par sept citoyens domiciliés dans le département des Hautes-Alpes, par acles sous seing privé séparés, de l'usufruit de pièces de terre situées dans le département de la Seine, s'il résulte des circonstances que ces acles ne sont pas sérieux (2).

De Bellegarde C. Ardoin. DU 2 JANVIER 1843, arrêt C. roy, Grenoble,

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ire ch., MM. Legagneur 1er prés., Bigillion av. gén., Pepellin et Charbonnel-Selle av.

« LA COUR ; — Sur la question de simulation:- Attendu que les actes sous seing privé des mois de mars et d'avril 1841, par les quels Ardoin aîné, propriétaire à Paris, aurait cédé aux intimés l'usufruit de plusieurs pièces de terre situées à Saint-Ouen et à Clichy, contiennent des clauses invraisemblables et inso lites, qui par elles-mêmes font déjà douter que ces ventes d'usufruit soient sincères; qu'il est d'abord peu probable que les intimés, dont six ont leur domicile et leur résidence dans les Hautes-Alpes, aient voulu acquérir dans le département de la Seine un usufruit dont ils n'ont pu connaître et vérifier par eux-mêmes la consistance et la valeur, et qu'en vue d'un bénéfice qui ne devait pas leur être démontré ils se soient soumis à la chance de perdre, en cas de décès, le capital prêtendu payé pour prix de cet usufruit; qu'il n'est pas moins invraisemblable qu'Ardoin aîné ait souscrit sérieusement à des conditions par suite desquelles, à la fin de la durée de neuf années assignée à l'usufruit, les usufruitiers qui ne seraient pas décédés auraient recouvré une somme environ trois fois égale au capital par eux déboursé; que, si l'existence de semblables stipulations pouvait se concevoir dans le cas où elles seraient intervenues avec un seul acquéreur d'usufruit, la sincérité en devient presque inadmissible lorsqu'on les voit consenties d'une manière uniforme par les sept intimés;

Aitendu qu'il a été allégué qu'Ardoin aîné aurait fait les cessions d'usufruit dont il s'agit pour indemniser les intimés, qui ont avec lui des liens de parenté ou d'amitié, des pertes qu'ils auraient éprouvées comme actionnaires de l'entreprise du canal de Saint-Ouen; en sorte que le prix de ces ventes d'usufruit consisterait, au moins en partie, dans les sommes primitivement versées par les intimés dans les mains d'Ardoin aîné pour acheter des actions sur ce canal; que, si cette assertion était vraie, il existerait, d'une part, en la possession des intimés, des titres, des quittances ou quelques documents écrits de nature à établir le fait de ces versements et les droits qui en seraient résultés, et, d'autre part, dans les mains d'Ardoin aîné des écritures de commerce ou des annotations dans ses livres domestiques indiquant les sommes reçues et la transmission des actions; qu'en accordant, à l'audience du 19 décembre dernier, un délai de quinzaine, la Cour a eu principalement pour objet de mettre les parties en mesure de produire ces documents; mais que les intimés se bornent, à l'expiration de ce délai, à renouveler la même assertion sans l'appuyer d'aucun commencement de preuve; que l'éloignement où se trouve Ardoin aîné de son domicile n'explique point ce défaut de production, puisque ce négociant est représenté à Paris par un membre de sa famille qui a correspondu avec les intimés, et qui a pu consulter les livres relatifs au canal de Saint-Ouen, et donner sur cette partie de la cause tous les renseignements propres à justifier l'assertion dont il s'agit; que

ce défaut complet de justification sur un point qui, en supposant les actes sincères, aurait été certainement éclairci, démontre que les explications données sur le paiement des prix de vente sont fausses, et emporte par là même la preuve de la simulation de ces actes;

>Attendu qu'on voit par le contexte, par la forme de ces actes, qu'ils ont dû être l'objet d'une correspondance entre Ardoin aîné et les intimés; qu'en effet six de ces actes sont signés d'abord par Ardoin ainé à Paris à une date écrite dans un blanc qui avait été réservé à cet effet, et ensuite par chacun des intimés à son domicile dans les Hautes-Alpes, et à une date de quelques jours postérieure, écrite aussi dans un blanc laissé dans chaque acte; que des stipulations essentielles, notamment l'indi cation des terres dont l'usufruit est cédé, et du prix de la cession, sont de même écrites dans des blancs, et d'une écriture différente de celle des clauses générales; Qu'ainsi, lors même qu'on admettrait, comme le soutiennent les intimés, que ces ventes furent conclues à l'époque d'un voyage qu'Ardoin aîné a fait à Embrun, il serait du moins certain que ces rapports préliminaires auraient laissé à préciser des points importants, qui n'ont pu être ensuite réglés sans qu'une correspondance se soit établie entre les parties, ne fût-ce que pour se transmettre réciproquement les doubles des actes; que cependant les intimés déclarent n'avoir aucune lettre, n'allèguent pas en avoir perdu ou détruit, et ne disent pas même comment les doubles auraient été transmis d'Embrun à Paris, et de Paris à Embrun, ce qui autorise à penser que la correspondance qui doit nécessairement avoir eu lieu ne vient pas à l'appui de la sincérité de leurs eonventions;

Attendu enfin que ces ventes n'ont été suivies d'aucune exécution; que rien ne constate le décompte qui, d'après une énonciation de ces actes, aurait été fait pour connaître le montant des fermages arriérés compris dans la cession; que, de l'aveu des intimés, ceux-ci n'ont jusqu'à présent touché aucune partie des fermages cédés; que cependant, si la cession était sincère, comme le but principal des intimés aurait été d'accroître leur revenu en exposant un capital, ils auraient au moins, les uns ou les autres, fait quelques démarches pour réaliser ce revenu; qu'ils conviennent d'être hors d'état de justifier à cet égard d'aucune réclamation; que même ils prétendent, d'après une lettre écrite par l'un d'eux, datée d'Embrun le 29 déc. 1842, que les prix de ferme ont dû être retirés par Ardoin aîné, de Paris, qu'ils disent être leur fondé de pouvoir, et duquel ils n'auraient encore reçu aucun compte; que cette allégation se trouve en contradiction formelle avec une lettre écrite de Paris le même jour au défenseur des intimés par Aimé Ardoin lui-même, lettre dans laquelle ce dernier, cherchant de son côté à donner des explications sur l'objection tirée de ce que les fruits prétendus cédés n'avaient pas été perçus par les acquéreurs, ne parle point d'un mandat qui lui aurait été donné pour cet objet, et dit au contraire qu'il a dû convenir à ces derniers de laisser à Ardoin aîné

le soin de percevoir la totalité des fermages, sauf à rendre compte ; que celle contradiction, jointe à l'impossibilité d'admettre que sur sept acquéreurs aucun n'eût cherché à profiter de son acquisition, achève de démontrer la simu. lation des actes dont il s'agit;

⚫ Attendu dès lors que, le droit d'usufruit dont les intimés se sont prévalus pour faire comprendre dans leur cens électoral une contribution foncière payée à Saint-Ouen ou à Clichy ne leur ayant pas été réellement vendu, il y a lieu de retrancher cette contribution de la cote pour laquelle ils ont été portés dans la liste électorale de l'arrondissement d'Embrun et de Briançon, et, par suite, d'ordonner que leurs noms seront rayés de cette liste, la somme des contributions qui leur reste n'étant pas suffisante pour leur donner la capacité électorale dans l'état actuel de ces listes;

» Attendu en droit que les Cours royales, appelées par l'art. 33 de la loi du 19 avril 1831 à statuer sur les inscriptions indûment opérées, sont, par la force et la nature des choses, investies du droit de rechercher si les ac

tes qui servent de fondement à l'inscription sont ou non sincères; que sans cela la porte la plus large serait ouverte aux abus, et qu'il n'y aurait aucun moyen d'empêcher que des citoyens qui ne paient pas réellement le cens n'usurpassent le pouvoir de voter à l'aide de ventes simulées, et ne fussent ainsi électeurs sans fournir aucune des garanties exigées par la loi ;

Attendu que les motifs qui précèdent dispensent d'examiner la question de savoir si, en les supposant sincères, les actes dont il s'agit auraient transféré aux intimés la qualité d'usufruitiers et les droits qui en résultent relativement au cens électoral, ou si au contraire il ne faudrait voir dans ces actes que des cessions de fermages;

Par ces motifs, etc. »

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taire aura, le cas échéant, une part égale à celle de ses frères et sœurs dans la succession du donateur, ne fait point obstacle à ce que ce dernier dispose par testament, au profil de ces mêmes frères et sœurs, de la portion de ses biens non comprise dans la donation entre vifs. Une Cour royale a pu, sans encourir la censure de la Cour de cassation, décider que la clause accompagnant celle donation contenait non une institution contractuelle enlevant au donateur la disponibilité du surplus de ses biens, mais une simple dispense de rapport des biens donnés.

COMTE C. CHAUSSON.

Le contrat de mariage du sieur Anthelme Chausson, en date du 8 fév. 1828, portait ces mots:

En faveur du présent mariage, le sieur Alexis Chausson, oncle du futur, fait donation audit Anthelme Chausson, son neveu, acceptant avec reconnaissance, pure, simple, entre vifs, irrévocable et par préciput, et hors part...

suit la désignation des cinq immeubles donnés); entendant et expliquant que le futur, indépendamment des immeubles donnés ci-dessus, prenne dans la succession, le cas arrivant, une portion égale à celle que ses frères et sœurs prendront dans la succession de leurdit oncle. »

Par son testament du 26 janv. 1835, Alexis Chausson, n'ayant pas d'enfants, institua pour Chausson, ses deux neveux, frères dudit Anses héritiers universels Jean-Baptiste et Joseph

thelme Chausson.

Ce dernier est décédé laissant un enfant mineur, et, postérieurement à son décès, le testateur est mort en mars 1837, sans laisser de postérité ;

Le sieur Comte, tuteur du mineur Chausson, a introduit au nom de ce dernier une instance à fin de partage de la succession d'A

lexis Chausson.

Cette prétention avait été admise par le tribunal de Belley; mais le 8 déc. 1844 la Cour royale de Lyon rendit l'arrêt suivant :

« Attendu que la clause du contrat de mariage ne renferme qu'une donation entre vifs de cinq parcelles de fonds avec l'expectative pour le donataire de les prendre avant partage dans la succession du donateur, mais sans dessaisissement actuel du surplus de ses biens qui ait mis le donateur dans l'impossibilité d'en disposer ultérieurement, ainsi qu'il l'a fait depuis en faveur de ses autres neveux ; - Dit mal jugé, etc.»

Pourvoi du sieur Comte basé sur un excès de pouvoir, et sur la violation des art. 1082 et 1083 C. civ., ainsi que de l'art. 1157 du même Code, en ce que l'arrêt attaqué avait refusé de reconnaître une institution contractuelle dans la clause du contrat de mariage par laquelle le sieur Chausson avait disposé que le futur prendrait sur sa succession une portion égale à celle de ses frères et sœurs, indépendamment de la donation faite par le même acte, et en ce que le même arrêt avait main

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