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partie de la propriète sur laquelle est établi ce chemin, cette prescription ne peut être acquise que lorsque la possession du sol du chemin a eu les caractères déterminés par la loi pour prot'uire cet effet, c'est-à-dire qu'elle a été continue, won interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire; qu'ainsi la commune aurait pu prescrire la propriété du sol du chemin dont il s'agit, si, depuis plus de trente ans, sans contradiction, elle avait fait des ouvrages d'art sur ce chemin ; qu'elle y eût fait transporter des matériaux pour construire des murs de soutènement ou pour les réparer, et autres travaux qui eussent annoncé l'intention de la commune de posséder à titre de propriétaire, et qui eussent suffisamment averti Cop. pier ou ses auteurs des prétentions de la commune; mais attendu que la commune n'allè gue aucun acte de possession de cette nature; qu'elle n'articule aucun fait propre à faire acquérirla propriété dudit chemin par la prescripLion; qu'elle prétend seulement que ce chemin était habituellement fréquenté par les habitants de Villard-Benoit et de la commune; que ce fait, quand même il serait établi, ne suffirait pas pour faire acquérir la propriété du sol, quelque long qu'ait été cet usage, parce qu'il ne pouvait en résulter, pour le propriétaire, l'intention de la part de la commune de vouloir prescrire la propriété du sol, et que le simple exercice de passage sur le fonds d'un particulier ne peut faire acquérir ni possession ni prescription;

Par ces motifs, RÉFORME le jugement rendu par le tribunal civil de première instance, séant à Grenoble, le 26 fév. 1842; et, par nouveau jugement, faisant ce que les premiers ju

ges auraient dû faire, Dir et PRONONCE que Coppier était seul et unique propriétaire du chemin objet du litige; que la propriété de ce chemin, a été attribuée à la commune de Pontcharra par l'arrêté du préfet de l'Isère du 19 août 1837; qu'à raison de cette expropriation, opérée conformément aux prescriptions de l'art. 15 de la loi du 21 mai 1836, Coppier a droit à une indemnité; RENVOIE ledit Coppier à se pourvoir ainsi qu'il appartiendra pour faire liquider cette indemnité suivant le mode prescrit par ladite loi du 21 mai 1836. »

sisissant et le saisi pour obtenir sa décharge conformément à l'art. 606 C. proc. civ., s'est fondé sur l'urgence, et l'a prise en considération pour ordonner le bref délai demandé ; Que le demandeur, s'étant placé dans le cas de l'art. 808 C. proc. civ., et en ayant réclamé les avantages, devait en observer les dispositions; » Attendu qu'aux termes de cet article, si le cas requiert célérité, l'assignation ne pourra eire donnée qu'en vertu de l'ordonnance du juge, qui commettra un huissier à cet effet; Qu'il résulte évidemment de ces termes que l'assignation n'est alors valable qu'à une double condition, c'est-à-dire que lorsqu'elle aura été précédée de l'ordonnance du juge, et que l'assignation aura été signifiée par l'huissier qu'il aura commis à cet effet; - Que, s'il en était autrement, cette sage garantie donnée par la loi à la partie assignée n'aurait aucune sanction, et serait impunément éludée;

Attendu que, l'ordonnance sur requête du 22 nov. 1842 n'ayant désigné aucun huissier, l'assignation en référé n'a point été signifiée par huissier commis; que cette assignation est donc nulle, et entraîne la nullité de tout ce qui l'a suivie;

Par ces motifs, disant droit à l'appel, ANNULE l'assignation en référé du 22 nov. 1842, ainsi que l'ordonnance du 24 novembre, etc.■

COUR DE CASSATION. (28 janvier 1843.) Doit être cassé le jugement par dėjau rendu contre un garde national, sur une citation qui ne renferme ni la date du jour, ni la date du mois, où elle a été donnée.

ROUGET C. MINISTÈRE PUblic. Conforme à la notice.

COUR ROYALE DE MONTPELLIER,
(27 janvier 1843.)

Les ordonnances qui permettent d'assigner à bref délai sur référé doivent, à peine de nullité, commettre un huissier pour faire la signification. C. proc. 808.

SABA C. DAKDÉ..

DU 27 JANVIER 1843, arrêt C. roy. Montpel Irer, ch. civ.

• LA COUR: - Attendu que le sieur Dardé gardien des objets saisis, en présentant au ju. re des référés une requête tendant à obtenir l'autorisation de faire assigner à bref délai le

COUR DE CASSATION.
(28 janvier 1843.)

La prescription en matière correctionnelle, élant d'ordre public, met obstacle d'une manière absolue à toute poursuite ultérieure. Dès lors elle doit être admise ou suppléée d'office en tout état de cause, et les juges d'appel ne peuvent refuser de faire droit aux conclusions prises devant eux à celle fin, sur le fondement qu'ils ne sont saisis que du jugement d'un point de forme, el que ce moyen ne saurait être utilement proposé que devant les juges du fond -. C. inst. crim. 637, 638.

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» Attendu, en fait, que le jugement correctionnel par défaut auquel le demandeur a formé opposition jugée valable par suite de la nullité de la signification qui lui en avait été faite est du 5 mai 1838, et ladite opposition ́du 16 fév. 1842 ; qu'ainsi l'action publique é tait prescrite;

» Attendu, en droit, que la prescription est d'ordre public; qu'elle met obstacle d'une manière absolue à toute poursuite ultérieure, qu'elle doit être dès lors admise ou suppléće en tout état de cause; que la Cour royale de Nimes, en refusant de faire droit aux conclusions prises devant elle à cette fin, sur le fondement qu'elle n'était nantie que du jugement d'un point de forme, et que le moyen ne pourrait être utilement proposé que devant les juges du fond, a méconnu les principes de la matière, violé les articles ci-dessus cités du Code d'instruction criminelle et les règles de la compétence; CASSE, etc.

COUR DE CASSATION.

(28 janvier 1843.)

Aucun délai n'étant prescrit aux greffiers de Cours d'assises pour la rédaction et la signature de leurs procès-verbaux (1), il en résulle qu'on doit réputer régulier le procès-verbal rédigé conformément à l'art. 37 du règlement du 30 mars 1808, el signé par le président seul, par suite du décès du greffier, encore que ce décès ne soil survenu que plus de dix jours après la déclaration du pourvoi (2). C. instr. crim. 372 et 423.

LAUNEY C. Ministère public. Dr 28 JANVIER 1843, arrêt C. cass.

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ch.

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Mais on soutenait que, l'art. 423 C. instr. crim. exigeant la régularisation du dossier et sa remise au parquet dans les dix jours de la déclaration du pourvoi, il en résultait nécessairement que le procès-verbal devait être rédigé et mis en règle avant l'expiration de ce délai, - La disposition, disait on, de l'art. 37 du décret du 30 mars 1808, qui porte que dans le cas où le greffier serait dans l'impossibilité de signer la feuille d'audience le président en fera mention en signant, n'existe que pour les cas extraordinaires; mais, exagérée dans

« LA COUR ;-Statuant sur le pourvoi; sur le moyen puisé dans la violation prétendue de l'art. 372 C. inst. crim. en ce que le procès-verbal des débats auxquels l'accusation a donné lieu n'aurait été ni rédigé ni signé par le greffier : presse d'écrire, de conserver et d'expédier les Attendu que, si les greffiers ont charge extermes de l'art. 372 ci-dessus cité, de dresser actes du juge, et sont tenus spécialement, aux procès-verbal des séances de la Cour d'assises. nullité, ces prescriptions ne restent pas moins et de le signer avec le président, à peine de subordonnées à la possibilité de leur exécution, ordinaires qui forment un obstacle à ce que et par conséquent en cas d'événements extrale greffier qui a assisté le juge continue ses fonctions et les complète par l'écriture et la signature de l'acte ;

» Attendu qu'il est mentionné au procès-verbal des débats qui ont précédé l'arrêt dénoncé que Renouf, commis greffier, qui avait assisté aux débats de cette affaire, est décédé subitetions de l'art. 372 C. inst. crim., et que le prément sans avoir pu se conformer aux prescripsident de la Cour, soussigné, a rédigé le procès-verbal, certifiant que les formalités y mentionnées ont été exactement observées;

Qu'une semblable déclaration, revêtue de la signature du président de la Cour d'assises, attestant tout à la fois l'accomplissement des formalités, et la vérité des faits que ce magistrat devait faire constater par le greffier d'audience, et l'événement de force majeure qui donnent à cet acte judicaire une authenticité avait formé empêchement à cette constatation, complète, et telle qu'en pareille circonstance elle pouvait être exigée;

» Que c'est par les motifs ci-dessus déduits que le règlement du 30 mars 1808, par son art. 37, au titre Des Cours royales, porte que, si, par l'effet d'un événement extraordinaire, le greffier se trouve dans l'impossibilité de signer les feuilles de l'audience, il suffira que le président en fasse mention en les signant;

» Attendu qu'on n'est point fondé à objecter que, le décès du greffier n'étant survenu que le 30 novembre, l'attestation donnée par le président le 2 déc. suivant ne saurait justifier l'impossibilité où se serait trouvé le greffier plir dès le 19 dudit mois; d'accomplir des formalités qu'il aurait dû rem

puis les débats dudit jour 19 novembre jusqu'à » Qu'en effet, l'intervalle qui s'est écoulé decelui du décès de Renouf, greffier, n'est d'aucune considération, aucune disposition de la loi n'exigeant que le procès-verbal des débats soit rédigé et signé immédiatement après la séance, et ne déterminant les délais dans lesquels les prescriptions de l'art. 372 C. inst. crim. doivent être accomplies; - REJETTE. »

sa portée, elle conduirait à autoriser les greffiers à retenir indéfiniment les dossiers, au grand préju dice des accusés soumis à la détention préventive.

COUR ROYALE DE CAEN.

(28 janvier 1843.)

Le mariage contracté par un individu inlerdil pour cause d'imbécillité et d'idiolisme, avec le consentement de son luleur et du conseil de famille, el sur l'avis conforme du procureur du roi, est-il radicalement nul (1) ?

Dans tous les cas, celle cause de nullité s'étant pas au nombre de celles prévues par l'art. 184 C. civ., les collatéraux sont sans qualité pour l'invoquer, même après le décès de l'interdit (2). La reconnaissance d'un enfant naturel faite par un interdit antérieurement à l'interdiction, mais à une époque où la démence existait noloirement, peut être déclarée valable si celle reconnaissance parail se justifier par les circonstances, el constituer dès lors un acte raison

nable,

De même les juges peuvent, par apprẻciation de ses clauses, déclarer valable le contrat de mariage passé par l'interdil représenté par son tuleur. (Rés. par le tribunal de première instance.) Dans tous les cas les collatéraux, demeures sans intérêt par l'effet de la validité ainsi prononcée de la reconnaissance, el de la légitimation qui l'a suivie, n'ont

(1) L'arrêt que nous recueillons ne décide pas cette question en principe; il relève seulement diverses circonstances quí, dans l'espèce, et attendu surtout le défaut de qualité des contestants, pouvaient faire considérer le mariage comme valable, La doctrine n'a pas complétement éclairci le point de savoir quelle est la valeur du mariage contracté par l'interdit. - Autrefois un tel mariage, s'il avait eu lieu pendant un intervalle lucide, était considéré comme valable. Despeisse, t. 1, p. 216; Pothier, Contr. de mariage, no 92.-Telle est aussi, sous le nouveau droit, l'opinion de Zachariæ, L. 3, § 464 (pourvu que l'interdit ait été autorisé par les personnes sous l'autorité desquelles il se trouve relativement au mariage). Duranton ie éd.), l. 2, no 29, paraît être d'une opinion conraire. Le tribunat avait demandé qu'il fut dé. eidé que le furieux ou l'imbécile est incapable de donner un consentement lors même qu'il aurait des intervalles lucides. Il ne fut rien décidé sar ce point (Locré, t. 3, p. 49), qui reste dès lors, it Toullier, t. 1, no 502, abandonné à la prudenre des tribunaux. (V. aussi, à ce dernier égard, Duranton, loc. cit.

(Cette décision est conforme à la jurisprudence V. Cass. 9 janv. 1821. Duranton, t. 2 54. V. aussi Zachariæ, loc. cit. — V. aussi sur le principe que les nullités de mariage, quelque radicales et absolues qu'elles puissent être, ne peuvent être proposées que par les personnes auxquelles la loi en a conféré expressément le droit, et dans les cas qu'elle a déterminés, Cass. 12 nov. 1839, aff. Delahaye. V. toutefois Toulouse, 26 mars 1824 (sous l'ancien droit); et Cass. 28 dec. 1831.

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Plus tard, ce dernier ayant voulu contracter mariage avec la demoiselle Millet, le sieur Delaunay père déclara s'y opposer, et provoqua l'interdiction de son fils; un jugement du 17 mars 1834 prononça cette interdiction, mais sans statuer sur l'opposition à mariage."

En 1835, décès du sieur Delaunay père. Le 23 mai 1837 le conseil de famille, consulté sur un nouveau projet d'union entre Delaunay fils et la demoiselle Millet, déclara que cette union serait très avantageuse à l'interdit. Toutefois un des membres, le sieur Sillas Lenormand, manifesta une opinion contraire.

En 1838, nouvelle délibération du conseil de famille qui confirme la précédente, déclare que Louise-Ambroisine doit être légitimée par le mariage de Delaunay fils avec la demoiselle Millet, et nomme le tuteur de l'interdit (son oncle) pour le représenter à son

contrat de mariage.

Le mariage eut lieu sans l'opposition de la mère de l'interdit, et malgré celle du sieur Lenormand, qui fut déclarée non recevable comme faite sans qualité. Dans l'acte de mariage les époux déclarèrent légitimer Louise

Ambroisine.

Le 2 avril 1841, décès du sieur Delaunay fils. Alors les sieur et dame Sillas Lenormand, ses collatéraux, demandèrent la nullité du mariage, de la légitimation, ainsi que du contrat de mariage; ils soutenaient que l'interdit, ne pouvant donner de consentement valable, était nécessairement incapable de contracter mariage. En vain dirait-on que l'interdit peut être représenté par son tuteur: il s'agit là en effet d'un consentement évidemment personnel à l'interdit, et qu'il n'appartient à personne de donner en son lieu et place. En vain encore, se fondant sur les art. 180, 184 et 187, C. civ., dirait-on que les héritiers collatéraux sont non recevables à proposer la nullité d'un pareil mariage; en effet aucun article du Code ne suppose cette non-recevabilité; aucun surtout ne la consacre d'une manière absolue, puisque la loi ne s'occupe pas de la nullité du mariage contracté par l'interdit. A moins de faire rentrer cette nullité dans celle que l'art. 180 permet aux époux seuls d'invoquer, ce qui serait rendre impossible et illusoire l'exercice du droit que la loi ouvre contre tout mariage, on doit décider en pareil cas, comme à l'égard des mariages contractés par un mort civilement ou au mépris des art. 297 et 298 C. civ., lesquels peuvent sans contredit être attaqués par les héritiers collatéraux.

On soutenait, en outre, 1° que la reconnaissance devait être annulée, puisque, pour

être valable, elle n'aurait pu résulter que d'un aveu libre et spontané: or celui qui se trouve dans un état de démence notoire peutil fournir un pareil aveu? 2o Qu'il en était de même en ce qui concernait le contrat de maviage.

Le 16 fév. 1842, jugement du tribunal civil de Falaise qui repousse l'action des sieur et dame Lenormand en ces termes :

Attendu toutefois qu'il s'agit d'examiner si la rigueur du droit ne justifierait pas soit la recevabilité, soit le bier-fondé des divers chefs de leur demande ;

»Attendu, en droit, que la première condition dans les instances judiciaires est la justification de la qualité des parties pour agir soit comme demandeurs, soit comme défendeurs;

» Attendu que les époux Sillas Lenormand ne sont que des parents collatéraux de l'épouse Delaunay, et de Louise-Ambroisine Delaunay, sa fille mineure;

Attendu qu'il s'agit au procès, et comme principale base de l'action, d'une demande en nullité du mariage contracté par la fille Millet le 23 mai 1838 avec J.-F. Delaunay, car les autres chefs ne sont en quelque sorte que le corollaire du premier, qu'ils y sont Jiés intimement, qu'ils en sont la dépendance, qu'ils doivent avoir le même résultat, qu'ainsi de la décision sur le premier chef doit surgir même décision pour les autres;

Attendu que, s'agissant ici du plus saint des contrats, de celui sur lequel repose la fondation de la famille et la conservation de la société, la législation, la jurisprudence de tous les temps, ont en général été d'accord - pour refuser aux collatéraux le droit d'opposer des nullités même absolues du mariage : c'était la doctrine de d'Aguesseau, des procureurs et des avocats généraux des parlements les plus célèbres de toutes les époques; la doctrine de Pothier, celle de Merlin, et la jurisprudence à peu près constante des avocats anciens ;

Attendu que la législation du Code civil a restreint à des termes rigoureux les nullités de mariage, qui par elles-mêmes sont exorbitantes du droit commun;

Attendu que les art. 184, 187 el 191, renferment diverses nullités absolues dont un mariage peut être vicié; ce sont aussi les nullités dont les collatéraux peuvent exciper en certains cas;

» Attendu que l'art. 184 énumère tout d'abord toutes les dispositions de la loi qui, lorsqu'elles n'ont pas été observées, et lorsque le mariage a été contracté en violation desdites dispositions, donne droit à l'attaquer soit de la part des époux, soit de ceux qui y ont droit, soit de la part du ministère public; » Attendu que l'art. 187 dénomme les héritiers collatéraux comme pouvant eux-mêmes attaquer le mariage; mais qu'il ne leur confère ce droit qu'avec restriction, et notamment lorsque les époux n'existent plus, lorsqu'ils y ont un intérêt né; enfin, dans tous les cas où, conformément à l'art. 184, le mariage peut être attaqué;

Attendu qu'il faut donc se reporter aux cas posés dans les articles énumérés dans cet arti

cle lui-même, c'est-à-dire aux art. 144, 147, 161, 162 et 163, pour savoir si dans l'espèce les époux Sillas Lenormand ont qualité pour attaquer le mariage des époux Delaunay : or, dans l'espèce de la cause, le vice reproché au mariage desdits époux Delaunay ne fait point partie de ceux strictement et limitativement fixés dans les articles du Code civil ci-dessus énoncés; aucun de ces articles ne mentionne a démence comme cause de nullité absolue;

Attendu dès lors que les nullités du mariage, quelque radicales qu'elles puissent être, ne pouvant être opposées que par les personnes auxquelles la loi en a expressément conféré le droit, et dans les cas déterminés il s'ensuit que, les époux Sillas Lenormand n'ayant la qualité d'aucune des personnes auxquelles la loi conserve ce droit, ils sont non recevables à attaquer le mariage des époux Delaunay;

» Attendu dès lors qu'il devient inutile de s'occuper des conclusions des demandeurs relatives à la validité ou invalidité dudit mariage: l'examen de cette question ne les concerne pas;

»Sur le second chef, attendu que la reconnaissance de Louise-Ambroisine Delaunay a eu lieu non seulement par acte du 14 fév. 1834, mais encore par l'acte de célébration du mariage de la fille Millet avec J.-F. Delaunay, par lequel ils ont déclaré vouloir la légitimer;

»Attendu que cette légitimation fait en quelque sorte partie intégrante de l'acte de mariage: or, si les époux Sillas Lenormand sont non recevables à attaquer cet acte, c'est dans son ensemble, et non pas seulement dans l'une de ses parties; ce n'est pas seulement dans ce qui intéresse personnellement les époux, c'est aussi dans ce qui les intéresse peut-être davantage, c'est-à-dire dans le sort de l'état de leur enfant ;

» Attendu qu'en fût-il autrement, l'art. 502 C. civ., opposé par les demandeurs, serait inapplicable, puisqu'il suppose seulement que l'interdiction ou nomination du conseil judiciaire n'a son effet que du jugement, et qu'il ne frappe de nullité que les actes passés postérieurement;

» Attendu que les textes opposables ne seraient donc que les art. 339 et 505; mais ces textes ne contiennent pas une disposition formellement impérative, ils ne présentent au contraire qu'une faculté donnée 1o aux personnes désignées en l'art. 339, 2o aux tribunaux dans le cas prévu par l'art. 505;

»Attendu qu'en supposant que les époux Sillas Lenormand aient qualité pour contester l'acte de reconnaissance dont il s'agit, il serait difficile d'élever des doutes, d'après les circonstances qui ont précédé, accompagné et suivi la naissance de Louise-Ambroisine Delaunay, sur l'état de la paternité : en effet, d'une part, aucun reproche n'a été signalé contre les mœurs antérieures de la fille Millet: pendant trois ans qu'a duré le mariage, elle s'est bien conduite; d'autre part, Delaunay é tait constamment avec elle; rejeté de sa famille paternelle, c'est là qu'était son asile habituel; il a manifesté en tout temps le désir de l'épouser : dès 1832 il avait arrêté avec la fille

Millet son contrat de mariage; que la fille Millet n'a pas eu de peine à y déterminer Delaunay, ainsi que les époux Sillas Lenormand l'ont articulé ; il en résulterait du moins, d'après leur propre langage, qu'il n'était pas idiot et imbécile au point d'être insusceptible de tout consentement; d'autre part, que la naissance de cet enfant ait été le résultat ou d'une faiblesse ou d'une spéculation de la part de celle fille, cela importe peu, car il faudrait établir que la reconnaissance de paternité faite par Delaunay serait le résultat d'un dol, d'une fraude, d'une violence, et en tout cas erronée: or rien de semblable n'est articulé ni prouvé;

Allendu dès lors que la demande en nullité de cette reconnaissance de Louise-Ambroisine Delaunay par son père doit être repoussée ; Attendu que l'art. 333 C. civ. dispose que les enfants légitimés ont les mêmes droits que ceux nés pendant le mariage; l'art. 320 dispose, à son tour, qu'à défaut de titres de naissance la position constante d'état d'enfant légitime sullit: or, ici non seulement il y a titre conforme à la naissance, mais il y a possession d'état qui a duré trois ans et jusqu'au décès de Delaunay;

En ce qui concerne la demande en nullité du contrat de mariage du 30 oct. 1832:

Attendu que les règles et les principes cidessus invoqués concernant la reconnaissance d'enfant naturel doivent recevoir ici leur application, c'est-à-dire qu'il entre dans le pouvoir discrétionnaire du juge d'en prononcer l'annulation ou de le confirmer, parce qu'il lui appartient en effet de décider si pareil acte décèle la démence ;

»Attendu que dans ce contrat on reconnaît les conventions les plus habituelles que souscrivent les époux en faveur les uns des autres rien ne semble exagéré dans le détail des apports d'une fille de vingt-et-un ans, qui à cette époque surtout, et dans un canton où le commerce et l'industrie de dentellière était très lucratif, a pu par là faire des économies, et se procurer le mobilier fort modeste mentionné dans ce contrat de mariage;

Attendu, au reste, qu'il devient absolument inutile de reposer plus long-temps sur les objections des demandeurs à cet égard;

»Attendu en effet qu'ils sont sans intérêt, puisque le mariage ne peut être annulé ; que la légitimation doit recevoir tout son effet; qu'ainsi la seule partie qui pourrait être admise à critiquer le contrat de mariage serait Louise Ambroisine Delaunay, comme y ayant senle intérêt, puisqu'elle seule est héritière. » Appel.

DU 28 JANVIER 1843, arrêt C. roy. Caen, aud. sol., MM. Roger de Lachouquais 1er prés., Ch. de Prefelu 1er av. gén., Trolley et

G. Delisle av.

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interrogé Delaunay fils, pensa qu'avant de statuer on devait ordonner des enquêtes, et que par son jugement défluitif du 17 mara 1834 il a prononcé l'interdiction sans parler, dans le dispositif, de l'opposition au mariage;

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Considérant que, Delaunay père étant décédé le 8 janv. 1835, sa veuve a consenti au mariage de son fils avec Marie Louise Millet le 49 fév. 1838, el que le conseil de famille, qui avait été consulté relativement à ce mariage, avait donné un avis favorable par ses délibé rations du 23 mars 1837 et du 18 janv. 1838; D Considérant que l'opposition que Sillas Le normand avait formée au mariage a été rejetée par jugement du 28 mars 1838;

Considérant que ce mariage a été célébré civilement et religieusement le 24 mai suivant, d'après l'avis du procureur du roi; que Defaunay et sa femme ont vécu publiquement et sans contestation comme époux légitimes jusqu'au décès de Jean-François Delaunay; qu'ils ont élevé Ambroisine comme leur fille légitimée, et que depuis la dissolution du mariage le conseil de famille, dont Sillas Lenormand faisait partie, a conservé la tutelle de la fille à la mère, lorsque celle-ci s'est remariée avec Disson;

» Considérant que l'action des époux Sillas Lenormand a été intentée contre Marie-Louise Millet et contre sa fille en 1841 pour faire déclarer nul le mariage qu'elle avait contracté avec un interdit, et pour faire prononcer la nullité de la reconnaissance d'Ambroisine passée par Delaunay, ainsi que la nullité du contrat de mariage;

Considérant que les époux Sillas Lenormand sont des collatéraux qui ne peuvent être admis à attaquer un mariage que dans les cas déterminés par la loi, ainsi que cela résulte des dispositions du Code civil, et notamment de l'art. 184, qui fixe les cas dans lesquels les héritiers collatéraux sont autorisés à former une demande en nullité de mariage;

» Considérant que, les époux Sillas Lenormand ne se trouvant dans aucun des cas qui confèrent aux collatéraux le droit de former leur demande en nullité, la fin de non-recevoir qui leur est opposée doit être admise ;

Considérant que la reconnaissance Ambroisine par Jean-François Delaunay est du 14 fév. 1834, et que le jugement qui a prononcé son interdiction est du 17 mars suivant ;

» Considérant que d'après l'art. 503 C. civ. les actes antérieurs à l'interdiction ne sont pas nuls de plein droit, mais peuvent seulement être annulés lorsque la cause de l'interdiction existait alors notoirement;

» Considérant qu'il est certain que la cause de l'interdiction existait à l'époque où Delaunay a reconnu Ambroisine pour sa fille, mais que cette reconnaissance est justifiée par ses relations avec la mère de l'enfant, ainsi que par toutes les circonstances de la cause, et qu'il a fait alors un acte raisonnable qui doit être maintenu;

» Considérant que, cette reconnaissance étant déclarée valable, la célébration du mariage des époux Delaunay a légitimé leur fille, qui est dès lors héritière de son père; d'où

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