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(Delépine). Le nommé Dury, forçat évadé, qui avait été condamné à deux reprises sous le nom de Delépine, qu'il avait usurpé, pour des délits de coups et blessures et de complicité de vol par lui commis, ayant été arrêté à raison d'un délit d'insoumission imputé à Delépine, s'est laissé condamner pour ce délit, le 31 mai 1910, par le conseil de guerre de Bourges, à 15 jours d'emprisonnement, sans révéler sa véritable identité. Cltérieurement, à l'occasion de nouvelles poursuites dirigées contre lui pour un meurtre, son identité ayant été révélée, une procédure en rectification de casier judiciaire, dans les termes de l'art. 14 de la loi du 5 août 1899, modifié par la loi du 11 juill. 1900, a été introduite devant le conseil de guerre de Bourges, qui, par jugement du 30 avril 1912, a décidé que la condamnation par lui prononcée, le 31 mai 1910, contre un individu ayant pris le nom de Delépine, ne s'appliquait pas audit Delépine, que le bulletin n. 1, qui avait été la suite de cette condamnation, serait détruit, et que mention de cette rectification serait faite sur la minute du jugement du 31 mai 1910.

Pourvoi en cassation par le commissaire du gouvernement près le conseil de guerre de Bourges. A l'appui de ce

pourvoi, il a été soutenu que l'erreur cominise par le conseil de guerre, dans le jugement du 31 mai 1910, ne pouvait être réparée que par la voie de la revision, et que c'était donc à tort que le conseil de guerre avait admis, par son jugement du 30 avril 1912, la demande en rectification de casier judiciaire portée devant lui, demande qui aurait dû être déclarée irrecevable.

ARRÈT. LA COUR; Sur la recevabilité du pourvoi : - Attendu que l'art. 144. C. just. milit., qui détermine les conditions dans lesquelles l'annulation des jugements peut étre poursuivie par le commissaire du gouvernement, se réfère uniquement aux art. 409 et 110. C. instr. crim., dans le cas d'acquittement de l'aci'usé, de son absolution ou de sa condamnation; - Or, attendu que le jugement attaqué s'est borné à décider, conformément aux dispositions de l'art. 14 de la loi du J août 1899, modifiée par la loi du 11 juill. 1900. que la condamnation prononcée, le 31 mai 1910, par le conseil de guerre de Bourges, ne s'appliquait pas audit Delépine, que le bulletin n. 1, qui en avait été la suite, serait détruit, et que la mention de cette rectification serait faite sur la minute du jugement en date du 31 mai 1910; Attendu

que, suivant l'art. 16 de la même loi, les pourvois en cassation contre les decisions de cette espèce ne peuvent être formés que suivant les règles ordinaires du droit; Attendu, d'autre part, que le jugement attaqué ne saurait être considéré comme un jugement dit de reconnaissance d'identité, au sens de l'art. 180, C. just. milit., conférant au commissaire du gouvernement le droit de se pourvoir en cassation, puisque la procédure suivie a eu uniquement pour but et pour effet l'annulation d'un bulletin n. 1. dressé au nom d'une personne sous l'état civil de laquelle une condamnation avait été indument prononcée, c'est-à-dire la rectification d'un casier judiciaire, prévue par l'art. 14 de la loi de 1899, susvisée, et non l'applicabilité de cette condamnation à un autre individu;

Attendu, dès lors, que le pourvoi du commissaire du gouvernement, fondé sur une prétendue violation des règles de la compétence, ne rentrant dans aucun des cas prévus par les art. 144 et 180. C. just. milit., doit être déclaré non recevable;

Déclare non recevable le pourvoi, etc.

Du 24 mai 1912. ---- Ch.crim. - MM. Bard, prés.; Roulier, rapp.; Seligman, av. gen.

CASS.-(RIM. 14 avril 1910. CASSATION, ARRÊT, GREFFIER, SIGNATURE,

avait été examinée, ni ses moyens de défense qui avaient été entendus; la condamnation lui était inapplicable : elle était imméritée.

Quant à l'objection qu'en substituant le nom véritable du condamné, le conseil de guerre de Bourges était amené à annuler son jugement, contrairement au principe fondamental de droit pénal qui exige pour cet effet l'intervention d'une juridiction supérieure, il n'y avait pas à s'y arrêter : elle n'était qu'apparente. En droit, la rectification de l'identité du condamné ne produisait pas l'effet de l'annulation du jugement qui avait été prononcé contre lui. Ce dernier subsiste comme décision judiciaire, avec les effets attachés en cette qualité à la charge du condamné. V. Cass. 20 juill. 1866 (s. 1870.2.65, ad notam. P. 1870.328, ad notam). Ce qui est modifié, c'est la présomption de vérité, résultant de cette décision. Il est devenu manifeste qu'une erreur judiciaire a été commise, et que l'on a condamné un innocent. Mais la manifestation de cette erreur ne fait point tomber par elle-même le jugement, qui reste debout, tant que n'a pas prononcé la juridiction qui est compétente pour l'annuler.

C'est au reste la procédure qui avait été suivie, sous l'empire des art. 518 et 8., C. instr. crim., dans cette affaire du tirailleur Taïeb-ben-Amar, condamné par le conseil de guerre d'Alger sous le nom et pour le délit du tirailleur Chaïeb-benAmar. Le conseil de guerre d'Alger procéda a la reconnaissance de l'identité du condamné, et déclara que l'individu qu'il avait condamné sous le nom de Chaieb-ben-Amar était en réalité le nommé Taieb-ben-Amar, auquel il déclara applicable la condamnation prononcée, * en attendant qu'il soit pris telles mesures que de droit pour l'annulation de cette condamnation ». Ce qui veut dire que, sans toucher au fond de son jugement, le conseil de guerre rectifiait l'erreur d'attribution que ce jugement renfermait, quoiqu'il fût désormais manifeste que la nouvelle attribution, si elle était conforme

à ce qui s'était passé à l'audience du tribunal, imputait à un innocent un délit qu'il n'avait pas commis. Par cette rectification, il ouvrait la voie à une procédure ultérieure, mais il n'accomplissait pas, il ne réalisait pas celle-ci. Les art. 518 et suiv., C. instr.crimn., auxquels on doit ajouter aujourd'hui l'art. 14 de la loi du 5 août 1899, n'ont ni la même portée ni les mêmes effets que l'art. 443,C. instr. crim.

Entre les deux opinions qui viennent d'être exposées, la Cour de cassation n'a pas eu à se prononcer. Elle a écarté, par une fin de non-recevoir tirée de l'art. 16, ajouté à la loi de 1899 par la loi du 11 juill. 1900, le pourvoi dont elle était saisie par le commissaire du gouvernement contre le jugement de rectification du conseil de guerre de Bourges. Ce pourvoi, ouvert seulement dans les termes du droit commun par ce texte, était en effet irrecevable, en vertu des dispositions du Code de justice militaire pour l'armée de terre qui délimitent les cas dans lesquels le commissaire du gouvernement peut se pourvoir en cassation (C. just. milit., 144, 180).C'était, en réalité, un pourvoi en revision que le commissaire du gouvernement avait adressé directement à la Cour de cassation, et qui, à ce titre, était non recevable, le ministre de la justice étant l'intermédiaire nécessaire pour transmettre à la Cour de cassation les requêtes de cette natnre. V. Cass. 23 févr. 1901 (S. et P. 1902. 1.477). Comp. Cass. 30 déc. 1910 (Bull. crim., n. 682). Impuissante, d'un autre côté, à transformer d'office le pourvoi en cassation en pourvoi en revision, la Cour de cassation ne pouvait que rendre un arrêt d'irrecevabilité, comme elle l'a fait.

Mais, si nous abordons la difficulté que son arrêt a laissée de côté, il nous semble que la question, assez compliquée en apparence, comportait une réponse très simple. En réalité, non pas une voie, mais deux voies étaient ouvertes pour réparer l'injustice commise, et remettre tout en ordre. On pouvait agir par application de l'art. 443, C. instr. crim., ou en vertu de l'art. !4 de la loi du 5 août

1:99, sauf à former ensuite une demande en revi. sion. La cause, en effet, avait deux aspects, ou, si on peut dire, deux côtés. Pour le forçat condamné pour un délit qu'il n'avait pas commis, il s'agissait d'une erreur judiciaire, dont la réparation ne pouvait être poursuivie qu'au moyen de l'art. 443, C. instr. crim. Pour l'insoumis, dont le nom avait été usurpé, il s'agissait simplement d'une erreur d'inscription à son casier, dont la rectification pouvait être immédiatement obtenue au moyen de l'art. 14 de la loi de 1899. Les deux voics ne s'excluaient pas l'une l'autre, parce que les intérêts qu'elles servaient à protéger ne se confondaient pas. Si le condamné pouvait se plaindre de l'erreur judiciaire dont il avait été victime, il ne pouvait pas, et on ne pouvait pas en son nom relever l'erreur d'inscription d'une condamnation qui ne figurait pas à son casier. Et, si l'individu, dont le nom avait été pris, pouvait protester contre la mention portée à son casier, il ne pouvait pas se plaindre de l'erreur judiciaire. Les deux domaines de la revision et de la rectification du casier judiciaire, habituellement distincts, se pénétraient donc dans l'hypothèse actuelle : ce qui en faisait la difficulté, ou plutôt la complexité, et ce qui aurait pu faire prendre au procureur général près la Cour de Dijon une initiative différente : celle d'une demande å fin de revision, adressée au ministre de la justice. Mais le conseil de guerre de Bourges, ayant été saisi par lui d'une requête en rectification de nom, ne pouvait faire autrement que de l'accueillir, quoiqu'elle ne dût pas tout remettre en ordre, mais découvrir et laisser irréparée l'erreur judiciaire. Il ne pouvait pas la rejeter, sous prétexte qu'il y avait une autre rectification à opérer qui dépassait sa compétence : car il n'y avait pas d'indivisibilité entre les deux erreure. Le conseil de guerre devait admettre la requête du procureur général; c'est ce qu'il a fait; et son jugement est irréprochable.

J.-A. Rolx.

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ONISSION, RÉPARATION, COMPÉTENCE, Nul- sistait la Cour lorsqu'il a été rendu (7) (Id.). de l'ordonn, du 15 janv. 1826, portant rėLITE (ABSENCE DE), DÉLAI DE RIGUEUR, La partie contre laquelle cet arret a été glement pour le service de la Cour de casREQUÊTE DU PROCUREUR GÉNÉRAL, INTER- rendu ne peut d'ailleurs étre admise, en sation : « Les rapporteurs remettront au VENTION, FIN DE NON-RECEVOIR (Rép., yo intervenant sur la requete du procureur greffe, chaque semaine, la rédaction des Cassation (mat. crim.], n. 888; Pand. Rép., general près la Cour de cassation, tendant motifs et du dispositif des arrêts rendus vo Cassation criminelle, n. 1677).

à faire ordonner l'apposition de la signa- sur leur rapport dans la semaine précé

ture du greffier, à demander la nullité de dente. Ces motifs et ce dispositif seront 1° Lorsqu'une omission purement male- l'arril, à raison du défaut de mention sur écrits de leur main dans la minute des rielle existe dans un arrêt de la Cour de la minute de l'assistance du grellier et des arrêts. La minute est signée du président, cassation, il appartient au procureur . noms des magistrals qui ont statu; en effet, du rapporteur et du greffier »; — Attendu néral de la signaler, et à la chambre ou cet arrèl ne pouvani donner ouverture å qu'il appert de la représentation des mielle s'est produite de la réparer (1) (Décr., aucun recours au profil de l'intervenant nutes visées dans la requête que deux ar30 mars 1808, art. 37 et 38).

comme partie principale,celui-ci ne peut in- rèts, rendus le 14 août 1909 par la Cour Il en est ainsi spécialement dans le cas voquer comme partie intervenante de pre- de cassation, chambre criminelle, dans la le greffier a omis de signer un arrêt (2) tendus moyens de nullité en lesquels il serait cause de Lelong, alors partie civile, contre (Id.).

irecevable comme partie principale (8). Russeil et Paré, visés pour timbre et enLa compétence de la chambre que lient le premier president n'existerait alors, par

registrés le 28 du inème mois, et rejetant (Lelong). -- ARRÈT. .

les pourvois formés par ledit Lelong conanalogie avec les dispositions de l'art. 38 LA COUR; Vu la requête présentée, tre deux arrêts de la Cour d'appel d'Andu décret du 30 mars 1808, que s'il

y

avait le 22 mars 1910, par M le procureur gé- gers, du 28 mai 1909, n'ont pas été signés impossibilité de donner la signature voulue néral, et tendant à ce que la Cour ordonne par le greftier qui assistait la Cour de caspar la loi (3) (Id.).

l'apposition de la signature du greffier aux sation ; Attendu que, comme celles des Les prescriptions de l'art. 41 de l'ordonn. minutes de deux arrêts du grelle 2364 art. 164, 196, 211, 231, 370, C. instr. crim., du 15 janv. 1826 n'édictant aucune nullité, et 2365, où elle a été omise; Vu les relatifs à la signature des jugements et arleur inobservation, et spécialement celle re- conclusions déposées par Lelong, partie rêts des tribunaux et des Cours, les preslative à la signature du greflier, ne sau. en cause aux deux arrêts, lesquelles ten- criptions de l'art. 11, sus-transcrit, de l'orrait mettre en cause l'existence même des dent notamment à voir dire que la cham- donn. du 15 janv. 1820 n'édictent aucune llicisions judiciaires, qui, du moment bre criminelle ne peut compétemment nullité; que leur inobservation ne saurait elles ont été régulièrement rendues et publi- statuer sur les réquisitions précitées; qu'en donc mettre en cause l'existence même quement prononcées, sont acquises aux par- tout cas, étant légalement inexistants, les- des décisions judiciaires, qui, du moment lies, el ne peuvent élre infirmées par des dits arrêts ne sauraient comporter aucune où elles ont été régulièrement rendues et vices de forme intervenus après coup (4)

régularisation; Sur la compétence : publiquement prononcées, sont acquises (Ordonn., 15 janv. 182, art. 41).

Attendu que, lorsqu'une omission pure- aux parties, et ne peuvent être infirmées Il n'en serait autrement que si le défaut ment matérielle existe dans un arrêt de la par des vices de forme intervenus après de signature rendait incertaine l'existence Cour de cassation, il appartient au pro- coup; qu'il n'en serait autrement que si le même de la décision de justice (5) (Id.). cureur général de la signaler, et à la défaut de signature rendait incertaine

Mais tel n'est pas le cas, lorsque l'arrel chambre où elle s'est produite d'ordonner l'existence mème de la décision de justice; de la Cour de cassation, sur lequel a été qu'elle soit réparée; que la compétence de qu'il n'en est pas ainsi en ce qui touche omise la signalure du grellier, a été signé la chambre que tient le premier président les arrêts visés, lesquels, dès l'origine, ont par le rapporteur, qui l'a écrit de sa main, n’existerait, par analogie avec les dispo- été revétus des signatures du rapporteur, et par le président (6) (Id.).

sitions de l'art. 38 du décret du 30 mars de la main duquel ils sont écrits, et du La loi n'edictant aucun délai de rigueur 1808, qu'en cas d'impossibilité de donner président; qu'ainsi, en l'espèce, n'affecpour l'opposition des signatures, il échel, en la signature voulue par la loi; que la tant pas les arrêts eux-mêmes, l'omission conséquence, pour la chambre de la Cour chambre criminelle est donc compétente de signature du greffier sur les minutes de cassation compolente,' d'ordonner que dans l'espèce;

représente une irrégularité purement mal'arrel, sur lequel la signature du greffier a Sur le défaut de signature du greffier : térielle, qui peut, par mesure d'ordre, ètre eli omise, sera signé par le greffier qui as- Attendu que, aux termes de l'art. 41 ultérieurement réparée; Attendu donc

(1 à 7) L'art. 41 de l'ordonn. du 15 janv. 1826, sur le service de la Cour de cassation, porte : « Les rapporteurs remettront au greffe, chaque semaine, la rédaction des motifs et du dispositif des arrêts rendus sur leur rapport dans la semaine précédente. Ces motifs et ce dispositif seront écrits de leur main dans la minute des arrêts. La minute est signée du président, du rapporteur et du greffier ». Ce texte ne spécitie pas quelles sont les conséquences de l'omission de l'une de ces formalités ; il ne précise pas non plus dans quel délai les signatures doivent être apposées. Rarement cet article a donné lieu à des applications de jurisprudence; et c'est probablement la première fois qu'il soulève une question litigieuso : celle-ci concerne la signature du greffier.

Fort justement, la chambre criminelle de la Cour de cassation a d'abord décidé qu'elle était compétente pour statuer sur l'incident soulevé par cette omission, et qu'il n'y avait pas lieu de le déférer, par application de l'art. 38 du décret du 30 mars 1808, « à la chambre que tient le premier président ». Il s'agissait, en etiet, d’une omission matérielle, que la chambre criminelle pouvait aisément réparer avec ses propres moyens, le greffier, dont la négligence avait occasionné la difli

culté, étant encore en excercice, et pouvant donner
sa signature.

Elle a décidé, en outre, que l'omission de la si-
gnature du greitier, lorsque l'authenticité de la
minute ne s'en trouvait pas atteinte, n'était pas
une cause de nullité de l'arrêt. Elle a appliqué à
ses propres jugements la jurisprudence qu'elle a
établie pour les jugements des tribunaux de po-
lice, des tribunaux correctionnels et des Cours
d'assises, donnant ainsi à l'art. 41 de l'ordonn.
de 1826 la même signification qu'aux art. 161,
196, 211, 234 et 370, C. instr. crim. : ce qui pa-
raît, en somme, assez logique. V. Cass. 26 nov.
1825 (S. et P. chr.); 2 avril 1810 (S. 1811.1.257.

P. 1842.1.278); Besançon, 11 août 1869 (S. 1871.2.33. – P. 1871.112), et les renvois ; Cass. 23 mai 1874 (Bull. crim., n. 144); 9 juill. 1875 (Bull. crim., n. 216); 21 févr. 1905 (Bull. crim., n. 88); et notre Rép. gen. du dr. fr., vo Jugement et arrêt (anat. civ. et comm.), n. 2465; Pand. Rip., bio Grefie-Greflier, n. 184 et s., 860, Jugements et arrêts, 11. 2722 et 2727. La Cour de cassation invo. que d'ailleurs un motif d'ordre général, qui paraît assez juste : les décisions judiciaires sont acquises aux parties du moment qu'elles ont été régulièrement rendues et publiquement prononcées; elles

ne peuvent pas dès lors être infirmées par des vices de forme, intervenus après coup, alors du moins qu'il s'agit d'irrégularités ne rendant pas incertaine l'existence même de la décision de jugtice. On peut observer, en effet, dans le Code d'instruction criminelle, que lorsque le législateur s'exprime sur ce point (art. 164), il sanctionne l'omission de la signature du greffier d'amende ou de prise à partie, suivant les cas, mais non de la nullité de la sentence intervenue.

La Cour de cassation a déclaré enfin qu'il n'existe aucun délai de rigueur pour l'apposition des signatures prescrites par l'art. 41 de l'ordonå. du 15 janv. 1826. On peut rapprocher de cette solution celle des arrêts (Cass. 21 mars 1885, Bull. crim., n. 98 ; 10 juill. 1896, Bull. crim., n. 231), qui ont décidé que le délai de vingt-quatre heures, fixé pour la signature des décisions de justice, en matière criminelle, correctionnelle et de simple police, n'est pas prescrit à peine de nullité.

(8) Il est certain que l'intervention ne saurait donner des droits plus érendus que la constitution de partie comme partie principale. Or, le pourvoi contre les arrêts de la Cour de cassation n'existe pas.

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SUBSTITUTION, REMISE DES FONDS (Rép., V Escroquerie, n. 396 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 593 et s.).

que, aucun délai de rigueur n'étant d'ailleurs édicté par la loi pour l'apposition des signatures, il échet d'ordonner que les arrêts précités du 14 août 1909 seront signés par le greffier qui assistait la Cour lorsqu'ils ont été rendus;

Sur les causes prétendues d'inexistence des mêmes arrêts, déduites, d'autre part, dans les conclusions de l'intervenant, du défaut de mention, sur les minutes, de l'assistance du greffier et des noms des juges qui ont statué : Attendu que les arrêts dont il s'agit, ne pouvant donner ouverture à aucun recours de la part de Lelong, celui-ci ne peut être adinis à invoquer, comme partie intervenante, de prétendus moyens de nullité en lesquels il serait irrecevable comme partie principale;

Rejette, sur tous les chefs, les conclusions de l'intervenant, et faisant droit à la requète du procureur général; le greffier, qui assistait la Cour à l'audience du 14 août 1909, signera et paraphera immédiatement les minutes des deux arrêts susvisés, et que mention en sera faite en marge desdits arrêts, etc.

Du 14 avril 1910. Ch. crim. MM. Bard, prés. ; Laurent-Atthalin, rapp.; Blondel, av. gen.

art. 80, C. instr. crim., et 360 du même Code, en ce que la décision attaquée a prononcé une condamnation pour un fait déjà réprimé par une condainnation antérieure : Attendu qu'il résulte de l'ordonnance attaquée que le demandeur, comparaissant, le 15 juill. 1909, devant le juge d'instruction de lire, a été condamné par ce magistrat à une amende de 100 fr., pour refus de déposer ledit jour, et que, par une ordonnance précédente, il avait été condamné par la même juridiction à la même peine, pour refus de déposer dans la même affaire à l'occasion dù même fait;

Attendu que le demandeur soutient à tort que le juge d'instruction de lire, en prononçant une condamnation contre le demandeur pour un fait déjà réprimé par une condamnation antérieure, dans des conditions identiques, aurait violé les articles de loi visés au moyen; que, chaque fois qu'un témoin est cité devant la justice, il lui doit sa déclaration sur les faits qui sont à sa connaissance, et qu'il résulte de ce qui précede que Champion a commis deux fois l'infraction à lui imputée; que, par suite, le principe non bis in idem était sans application dans la cause; - Rejette le pourvoi contre l'ordonnance du juge d'instruction de Vire, en date du 15 juill. 1909, etc.

Du 23 déc. 1910. Ch.crim.- MM. Bard, prés.; Berchon, rapp.; Blondel, av. gen.; Le Marois, av.

Dit que

L'arret portant confirmation d'un jugement correctionnel qui avait joint une e.cception il'incompetence au principal et cidé qu'il serait statué en même temps par Jeux décisions distinctes sur la competence et sur le fond, constitue une décision préparatoire, qui ne peut élre utilement frappée d'un pourvoi en cassation avant l'arrel idefiniti (3) (C. instr. crim., 416).

De même, lorsque le tribunal correctionnel ayant, par un premier jugement, joint au fond l'exception d'incompetence soulevée par les prévenus, pour ille slalué sur l'ume et sur l'autre, par deux jugements distincts et sépare's, sur les appels interjelés tant de celle décision que du jugement ultérieurement rendu sur la competence, la Cour, saisie de conclusions tendant à ce qu'il fut stalue tout d'abord sur l'appel interjelé contre le jugement qui a ordonné la jonction, a déclaré joindre l'incident au fond, tous droits des parties demeurant servés, par le motif qu'il n'était pas nécessaire aur droits de la difense de connaitre, avant d'aborder le débat sur la question de compétence, la décision de la Cour sur l'appel du premier jugement, cet arret, qui ne contient aucun préjugé sur le fond, et par lequel d'ailleurs la Cour a rendu une décision qui rentrail dans ses pouvoir's, doit élre rangé dans la classe des arrels préparatoires et d'instruction, contre lesquels le pourvoi n'est ouvert qu'après l'arrêt définitif sur le fond (1) Id.).

Toutefois, un pourvoi peut élre forme contre cet arrêt, en même temps que le pourvoi qui est dirigé contre l'arrêt rendu sur la competence, ce dernier pourvoi impliquant pour les demandeurs le droit de se prévaloir des nullités qui vicieraient la procedure sur laquelle cei arrel est intervenu (5) (Id.).

En effet, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, les dispositions de l'art. 416, C. instr. crim., doivent être entendues en ce sens que le pourvoi formé contre un arrel rendu sur la competence, qui, sur ce point, est définitis, ouvre le recours contre les décisions préparatoires et d'instruction qui ont précédé ledit arrêt (6) (Id.).

CASS.-CRIM. 23 décembre 1910.

ET

D

TÉMOINS EN MATIÈRE CORRECTIONNELLE

DE SIMPLE POLICE, REFUS DE DÉPOSER, CONDAMNATION, NOUVEAU REFUS, RÈGLE : ( NON BIS IN IDEM (Rép., v° Témoins, n. 224 et s., 411 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 442 et s.).

Chaque fois qu'un témoin est cité devant la justice, il doil diposer sur les faits qui sont à sa connaissance (1) (C. instr. crim., 80).

Par suite, un témoin, déjà condamné pour refus de déposer devant le juge d'instruction dans une affaire, encourt une nouvelle condamnation, à raisond'un nouveau resus de déposer dans la mome affaire devant le juge d'instruction (2) (Id.).

(Champion). – ARRET. LA COUR; Sur le moyen tiré de la violation de la chose jugée, et de la maxime non bis in idem, ainsi que des

CASS.-CRIM. 18 décembre 1908. 1° CASSATION, POURVOI, DECLINATOIRE, JONC'

TION AU FOND, ARRÊT PRÉPARATOIRE, FIN DE NON-RECEVOIR, ARRÈT SUR LA COMPÉTENCE, RECEVABILITÉ (Rép., vo Cassation (mat. crim.', n. 660; Pand. Rép., vo sation criminelle, n. 260 et s., 355). – 20 DECLINATOIRE, MATIÈRE CRIMINELLE, COMPÉTENCE, JONCTION AU FOND, APPEL, EXCES DE POUVOIR (Rép., yo Déclinatoire, n. 154 et s.; Pand. Rép., V" Compétence, n. 547).

3° ETRANGER, DÉLIT COMMIS EN FRANCE AU PRÉJUDICE D'UN ÉTRANGER (Rép., yo Etranger, n. 574 et s., 831 et s.; Pand. Rép., v° Instruction criminelle, n. 349 et s.).

- 4o ESCROQUERIE, LIEU DU DÉLIT, COMPETENCE, ETRANGER, MANOEUVRES FRAUDCLEUSES, MINE, VINERI, ECHANTILLONS,

(1-2) C'est la première fois, semble-t-il, que la Cour de cassation était appelée à résoudre la question; si on doit approuver sa solution, le motif sur lequel elle l'appuie, paraît au contraire critiquable.

La Cour de cassation pose, en effet, en principe que chaque fois qu'un témoin est cité devant la justice, il doit comparaître, et déposer sur les faits qui sont à sa connaissance. Il commet donc autant de délits successifs et différents qu'il a reçu de citations, auxquelles il n'a pas satisfait : ce qui est donner au délit réprimé par l'art. 80, C. instr. crim., le caractère de délit instantané. Nous pensons, au contraire, qu'il est préférable de ranger ce délit d'abstention, ou d'omission, parmi les délits continus. Le témoin convoqué, qui ne rend pas à la justice l'aide que celle-ci lui demande pour découvrir la vérité, est un rebelle ; il se constitue

en état de révolte et de rébellion contre l'autorité judiciaire. Tant que persiste cet état, le délit se continue. Comp. notre C. pen. annoté, par Garçon, sur l'art. 104, n. 57. On arrive à la même analyse, si on attache l'unité d'infraction, comme le font d'autres auteurs, à l'unité de dessein. V. la note de M. Roux, sous Cass. 29 mars 1900 (S. et P. 1902.1.297). Le délit sera alors, ou un délit continu, ou, ce qui est indifférent pour la peine, un délit continué. Le témoin récalcitrant, qui refuse son témoignage dans une affaire, réalise extérieurement une volonté criminelle unique; les citations réitérées du juge d'instruction ne font que le faire persévérer dans l'exécution de cette volonté unique ; il a décidé de ne pas témoigner; il ne té. moignera pas !

Mais, ceci posé, on arrive, tout au moins dans l'espèce actuelle, quoique par une autre voie, à la

même solution que la Cour de cassation. Il est, en effet, généralement reconnu que le délit continu, et aussi le délit continué, donne lieu à des répressions multipliées, lorsque les actes matériels répétés sont séparés entre eux par une condamnation pénale. V. not., Alimena, Diritto penale, p. 408. Ce que la seconde condamnation réprime, dans ce cas, c'est la portion du délit qui s'est écoulée après la première condam ion, et que celle-ci n'a pu atteindre, puisqu'elle lui est antérieure. On respecte ainsi la règle : non bis in idem ; et on respecte aussi le principe : un delit, une peine, parce que la poursuite du coupable suppose de sa part, s'il retourne sur la voie du délit, une nouvelle et plus énergique volonté criminelle. V. Alimena, op. et loc. cit.

(33 à 6) Il est de principe que le pourvoi en cassation contre les arrêts préparatoires ou d'ins

20 Si l'art. 172, C. proc., applicable à commis au préjudice d'un étranger (4) l'instruction criminelle, dispose que loute (C. instr. crim., 7, 63). demande en renvoi doit être jugée sommai- 4° D'autre purl, il suffit, à raison de la rement, sans pouvoir etre reservée ni joir:le nature complexe du délit d'escroquerie, au principal, celle rigle recoil exception, que les manæuvres frauduleuses qui en sont lorsque l'examen du fond est indispensable l'un des éléments essentiels aient été accompour apprécier la valeur de l'erception plies en France pour que les juges français d'incompetence soulevie (1) (C. proc., 172; soient competenis pour en connaitre (5)) (C. C. instr. crim., 416; L. 20 avril 1810, instr. crim., 5, 6, 7 et 63; C. pén., 405). art. 7).

Specialement, lorsque les propriétaires En ce cas, le juge peut joindre le dé- d'une mine, pour déterminer une société clinatoire au principal, et statuer en même elrangère à faire l'acquisition de celle temps sur l'une et l'autre question, mais par mine, ont remis à l'ingénieur chargé de deux décisions distinctes et séparées, aucune l'analyse des minerais riches, substitue's disposition de loi ne l'obligeant à surseoir aur minerais pauvres tirés de la mire, la à statuer sur le fond jusqu'à l'expiration juridiction française est competente pour des délais accordés au prévenu pour user,

connaitre du délit d'escroquerie ainsi à l'encontre de la décision intervenue sur commis, encore bien que la remise des la compétence, des voies de recours qui lui fonds ait eu lieu à l'étranger, celle remise sont ouvertes par la loi (2) (Id.).

n'étant que la conséquence de la manouvre Mais il y aurait, de sa part, erces de pou- sus-enoncée, qui a élé commise en France (6) voir et atteinte portée aux droits de la dé- (Id.). fense, si, la décision rendue sur la compe- Et, dans ces circonstances, le fait incritence ayant été frappée d'un appel, il pas- mine comme maneuvre frauduleuse ne sausail outre, au mipris de cet appel, diment rail être considéré comme un simple acte porté à sa connaissance, au jugement du préparatoire (7) (C. pen., 405). fond (3) (Id.).

(Simon et Laurent C. Fitch, Kemp 3o L'étranger, qui commet un délit en

et autres). France, est passible des peines portées par le Code penal, bien que ce délit ait elė MM. Albert Simon, Otto Simon et Auguste

Laurent ont été traduits devant le tribunal correctionnel de Foix sous la prévention d'escroquerie. Les prévenus ayant déposé des conclusions d'incompétence, le tribunal a rendu, le 5 juill. 1907, un jugement par lequel il a ordonné la jonction de cet incident au fond. Puis, le 9 aout suivant, ont été rendus deux jugements, l'un par lequel le tribunal rejetait le déclinatoire, l'autre par lequel il statuait au fond et prononçait la condamnation des prévenus. Ceux-ci ont interjeté appel du jugement du 5 juill. 1907, et du jugement du 9 août sur la compétence. Ils ont saisi la Cour de conclusions tendant à ce qu'il fùt statué tout d'abord sur l'appel interjeté contre le jugement du 5 juill. 1907. Par arrêt du 5 déc. 1907, la Cour a décidé de joindre cet incident au fond. Par un autre arrêt du 12 déc. 1907, la Cour a confirmé le jugement du 5 juill. 1907, et celui du 9 août 1907, qui était relatif à la compétence. Les prévenus,qui avaient fait défaut devant la Cour sur le chef de compétence, ont formé opposition. Le 26 févr. 1908, la Cour d'appel, statuant sur cette opposition, a rendu un nouvel arrêt, par lequel elle a maintenu sa décision sur la compétence.

Les prévenus se sont pourvus en cassi

truction n'est ouvert qu'après l'arrêt définitif. V. not., Cass. 26 avril 1856 (S. 1856.1.833. P. 1857.488); 3 févr. 1888 (S. 1889.1.284. P. 1889.1.682); 7 févr. 1896 (Bull. crim., n. 52); 5 août 1898 (S. et P. 1900.1.473); 8 sept. 1898 (S. et P. 1900.1.204); 26 juill. 1902 (S. et P. 1904. 1.204; Pand. per., 1903.1.387); 31 mai 1907 (Bull. crim., n. 248). C'est ce qui a été jugé spécialement pour l'arrêt qui joint le déclinatoire au fond. V. Cass. 26 avril 1856, précité. D'autre part, il est constant également que le pourvoi en cassation est immédiatement ouvert contre les arrêts interlocutoires. V. Cass. 14 déc. 1906 (S. et P. 1909.1.121; Pand. pér., 1909.1.421), et les renvois. Mais, dérogeant à la première règle, l'arrêt recueilli décide avec raison, à propos d'arrêts préparatoires, que le pourvoi est ouvert avant l'arrêt définitif, lorsqu'un pourvoi est formé contre un arrêt sur la compétence, et qu'il s'agit d'arrêts préparatoires antérieurs à cet arrêt interlocutoire sur la compétence. Il est, en effet, d'une bonne administration, lorsqu'un pourvoi est formé sur un incident, de porter en même temps devant la Cour de cassation les autres griefs que les parties élèvent contre les différentes décisions déjà rendues. L'accès de la Cour de cassation étant ouvert aux parties, il ne peut être qu'avantageux pour la marche du procés qu'elle examine dès lors tous les points qui sont en état de lui être soumis.

(1-2-3) La signification de l'art. 172, C. proc., applicable en matière criminelle comme en matière civile (V. Cass. 26 juill. 1902, S. et P. 1904.1.204, et les renvois; Pand. per., 1903.1.387), est controversée, lorsqu'il s'agit des juridictions du premier degré. On prétendait, en faveur des demandeurs, que le juge du premier degré, saisi d'un déclinatoire d'incompétence, ne pouvait en aucun cas joindre l'incident au principal, et statuer sur le tout par un seul jugement, même au moyen de dispositions distinctes; et on soutenait.qu'il devait rendre deux jugements, séparés par un délai de huitaine, afin de perinettre à la partie intéres

sée de faire appel contre le jugement rendu sur la compétence. Cette opinion a été vivement défendue par les auteurs, et accueillie en jurisprudence par les Cours d'appel. V. les autorités citées en note sous Cass. 30 déc. 1884 (S. 1886.1.209. - P. 1886. 1.508). Adde, Garsonnet, Tr. de proc., 2° éd., par Cézar-Bru, t. 2, § 746. V. aussi, Cass. 3 avril 1895 (S. et P. 1897.1.127; Pand. pér., 1896.1. 399). Mais la Cour de cassation, non saps quelques hésitations, s'est ralliée depuis longtemps et une interprétation différente de l'art. 172, C. proc.

Elle admet : 1° que, lorsque l'appréciation des moyens d'incompétence est indivisible avec l'examen du fond, le juge peut statuer sur la competence et sur le fond par un seul et même jugement ou arrêt, pourvu que ce soit par des dispositions distinctes. (V. Cass. 20 juill. 1902, précite, et les renvois); 2° que, lorsque, sans que le jugement de l'incident soit indivisible avec le jugement du fond, il est nécessaire, pour apprécier le moyen de compétence, de joindre le décinatoire au principal, la jonction peut être ordonnée, sous la réserve de statuer sur l'une et l'autre questions par deux décisions distinctes (V. Cass. 24 nov. 1887, S. 1888.1.96. – P. 1888.1.193 ; Pand. per., 1888.1.284), et sans qu'il soit nécessaire de mettre un intervalle entre ces deux décisions. V. Cass. 26 avril 1856 (S. 1856.1.833. P. 1857.188). C'est ce que décide à nouveau l'arrêt ci-dessus rapporté, en déclarant qu'aucune disposition de loi n'obiige le juge, qui a statué sur une exception d'incompétence, à surseoir à statuer sur le fond jusqu'à l'expiration des délais accordés au prévenu pour neer, à l'encontre de la décision rendue sur la compétence, des voies de recours qui lui sont ouvertes. Il ajoute de plus qu'il n'y aurait, de la part du juge, excès de pouvoir et atteinte aux droits de la défense que si, la décision rendue sur la compétence ayant été frappée d'un appel, il passait outre au jugement du fond. V. sur ce dernier point, qui est certain, Turin, 27 flor. an 13 (S. et P. chr.).

(4 à 7) Si les actes préparatoires, non punissables par eux-mêmes, ne peuvent pas servir à déterminer le lieu d'un delit, et, par voie de conséquence, la juridiction territoriale compétente pour en connaître, il en est différemment des actes qui entrent, comme éléments constitutifs, dans la composition d'une infraction. Il s'ensuit, conformément à une opinion à peu près unanime en doctrine et en jurisprudence, que, dans les délits complexes, c'est-à-dire dans les délits dont la consommation suppose la réunion nécessaire de plusieurs éléments matériels, comme, par exemple, le délit d'escroquerie, qui exige le concours des manaruvres frauduleuses et le versement de fonds déterminé par ces mancuvies, le lieu du délit est, indifféremment et cumulativement, l'endroit où s'est accompli l'un quelconque de ces éléments, dont l'ensemble forme le délit, si d'ailleurs cet eusemble s'est rencontré. V. Cass. 20 août 1852 (Bull. crim., n. 291); 9 déc. 1864 (Bull. crim., n. 281); 0 janv. 1872 (s. 1872.1.255. P. 1872.588); 11 mars 1880 (S. 1881.1.329. P. 1881.1.788); 11 août 1882 (S. 1886.1.184. 1885.1.:19); Garraud, Tr. du dr. pén. fr., 2e éd., 1. 1'r, n. 145. Adde, notre C. pen. annoté, par Garçon, sur l'art. 405, n. 159 et r.; et notre Rép. gen. du dr. fr., v° Escroquerie, n. 396 et 8.; Panil. Rép., eoil. verb., n. 593 et s. V. aussi, Cass. 2 août 1883 (S. 1885.1.509. P. 1885.1.1197), et la note. Contra, F. Hélie, Tr. de l'instr. crim., 29 éd., t. 2, n. 688. L'arrêt rapporté fait une exacte application de cette théorie aux maneuvres frauduleuses accomplies en France, dans le but de faire croire å une richesse supérieure des minerais analysés, et

vue d'escroquer une sociéié dont le siege social était à Londres. Ce n'était point la prépa. ration en France d'un délit consommé à l'étranger, mais bien un commencement d'exécution de ce délit, à raison du lien visible et étroit qui rattachait ces maneuvres à la soustraction que les prévenus voulaient perpétrer à l'égard de leurs victimce. V. Cass. 25 mars 1898 (8. et P. 1899.1. 102; Pand. pér., 1898.1.406).

en

tion contre les trois arrêts des 5 et 12 déc. 1907 et 20 févr. 1908.

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ARRÊT ap. dilib. en ch, du cons.). LA COUR; Vu la connexité, joint les pourvois formés contre trois arrêts de la Cour d'appel de Toulouse, des 5 et 12 déc. 1907 et 26 févr. 1908, et statuant par un seul arrét; – En ce qui concerne le pourvoi formé contre l'arrêt du 5 déc. 1907: Sur la recevabilité du pourvoi : -- Attendu que, par jugement en date du 5 juill. 1907, le tribunal correctionnel de Foix, après avoir constaté que l'exception d'incompétence soulevée par les prévenus et le fond étaient intimement unis, a déclaré joindre l'exception au fond pour être statué sur l'une et sur l'autre, en même temps, par deux jugements distincts et séparés; que, sur les appels interjetés tant de cette décision que du jugement rendu le 9 aout 1907 sur

compétence, la Cour d'appel de Toulouse a été saisie de conclusions tendant à ce qu'il fùt statué tout d'abord sur l'appel interjeté du jugement du 5 juill. 1907; qu'elle a déclaré joindre l'incident au fond, tous droits des parties demeurant d'ailleurs expressément réservés, par le motif qu'il n'était pas nécessaire aux droits de la défense de connaitre, avant d'aborder le débat sur la question de compétence, la décision de la Cour sur l'appel du premier jugement; Attendu que cet arrêt, qui ne contenait aucun préjugé sur le fond, doit être rangé dans la classe des arrêts préparatoires et d'instruction, contre lesquels le pourvoi n'est ouvert qu'après l'arrêt définitif sur le fond; que le pourvoi formé le 5 décembre contre cet arrêt devrait donc être déclaré irrecevable comme prématuré;

Mais attendu que, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, les dispositions de l'art. 416, C. instr. crim., doivent être entendues en ce sens que le pourvoi formé contre un arrét rendu sur la compétence, qui, sur ce point, est définitif, ouvre le recours contre les décisions préparatoires et d'instruction qui ont précédé ledit arrêt; qu'il en est ainsi dans l'espèce; que le pourvoi formé contre l'arrêt rendu sur la compétence, le 26 févr. 1908, sur lequel il va être statué, implique le droit pour les demandeurs de se prévaloir des nullités qui vicieraient la procédure sur laquelle cet arrêt est intervenu; qu'il échet, par suite, d'apprécier la valeur du moyen proposé;

Sur le moyen pris de la violation des art. 172, 450, 451, 452, 472, 473, C. proc., -116, C. instr. crim., 7 de la loi du 20 avril 1810, et de la violation des droits de la défense, en ce que la Cour de Toulouse a dé

a claré inutile, avant d'aborder le débat sur la compétence, de se prononcer sur l'appel d'un jugement déclarant y avoir lieu de statuer en même temps sur la compétence et sur le fond : Attendu qu'en

dant qu'il y avait lieu de joindre l'incident au fond, la Cour de Toulouse, qui a déclaré que tous les droits des parties demeuraient expressément réservés, a rendu une décision qui rentrait dans ses pouvoirs; qu'il n'y a eu ni violation des articles visés au moyen ni atteinte portée aux droits de la défense; - En ce qui concerne le pourvoi formé

contre l'arrêt du 12 déc. 1907 : Sur la recevabilité du pourvoi :

Attendu que l'arrêt du 12 déc. 1907, par lequel la Cour d'appel de Toulouse a confirmé le jugement du tribunal correctionnel de Foix qui avait déclaré joindre l'exception d'incompétence au principal, et décidé qu'il serait statué, en meme temps, par deux décisions distinctes, sur la compétence et sur le fond, constitue uniquement une décision préparatoire; que cet arrêt ne pouvait donc être utilement frappé d'un pourvoi avant l'arrêt définitif sur le fond; mais que, la Cour étant actuellement saisie d'un pourvoi contre l'arrêt sur la compétence, rendu le 26 févr. 1908, il y a lieu, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, de statuer sur le moyen proposé;

Sur le moyen pris de la violation des art. 172, 4.0, 454, 455, C. proc., 173, 199, 203, C. instr. crim., 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que l'arrêt attaqué a, à tort, décidé que l'art. 172, C. proc., permettrait de statuer, en même temps, par deux décisions distinctes, sur la compétence et sur le fond :

Attendu que, si l'art. 172, C. proc., applicable à l'instruetion criminelle, dispose que toute demande en renvoi doit étre jugée sommairement, sans pouvoir être réservée ni jointe au principal, cette règle recoit exception, lorsque le juge estime que

l'examen du fond lui est indispensable pour apprécier la valeur de l'exception d'incompétence soulevée ; qu'il peut, dans ce cas, joindre le déclinatoire au principal, et décider qu'il statuera, en même temps, sur l'une et l'autre question, mais par deux décisions distinctes et sé. parées; Attendu, en effet, qu'aucune disposition de loi n'oblige le juge, qui a statué sur une exception d'incompétence, à surseoir à statuer sur le fond jusqu'à l'expiration des délais accordés au prévenu pour user à l'encontre de la décision intervenue sur la compétence des voies de recours qui lui sont ouvertes par la loi; qu'il n'y aurait, de sa part, excès de pouvoir et atteinte portée aux droits de la défense que si, la décision rendue sur la compétence ayant été frappée d'un appel, il passait outre, au mépris de cet appel dùment porté à sa connaissance, au jugement du fond; Attendu que le tribunal correctionnel de Foix, après avoir constaté que l'exception d'incompétence et le fond étaient intimement unis, ce qui impliquait l'obligation d'examiner le fond pour apprécier la valeur de l'exception, a décidé qu'il statuerait, en même temps, sur l'une et l'autre question, par deux jugements distincts et séparés; qu'en confirmant cette décision. l'arrèt attaqué n'a commis aucune violation des articles visés au moyen; D'où il suit que le moyen doit être rejeté;

En ce qui concerne le pourvoi formé contre l'arrêt du 26 févr. 1908 : Sur le moyen pris de la violation des art. 3, C. civ., 1, 2, 3, 7, C. instr. crim., 105, C. pén., 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la juridiction française compétente pour juger un délit d'escroquerie commis à l'étranger au prejudice d'une personne morale étrangère, alors que le prétendu délit, ne s'étant manifesté en France que par des manauvres

purement préparatoires, ne tombait pas sous l'application des lois pénales françaises, en ce qu'il a rejeté sans motifs les conclusions relatives à l'application de la loi étrangère, et en ce qu'il a refusé toutes réserves relatives à la constitution des parties civiles : Sur la première branche du moyen :

Attendu que

Simon (Albert), Simon (Otto) et Laurent (Auguste) étaient poursuivis pour avoir, dans l'arrondissement de Foix, a truqué » des échantillons de minerais, que Glasse, directeur de la Société Pyrénées Minerals, faisait prélever dans la mine d'Alzen, et avoir, à l'aide de cette manœuvre frauduleuse, persuadé aux fondateurs de cette société que la mine était d'une richesse suffisante pour motiver certains apports et certaines remises de fonds; Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que deux des prévenus sont étrangers, que la Société « Pyrénées Minerals » est une société anglaise, et que les fonds dont la remise aurait consommé l'escroquerie ont été versés en Angleterre; Mais attendu, d'une part, qu'en vertu des dispositions de l'art. 3, C. civ., l'étranger, qui commet un délit en France, est passible des peines portées par le Code pénal, bien que ce délit ait été commis au préjudice d'un étranger; qu'il suftit, d'autre part, à raison de la nature complexe du délit d'escroquerie, que les manoeuvres frauduleuses, qui en sont l'un des éléments essentiels, aient été accomplies en France pour que les juges français soient compétents pour en connaitre;

Attendu que l'arrêt déclare que la remise des fonds, qui aurait consommé le délit d'escroquerie reproché aux prévenus, et qui aurait été effectuée en Angleterre, à la suite des analyses de minerai nécessairement inexactes auxquelles ont donné lieu les échantillons prélevés dans la mine d'Alzen, ne serait que la conséquence naturelle, et pour ainsi dire forcée, de la manæuvre frauduleuse qui aurait consisté à a truquer » les échantillons; que l'arrêt constate, en effet, qu'avant de traiter avec les prévenus, Glasse, désireux de se renseigner, d'une manière certaine, sur la richesse de la mine d'Alzen, a envoyé un ingénieur, qui fut chargé de prélever les échantillons qui devaient plus tard être soumis à l'analyse; que le fait imputé aux prévenus est a d'avoir substitué au minerai naturel un minerai plus riche, de telle sorte que les échantillons pris par l'ingénieur ne répondaient pas à la composition véritable de la mine »; Attendu que, dans les circonstances précisées par l'arrêt, le fait incriminé n'a pas été, comme le prétend à tort le pourvoi, un simple acte préparatoire; qu'il a constitué l'une des manæuvres frauduleuses qui ont déterminé la reinise des fonds effectuée en Angleterre, où, d'après la prévention, le délit d'escroquerie a été définitivement consommé; D'où il suit qu'en décidant que la juridiction française était compétente pour connaitre du délit d'escroquerie imputé aux prévenus, l'arrêt attaqué, loin de violer les textes visés au moyen, en a fait une exacte application; - Sur la deuxième et sur la troisième branches du moyen :... (sans intérêt); Rejette, etc.

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