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16 sept. 1842, qui l'a renvoyé devant le tribunal de police correctionnelle d'Orléans, comme prévenu de trois délits d'abus de confiance commis au préjudice de la demoiselle Rocher, et a aussi renvoyé les époux Rhein devant le même tribunal, comme prévenus de complicité par recélé des délits dont il s'agit;

Qu'en procédant ainsi, la Cour royale d'Orléans, chambre des mises en accusations, a excédé ses pouvoirs en privant P.... des garanties à lui assurées par les dispositions de l'art. 479 C. instr. crim., puisqu'elle aurait dû se borner à délaisser le procureur général à faire citer directement l'inculpé P.... et les individus signalés comme ses complices devant la première chambre de la Cour royale, pour y recevoir jugement;

» Que par conséquent il n'y a pas lieu de s'arrêter à la procédure illégale qui a été suivie par ladite chambre des mises en accusation; Par ces motifs, RENVOIE devant la première chambre de la Cour royale d'Orléans,»

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• LA COUR ; Considérant que, sur l'opposition formée par eux au jugement par défaut du 18 août 1841, les époux Danger ne s'étant pas présentés sur l'assignation par eux donnée, il est intervenu contre eux un jugement de défaut-congé qui n'est en réalité qu'un jugement de débouté d'opposition; qu'il en résulte que les époux Danger ne pouvaient se pourvoir par voie d'opposition ni contre le jugement de défaut-congé du 26 janv. dernier, ni contre le jugement du 18 août 1841; qu'autrement ce serait perpétuer les procès contrairement au vœu de la loi; - INFIRME;

COUR ROYALE DE PARIS.

(14 janvier 1843.)

Celui qui paie, même au nom el en l'acquit d'un tiers, est réputé propriétaire des deniers ou valeurs qu'il a ainsi versés, jusqu'à preuve du contraire. Celui qui s'est constitué le negotiorum gestor d'une parlie, dans les termes de l'art. 1236 C. civ., a le droit d'exiger de celleci le remboursement des avances et des dépenses utiles faites dans l'intérêt du maître de l'affaire (1). C. civ. 1375.

(1) Le maître est tenu de rembourser au gérant

Bien que sous cerlains rapports le negotiorum gestor doive être assimilé au mandataire, l'art. 2001 C. civ., qui accorde à celui-ci l'intérêt de ses avances du jour des avances constatées, ne peut s'étendre au premier qu'autant qu'il s'est hâté, après les avances failes, d'en donner connaissance au maître de l'affaire, el de le mellre en demeure de les acquiller (1).

DE CROCHART C. SÉBASTIANI.

DU 14 JANVIER 1843, arrêt C. roy. Paris, 3a ch., MM. Pécourt prés., Berville 1er av. gén., Bousquet et Chaix-d'Est-Ange av.

LA COUR; Considérant, en droit, que celui qui paie, même au nom et en l'acquit d'un tiers, est réputé propriétaire des deniers ou valeurs qu'il a ainsi versés, jusqu'à preuve du contraire;

» Considérant, en fait, qu'il est justifié et non contesté que de Crochart père a, le 14 sept. 1810, payé au trésor général de S. M. catholique à Madrid 601,375 réaux 22 maravédis au nom et en l'acquit du maréchal, alors général Sébastiani;

› Considérant que si de Crochart père n'a déposé chez un notaire, en 1842, et si ses représentants ne produisent aujourd'hui qu'un certificat délivré huit jours après la quittance du paiement dont il s'agit, d'une part le maréchal Sébastiani ne produit pas la quittance; et, d'autre part, il résulte de documents relatifs à des acquisitions de biens nationaux en Espagne, à cette époque, que, dans la plupart des cas, l'administration, avant parfait paiement des biens vendus, ne délivrait pas de quittance, mais des certificats de quittances inscrites sur les registres administratifs au bénéfice du titulaire des paiements;

Considérant que, si le paiement fait par de Crochart père l'a été en cédules de récompense, de Crochart et ses ayant-cause ne sont pas tenus de justifier de la propriété d'une valeur au porteur, laquelle, à titre de monnaie reçue en paiement, appartient à celui qui en est possesseur;

Considérant, d'ailleurs, que de Crochart était propriétaire de semblables valeurs, puisqu'il s'en est servi pour se libérer d'acquisitions d'immeubles situés en Espagne, autres que le couvent de San-Miguel, à l'acquisition duquel il participait avec le général Sébastiani et d'autres;

Sébastiani ne justifie pas avoir donné à de CroConsidérant, d'autre part, que le maréchal chart pour la verser en son nom au trésor d'Es pagne, la somme ci-dessus désignée pour se l bérer d'autant de sa part dans son acquisition du couvent dont il s'agit, et qu'il ne justifie pas non plus avoir remboursé cette somme à

toutes ses avances, pourvu qu'elles aient été uti les au moment où elles ont été faites: peu impor te que depuis elles aient perdu leur utilité. Toullier, Dr. civ., t. 11, no 51; Delvincourt, t. 3, p. 448.

(1) V. Delvincourt, t. 3, p. 447.

de Crochart postérieurement au paiement; Que de Crochart avait intérêt à faire ledit paiement au nom de Sébastiani pour ne pas voir rentrer à la disposition du gouvernement espagnol, aux termes des décrets de juin et septembre 1809, faute de paiement du prix, une acquisition dans laquelle de Crochart ne figurait pas en nom;

Que rien n'établit qu'il ait eu connaissance des conventions verbales consenties entre le ministre Cabarry, Bourcke et Sébastiani, le 18 oct. 1809;

Qu'en admettant l'affirmative, le maréchal Sébastiani n'allègue même pas qu'il eût renoncé à compléter l'acquisition de son quart du couvent de San-Miguel, puisqu'il prétend, au contraire, que de Crochart a payé ce complément de deniers fournis avant ou après le ⚫ paiement par lui Sébastiani;

• Considérant que, dans tous les cas, de Crochart se serait constitué le negotiorum gestor du général Sébastiani dans les termes de l'art. 1256 C. civ.

Qu'aux termes de l'art. 1375 du même Code, de Crochart ou ses représentants ont le droit d'exiger le remboursement des avances faites dans l'intérêt du maréchal Sébastiani;

⚫ Qu'aucune prescription ne peut leur être opposée; qu'ils justifient d'ailleurs que dès 1812 de Crochart a veillé à la conservation de ses droits en déposant et son traité avec le général Sébastiani, et ses certificats de quitLauce, l'un de 2,500,000 réaux, l'autre de 681,375 réaux, chez un notaire de Paris;

Que depuis il a présenté à la commission de liquidation des créances d'Espagne une réclamation à l'occasion du paiement fait en l'acquit du maréchal Sébastiani de cette dernière somme de 604,375 réaux;

Que ces réelamations ont fait depuis la mort de Crochart père, en 1824, l'objet de la sollicitude de son fils, héritier bénéficiaire de son père, liquidateur de sa faillite, et celle du syndic de de Crochart père, qui avait fait figurer en son bilan ses propriétés d'Espagne :

Que de Crochart fils, au milieu de difficultés sans cesse renaissantes, poursuivait encore en 1837 devant le tribunal de commerce de la Seine la remise des titres nécessaires pour autoriser sa réclamation judiciaire contre le marichal :

: Considérant, au surplus, en ce qui concerne le capital réclamé par les appelants, qu'il est reconnu par eux que les cédules de récompense avaient une valeur inférieure à leur valeur nominale au jour du paiement dont s'agit, et qu'en principe le negotiorum gestor ne peut réclamer que ce qu'il a déboursé pour celui dont il a fait l'affaire ;

• Mais considérant que la Cour n'a pas les éléments suffisants pour déterminer la valeur réelle des cédules de récompense à Madrid à la date du 14 sept. 1840, époque du paiement; qu'ainsi c'est le cas de délaisser les partics à se régler en ce point ainsi qu'elles aviseront, sauf, en cas de contestation, à statuer ultérieurement;

• Considérant, en ce qui concerne les intérêts réclamés à partir du 14 sept. 1810, que, si le negotiorum gestor doit, sous certains

rapports, être assimilé au mandataire, la loi cependant, dans l'art. 1375 C. civ., spécial à celui qui a géré l'affaire d'autrui, né lui donne le droit de réclamer que les dépenses utiles ou nécessaires qu'il a faites; que l'art. 2004 C. civ., qui accorde au mandataire l'intérêt des avances par lui faites du jour des avances constatées, ne doit s'étendre et s'appliquer au negotiorum gestor qu'autant que celui ci s'est hâté, après ses avances faites, d'en don' ner connaissance au maître de l'affaire, et de le mettre en demeure d'acquitter ses avances; »Considérant qu'il n'est pas justifié que de Crochart père ou ses représentants aient mis le maréchal Sébastiani en demeure avant leur demande introductive d'instance; que c'était pour tous et chacun d'eux un devoir d'autant plus impérieux, qu'une affaire nécessaire et utile à l'époque où elle a été faite était devenue, par l'effet des événements postérieurs, mauvaise et sans profit aucun pour le maitre de l'affaire ;

⚫ Que c'est donc le cas de n'accorder les intérêts réclamés que dans les termes géné raux du droit ;

INFIRME; au principal, CONDAMNE le maréchal Sébastiani à payer la somme de 601,375 réaux 22 maravédis, valeur en cédules de récompense à Madrid le 14 sept. 1810, avec les intérêts du jour de la demande. ■

COUR ROYALE DE PARIS.
(14 janvier 1843.)

Le compromis par lequel les parties ont désigné pour arbitre de leurs contestations la Chambre des notaires de Paris salisfail suffisamment au vœu de la loi, celle désignation ne pouvant laisser aucune incertitude sur les personnes constituées arbilres. C. proc. 1003 et

1006.

La partie qui a comparu devant le tribunal arbitral ainsi constitue, el a conclu au fond sans opposer d'exception, est non recevable, après la décision rendue, à porter la même contestation devant la juridiction ordinaire

GRULE C. DUMOULIN.

DU 44 JANVIER 1843, arrêt C. roy. Paris, 3 ch., MM. Pécourt prés., Tardif subst. proc. gén., Poujet et Fleury av.

LA COUR ; - Considérant que par le compromis fait entre Dumoulin et Grulé par acte sous seing privé du 5 déc. 1839, enregistré, il a été convenu qu'ils s'en rapporteraient souverainement et sans appel à l'avis qui serait donné par la chambre des notaires de Paris, et qu'ils le considéreraient comme un arbitrage définitif sur les difficultés élevées entre eux;

› Considérant que ce compromis, en désignant pour arbitre la chambre des notaires de Paris, a suffisamment satisfait au vœu de l'art. 1006 C. proc. civ.; —Qu'en effet cette désignation ne peut laisser aucune incertitude sur les personnes constituées arbitres;

⚫ Considérant, d'ailleurs, qu'en exécution

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de ce compromis les parties ont comparu en personne devant la chambre des notaires de Paris, constituée en tribunal arbitral, conformément à l'acte du 5 déc. 1839; · Qu'elles y ont pris respectivement des conclusions, et que les arbitres, après avoir entendu contradictoi rement les parties et leurs mandataires, ont statué sur les difficultés qui leur étaient soumises, et qui étaient précisées dans le compromis; -Que Dumoulin, après la décision rendue par ce tribunal arbitral légalement constitué d'après les conventions des parties, n'a pu régulièrement porter les mêmes contestations devant la juridiction ordinaire ;

» INFIRME au principal, DECLARE Dumoulin non recevable dans ses demandes, fins et conclusions. D

COUR ROYALE DE GRENOBLE.

(14 janvier 1843.)

Le failli peut, même après qu'une créance a été vérifiée et admise au passif et que le concordat a été homologué, élever une contestation sur son existence ou sa quotité; mais c'est à lui de faire désormais la preuve.

MAITRE C. Morel.

DU 14 JANVIER 1843, arrêt c. roy. Grenoble, 4 ch., MM. Fornier prés., Blanchet av. gén.

LA COUR: Sur la question de savoir si, lorsqu'il s'agit de faillite, la créance qui n'a pas été contestée lors de son admission peut l'être après qu'il y a eu concordat :

Attendu que l'admission pure et simple, sans contestation, spécifiée en l'art. 497 C. comm., ne saurait constituer au profit du créancier produisant un droit nouveau, et déterminer le montant de sa créance d'une manière irrévocable; que cette production, ne faisant que constater les droits que le créan

cier avait antérieurement, le dispense seule ment de toute preuve ultérieure, et le place, de demandeur qu'il était originairement, dans la position d'un défendeur; mais qu'on ne saurait induire de cette admission, dans le silence de l'art. 497, qu'il y a eu sur ce point chose jugée définitivement; - Qu'il faut d'au. tant plus le décider ainsi, que, lors de l'affirmation des créances, le failli est presque toujours absent, et que ni le juge-commissaire ni les syndics n'ont les éléments nécessaires pour débattre la créance produite;

Attendu que l'on invoquerait en vain que le concordat intervenu entre les créanciers et le failli est une transaction qui a reconnu la qualité de créancier et la quotité de la créance; qu'en effet, si le concordat est une véritable transaction, l'objet de cette transaction porte sur la réduction que les créanciers consentent à faire sur leur créance que le failli ou ses cautions s'engagent à payer, sur les délais donnés pour opérer ees paiements, sur la liberté concédée au failli; mais cette transaction ne porte nullement sur la qualité de créancier ou sur la quotité précise des créauces affirmées ;

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points qui étaient en contestation et signalés aux parties qui transigent, selon les dispositions insérées aux art. 1338 et 2048 C. civ.;

Que, lors de ce contrat, presque toujours le failli ne paraissant pas, il serait impossible à celui-ci, dans une assemblée composée quelquefois de plusieurs centaines de créanciers, de débattre la qualité d'un ou de plusieurs créanciers, encore moins de contester une créance; qu'ainsi à ce jour on ne peut invoquer de transaction sur ces points;

»Attendu que, pour soutenir l'admission définitive de la créance, on invoquerait en vain qu'en changeant le créancier ou même le chiffre de la créance, le concordat serait nul pour n'avoir pas rempli les conditions de la majorité en nombre et des trois quarts en somme; - Que dans l'espèce, en effet, rien ne prouve que, si une réduction était opérée sur cette créance, les conditions voulues par l'art. 507 cesseraient d'exister;- Que la loi prévoit bien des cas où le créancier, votant lors du concordat, cesse d'avoir cette qualité, et cependant le concordat continue de subsister;

Attendu que, dans le silence de la loi, on saurait d'autant moins attacher l'autorité de la chose jugée à la créance admise et suivie d'un concordat; qu'il est plusieurs cas où cette prétendue chose jugée, qui doit être par conséquent hors de toute contestation, tomberait par la survenance de certains faits;

› Attendu que, si l'on concédait à une créance, par cela qu'elle a été admise, l'autorité singulier résultat, que la même créance serait de la chose jugée, on pourrait arriver à ce acquise contre un associé et serait rejetée con

tre un autre associé; en effet, si les créanciers n'ont admis qu'un seul des associés au bénéfice du concordat, celui-là serait tenu de la créance, et les associés repoussés du bénéfice du concordat pourraient faire rejeter cette créance; que cette singulière anomalie devrait seule faut d'autant plus permettre la discussion d'une faire repousser un semblable système; qu'il créance admise, que les cautions pourraient prouver la fraude entre le failli et les créanrait recevoir la sanction de la justice; ciers, et si cette fraude existait, elle ne pourSans s'arrêter à l'exception, etc. ▾

COUR ROYALE DE RIOM.
(14 janvier 1843.)

La notification d'un titre exécutoire faite à l'héritier du débiteur par application de l'art. 877 C. civ. a pour effet d'interrompre la prescription. C. civ. 2244.

VEUVE DAUDE C. MAJAUSSAC ET AUTRES.

DU 14 JANV. 1843, arrêt c. roy. Riom, 2o ch., MM. Archon Despérouses prés., Romeuf av. gén., Chirol et Bernet av.

• LA COUR ;- Attendu que, par jugement du 20 janv. 1807 confirmé par arrêt du 7 juil. 4808, le sieur Calmette a été condamné à se désister du terrain par lui usurpé.

»Attendu que l'action résultant desdits jugement et arrêt est entière, qu'elle a été conservée par la notification faite à la dame Cal

mette, veuve Daude, héritière dudit sieur Cal. mette, le 24 oct. 1836, en exécution de l'art. 877 C. civ., puisqu'il ne se serait pas écoulé trente ans entre ledit arrêt et ladite notification; - DIT qu'il a été bien jugé. »

COUR DE CASSATION.

(16 janvier 1843.)

Lorsque des fails de pacage sont appuyés d'un titre, ils perdent leur caractère de précarité (1); en conséquence le juge du possessoire n'encourt pas le reproche de cumuler le possessoire et le pétitoire en appréciant dans ce cas le titre sous le point de vue de la possession (2). C. proc. civ. 23, 25; C. civ. 688, 691, 2232. Dans ces circonstances le juge, après avoir visé l'acte qui faisait le titre du demandeur au possessoire, a pu, sans contrevenir à l'art. 1320 C. civ., prendre en considération certains acles dans lesquels le défendeur n'avait pas été parlié (3). C. civ. 1320.

ROSSIGNOL DE Laronde C. LABBE.

Il existe dans la commune d'Ennordres (Cher) une vaste étendue de terrain, autrefois boisée, maintenant couverte de bruyères. Ce terrain, connu sous le nom de Bois des Naudins, se trouve borné de deux côtés par les bois des Profondettes et des Riffauds, appartenant au sieur Rossignol de Laronde; d'un troisième côté par les usages dits de la Croix-au-Marteau; d'un quatrième côté enfin, par l'ancien chemin qui va de Bouchot à la ville d'Aubigny, et au delà duquel se trouve une autre étendue de terrains dits les Usages des Naudins.

En 1642, le bois des Naudins dépendait de la terre de Lamothe-Ennordres. A cette épo que, le propriétaire de cette terre, auteur du sieur Rossignol de Laronde, concéda à un domaine voisin, dit Lathurie, le droit de pacage, d'usage et de prise de bois, dans ce bois des Naudins.

(1-2-3) La question générale de savoir si le juge du possessoire peut, sans excéder les limites de sa compétence, examiner les titres de propriété pour apprécier le caractère de la possession, n'au¬ rait pas pu faire naître de doute: elle a été résolue affirmativement par une jurisprudence constante. V. Cass. 18 mai 1813, 31 juil. 1828, 20 mai 1829, 28 juin, 19 juil. 1830, 9 mai, 31 août, 19 déc. 1831, 26 juil. 1832, 7 août, 3 déc. 1834, 7 et 26 juil. 1836, 16 fév. 1837, 24 fév., 11 mai, 17-23 DOV., 8 déc. 1841, 2 fév. 1842.

La difficulté naissait, dans l'espèce, de ce qu'il s'agissait d'un fait de possession précaire de sa nature, et, la Cour de cassation ayant souvent jugé que ce genre de possession ne pouvait servir de base à une action en complainte, l'examen dujuge du possessoire pouvait-il, pour faire disparaître le caractère de précarité, porter sur un titre émané d'un tiers? V., dans la discussion, la citation de l'opinion de MM. Toullier et Pardessus.

V., au surplus, sur la question spéciale d'appréciation de la précarité, conf. Cass. 30 nov. 1818, iany, 1825, 4 fév. 1829, 18 mars 1840.

Vers 1739 l'auteur du sieur Rossignol de Laronde jugea convenable d'incorporer à son bois des Profondettes la portion y attenante du bois des Naudins, isola cette portion du sur plus du bois en tirant en ligne droite un grand fossé, et empêcha ainsi le domaine de Lathurie d'y exercer son droit d'usage et de pacage.

Le propriétaire de ce dernier domaine ayant protesté contre cette interdiction partielle, la contestation se termina par une transaction en date du 15 fév. 1740, de laquelle il résulte que le droit d'usage et de pacage de Lathurie dut se concentrer dans la partie du bois des Naudins qui restait en dehors du fossé.

Le sieur Rossignol de Laronde, aujourd'hui propriétaire du bois des Naudins, a fait pratiquer des fossés sur un canton de bruyères. Les époux Labbe, considérant ces faits comme une atteinte portée à leurs droits, ont assigné le sieur de Laronde devant le juge de paix de Lachapelle d'Angillon, prétendant qu'ils étaient, avec le sieur de Laronde et autres, en possession commune, paisible, et à titre non précaire, de ce canton de bruyères, que l'acte du sieur de Laronde était un trouble apporté à leur possession et à leur jouissance paisible, et ont conclu à être maintenus et gardés dans leur possession commune et indivise, et à ce que le sieur de Laronde fût condamné à détruire les fossés qu'il avait indûment fait pratiquer.

Sur cette demande il est intervenu le 14 avril 1840 un jugement rendu par le juge de paix de Lachapelle d'Angillon qui a déclaré les époux Labbe non recevables dans leur action.

Les époux Labbe ayant interjeté appel, le tribunal civil de Sancerre rendit le 5 mai 1841 un jugement ainsi conçu :

Attendu que le juge de paix était saisi par une complainte possessoire de l'appréciation d'un droit de pacage que les appelants avaient le droit d'exercer sur un lot de bruyères dont on reconnaissait que les intimés, comme aux droits des seigneurs de Lamothe, étaient propriétaires;

»Attendu que, sans ordonner la preuve des faits de possession, le juge de paix, mis en me sure d'en déterminer le caractère et d'en apprécier la valeur, s'est fait remettre les titres, sieur Rossignol, dont la possession lui a paru et, sur leur examen, a adjugé la possession au se rapprocher davantage de cette possession à titre de maître ;

Attendu que la possession est facti, et non juris; qu'encore bien qu'un simple fait de pa

cage soit en général un acte de tolérance, et souvent un acte clandestin, il perd ce caractère de précarité lorsque, comme dans l'espèce, celui qui le réclame s'appuie d'un titre de

partage qui le lui assure, et surtout lorsqu'il

excipe de ce que ce droit a été concédé à son domaine et qu'il en jouit au même titre que les propriétaires des Blitteries et de Lathurie: qu'en consultant même les transactions de 1642 et 1740, sur lesquelles le juge de paix appuie sa décision au possessoire, il a dû acquérir la conviction que par ces actes le seigneur, auteur de l'intimé, transigeait avec le propriétaire de Lathurie, auquel le seigneur reconnaissait les droits de pacage que récla

ment aujourd'hui les appelants en vertu de leurs titres de même nature, droits de pacage communs avec les domaines de Lathurie et des Blitteries;

⚫ Que, quoique cet acte n'ait pas été passé Javec le sieur de Laronde, et que, dans la rigueur, il ait pu soutenir qu'il était pour lui res inter alios acta, il suffisait que ce titre renfermåt des énonciations qui le rattachaient à l'objet de la contestation pour que le juge ait pu le prendre en considération, conformement aux dispositions de l'art. 1320 C. civ.;

» Qu'encore bien qu'il soit de principe que le juge du possessoire, lorsque par le resultat de l'enquête il lui apparaît que les parties ont fait sur l'objet réclamé les mêmes actes de possession, puisse consulter les titres pour se fixer sur celle des parties qui a joui à titre de maître et ne pas laisser la possession flottante, ce principe se trouvait dans l'espèce sans application;

>Que, sans aucune mesure préalable, le juge de paix s'était fait remettre les titres de propriété, et, jugeant d'après ces titres une action purement possessoire, a cumulé le possessoire et le pétitoire, et par suite contrevenu aux dispositions des art. 24 et 25 C. proc. civ.;

Par ces motifs, le tribunal... déclare la possession desdites bruyères commune et promiscue, sauf aux parties à se pourvoir au pélitoire par les voies de droit.a

Le pourvoi se base 1° sur la violation de l'art. 23 C. proc. civ., et des art. 688, 691 et 2232, C. civ., en ce que le jugement attaqué a reconnu dans une détention précaire un droit légal de possession; et, en outre, sur la violation et la fausse application de l'art. 1320 C. civ., en ce que ledit jugement, pour attribuer aux époux Labbe la possession commune des bruyères en litige, s'est fondé sur des énonciations renfermées dans des actes qui, par leur nature, ne pouvaient faire foi entre les parties; 2° sur la violation des art. 24 et 25 C. proc. civ., en ce que le jugement aurait cumulé le possessoire et le pétitoire.

Les époux Labbe, a dit Me Delachère dans l'intérêt du pourvoi, devaient être déclarés non recevables dans leur action en complainte.

En effet, d'une part, pour pouvoir intenter l'action possessoire, il faut, d'après l'art. 2229 C. civ., jouir de la chose à titre de propriétaire, ou bien, suivant l'art. 23 C. proc. civ., être en possession à titre non précaire.

D'autre part, aux termes des art. 691, 695 et 2232, C. civ., les servitudes discontinues qui se fondent sur de purs actes de tolérance, et supposent une permission tacite, mais toujours révocable, ne sont pas susceptibles de s'acquérir par la possession, même immémoriale: il faut un titre; d'où il suit qu'en ce cas la possession n'est jamais une véritable possession aux yeux de la loi, et ne peut devenir le fondement d'une action possessoire.

Or, dans l'espèce, les faits sur lesquels les époux Labbe fondaient leur action ne présentaient aucun des caractères que la loi exige pour constituer une possession légale. C'étaient de simples faits de pacage que des relations de bon voisinage avaient déterminé M. de Laronde à souffrir, mais par lesquels il n'entendait point'

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se lier pour toujours. De tels actes, qui ne s'appuyaient sur aucun titre apparent, étaient es sentiellement empreints de précarité, et ne pouvaient servir de base à une action en complainte. La Cour suprême l'a ainsi jugé nombre de fois, notamment par arrêts des 1er brum. an VI et 24 juill. 1810.

Cette interprétation de l'art. 1320 s'appuie sur l'opinion de MM. Toullier et Pardessus.

Le titre constitutif de la servitude, dit M. Toullier (t. 3, no 603), ne peut être remplacé que par un titre récognitif émané du propriétaire du fonds asservi (art. 695), et non par des actes énonciatifs passés entre des tiers, par exemple des contrats de vente, des partages dans lesquels il serait dit qu'un fonds a des droits de servitude sur l'héritage d'un tiers. Ces actes sont sans force contre les tiers qui ne les ont pas souscrits. La possession conforme à ces énonciations ne pourrait opérer de prescription qu'à l'égard des servitudes qui sont prescriptibles sans titre.

M. Pardessus (t. 2, no 368, Des servitudes), prévoit une hypothèse absolument semblable à celle du procès, et la résout dans le même sens que M. Toullier.

DU 16 JANVIER 1843, arrêt C. cass., ch. req., MM. Zangiacomi prés., Pataille rapp., Delangle av. gén. (concl. conf.), Delachère av.

LA COUR; -Sur le premier moyen: Attendu que les faits de pacage appuyés d'un titre manifestent l'intention d'user d'un droit et perdent ainsi leur caractère de précarité; qu'en pareil cas, le juge du possessoire est donc obligé d'apprécier les titres sous le point de vue de la possession;

• Attendu que c'est là tout ce qui a été fait par le jugement attaqué; qu'il importe peu qu'après avoir visé l'acte qui faisait le titre des défendeurs éventuels, il ait déclaré prendre en considération certains actes dans lesquels les demandeurs en cassation n'avaient pas été parties;

» Sur le deuxième moyen: -Attendu que le jugement attaqué n'a statué que sur la possession, sauf aux parties, a-t-il ajouté, à se pourvoir au pétitoire par les voies de droit; qu'il n'a donc pas cumulé le possessoire et le pétitoire;

REJETTE, etc. »

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