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L'écrit dont parle le demandeur, et la lithographie où il se serait borné à faire transcrire un passage de cet écrit, ne sont pas joints au dossier. Mais toujours est-il certain, même d'après les déclarations du demandeur, que toute la lithographie n'existe que par lui, et que l'écrit allégué ne porte pas le nom de Reschid-Pacha. Le fait qu'il en serait le véritable auteur et le véritable publicateur se réduit à une simple allégation de la part de Barrachin. D'ailleurs il y aurait toujours à examiner, ce qui ne serait pas probable, si ce serait comme ambassadeur ou dans l'exercice de ses fonctions d'ambassadeur que Reschid-Pacha aurait publié cet écrit, car tout se réduit là pour le moment. La circonstance que les mots placés à côté du portrait de Reschid-Pacha auraient été extraits d'un ouvrage publié par lui ou par ses ordres peut fournir un moyen de défense au fond, si surtout il n'y avait ni affectation, ni altération, ni mauvaise foi ou intention de nuire, dans la lithographie du portrait et dans l'emprunt fait à l'écrit.

Aujourd'hui tout consiste à savoir si, dans cette affaire, Reschid-Pacha figure, si on peut l'y faire figurer comme ambassadeur; si ce qui lui est attribué et qu'il regarde comme diffamatoire est une sorte d'acte diplomatique qu'on puisse rattacher à la qualité et aux fonctions d'ambassadeur, ou si tout n'est applicable qu'à la personne privée de Reschid-Pacha.

D'ailleurs, la législation relative à la diffamation repose sur deux règles : la réparation due, le mode de la poursuivre et de l'obtenir. La réparation varie; elle est plus ou moins sévère, suivant que la diffamation s'adresse à un corps constitué, ou à un dépositaire ou agent de l'autorité publique, pour des faits relatifs à ses fonctions, ou à un particulier.

Le mode de poursuite varie également, suivant que le diffamé est un fonctionnaire public ou un simple particulier. Celui-ci peut et doit s'adresser aux tribunaux correctionnels, el le prévenu n'a pas la faculté de prouver contre lui les faits diffamatoires; celui-là doit porter sa plainte devant les Cours d'assises, et Je prévenu est admis à prouver contre le plaignant, s'il a agi dans un caractère public, si on lui impute des faits relatifs à ses fonctions, la vérité de ces faits.

» De là des difficultés pour savoir quand le fonctionnaire public qui se dit diffamé est ou n'est pas soumis à cette épreuve. La Cour ne s'est pas montrée disposée à étendre cette disposition: elle a jugé, le 9 sept. 1836, au rapport de M. Vincens Saint-Laurent, que les notaires et les avoués, quoique fonctionnaires publics, ne pouvaient pas être considérés, dans le sens des lois de 1819, comme des dépositaires ou agents de l'autorité publique ; que ces mots de l'art. 20 de la loi du 26 mai 1849, toutes persones ayant agi dans un caractère public, n'ajoutaient rien aux dispositions sur la compétence, et n'avaient pour objet que d'étendre la disposition à ceux qui auraient cessé leurs fonctions à l'époque des poursuites, ou qui auraient agi temporairement, pour quelque affaire spéciale, comme dépositaires ou agents de l'autorité publique ; et il est re

marquable que l'un des arrêtsfconfirmés par la décision que nous rapportons définissait le dépositaire ou l'agent de l'autorité publique, celui qui jouit des garanties promises par l'acte constitutionnel de l'an VIII.

» Mais déjà n'y aurait-il pas lieu d'examiner si l'ambassadeur d'une puissance amie, difsamé, même à l'occasion d'un acte diplomatique qui lui serait propre, même à l'occasion de ses fonctions d'ambassadeur, devrait subir l'épreu. ve à laquelle l'art. 20 de la loi du 26 mai 1819 soumet les dépositaires ou agents de l'autorité publique française, et s'adresser aux Cours d'assises. On conçoit cette sévérité pour le fonctionnaire public français, à qui la loi a pu vouloir imposer ce frein. Le concevrait-on à l'égard d'un étranger, surtout d'un ambassadeur? - Sans doute, l'art. 17 de la loi du 17 mai 1819 a appliqué à la diffamation envers les ambassadeurs une peine plus sévère que celle introduite par l'art. 18 pour la diffamation envers les particuliers, et la même à peu près que celle introduite par l'art. 16 pour la diffamation envers les fonctionnaires publics. La loi devait cette distinction au caractère sacré d'ambassadeur. Aussi, lorsqu'à la chambre des députés, M. Bignon proposa un amendement qui tendait à placer dans l'art. 17 la condition expresse d'une réciprocité complète de la part des souverains étrangers, M. le garde des sceaux de Serres repoussa-t-il l'amendement, qui fut aussi repoussé par la chambre, sur le principe général que tous les étrangers doivent trouver en France sûrelé et protection à l'ombre des lois; et que, d'après le droit des gens, les ambassadeurs étant considérés comme les représentants de leur souverain, ils ont droit à une protection plus spéciale. Cette protection, l'art. 17 de la loi de 1819 la leur

assure.

Mais pourquoi, d'après de telles considérations, l'art. 17, concernant les ambassadeurs, qui n'est ni l'art. 16, concernant les fonctionnaires, ni l'art. 18, concernant les particuliers, conduirait-il à cette sorte d'anomalie de placer les ambassadeurs, quant au mode d'instruction, sous le coup de l'art. 20 de la loi du 26 mai, et de les traiter avec rigueur comme les fonctionnaires français, au lieu de les traiter avec faveur comme les simples particuliers? Pourquoi autoriserait-on des preuves, des débats oraux, sur des faits à la nonpublicité desquels, non plus l'ambassadeur, mais le souverain qu'il représente, pourrait avoir intérêt ?

Au surplus, l'arrêt attaqué a jugé que les faits imputés à Reschid-Pacha n'étaient pas l'œuvre de l'ambassadeur, étaient étrangers à ses fonctions, à l'exercice de ses fonctions; et quand vous avez jugé, le 4 mai 1839 (1), dans l'affaire des héritiers de Casimir Perrier, que, s'il n'est pas nécessaire, pour que la diffamation envers un fonctionnaire public soit justiciable de la Cour d'assises, que l'écrit incriminé énonce expressément que l'individu diffamé a agi comme homme public dans les faits reprochés, il faut du moins que ces faits soient

(1) V. à sa date.

nécessairement relatifs à ces fonctions, vous aurez à juger dans la cause actuelle si l'arrêt attaqué a violé les lois de la matière, pour aFoir décidé que l'opinion qu'aurait émise Reschild-Pacha sur la religion, les mœurs, la personne du souverain de son pays, n'était pas un acte de l'ambassadeur, fait à l'occasion ou dans l'exercice de ses fonctions, mais l'expression de la pensée de l'individu, du simple particulier. Contester ce principe, ce serait faire la condition des ambassadeurs pire que celle des fonctionnaires publics, et refuser de voir dans l'ambassadeur ces deux individualités : l'une publique, l'autre privée, qu'on admet en faveur des fonctionnaires. »

Dr 27 JANVIER 1843, arrêt C. cass., ch. crim., MM. de Crouseilhes cons. f. f. prés., Romiguières, rapp., Delapalme av. gen., Delachère av.

LA COUR (après délib. en la ch. du cons,); -Vu les art. 46, 47, 48, de la loi du 17 mai 4819; 13, 14 et 20, de celle du 26 du même mois; et 1 et 2 de celle du 8 oct. 1830; Va aussi les art. 408, 413 et 429, C. instr. crim.;

Attendu que la question soumise à la Cour est celle de savoir si Reschid-Pacha, ambassadeur de la Sublime-Porte près le roi des Français, devait porter la plainte en diffamation par lui dirigée contre le docteur Barrachin ou devant une Cour d'assises, ou devant un tribunal correctionnel;

Attendu que la loi du 17 mai 1819, dont l'art. 16 punit la diffamation envers tout dépositaire ou agent de l'autorité publique pour des faits relatifs à ses fonctions, dont l'art. 18 punit d'une moindre peine la diffamation envers les particuliers, renferme une disposition spéciale relativement à la diffamation envers les ambassadeurs, ministres plénipotentaires, envoyés, chargés d'affaires ou autres agents diplomatiques accrédités près du roi; que c'est celle de l'art. 17, qui punit ce genre de diffamation de la même peine que celle déterminée par l'art. 16; mais que cet art. 17 n'exige pas, pour que la diffamation envers les agents diplomatiques accrédités soit punie des peines prononcées par ledit article, qu'elle ait pour objet des faits relatifs à leurs fonctions; qu'il en résulte que le respect dû au caractère d'ambassadeur n'a pas permis de faire à leur égard la distinction introduite par l'art. 16, et a permis encore moins de les ranger dans la classe des simples particuliers;

Attendu que, si la loi du 26 mai 1819 et celle du 8 oct. 1830, qui règlent la compétence en matière de diffamation, n'ont rien qui soit applicable aux agents diplomatiques nommément, il résulte de la combinaison des art. 13 et 14 de la loi du 26 mai, les seuls qui puissent être invoqués sur la question actuellement débattue, ainsi que de la combinaison des art. 1 et 2 de la loi du 8 oct. 1830, que tous les délits de diffamation commis par la voie de la presse doivent être portés devant les Cours d'assises auxquelles la connaissance en est attribuée; que c'est là le droit commun en celte matière, et qu'il n'y a d'exception que 1813-11

pour les délits de diffamation commis par une voie de publication quelconque contre des particuliers;

» Attendu, dès lors, qu'il est manifeste que l'ambassadeur poursuivant la réparation d'un délit de diffamation qu'il prétend avoir été commis à son égard par la voie de la presse doit traduire le prévenu non devant un tribunal correctionnel, mais devant une Cour d'assises;

»En qu'en décidant le contraire, en faisant une distinction que ne comporte point l'art. 17 de la loi du 17 mai 1819, entre l'ambassadeur homme public et l'ambassadeur personne privée, l'arrêt attaqué a violé ledit art. 17, ensemble les art. 13 et 14 de la loi du 26 mai 1819, 1 et 2 de celle du 8 oct. 1830;

SE.

COUR ROYALE D'AIX.

(27 janvier 1843.)

CAS

RENTE FONCIÈre. PRESCRIPTION. L'art. 8 de la loi des 15-28 mars 1790, qui déclare prescriptibles les rentes, redevances et autres droits qui sont rachetables par leur nature ou par l'effet des décrets du 4 août 1789 el jours suivants, est applicable aux rentes purement foncières comme aux rentes féodales. L. 15-28 mars 1790, tit. 1, art. 8. L'art. 2 de la loi du 6 brum. an V, en disant qu'aucune prescription ne peut élre acquise contre les militaires sous les drapeaux, jusqu'à l'expiration d'un mois après la paix générale ou la signature de leur congé, avail pour essel, non de suspendre la prescription qui ` courail contre eux, mais uniquement de les relever de la prescription qui s'était accomplie pendant leur présence aux armées (1).

En conséquence, celle loi ne peut être invoquée par le militaire contre lequel la prescription commencée avant où pendant qu'il était sous les drapeaux ne s'est accomplie que postérieurement à la paix générale ou à sa libération (2).

DE MEYRONNet C. Rougier. En 1836 MM. de Meyronnet demandent aux sleurs Rougier le paiement de rentes foncières créées en perpétuel et irrachetables, et qui n'avaient plus été entretenues depuis 1791, ni par paiement d'annuités, ni par renouvelle- . ment du titre.

Les sieurs Rougier ont opposé la prescription fondée sur l'art. 8 de la loi des 15-28 mars 1790. Un des demandeurs, entré au service en

(1-2) V. Grenoble, 22 déc. 1824; Poitiers, 30 août 1825; Cass. 19 déc. 1826; Lyon, 12 fév. 1855; Paris, 16 août 1837, et 28 déc. 1839.

1798, et qui s'y trouvait encore lors de la publication de la paix générale en 1814 et 1815, se prévalait, en ce qui le concernait, contre la prescription opposée, de la disposition de l'art. 2 de la loi du 6 brum. an V.

Il prétendait que cette disposition avait suspendu en sa faveur le cours de la prescription depuis 1798 jusqu'en 1845; qu'ainsi la prescription trentenaire n'était pas acquise à son encontre.

Le 20 avril 1842, jugement du tribunal civil d'Aix qui déboute les demandeurs et déclare les rentes dont s'agit éteintes par l'effet de la prescription. — Appel.

DU 27 JANVIER 1843, arrêt C. roy. Aix, 2o ch., MM. Verger prés., Vaisse av. gén., Guieu et Martin av.

«LA COUR ; — Attendu que le législateur, jetant, le 4 août 1789 et jours suivants, des bases générales d'affranchissement, en a ouvert la voie par les rentes foncières; et que cette œuvre spéciale u'eût été en ces temps, et jusqu'à l'émission du Code civil, qu'imparfaitement accomplie, si on ne trouvait pas la prescription, cette source continuelle de libération, appliquée dans la loi des 15-28 mars 1790 à ces sortes de rentes;

» Attendu que par ces expressions ensemble toutes les rentes et redevances, elles sont littéralement comprises dans la prescription de trente ans imposée par l'art. 8 de ladite loi; il eût été nécessairement ajouté à ces expressions le mot féodales s'il se fût agi uniquement de rentes entachées de féodalité;

» Attendu que sous notre ancien droit le mineur ni les absents, parmi lesquels il faut comprendre le militaire sous les drapeaux, n'étaient pas pleinement restitués contre la prescription;

» Qu'à juste titre alors, le premier juge s'est dispensé d'examiner si elle devait étre appliquée contre le comte de Meyronnet, conformément à la loi existante au moment de l'interruption, ou telle autre qui serait intervenue pendant cette interruption même;

» Qu'il a fait justement ici l'application de la loi spéciale du 6 brum. an V, et l'a sainement expliquée en lui donnant pour effet unique de relever le militaire sous les drapeaux de toute prescription qui se serait accomplie contre lui pendant la guerre ; CONFIRME. D

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Les contre-lettres consenties même en faveur des cessionnaires d'offices, el réser vant, par exemple, à leur profit, la faculté de faire vérifier les produils annoncés par des officiers ministériels du même ordre, sont nulles comme blessani l'ordre public, et leur nullité peut être opposée d'office par le ministère public (1).

Les règles consacrées par le droit commun, en matière de vices rédhibitoires, son! applicables aux cessions d'offices; ainsi la vente d'un office de notaire doit être considérée comme entachée de vice rédhibitoire alors que le nombre des actes indiqués comme annuellement reçus a élé exagéré à l'aide de procédés inusités, sans qu'il ait été possible d'en faire la vérification sur les répertoires.

DUPRILOT C. ALBAN.

Le sieur Alban, notaire, vendit son office an sieur Duprilot moyennant le prix de 52,500 fr. Par une des clauses du traité il garantit à son cessionnaire un produit moyen annuel de 6,400 fr. pour les six dernières années, et consentit en outre à réduire proportionnellement le prix de son office dans le cas où, par suite d'une vérification à laquelle procéderaient deux notaires du canton, sur la demande du sieur Alban formée dans les trois mois du jour du traité, le produit s'élèverait à une somme moindre que celle indiquée.

Mais, la clause en question ayant été repoussée par l'autorité, un nouveau traité intervint par lequel le sieur Alban, reconnaissant l'exactitude du produit annoncé, déclara renoncer à la faculté qu'il s'était réservée de faire fixer ce produit par une expertise. Toute fois par contre-lettre et traité Secret le sieur Duprilot déclara que, malgré la renonciation du sieur Alban, la clause insérée au premier traité continuerait à subsister dans toute son intégrité.'

Quelque temps après, le sieur Alban prétendit que le produit moyen de 6,400 fr. n'at teignait en réalité que 4,300 fr, par an, et que par conséquent il y avait lieu d'ordonner la vérification autorisée par le traité secret : il concluait, pour le cas où cette vérification démontrerait le fait allégué, à la résolution du traité, ou tout au moins à la réduction du prix stipulé et à des dommages-intérêts fondés, comme en matière de vente ordinaire, sur les

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vices cachés de l'office cédé, et sur les manœu Tres frauduleuses employées pour exagérer à ses yeux le produit de cette étude.

Jugement du tribunal civil de Clamecy qui, après avoir écarté l'action en résolution, ordonne la vérification du produit de l'étude. Ce jugement porte ce qui suit sur l'action en résolution :

... Attendu qu'après avoir établi qu'aucune règle de procédure n'a été violée, il faut rethercher si dans l'espèce les conclusions tendant à la résolution du traité peuvent être utiles, et quelle action pouvait être ouverte à Alban; qu'il est certain que la loi du 28 avril 1816, en permettant aux notaires de présenter leurs successeurs. a classé leurs offices parmi les choses qui sont dans le commerce, et que, ces offices pouvant être cédés et vendus, les conventions qui interviennent lors de ces cessions doivent être réglées par les principes du droil commun en matière de vente; que toutefois ces principes ne peuvent s'appliquer à de telles transactions que dans la juste mesure qui assure le respect de l'autorité publique; que la nomination royale institue les notaires à vie dans des vues d'intérêt public, et qu'il ne saurait appartenir à l'autorité judiciaire de priver les notaires du bénéfice de cette institution que pour des motifs d'ordre public et dans des cas déterminés par la loi; qu'il ne saurait surtout appartenir aux tribunaux d'intervenir dans les actes de l'autorité royale, et d'enchaîner sa liberté en décidant, par des motifs purement personnels à des parties en procès, que la transmission d'un office sera considérée comme non avenue, et qu'il retournera d'un second titulaire à un premier, depuis longtemps démissionnaire;

Qu'on ne peut considérer le droit résultant pour les notaires de la loi de 1816 isolément de l'intervention de l'autorité publique, et le soumettre à toutes les vicissitudes des transactions particulières, sans souci de l'influence tutélaire et nécessairement prépondérante de l'autorité publique;

Qu'il suit de ces principes que l'action en résolution du traité n'est point ouverte à Alban, et que les conclusions tendant à la résolution du prix et à des dommages-intérêts peuvent seules être admises, etc. ■ Appel.

Les deux parties, renonçant à discuter la question de résolution, reprennent leurs conclusions de première instance; aucune d'elles ne provoque la nullité du traité secret renfermant la réserve d'une vérification, nonobstant la renonciation que le procureur du roi avait exigée. Mais devant la Cour M. l'avocat général, après avoir rappelé d'office sur ce point la jurisprudence qui proscrit toutes contrelettres en matière de cessions d'oflice, fait observer cependant qu'ici la contre-lettre était tout entière dans l'intérêt du cessionnaire; qu'elle avait pour objet de le garantir contre un traité ruineux; qu'admettre la nullité ce serait aller contre le but de la jurisprudence invoquée, qui, en général, est fondée sur la nécessité de ne pas laisser les prix d'office s'élever à un taux exorbitant par des dissimulaLions faites au traité ostensible.

DU 27 JANVIER 1843, arrêt C. roy. Bourges, ch. corr., MM. Dubois prés., Raynal av. gén., Thiot-Varenne et Massé av.

« LA COUR;

-

Considérant que l'art. 91 de la loi du 28 avril 1816, en accordant au titulaire d'un office le droit de présenter son successeur et de solliciter sa nomination, n'a pas entendu concéder à ce titulaire un droit absolu de propriété sur son office; que du texte et de l'esprit de la loi il résulte que non seulement il appartient au gouvernement d'agréer ou de refuser les candidats, mais encore de prendre connaissance des conventions passées entre les parties, afin de s'assurer si, soit par l'exagération du prix, soit par toute autre cause, elles ne renferment pas de stipulations contraires à l'ordre public; qu'en trompant le pouvoir sur les conditions mêmes de la cession, on se rend coupable d'une simulation qui n'inté resse pas seulement les parties, mais qui porte atteinte au pouvoir même auquel on s'adresse; que dès lors ce traité, tel qu'il a été soumis au gouvernement, et qui a motivé sa détermination, ne peut plus, sans blesser l'ordre public, être altéré par aucune contre-lettre ; qu'il suit de là que la vérification demandée ne peut être ordonnée en vertu du traité du 10 avril 1840, et conformément à ses dispositions;

Considérant que ce n'est pas rigoureusement dans la clause insérée dans son traité qu'Alban trouve la base de la demande en réduction du prix et de celle en dommages-intérêts; qu'il l'a prise dans les principes spéciaux du contrat de vente et dans les principes qui règlent les conventions en général: qu'il fonde son but à la fois sur les vices cachés de l'office qui lui a été cédé, et sur les manœuvres frauduleuses employées pour exagérer à ses yeux le produit de cette étude;

» Qu'il résulte de tous les faits et circonstances de la cause qu'Alban n'a consenti au paiement des 52,500 fr. qui lui étaient demandés que sous la garantie qui était offerte, et l'assurance que le produit moyen de l'étude avait été, pendant les six dernières années, de 6,400 fr. par an, et la moyenne des actes de 600 au moins par année; qu'Alban soutient et offre de prouver que, pour présenter un pareil produit, Duprilot, lorsqu'il était notaire, multipliait le nombre des actes sans nécessité; qu'il en faisait trois, quatre, et même six, là où un seul eût été suffisant; qu'il passait nombre d'actes en brevet, puis les faisait ensuite rapporter dans son étude, et en dressait autant d'actes de dépôt; qu'il a été fait le même jour jusqu'à sept dépôts par la même personne; que par un procédé habile il exagérait les numéros de son répertoire, et échappait à toute vérification par le soin qu'il prenait de distancer les actes sur les répertoires, d'intercaler entre eux d'autres actes, et de transporter et intervertir les prénoms des comparants; qu'enfin, Duprilot ayant retenu et retenant encore illégalement un grand nombre de minutes, tout contrôle devenait impossible; qu'Alban articule encore que, pour porter ses actes à un prix moyen de 12 fr., et faire monter le produit annuel à 6,400 fr., Duprilot les a tarifés d'après un tarif qui n'était qu'un pro

jet portant les droits du notaire à plus d'un tiers en sus des émoluments alloués par le tarif approuvé en assemblée générale; que Duprilot lui a présenté ce simple projet comme étant un tarif définitif; que du reste il a toujours perçu ses honoraires d'après ces bases erronées;

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Considérant que les faits articulés par Alban, s'ils étaient prouvés, constitueraient de la part de Duprilot, non seulement un dol et des manœuvres frauduleuses, mais encore des vices cachés pouvant justifier la demande d'Alban, et autoriser une réduction du prix de la vente qui lui a été faite; qu'ainsi c'est avec raison que les premiers juges, en posant en principe la nécessité d'une réparation pécuniaire dans le cas où les faits allégués seraient prouvés, ont ordonné la vérification de ces faits par trois notaires par eux nommés d'office comme experts; Dir bien jugé, etc. »

COUR ROYALE DE CAEN.
(27 janvier 1843.).

IMMEUBLE DOTAL, ALIÉNATION, OBJETS DE PREMIÈRE NÉCESSITÉ, FRAIS. L'immeuble dolal peut être aliéné par la femme, avec permission de justice, pour acheter des objets de première nécessité, tels que linge, vêtements el meubles indispensables, pour payer des aliments fournis, enfin pour acquiller les frais fails sur la demande formée à l'effet d'obtenir celle autorisation d'aliéner. C. civ. 1558.

DE GRIMOUVILLE

C. DAME DE GRIMOUVILLE.

DU 27 JANVIER 1843, arrêt C. roy. Caen, 2 ch., MM. Bénard prés., Massot av. gén. « LA COUR ; Attendu que la comtesse de Grimouville justifie qu'elle est dans un dénument complet; qu'elle manque de linge, de vêtements et des meubles indispensables;

» Attendu que, si la dépense nécessaire pour lui procurer ces objets doit être considérée comme alimentaire, et à ce titre, aux termes de l'art. 1558 C. civ., peut être prise avec la permission de la justice sur le capital dotal, cette dépense doit être réduite à ce qui est strictement indispensable, et dans tous les cas elle doit être proportionnée aux ressources de la femme;

»Attendu que le revenu de la comtesse de Grimouville ne s'élève qu'à 1,100 fr. environ par an; que la somme de 3,500 fr. que cette dame voudrait toucher sur le prix de ses im meubles dotaux qu elle demande à aliéner est excessive relativement à sa fortune actuelle; que dans cet état on est obligé de réduire ainsi qu'il suit les sommes qui peuvent lui être allouées... (L'arrêt fixe le total de ces sommes à 2,224 fr. 32 c., dans lequel il fait entrer 250 fr. pour aliments déjà fournis à la dame de Grimouville, et 100 fr. pour dépens faits sur la demande en autorisation d'aliéner... ); » Attendu que, d'après ce calcul, le prix de la pièce du clos Jean-Richard, 6xé par l'ex

pert provisoirement à 2,400 fr., sera plus que suffisant pour les besoins de la comtesse de Grimouville;

» Attendu que les précautions prises par le premier juge pour que les sommes accordées à la comtesse de Grimouville ne soient pas détournées de leur destination sont sages et doivent être adoptées; -AUTORISE la comtesse de Grimouville à faire vendre aux enchères, les formalités de la loi préalablement remplies, sur une première mise à prix de 2,400 fr., la pièce de terre nommée le clos Jean-Richard, contenant environ 1 hectare 36 ares, situé commune du Manoir; ORDONNE que le prix provenant de cette vente sera versé aux mains de Me Termiad, avocat à Bayeux, auquel la Cour donne mission d'en faire faire emploi jusqu'à concurrence de 2,224 fr. 32 c., conformément à ce qui est indiqué ci-dessus, pour subvenir aux besoins de la comtesse de Grimouville; ORDONNE que le surplus, après qu'on en aura prélevé tous les frais de la présente instance, y compris ceux du comte de Grimouville, sera placé comme deniers dotaux dans l'intérêt de la comtesse de Grimouville... »

COUR ROYALE DE GRENOBLE.

(27 janvier 1843.)

Les tribunaux sont compétents pour statuer sur la question de propriété relative à un chemin, bien qu'il ait été classé au nombre des chemins vicinaux ; mais le droit de propriété se résout alors en une indemnité.

Une commune ne peut prescrire un chemin appartenant à un particulier, par cela seul que le propriétaire aurait toléré que les habitants y passassent pendant trente

ans.

COPPIER C. COMMUNE DE PONTCHARRA.

DU 27 JANVIER 1843, arrêt C. roy., Greno, ble, 2 ch., MM. Nicolas prés., Bonnard av. gén., de Ventavon aîné et Chabert-Moreau ar.

LA COUR; - Attendu qu'aux termes de l'art. 15 de la loi du 24 mai 1836, il appartenait à l'administration de déclarer chemin vicinal le chemin qui conduit de la grande route au chemin Villard-Benoît, et qui fait l'objet du litige; que l'arrêté qui a classé ce chemin au nombre des chemins vicinaux de Poncharra, en a attribué la propriété à la commune, sauf l'indemnité due au propriétaire du sol, s'il est démontré qu'il n'appartient pas à la commune;

» Attendu que, la loi précitée n'ayant attribué à aucune juridict on spéciale la connaissance du droit de propriété du sol du chemin déclaré che min vicinal, c'est aux tribunaux ordinaires qu'il appartient de juger la question préalable de propriété, sauf à faire liquider, s'il y a lieu, l'indemnité réclamée suivant les formes prescrites par ladite loi du 21 mai 1836;

» At endu, sur le droit de propriété du che min dont il s'agit..... (appréciation de fait).

D

» Attendu, quant à l'exception de prescription de la propriété dudit chemin, que, si le sol d'un chemin veut être prescrit comme toute autre

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