de, soit appréhension tentée ou consommée de fonds ou valeurs. Or, dans l'espèce, où peut on voir même un commencement d'exécution de soustraction frauduleuse de la chose d'autrui dans la fraude commise au jeu lorsque la partie est liée sur parole et reste inachevée ? L'enjeu fat-il exposé sur table ou déposé en mains tierces, le moyen de fraude employé, et aperçu à temps, serait un acte préparatoire tant qu'il n'y aurait pas tentative matérielle d'appréhension de l'enjeu. Ici ce doit être moins encore, puisque l'on ne voit rien de saisissable. Mais, dit-on, la fraude n'est pas restée stérile; plusieurs parties étaient terminées et avaient produit une perte certaine (2,240 fr.); une dette d'honneur était contractée: le paiement ne pouvait être refusé; l'obtention de ce paiement était tentée par tous les moyens possibles contre la volonté du joueur trompé. La réponse est simple: Aucune dette de jeu n'est reconnue par la loi, qui refuse toute action à cet égard. (C. civ., art. 1965.) La conscience elle-même et l'opinion publique n'obligent point à payer des dettes de jeu excessives, alors surtout qu'il y a quelque présomption de fraude. (Pothier, Du contrat de jeu, n 53 et suiv.) Tout ce que l'on peut donc voir dans le fait du procès c'est une tentative d'escroquerie manquant d'un élément constitutif et essentiel, la remise obtenue de fonds ou valeurs. 2 Violation des art. 495 C. inst. crim. et 50 C. pén.; fausse application des art. 44, 45 et 401, de ce dernier Code, en ce que le jugement d'appel a prononcé la peine de la surveillance de la haute police pendant cinq ans à dater de l'expiration de la peine corporelle, sans qu'aucune énonciation dans une partie quelconque du jugement indique la disposition pénale en vertu de laquelle il a prononcé cette condamnation nouvelle et inattendue, sans que rien énonce une lecture qui de fait n'a pas eu lieu, et dont l'omission doit d'autant plus être présumée, qu'aucun motif même n'est donné pour la pénalité dont il s'agit, tandis qu'il y en a un pour la contrainte par corps prononcée par disposition nouvelle. M. le conseiller Rocher a terminé son rapport sur celle importante question par de remarquables observations que nous reprodui sons textuellement : Serait-il vrai, Messieurs, que le gain frauduleux d'une partie de jeu engagée sur parole fat en dehors de toute répression pénale par cela que ce gain n'aurait pas été réalisé ? Telle est la solution à laquelle tend le sytème du demandeur. La jurisprudence ayant en effet décidé que, pour constituer même la simple tentative d'escroquerie, il est nécessaire que les valeurs détournées à l'aide des manœuvres frauduleuses aient été remises à celui qui a fait emploi de ces manœuvres, et l'art. 405 C. pén., qui spécifie les diverses sortes de valeurs susceptibles d'être escroquées, n'ayant évidemment trait, comme l'art. 401, qu'à des objets corporels et mobiliers, la tromperie au jeu qui, comme dans l'espèce, n'a été suivie d'aucune délivrance de fonds, resterait complétement impunie si, dans l'absence de ce caractère essentiel du délit prévu par le premier de ces ar ticles, elle ne constituait pas, aux termes du second, une tentative légale de filouterie. Y eût-il eu, d'ailleurs, remise de l'enjeu, les faits, sous un autre rapport, peuvent ne pas se preter à la qualification de l'art. 405. — Ici, par exemple, où verrait-on les manœuvres frauduleuses tendant à faire naître dans l'esprit du perdant l'espérance d'un succès chimérique? Ces manœuvres, ne l'oublions pas, doivent avoir eu sur la volonté de la personne escroquée une influence déterminante, et sur le résultat de l'escroquerie une influence décisive. Or il ne s'agit pas d'un homme excité à jouer par une de ces combinaisons de dol propres à per suader, en l'abusant, une crédulité confiante. Si la fraude a consisté uniquement dans l'emploi de cartes marquées; .si cet emploi, dès lors, postérieur à la convention de jeu librement consentie, n'a pas eu pour motif et n'a pu avoir pour effet d'exalter chez le perdant l'espoir illusoire du gain; si enfin le paiement, dans le cas où il aurait eu lieu, n'a été que l'exécution forcée du contrat, et non la suite d'une résolution provoquée, surprise, entraînée, par cette sorte de mise en œuvre du mensonge à laquelle l'art. 405 veut que la volonté du tiers lésé ait été soumise, il n'y a pas escroquerie, la fraude n'a rien persuadé, la persuasion n'a rien fait. Au regard de la loi pénale il y a filouterie ou il n'y a rien. Disonsle donc nettement, Messieurs, ce qui vous est demandé, ce qu'il faudra bien que vous accordiez au condamné s'il est fondé en droit dans sa prétention, c'est de déclarer qu'une action immorale de laquelle est né un préjudice ne tombe sous le coup d'aucun texte. Un moyen dont l'adoption peut amener une pareille conséquence appelle le plus attentif examen. Pour l'apprécier, il importe de le réduire à ses plus simples termes. Ecartons, d'une part, ceux des arguments du demandeur dont les déductions, si ingénieuses qu'elles soient, ne paraîtront peut-être pas à la Cour présenter la raison de décider. Admettons, d'autre part, comme des vérités irrécusables, ceux des principes invoqués par lui qui ne sauraient être sérieusement contestés. A l'égard des premiers, et en ce qui touche le raisonnement fondé sur le rapprochement des dispositions relatives tant au vol qu'à l'escroquerie, rapprochement duquel le demandeur infère que, si une dépossession effective est exigée pour la simple tentative du dernier de ces délits, à plus forte raison doit-on la considérer comme un élément indispensable de la tentative, plus sévèrement réprimée, du délit de vol, il y a lieu d'observer que, si une latitude plus grande est donnée au juge dans la punition du vol, même dégagé de toute circonstance aggravante, que dans celle de l'escroquerie, c'est que le vol implique l'emploi d'un de ces moyens de fraude qui ne lais sent pas libre la volonté du tiers dépouillé de sa chose; tandis que le consentement surpris par l'escroc a pu être refusé ou accordé suivant le degré de confiance qu'ont inspiré ses soustraite, comme le disent vos arrêts, contre manoeuvres. Dans le premier cas, la chose est le gré ou à l'insu du propriétaire; dans le second, c'est la personne escroquee elle-même qui se fait l'instrument de la tromperie dont elle est victime. Or, la répression d'un fait pénal se mesurant sur le plus ou moins de danger de l'atteinte qu'il porte à l'ordre général de la société, la loi a dû s'armer de plus de rigueur contre la fraude qui violente la volonté et déjoue fatalement toute prévoyance que contre celle dont le tiers lésé peut s'imputer à lui-même d'avoir favorisé l'accomplissement et amené le succès. » Si tel a été le motif de la loi, on voit que la différence des textes, loin d'être favorable à l'argumentation du demandeur, démontre, au contraire, que, plus le délit est à craindre, moins limitées doivent être les conditions auxquelles sa poursuite est subordonnée; que, plus il est difficile de s'en défendre, moins la foi doit se montrer exigeante dans la détermination des caractères qui permettent de l'atteindre et de le punir: sans quoi elle subviendrait avec plus de sollicitude à l'erreur volontaire qu'à la dépossession violente, et sa protection serait d'autant moins efficace, qu'elle est plus nécessaire. Qu'on ne dise donc pas que, dans le système d'interprétation contre lequel on s'élève, le défaut de toute remise de fonds a oblige de substituer à une prévention incomplète d'escroquerie la prévention plus grave d'une tentative de vol, et qu'on a fait venir l'art. 401 en aide à l'art. 405. Un piége tendu à la bonne foi présente moins de dangers, exige moins d'audace, comporte des caractères plus restreints de criminalité et une répression moins forte que le fait nu d'une soustraction consommée ou tentée contre le gré ou à l'insu du plaignant. vant avoir la pensée de limiter, en s'y référant, des qualifications régies par un ordre spécial de dispositions dont il ne lui appartenait pas, à son point de vue, de préciser la signification et la portée. »Conclure du silence de l'art. 1967 sur la filouterie proprement dite que la peine de ce delit est inapplicable à la fraude tentée au jeu, c'est donc faire violence à ses termes, et attri buer à une vague énumération un sens positif et restreint qu'elle ne comporte pas. Voilà, Messieurs, ce que nous avions à dire de ces premiers aperçus du système sur lequel est basé le pourvoi. Relativement aux conces sions qui, suivant nous, ne peuvent être refusées à ce système, c'est un point constant de doctrine et de jurisprudence 4° que le vol doit avoir pour objet une chose certaine, matérielle, mobilière; qu'un droit quelconque, fût-il de nature à donner ouverture à une action civile, ne rentre pas, tant qu'il n'y a pas eu appropriation effective de la somme d'argent dont il est l'expression ou du titre qui la représente, dans les termes de l'art. 379, empruntés, non, comme on le dit généralement, à la définition du Digeste, laquelle est applicable même au simple abus de l'usage et de la possession, mais à cette autre définition du jurisconsulte Paul, rejetée par Justinien, et admise soit dans notre ancien droit, soit dans la loi du 22 juil. 1791: Fur est qui dolo malo rem alienam contrectat; 2° que, nonobstant la force qu'on pourrait attacher à ces expressions de l'art. 401: les autres vols non spécifiés dans la présente section, les larcins et filou teries, etc., expressions qui semblent admettre des variétés de vols non soumises aux conditions générales de criminalité établies par l'art. 379, la filouterie, comme tout autre vol, n'est punissable qu'autant qu'il y a eu soustraction ou tentative de soustraction fraudu leuse de la chose d'autrui. » Ceci posé, Messieurs, nous voici parvenus aux deux véritables questions du procès : »La tromperie au jeu peut-elle, dans le cas où la partie est liée sur parole, constituer une tentative de filouterie ? »Ÿ a-t-il eu dans l'espèce soustraction tentée de l'enjeu ? Là est le doute, là doit porter la décision. Quant à l'induction tirée de l'art. 1967 C. civ., qui, en présupposant un paiement de la dette de jeu, et en qualifiant, dans cette hypothèse, la tromperie qui a pu donner naissance à cette dette, de dol, de supercherie on d'escroquerie, aurait virtuellement exclu de l'application de la loi pénale dont il rappelle les dispositions le fait de fraude non En quoi consiste, dans une tentative de suivi de l'appréhension de la somme convenue, en tant que ce fait constituerait une ten- cette nature, le commencement d'exécution? Sur la première de ces questions, Mestative de vol, nous nous demanderons avec vous, Messieurs, si cette induction n'est pas sieurs, un doute de la plus haute gravité s'écombattue par le texte même sur lequel elle lève. L'art. 1965 C. civ. n'accorde, comme le s'appuie. Qu'a voulu ce texte ? A la suite de rappelle le demandeur, aucune action pour «En France, dit Portalis, les l'art. 1965, qui seul se rapportait au cas de dette de jeu. non-paiement, et appliquait à ce cas la pro-lois ont quelquefois puni le jeu comme un hibition de l'ordonnance de 1629 ct de la déclaration du 1er mars 1781, le législateur civil a prévu un paiement effectué dont il a réglé l'effet en vertu de la maxime Turpitudo versatur ex utraque parte et in pari causa melior est conditio possidentis, sans toutefois étendre le droit qu'il faisait résulter de la possession 'à celle qui était viciée dans sa source par un délit ; puis il a énuméré les différentes manières dont cette possession pouvait être attaquée, et s'est servi pour les indiquer de ces expressions indéterminées de dol et de super. cherie qui comprennent dans leur généralité toute espèce de fraude. Procédant ainsi par voie de démonstration, et n'ayant ni ne pou délit; elles ne l'ont jamais protégé comme un contrat. Que la partie soit gagnée à l'aide de la fraude, le bénéfice n'en est pas pour cela assuré au gagnant. Il dépend de son adversaire de laisser sans effet un avantage qui n'est réalisable que de son consentement. »Sur quoi donc peut porter la tentative? Sur quelque chose qui n'a rien de réel : car il n'y a de réel que ce qui est certain, et rien n'est moins certain que l'usage éventuel d'un droit, si c'en est un, dépourvu de sanction légale, subordonné à la volonté de celui contre lequel il est exercé, et pouvant être frappé de stérilité et d'impuissance, quand, par un motif quelconque, mauvaise foi, défiance, ou défaut de ressources, le perdant se refuse à lui donner satisfaction. Or qu'est-ce qu'une tentative de soustraction aboutissant à une demande d'argent susceptible d'etre péremptoirement rejetée? Comment attribuer l'action de soustraire à qui tend la main pour recevoir ? Quelle commuDauté d'idées peuvent représenter ces deux mols qui s'excluent soustraction d'une part, remise volontaire de l'autre ? A cette pressante objection, Messieurs, qui à vrai dire est peutêtre à elle seule toute la cause, nous ne connaissons qu'une réponse: Est-il bien certain que le mot soustraction implique, comme on le prétend, le déplacement manuel, l'appréhension violente de la chose d'autrui ? Le mot contrectatio, dont on le fait dériver, n'avait pas évidemment, sous l'empire de la loi romaine, ce sens restreint, puisqu'il s'appliquait, ainsi que nous l'avons rappelé plus haut, au simple abus de l'usage et de la possession: l'el ipsius rei, vel etiam usus ejus possessioniste. Ce mot, dit Merlin, signifiait uniquement ce que l'on peut entendre dans notre langue par le maniment de la chose d'autrui. Sur quoi se fonderait-on pour affirmer que l'emploi du mot soustraction dans l'art. 379 a eu pour effet de renfermer dans une acception plus étroite le sens de cette première par tie de la définition du Digeste ? Deux exemples, empruntés l'un à la loi, l'autre à la jurisprupence, semblent prouver le contraire. Le dernier paragraphe de l'article 386, placé dans la section Des vols, prévoit le cas où un aubergiste, un hôtelier, un voiturier, un batefier, ou un de leurs préposés, s'approprient tout ou partie des objets qui leur ont été confiés à ces divers titres. Il y a bien là maniment frauduleux de la chose d'autrui; mais comment y voir un déplacement, une appréMension violente de celte chose? Ainsi du cas où un objet trouvé est retenu, nonobstant la déclaration ultérieure du propriétaire. Qu'a de commun cette rétention, assimilée au vol par la jurisprudence, avec l'acte de spoliation brutale auquel on limite le sens du mot soustraction? Que cette première donnée sur la portée des termes de l'art. 379 soit une fois admise, la Cour voit quelles conséquences peuvent en être tirées. Si le vol, dira-t-on, n'est, comme le proclament les arrêts, que l'appropriation de la chose d'autrui contre le gré ou à l'insu du propriétaire, il en résulte qu'il faut reconnaître en cette matière deux sortes de violences: une violence ouverte et une violence cachée, dominant l'une et l'autre la volonté, celle-ci par la force, celle-là par la ruse; la première en la bravant, la seconde en lui laissant ignorer le ressort secret qui agit sur elle; ici contre le gré d'autrui, là à son insu; ce qui comprend précisément les deux modes de soustraction fraudulense spécifiés par la définition ci-dessus rappelée, et offrant au même degré le double caractère de l'immoralité et du dommage. Cela étant, le tiers qui se croit obligé à payer parce qu'il ignore le moyen de fraude employé pour le dépouiller n'est pas plus libre, aux yeux de la loi pénale, que si ce paiement lui était arraché de vive force. I ne s'agit pas d'apprécier la valeur de l'obliga1843-37 tion qui le lie d'après les règles civiles. Qu'a eu en vue l'art. 401 ? Protéger la propriété mobilière contre les atteintes dont le proprié taire n'a pu la défendre. Or la fraude, ayant pour résultat de créer en apparence un de ces engagements auxquels l'opinion, qui a aussi son Code, donne le nom de dettes d'honneur comme pour suppléer à la sanction extérieure qui leur manque, produit dans cet ordre d'idées un effet équivalant à un lien de droit. Se libérer, dans ce cas, ce n'est pas, à proprement parler, consentir : c'est céder à une sorte de force majeure qui interdit, tant que la fraude est couverte d'un voile, toute hésitation, toute incertitude, toute possibilité morale de refus, et, aux termes mêmes de la loi civile, toute répétition des sommes ainsi payées. Qu'importe qu'il ne s'agisse que d'une obligation naturelle, si la valeur d'opinion qui y est attachée remplace la force légale qu'elle n'a pas, et si dès lors le tort auquel elle donne lieu est le même que celui qu'entraîne une contrainte exercée par les voies judiciaires? Il en est de ce fait comme du faux, qui consiste dans la simulation imparfaite d'un acte dont l'irrégularité peut arrêter l'exécution; simulation que la jurisprudence n'en reconnaît pas moins punissable, parce qu'il suffit que le tort dérivant de l'intention mauvaise soit possible pour qu'il appelle une répression. On ne nie pas, ajoutera-t-on, que, si l'enjeu était exposé sur table ou remis en mains tierces, il n'y eût filouterie dans le fait de s'en emparer par fraude. Existe-t-il donc entre le cas de la réalisation immédiate de ce dépôt, et celui de l'appréhension, effectuée plus tard, de la portion d'enjeu due par le perdant, une différence telle, que dans le premier il y ait délit, et dans le second acte licite ? Que l'appropriation s'opère par l'enlèvement de la somme préalablement mise à la disposition du gagnant ou par le fait d'une délivrance forcée, ne présente-t-elle pas la même criminalité, n'amène-t-elle pas le mê me préjudice ? N'y a-t-il pas, sous le point de vue pénal, iudivisibilité, nonobstant le trait de temps qui les sépare, entre le moyen et le résultat, le bénéfice acquis et le bénéfice réalisé, la fraude tendant à spolier et la spoliation elle: même ? Ne rencontre-t-on pas enfin, dans l'un comme dans l'autre de ces modes de soustraction, ou, en d'autres termes, de maniment frauduleux de la chose d'autrui, les trois conditions essentielles du vol telles que les précisait la définition du jurisconsulte Paul : intention de nuire, dolus malus ; détermination d'une valeur mobilière appartenant à un tiers, res aliena; la mainmise plus ou moins prochaine, mais en définitive effectuée sur cette valeur, contrectatio? Or, s'il peut y avoir dans le concours de ces trois éléments délit consommé de filouterie, pourquoi la tentative de ce délit n'existerait-elle pas dans un cas qui ne différerait de la consommation qu'en ce que le bénéfice de la fraude acquis à son auteur par le gain de la partie n'aurait pu être réalisé par lui à raison de circonstances auxquelles sa volonté n'aurait eu aucune part? » Ceci, Messieurs, nous conduit à l'examen de la seconde question, qui n'a d'intérêt qu'autant que le rapprochement des deux systèmes par nous mis en présence aurait laissé indécise dans vos esprits la solution de la première. En quoi consiste le commencement d'exécution d'une tentative de filouterie pratiquée 'dans une partie de jeu engagée sur parole? Sur ce point peu de mots sufliront. Nous ne pouvons pas invoquer ici un de ces principes de tous les temps et de toutes les législations, dont on trouve le germe dans les sources mêmes du droit. Les Romains, comme l'observent les auteurs de la Théorie du Code pénal, ne reconnaissaient guère de tentative assimilable au fait consommé que celle du meurtre. Plusieurs de nos jurisconsultes, aujourd'hui encore, n'admettent pas que là où la pensée criminelle a été arrê tée dans son accomplissement il y ait, sous le double rapport de la moralité de l'action et de la peine qui lui est applicable, identité avec le cas d'une exécution consommée. » Enfin, Messieurs, autour de nous la plupart des législations en vigueur ont également repoussé cette assimilation. La jurisprudence s'est ressentie de cette absence de règles primordiales, de doctrines universellement reçues. Où s'arrêtent les actes simplement préparatoires ? Où commence l'exécution? A cet égard vos arrêts ne nous donnent aucune lumière : ils décident, en général, qu'il y a lieu de s'en rapporter à l'appréciation des juges du fait. Ainsi jugé, notamment les 23 sept. 1825 et 4 oct. 1827. Nous ne pouvons donc interroger utilement que le texte même de la loi. L'art. 2 C. pén. spécifie deux sortes de tentatives: celle qui a été suspendue par un obstacle extérieur, comme, par exemple, la menace d'une arme à feu arrachée des mains du meurtrier au moment où il va en presser la détente; et celle qui a manqué son effet par suite d'une circonstance également fortuite, comme l'action de décharger cette arme sans que le coup ait porté. Dans le premier cas, il y a présomption légale que le fait eût été consommé si la chose eût dépendu de celui qui l'a tenté. Dans le second, la conception criminelle a reçu son entière exécution, bien que le résultat ait trompé l'attente du coupable. A laquelle de ces deux catégories appartient l'acte reproché au demandeur? Ni à l'une ni à l'autre, vous dit-il. Dès qu'il n'y avait pas un enjeu placé sous la main des joueurs, et que le gagnant n'a pas manifesté l'intention de s'en emparer, on ne saurait voir dans ce qui s'est passé que des actes préparatoires qui ne rentrent pas dans la perpétration du fait de vol. » A cet égard nous ferons remarquer, en premier lieu, que le corps de délit, qui, suivant le demandeur, n'existerait pas dans la cause, consiste, en cette matière, non, comme il le prétend, dans l'enjeu, objet d'une coupable con voitise, mais dans l'empreinte frauduleuse ap posée aux cartes dont il a été fait usage. Nous demanderons ensuite s'il est nécessaire que le voleur ait tendu la main sur la chose pour que la soustraction ait été par lui tentée. — En ce qui touche les autres espèces de vols, vos arrêts, Messieurs, ont, il est vrai, considéré comme insuffisants pour caractériser le cominencement d'exécution l'usage des fausses clefs, l'escalade, l'effraction : pourquoi cela ? Parce qu'aucune de ces circonstances ne ré vèle nécessairement par elle-même l'intention de voler, et que l'introduction ainsi effectuée peut avoir eu, ainsi que l'observe Merlin, un tout autre but. Mais quand le but comme l'intention ressortent de la nature même da moyen dont le prévenu a dû faire emploi, et quand cet emploi a eu lieu, que lui reste-t-il à tenter pour donner à la pensée de vol et de dommage cette manifestation qui, n'ayant été interrompue que par un empêchement étranger, est assimilable, quant à l'immoralité qu'elle signale et au danger qu'elle présente. à une exécution entière? La fraude une fois consommée, l'appréhension de la somme objet de la convention de jeu n'est plus qu'une conséquence obligée de l'accomplissement de la condition qui en assurait la remise: conséquence en dehors de la culpabilité intentionnelle qu'a révélée le fait ; qui, si elle s'y rattache plus tard, n'a pas pour objet de l'aggraver, mais seulement de donner à ce fait le complément dont la culpabilité elle-même n'a plus besoin pour encourir les sévérités de la loi. »Nous avons, Messieurs, envisagé sous ses diverses faces la question soulevée par le pourvoi la Cour y statuera dans sa sagesse. 1 DU 13 AVRIL 1843, arrêt C. cass., ch. crim., MM. de Crouseilhes prés., Rocher rapp., Quénault av. gén., Morin av. - • LA COUR; Vu les art. 379 et 401 C. pén.; attendu que l'un des caractères essentiels du vol est la soustraction frauduleusement effectuée de la chose d'autrui; que la tentative légale de ce délit doit participer de ce caractère, et qu'il est nécessaire dès lors que ladite soustraction ait été tentée pour que le fait de tentative soit punissable; » Attendu qu'aux termes de l'art. 401 C. pén. la filouterie a été rangée au nombre des vols, et qu'elle est ainsi soumise aux mêmes conditions de criminalité; Attendu que, dans l'espèce, le jugement attaqué a appliqué les peines de cet article à un ensemble de circonstances et de mandvres ayant eu pour objet de déterminer le gain frauduleux de sommes engagées dans une partie de jeu, et qui devaient être ultérieurement remises; que ces faits, reconnus constants, ne constituaient ni la consommation ni la tentative légale du délit de filouterie; qu'ainsi il a été fait une fausse application de l'art. 404 précité; » Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin de statuer sur le moyen de forme; - CASSɛ et ANNULE le jugement correctionnel rendu sur appel par le tribunal supérieur de Blois; et pour être statué conformément à la loi sur l'appel du jugement correctionnel du tribunal de Tours, RENVOIE le demandeur et les pièces du procès devant la Cour royale d'Orléans, chambre des appels de police correctionnelle. » COUR DE CASSATION. (15 avril 1843.) L'exception d'extranéité opposée par un soldat traduit devant un conseil de guerre comme accusé de désertion constitue une question d'état, dont les tribunaux civils peuvent seuls connaître, aux termes de l'art. 26 de la loi du 21 mars 1832 (1). Dès lors, si cette exception est appuyée d'un commencement de preuve par écril, le conseil de guerre doit, jusqu'à ce qu'elle ail été vidée par les tribunaux compélents, surseoir à statuer sur l'accusation de désertion (2). L'exception d'extranéilé, élant d'ordre public, n'est pas couverte par le silence qu'à gardé le prévenu devant le conseil de révision lors de son incorporation dans l'armée. LAGUA C. MINISTÈRE PUBLIC. DU 45 AVRIL 1843, arrêt C. cass., ch. crim., MM. de Crouseilhes cons. f. f. prés., Isambe. rapp., Quénault av. gén., Clérault av. - « LA COUR ; Vu l'art. 13 de la Charte, et l'art. 2 de la loi du 21 mars 1832, sur le recrutement de l'armée; Attendu qu'il résulle de ces dispositions une incapacité d'ordre public qui intéresse la bonne composition de l'armée, et qui ne peut être couverte par le silence de la partie intéressée ou par la fraude qu'elle aurait commise en s'enrôlant malgré son incapacité; Attendu d'ailleurs qu'aux termes de l'art. 26 de la loi du 21 mars 1832, il n'appartient qu'aux tribunaux civils de connaître des que stions d'état ; » Attendu qu'à supposer que ce moyen d'exemption n'ait pas été produit devant le conseil de révision lors de son incorporation dans l'armée, il n'en peut résulter de déchéance; que le conseil de guerre était tenu d'accueillir l'exception préjudicielle qui en résultait contre la poursuite en désertion, puisqu'il n'était pas juge de la question d'état qui en avait pris des lettres de déclaration de naturésultait et du point de savoir si Lagua père ralité, aux termes de la loi du 14 oct. 1814, ou si le demandeur avait réclamé la qualité de Français dans l'année de sa majorité, aux termes de l'art. 9 C. civ.; que la juridiction militaire devait surseoir, et renvoyer le demandeur à faire statuer sur la question d'état, contradictoirement avec le préfet d'Indre-etLoire, devant le tribunal civil du domicile dudit Lagua fils; d'où il suit qu'en passant outre guerre a commis un excès de pouvoir; que le au jugement de la désertion, le conseil de conseil de révision, en confirmant cette décision sans donner aucun motif de cette décision sur la compétence, a également violé les lois précitées ; Par ces motifs, vu l'art. 77 de la loi du 27 vent. an VIII (4800), · CASSE. » COUR DE CASSATION. (15 avril 1843. ) Les tribunaux correctionnels peuvent, surtout en appel, refuser, sans violer aucune loi, d'entendre en témoignage une personne qui n'a pas été citée (1). GAILLARD C. MINISTÈRE public. Du 15 AVRIL 1843, arrêt C. cass., ch. crim., M. Vincens Saint-Laurent rapp. les tribunaux d'appels sont autorisés à juger LA COUR;- Attendu, d'une part, que sur les notes d'audience et sur les autres dodre les témoins que les parties veulent procuments du procès, sans être obligés d'enten. duire à leur audience; D Attendu en fait que dans son interrogatoire du 18 nov. 1842 le demandeur a excipé, contre la poursuite en désertion dirigée contre lui, de ce que son père était Italien de naissance, quoique établi en France depuis vingt» Attendu, d'autre part, que la disposition deux ans, et que deux de ses frères avaient de l'art. 153 C. inst. crim., qui, devant les tri élé exemplés du service pour cause d'extra- bunaux de simple police, autorise le prévenu néité; qu'il a produit devant la Cour l'acte de à amener ses témoins au lieu de les faire citer, mariage de ses père et mère, constatant que n'est pas reproduite dans le chapitre du même sou père était né en Piémont; qu'il est fils lé-Code qui règle la procédure devant les tribugitime issu de ce mariage en 1820; que son frère n'a pas été inscrit sur le tableau de recensement de la classe de 1836 comme ayant réclamé l'exemption de l'art. 2 de la loi du recrutement; qu'il résulte de ces pièces un commencement de preuve par écrit de son origine étrangère; (1-2) Il résulte aussi des motifs d'un arrêt de la Cour de cassation du 7 janv. 1826 (aff. Gros) que, si le prévenu de désertion excipe de la nullité de son engagement, par exemple en ce qu'il aurait été contracté avant l'âge requis, la question de validité de cet engagement doit d'abord être jugée. V., sur les questions préjudicielles, Mangin, Traité de l'action publique, no 167 et suiv. naux correctionnels; Qu'en cet état, la Cour royale de Toulouse a pu, sans violer aucune loi, refuser d'entendre en témoignage une personne qui n'avait pas été citée REJETTE, - (1) L'instruction sur appel de police correctionnelle est soumise à des règles particulières, et spécialement l'affaire doit toujours être jugée sur rapport à peine de nullité. C'est pour cela, surtout, que l'audition des témoins devient inutile. Cette formalité est tellement substantielle, qu'il a été jugé que la décision rendue sur l'appel était nulle par cela seul qu'elle ne constatait pas que le rapport eût été fait à l'audience, encore bien que l'on offrit de prouver qu'il avait réellement eu lieu. Cass. 7 août 1847. |