CASS.-CIV. 19 décembre 1911. ORDRE, HYPOTHÈQUE SPÉCIALE, IMMEUBLES HYPOTHÉQUÉS, ADJUDICATION PAR LOTS SÉPARES, CANTONNEMENT DE L'HYPOTHÈQUE, COLLOCATION SUR UN SEUL LOT, DÉLIVRANCE DU BORDEREAU, ACQUIESCEMENT, INSOLVABILITÉ DE L'ADJUDICATAIRE, DEMANDE EN REVISION DES AUTRES COLLOCA TIONS, FIN DE NON-RECEVOIR (Rép., v° Ordre, n. 1478 et s., 1505 et s.; Pand. Rep., vo Ordre entre créanciers, n. 3727 et s., 3849 et s.). (1-2-3) Quel est, entre les créanciers colloqués, l'effet du règlement d'ordre, non contesté dans le délai fixé par l'art. 767, C. proc.? Les créanciers, régulièrement payés par l'adjudicataire sur lequel ils ont été colloqués, peuvent-ils être soumis au recours des créanciers d'un rang préférable au leur, qui ont reçu des bordereaux de collocation sur un autre adjudicataire devenu insolvable? L'arrêt ci-dessus décide que le règlement d'ordre, non attaqué dans les délais légaux, crée, à l'égard des créanciers entre eux, une situation définitive et intangible, qui ne permet pas aux créanciers non payés d'exercer un recours contre ceux qui l'ont été. Dans l'espèce, des immeubles avaient été vendus par lots séparés; les demandeurs en cassation, dont l'hypothèque portait sur tout l'ensemble des biens vendus, avaient été colloqués sur un immeuble, dont l'adjudicataire était décédé avant de s'être libéré; les autres créanciers, postérieurs en rang, avaient été colloqués sur d'autres immeubles, et intégralement payés. La succession de l'adjudicataire décédé ayant été acceptée sous bénéfice d'inventaire, l'immeuble qu'avait acquis le défunt fut revendu, et la nouvelle adjudication fut faite pour un prix inférieur à celui de la première adjudication, en sorte que les fonds manquaient pour désintéresser les demandeurs en cassation. C'est alors que ceux-ci ont assigné leurs cocréanciers pour voir dire qu'ils devraient rapporter les sommes par eux touchées, et que ces sommes, jointes au nouveau prix en distribution, seraient réparties par rang d'hypothèques. La Cour d'appel d'abord, la Cour de cassation ensuite, ont rejeté cette demande. Le motif donné par la Cour de cassation, c'est que le créancier, qui a accepté, sans protestation ni réserve, un bordereau délivré en vertu du règlement d'ordre portant collocation sur un seul lot, a, par cela même, acquiescé au règlement judiciaire qui a restreint l'effet de son hypothèque. V. en ce sens, Aubry et Rau, 5o éd., t. 3, p. 675, § 284, texte et note 19; Baudry-Lacantinerie et de Loynes, Du nantiss., des priv. et hyp., 3° éd., t. 3, n. 1958. Nous ne sommes pas convaincu de l'exactitude de ce motif. De ce qu'un créancier, ayant une hypothèque qui portait sur plusieurs immeubles, n'a point protesté lorsqu'on lui a délivré un bordereau de collocation sur un seul des immeubles, il nous semble difficile de conclure qu'il a virtuellement renoncé, d'une manière absolue, à son droit hypothécaire sur les autres immeubles. Il a cru, suivant en cela la foi du juge-commissaire, que la collocation qui lui était faite sur un immeuble, dont le prix d'adjudication dépassait le chiffre de sa créance, était suffisante pour le désintéresser, et c'est dans cette croyance qu'il n'a pas protesté. Son acquiescement était donc subordonné à la condition qu'il serait entièrement désintéressé, et, cette condition s'évanouissant, il disparaît du même coup. Nous estimons donc qu'il est téméraire de souANNÉE 1913. 1er cah. Si, en principe, le créancier, nanti d'une hypothèque spéciale sur plusieurs immeubles de son débiteur, a le droit, dans l'ordre ouvert sur le prix de ces immeubles, adjugés par lots séparés, d'être colloqué au rang de son hypothèque sur tous les lots indistinctement, il peut, cependant, renoncer à ce droit, en consentant à restreindre les effets de sa garantie (1) (C. civ., 2114; C. proc., 767 et s.). Et cette renonciation se produit, soit expressément, lorsque ce créancier a demande le cantonnement de son hypothèque, soit tenir que le créancier, qui n'a pas contredit au règlement d'ordre qui le colloque sur le prix d'un seul des immeubles vendus, doive être considéré comme ayant renoncé, à tout événement, au droit de se faire colloquer sur le prix des autres immeubles affectés à son hypothèque. Mais, si nous critiquons le raisonnement, nous n'en approuvons pas moins la solution qui est intervenue. Il nous semble, en effet, que l'esprit de la loi, manifesté par les prescriptions des art. 756 et 767, C. proc., qui fixent les formes et les délais des contredits ainsi que de l'opposition à l'ordonnance de clôture de l'ordre, a été d'écarter toute réclamation ultérieure, tant du saisi que des créanciers poursuivants. En d'autres termes, et encore qu'en l'absence de toute contestation, on puisse soutenir qu'il n'y a pas vraiment chose jugée, il semble bien que la loi a entendu attribuer à l'ordonnance du juge-commissaire la même force qu'à un jugement proprement dit. La question était discutable sous l'empire du Code de procédure civile, parce que ce Code n'accordait pas, au moins textuellement, le droit de faire opposition à l'ordonnance. De son mutisme à cet égard, certains auteurs et certains arrêts avaient conclu qu'il refusait à cette ordonnance tout caractère contentieux. Cependant, déjà à cette époque, la Cour de cassation avait reconnu à l'ordonnance la force de chose jugée. V. Cass. 20 avril 1857 (S. 1857. 1.823. P. 1857.458). V. toutefois, la note sous cet arrêt, et les renvois. Cet effet ne semble plus pouvoir lui être dénié, depuis que la loi du 21 mai 1858 a inséré, dans l'art. 767, C. proc., le droit de faire opposition à l'ordonnance. L'idee a, d'ailleurs, été formellement exposée par le rapporteur de la loi de 1858, M. Riché. Il est évident, disait-il, que les créanciers, qui n'ont pas contredit l'état de collocation provisoire, ne pourront, sous prétexte d'attaquer l'ordonnance de clôture, remettre en question, directement ou indirectement, les bases de cet état, ses décisions sur la somme à distribuer, l'existence, la quotité et le rang des créanciers (S. Lois annotées de 1858, p. 60, ad notam, n, XXVIII. P. Lois, décr., etc. de 1858, p. 101, ad notam, n. XXVIII). On s'explique du reste fort bien que la loi ait voulu prévenir des conflits futurs, et arrêter définitivement et irrévocablement le règlement d'ordre qui n'a pas été attaqué en temps opportun, en lui donnant l'autorité de la chose jugée. Aussi la jurisprudence est-elle constante. V. Cass. 3 avril 1901 (S. et P. 1903.1.513, et la note de M. Wahl, n. VII; Pand. per., 1903.1.401). Comp. la note de M. Tissier, b, sous Cass. 13 janv. 1903 (S. et P. 1903.1.497). En sens contraire, V. Garsonnet, Tr. de proc., 2° éd., par Cézar-Bru, t. 5, § 1880; Glasson, Précis de proc., 2° éd., par Tissier, t. 2, n. 1640, virtuellement, lorsqu'il a accepté, sans protestation ni réserve, et sans recours dans le délai légal contre le règlement définitif, un bordereau délivré en vertu de ce règlement, qui l'a colloqué sur un seul lot (2) (Id.). Dans ce second cas, son acceptation constitue un acquiescement au règlement judiciaire qui a restreint l'effet de son hypothèque, et lui interdit toute demande en revision des autres collocations, qui demeurent ainsi irrévocablement acquises aux créanciers qui les ont obtenues (3) (Id.). Mais, si l'ordonnance du juge-commissaire a l'autorité de la chose jugée, on ne peut plus remettre en question les bases de la répartition, en enlevant à certains créanciers une partie des sommes qu'ils ont reçues conformément aux bordereaux de collocation qui leur ont été délivrés. Telle est, à notre avis, la raison déterminante de la solution consacrée par la Cour de cassation. V. en ce sens, Guillouard, Priv. et hyp., t. 3, n. 1533. Elle se justifie, non point par une idée de renonciation tacite, mais par la volonté de la loi, désireuse, dans l'intérêt général, de mettre un terme à la procédure longue et coûteuse de l'ordre. Cette procédure se trouve ainsi en harmonie avec celle de distribution par contribution, puisque, aux termes de l'art. 660, C. proc., les créanciers, qui n'ont pas produit leurs titres dans le délai prescrit, ne peuvent soulever aucune réclamation ultérieure contre la distribution opérée. : Le pourvoi ne contestait pas que l'ordonnance de clôture eût l'autorité de la chose jugée, mais il disait c'est seulement en ce qui concerne l'existence, la légitimité et le rang des créances, non point en ce qui concerne la partie de l'ordonnance qui, sans rien changer au rang des collocations, fait la répartition, entre les bordereaux, des divers prix grevés intégralement par les collocations elles-mêmes. Si, en effet, disait le pourvoi, l'ordonnance de clôture règle définitivement la situation des créanciers, elle constitue, pour les créanciers colloqués en ordre utile, une simple indication de paiement, qui laisse tous leurs droits intacts pour le cas où leur collocation n'aboutira pas à un paiement effectif. V. Garsonnet, op. cit., t. 5, § 1879. Il est manifeste que la délivrance des bordereaux de collocation n'équivaut pas à un paiement effectif, car un paiement suppose la remise effective de la somme due, et il n'est pas réalisé tant que cette remise n'a pas été effectuée. Le bordereau de collocation n'est qu'un titre juridique, qui permet au créancier de se faire payer, qui indique son droit de se faire payer par l'adjudicataire, mais qui ne réalise pas ce droit. Il ne saurait, non plus, être question ici d'une novation par changement de débiteur, puisqu'une novation de ce genre exige le consentement du créancier, et que rien, dans l'attitude du créancier, qui se borne à produire dans un ordre, ne peut faire supposer ce consentement. V. Cass. 25 févr. 1839 (S. 1839.1.297); Orléans, 5 mars 1887 (S. 1888.2.189. - P. 1888.1.993), et la note. Adde, Garsonnet, op. cit., t. 5, 1893 bis; et notre C. proc. annoté, par Tissier, Darras et LouicheDesfontaines, sur l'art. 770, n. 19. Soit. Nous reconnaissons que le bordereau de collocation ne comporte qu'une simple indication de paiement, qu'il n'implique ni un paiement effectif ni une novation, et qu'il laisse subsister la créance primitive; mais il n'en est pas moins vrai que la loi a entendu attribuer au règlement d'ordre un Ire PART.? (Consorts Gachet C. Hugues et autres). Les immeubles appartenant aux époux Chabot ont été vendus en plusieurs lots, dont l'un a été adjugé à Me Faure, et les autres à divers. Dans l'ordre qui a été ouvert, à la suite de cette vente, entre les créanciers des époux Chabot, les consorts Gachet, qui étaient les premiers créanciers inscrits sur les biens vendus, ont été colloqués sur le prix dù par Me Faure; les autres créanciers produisants, M. Hugues et Mile Pauchon, ont reçu collocation sur les autres adjudicataires. Mile Faure est décédée sans avoir payé son prix, et sa succession a été acceptée sous bénéfice d'inventaire par ses légataires universels. L'immeuble acquis par elle des époux Chabot a été remis en vente; mais il n'a atteint, cette fois, qu'un prix inférieur à celui de la première adjudication, et insuffisant pour désintéresser les consorts Gachet. Un nouvel ordre judiciaire ayant été ouvert, les consorts Gachet ont demandé que M. Hugues et Me Pauchon rapportassent ce qu'ils avaient touché dans l'ordre Chabot. - Cette demande a été rejetée par un jugement du tribunal civil de Gap, en date du 19 mai 1904. Appel par les consorts Gachet; mais, le 27 juin 1909, arrêt confirmatif de la Cour d'appel de Grenoble, dont extrait suit: - La Cour; Attendu qu'un règlement d'ordre participe de la nature d'un véritable jugement, et acquiert, lorsqu'il n'est pas contesté dans le délai légal, l'autorité qui s'attache aux décisions judiciaires devenues définitives; qu'en fixant, dans les art. 756 et 767, C. proc., les formes et les délais des contredits et de l'opposition qu'elle admet envers le règlement provisoire de l'ordre et envers l'ordonnance de clôture, la loi a voulu protéger ce règlement et cette ordonnance contre toute critique ultérieure, tant du saisi que des créanciers produisants, et a attribué à l'ordonnance de clôture, devenue définitive par la délivrance des bordereaux de collocation, l'autorité de la chose jugée; que cette ordonnance règle irrévocablement le sort des créanciers et la distribution du prix, et que tout bordereau non contesté dans le délai fixé par caractère définitif et irrévocable, en tant qu'il reconnaît la légitimité des créances colloquées, fixe le prix à distribuer, et détermine les bases de la distribution de ce prix entre les créanciers. La Cour de cassation a fait, dans un arrêt du 23 nov. 1885 (S. 1888.1.325. P. 1888.1.782), une application fort intéressante de cette double idée. Un immeuble hypothéqué avait été vendu 40.000 fr., et, à la suite de la purge poursuivie par l'acquéreur, un ordre avait été ouvert. Le jugecommissaire avait colloqué un certain nombre de créanciers, et ordonné la radiation des hypothèques ne venant pas en rang utile. Mais, l'acheteur n'ayant pas payé, l'immeuble avait été adjugé sur saisie immobilière pour un prix supérieur au précédent (65.000 fr., au lieu de 40 000), et un nouvel ordre avait été ouvert. D'autre part, il se trouvait, en fait, que certains des créanciers colloqués dans le premier ordre avaient été désintéressés avec des fonds autres que ceux provenant de la At la loi constitue, pour le créancier colloqué, un titre qui lui est définitivement acquis; qu'il en résulte que ceux des créanciers qui ont accepté sans réserve ni opposition des bordereaux sur certains acquéreurs, et n'ont pas touché le montant de leurs collocations, ne peuvent réclamer aux créanciers postérieurs à eux le remboursement des sommes qui leur ont été payées par d'autres adjudicataires; tendu que Hugues et la demoiselle Pauchon ont légitimement reçu le montant des bordereaux qui leur ont été délivrés sur divers acquéreurs, en vertu du règlement définitif du 21 mars 1900; que, d'autre part, le bordereau délivré aux consorts Gachet, exécutoire sur Marguerite Faure, concentrait leurs droits sur l'immeuble représenté par son prix d'adjudication, et qu'en retirant ce bordereau, qui pouvait ne pas lui offrir de pleines garanties de paiement, Gachet a irrévocablement consenti à n'être colloqué que sur Marguerite Faure, à l'exclusion des autres adjudicataires, et s'est rendu irrecevable, par l'exécution qu'il a ainsi donnée au règlement définitif, à critiquer les paiements faits aux autres créanciers, en conformité de l'ordonnance de clôture, qu'il n'a pas frappée d'opposition dans le délai de l'art. 767; que la délivrance des bordereaux a, en effet, définitivement consommé entre parties l'exécution de cette ordonnance, et qu'on ne saurait, sans mettre en question les attributions faites aux ayants droit sur le prix d'adjudication, et sans méconnaitre les effets d'un règlement non contesté dans les formes et les délais légaux, obliger les intimés à rapporter dans l'ordre en cours les sommes qui leur ont été payées en vertu d'un règlement qui a acquis, dans toutes ses parties et avec toutes ses conséquences légales, l'autorité de la chose jugée; que les consorts Gachet doivent donc être déboutés de leur appel; Par ces motifs; - Confirme, etc. ». POURVOI en cassation par les consorts Gachet. Moyen unique. Violation des art. 756 et 767, C. proc., en ce que l'arrêt attaqué a considéré qu'un règlement première vente. C'est en l'état de cette circonstance que les créanciers, dont les inscriptions avaient été rayées à la suite de la première procédure d'ordre, ont demandé à être colloqués, non pas seulement sur le chiffre du prix primitif devenu libre, mais sur le supplément de prix de l'adju dication sur saisie immobilière. Qu'a décidé la Cour de cassation? Elle a décidé que la demande devait être accueillie en principe, parce que les créanciers avaient conservé leur droit hypothécaire, malgré le premier règlement d'ordre; mais elle a limité l'exercice de ce droit au chiffre de 40.000 fr., prix de la première vente, par la raison que, quant à la fixation du prix, l'ordonnance du juge-commissaire avait acquis l'autorité de la chose jugée. Ce qui est vrai de la détermination du prix à distribuer, doit l'être également de l'affectation des sommes mises en distribution. Ainsi l'arrêt actuel n'est que la consécration, dans une espèce nouvelle, du principe consacré par l'arrêt de 1885. Bien que ce principe conduise à d'ordre constituait, à l'égard des créanciers qui avaient reçu et touché le montant de leurs bordereaux de collocation, une situation définitive et irrévocable, lorsqu'elle n'était pas contestée dans les délais prévus, et qu'il n'y avait pas lieu de le modifier, alors même que les créanciers colloqués sur les prix dus par des débiteurs insolvables ne recevraient pas le montant de leurs bordereaux de collocation. ARRÊT (ap. délib. en ch. du cons.). LA COUR: Sur le moyen unique : Attendu qu'il résulte des qualités et des motifs de l'arrêt attaqué que, dans l'ordre ouvert entre les créanciers des époux Chabot, après la vente de leurs immeubles, adjugés par lots séparés à divers acquéreurs, les consorts Gachet, demandeurs en cassation, furent colloqués sur la demoiselle Faure, l'un des adjudicataires, et les défendeurs, postérieurs en rang d'hypothèque, sur d'autres adjudicataires; que des bordereaux distincts furent délivrés, en exécution du règlement définitif, conformément à cette répartition; mais que, tandis que les défendeurs reçurent le montant de leur collocation, le bordereau des consorts Gachet sur la demoiselle Faure resta impayé; que, plus tard, après le décès de cette adjudicataire, ses immeubles ayant été revendus comme biens dépendant d'une succession bénéficiaire, et un ordre ayant été ouvert, les consorts Gachet, prétendant que le bordereau qu'ils avaient obtenu dans l'ordre Chabot était devenu irrécouvrable, ont demandé que les sommes touchées par les défendeurs dans cet ordre fussent par eux rapportées dans l'ordre Faure, et que, jointes aux nouveaux prix en distribution, il fùt procédé sur le tout à une nouvelle répartition par rang d'hypothèque; Attendu que la Cour d'appel a rejeté cette demande, en décidant: 1o que l'ordonnance de clôture, dans l'ordre Chabot, suivie de la délivrance des bordereaux, avait eu pour conséquence de rendre irrévocables les répartitions opérées par le règlement définitif, et 2 qu'en retirant le bordereau exécutoire sur la demoiselle Faure, les cette conséquence rigoureuse de priver un créancier du bénéfice d'un droit qui lui appartenait, il mérite d'être approuvé; la loi vient en aide à ceux qui sont vigilants, et n'a pas à intervenir pour corriger les suites de l'imprudence des intéressés. Il convient donc que les créanciers, qui veulent éviter les risques de l'insolvabilité de l'adjudicataire sur lequel ils ont été colloqués, usent du droit incontestable qui leur appartient de se faire colloquer à leur rang sur chacun des immeubles grevés de leur hypothèque, et ne se contentent pas de la collocation faite sur le prix de l'un de ces immeubles, encore que ce prix soit supérieur au chiffre de leurs créances. V. Persil, Rég. hyp., t. 2, sur l'art. 2166, n. XVIII; Aubry et Rau, 5 éd., t. 3, p. 675, § 284; Guillouard, loc. cit.; Baudry-Lacantinerie et de Loynes, Priv. et hyp., 3° éd., t. 3, n. 1957. Comp. la note de M. Bernard sous Cass. 9 mai 1905 (S. et P. 1906.1.489). E. NAQUET. consorts Gachet s'étaient rendus non recevables à critiquer les paiements faits aux autres créanciers; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a fait une exacte application de la loi; - Attendu, en effet, que si, en principe, le créancier nanti d'une hypothèque spéciale sur plusieurs immeubles de son débiteur a le droit, dans l'ordre ouvert sur le prix de ces immeubles, adjugés par lots séparés, d'ètre colloqué, au rang de son hypothèque, sur tous les lots indistinctement, il peut, cependant, renoncer à ce droit, en consentant à restreindre les effets de sa garantie; et que cette renonciation se produit, soit expressément, lorsque ce créancier a demandé le cantonnement de son hypothèque, soit virtuellement, lorsqu'il a accepté, sans protestation ni réserve, et sans recours dans le délai légal contre le règlement définitif, un bordereau délivré en vertu de ce règlement, qui l'a colloqué sur un seul lot; que, dans ce second cas, son acceptation constitue un acquiescement au règlement judiciaire qui a restreint l'effet de son hypothèque, et lui interdit toute demande en revision des autres collocations, qui demeurent ainsi irrévocablement acquises aux créanciers qui les ont obtenues; Rejette, etc. + Du 19 déc. 1911. Ch. civ. MM. Baudouin, ler prés. ; Delcurrou, rapp.; Mérillon, av. gen. (concl. conf.); Panhard et de Lalande, av. a se ser (1-2) L'arrêt ci-dessus, qui décide très nettement que celui auquel a été confiée la garde d'un animal, pour en faire, par lui-même ou par ses préposés, l'usage que comporte l'exercice de sa profession, doit être considéré comme vant de l'animal, au sens de l'art. 1385, C. civ., et est, comme tel, responsable des accidents occasionnés par l'animal pendant qu'il est sous sa garde, à l'exclusion du propriétaire (V. sur le caractère alternatif de la responsabilité édictée par l'art. 1885, O. civ., Agen, 22 juin 1911, S. et P. 1912.2.76; Pand. pér., 1912.2.76, et les renvois. Adde, la note de M. Charmont sous Cass. 30 déc. 1907, S. et P. 1909.1.377; Pand. pér., 1909.1.377, avec les renvois; et les autorités citées en note sous Cass. 19 janv. 1910, 2 arrêts, S. et P. 1910.1.375; Pand. pér., 1910.1.375), mérite d'autant plus d'attirer l'attention que les précédents arrêts, par lesquels la Cour de cassation avait déjà donné la même solution (V. Cass. 14 frim. an 14, motifs, S. et P. chr.; 3 déc. 1872, S. 1872.1.402. P. 1872.1091, et la note; Pand. chr.), n'avaient pas mis fin à la controverse qu'avaient fait naître les expressions de l'art. 1385 : « celui qui se sert de l'animal, pendant qu'il est à son usage ». D'après une autre interprétation, enseignée par un grand nombre d'auteurs, et suivie par beaucoup d'arrêts, la responsabilité édictée par l'art. 1385, exorbitante du droit commun, puisqu'elle repose sur une présomption légale de faute (V. Cass. 2 juill. 1902, S. et P. 1902.1.448; Pand. pér., 1902. 7.19; Douai, 19 nov. 1906, S. et P. 1907.2.63, et les renvois), ne peut être étendue au delà des termes de cet article. Or, on ne peut dire que celui auquel est confié un animal, même moyennant rétribution, pour le garder et lui donner des soins, puisse être considéré comme s'en servant, au sens de l'art. 1885. V. en ce sens, Paris, CASS-CIV. 2 mai 1911. RESPONSABILITÉ CIVILE OU PÉNALE, ANIMAL, GARDE, ACCIDENT, CONDUCTEUR DE BESTIAUX, ACTE DE LA PROFESSION (Rép., vo Responsabilité civile, n. 815 et s., 859 et s.; Pand. Rép., n. 53 et s., 104 et s.). Doit être considéré comme se servant d'un animal, au sens de l'art. 1385, C. civ., et, par suite, comme responsable du dommage causé par cet animal, celui qui, par lui-même ou par ses préposés, en fait l'usage que comporte l'exercice de sa profession (1) (C. civ., 1385). Spécialement, l'entrepreneur de débarquement, qui s'est chargé de conduire des bestiaux d'une gare de chemins de fer à un marché, est responsable, en vertu de l'art. 1385, C. civ., de l'accident causé par un de ces animaux, au cours de cette opération, qui rentrait dans l'exercice de sa profession et plaçait l'animal sous sa garde, à l'individu qu'il avait embauché pour conduire l'animal (2) (Id.). (Vve Delbreil C. Mathé). Le tribunal civil de la Seine a rendu, le 23 janv. 1907, le jugement suivant : Le Tribunal; Attendu que, suivant exploit en date du 27 févr. 1905, la veuve Delbreil a formé contre Mathé une demande en paiement de 25.000 fr., à titre de dommages-intérêts, à raison d'un accident dont son mari a été victime à la date du 10 mars 1903; Attendu que la présomption légale de faute, établie par 10 mars 1892 (S. et P. 1892.2.255); Orléans, 10 déc. 1896 (S. et P. 1897.2.52); Douai, 31 mars 1908 (S. et P. 1905.2.166); Rennes, 19 mars 1907 (S. et P. 1907.2.168). Adde, Huc, Comment. du C. civ., t. 8, n. 450; Baudry-Lacantinerie et Barde, Obligations, 3 éd., t. 4, n. 2944, p. 659; Ripert, Rev. crit., 1908, p. 205 et s. Dans cette opinion, l'art. 1385 a notamment été déclaré inapplicable : a) au conducteur attitré de bestiaux dans un marché (V. Paris, 10 mars 1892, précité); b) au vétérinaire chargé de donner des soins à un animal (V. Paris, 26 oct. 1905, Gaz. Trib., 19 déc. 1905; adde, Baudry-Lacantinerie et Barde, op. et loc. cit.); c) au cantonnier municipal chargé de garder les chevaux aux stations de voitures (V. Paris, 16 nov. 1905; Pand. pér., 1906.2.49): d) à l'aubergiste qui reçoit dans ses écuries les chevaux des voyageurs. V. Orléans, 10 déc. 1896, Douai, 31 mars 1903, et Rennes, 19 mars 1907, précités. V. au surplus, les renvois de la note, n. VII, de M. Wahl, sous Cass. Belgique, 16 oct. 1902 (S. et P. 1906.4.25). Comme nous l'avons déjà rappelé, la Cour de cassation n'a jamais admis que l'art. 1385 comportât une interprétation aussi restrictive. Par l'arrêt ci-dessus, comme par les arrêts précités du 14 frim. an 14 et du 3 déc. 1872, elle décide que celui qui assume la garde d'un animal, pour lui donner les soins ou exercer sur lui la surveillance que comporte sa profession, se sert de l'animal, et doit être tenu comme en ayant momentanément l'usage, au sens de l'art. 1385. Les arrêts de la Cour de cassation se bornent à affirmer le principe, mais le motif qui inspire ses décisions est, de toute évidence, que la disposition de l'art. 1885 repose sur l'idée que le dommage causé par l'animal est le résultat de la négligence apportée dans la surveillance, et que l'art. 1885 a entendu mettre l'art. 1385, C. civ., ne l'est qu'à l'égard des propriétaires des animaux auteurs du dommage, ou de ceux qui s'en servent; Attendu que ce serait altérer le sens dudit article que d'étendre sa présomption à l'encontre des personnes qui n'ont qu'une garde momentanée des animaux sans pouvoir s'en servir; - Attendu que Mathé ne recevait point le bouf, cause de l'accident de Delbreil, pour en faire usage, mais seulement pour en opérer le débarquement et la conduite à un endroit désigné par le commissionnaire chargé de la vente de cet animal: Attendu que, dans ces conditions, Mathé ne saurait être déclaré responsable de l'accident survenu à Delbreil; - Attendu que celui-ci ou son représentant ne prouve ni n'offre de prouver aucune faute ou négligence de Mathé; qu'il se borne à invoquer le bénéfice de l'art. 1385, C. civ. ; Déclare la dame veuve Delbreil mal fondée en sa demande; l'en déboute ». Sur appel de Mme veuve Delbreil, la Cour de Paris a confirmé ce jugement par arrêt du 28 avril 1908, ainsi conçu -- La Cour; — Considérant que Delbreil est mort des suites d'une blessure recue lorsqu'il aidait au débarquement d'un boeuf; qu'il avait été embauché pour ce faire par Mathé, qu'un commissionnaire avait chargé de conduire ensuite l'animal au lieu où celui-ci devait être vendu; que la veuve Delbreil réclame des dommagesintérêts à Mathé, en invoquant purement et simplement l'art. 1385, C. civ.; Mais attendu que c'est avec raison que le tribunal a la responsabilité à la charge de celui qui a le droit et le devoir de surveiller l'animal. V. dans le même sens, Montpellier, 2 févr. 1899 (S. et P. 1899.2.100; Pand. per., 1900.2.96); Poitiers, 7 déc. 1903 (S. et P. 1904.2.99). La Cour de cassation, et les arrêts qui ont suivi sa doctrine, ont notamment fait application de la présomption de faute de l'art. 1385: a) au maréchal ferrant chargé de ferrer un cheval (V. Cass. 3 déc. 1872, précité; Rouen, 7 avril 1906, Rec. de Rouen, 1906.1.59); b) au concessionnaire communal de la garde des chevaux et voitures en stationnement près d'un marché (V. Paris, 13 janv. 1892, S. et P. 1892.2.200; Pand. pér., 1892.2.855); c) au pâtre communal auquel des animaux ont été confiés par leur propriétaire (V. Cass. 14 frim. an 11, précité); d) à l'aubergiste qui accepte la garde des chevaux des voyageurs. V. Montpellier, 2 févr. 1899, précité; C. sup. de justice de Luxembourg, 15 déc. 1899 (S. et P. 1901.4.20); Poitiers, 7 doc. 1903, précité. V. au surplus, les renvois de la note, n. VII, de M. Wahl sous Cass. Belgique, 16 oct. 1902, précité; et Sourdat, op. cit., t. 2, n. 1135 et 1486. Et, si les arrêts précités de la chambre civile du 19 janv. 1910 ont refusé de mettre à la charge d'un vétérinaire la responsabilité de l'accident occasionné par un cheval auquel il donnait des soins, et laissé la responsabilité de cet accident à la charge du propriétaire, c'est parce que, le domestique du propriétaire ayant accompagné le cheval chez le vétérinaire, il résultait des circonstances de la cause, souverainement appréciées par les juges du fond, que le propriétaire du cheval ou son préposé n'en avaient, à aucun moment, abandonné la garde au vétérinaire. V. d'ailleurs la note sous ces arrêts. Adde, Demogue, Rev, trim, de dr. civ., 1911, p. 442. repoussé cette demande; qu'on ne saurait, en effet, soutenir qu'au moment où Delbreil a été blessé, Mathé se servait de l'animal, au sens de l'article ci-dessus visé ; Adoptant, au surplus, les motifs des premiers juges, en tant que non contraires; Confirme, etc. ». POURVOI en cassation par Mme veuve Delbreil. Moyen unique. Violation des art. 1385, C. civ., et 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'appliquer la présomption de faute édictée par l'art. 1385 à une personne qui se servait d'un animal, cause d'un accident, en vertu d'un contrat passé par elle avec le propriétaire de l'animal, contrat qui plaçait l'animal sous sa garde et sa surveillance exclusives, avec charge d'en opérer le maniement. ARRÊT (ap. délib. en ch. du cons.). LA COUR; Vu l'art. 1385, C. civ.; Attendu que l'art. 1385, C. civ., déclare responsable du dommage causé par un animal celui qui en est le propriétaire ou celui qui s'en sert; Attendu doit que être considéré comme se servant de l'animal, au sens de l'article susvisé, celui qui, par lui-même ou par ses préposés, en fait l'usage que comporte l'exercice de sa profession: Attendu que, des qualités et des motifs de l'arrêt attaqué, il résulte que Mathé, entrepreneur de débarquement, avait été chargé de débarquer d'un wagon à la gare de la Villette et de conduire à un endroit désigné un bœuf qui devait être vendu; Attendu que, pour cette opération, qui rentrait dans l'exercice de sa profession et plaçait l'animal sous sa garde, il avait embauché Delbreil, qui, en y procédant, fut blessé par le boeuf d'un coup de corne, et mourut à la suite de cet accident; Attendu que, statuant sur la demande de dommagesintérêts formée par la veuve Delbreil, l'arrêt attaqué a débouté celle-ci, par l'unique motif que, sans alléguer aucune faute imputable à Mathé, elle invoquait purement et simplement l'art. 1385, et « qu'on ne saurait soutenir qu'au moment où Delbreil a été blessé, Mathé se servait de l'animal, au sens de l'article susvisé » ; Attendu que, par cette décision, l'arrêt a violé l'article ci-dessus visé; Casse, etc. Du 2 mai 1911. Ch. civ. MM. Ballot-Beaupré, ler prés.; Cottignies, rapp.; Mérillon, av. gén. (concl. conf.); Raynal.av. (1) Ce ne peut être qu'à l'aide des constatations de la décision attaquée et des pièces produites devant elle que la Cour de cassation peut apprécier si la fin de non-recevoir opposée au pourvoi, et tirée du défaut d'intérêt, est justifiée. V. Faye, La Cour de cass., n. 45; Crépon, Pourvoi en cass., t. 1er, p. 568, n. 1118; et notre Rép. gén. du dr. fr., v Cassation [mat. civ.], n. 1074; Pand. Rep., v° Cassation civile, n. 1130 et 1838. (2-3-4) Si les biens acquis à titre onéreux au cours de la communauté réduite aux acquêts contituent en principe des acquêts (V. Cass. 19 déc. 1894, S. et P. 1895.1.124; adde, Aubry et Rau, 4 éd., t. 5, p. 448, § 522), il en est autrement, quand l'acquisition a eu lieu à titre de remploi CASS.-CIV. 27 juin 1912. 1o CASSATION, POURVOI, FIN DE NON-RECEVOIR, INTÉRÊT (DÉFAUT D'), MOYEN MÉLANGÉ DE FAIT (Rép., v° Cassation [mat. civ.], n. 1074; Pand. Rép., vo Cassation civile, n. 1130 et 1838). 2o COMMUNAUTÉ CONJUGALE, COMMUNAUTÉ D'ACQUÊTS, ACQUISITION A TITRE ONÉREUX, PROPRES, REMPLOI, RÉCOMPENSE, CONTRADICTION (Rép., vo Communauté conjugale, n. 2558 et s.; Pand. Rép., vo Mariage, n. 3983, 4959 et s.). 1o La fin de non-recevoir, tirée du défaut d'intérêt du pourvoi, ne saurait être accueillie, alors qu'elle repose sur des calculs produits pour la première fois devant la Cour de cassation, et dont celle-ci n'est pas en mesure de vérifier l'exactitude (1). 2° Sous le régime de la communauté réduite aux acquets, les meubles ou immeubles, acquis à titre onéreux au cours du mariage, forment des acquêts (2) (C. civ., 1408). Il n'en est autrement qu'autant que l'ac quisition a eu lieu, à titre de remploi, au moyen de deniers provenant de l'aliénation d'un propre, et avec l'accomplissement des formalités requises par les art. 1434 et 1435, C. civ., applicables, par analogie, aux propres mobiliers (3) (C. civ., 1434, 1435). Un arrêt ne peut donc, tout en déclarant que des obligations de chemin de fer ont été acquises par les époux, au cours du mariage, pour le remploi d'immeubles ou valeurs mobilières propres à la femme, décider que les héritiers de la femme décédée doivent faire récompense à la communauté de la somme employée à l'achat des obligations, ce qui implique que cette somme avait été prise sur les fonds de la communauté, et est en contradiction avec l'existence d'un remploi, affirmé par l'arrêt (4) (C. civ., 1408, 1434, 1435, 1437; L. 20 avril 1810, art. 7). de biens appartenant en propre à l'un des époux, conformément aux art. 1434 et 1435, C. civ. V. Cass. 19 déc. 1894, précité, et le renvoi. Adde, Aubry et Rau, 4o éd., t. 5, p. 449 et s., § 522, texte et note 11; Guillouard, Contr. de mar., t. 3, n. 1462 et s.; Baudry-Lacantinerie, Le Courtois et Surville, Id., 3 éd., t. 2, n. 1294 et 1298; notre C. civ. annoté, par Fuzier-Herman et Darras, sur l'art. 1498, n. 46, et Suppl., par Griffond, eod. loc., n. 28 et s.; et notre Rép. gén. du dr. fr., vo Communauté conjugale, n. 2558 et s.; Pand. Rep., v Mariage, n. 3980 et s., 4959 et s. Lorsque les juges constatent qu'au cours de la communauté d'acquêts, un bien a été acquis en remploi d'un propre de l'un des époux, cette constatation im Sur le moyen Et statuant au fond; principal de cassation : Vu les art. 1484 et 1435, C. civ.; - Attendu que, sous le régime de la communauté réduite aux acquêts, les meubles ou immeubles, acquis à titre onéreux au cours du mariage, forment des acquêts; qu'il n'en est autrement qu'autant que l'acquisition a eu lieu, à titre de remploi, au moyen de deniers provenant de l'aliénation d'un propre, et avec l'accomplissement des formalités requises par les art. 1434 et 1435, C. civ., applicables par analogie aux propres mobiliers; Attendu qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué qu'après le décès de la dame Bonnet-Lalande, mariée sous le régime de la communauté réduite aux acquêts, et à la suite de la renonciation par ses ayants cause à la communauté, il a été procédé, par un notaire à ce commis, à la liquidation des reprises de ladite dame; que Bonnet-Lalande, son mari, aujourd'hui représenté par la veuve JeanBaptiste-Léon Bonnet-Lalande et par la veuve Christin, a critiqué le travail de l'officier public, en ce que celui-ci avait considéré comme constituant, non un bien de communauté, mais un propre de la dame Bonnet-Lalande, un certificat de 27 obligations de la Comp. du chemin de fer d'Orléans, et avait ordonné la remise en nature de ce titre aux ayants cause de ladite dame; - Attendu que, pour rejeter ce contredit, la Cour de Bordeaux se fonde sur ce qu'il serait hors de doute que les obligations litigieuses avaient été acquises en vertu d'un commun accord des époux Bonnet-Lalande, et pour le remploi des sommes provenant d'immeubles ou de valeurs mobilières qui appartenaient en propre à la dame Bonnet-Lalande »; mais qu'elle juge, en même temps, qu'il y avait lieu d'obliger les héritiers de la dame Bonnet-Lalande à faire récompense à la communauté du montant intégral de la somme appliquée à l'achat des obligations; que cette dernière solution implique nécessairement que les fonds ayant servi à l'acquisition provenaient, non des biens personnels de la dame Bonnet-Lalande, mais de la communauté, et qu'elle est, par suite, incompatible avec l'existence d'un remploi qu'en statuant ainsi, la Cour de Bordeaux n'a pas donné de base légale à sa décision, et a violé, par fausse application, les articles de loi susvisés; Sans qu'il soit nécessaire d'examiner le moyen additionnel; Casse..., mais seulement plique par elle-même qu'il n'a pas été fait de prélèvement sur les deniers de la communauté d'acquêts pour payer le prix de l'acquisition. Il y a donc, en ce cas, de leur part, contradiction à imposer à l'époux, au nom duquel a été effectué le remploi, de faire récompense à la communauté du montant de la somme employée à l'acquisition, la récompense supposant un profit personnel tiré par l'époux des biens de la communauté (C. civ., 1437); la décision qui consacre ces deux solutions encourt la cassation, soit pour manque de base légale, soit pour contradiction de motifs. V. sur la nullité résultant de la contradiction de motifs, Cass. 16 mars 1910 (S. et P. 1912.1.519; Pand. per., 1912.1.519), et les renvois. au chef relatif aux obligations de la Comp. du chemin de fer d'Orléans, etc. Du 27 juin 1912. - Ch. civ. MM. Baudouin, ler prés.; Rau, rapp.; Lombard, av. gén. (concl. conf.); de Lapanouse et Marcilhacy, av. CASS.-CIV. 26 octobre 1910. COMMUNAUTÉ CONJUGALE, RÉCOMPENSE, CONSTITUTION DE RENTE VIAGÈRE PROPRE, EVALUATION DE LA RÉCOMPENSE, CHOSE JUGÉE (Rép., v Communauté conjugale, n. 97 et s., 2547 et s.; Pand. Rép., v Mariage, n. 4060 et s., 6304 et s.). La récompense due par un époux qui a tiré un profit personnel des biens de la communauté ne saurait, quel que soit le profit réalisé par cet époux, exceder ce que la communauté a déboursé pour lui (1) (C. civ., 1437). (1 à 4) Lorsqu'au moyen d'une somme d'argent versée par la communauté, l'un des époux a assuré à son patrimoine propre un enrichissement, qui, à la dissolution de la communauté, se trouve, par extraordinaire, supérieur à la somme déboursée, la récompense due à la communauté, lors de sa dissolution, doit-elle être de tout le profit qui se trouve alors réalisé par l'époux? ou, au contraire, doit-elle être, en ce cas, limitée à la somme déboursée par la communauté? L'arrêt, objet du pourvoi, affirmait que l'indemnité doit être égale au profit personnel que l'époux a tiré de la communauté, et non à l'impense faite par celle-ci ». a Cette interprétation de l'art. 1437, C. civ., a été condamnée avec raison par la Cour suprême. Elle n'est conforme, ni à l'esprit, ni même à la lettre de ce texte. Elle est d'ailleurs contraire à la tradition historique, si bien résumée par Pothier dans sa troisième règle : « La récompense n'excède pas ce qu'il en a coûté à la communauté, quelque grand qu'ait été le profit que le conjoint a retiré (Pothier, Tr. de la commun., n. 613, éd. Bugnet, t. 7, p. 320, approuvé sur ce point par son annotateur, loc. cit., note 2). Telle paraît bien être l'idée dominante de l'art. 1437: Toutes les fois qu'il est pris sur la communauté une somme, soit pour acquitter les dettes ou charges personnelles à l'un des époux..., soit pour le recouvrement..., et généralement toutes les fois que l'un des époux a tiré un profit personnel des biens de la communauté, il en doit la récompense ». D'où l'on a conclu que la loi n'accorde jamais à la communauté plus que la restitution de la somme déboursée. Encore ne lui permet-elle de la réclamer que jusqu'à concurrence du profit retiré par l'époux (2o principe formulé par Pothier, loc. cit.). La récompense du profit tiré de la communauté suppose tout à la fois un enrichissement, d'une part, un appauvrissement, de l'autre. Elle est doublement limitée par l'appauvrissement de la communauté et l'enrichissement du conjoint. S'il a surgi des controverses, ce n'est pas sur le principe même, mais sur son application. On a discuté, par exemple, sur l'existence même d'un véritable appauvrissement, quand il résulte d'une convention que la communauté n'a sacrifié que des revenus (V. Caen, 29 nov. 1909, infra, 2° part. p. 17, et la note de M. Le Courtois), ou encore sur l'étendue d'un enrichissement incontesté, comme au cas où, des améliorations ayant été apportées à Spécialement, la récompense due par un époux, au profit duquel une rente viagère a été constituée des deniers de la communauté, ne saurait être fixée à un chiffre supérieur à la somme déboursée μαν la communauté, sous prétexte que la constitution de la rente viagère aurait coûte plus cher à l'époque de la dissolution de la communauté qu'à l'époque où elle a eu lieu (2) (Id.). Pour faire échec à cette règle, les juges ne sauraient alléguer qu'il y avait, quant au chiffre de la récompense, chose jugée, résultant d'un jugement et d'un arrêt confir matif, qui avaient décidé que l'époux béné ficiaire de la rente devait rapporter, à titre de récompense, la somme représentant, vu son âge, d'après les tables de Deparcieux, la valeur de cette rente à la dissolution de la communauté, dès lors que cette somme devant varier d'après le taux de capitalisation, ce jugement et cet arrêt n'avaient rien prescrit en ce qui concernait ce taux (3) (C. civ., 1351; L. 20 avril 1810, art. 7). un immeuble propre, la plus-value -ce qui est le cas le plus fréquent se trouve notablement inférieure à la dépense. Quelques jurisconsultes ont soutenu que, dans ce cas, l'enrichissement ne consistait pas seulement dans l'augmentation de la valeur de l'immeuble, que cet enrichissement égalerait la totalité de la somme déboursée, du moins si l'époux avait lui-même voulu faire la dépense, et qu'il aurait dû, par conséquent, la payer intégralement comme une dette personnelle, si elle n'avait pas été acquittée par la communauté. V. Bugnet, sur Pothier, Tr. de la commun., t. 7, p. 330, note 1, sous le n. 336; Rodière et Pont, Contr. de mar., t. 2, n. 960; Laurent, Princ. de dr. civ., t. 22, n. 478. V. toutefois en ce sens que la récompense n'est alors que du montant de la plus-value, Cass. 14 mars 1877 (S. 1878.1.5. P. 1878.5); Caen, 29 nov. 1881 (S. 1884.2.145. P. 1884.1.749); Paris, 27 févr. 1901 (S. et P. 1901.2.127); adde, les arrêts et autorités cités sous Cass. 22 oct. 1889 (S. 1890.1.55.-P. 1890.1.123); et Baudry-Lacantinerie, Le Courtois et Surville, Tr. du contr. de mar., 3o éd., t. 1o, n. 844. Mais, malgré quelques rares tentatives, on n'a pu réussir à faire prévaloir cette opinion que la récompense doit être de tout le profit, si, par extraordinaire, il excède les débours de la communauté. V. Cass. 22 oct. 1889, précité, et la note; Rouen, 10 févr. 1909 (S. et P. 1910.2.81; Pand. pér., 1910.2.81), et la note de M. Dalmbert, La Cour d'appel semble, en l'espèce, avoir été entraînée à forcer le sens de l'art. 1437 par la préoccupation d'annihiler l'effet de la disposition du jugement de 1902, qui avait attribué à la rente viagère le caractère d'un bien propre. Déjà, en 1904, par un jugement que la Cour avait confirmé, le tribunal avait déclaré que la rente viagère constituée au profit de la femme avec les deniers de la communauté aurait dû être considérée comme une valeur commune, mais que, puisqu'il y avait chose jugée sur ce point, la rente lui restant propre, elle rapporterait à la masse partageable la valeur de cette rente à l'époque de la dissolution de la communauté. En 1906, la même liquidation lui étant de nouveau soumise, le tribunal a cru devoir interpréter la chose jugée en 1904, en ce sens que la femme survivante devrait récompense à la communauté de toute la somme qui aurait été nécessaire, d'après la table de Deparcieux, pour l'acquisition de ladite rente, au jour de la dissolution de la communauté. Sans doute, si cette rente eût été une Dans ces circonstances, il ne pouvait y avoir chose jugée quant au taux de capitalisation, et les juges devaient rechercher quel était, à l'époque de la constitution de la rente, le taux de capitalisation, qui devait être le même à la date de la dissolution, et établir d'après ce taux le calcul de la valeur de la rente à l'époque de la dissolution de la communauté; en ne procédant pas ainsi, ils n'ont pas légalement justifié leur décision, et ont méconnu aussi le principe de l'autorité de la chose jugée (4) (Id.). (Dame Lassalle C. Lassalle). Les époux Lassalle s'étaient mariés en 1874, sans avoir fait de contrat de mariage. Par jugement du 28 févr. 1901, le tribunal de St-Pol a prononcé au profit de Mme Lassalle la séparation de corps et de biens, en reportant au 7 mars 1900 la date de la dissolution de la communauté. Ce jugement a été confirmé par un arrêt de la Cour d'appel de Douai, en date du 12 nov. valeur commune, il aurait été logique de la mettre au lot de la femme ou de la lui attribuer en paiement de ses reprises pour la somme qu'il aurait fallu verser à la Comp. d'assurances, au moment de la dissolution de la communauté, pour en acquérir une pareille. Mais, la chose jugée l'ayant classée parmi les biens propres à la femme, les règles de la matière des récompenses étaient seules applicables. Or, il serait choquant que la communauté, après avoir recueilli, pendant une série d'années, les arrérages de la rente, c'est-à-dire des revenus bien supérieurs aux intérêts que le capital déboursé pour la création de la rente aurait produits, eût droit à une récompense supérieure à ses déboursés. Et cela, alors que, tout au contraire, d'après la jurisprudence, la communauté, quand un propre a été aliéné moyennant une rente viagère, doit récompense à l'époux survivant de la différence entre les arrérages qu'elle a perçus et le revenu moyen qu'elle aurait tiré de l'immeuble, s'il eût été conservé. V. Cass. 1er avril 1868 (S. 1868.1.253. – P. 1868.630); Lyon, 17 févr. 1870 (S. 1870.2. 305. P. 1870.1153); Cass. 8 avril 1872 (S. 1872. 1.224. P. 1872.537); Bordeaux, 17 déc. 1873 (S. 1874.2.213. - P. 1874.992). La Cour de cassation n'a pas eu, en la cause, à aborder cette thèse. Il lui a suffi d'établir que l'arrêt attaqué avait attribué à la chose jugée une étendue qu'elle n'avait pas en réalité. Si les décisions de 1904 avaient ordonné définitivement que la récompense serait évaluée, en appréciant la survivance éventuelle de la rentière, d'après les tables de Deparcieux, il ne s'agissait nullement de se placer aussi à l'époque de la dissolution de la communauté pour déterminer le taux de capitalisation. Dès lors, le droit commun reprenait ses droits. Si, pour apprécier la récompense, il faut considérer séparément le temps durant lequel la rente viagère devait vraisemblablement survivre à la communauté d'après l'âge de la rentière au jour où ladite communauté s'est dissoute, la rente, pour toute sa durée a été acquise sur un taux unique de capitalisation, celui de l'époque où elle a été constituée, en l'espèce, en 1892. Ainsi s'est trouvée condamnée, au point de vue de la théorie des récompenses, l'exagération à laquelle les juges du fait s'étaient laissé entraîner sous l'influence des circonstances particulières de la cause. J. L. C. |