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ayant été formée par exploits séparés contre divers défendeurs, il est énoncé dans le corps de l'ajournement que tous les défendeurs ont refusé de se concilier, alors qu'on a donné en tête de l'assignation copie du procès-verbal de non-conciliation dressé entre le demandeur et un des défendeurs autre que celui à qui l'assignation est nolifiée. (Ibid.)

primé le testament qui le dépouillait de la succession (1). (3o espèce.) Le pourvoi fermé par un seul et même acle à la requête de plusieurs parties ayant un intérêt commun est régulier, bien qu'il n'ait été précédé que de la consignation d'une seule amende.-. Peu importerait d'ailleurs que quelques uns des moyens invoqués appartinssent plus spécialement à la défense de quelques uns d'entre eux. (1" espèce.) L'exploit introductif d'instance qui ne contient pas copie du procès-verbal de nonconciliation ou de la mention de noncomparution devant le bureau de paix est nul. (Ibid.) C. proc. 65.

En conséquence il ne peut valoir comme acle interruptif de prescription. (Ibid.) La nullité n'est pas couverte par cela seul qu'une demande tendant aux même fins

(1) La question de savoir quelle est, à l'égard de l'héritier véritable, la valeur des ventes faites par l'héritier apparent, est d'une haute gravité: elle a donné lieu à une vive controverse entre les auteurs. D'un côté Toullier (t. 9, p. 541), et Duranton, ont soutenu la nullité de pareilles ventes par application rigoureuse de principe que la vente de la chose d'autrui est nulle. V. aussi en ce sens Troplong, Hypoth. et priv., t. 2, n° 468; Grenier, Traité des hypoth., t. 1, p. 101.

D'un autre côté Merlin, Quest., vo Héritier, 3; Chabot de l'Allier, Traité des successions (sur l'art. 756); Malpel, Traité des successions, p. 210; Duvergier, Traité de la vente, t. 1, no 225; Fouet de Conflans (art. 724), peuvent être invoqués comme reconnaissant la validité de ces

ventes.

Quant à la jurisprudence, bien qu'il existe (indépendamment des arrêts soumis aujourd'hui à la Cour suprême) plusieurs arrêts qui ont prononcé 11 nullité de la vente faite par l'héritier apparent (Douai, 17 août 1822; Poitiers, 18 avril 1832; Orléans, 29 mai 1856), elle a presque constamment penché dans le sens de la validité. C'est

ce qui résulte d'un grand nombre de décisions de Cours royales, ainsi que de deux arrêts de la Cour de cassation des 3 août 1815 et 26 août 1833 (dans ses motifs).

V., au surplus, es notes sous cet arrêt des 3 août 1815, et sous les arrêts d'Orléans, 27 mai 1836; Montpellier, 9 mai 1838, et Toulouse, 21 déc. 1839.

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Les arrêts que nous rapportons aujourd'hui, et dont nous pouvons nous borner à donner le texte, sont de nature, par la précision et la netteté de leur rédaction, à trancher toute espèce de doute. Ainsi il est reconnu que la vente est valable, alors même que l'héritier ou légataire apparent serait de mauvaise foi. Il suffit que la bonne foi de l'acquéreur ne soit pas contestable. Remarquons toutefois que, d'après les termes du premier arrêt, la bonne foi de l'acquéreur se reconnaitra principalement à la circonstance que Facquisition aura eu lieu sous l'empire de l'erreur commune; et que les juges devront, pour décider si elle a ou non existé, apprécier s'il n'y a pas eu appréhension et vente trop précipitées des biens de la succession.

DE RASTIGNAC ET AUTRES C. Rolland.

Ainsi jugé sur le pourvoi dirigé par le général de Rastignac contre l'arrêt de la Cour de Montpellier du 7 mai 1838 qui avait prononcé la nullité de la vente.

DU 16 JANVIER 1843, arrêt C. cass. ch. civ., MM. Portalis 1 prés., Thil rapp., Laplagne-Barris av. gén. (concl. contr. [1]), Coffinières et Petit av.

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LA COUR; Sur la fin de non-recevoir : Attendu que le pourvoi de Rastignac et des cinq autres demandeurs a été fait par un seul et même acte; que tous, en attaquant l'arrêt de la Cour royale de Montpellier, avaient également pour but de faire reconnaitre la validité de la vente faite le 23 mars 1816 à Rastignac par Destours, en qualité de légataire universel de M. de Tradine;

Que les moyens divers qui pouvaient apquelques uns d'entre eux n'établissaient aupartenir plus spécialement à la défense de cun antagonisme, et n'empêchaient pas que leur intérêt ne fût commun; qu'ainsi ils n'étaient tenus qu'à la consignation d'une seule amende ;

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Par ces motifs, REJETTE la fin de nonrecevoir ;

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Et statuant au fond; Sur le premier moyen : - Vu les art. 57, 65 et 1029, C. proc. civ.; 2245, 2247 et 2262, C. civ.; Attendu que, suivant l'art. 57 C. proc. civ. et l'art. 2245 C. civ., la citation en conciliation n'interrompt la prescription que lorsqu'elle est

(1) M. l'avocat général Laplagne-Barris ne contestait pas que la vente faite par l'héritier apparent pût être déclarée valable lorsqu'elle avait été consentie à un tiers de bonne foi, sous l'influence d'une erreur commune et presque invincible. Mais il lui semblait difficile de rencontrer cette erreur presque invincible dans le cas où la succession avait été appréhendée par un légataire. Il est vrai, disait-il, que, dans l'espèce, le testament qui investissait ce légataire avait été validé par la justice sur la contestation élevée par les seuls héritiers qui se fussent présentés, mais tout le monde n'en connaissait pas moins le véritable héritier; tout le monde pouvait donc penser qu'un jour, avant l'expiration du délai de prescription, il demanderait la nullité du testament. En pareille occurrence, la prudence n'ordonnait-elle pas à l'acquéreur d'attendre que les 30 années fussent écoulées, et n'y aurait-il pas d'ailleurs danger à maintenir des aliénations ainsi faites lorsque l'acquéreur avait toute facilité pour s'assurer du vice du testament; vice réel, puisque sur la demande de l'héritier véritable ce testament a été annulé ?

suivie d'un exploit d'ajournement dans le mois de la non-conciliation ou de la non-comparution;

» Attendu qu'aux termes de l'art. 65 du premier de ces Codes, il doit être donné avec l'exploit copie du procès-verbal de non-conciliation ou de la mention de non-comparution, 'à peine de nullité, et que l'art. 1029 du même Code dispose qu'aucune des nullités et déchéances qu'il prononce n'est comminatoire ;

Attendu que l'interruption civile de la prescription résultant de la citation en conciliation suivie d'ajournement est réputée non avenue par l'art. 2247 C. civ. si elle est nulle; Attendu que l'art. 2262 déclare prescrites par trente ans toutes les actions tant réelles que personnelles ;

Attendu enfin que Rolland a fait citer séparément Rastignac et les autres demandeurs au bureau de paix, et qu'il a été rédigé avec chacun d'eux des procès-verbaux distincts;

• Attendu que le procès-verbal de non-conciliation dont copie a été signifiée en tête des ajournements délivrés à Rastignac, Rouvier et Olivier, n'est pas celui dressé contradictoirement avec la partie assignée: ainsi le procès-verbal de non-conciliation avec Rouvier a été signifié à Rastignac, celui avec Rastignac à Rouvier, et celui avec Mayres à Olivier;

» Attendu que l'irrégularité qui a été commise à cet égard ne peut être assimilée à une simple erreur de copiste dont il soit possible de trouver une rectification suffisante dans les énonciations de l'exploit d'ajournement;

Que cet exploit, en effet, déclare bien que Rastignac et les divers acquéreurs ont été appelés au bureau de paix, et que la conciliation ne s'est point opérée, mais que cette déclaration ne peut réagir sur le procès-verbal dont copie a été délivrée pour en changer entièrement la teneur et l'appliquer à une partie et à une chose autres que celles qu'il concernait ;

B Attendu dès lors qu'on ne saurait accorder aucune valeur aux copies mises en tête des exploits d'ajournement, et que ces exploits doivent en conséquence être séparés de ces copies, et considérés comme n'ayant pas rempli la condition exigée à peine de nullité par l'art. 65 C. proc. civ.;

»Attendu que, si on admettait que, conformément à l'art. 49, no 6, du même Code, il n'y avait pas nécessité de tenter la conciliation, parce que la demande était dirigée contre plus de deux parties, alors l'exploit même d'ajournement ne serait pas nul, mais il faudrait apprécier sa valeur et sa portée en faisant complétement abstraction de la tentative de conciliation, qui ne pourrait dans ce cas être opposée comme interruption de la prescription;

Attendu que, d'après la combinaison du Code de procédure et du Code civil, l'économie et l'esprit de leurs divers articles touchant la prescription, ce n'est pas la citation scule ou bien le procès-verbal de non-comparution ou de non-conciliation qui forme l'interruption civile de la prescription, mais la citation suivie d'un procès-verbal signifié dans le mois avec ajournement;

Attendu que dans l'espèce l'assignation ne se rattache pas à un procès-verbal réguliè rement signifié dans le mois de la date; qu'ainsi le seul acte que le défendeur puisse invoquer pour établir l'interruption de la prescription est l'assignation même qui a été donnée aux demandeurs ;

Mais attendu que M. de Tradine, de cujus, est mort le 15 août 1804; qu'à partir de ce jour jusqu'à celui de l'assignation, qui est du 19 août 1834, il s'est écoulé plus de trente années; qu'ainsi Rastignac, Rouvier et Olivier, avaient le droit d'opposer la prescription trentenaire, admise contre toutes actions réelles et personnelles ;

Attendu qu'en validant l'assignation du 19 août 1834, et en n'accueillant pas la prescription de trente ans, la Cour royale de Montpellier a faussement interprété et appliqué les art. 57 C. proc. civ. et 2245 C. civ., et formellement violé les art. 65 et 1029 du premier, et les art. 2247 et 2463 du second de ces Codes ;

⚫ Et attendu que le moyen tiré des articles précités, et qui est adopté par la Cour, ne concerne que Rastignac, Rouvier et Olivier; qu'il est dès lors nécessaire de statuer, quant aux trois autres demandeurs, sur le deuxième moyen de cassation;

Faisant droit sur ce deuxième moyen ; Vu les art. 724, 775, 777, 1006, 1599, 2125, 2182 et 2265, C. civ., et 731 C. proc. civ. (ancien texte);

» Attendu qu'une succession, aussitôt son ouverture, est dévolue, par les art. 755 et 767 C. civ., aux parents du défunt jusqu'au douzième degré inclusivement; à leur défaut, aux enfants naturels, et, à défaut de ceux-ci, aux conjoints survivants;

Qu'elle ne tombe en déshérence et qu'elle n'est pourvue d'un curateur que lorsque aucun des appelés ne répond à la vocation de la loi ;

» Attendu que, malgré la dévolution faite par les art. 755 et 767, il n'y a point d'héritier nécessaire; aussi l'art. 775 déclare expressément que nul n'est tenu d'accepter une succession qui lui est échue;

>>Qu'il résulte virtuellement de cet article que le degré de parenté ne suffit pas pour faire reposer sur la tête du parent le plus proche la pleine et actuelle propriété des biens héréditaires ;

Que c'est l'acceptation qui l'investit réellement de tous les droits et le soumet à toutes les charges de l'hérédité, et qui le constitue le véritable représentant du défunt; et que, lorsque pendant son abstention un parent plus éloigné accepte la succession et en jouit publiquement et paisiblement, ce parent gère et administre pour lui-même et dans son intérêt personnel; et, s'il vend un meuble ou immeuble de la succession, il est réputé disposer non de la chose appartenant à un auire, mais de sa propre chose;

Que l'ancienne et la nouvelle jurisprudence ont en conséquence constamment admis que les débiteurs d'une succession se libèrent valablement entre les mains de l'héritier apparent, et que les jugements obtenus par cet

béritier ou rendus contre lui, quelle que soit leur importance et leur objet, acquièrent pour tous l'autorité de la chose jugée ;

Que, si, dans le cas d'actions judiciaires, l'héritier apparent, qui puise dans le droit d'agir librement en demandant ou en défendant celui de se concilier, d'acquiescer, de compromettre, oblige la succession, il n'y a pas de motif pour lui refuser le pouvoir d'en vendre les valeurs mobilières ou immobilières, ce qui est d'ailleurs souvent indispensable pour acquitter les charges et arrêter des poursuites ruineuses;

› Attendu que, dans le cas où cet héritier est évincé par un parent plus proche, on ne peut appliquer aux ventes qu'il a faites les art. 1599 et 2182 C. civ., et l'art. 731 G. proc. civ., parce qu'il n'y a pas eu, dans le sens de ces articles, vente de la chose d'autrui;

Qu'il n'y a plus lieu non plus d'exiger de l'acquéreur la justification d'une possession de dix ou vingt ans, conformément à l'art. 2265 du Code civil, parce que son vendeur, qui, comme successible, a accepté la succession lorsque aucun parent plus proche ne se présentait, ne doit pas être assimilé à un usurpateur qui se serait emparé d'une propriété sans aucun titre, droit et qualité;

Attendu qu'on ne peut pas appliquer par analogie, pour annuler la vente faite par l'héritier opposant, l'art. 2125, concernant ceux qui hypothèquent un immeuble sur le quel ils n'ont qu'un droit suspendu par une condition, ou résoluble dans certains cas, ou sujet à rescision: car cet article suppose l'existence soit d'une convention, soit d'un texte précis de loi où se trouvent ou d'où résultent la condition, le cas de résolution, le principe de l'éviction;

⚫ Attendu que l'art. 724, relatif à la saisine de droit des héritiers légitimes, et l'art. 777, qui fait remonter leur acceptation au jour de l'ouverture de la succession, posent des règles générales, sans égard au degré plus ou moins rapproché des successibles, et que ces règles s'appliquent, quant aux tiers, au parent qui se présente le premier, et empêche, par son acceptation, que la succession ne soit déclarée vacante ;

› Attendu que la jurisprudence du parlement validait anciennement les ventes passées entre l'héritier apparent et des acquéreurs de bonne foi; que le Code civil ne contient à l'égard de ces ventes aucune disposition nouvelle; que les motifs de droit et d'équité, que les puissantes considérations d'ordre et d'intérêt public qui servaient de base à cette jurisprudence, ont conservé leur force, et ont même acquis un nouveau degré d'énergie, puis que la législation moderne est plus favorable que l'ancienne à la libre et facile circulation des biens;

Attendu, au reste, qu'en cette matière il y a essentiellement lieu d'examiner les faits et d'apprécier les circonstances en présence desquelles les ventes ont été consommées pour rechercher si elles ont été faites à des acquéreurs de bonne foi par de véritables héritiers apparents, sous l'influence de l'erreur com

mune;

Que dans l'examen et l'appréciation des juges on trouve des garanties contre les spoliations qui pourraient résulter de l'appréhension subite des successions et des ventes précipitées de leur actif;

Attendu que dans l'espèce de l'arrêt attaqué on ne pourrait faire à juste titre une distinction entre les parents ou l'héritier du sang et l'héritier testamentaire ou institué;

Attendu, en effet, que M. de Tradine, qui a légué par testament authentique la totalité de ses biens à Destours, n'a laissé aucun héritier à réserve; qu'aux termes de l'art. 1006 C. civ., Destours a été, en conséquence, saisi de plein droit de la succession comme l'eût été l'héritier du sang, suivant l'art. 724, et que son acceptation a eu l'effet spécifié dans l'art. 777;

» Attendu que le testament de M. de Tradine a été attaqué plusieurs années après l'ouver ture de sa succession par les seuls héritiers du sang qui aient jugé à propos de se présen. ter, et qu'il a été validé par un jugement de 1811 et par un arrêt confirmatif de 1812;

⚫ Que c'est après l'épreuve judiciaire subie par son titre, et lorsque la possession dans laquelle il avait été maintenu avait continué publiquement et paisiblement, que Destours a vendu le 23 mars 1816, par contrat notarié, un immeuble de la succession, dont la presque-totalité du prix a été stipulée payable par fractions en plusieurs parties;

» Attendu d'ailleurs que la Cour royale de Montpellier a jugé en point de droit, et en considérant Destours comme un héritier apparent troublé par un héritier du sang, que, quoiqu'il y eût bonne foi de la part de Destours, vendeur, et de Rastignac, acheteur, et de la part des différents acquéreurs auxquels ce dernier avait rétrocédé une partie des biens dont il était devenu propriétaire en 1816, toutes les ventes étaient nulles comme ayant eu pour objet la chose d'autrui ;

Attendu qu'en jugeant ainsi, l'arrêt attaqué a faussement interprété et appliqué les art. 1598, 2125, 2182 et 2265 C. civ., et 734 C. proc. civ. (ancien texte), et a violé les art. 724, 775, 777 et 1006, C. civ.; Par ces motifs,

CASSE. »

DEUXIÈME ESPÈCE.

DHEUDICOURT DE Lononcourt.
C. FOUBERT.

L'arrêt attaqué, du 25 mai 1839 (Cour de Rouen), était ainsi conçu :

......Attendu que la question est grave, et qu'elle divise la doctrine et la jurisprudence; que, si l'on consulte l'ancien droit, on voit que le parlement de Rouen d'abord, et après lui les parlements de Paris et de Toulouse, validaient ces sortes de ventes; qu'il est difficile de penser qu'il puisse en être autrement sous l'empire du Code civil, qui a proclamé en principe la libre circulation des biens et le maintien des actes faits par des tiers

» Attendu que les partisans du système contraire se fondent sur la maxime qu'En France le mort saisit le vif; que la renonciation à une succession ne se présume pas, que

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l'action en pétition d'hérédité dure trente ans, que la vente de la chose d'autrui est nulle, que le vendeur ne transmet à l'acquéreur que la propriété et les droits qu'il avait sur la chose vendue; enfin sur cet axiome de droit Nemo plus juris in alium transferre potest quam ipse habet.

▸ Attendu qu'à la maxime Le mort saisit le vif l'on peut opposer avec avantage cette autre également écrite dans notre Code: N'est héritier qui ne veut (Nemo invitus hæres); Attendu que les art. 1599, 2182, 2125, C. civ., et 731 C. proc. civ., contiennent des principés généraux pour les cas ordinaires, mais que vouloir les opposer à celui qui, de bonne foi, aurait acquis de l'héritier apparent, ce serait évidemment aller contre la pensée du législateur, ce serait le mettre en contradiction flagrante avec lui-même, rendre impossible toutes transactions avec l'héritier apparent, et mettre hors du commerce, pendant trente ans au moins, les immeubles provenant d'une hérédité, et bouleverser ainsi toute l'économie de la loi, qui veut la libre circulation des biens ;

Attendu que l'ordre public exige que la propriété ne reste pas incertaine : c'est le motif qui a porté le législateur à édicter les art. 132, 136, 958, 1240, 1380 et 1953, C. civ., qui sont autant d'exceptions aux principes généraux dont il vient d'être parlé, ce qui prouve de plus en plus que la maxime Nemo plus juris est susceptible de modifications;

Attendu que la position des tiers acquéreurs de bonne foi de l'héritier apparent est préférable à celle du véritable héritier qui se présente tardivement, après que la successson a été ostensiblement appréhendée, publiquement et notoirement administrée sans contestation aucune. En effet, quand toutes ces circonstances se rencontrent, le tiers acquéreur de bonne foi n'a aucune imprudence à se reprocher, et la loi qui se fût montrée plus exigeante à son égard eût été injuste. Le nouvel héritier, au contraire, doit s'imputer la faute de ne s'être pas présenté plus tôt, et la loi qui le punit de sa morosité fait preuve de sagesse : Jura vigilantibus subveniunt ;

Attendu que la solution donnée à cette question serait encore la même dans le cas où la bonne foi ne se rencontrerait que du côté du tiers acquéreur ;

Attendu que les principes généraux du droit sur la vente ne sauraient être invoqués ici avec succès; Que le principal motif pour lequel le tiers acquéreur de bonne foi de l'héritier apparent ne peut pas être évincé se tire de l'impossibilité où il est de connaître si l'hé ritier apparent a ou n'a pas de cohéritier, surtout lorsque la succession est en ligne collatérale ; Qu'il est placé dans la même impossibilité pour ce qui est du contrôle de la bonne foi de son vendeur, et que dès lors sa position ne peut pas changer;

» Attendu qu'il n'y a aucun argument sérieux à tirer contre ce système de ce qu'il se pourrait que le tiers acquéreur eût connaissance de la mauvaise foi de son vendeur: car, dans ce cas, la bonne foi du tiers acquéreur ■'évanouissant, elle le laisserait sans défense

en face de l'action résolutoire, ce qui est en parfaite harmonie avec la thèse que l'on soutient;

⚫ Attendu qu'en vain l'on dirait qu'il n'y a d'héritier apparent que celui qui est de bonne foi ; - Que cette proposition, qui est vraie de l'héritier apparent à l'héritier réel, ne saurait l'être au respect du tiers acquéreur de bonne foi: pour lui, l'héritier apparent est celui qui a des droits successifs, qui est publiquement et notoirement en possession de l'hérédité, qui l'administre au conspect de tous, et qui fait tous les actes d'un véritable propriétaire, sans contradiction aucune;

» Attendu, en fait, que madame Alexandrine-Charlotte Sublet d'Heudicourt, veuve de M. Armand-Antoine de Belzunce, comte de Belzunce, est décédée à Gournay le 5 vent. an XI (21 fév. 1803); Qu'elle ne laissa aucun héritier direct, et qu'il ne se présenta aucun héritier du sang prétendant droit à sa succession; - Que onze ans s'étaient écoulés depuis son décès, lorsque Charles-Louis-Edme Sublet, comte d'Heudicourt de Lenoncourt, qui habitait le même pays que la comtesse de Belzunce, songea à réclamer ses droits de la succession;

» Attendu que, pour assurer le succès de ses prétentions, le comte d'Heudicourt fit dresser le 22 déc. 1814 devant Leflamang, notaire à Etrepagny, un acte notarié qui constate 1° qu'il est seul et unique héritier dans la ligne paternelle de dame Alexandrine-Charlotte Sublet d'Heudicourt, décédée en la ville de Gournay le 5 vent. an XI; 2° que la portion de bois située en la commune de SaintDenis-le-Ferment, canton de Gisors, appelée le bois des Maunys, réunie au domaine national, lors et par le partage qu'a été obligée de faire avec le gouvernement d'alors ladite dame. d'Heudicourt, au chef-lieu du département de la Seine-Inférieure, le 23 niv. an V, en conformité des lois des 9 flor. an III et 20 flor. an IV, appartenait à ladite dame veuve de Belzunce, et faisait partie de son domaine d'Heudicourt; Que le 25 novembre suivant le comte d'Heudicourt se fit délivrer par l'auteur du nobiliaire de France un certificat duquel il résulte qu'il est le dernier et le seul descendant actuellement vivant de la maison Sublet d'Heudicourt;

Attendu que postérieurement à la loi du 5 déc. 1814, qui ordonnait la remise aux émigrés des biens qui n'avaient pas été vendus, et qui faisaient partie du domaine de l'état, le comte d'Heudicourt adressa une pétition à la commission chargée de statuer sur la remise des biens à faire aux émigrés; Que là il rencontra pour concurrent un sieur abbé Marc, légataire universel de madame de Belzunce, qui réclamait en cette qualité les trois quarts du bois des Maunys;

» Attendu que le 14 juin 1815 la commission rendit un arrêté portant que les bois des Maunys, reconnus libres de toute affectation, devaient être rendus immédiatement, mais qui, vu le débat existant entre le légataire universel et l'héritier de madame veuve de Belzunce, disposait qu'il serait provisoirement fait remise au comte d'Heudicourt du bois des

Maunys, et renvoyait ledit comte et l'abbé Mare, sans rien préjuger, devant les tribunaux compétents, pour y être statué ainsi qu'il appartiendrait sur la contestation élevée entre eux;

Attendu qu'en exécution de cet arrêté, le comte d'Heudicourt fut mis en possession provisoire, par l'administration générale des forêts, du bois des Maunys;

successible de la dame d'Heudicourt de Le noncourt, veuve de M. le comte de Belzunce; qu'il a soutenu, en qualité de seul et unique héritier de cette dame, morte en 1803, un procès contre l'abbé Marc, son légataire universel, pour obtenir, en vertu de la loi du 5 déc. 1814, la remise d'un bois dit les Maunys, dont l'état était saisi par suite d'un partage de présuccession fait avec la dame de Belzunce le 28 pluv. an VI;

Attendu que l'abbé Marc, après avoir d'abord contesté devant le tribunal de Neufchâtel Qu'après jugement et arrêt sur des inciles droits du comte d'Heudicourt à la proprié- dents, l'abbé Marc s'est désisté de ses prétenté du bois des Maunys, se désista, par exploit tions, et que la possession provisoire qui adu 14 juin 1816, de son action et de ses pré-vait été accordée au comte de Lenoncourt, tentions à la propriété de ce bois, et que le comme héritier du sang, est devenue définidésistement fut accepté le 15 du même mois tive; par le comte d'Heudicourt;

› Attendu que, les choses en cet état, la possession du comte d'Heudicourt perdait le caractère de provisoire qu'elle avait eu d'abord au respect du légataire universel, et que, sous ce rapport, l'arrêté du 14 juin 1815 a été mal apprécié par les premiers juges;

Attendu que tous ces faits, qui étaient de nature à éveiller l'attention des prétendant-droit à la succession de madame veuve de Belzunce, se sont accomplis sans réclamation de la part de qui que ce fût ; —Que c'est dans ces circonstances, et lorsque depuis deux ans le comte d'Heudicourt jouissait publiquement, notoirement, et sans trouble de la part d'aucun cohéritier, des bois des Maunys, qu'il vendit le 27 sept. 1816 les mêmes bois au sieur Foubert;

• Attendu que rien dans la cause ne peut faire suspecter la bonne foi de Foubert, qu'aucune imprudence ne peut lui être reprochée, et que les intimés, héritiers au même degré que M. le comte d'Heudicourt, doivent s'imputer à faute leur silence, qu'ils n'ont rompu qu'au mois de mars 1836, près de vingt ans après que Foubert était en possession paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire, cum animo sibi habendi, des bois des Maunys:

» La Cour, corrigeant et réformant, décharge Foubert des condamnations prononcées contre lui; dit qu'il est propriétaire irrévocable des bois des Maunys; déclare les intimés mal fondés dans leur action, ainsi que dans toutes leurs demandes, prétentions et conclusions, les en déboute et les condamne aux dépens..

Pourvoi en cassation des sieurs d'Heudicourt de Lenoncourt pour violation des art. 724, 731, 789, 1599, 2125, 2182, C. civ.; fausse application des art. 136, 137, 138, du même Code; de la maxime N'est héritier qui ne veut ; et fausse entente des art. 958, 1240, 1380 et 1935, du même Code.

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Qu'on ne connaissait aucun héritier vivant de la dame de Belzunce autre que le comte de Lenoncourt, et qu'un acte de notoriété avait constaté qu'il était son seul héritier ;

Que, lors de la vente du bois des Maunys faite aux époux Foubert, le comte de Lenoncourt était, comme héritier, en possession publique et paisible de ce bois, et que les époux Foubert l'ont acheté de bonne foi;

Attendu, en droit, que le parent au degré successible qui accepte une succession et en jouit publiquement sans aucun trouble est, pour ceux avec lesquels il contracte, le véritable représentant du défunt;

Que son titre et sa qualité pour gérer et administrer la succession, disposer de ses valeurs mobilières et immobilières, résultent de sa parenté, et des art. 711, 755, 724 et 777, C. civ.;

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Que les dispositions combinées de ces articles donnent en effet au parent qui répond à la vocation de la loi et empêche par son acceptation que la succession ne tombe en déshérence la saisine à titre de propriété de tous les biens héréditaires à compter de l'ouverture de la succession ;

Qu'ainsi les art. 1599 et 2182 C. civ., et 731 C. proc. civ. (ancien texte), relatifs à la vente de la chose d'autrui, ne peuvent recevoir d'application aux ventes faites par l'héritier apparent à un acquéreur de bonne foi ;

Qu'il en est de même de l'art. 2125, concernant ceux qui hypothèquent un immeuble sur lequel ils n'ont qu'un droit suspendu par une condition, ou résoluble dans certains cas, ou sujet à rescision, puisque cet article suppose l'existence d'une convention ou d'un texte de loi d'où résultent la condition, les cas de résolution ou le principe de la rescision;

»Attendu que, suivant l'art. 775, nul n'est tenu d'accepter une succession qui lui est échue; que l'abstention d'un héritier ne doit nuire qu'à lui-même, et ne peut, lorsqu'il juge à propos de la faire cesser, agir par rétroactivité pour détruire des droits acquis;

» Attendu, dès lors, que la Cour royale de Rouen, en maintenant la vente consentie par le comte de Lenoncourt aux époux Foubert, comme ayant été faite par un héritier apparent à des acquéreurs de bonne foi, n'a pas violé les articles de lois invoqués par les demandeurs, et a fait une juste application des art. 755, 724, 775 et 777, C. civ.; · REJETTE, etc. »

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