CASS-CIV. 28 février 1912. 1° Avoué, RESPONSABILITÉ, ADJUDICATION, SUR SAISIE IMMOBILIÈRE, ENCHÈRE MISE 9 sur saisie immobilière, qui, par erreur, porte celle enchère sur un autre lot, dont il est déclare adjudicataire, commet une faute engageant sa responsabilité au regard d'un créancier inscrii dont l'enchère portee garantissait l'entier paiement, et qui, l'adjudication ayant été annulée, à la requête de l'avoue, pour vice de consentement et erreur sur l'objet, et réadjugé pour un prix très inférieur à celui de la première adjudicalion, n'a pu, dans l'ordre, toucher qu'une partie de sa créance (1) (C. civ., 1382, 1992). -- Rés. par la C. d'appel. En ce cas, les constatations des juges du fond, saisis de l'action en responsabilité formée par le créancier contre l'avoue, - qui, après avoir déclaré que l'erreur commise par l'avoué constituait une faule dont il doit reparation, ajoutent, d'une part, qu'en portant brusquement l'enchère de 3.000 à 21.000 fr., chiffre qui lui avait été fixe par son client pour l'autre lot, l'avoue avait forcément écarté les autres enchéris seurs et enlevé au creancier la possibilité de recourrer sa créance, d'autre part, que l'annulation de la première adjudication, consequence de la faute de l'avoue, a obligi le créancier à courir les chances de la nouvelle adjudication, qui n'a produit qu'un prix inférieur, impliquent la relation entre la faute et le prejudice (2) (C. civ., 1382). Et, dans ces conditions, en accordant au crrancier, à titre de dommages-intorels, la différence entre le montant de sa créance et la somme pour laquelle il a ile colloqué sur le prix de la seconde adjudicaiion, les juges du fait font de leur pouroir d'appreciation un usage qui échappe au contrôle de la Cour de cassation (3) (10.). 2° En muliere de responsabilité, appartient-il à la Cour de cassation d'exercer son contrôle sur l'appreciation faile par les juges de fond de la relation du la faute avec le prejudice (4) (C. civ., 1382) ? V. la note. lo L'avoue, chargé d'enchérir, à concurrence d'une somme déterminée, un des immeubles compris dans une adjudication (1) V. sur la responsabilité de l'avoué en cas d'annulation d'une adjudication, Cass. 12 janv. 1891 (S. et P. 1892.1.305; Pand. pér., 1891.1. 228); Pau, 24 janv. 1898 (S. et P 1898.2.32); Besançon, 26 juin 1901 (S. et P. 1904.2.157). (2-3-4) Par l'arrêt ci-dessus rapporté, la chambre civile confirme sa récente jurisprudence, et persiste à s'attribuer le droit de vérifier s'il y a entre la faute constatée et le préjudice subi une relation de cauge à effet. Dans toute action tendant à faire condamner un défendeur à payer des dommages-intérêts à raison à d'une faute commise par lui, les juges du fond ont successivement à exa'miner trois questions : 1° la faute alléguée existe-t-elle ? 2o un préjudice est-il établi? 3o ce préjudice est-il la conséquence directe de cette faute? Pendant très longtemps, la Cour de cassation a reconnu aux juges du fond le droit de résoudre souverainement ces trois questions : aucun pourvoi n'était alors admis contre les décisions qui les tranchaient. Puis, à partir de 1873, elle s'est réserve le droit de contrôler si les faits constatés par les juges du fond présentent les caractères juridiques de la faute. V. sur cette évolution de la jurisprudence de la Cour de cassation, la note de M. Appert sous Cass. 13 janv. 1908 (S. et P. 1911. 1.217; Pand. pér., 1911.1.217). Mais la Cour de cassation continuait à décider qu'il appartient aux juges du fond de résoudre souverainement les deux autres questions, notamment celle de savoir si le préjudice éprouvé provient directement de la faute de celui à qui on demande réparation. Ses arrêts en ce sens sont nombreux et très nets. — Ainsi, le 12 juin 1876 (S. 1876.1.422. P. 1876.1073), la chambre civile reconnaît qu'« il appartient aux Cours d'appel d'apprécier souverainement, d'après les circonstances de la cause, si le dommage dont la réparation est demandée a ou n'a pas pour cause directe la faute imputable au défendeur ». V. dans le même sens, Cass. civ. 20 janv. 1880 (S. 1881.1.359. P. 1881.1.871); 21 oct. 1891 (S. et P. 1895.1. 417; Pand. pér., 1892.1.317); 7 févr. 1894 (S. et P. 1898.1.278; Pand. pér., 1894.1.488). Adde, Cass. req. 11 mai 1891 (S. et P. 1892.1.254);7 mars 1892 (S. et P. 1892.1.271). V. aussi, Cass. civ. 22 nov. 1892 (8. et P. 1893.1.23). Par un arrêt du 6 févr. 1894 (S. et P. 1894.1. 309; Pand. pér., 1894.1.519), la chambre civile maintenait encore cette opinion avec non moins ANNÉE 1913. 3° cah, de précision : « Attendu que, pour qu'il y ait lieu à responsabilité, aux termes de l'art. 1382, C. civ., il faut, non seulement qu'une faute ait été commise, mais encore que cette faute ait occasionné un préjudice; que les juges du fond apprécient souverainement l'existence et la cause du préjudice dont la réparation est demandée ». Telle est donc, encore à cette date, la jurisprudence de la chambre civile. O'est ce que constate très nettement un magistrat de cette chambre, M. Orépon, dans son Traité du pourvoi en cassation paru en 1892 (t. 3, n. 1148 et s.). V. égal., Baudry-Lacantinerie et Barde, Oblig., 3e éd., t. 4, n. 2873; et notre Rép. gen. du dr. fr., vo Cassation (mat. civ.), n. 4105 et s.; Pand. Rép., vo Cassation civile, n. 1057 et 8. Ainsi, pendant près d'un siècle, la chambre civile a considéré comme une question de fait, résolue souverainement par les juges du fond, le point de savoir s'il y avait une relation de cause à effet entre la faute et le dommage. Un an plus tard, le 7 août 1895 (S. et P. 1896. 1.127), est rendu un arrêt qui consacre une opinion diamétralement opposée. L'arrêt alors déféré à la Cour de cassation avait débouté de son action en dommages-intérêts un demandeur, victime d'un accident, parce qu'à son avis, il résultait des faits de la cause que cet accident n'était pas la conséquence d'une faute imputable au patron. Que fait la chambre civile ? Elle examine les faits copstatés par la Cour d'appel, et, contrairement à l'appréciation de celle-ci, elle déclare que lation entre la faute (du patron) et l'accident survenu à l'apprenti s'induit nécessairement des constatations mêmes de l'arrêt, qui ne la peut nier sans une évidente contradiction ». La note publiée sous cet arrêt fait très justement remarquer que la Cour de cassation a ainsi contrôlé et rectifié l'appréciation des juges du fait, appréciation que, jusqu'alors, elle avait considérée comme souveraine. Pourquoi ce changement? L'arrêt du 7 août 1895 ne le dit pas; il introduit, dans cette question, une modification importante å la jurisprudence de la chambre civile, mais il ne donne aucun motif pour la justifier. Est-ce là un arrêt d'espèce, qu'expliquerait la contradiction relevée dans les motifs de la décision attaquée ? C'est l'interprétation qu'en a donnée an eminent magistrat dans un ouvrage qui fait autorité. V. Faye, La C. de ca88., p. 179, note 31. Nous ne pensons pas que ce soit là la portée de l'arrêt. Nous y voyons, au contraire, le premier monument d'une jurisprudence nouvelle, posant intentionnellement un principe nouveau, car la règle qu'adopte cet arrêt de 1895 va se trouver confirmée par plusieurs arrêts postérieurs, intervenus dans des espèces absolument différentes. Ainsi, le 22 févr. 1898 (S. et P. 1899.1.492 ; Pand. pér., 1899.1.213), la chambre civile est saisie d'un pourvoi formé contre un arrêt de la Cour d'appel de Douai, qui avait refusé d'admettre en preuve les faits articulés pour établir l'accident survenu à un ouvrier, par le motif que ces faits n'étaient pas de nature à établir une faute à la charge du patron. La chambre civile casse, parce que, dit-elle, « la relation entre la faute imputée à celui-ci, et entraînant sa responsabilité dans une mesure à déterminer, et l'accident arrivé à V..., pourrait s'induire du fait offert en preuve ». C'est bien là l'exercice par la Cour de cassation du droit de contrôle qu'elle s'attribue désormais en cette matière, De même, c'est l'affirmation du droit de contrôle qui ressort de l'arrêt de la chambre civile du 24 févr. 1903, rendu en matière de responsabilité notariale (S. et P. 1903.1.337; Pand. pér., 1905. 1.166) : « Attendu, dit cet arrêt, qu'en présence des faits ainsi souverainement constatés,... la Cour de Paris a pu, sans violer aucune loi, déclarer qu'il n'existait pas, entre l'imprudence du notaire P... et le dommage éprouvé par le demandeur en cassation, la relation de cause à effet indispensable pour justifier une condamnation à des dommagesintérêts contre l'officier public ». L'arrêt de la chambre civile du 13 janv. 1908, précité, consacre encore la même théorie ; il commence par énumérer les faits énoncés au jugement attaqué, et il conclut ainsi : • Attendu que ces constatations impliquent la faute du conducteur de la voiture et la relation entre cette faute et l'accident ». Les mots a pu » de l'arrêt du 24 févr. 1903, et le mot impliquent », de l'arrêt du 13 janv. 1908, supposent un examen, une vérification exercés par la Cour de cassation; c'est l'affirmation très nette de son droit de contrôle. Et même, dans cet arrêt du 13 janv. 1908, la chambre civile se sert, dans une même phrase, des mêmes expressions pour caractériser son droit d'appréciation et sur la faute et sur la relation entre cette faute et Tre PART. 17 la re . (V... C. Renucci). Créanciers des époux Gonzalès d'une somme de 15.645 fr., les époux Renucciont fait saisir deux immeubles de leurs débiteurs, situés, l'un à Oran, rue Denfert-Rochereau, l'autre à Eckmühl, et affectés tous deux à la garantie de leur créance. Le cahier des charges indiquait que la vente aurait lieu en deux lots, comprenant, le premier, l'immeuble d'Eckmühl, avec mise à prix de 3.000 fr., le second, la maison d'Oran, avec mise à prix de 5.000 fr. Le jour de l'adjudication, MR X..., avoué, qui était chargé, comme substituant MV..., de pousser le deuxième lot jusqu'à 21.000 fr., pour un client de Me V..., dans la conviction que le lot mis en vente était le second, alors qu'en réalité, c'était le premier, porta brusquement l'enchère sur le premier lot à 21.000 fr., prix pour lequel l'immeuble fut adjugé à Me ... A la suite de ces faits, Me V... a assigné toutes les parties devant le tribunal d'Oran, afin de faire annuler, pour défaut de consentement et pour erreur sur l'objet même du contrat, l'adjudication tranchée à son profit. Le 27 oct. 1904, le tribunal a fait droit à ces conclusions. Bien que les époux Renucci n'eussent pris aucunes conclusions à cet égard, le jugement, dans ses motifs, décla a Mo V... doit être tenu du préjudice qui pourrait être cause de son chef, par suite de son erreur; qu'il y a évidemment faute de sa part »; et, dans le dispositif, après avoir annulé la vente, il ajoutait : « Réserve à Renucci, à l'encontre de M° V..., tout recours en réparation du préjudice qui pourra lui être causé par le fait de la nouvelle adjudication ». En'exécution de ce jugement, qui n'a été attaqué par aucune des parties, l'immeuble d'Eckmühl (premier lot de l'adjudication) a été remis en vente et adjugé à un tiers pour 3.625 fr. D'un autre coté, la maison d'Oran (deuxième lot de l'adjudication) avait été, sur surenchère, adjugée au prix principal de 20.700 fr. Dans l'ordre ouvert pour la distribution de ces deux prix, les époux Renucci, qu n'avaient pu être utilement colloqués sur le prix du second lot, l'ont été exclusivement sur la somme de 3.505 fr., restant disponible, frais de poursuite déduits, sur le montant du prix du premier lot. Ils restaient ainsi créanciers impayés de 12.140 fr. 55. Ils ont alors assigné V° V... devant le tribunal civil d'Oran, à l'effet de s'entendre condamner à leur payer cette somme, à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice qu'il leur avait causé par sa faute. Le tribunal, par jugement du 22 avril 1907, tout en reconnaissant la faute commise lors de l'adjudication, a débouté les consorts Renucii de leur demande. Sur leur appel, la Cour d'Alger a infirmé, par un arrêt dont extrait suit: - La Cour; Attendu qu'il échet de rechercher si Me V... a réellement commis une faute, et si cette faute a occasionné un préjudice aux appelants; Attendu qu'il résulte des documents versés au procès et des conclusions mêmes des parties que, le 29 sept. 1903, date de l'adjudication, deux lots étaient mis en vente; le premier, comprenant l'immeuble d'Eckmühl, et le deuxième, la maison de la rue DenfertRochereau; que Me V..., qui avait reçu mandat de son client L...' d'enchérir le deuxième lot, à concurrence de 21.000 fr., était absent ce jour-là, et s'était substitué son confrère Ve X...; que, par erreur, Thuissier de service annonça tout d'abord la mise en vente de la maison de la rue Denfert-Rochereau, comprise dans le deuxième lot; que cette erreur fut rectifiée séance tenante, et par l'huissier et par le tribunal lui-même; que, cette rectification ayant sans doute échappé à Me X..., celui-ci poussa les enchères jusqu'à 21.000 fr., prix auquel le premier lot lui fut adjugé: Aitendu que Me V..., qui assume la responsabilité de l'erreur commise par son confrère, ne conteste pas que c'est le premier lot qui a été enchéri, aux lieu et place du deuxième; Attendu que cette erreur, dont Me V... est et se reconnait responsable, constitue une faute; qu'en effet, un avoué ne peut ignorer que le lotissement indiqué par le cahierdes charges, les affiches et les annonces légales, ne peut être modifié le jour de l'adjudication que par un accord commun, sanctionné par un jugement, accord qui ne s'était pas produit dans l'espèce; — Attendu que, si cette faute, dans les conditions surtout où elle s'est produite, n'entache en rien l'honorabilité de Me V..., ni même sa considération professionnelle, il n'en est pas moins certain qu'elle a occasionné un préjudice, non seulement à son client L..., qui ne lui avait pas donné mandat d'enchérir un lot sur lequel il n'avait pas d'hypothèque, mais aussi aux époux Renucci, qui avaient évidemment intérêt à voir maintenir une adjudication qui leur garantissait l'entier paiement de leur créance; — Attendu que, si le préjudice causé à L... a pu être réparé par l'annulation de cette adjudication, il n'en a pas été de même des époux Renucci, qui, par suite de cette même annulation, ont été obligés de courir les chances d'une nouvelle adjudication; Attendu que si, dans cette circonstance, M* V... n'a pas agi coinme mandataire des poursuivants, il ne s'ensuit nullement que ceux-ci ne puissent se prévaloir à son encontre des dispositions de l'art. 1383, C. civ., aux termes duquel chacun est responsable du dommage qu'il a cause, non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou son imprudence; Attendu que, l'adjudication du 29 sept. 1903 ayant été annulée par suite de l'erreur commise par Me ... ou son représentant, l il est équitable de lui faire supporter les conséquences de cette annulation; qu'au surplus, il convient de remarquer qu'en portant brusquement les enchères à 21.000 fr. pour un lot qui n'était mis en vente qu'au prix de 3.000 fr., il a forcé. ment écarté les autres enchérisseurs, et a ainsi enlevé aux époux Renucci la possibilité de recouvrer leur créance; - Attendu qu'il importe peu que l'immeuble n'ait rait que EC le préjudice; gon droit de contrôle est donc identique dans les deux cas. Ces mêmes observations s'appliquent à l'arrêt ci-dessus rapporté, où nous retrouvons la même formule que dans l'arrêt précédent. En l'espèce, la faute n'était pas méconnue; le pourvoi ne la contestait pas. La discussion était, ainsi que l'indique la formule du moyen, limitée aux deux points suivants : 1° La faute de l'avoué était-elle la cause directe du préjudice? 2o Quelle était la consistance du préjudice? Sur ce second point, la Cour de cassation déclare, conformément à sa jurisprudence constante, que l'appréciation du juge du fond est souveraine, qu'elle échappe, par suite, à son contrôle. V. Cass. 22 mars 1899 (S. et P. 1901.1.78; Pand. pér., 1900.1.352), et le renvoi ; 11 nov. 1902 (S. et P. 1903.1.453; Pand. pér., 1903.1.489). Sur le premier point, elle se garde bien d'opposer la même réponse ; c'est ce qu'elle aurait dû faire, si elle avait estimé que la Cour d'appel avait, à cet égard, un pouvoir souverain d'appréciation. Tout au contraire, la chambre civile, après avoir résumé les faits relevés par l'arrêt attaqué, les examine, et conclut en disant que tations impliquent la relation entre la faute et le préjudice Elle indique ainsi nettement qu'elle exerce son contrôle sur l'appréciation des juges du fond. On peut donc dire que, de ces divers arrêts, il ressort que la chambre civile entend maintenant se réserver le droit d'examiner s'il y a entre la faute et le dommage une relation directe de cause à effet. La chambre des requêtes n'a pas suivi la chambre civile dans cette évolution ; elle maintient sa jurisprudence précédente, et continue à juger qu'il appartient aux juges du fond de décider si la faute commise est en relation directe avec le dommage causé ». V. Cass. req. 10 janv. 1899 (S. et P. 1899.1.412; Pand. pér., 1900.1.147); 15 avril 1908 (S. et P. 1910.1.97; Pand. pér., 1910. 1.97), et la note de M. Charmont (p. 98, 1re col.). On ne peut, à potre avis, voir une adhésion de la chambre des requêtes à la doctrine nouvelle de la chambre civile dans un arrêt du 28 déc. 1910 (S. et P. 1912.1.134; Pand. pér., 1912.1.134), par lequel, après avoir constaté que les juges du fond avaient, à bon droit, relevé comme constitutive d'une faute l'omission par un notaire, dans un acte par lui reçu, d'une clause dont l'absence avait eu pour effet d'induire en erreur un prêteur sur l'é tendue de la garantie à lui donnée, elle ajoute que, dans ces conditions, la relation entre la faute commise et le préjudice souffert ressort d'elle-même, puisque l'un a été la conséquence directe de l'autre » ; cet arrêt peut plus justement être interprété comme déclarant suffisamment motivées les constatations des juges du fond quant à la relation entre la faute et le préjudice. La jurisprudence récente de la chambre civile sur cette question révèle sa tendance à étendre l'application du droit de contrôle qu'elle s'attribue. Sans doute, on peut dire, avec M. Crépon, que, « dans ce contrôle, exercé de haut et de loin, se trouve la véritable sauvegarde contre l'arbitraire qui pourrait se rencontrer dans les décisions d'une justice rendue parfois trop près des intérêts qu'elle est chargée de régler n. 1144). Mais, d'un autre côté, n'est-il pas permis de se demander si, en statuant ainsi, la chambre civile reste bien dans son rôle et de maintient dans l'esprit de son institution, et si sa jurisprudence nouvelle est à l'abri de tout danger. Nous ne pouvons que nous a-socier aux doutes émis à cet égard dans les notes de M. Appert sous Cass. 13 janv. 1908, précité, et sous Cass. 28 févr. 1910 (S. et P. 1911.1.329; Pand. pér., 1911.1.329). (op. cit., t. 3, & ces consta subi en lui même aucune dépréciation auquel les créanciers n'avaient aucun droit. entre la premiere et la deuxième adjudi ARRÊT. cation; qu'en effet, en cas d'expropriation, les immeubles subissent les aléas de la LA COUR; Sur le moyen unique du vente aux enchères, et n'ont, en réalité, pourvoi : - Attendu que, des constatations d'autre valeur que celle qui leur est attri- de l'arrêt attaqué, il résulte : lo que, le buée par les enchérisseurs:... Attendu 29 sept. 1903, lors de la vente devant le qu'à la deuxième adjudication, l'immeuble tribunal civil d'Oran de deux immeubles, d'Eckmühl, qui avait été adjugé primiti- sis, l'un à Eckmühl, l'autre à Oran, tous vement à 21.000 fr., n'a trouvé acquéreur deux saisis sur Gonzalès à la requête des quam prix de 3.625 fro: - Attendu que .: époux Renucci, Me V..., avoué, qui avait l'ordre ouvert sur ce dernier prix a été recu d'un client mandat d'enchérir le clôturé le 4 juill. 1905; que les époux Re- lot d'Oran à concurrence de 21.000 fr., a, mucci, reconnus créanciers dans cet ordre par erreur, porté son enchère sur l'autre Pour une somme de 15.615 fr. 55), ont été lot, et a été déclaré adjudicataire de l'imcolloqués pour la somme restant disponible meuble d'Eckmühl pour 21.000 fr., somme sur ce prix, après prélèvement des frais qui garantissait aux époux Renucci l'entier d'ordre, soit pour la somme de 3.505 fr.; paiement de leur créance; 29 que cette Attendu que, le prix d'adjudication de première adjudication fut, à la demande la maison de la rue Denfert-Rochereau de Me V..., annulée pour défaut de conayant été absorbé par les premiers créan- sentement et erreur sur l'objet du contrat; ciers inscrits, les époux Renucci n'ont 3" qu'à la suite de cette annulation, l'imdonc à toucher, sur leur créance, que la meuble d'Eckmühl fut de nouveau mis somme de 3.505 fr. ci-dessus relatée, et en vente, et adjugé, cette fois, à un tiers restent par conséquent à découvert pour pour le prix de 3.625 fr.; Attendu une somme de 12.140 fr. 55; Attendu que les époux Renucci ont alors assigné que, cette perte étant la conséquence de Me V... en paiement d'une somme de l'annulation de la première adjudication, 12.140 fr. 55, représentant la différence motivée elle-même par la faute de Mo V..., entre le montant de leur créance, telle il échet de condamner celui-ci à indem- qu'elle a été liquidée dans l'ordre, et celle niser les époux Renucci; Par ces de 3.505 fr., pour laquelle ils ont été utilemotifs; Infirme; -- Condamne Ve V... à ment colloqués; Attendu que l'arrêt paver aux époux Renucci la somme de attaqué a accueilli cette demande; qu'a12.110 fr. 55). près avoir déclaré que l'erreur commise par Me V... constitue une faute dont il doit POURVOL en cassation par M V... réparation, il constate, d'une part, qu'en Voyen unique. Violation des art. 1382 et portant l'enchère brusquement de 3.000 fr., 1333, C. civ.; fausse application des chiffre de la mise à prix, à 21.000 fr , art. 2204 et s. du même Code; violation Me V... a « forcément écarté les autres ende l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, et chérisseurs, et enlevé aux époux Renucci manque de base légale, en ce que l'arrêt la possibilité de recouvrer leur créance »; attaqué a déclaré qu'un avoué, qui avait et, d'autre part, que l'annulation de la enchéri par erreur un immeuble dans une première adjudication, conséquence de adjudication sur saisie immobilière, au la faute ci-dessus rappelée, a obligé les lieu et place d'un autre immeuble figurant époux Renucci à courir les chances d'une dans la même adjudication, devait être, nouvelle adjudication, laquelle n'a produit à la suite de l'annulation de cette adjudi- qu'un prix très inférieur; que ces conscation pour vice de consentement, - rendu tatations iinpliquent la relation entre la responsable envers les créanciers pour- faute et le préjudice; Attendu, enfin, suivants, à titre de dommages-intérêts, de qu'en accordant aux époux Renucci, à la différence existant entre le prix atteint titre de dommages-intérêts, la somme de par l'immeuble dans l'adjudication erronée 12.140 fr. 55, représentant la différence et le prix inférieur atteint par le même ci-dessus expliquée, la Cour d'appel a fait immeuble dans la réadjudication poste- de son pouvoir d'appréciation un usage rieure, alors, d'une part, que ledit arrêt qui échappe au contrôle de la Cour de n'établit pas l'existence d'un préjudice cer cassation; Rejette, etc. tain et direct résultant pour les créan- Du 28 févr. 1912. -- Ch. civ. — MM. Bauciers poursuivants de l'erreur de l'avoué, douin, le prés.; Dupont, rapp.; Mérillon, et alors, d'autre part, que la consistance av. gen. (concl. contr.); Dedé et Hannotin, de ce préjudice ne pouvait, en tous cas, être fixée en prenant pour terme de comparaison le prix d'une adjudication entachée d'erreur sur l'objet adjugé, prix CASS.-REQ. 3 janvier 1912. 1° CONCLUSIONS, « ULTRA PETITA », FONDS DE COMMERCE, VENTE, REFUS DE PRENDRE POSSESSION, DEN INDE EN DOMMAGES-INTE RETS, RÉSILIATION, CONCLUSIONS IMPLICITE(Rép., pis Conclusions, n. 11 et s., 59, 89, Jugement et arrêt (mat.civ. et comm.”, n. 2339; Pand. Rép., vo Jugements et arrêts, n. 1419 et s.). 20 DEMANDE NOUVELLE, APPEL, JUGEMENT, INTIMÉ, CONCLUSIONS A FIN DE CONFIRMATION (Rép., ° Conclusions, n. 96; Pand. Rép., yö Appel civil, n. 4515 et s.). 1° La demande en dommages-intérels formée par le vendeur d'un fonds de commerce contre l'acquéreur, à défaut par celui-ci d'avoir pris possession du fonds à la date fixée, comprend virtuellement, mais nécessairement, une demande en résiliation du contrat intervenu entre les parties, et, par suite, les juges, qui prononcent la résiliation, en állouant des dommages-intérèls, ne staluent pas ultra petita 1 C. proc., 480). 2. Lorsque les juges de première instance, sur une demande en dommages-intérêts formée par le vendeur d'un fonds de commerce contre l'acquéreur, à défaut par celui-ci d'avoir pris possession du fonds dans le délai fixe, oni, en accueillant la demande en dommages-interéls, prononcé la résilialion de la vente, on ne saurait prétendre que les juges d'appel, en confirmant le juge: ment, sur l'appel de l’acquéreur, ont statue sur une demande nouvelle, dès lors que l'inlimé a conclu en appel à la confirmation 2 C. proc., 161). (Valendru C. Loisy). M. Valendru s'étant refusé, à la date fixie par la convention, à prendre possession d'un fonds de commerce qui lui avait été vendu par M. Loisy, moyennant 12.000 fr., avec location de la maison ou le fonds était exploité, M. Loisy l'a assigné devant le tribunal de commerce de Roanne en 10.000 fr. de dommages-intérêts, et cette demande a été accueillie par un jugement du ler déc. 1909, qui, en condamnant le défendeur à 9.000 fr. de dommages-intérêts, a prononcé la résiliation de la vente et du bail. M. l'alendru a interjeté appel, en soutenant notamment que, du chef ou il avait prononcé la résiliation, le tribunal avait statué ultra pelila. M. Loisy a conclu à la confirination du jugement. Le 17 janv. 1911, arrêt de la Cour de Lyon, qui rejette les conclusions de l'appelant, et confirme le jugement. Pourvoi en cassation par M. Valendru. Moyen unique. Excès de pouvoir; violation de l'art. 1134, C. civ.; fausse application des art. 1181 et 1654 du méme Code, av. (1) Application du principe que les juges ne statuent pas ultra petita, quand ils prononcent sur choses virtuellement demandées par les conclusions des parties. V. Cass. 2 août 1881 (S. 1883.1.404. - P. 1883.1.1028); 6 août 1894 (S. et P. 1898.1,518; Pand. pér., 1895.6.294), et les renvois. Adde, la note Fous Cass. 30 avril 1900 (S. et P. 1900.1. 315); et Garsonnet, Tr. de proc., 2e éd., par Cézar. Bru, t. 6, p. 463, $ 2358. Dans l'espèce, l'acheteur ayant manifesté sa volonté de ne pas prendre livraison du fonds de commerce, le vendeur, qui n'avait pas usé du droit, que lui conférait l'art. 1184, (2) L'intimé, qui demande devant la Cour la clusions auxquelles le jugement a fait droit (V. Cass. 16 avril 1890, S. 1891.1.375. P. 1891.1. 910; Pand. pér., 1890.1.551. V. aussi, Cass. 25 mai 1903, S. et P. 1904.1.125; Pand, pér., 1903,1.475, et les renvois), et prendre pour conclusions le jugement lui-même. V. Cass, 29 nov. 1876 (S. 1877. 1.368, - P. 1877.933), et les renvois ; 21 févr. 1887 (S. 1887.1.296. – P. 1887.1.733; Pand. per., 18*7. 1.148). Si donc une question a été expressément résolue par le jugement, elle ne peut constitue en appel une demande nouvelle. et violation de l'art. 461,C. proc., ainsi que n'était pas préposé au soin de concourir autorisation écrite et signée par elle pour de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce aux opérations qui lui ont permis de com- la remise des fonds à lui effectuée pour que l'arrêt attaqué a confirmé la décision meltre ses détournements, et, d'autre part, son compte, que Rigaut n'avait pas dans par laquelle le tribunal de commerce de que c'est à cet employé personnellement la charge une situation lui permettant Roanne avait prononcé la résiliation de la que le demandeur a fait confiance, sachant d'engager ses patrons; que, dès lors, et vente d'un fonds de commerce, alors que qu'il n'étuit, ni un des fondés de pouvoirs, par suite de ces constatations, la dame cette résiliation n'avait pas été demandée, ni un des employés principaux, et ne pouvait Deray ne saurait invoquer contre Gadala et que l'action introduite par le défendeur engager son patron (1) (C. civ., 1382, 1381). le fait que Rigaut a parfois usé, pour se éventuel contre l'exposant tendait simple- En l'état de ces constatations, il importe faire remettre les fonds qu'il a détournés, ment à ce qu'à défaut par lui d'avoir pris peu que l'employé infidèle ail parfois use', de papier de la charge, portant au-dessus possession du fonds de commerce et des pour se faire remettre des fonds par le de sa signature la griffe : « P. pon de Ch. lieux loués, il fût condamné à 10.000 fr. de demandeur, du papier à lettre de la charge, Gadala », et cela d'autant moins qu'elle dommages et intérêts. avec sa signature précédée de la grille : « par savait que ce papier était à la disposition ARRÊT. procuration de l'agent », dès lors que le des employés ; — Attendu, enfin, quant aux demandeur savait que ce papier était à la antécédents de Rigaut et à la faute reLA COUR; Sur le moyen unique : disposition des employés (2) (Id.). prochée de ce chef à Gadala, que les - Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué Les juges de fond ont pu également re- juges du fond ont pu estimer que Gadala que, Loisy ayant vendu, le 4 juin 1909, son fuser de considérer comme une faute à la n'était pas en faute pour n'avoir pas renfonds de commerce à Valendru, au prix de charge de l'agent de change le fait de n'a voyé Rigautà raison d'opérations de bourse 12.000 fr., avec location du magasin et des voir pas renvoyé l'employe, à raison d'ope- pratiquées antérieurement par lui, et qui dépendances où était exploité ce fonds, pour rations de bourse auxquelles il s'étail livré n'avaient pas un caractère délictueux; une durée de quinze années, moyennant antérieurement, et qui n'avaient pas un Attendu qu'il n'apparait pas qu'en statuant 1.700 fr. par an, ledit Valendu s'est refusé, caractère delictueux (3) (C. civ., 1382). ainsi qu'elle a fait par les motifs ci-dessans motif plausible, à exécuter cette convention, et qu'à la suite de ce refus, Loisy (V ve Deray C. Gadala). sus rappelés, la Cour ait violé les textes ARRÊT. de loi visés à l'appui du pourvoi; Rel'a assigné, le 21 sept. 1909, en paiement LA COUR; Sur le moyen pris de la jette le pourvoi contre l'arrêt rendu le d'une somme de 10.000 fr. de dommages- violation des art. 1382, 1381, c. civ., et 7 11 mars 1911 par la Cour de Paris, etc. intérêts, à défaut par lui d'avoir pris pos- de la loi du 20 avril 1810 : Attendu que Du 4 déc. 1912. – Ch. req. MM. Tasession du fonds de commerce et des lieux la dame Deray a assigné Gadala, agent de non, prés.; Lardenois, rapp.; Blondel, loués à la date du 1er novembre suivant; change, comme responsable des détour- av. gen. (concl. conf.); de Ségogne, av. Attendu que la demande ainsi formée nements commis au préjudice de la decomprenait virtuellement, mais néces manderesse par Rigaut, employé de Gasairement, une demande en résiliation du dala, dans l'exercice des fonctions aux CASS.-REQ. 22 avril 1912. double contrat intervenu entre les parties; quelles il était préposé, et qui lui avaient qu'en le décidant ainsi, la Cour d'appel de permis de commettre ces détournements, 1° SUBROGATION, SUBROGATION LÉGALE, ACLyon n'a ni statué ultra petita, ni accueilli alors qu'il était du devoir le plus élé QUÉREUR D’IMMEUBLE, Prix, EMPLOI, une demande nouvelle, l'intimé ayant mentaire de l'agent de change d'exercer CRÉANCIERS INSCRITS, PAIEMENT, QUITconclu devant elle à la confirmation du sur Rigaut une surveillance particulière; TINCE Rép., V" Subrogation, n. 220 et s.; jugement qui avait prononcé cette résilia Attendu que, pour motiver le rejet de Pand. Rép., vo Privilèges et hypothèques, tion; que, par suite, elle n'a ni commis un n. 6194 et s., 11143 et s.). 20 DEPENS, la demande, l'arrêt attaqué constate d'aexcès de pouvoir, ni violé ou faussement bord, d'après les renseignements versés AUTOGRAPHIES (Rép., vo Depens, n. 2319 appliqué ses textes de loi invoqués à l'ap- au débat, que, par l'emploi qu'il occupait et s.; Pand. Rép., vo Frais et dépens, pui du pourvoi: – Rejette, etc. dans la charge Gadala, Rigaut ne pouvait n. 854 et s.). Du 3 janv. 1912. MM. Ta jamais avoir de rapports avec la clientèle, 1° La seule condition imposée à l'acquénon, prés. ; Michel-Jaffard, rapp. ; Lénard, et spécialement qu'il n'a, à aucun moment, reur d'un immeuble, qui a employé le prix av. gén. (concl. conf.); Dufour, av. été préposé au soin de concourir aux opé- de son acquisition au paiement des créanrations qui lui ont permis de s'approprier ciers inscrits auxquels cet immeuble était les titres et les fonds qu'il a escroqués; hypothèque, pour obtenir le bénéfice de la CASS.-REQ. 4 décembre 1912. Attendu, d'autre part, qu'il résulte des subrogation legale visée par l'art. 1251-20, AGENT DE CHANGE, RESPONSABILITÉ, COMMIS, motifs du jugement, adoptés par l'arrét, C. civ., est de justifier que son prix a été DÉTOURNEMENTS (Rép., V" Agent de change, que c'est à Rigaut personnellement que la réellement employé à l'acquittement des n. 611 et S.; Pand. Rép., eod. verb., dame Deray a fait confiance, sur ses dires créances privilégiées ou hypothecaires relatifs à sa situation dans les bureaux de n. 452 et s.). assises sur l'immeuble (4) (C. civ., 1251-2). Gadala, ne pouvant ignorer, d'après sa pro- Spécialement, lorsque, d'une parl, le Le rejet de l'action en responsabilité for- pre expérience, qu'il n'était, ni un des versement par l'acquéreur, aux mains du mée contre un agent de change, à raison de fondés de pouvoirs, ni un des commis nolaire rédacteur de l'acte, d'une somme détournements commis par un de ses em- principaux de l'agent de change, et étant destinée à désintéresser les créanciers insployés au préjudice du demandeur, est jus- avertie, tant par les nombreuses lettres crits sur l'immeuble vendu, résulte d'une tifié par les juges du fond, qui constatent, recues par elle relativement à ses opéra- quittance mentionnée sur l'expédition de l'une part, que, par l'emploi qu'il occupail, tions d'achat et de vente de titres, dont l'acte de vente à une date antérieure à l'employe ne pouvait jamais avoir de rap- aucune ne portait la signature de Rigaut, celle des productions à l'ordre ouvert sur poris avec la clientèle, que, spécialement, il que par la précaution prise d'exiger une le prix de l'immeuble, et que, d'autre parl, Ch, req (1-2-3) La responsabilité de l'agent de change, fondée sur l'art. 1384, O. civ., devait être écartée, dans l'espèce, pour les raisons inêmes qui l'ont fait également rejeter dans une affaire analogue. V. Cass. 30 oct. 1911 (S. et P. 1912.1.131; Pand. pér., 1912.1.131), la note et les renvois. L'employé auteur des détournements n'avait pas agi dans l'exercice de ses fonctions; et, de plus, c'était à lui personnellement, et en pleine connaissance de la situation qu'il occupait dans la charge, et qui ne lui permettait pas d'engager l'agent de change, que la victime des détournements avait fait confiance. Il importait peu, dans ces conditions, que l'on remarquer que l'arrêt, par la formule qu'il a employée, paraît bien avoir entendu affirmer : nouveau le pouvoir de la Cour de cassation d'apprécier si les faits souverainement constatés par les juges du fond présentent les caractères juridiques de la faute. V. Cass. 28 févr. 1910 (S. et P. 1911.1.329; Pand, pér., 1911.1.329), la note de M. Appert, et les renvois. V. égal., la note sous Cass. 28 févr. 1912, précité. (4) L'art. 1251-2°, C. civ., en déclarant que la subrogation a lieu de plein droit au profit de l'acquéreur d'un immeuble qui emploie le prix de a le notaire, qui, en sa qualité, avait mandat thèque du Crédit foncier, comme subrogé l'art. 1031, C. proc., et de l'art. 7 de la loi de recevoir le prix et d'en faire emploi, a légalement à ses droits, en vertu de du 20 avril 1810, manque de base légale, adressé les fonds par lui reçus, le surlen- l'art. 1251-2°, C. civ. — MM. Caillot et au- en ce que l'arrêt attaqué a inclu dans la demain de leur réception, à un créancier tres, colloqués à un rang subséquent, ont condamnation aux dépens des frais non hypothécaire, qui lui en a adresse quil- soulevé un contredit, en prétendant que, taxables d'une mesure d'instruction non tance et a donné mainlevee jusqu'à due la quittance sous seing privé, délivrée par ordonnée et non déclarée nécessaire à concurrence, l'emploi des deniers étant le Crédit foncier, n'ayant pas date certaine, l'intelligence de la cause. ainsi justifié au moyen de la correlation conformément à l'art. 1328, C. civ., la ARRÊT. existant entre les deux quittances, c'est à subrogation légale ne pouvait être invobon droit que les juges du fond reconnais- quée à leur encontre. Ce contredit a été LA COUR; Sur le premier moyen : sent i l'acquéreur le bénéfice de la subro- écarté par un arrêt de la Cour de Nancy du Attendu qu'aux termes de l'art. 1251, gation légale (1) (Id.). 21 oct. 1911, qui a, en outre, décidé que C. civ., la subrogation existe de plein 2° Si la condamnation aux dépens ne les dépens seraient employés comme frais droit au profit de l'acquéreur d'un immeucomprend que les frais faits conformément privilégiés d'ordre, en y comprenant les ble qui a employé le prix de son acquisià la loi, et si l'autographie du jugement el frais d'autographies du jugement et des tion au paiement des créanciers inscrits des conclusions ne saurait être comprise conclusions des parties, a produites pour auxquels cet héritage était hypothéqué, et dans la lare, il ne s'ensuit pas que l'intelligence de la cause qu'en présence de cette disposition, la les frais de celle autographie aient un seule condition imposée à l'acquéreur caractère frustratoire; et ils peuvent élire Pourvoi en cassation par MM. Caillot et pour obtenir le bénéfice de la subrogation compris dans les dépens par les juges qui autres. – ler Moyen. Violation des art. 1341, est de justifier que son prix a été réelleconstatent que ces documents oni été pro- 1347 et 1328, C. civ.; violation, pour fausse mentemployé à l'acquittement des créances duits pour l'intelligence de la causé (2) application, de l'art. 1251-20, c. civ., et , privilégiées on hypothécaires assises sur 130). violation de l'art. 7 de la loi du 20 avril l'immeuble; Or, attendu que, de l'arrèt 1810, manque de base légale, en ce que attaqué, il résulte (Caillot et autres C. Parrot). en fait que Parrot, l'arrèt attaqué a validé, au regard des acquéreur de l'immeuble appartenant à la Dans l'ordre ouvert pour la distribution créanciers hypothécaires contestants, un dame de Coulanges, a remis à Me Gérard, du prix d'un immeuble de Mme de Cou- paiement subrogatif non prouvé par écrit notaire, la somme de 7.000 fr., pour langes, M. Parrot, acquéreur dudit im- ayant date certaine, et en ce qu'en statuant désintéresser le Crédit foncier du montant meuble, qui avait versé aux mains du ainsi, il a rejeté, sans y donner de ré- des intérêts arriérés qui lui étaient dus; notaire rédacteur de l'acte de vente, ponse, des conclusions prises à fin de que la quittance, mentionnée sur l'expédiMe Gérard, une somme de 7.000 fr., pour constatation du défaut de date certaine tion du titre d'acquisition à la date du désintéresser le Crédit foncier du mon- dudit écrit. 8 févr. 1904, ne permet pas de douter de tant d'intérėts arriérés d'un prêt hypothé- 2e Moyen. Violation, par fausse applica la réalité et de la sincérité de ce versecaire, a été colloqué au rang de l'hypo- tion, de l'art. 130, C. proc.; violation de ment, et que cette mention existait lors (C. proc., son acquisition au paiement des créanciers auxquels l'immeuble est hypothéqué, ne prescrit aucune formalité pour la constatation de cet emploi. Il suffit qu'il soit justifié que le prix a été réellement employé conformément au væu de la loi. V. Cass. 22 nov. 1893 (S. et P. 1894.1.337), et Ja note (n. I) de M. Dalmbert. Adde, Larombière, Théor. et prot. des oblig., t. 4, sur l'art. 1251, n. 19; Demolombe, Contr. ou oblig., t. 4, n. 539 et s.; Baudry-Lacantinerie et Barde, Oblig., 3® éd., t. 2, n. 1552, IV. Il en est ainsi, alors même que c'est par l'intermédiaire d'un mandataire que l'acquéreur a payé les créanciers hypothécaires. V. Cass. 22 nov. 1893, précité, la note de M. Dalmbert, et les renvois. Adde, Bandry-Lacantinerie et Barde, op. et loc. cit. L'acquéreur prouvera cet emploi conformément aux règles du droit commun. Vi la note de M. Dalmbert sous Cass. 22 nov. 1893, précité; et Laurent, Princ. de dr. civ., t. 18, nQ 94. Dans l'espèce ci-dessus, le prix avait été versé par l'acquéreur au notaire, ayant, comme tel, qualité pour recevoir le prix et en faire emploi, et ce versement était constaté par une quittance dont mention avait été faite sur l'acte de vente, d'après les constatations de l'arrêt attaqué, avant la pro de la su caires de rang subsequent qui contestaient la su- était conviée, sur le point de savoir si la règle (1) V. la note qui précède. (2) La condamnation aux dépens ne peut s'appliquer qu'aux frais afférents à la contestation divisant les parties (V. Cass. 7 mai 1907, S. et P. la condition d'être assortie de motifs spéciaux, ce proc., 2° éd., par Tiesier, t. jer, n. 511. V. au surplus, notre C. proc. annoté, par Tissier, Darras et Louiche-Desfontaines, sur l'art. 130, n. 246. brogation ; d'autre part, il était justifié de l'emploi 1909.1.151 ; Pand. pér., 1909.1.161, et les renvois); par une quittance du créancier hypothécaire auquel le notaire avait envoyé les fonds, et qui, à la suite du paiement par lui reçu, avait donné mainlevée de son inscription ; il y avait donc, pour employer les expressions mêmes de l'arrêt de Cass. 22 nov. 1893, précité, une « corrélation étroite . entre les quittances, établissant que le prix versé par l'acquéreur avait été employé au paiement des créanciers inscrits. Le pourvoi objectait que les quittances, n'ayant pas date certaine, ne pouvaient être opposées aux tiers, et spécialement aux créanciers hypothe et par là il faut entendre, en principe, seulement |