COUR DE CASSATION. Lorsque le maire d'une commune, dont il est débiteur, a par son fail mis celle-ci dans l'impossibilité d'agir en lui cachant durant son administration le titre qu'elle avait contre lui, la prescription n'a pu courir au profit de ce maire tant qu'a duré la lalilation du litre (1). C. civ. 2227, 2251 et 2261. CASTELLANE C. COMMUNE DE GRÉASQUE. En 1791, la dame de Castellane - Majastre est décédée laissant un testament en date du 15 nov. 1788, par lequel elle léguait à la commune de Gréasque une rente annuelle de 60 livres pour marier une fille pauvre. Le 19 nov. 1839 seulement, la commune réclame le service de cette rente contre le comte de Castellane, petit-fils de la testatrice. Celui-ci oppose la prescription. Les parties sont d'accord pour reconnaître que par l'effet des lois des 1er juil. 1794 et 28 août 1792 la prescription a été suspendue de 1791 à 1794. Mais de 1794 à 1839 il reste encore quarante-quatre ans, laps de temps plus que suffisant pour prescrire. De ces quarante-quatre ans la commune prétend qu'il faut distraire dix-neuf années, de 1812 à 1831, pendant lesquelles le comte de Castellane a été maire de la commune, et a par son fait mis celle-ci dans l'impossibilité d'agir. Ainsi le temps de la prescription se trouverait réduit à vingt-cinq ans. Le 9 juin 1840, jugement du tribunal de Marseille qui rejette l'exception de prescription invoquée par le comte de Castellane : • Attendu que la commune excipe de ce que le comte de Castellane a exercé les fonctions de maire de Gréasque depuis 1812 jusqu'à la révolution de 1830; qu'il n'a cessé ses fonc tions en 1831 que par l'effet de sa non-réélec tion comme membre du conseil municipal; que pendant sa longue administration il a caché à la commune de Gréasque le titre qui existait contre lui au profit de cette commune, et a paralysé son action; » Altendu que, si, après de longues controverses, la doctrine et la jurisprudence sout tombées d'accord sur ce point, que l'ignora ce du droit n'est pas une cause de restitution contre la prescription, jamais cette controverse ne fut engagée dans une espèce semblable i celle de la cause; D Attendu que les auteurs, en repoussant la restitution pour cause d'ignorance el autre purement accidentelle, en exceptent le cas où cette ignorance pourrait être attribuée au fait de la partie ; (1) En règle générale, l'ignorance du créancier ne saurait être motif de suspension ou de restitution contre la prescription (Troplong. Prescrip., no 714), surtout quand, s'agissant d'une prescription à l'effet de se libérer, la condition du débiteur est toute favorable. Mais évidemment il doit y avoir exception quand le débiteur investi d'une fonction qui lui imposait l'obligation d'agir ne l'a fait, et a même profité de sa position pour pas Jaisser son administré, tel qu'une commune, dans l'ignorance de son droit. Il doit subir la consé quence de son propre fait, et souffrir qu'on applique alors à cette commune la règle Contra non valentem agere non currit præscriptio. maire, le comte de Castellane a contracté des »Attendu qu'en acceptant les fonctions de obligations envers la commune confiée à son administration; que sa conscience lui faisait un devoir de faire connaître à ses administrės le titre qui le constituait débiteur envers ent, dont il était revêtu; ou, à défaut, il devait résigner les fonctions >> Attendu que la qualité de maire, l'autorité dont elle l'investissait, l'influence qu'elle lei donnait sur la composition et les délibérations du conseil municipal, frappaient la comman d'une sorte d'incapacité pour agir contre lsi; qu'en cet état d'incapacité, elle est fonderi invoquer contre lui, qui était à la fois son t teur et son débiteur, la maxime Contra nos valentem agere non currit præscriptio; Attendu que cette exception doit être ac cueillie d'autant plus favorablement, qu'il s'a git dans la cause d'une aumône léguée par une dame bienfaisante à de pauvres jeunes filles et à des vieillards indigents, d'une char ge pieuse confiée à l'honneur et à la charité d'un héritier opulent; - Que, si cet he ritier a des motifs de mécontentement person nel contre certains habitants de la comme de Gréasque qui se seraient enrichis à ses dé pens, cette considération ne peut s'appliquer aux malheureux désignés dans le testament de la dame de Castellane. » Appel par le sieur de Castellane. Mass 24 nov. 1841 arrêt de la Cour royale d' qui, adoptant les motifs des premiers juges, confirme. Pourvoi pour violation des art. 2227 et 2262 C. civ. en ce que l'arrêt attaqué décidait que Ja prescription courue contre la commune de Gréasque au profit du comte de Castellane vait été suspendue pendant le temps qu'il avait été maire de cette commune. - La prescrip tion de trente ans éteint toutes les actions reelles et personnelles, sans qu'on puisse opposer au débiteur l'exception de mauvaise foi. Cette prescription court contre les communes aussi bien que contre les particuliers. Sans doute à y a des exceptions: ainsi la prescription ne court pas contre les mineurs et les interdis (C. civ., art. 2262); elle ne court pas plus en faveur du fermier, du dépositaire, de l'usufruitier, et de tous ceux qui détiennent à titre précaire. (C. civ., art. 2236.) Mais nulle part on ne voit que le maire d'une communs le puisse pas prescrire contre cette commune. Or c'était là cependant une exception assez imortante pour que le législateur l'énonçât s'il 'avait eue en vue; et il a dû nécessairement y onger, puisqu'i. arrive fréquemment que le naire et la commune ont des intérêts distincts t opposés. Vainement dirait-on avec l'arrêt ttaqué que, si l'ignorance du droit n'est pas ine cause de restitution contre la prescripion, il y a exception pour le cas où cette gnorance peut être attribuée au fait de la parie, et que dans l'espèce il y a eu réticence le la part du comte de Castellane, qui n'a as fait connaître à ses administrés le titre qui le constituait leur débiteur. L'art. 2262 l'a aucun égard aux imputations de mauvaise oi, et le silence du créancier ne saurait être ne cause de suspension ou d'interruption de a prescription. Quant au silence du débiteur, in ne peut, sans abroger l'art. 2262, en laiser l'appréciation au juge du fait : car il n'est oint de cas peut-être où l'on ne pût opposer celai qui invoque la prescription que son ilence a entretenu l'erreur ou la négligence lu créancier. Sans doute quand le fait du déiteur a donné naissance à l'ignorance du Iroit, il peut y avoir lieu à restitution contre a prescription; mais quel est le fait qu'on eut imputer au débiteur? Ce ne peut être elui d'avoir, agissant dans les limites de son Iroit, gardé le silence sur l'action qu'on peut ui intenter, et de s'être abstenu de tout ce jui pouvait en provoquer l'exercice : c'est d'avoir retenu un titre ou opposé un obstacle insurmontable à l'action du créancier. Or l'arrêt attaqué ne dit pas qu'il y ait aucun fait de celte nature à reprocher au comte de Castelane. Il dit seulement que c'était un devoir our celui-ci, d'après sa position, de faire conaître à la commune le titre qu'elle avait con re lui. Ainsi de la part du demandeur il n'y pas eu action, mais simple omission. Or, d'arès la loi et les principes de la matière, cela e suffisait pas pour empêcher la prescription de courir. DU 13 NOVEMBRE 1843, arrêt G. cass., ch. req., MM. Zangiacomi prés., de Gaujal rapp., Chegaray av. gén., Chevrier av. LA COUR; Sur le premier moyen, pris de la violation des art. 2262 et 2227 C. civ.: Attendu que les parties sont d'accord que a prescription alléguée doit compter à dater u 2 nov. 1794; que le demandeur en cassation soutient que, l'action de la commune 'ayant été intentée qu'en 1839, la prescripion lui était acquise contre elle, tandis que a commune soutient de son côté que de l'inCervalle qui s'est écoulé entre les années 1794 et 1839 il faut déduire dix-neuf ans, durant esquels le demandeur en cassation a été mai#e; d'où il suit qu'il ne reste contre elle que ingt-cinq ans utiles à prescrire; que la quesion à décider est donc de savoir si pendant que le comte de Castellane était maire de Gréasque il a pu prescrire contre elle la rente qu'il lui devait en vertu du testament de la marquise de Castellane-Majastre, sa grand'mère; » Attendu que l'arrêt attaqué constate en fait que le comte de Castellane, pendant sa longue administration, a caché à la commune de Gréasque le titre qui existait contre lui au profit de cette commune, et en a tiré la conséquence qu'il avait paralysé son action; » Attendu que, le maire ayant mis par son fait la commune dans l'impossibilité d'agir, c'est avec raison que la Cour royale a décidé que ce fait ne pouvait lui conférer aucun droit contre ladite commune; que par conséquent il n'avait pu prescrire contre elle tant qu'avait duré la latitation du titre ; » Attendu que, d'après cette décision, les art. 2262 et 2227 C. civ. étaient inapplicables la cause; qu'il s'ensuit qu'ils n'ont pu être violės; » Sur le deuxième moyen :... (Sans intérêt.} REJETTE, etc. >> COUR ROYALE DE PARIS. (13 novembre 1843.) Le concordat intervenu entre un failli el ses créanciers ne fait pas obstacle à ce qu'un créancier hypothécaire (pour lequel il n'est point obligatoire) poursuive le failli comme stellionataire, et le fasse condamner, même par corps, au paiement intégral de sa créance (1). C. com. 508, 516, 556. LEBRETON ET AUTRES C. DUBOIS. Le 18 juillet 1840 le sieur Dubois consentit une obligation notariée de 60,000 fr. au profit des sieurs Lebreton, Bossu, Huche et Pouet. Pour sûreté de cette obligation Dubois hypothéqua une maison sise à Paris, rue Rochechouart, no 14, en déclarant que cet immeuble n'était grevé d'hypothèque que pour une (1) V. conf. Paris, 26 fév. 1833; Bordeaux, 9 déc. 1834; Cass. 28 janv. 1840. -V. Rouen, 9 déc. 1840. Contr. Besançon, 25 août 1812. Lainně. Com. de la loi du 8 juin 1858, art. 556; Pardessus, Dr. com., t. 2, no 1248; Bioche et Goujet, Dict. de proc., vo Faillite, no 370. V. aussi Metz, 2 nov. 1837 Jugé, d'après les mêmes principes, que le créancier dont l'hypothèque générale n'est pas venae en ordre utile, et qui, à raison de cette circonstance, a participé aux dividendes réservés pour la masse chirographaire, ne perd pas pour cela le droit de faire valoir son hypothèque sur les immeubles que le failli acquiert ulté rieurement: Cass. 1er mars 1848. Egalement le créancier qui a une hypothèque judiciaire antérieure à la faillite, peut, après le concordat auquel il n'a pas adhéré, prendre inscription sur les immeubles dont le concordataire se rend acquéreur et en poursuivre l'expropriation: Paris, 6 janv. 1847. Mais les créanciers privilégiés et hypothécaires qui ne doivent pas prendre part aux opérations du concordat sont soumis, comme tous les autres créanciers, à la vérification et à l'affirmation de leurs créances, et ne peuvent faire procéder à l'ordre sur les immeubles avant d'avoir rempli les formalités : Amiens, 27 fév. 1839. somme de 82,000 fr. en faveur de plusieurs créanciers. Le 6 avril 1841 Dubois tomba en faillite, et la maison de la rue Rochechouart, vendue en justice, fut adjugée moyennant 91,050 fr. Lebreton et consorts découvrirent alors qu'indépendamment de la somme de 82,000 fr. d'hypothèques déclarées par Dubois dans l'obligation souscrite à leur profit, il existait une inscription de 10,000 fr. prise par un autre créancier en vertu d'une obligation antérieure à celle du 18 juillet 1840, et dont l'existence leur avait été dissimulée. A la suite de sa faillite, Dubois obtint de ses créanciers un concordat qui, moyennant un dividende de 48 pour 100 payable à des termes convenus, le remit à la tête de ses affaires. Cependant les sieurs Lebreton et consorts, se fondant sur le stellionat que Dubois avait commis à leur égard, l'assignèrent devant le tribunal civil de la Seine, à l'effet de le faire condamner même par corps au paiement intégral de leur créance. Le 14 déc. 1842, jugement qui les déclare mal fondés dans leur demande, en ces termes : Le tribunal; — Attendu qu'aux termes de l'art. 516 C. comm. l'homologation du concordat le rend obligatoire pour tous les créan ciers portés au bilan, vérifiés ou non vérifiés; que ce principe est principalement fondé sur la nécessité de rendre le sort des créanciers égal, et d'empêcher que l'un d'eux obtienne une condition meilleure au préjudice des autres; »Attendu que, s'il est fait exception à cette règle générale en faveur des créanciers hypothécaires et privilégiés, l'exception ne s'étend pas au delà des droits réels ou privilégiés que elle conserve; coupable, à quelque titre que ce soit, dès qu'il y a concordat; que le concordat donne une existence nouvelle au failli, et qu'en le rétablissant à la tête de ses affaires la loi n'a pu ni dû vouloir qu'un créancier eût le poure de l'entraver dans sa marche, ni que la personne et la liberté du failli deviussent pour un créancier l'objet d'une spéculation on d'exigences plus ou moins vives qui amèneraien des sacrifices et donneraient à ce créancier une position particulière et privilégiée au préjudice de tous les autres; Attendu que de ces principes il résale qu'à supposer l'existence du stelionat repre ché à Dubois, l'action des demandeurs est é videmment mal fondée, parce que le conce dat qui a rétabli Dubois à la tête de ses affaires leur est commun, est obligatoire dans la cir constance où elles se trouvent, et à l'égard ée leurs prétentions actuelles; Qu'en effet l'action que les demanden dirigent contre Dubois est une action purement personnelle, tendant au paiement d'une somme déterminée, avec la voie de la contrain te par corps; Que, si la demande dérive d'un contrathy pothécaire, cela ne saurait lui imprimer caractère réel, ni changer sa nature, mi cause qui l'a fait naître, à savoir un quasidélit, une fausse déclaration, un fait repre hensible et dommageable; »Qu'aussitôt que le créancier prétend exercer une action personnelle, et cesse ainsi de se prévaloir de son titre hypothécaire ou privi-1 légié pour prendre la simple qualité de créancier chirogaphaire, alors il subit et doit subir la loi commune, celle dictée et imposée par la seule puissance du concordat; >>Que cette loi commune ne permet pas aux créanciers d'obtenir, encore moins d'exercer, la contrainte par corps, qui tendrait à détruire toute l'économie du concordat, et la fin que la masse des créanciers s'est promise en le consentant, et sur laquelle elle a dû compter; Que de là il suit que, si le failli concordalaire encourait, par exemple, une condamna tion correctionnelle, et, par suite, des dommages-intérêts pour un délit antérieur à sa faillite, il est manifeste que la contraiute par corps inhérente à la nature même du jugement ne pourrait pas être mise en action, et que l'action par corps devrait tomber devant le concordat, parce que nul créancier de la faillite ou dont la cause de la créance est antérieure à la faillite ne pourrait avoir une condition à part et meilleure que celle des créanciers ; » Qu'ainsi, de même que tombe et s'efface la contrainte par corps résultant de la nature commerciale du titre, de même doit périr la contrainte par corps attachée au fait dommageable dont le failli concordataire s'était rendu B Qu'il est donc vrai de reconnaître que le parties demanderesses agissent, non pas er vertu d'un droit réel et privilégié, mais bien comme créanciers purement chirographaires, et qu'alors le concordat de Dubois leur de vient personnel; » Déboute lesdites parties de leur de de, etc. » Appel par Lebreton et consorts. DU 13 NOVEMBE 1843, arrêt C. roy, Para, ch., MM. Séguier 4er prés., Nouguerz gén. (concl. conf.), Roque et Baroche av. • LA COUR ; — Considérant que, sairaal acte passé devant Lefebvre-Saint-Maur, 20taire à Paris, les 6, 8 et 18 juill. 1840, ears gistré, le sieur Dubois s'est reconnu débiteure vers les appelants, savoir: envers Bossa, de i somme de 2,959 fr. 52 c.; envers Hache, celle de 5,953 fr. 15 c.; envers Dépensier, celle de 3,179 fr. 85 c.; envers Pouet, de celle de 8,254 fr. 60 c., et envers Lebreton, de crit de 9,924 fr. 33 c. ; qu'à la sûreté du montant de chacune de ces créances en principal, i térêts et accessoires, Dubois a affecté et be théqué une maison située à Paris, rue Rocke chouart, n°14; que par le même acte il t déclaré, sous les peines du stellionat, qui fe ont été expliquées par le notaire, que ce maison n'était grevée par privilége d'aucune autre somme que celle de 40,000 fr., neces saire pour assurer le service d'une rente gère de 2,000 fr. due à Prieur et successeum, leurs vendeurs, et qu'elle n'était grevee pur hypothèque conventionnelle que 1° d'une s me de 26,000 fr. due à Leguart, 2o de celle de 6,000 fr. due à la veuve Ignard, 3o de celle de 3,000 fr. due à Barbot; que cependant est établi par un certificat du conservates des hypothèques en date du 24 juill. 1840 qu'en vertu d'une obligation passée devant Chapellier, notaire à Paris, le 26 juin 1840, il a été pris inscription le même jour par Charles-Henri Chevalier, sur la maison rue Rochechouart, no 14, pour sûreté d'une somme de 10,000 fr. dont Dubois s'était reconnu débiteur envers lui; que, par l'effet de cette inscription, la veuve Lebreton et autres ne peu vent être colloqués utilement pour l'intégralité de leurs créances dans l'ordre ouvert sur le prix de l'immeuble dont il s'agit; » Considérant qu'il résulte de ces circonstances qu'aux termes de l'art. 2059 C. civ., Dubois s'est rendu coupable de stellionat en déclarant dans l'obligation des 6, 8 et 18 juil. 4840, des hypothèques moindres que celles dont sa maison était chargée ; Considérant que, si, en droit, d'après les dispositions de l'art. 546 C. comm., l'homologation du concordat le rend obligatoire pour tous les créanciers portés ou non au bilan, vérifiés ou non vérifiés, cette règle reçoit une exception à l'égard des créanciers hypothécaires ou privilégiés lorsqu'ils n'ont pas renoncé à leurs hypothèques ou voté au concordat ; Qu'aux termes de l'art. 508 les créanciers hypothécaires sont placés en dehors de la faillite, puisqu'ils n'ont pas voix pour leurs créances dans les opérations relatives au concordat; Qu'il suit de là que le concordat passé entre le failli et ses créanciers chirographaires ne peut préjudicier à leurs droits ni les priver de l'exercice des actions qui en dérivent ; Considérant que l'action en stellionat est inhérente au titre hypothécaire, et que le concordat, qui n'était pas obligatoire pour les créanciers hypothécaires, ne peut soustraire le débiteur stellionataire aux poursuites de ses créanciers qu'il a frustrés de leurs hypothè ques; 1 req., MM. Zangiacomi prés., Joubert rapp., Chégaray av. gén, (concl. conf.), Carette av. LA COUR; laquelle est intervenu le jugement attaqué Attendu que l'action sur avait pour objet le paiement de plusieurs articles d'un compte dressé entre les parties; que jusqu'à ce que cette action eût reçu son le droit de suppléer et de rectifier toutes les effet par un jugement définitif, les parties ont omissions ou erreurs qui avaient pu se glisser dans ce compte, et que les sommes demandées par le défendeur éventuel et à lui accordées par le jugement étaient au nombre de ces omissions et rectifications; - REJETTE. » COUR DE CASSATION. (14 novembre 1843.) Lorsqu'un acte est attaqué comme enlaché de simulation et de fraude à une loi d'ordre public, il appartient aux juges du fail, pour déterminer le véritable caractère de cet acte, d'admettre au nombre des éléments de leur appréciation les présomptions tirées de l'ensemble des faits de la cause, et de décider si ces présomptions réunissent elles-mêmes tous les caractères voulus par la loi (1). C. civ. 1319, 1341 et 1353. Ainsi ils ont pu décider, d'après les présomptions de la cause, qu'une vente de biens présents el de biens que laissera le vendeur à son décès, faile avec réserve d'usufruit au profit du vendeur et de son épouse, moyennant un prix déclaré payé comptant pour parlie, el payable pour l'autre partie aux héritiers du vendeur, ne constituait en réalité qu'une institution d'héritier ou une stipulation sur succession future. En pareil cas, bien que l'acquéreur, sous le prétexte qu'il y avait eu deux ventes, offrit de faire porter sur les biens présents la partie du prix déclarée payée comptant, les juges ont pu, indépendamment du motif de simulation et de fraude à la loi, déclarer l'acte nul pour le loul, par la raison que les deux venles faites pour un seul et même prix formaient un tout indivisible, et qu'un traité doit être déclaré nul pour le tout lorsqu'il résulte d'une seule el même opéralion réglée par un prix unique (2). Est nulle comme pacte ou stipulation sur une succession future la vente que fait (1) V. Cass. 2 mars 1840 el la note; 5 août 1840, 25 jan. 1845. (2) En général, la stipulation par un même acte et pour un même prix sur un droit hu et sur une succession future est nulle par le tout. V. Limoges, 6 avril 1838, et la note. pendant Cass. 17 janv. 1837. Contr. Metz, 1ė juil. 1825. V. ce un individu des valeurs mobilières qu'u, pourra posséder au jour de son décès, encore bien que l'acquéreur ne soit pas son successible (1). C. eiv. 1130. La prescription de dix ans ne peut être opposée à l'action en nullité d'un acle entaché d'une nullité d'ordre public, telle que celle résultant d'une stipulalion sur succession future (2). C. civ.1304. Un acte simulé sous la forme d'un autre contrat ne peut être déclaré valable qu'autant qu'il le serait s'il avait élé fait directement el ouvertement (3). Spécialement, une donation testamentaire ou à cause de mort qui ne pouvait être exprimée que dans la forme d'un acle de dernière volonté est nulle lorsqu'elle a été déguisée sous la forme d'une vente. Un moyen de cassation non produit devant la Cour royale ne peut être proposé pour la première fois devant la Cour de cassation. PRODHOMME C. JAMBU ET AUTRES. Suivant un acte notarié du 25 oct. 1830 le sieur Besnier, fabricant d'étoffes à Châteaubriant, vendit au sieur Prodhomme, neveu de sa femme, aussi fabricant d'étoffes, qu'il avait recueilli et qui demeurait chez lui, la nuepropriété (pour l'usufruit y être réuni à la mort du vendeur et de sa femme) 1° de la moitié lui appartenant de tous les objets mobiliers composant la communauté qui existe entre ces deux derniers, et qui existera, lors du décès dudit vendeur, en quelques lieux que ces effets mobiliers soient et seront à son décès; 2° et de tous les biens immeubles situés dans la ville de Châteaubriant, que l'acquéreur s'obligea de prendre dans l'état où ils seraient lors du décès du dernier vivant du vendeur et de son épouse. Besnier déclara, sous la réserve de l'usufruit stipulé pour lui et pour sa femme, se dessaisir en faveur de Prodhomme de tous ses droits comme propriétaire sur la nue propriété des biens vendus. Le prix de la vente fut fixé à 8,000 fr., sur lesquels le vendeur reconnut avoir reçu 4,000 fr.; quant aux autres 4,000 fr., l'acquéreur était chargé de les distribuer entre plusieurs neveux et nièces du vendeur après le décès de celui-ci et de sa femme. Enfin il fut énoncé dans l'acte 1o que l'acquéreur entrerait immédiatement en propriété de tous les (1) Il en est de même de l'obligation de payer une somme d'argent au décès et sur ce qui reviendra dans la succession d'une personne vivante. Rennes, 2 déc. 1837. (2) V. conf. Cass. 8 nov. 1842. V. la note; Agen, 30 août 1843. Contr. Toulouse, 10 janv. 1841. (3) Tel est le cas où la reconnaissance d'une somme constituée en dot n'est en réalité qu'un dédit stipulé pour le cas d'inexécution d'une promesse de mariage. Cass. 11 juin 1838. -V. le renvoi; Nîmes, 25 janv. 1839. piens vendus et qu'il en aurait la jouissance après le décès des époux Besnier; 2o que les furent remis au sieur Prodhomme; 3o et que titres de propriété concernant les immeubles ce dernier se chargeait des grosses et menues réparations. Le 12 déc. 1841 Besnier décède laissant des neveux et nièces pour héritiers. Ceux-ci demandent la nullité de l'acte de vente de 1830, en prétendant 1° que cet acte était, non une vente sérieuse, mais une véritable institution d'héritier, nulle, par conséquent, pour n'avoir pas été fait dans la forme des actes de dernière volonté; 2° que dans tous les cas l'objet de cette vente n'était pas certain et déterminé; 3° enfin qu'en conservant à l'acte le caractère d'une vente, il constituait une stipulation sur une succession future. Le 26 mai 1842, jugement du tribunal civi de Châteaubriant qui annule l'acte de vente de 1830 par les motifs suivants : «Attendu que d'un examen sérieux des dispositions dudit acte dans leur ensemble, et de la situation dans laquelle se trouvaient les parties au jour de sa passation, on doit cmclure que l'acte dont il s'agit, attaqué comme nul par les demandeurs, contient, sous la forme d'une vente, une véritable institution the ritier; qu'en effet il est constant à la cause qu le sieur Charles Besnier, après avoir épouse Renée Prodhomme, a recueilli chez lui le sieur Prodhomme, neveu de sa femme, qu'il l'a éle vé et instruit dans sa profession de fabricant d'étoffes, l'a constamment gardé auprès de lui, le traitant comme son fils, et paraît aver procuré à ce jeune homme des avantages considérables en lui facilitant les moyens d'acqué rir des immeubles pour une somme de 20,600 fr.; que l'affection du sieur Besnier pour le neveu de sa femme, manifestée par ces actes, ressort évidemment des dispositions du préter du contrat de vente du 25 oct. 1830, où l'on voit que Besnier, qui jouissait d'une grande aisance et n'avait pas besoin de vendre, e peut point se priver ni priver sa femme de la jouissance de ce qu'il possède, mais qu'il préfère à ses propres héritiers l'héritier de sa fe me, appelé à recueillir ce qu'il possède d'in meubles et ce qu'il possédera de valeurs m bilières au jour de son décès, en payant se lement à ses héritiers une somme de 4,000 ft » Attendu que la preuve que l'acte du 25 oct. ne renferme, sous la couleur de vente, qu'une institution d'héritier, résulte encore de ce que ce prétendu acte de vente ne ca tient ni la désignation ni l'estimation des ob jets mobiliers dont l'acquéreur aurait eu, le jour du contrat, la nue propriété ; que d'ue saine interprétation dudit acte il résulte contraire que, si Besnier y a déclaré vendre le mobilier qu'il possède et qu'il possédera zu jour de son décès, l'absence d'un état estimatif indique, et il ressort d'ailleurs suffisamment des termes de l'acte, que dans l'esprit du sieur Besnier il n'entendait point se priver des vivant de la disposition des choses mobilières qu'il possédait au jour du contrat; qu'en effet il serait contraire à la raison de supposer qu'un marchand, qui a continué son commerce depuis comme avant la passation dudit acte, |