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des productions à l'ordre en cours; qu'il est incontestable, d'autre part, que Me Gérard, qui avait, en sa qualité de notaire, mandat à l'effet de recevoir les prix de vente et d'en faire emploi, a adressé, le 10 février, c'est-à-dire le surlendemain, au Crédit foncier, la somme de 7.000 fr. par lui reçue, et que l'administration de cet établissement lui en a, à son tour, adressé quittance, et donné mainlevée jusqu'à due concurrence; Attendu que l'emploi des deniers se trouve ainsi pleinement justifié au moyen de la corrélation existant entre la quittance donnée au défendeur éventuel par le notaire Gérard et celle délivrée à ce dernier par le Crédit foncier; Attendu que l'arrêt attaqué a ainsi constaté en fait l'emploi de partie du prix d'acquisition au paiement de la créance inscrite sur l'immeuble au profit dudit établissement; - D'où il suit que la Cour d'appel a pu décider en droit que l'acquéreur avait été subrogé légalement dans cette créance, et qu'en statuant ainsi, elle n'a violé, ni l'art. 1341, ni l'art. 1347, C. civ., et n'a fait de l'art. 1251, alin. 2, du même Code, qu'une exacte application;

Sur le deuxième moyen :- Attendu que si, dans la condamnation aux dépens, ne se trouvent renfermés que les frais faits conformément à la loi, et si les autographies litigieuses ne sauraient être comprises dans la taxe, il ne s'ensuit pas que ces documents aient un caractère frustratoire; qu'il résulte au contraire du dispositif de l'arrêt attaqué qu'ils ont été produits pour l'intelligence de la cause; D'où il suit que la Cour a pu, en vertu du pouvoir discrétionnaire qui lui appartient en pareille matière, décider que les dépens seraient employés comme frais privilégiés d'ordre, sans violer aucun des textes invoqués; Attendu que l'arrêt attaqué satisfait d'ailleurs aux prescriptions de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810; Rejette, etc. Du 22 avril 1912. Ch. req. MM. le cons. Lardenois, prés.; Loubers, rapp.; Lénard, av. gén. (concl. conf.); Chabrol, av.

(1-2) La Cour de cassation s'est déjà, à diverses reprises, prononcée dans le même sens sur le principe. V. Cass. 17 déc. 1906 (S. et P. 1907.1.487); 4 août 1909 (S. et P. 1911.1.30; Pand. pér., 1911. 1.30), les notes et renvois. Et elle a fait notamment l'application de ce principe au cas d'une demande en dommages-intérêts, formée par l'ouvrier contre le patron, après la rupture du contrat de travail, pour rétention indue de ses outils. V. Cass. 17 déc. 1906, précité, et la note.

(3-4) D'après une jurisprudence constante, la nullité résultant pour une société de ce que les formalités de publicité, prévues par la loi, n'ont point été observées, peut être invoquée par les créanciers personnels des associés, ces créanciers personnels étant au nombre des intéressés, que l'art. 56 de la loi du 24 juill. 1867 habilite à poursuivre l'annulation des sociétés de commerce dont la constitution n'a pas été établie conformément à ladite loi; et cette annulation peut être opposée même aux créanciers sociaux. V. Cass. 25 mars 1890 (S. et P. 1892.1.126, et le rapport de M. le conseiller Cotelle; Pand. pér., 1891.1.7); 14 avril 1893 (S. et P. 1897.1.487; Pand. pér., 1894.1.427); 7 août 1893 (S. et P. 1894.1.260;

CASS.-CIV. 5 février 1913.

PRUD'HOMMES, COMPÉTENCE, LOUAGE DE SERVICES, CONVENTIONS ACCESSOIRes, Outils, DÉPÔT (Rép., v Prud'hommes, n. 72 et s.; Pand. Rép., Suppl., v Conseils de prud'hommes, n. 9 et s..

La compétence des conseils de prud'hommes s'étend à tous les litiges auxquels peut donner lieu l'exécution des conventions intervenues entre patrons et ouvriers, lorsqu'elles se rattachent directement au contrat de louage d'ouvrage, et en forment un accessoire (I) (L. 27 mars 1907, art. 1er).

Spécialement, lorsqu'un ouvrier, obligé par un accident du travail de quitter le chantier où il travaillait, a déposé ses outils dans un local appartenant à son patron, qui en a accepté le dépot, est de la competence du conseil de prud'hommes la demande formée ultérieurement par l'ouvrier contre le patron, en paiement de la valeur de ces outils, détruits par un incendie (2) (Id.).

(Leloup C. Schmit). -- ARRÊT.

LA COUR; Attendu que, des constatations du jugement attaqué, il résulte que Schmit, ouvrier au service de Leloup, entrepreneur de travaux publics, a été victime d'un accident du travail, et a déposé les outils qu'il avait portés sur le chantier pour son travail, dans un local appartenant à son patron, et que celui-ci a accepté ce dépôt; que les outils ont été brûlés, et que Leloup a été condamné à payer à Schmit une somme de 54 fr. 25 représentant leur valeur; Attendu que Leloup soutient vainement que la juridiction des prud'hommes était incompétente pour connaitre de cette contestation; qu'en effet, la compétence des conseils des prud'hommes s'étend à tous les litiges auxquels peut donner lieu l'exécution des conventions intervenues entre les patrons et les ouvriers, lorsqu'elles se rattachent direcment au contrat de louage d'ouvrage, et en forment un accessoire; qu'on ne peut considérer comme étrangère au contrat de louage d'ouvrage la contestation rela

Pand. pér., 1895.1.156); 7 juin 1904 (S. et P. 1905.1.8; Pand. pér., 1905.1.48). Et c'est aussi l'opinion de la grande majorité des auteurs. V. not., Lyon-Caen et Renault, Tr. de dr. comm., 4 éd., t. 2, 1re part., n. 228 et s.; Houpin, Tr. gén. des soc., 4o éd., t. 1, n. 570 et s., et t. 2, n. 1023; Boistel, Précis de dr. comm., 3° éd., D. 360; Vavasseur, Tr. des soc. civ. et comm., 4o éd., t. 2, n. 1031; Thaller, Tr. élém. de dr. comm., 4° éd., n. 371; Hémard, Nullités de sociétés et sociétés de fait, n. 147. Adde, notre C. comm. annoté, par Cohendy et Darras, t. 1", p. 267, sur les art. 55-56 de la loi du 24 juil. 1867, n. 104 et s.

L'application de ce principe ne soulève de difficulté qu'en cas de faillite. Un premier point cependant est aujourd'hui admis, c'est qu'une société de fait peut être déclarée en faillite à la requête des créanciers sociaux, au même titre qu'une société régulièrement constituée, et que la faillite de cette société entraîne, par voie de conséquence nécessaire, la faillite personnelle de chacun des associés. V. Cass. 12 nov. 1894 (S. et P. 1897.1. 117; Pand. per., 1896.1.107); 3 avril 1895 (S. et P. 1897.1.118; Pand. per., 1896.1.419); 5 juill.

tive aux outils dont Leloup avait été constitué dépositaire au moment où l'accident du travail s'est produit; Rejette le pourvoi formé contre le jugement rendu le 22 nov. 1912 par le tribunal civil de la Seine, etc.

Du 5 févr. 1913. — Ch. civ. - MM. Baudouin, le prés.; Douarche, rapp.; Mérillon, av. gén. (concl. conf.).

CASS.-CIV. 26 février 1913. FAILLITE, SOCIÉTÉ DE FAIT, JUGEMENT DÉCLARATIF, OPPOSITION, PARTIES INTÉRES SÉES, ASSOCIÉ, CRÉANCIERS PERSONNELS, RAPPORT DE LA FAILLITE, INDIVISIBILITÉ, CASSATION (Rép., vis Faillite, n. 4119 et s., Société commerciale, n. 3772; Pand. Rép., vis Faillite, liquidation judiciaire, etc.. n. 1500, Sociétés, n. 3973 et s.).

Lorsqu'une société, ayant fonctionné, sans l'accomplissement des formalités légales, au delà du terme fixé pour sa durée, a été déclarée en faillite comme société de fait, et que sa faillite a entraîné, par voie de conséquence, celle des associés, les créanciers personnels de ces derniers sont au nombre des parties intéressées» que l'art. 580, C. comm., habilite à former opposition au jugement déclaratif; en pareil cas, le rapport de la faillite, lorsqu'il est prononcé, produit, à raison de son indivisibilité, son effet à l'égard de tous (3) (C. comm., 580).

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Par suite, doit être cassé l'arrêt qui refuse au créancier personnel de l'un des associés, ayant intérêt à ce que la faillite ne soit pas prononcée, le droit de former opposition au jugement déclaratif de faillite, par le motif que les droits de ce créancier sont sauvegardés par la faculté de les discuter avec le syndic el de les faire prévaloir contre la faillite (4) (Id.).

(Dupont et Lambin C. Synd. Hours, Edel et Dupont).

MM. Dupont, Hours et Edel ont formé

1900 (sol implic.) (S. et P. 1904.1.190; Pand. pér., 1901.1.434); Lyon-Caen et Renault, op. cit., 3 éd., t. 8, n. 1141, 1144, 1147; Thaller, op. cit., n. 2193 et 2196; Hémard, op. cit., n. 286; notre C. comm. annoté, par Cohendy et Darras, sur l'art. 437, n. 11 et s., et 17 et s.; et notre Rép, gén. du dr. fr., v° Faillite, n. 149 et s., 158 et s.; Pand. Rep., eod. verb., n. 508 et s.

Cela ne souffre pas difficulté, lorsque la contestation se limite aux associés et aux créanciers sociaux. Mais, quand ces derniers se trouvent en face de créanciers personnels des associés, argnant de la nullité de la société et ayant intérêt à ce que la faillite ne soit pas déclarée, la situation est toute différente. En pareil cas, les créanciers personnels peuvent intervenir avant que la faillite n'ait été prononcée pour en empêcher la déclaration (V. Hémard, op. cit., n.288); ils peuvent également, si la faillite a déjà été déclarée, former opposition au jugement déclaratif; ils sont, en effet, au nombre des « parties intéressées », que l'art. 580, C. comm., habilite à former ce recours. V. Cass. 5 juill. 1900 (sol. implic.), précité; Lyon-Caen et Renault, op. cit., 4° éd., t. 2, 1re part., n. 239; Boistel, op. cit., n. 894; Thaller, op. cit., n. 371; Hémard,

entre eux, par acte des 15-18 sept. 1893, pour une durée de dix années, expirant le 31 août 1903, une société en nom collectif, dont le siège social était fixé à Lyon. Cette société avait un comptoir à Vienne (Autriche), dirigé spécialement par M. Dupont. A son expiration, la société n'a pas été renouvelée; elle a néanmoins continué son commerce, fonctionnant, dès lors, comme société de fait. - Par jugement du 26 mars 1907, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé d'office la faillite de cette société de fait, ainsi que la faillite-personnelle des trois associés. MM. Hours, Edel et Dupont. Le 25 avril 1907, M. Dupont et l'un de ses créanciers personnels, M. Lambin, ont formé opposition à ce jugement. Puis, le 12 juin suivant, M. Dupont a interjeté appel du même jugement. 8 août 1907,

jugement du tribunal de commerce de Lyon, qui, statuant sur l'opposition de MM. Dupont et Lambin, la rejette et maintient le jugement de déclaration de faillite.

Par exploit en date du 9 nov. 1907, MM. Dupont et Lambin ont interjeté appel de cette décision. Devant la Cour de Lyon, M. Dupont a conclu: « Dire que lui Dupont, qui n'a pas fait acte de commerce en France et n'a pas pu cesser ses paiements, ne peut être déclaré en faillite...; dire que le tribunal ne pouvait comprendre Dupont dans la faillite de ses associés de fait, sans nuire injustement aux créanciers personnels qu'il peut avoir, notamment à Lambin; dire, par suite, que c'est à tort que le tribunal a prononcé d'office la faillite de Dupont, et qu'il a rejeté son opposition ». M. Lambin s'est prévalu de la nullité résultant à son égard du défaut de publicité de la société de fait dont il s'agissait; il a soutenu que la conséquence de cette nullité était de rendre impossible la faillite d'une telle société, par hypothèse inexistante; il a réclamé, par suite, le rapport tant de ladite faillite que de la faillite personnelle de M. Dupont, qui n'en était que la conséquence.

13 mars 1909, arrêt de la Cour de Lyon, qui, statuant sur les deux appels, tant du 12 juin 1907 que du 9 nov. suivant, les rejette. Après avoir relevé les diverses circonstances » démontrant directement

l'existence d'une société de fait, qui, entre ledit Dupont et Hours et Edel, avait succédé à la société régulière expirée le 31 août 1903 », ledit arrêt a décidé que, même si cette association de fait ne devait pas être considérée comme valable vis-à-vis des créanciers particuliers de chacun des asso

op. cit., n. 288. Et leur opposition sera recevable jusqu'à l'expiration des délais de l'art. 580, C. comm. V. Cass. 5 juill. 1900, précité; Hémard, op. cit., n. 289; Thaller, op. et loc. cit.

C'est ce droit d'opposition que l'arrêt attaqué avait refusé, dans l'espèce, à un créancier personnel de l'un des associés déclarés en faillite; et il le lui avait refusé, non pas parce que ce créancier n'aurait pas formé son opposition au jugement déclaratif de faillite dans le délai imparti par l'art. 580, C. comm., à toute partie intéressée, comme l'avait décidé l'arrêt précité du 5 juill. 1900, mais parce que les droits de ce créancier étaient sauvegardés par la faculté de les discuter avec le syndic et de les faire prévaloir contre la faillite. Une

ciés, il ne s'ensuivrait pas que ces créanciers pourraient s'opposer à la constatation de la suspension de paiements de l'association et à la mise en faillite; que leurs droits seraient, en effet, sauvegardés par la faculté de les discuter avec le syndic et de les faire prévaloir contre la faillite ».

POURVOI en cassation par M. Dupont et par M. Lambin. Moyen unique. Violation des art. 55, 56, 61 de la loi du 24 juill. 1867, 580, C. comm., ainsi que de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, pour défaut de motifs, en ce que la Cour, alors qu'il s'agissait de la faillite d'une société ayant fonctionné en fait et sans publication légale au delà du terme fixé pour sa durée, faillite qui avait entraîné celle des associés de fait, s'est refusée à prononcer le rapport de cette faillite, bien qu'il fût demandé par un créancier personnel d'un des associés de fait, qui se prévalait de la nullité de ladite société.

ARRÈT.

LA COUR; Sur l'unique moyen du pourvoi Vu l'art. 580, C. comm.; Attendu que, lorsqu'une société, ayant fonctionné, sans l'accomplissement des formalités légales, au delà du terme fixé pour sa durée, a été déclarée en faillite comme société de fait, et que sa faillite a entrainé, par voie de conséquence, celle des associés, les créanciers personnels de ces derniers sont au nombre des parties intéressées », que l'art. 580, C. comm., habilite à former opposition au jugement déclaratif; que le rapport de la faillite, à raison de son indivisibilité, produit son effet à l'égard de tous; Attendu que, de l'arrêt attaqué, il résulte que, par jugement en date du 26 mars 1907, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé d'office la faillite de la société de fait Hours, Edel et Dupont, ayant fonctionné sous l'apparence d'une société en nom collectif, ainsi que la faillite personnelle des associés; que, sur l'opposition de Dupont et de Lambin, son creancier, le jugement déclaratif a été maintenu par un autre jugement du 8 août 1907; qu'en appel, Dupont a prétendu qu'il n'avait point pris part aux opérations de négoce de Hours et Edel, qu'il ne saurait être considéré comme leur coassocié même de fait, et compris, par conséquent, dans leur faillite, sans nuire aux créanciers personnels qu'il pouvait avoir, notamment à Lambin; que, de son côté, Lambin, se prévalant de la

telle décision ne pouvait échapper à la cassation.

(1) Les sociétés sont civiles ou commerciales, suivant les mêmes règles que celles qui déterminent la condition des individus (V. Cass., 3 févr. 1902, S. et P. 1902.1.72; Pand. per., 1902.1.191), c'est-à-dire, réserve faite, en ce qui concerne les sociétés constituées sous une forme commerciale, de l'application des dispositions de l'art. 68, ajouté à la loi du 24 juill. 1867 par la loi du 1er août 1893 (V. Cass. 3 janv. 1912, S. et P. 1912.1.129; Pand. pér., 1912.1.129, et la note de M. LyonCaen; Bourges, 2 mai 1911, S. et P. 1912.2.204; Pand. pér., 1912.2.204, la note et les renvois), – suivant le but civil ou commercial en vue duquel elles ont été formées. V. Rouen, 16 juin 1890

-

nullité qui avait entaché la société, à raison de son fonctionnement, après l'expiration du terme fixé pour sa durée, sans l'accomplissement des formalités légales, a soutenu que la conséquence de cette nullité était de rendre impossible la faillite d'une telle société, par hypothèse inexistante »; Attendu que la Cour de Lyon, après avoir relevé les circonstances établissant l'existence d'une société de fait entre Hours, Edel et Dupont, et la part prise par ce dernier aux opérations com merciales, a repoussé les conclusions des demandeurs, par le motif que, même si cette association de fait ne devait pas être considérée comme valable vis-à-vis des créanciers particuliers de chacun des associés, il ne s'ensuivrait pas que ces créanciers pourraient s'opposer à la constatation de la suspension de paiements de l'association et à la mise en faillite; que leurs droits seraient, en effet, sauvegardés par la faculté de les discuter avec le syndic et de les faire prévaloir contre la faillite ; qu'en statuant ainsi, l'arrêt attaqué a violé l'article de loi susvisé; — Casse, etc.

Du 26 févr. 1913. - Ch. civ. MM. Baudouin, er prés.; Ruben de Couder, rapp.; Lombard, av. gén. (concl. conf.); Alcock, av.

CASS-IV. 5 mars 1913 (6 ARRÈTS).

1° SOCIÉTÉ (EN GÉNÉRAL), CARACTÈRES, SOCIÉTÉ CIVILE, SOCIÉTÉ COMMERCIALE, OPÉRATIONS DE COMMERCE (Rep., v° Société [en général], n. 345, 362 et s.; Pand. Rép., vo Sociétés, n. 1159 et s.). 2o PRUD HOMMES, COMPÉTENCE, LOUAGE DE SERVICES, EMPLOYÉS, APPOINTEMENTS, PAIEMENT, SOCIÉTÉ D'ASSURANCE, OPÉRATIONS COMMERCIALES, BUREAU RÉGIONAL, LIEU DU CONTRAT (Rép., vo Prud'hommes, n. 76 et s.; Pand. Rép., Suppl., v° Conseils de prud`hommes, n. 9 et s.).

1o Une société civile par son objet devient une société commerciale, si elle se livre habituellement à des opérations de négoce, par exemple, si elle gère plusieurs branches d'industrie et de commerce (1) (C. comm., 1, 631, 632).

2o Par suite, le conseil des prud'hommes est compétent pour statuer sur les contestations, relatives au paiement d'appointe ments, qui s'élèvent entre cette société et les employés avec lesquels elle a traité pour les besoins de sa gestion commerciale (2) (L. 27 mars 1907, art. 1er).

(S. et P. 1892.2.309); Cass. 8 nov. 1892 (S. et P. 1898.1.32), et les renvois; 22 nov. 1911 (S. et P. 1912.1.5; Pand. per., 1912.1.5), la note de M. LyonCaen et les renvois. Une société est donc commerciale, si elle a été formée en vue d'opérations commerciales, et elle a encore ce caractère, encore bien que son objet soit civil, si elle se livre à des opérations commerciales qui sont le caractère prédominant de son exploitation. V. C. d'appel de Bruxelles, 2 avril 1890 (S. 1891.4.38. P. 1891.2.64), et le renvoi; Cass. 8 mai 1905 (S. et P. 1910.1.555; Pand. pèr., 1910.1.555); Bourges, 2 mai 1911, précité, et les renvois.

(2) Avant la loi du 27 mars 1907, les conseils de prud'hommes n'étaient compétents, d'après

En pareil cas, ce n'est pas le conseil de prud'hommes du lieu où la société a son siège social qui est compétent, mais bien le conseil de prud'hommes du lieu où l'engagement a été contracté (1) (L. 27 mars 1907, art. 41).

Spécialement, lorsqu'une société d'assurances gère et administre les affaires d'une autre société d'assurances, aux lieu et place de cette dernière société, et qu'un bureau régional a été constitué pour la gestion de l'entreprise, c'est le conseil de prud'hommes du lieu où est établi ce bureau, et où le contrat de louage de services a été formé avec un employé, qui est compétent pour connaitre des difficultés concernant le paiement des salaires de l'employé (2) (Id.).

(Darmaignac C. Soc. d'assur. terr.
la Samaritaine).

Le 14 mai 1911, le conseil des prud'hommes de Toulouse avait condamné par défaut la Société mutuelle des assurances françaises à payer à M. Darmaignac la somme de 1.000 fr., pour solde d'appointements dus à ce dernier, en vertu d'un contrat signé à Toulouse, par lequel il était engagé comme employé dans la succursale de la société, établie dans cette ville. N'ayant pu exécuter ce jugement contre la Société des assurances françaises, M. Darmaignac a assigné la Société la Samaritaine, société civile en participation, devant le même conseil de prud'hommes, en déclaration de jugement commun; il a demandé que cette société fût condamnée à lui payer, conjointement avec les Assurances françaises, le montant des condamnations prononcées, en soutenant, à l'appui de sa demande, que c'était la Société la Samaritaine qui gérait et administrait les affaires des Assurances françaises, et qui, en réalité, avait traité avec lui. La Samaritaine a opposé une double exception d'incompétence, ratione loci et ratione materiæ, qui a été repoussée par jugement du conseil des prud'hommes de Toulouse, du 20 juin 1911, confirmé sur appel par jugement du tribunal civil de Toulouse du 3 nov. 1911.

POURVOI en cassation par la Société la

l'art. 1er du décret du 3 août 1810, que pour juger les contestations qui s'élevaient entre un marchand-fabricant, d'une part, et un chef d'atelier, un contremaître, un ouvrier, un compagnon ou un apprenti, d'autre part. En vertu des dispositions de l'art. 1er de la loi du 27 mars 1907, la juridiction des conseils de prud'hommes a été étendue à toutes les branches du commerce et de l'industrie, et elle est appelée à trancher « les différends qui peuvent s'élever, à l'occasion de l'exécution du contrat de louage d'ouvrage, dans le commerce et l'industrie, entre les patrons ou leurs représentants et les employés, ouvriers et apprentis de l'un et l'autre sexe qu'ils emploient Mais, pour que les employés soient justiciables des conseils de prud'hommes, il faut qu'il ait été créé pour eux une section spéciale de commerce. Cela résulte formellement, en effet, de l'art. 25 de la loi du 27 mars 1907, d'après lequel les catégories d'ouvriers et les catégories d'employés sont classées dans des sections distinctes. V. Cass. 18 déc. 1907 (S. et P. 1908.1. 28; Pand. pér., 1908.1.28), et le rapport de M. le conseiller Potier. Adde, la note sous Cass. 30 nov.

Samaritaine. 1er Moyen. Violation, par fausse application, de l'art. 41 de la loi du 27 mars 1907, des textes et des principes en matière de compétence, et de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que le jugement attaqué a reconnu la compétence du conseil de prud'hommes de Toulouse, alors que la société n'était liée par aucun traité passé à Toulouse avec M. Darmaignac.

2o Moyen. Violation de l'art. 1er de la loi du 27 mars 1907, des textes et des principes de la compétence ratione materiæ des conseils de prud'hommes, et de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que le jugement attaqué a reconnu la compétence du conseil de prud'hommes, alors qu'il s'agit d'affaires civiles et non commerciales. ARRÊT.

LA COUR;

nis :

Sur les deux moyens réuAttendu qu'il est constant en fait que, par jugement en date du 14 mai 1911, le conseil des prud'hommes de Toulouse a condamné la Société des assurances françaises à payer au sieur Darmaignac la somme de 1.000 fr., pour solde d'appointements à lui dus comme employé de cette société ; que Darmaignac, n'ayant pu exécuter ce jugement, a assigné la Société la Samaritaine, devant le même conseil de prud'hommes, en déclaration de jugement commun, et aux fins de la faire condamner, conjointement avec les Assurances françaises, à lui payer le montant de la somme allouée; que la Samaritaine a opposé à cette action une double exception d'incompétence, ratione materiæ et ratione loci; Sur l'inAttendu compétence ratione materiæ : que, pour décliner la compétence du conseil des prud'hommes, la Samaritaine soutenait qu'elle constituait, non une société commerciale, mais une société civile, régie par les dispositions du titre IX, liv. III du Code civil; Mais attendu qu'aux termes de l'art. 1, C. comm., « sont commerçants ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession habituelle »; que, pour déclarer que la Samaritaine devait être considérée comme commerçante, le jugement attaqué s'est fondé sur ce qu'il résulte des faits et documents de

1910 (S. et P. 1911.1.104; Pand. pér., 1911.1.104).

Dans l'espèce, aucune difficulté n'était soulevée à cet égard; l'existence d'une section commerciale n'était pas discutée; or, dès l'instant que des contestations s'élevaient entre une société dont les opérations étaient reconnues avoir un caractère commercial et l'un ou plusieurs de ses employés relativement à des salaires restant dus, c'était devant la section commerciale des prud'hommes que la réclamation devait être portée. V. comme application du principe, Cass. 3 févr. 1902 (S. et P. 1902.1.72).

La compétence à raison de la matière étant établie, il s'agissait de rechercher si le conseil saisi était bien celui à qui, ratione loci, le litige ressortissait. La société assignée, la Samaritaine, soutenait qu'ayant son siège à Paris, et ne possédant à Toulouse aucune succursale qui lui fût propre, elle ne pouvait être assignée qu'à Paris. Mais, d'après l'art. 41 de la loi du 27 mars 1907, la compétence ratione loci des conseils de prud'hommes est fixée, pour le travail dans un établissement, par la situation de cet établisse

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la cause, en particulier des prospectus et circulaires adressés par la Samaritaine au public, qu'elle gère plusieurs branches d'industrie et de commerce »; que c'est donc à bon droit que, de ces circonstances par lui souverainement constatées, le jugement attaqué a conclu au rejet de l'exception, et a admis la compétence du conseil des prud'hommes;

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Sur l'incompétence ratione loci: tendu que la Samaritaine soutenait de ce chef qu'ayant son siège social à Paris, et n'ayant pas de succursale à Toulouse, le conseil de prud'hommes de cette dernière ville était incompétent; Mais attendu qu'il est constant, d'une part, que les Assurances françaises avaient créé un bureau régional à Toulouse, et que c'est dans cette ville qu'a été signé l'engagement Darmaignac; que, d'autre part, le jugement attaqué déclare que c'est la Samaritaine qui gère et administre les biens des Assurances françaises, aux lieu et place de cette dernière société; qu'il en résulte que les engagements dérivant du contrat de louage de services passé avec Darmaignac ont été pris par la Samaritaine pour les besoins de sa gestion commerciale des Assurances francaises; Et attendu qu'en vertu de l'art. 41 de la loi du 27 mars 1907, la compétence des conseils de prud'hommes est fixée, pour le travail dans un établissement, par la situation de cet établissement, et, pour le travail en dehors de tout établissement, par le lieu où l'engagement a été contracté ; qu'en décidant, dans l'espèce, que le conseil des prud'hommes de Toulouse, lieu où s'est formé le contrat de louage, était compétent, le jugement attaqué a motivé sa décision, et loin de violer les textes de loi invoqués au pourvoi, en a fait, au contraire, une exacte application; - Rejette, etc.

Du 5 mars 1913. Ch. civ. MM. Baudouin, 1er prés.; Ruben de Couder, rapp.; Mérillon, av. gén. (concl. conf.); Lefort et Bressolles, av.

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ment, et, pour le travail en dehors de tout établissement, par le lieu où l'engagement a été contracté ». V. la note sous Cass. 13 mai 1912 (S. et P. 1912.1.321; Pand. pér., 1912.1.321). Or, les juges du fond constataient que le contrat de louage avait été formé à Toulouse, que la Société des assurances françaises y avait créé un bureau régional, et que c'était la Société la Samaritaine qui gérait et administrait les affaires de la Société des assurances françaises, aux lieu et place de cette dernière; que c'était elle notamment qui avait passé les engagements avec les employés. Toulouse était donc bien le lieu, non seulement où l'engagement avait été contracté, mais où le travail devait être fait, et l'emploi tenu (V. à cet égard, sur ce que l'on doit entendre par travail dans l'établissement », au sens de l'art. 41 de la loi de 1907, Cass. 15 nov. 1909, S. et P. 1910.1. 72; Pand. pér., 1910.1.72, et la note), et aussi, par conséquent, le lieu où l'instance, relative au contrat de travail, devait être portée devant la section commerciale du conseil des prud'hommes. (1-2) V. la note qui précède.

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CASS.-CIV. 6 février 1912.

CULTES, SÉPARATION DES ÉGLISES ET DE L'ETAT, EGLISES, AFFECTATION AU CULTE CATHOLIQUE, MINISTRE DU CULTE, MISE EN POSSESSION, CURE, ORGANISATION GENERALE DU CULTE, Hiérarchie catholique, NOMINATION PAR L'ÉVÊQUE, PRÉDÉCESSEUR RÉVOQUÉ, DROIT CANONIQUE, AUTORITÉ

JUDICIAIRE.

La disposition de l'art. 5, & ler, de la loi du 2 janv. 1907, d'après laquelle, à défaut d'associations cultuelles, les édifices affectés à l'exercice du culte, ainsi que les meubles les garnissant, continueront, sauf

(1-2-3) Nous ne reviendrons pas sur la question de l'attribution des églises aux ministres du culte, déjà étudiée dans notre note sous l'arrêt de Cass. 5 févr. 1912 (S. et P. 1912.1.353; Pand. pér., 1912.1.353), par lequel la Cour de cassation s'est prononcée en faveur du « ministre faisant partie de la hiérarchie catholique; dans l'arrêt ci-dessus, sa terminologie est plus précise encore; elle réserve l'église au « ministre en communion avec son évêque ». Nous envisagerons seulement, au cours des explications qui vont suivre, la question très grave et très délicate des rapports du droit canonique et de la législation civile, de la loi d'Eglise et de la loi d'Etat, sous le régime de la séparation!

Voici de quelle façon se posait la question dans l'espèce qui a donné lieu à l'arrêt ci-dessus : l'abbé E... avait été nommé, par son évêque, curé de la paroisse d'Apchon, en mars 1907; mais, par suite de difficultés avec ses supérieurs hiérarchiques, il avait été révoqué en septembre 1907. L'abbé J... a été nommé, en son remplacement, le 20 mars 1908. Mais l'abbé E..., excipant de prétendues irrégularités dans sa révocation par l'évêque, refusa de remettre à son successeur les clefs de l'église. C'est dans ces conditions que l'abbé J... a introduit sa demande, qui a été admise par la Cour de Riom (V. Riom, 1er mars 1909, S. et P. 1909.2.28; Pand. pér., 1909.2.28). Dans le même sens, par l'arrêt ci-dessus, la Cour de cassation déclare qu'il n'appartenait pas aux tribunaux de rechercher si les mesures prises par les supérieurs hiérarchiques des abbés E... et J... étaient conformes aux règles canoniques, et de les apprécier ».

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Ainsi donc, il est bien entendu que les tribunaux français n'ont pas à connaître des prescriptions du droit canonique. Mais comment concilier le principe avec la série des textes législatifs qui se réfèrent explicitement à ces prescriptions? Que sont donc les règles d'organisation générale du culte catholique, visées par l'art. 4 de la loi de séparation, et qui, par suite des décisions d'une jurisprudence constante, doivent guider les tribunaux quand il s'agit de statuer sur l'attribution d'un édifice cultuel à tel ou tel ministre? Comment admettre que le juge doive suivre les règles canoniques pour attribuer une église au ministre du culte, et qu'il doive ignorer ce même droit cano. nique, quand il s'agit de statuer sur la validité d'une décision épiscopale, qui a justement pour effet d'appeler le ministre en question à l'occuper? Comment peut-on expliquer et justifier cette antinomie au moins apparente?

L'arrêt ci-dessus et celui du 5 févr. 1912, précité, posent très nettement les deux principes suivants :

ANNÉE 1913. 3 cah.

désaffectation dans les cas prévus par la loi du 9 dec. 1905, à être laissés à la disposition des fidèles et des ministres du culte, pour la pratique de leur religion, a pour effet de maintenir expressément, sous le régime nouveau de la séparation, l'affec tation des édifices religieux au culte qui y était antérieurement célébré sous le régime concordataire (1) (L. 2 janv. 1907, art. 5, ler).

Par suite, lorsqu'un conflit s'élève entre deux prêtres pour l'occupation d'une église catholique, l'attribution de celle-ci doit être exclusivement réservée à celui qui se soumet aux règles d'organisation générale du culte dont il se propose d'assurer l'exer

1° Il appartient aux tribunaux de constater que tel individu possède la qualité de ministre du culte en communion avec son évêque », et qu'il a été investi par ce dernier du titre nécessaire et suffisant pour occuper l'église. Ils statuent sur la question de savoir si le titre en question existe ou non ; ils n'ont pas à l'apprécier ⚫, à le discuter. Nous rencontrons dans notre droit administratif, à propos d'une autre séparation, celle des pouvoirs exécutif et judiciaire, une solution qui, mutatis mutandis, rappelle de très près celle que nous signalons ici. En matière d'expropriation, le tribunal civil, qui, par jugement, transfère la propriété, doit vérifier si en fait les opérations administratives préliminaires ont été accomplies; certes, il ne peut les apprécier, ni statuer sur leur validité, mais il constate leur existence matérielle; si elles ont eu lieu, il doit transférer la propriété. V. Cass. 9 avril 1877 (S. 1878.1.128. P. 1878.293); 8 déc. 1891 (S. et P. 1892.1.95; Pand. pér., 1892.1.460); 28 juin 1897 (S. et P. 1897.1.464; Pand. pér., 1898.1.295), et les renvois; Hauriou, Précis de dr. admin, 7o éd., p. 763. Il en est de même ici : La décision épiscopale a-t-elle été rendue? Le tribunal ne peut qu'ordonner la remise de l'édifice cultuel au prêtre qu'elle a désigné.

:

2° Les tribunaux n'ont pas à apprécier, au point de vue du droit canonique, la validité des actes épiscopaux de nomination et de révocation. Il s'agit pour eux, non d'une question de droit, mais d'un point qu'ils doivent regarder comme question de fait tel ministre du culte est-il en fait désigné ou non par son évêque? C'est à une solution du même ordre que se réfère l'art. 8 de la loi de 1905, quand il décide qu'en cas de contestation entre deux associations cultuelles, le Conseil d'Etat devra juger « en tenant compte de toutes les circonstances de fait. Parmi ces circonstances, l'une de celles qui devront être prépondérantes sera justement la désignation du ministre du culte par l'autorité spirituelle.

Les conséquences de ces solutions de principe sont très graves, mais certaines; elles impliquent la reconnaissance au moins tacite d'un pouvoir disciplinaire autonome, qui s'exerce librement, en dehors du contrôle de l'Etat, au sein des Eglises, et notamment de l'Eglise catholique ; l'Etat doit envisager les diverses manifestations de ce pouvoir comme des faits; il ne peut, par ses tribunaux, obliger les autorités spirituelles qui en abuseraient à se renfermer dans l'observation des règles canoniques. C'est la reconnaissance implicite d'une autorité spirituelle juxtaposée au pouvoir temporel de l'Etat..

Que l'on ne dise pas que cette interprétation est contraire à l'art. 2 de la loi de 1905; celui-ci

cice, notamment à celles de la hiérarchie ecclésiastique, et qui demeure en communion avec son évêque (2) (Id.).

Et les juges du fond, saisis par le prêtre, nommé par l'évêque pour desservir une paroisse en remplacement d'un prêtre que l'évéèque avait révoqué, d'une action tendant à être mis en possession de l'église, refusent à bon droit d'examiner si la révocation prononcée par l'évêque était régulière; il n'appartient pas, en effet, aux juges de rechercher si les mesures prises par les chefs hiérarchiques des deux prêtres étaient conformes aux regles canoniques, ni de les apprécier (3) (Id.).

déclare qu'il n'y a plus de cultes reconnus, au sens que cette expression avait sous le Concordat; c'est dire seulement qu'il n'y a plus de cultes associés à l'action de l'Etat, et jouissant d'un régime privilégié par rapport aux autres formes cultuelles. Désormais, tous les cultes sont sur le même plan. Mais cela ne saurait signifier, bien entendu, que l'Etat les ignore; il les ignore si peu que les mots • ministres du culte reviennent à chaque instant sous la plume des législateurs de 1905 et de 1907, et que toute une jurisprudence s'est formée pour interpréter ces termes. V. Cass. 1er déc. 1910 (S. et P. 1911.1.345; Pand. pér., 1911.1.345), et la note de M. Roux; 5 févr. 1912, précité, et la note de M. Mestre. Le législateur prend donc les Eglises comme elles sont, avec leurs règles d'organisation et avec les principes de leur droit disciplinaire. Nous sommes bien dans la logique des lois de séparation. C'est un fait que les Eglises posent des règles de discipline spirituelle parmi ces règles, les unes sont relatives aux rapports des fidèles avec les ministres du culte, et visent, notamment dans l'organisation catholique, l'administration des sacrements, l'ordre des cérémonies, la sépulture religieuse, etc.; d'autres régissent les rapports des ministres des cultes entre eux, et appliquent les principes de la hiérarchie ecclésiastique. Tant que ces règles s'appliquent à l'intérieur du groupement religieux, ou tant qu'elles ne tendent qu'à produire un effet prévu et voulu par la loi française (notamment par la loi du 2 janv. 1907, sur l'attribution des édifices), l'autonomie du groupement religieux s'impose comme un fait, et la Cour de cassation se borne à reconnaître ce fait, quand elle déclare que le droit canonique n'est point affaire d'E

tat.

Dès avant la séparation, des applications de ces idées ont été faites à plusieurs reprises par les tribunaux dans une matière fort voisine de celle qui nous occupe, en matière de congrégations; la jurisprudence admet d'une façon générale que le

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droit d'exclusion échappe, en ce qui concerne les motifs pour lesquels l'exclusion est prononcée, au contrôle des tribunaux, à condition toutefois d'être exercé sans dol ni fraude (V. Michoud, Theor. de la personn. morale, t. 2, n. 177). D'après un arrêt de la Cour de Chambéry du 28 juin 1875 (S. 1875.2.215), il y a lieu de distinguer, dans les statuts d'une congrégation, ce qui est de l'essence ecclésiastique de ce qui touche aux obligations ordinaires. Ces derniers points seuls peuvent donner lieu à une demande en justice. V. dans le même sens, Besançon, 24 janv. 1881 (motifs), sous Cass. 18 juill. 1881 (S. 1882.1.289.

P. 1882.1.721), et Cass. 18 juill. 1881, précité, avec le rapport de M. le conseiller Féraud-Giraud; Trib. de Semur, 17 juill. 1893 (motifs), sous Dijon, I PART. 18

(Abbé Esdoluc C. Abbé Journiac

et Comm. d'Apchon).

Il y a eu pourvoi en cassation par M. l'abbé Esdoluc contre l'arrêt de la Cour d'appel de Riom du 1er mars 1909, rapporté S. et P. 1909.2.28; Pand. pér., 1909. 2.28. Moyen unique. Violation des art. 4, 6, 8, 12 de la loi du 9 déc. 1905, des art. 1er et s. de la loi du 2 janv. 1907, ainsi que de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, pour manque de base légale et défaut de motifs, en ce que l'arrêt attaqué, pour faire droit à l'action du défendeur, s'est fondé sur une soi-disant révocation prononcée contre l'exposant, à la date du 5 sept. 1907, alors

9 févr. 1894 (S. et P. 1894.2.64), et Dijon, 9 févr. 1894, précité. Comp. la note de M. Labbé sous Cass. 18 juill. 1881, précité. Il y a donc, dans les groupements religieux, tout comme dans la famille, un certain pouvoir disciplinaire autonome, qui s'impose comme un fait à l'Etat, et que ses tribunaux n'ont point à apprécier.

Est-ce à dire que les tribunaux soient absolument désarmés contre les excès du pouvoir spirituel? Non certes, pas plus qu'ils ne sont désarmés contre les excès du pouvoir paternel. Tout d'abord, un certain nombre de ces abus ont été érigés en infractions spéciales (V. not., art. 30, 34 et s. de la loi de 1905); sur d'autres points, le pouvoir de police du maire peut intervenir (art. 27 de la même loi); enfin, bien entendu, les cas de dol et de fraude sont toujours exceptés; s'il était établi qu'une supérieure de congrégation, qu'un ministre du culte n'usent de leurs prérogatives spirituelles que pour molester tel religieux, tel fidèle, ou pour se soustraire à l'exécution d'une obligation qu'ils auraient contractée à leur égard, nul doute que les tribunaux ne fussent compétents pour prononcer contre eux une condamnation à des dommages-intérêts en vertu de l'art. 1382, C. civ. Sic, en matière de congrégation, Besançon, 24 janv. 1881 (motifs), précité; Cass. 18 juill. 1881, précité; Trib. de Semur, 17 juill. 1893 (motifs), précité; Dijon, 9 févr. 1894, précité; Michoud, loc. cit. V. égal., dans l'affaire des instituteurs plaidant contre les évêques, Paris, 4 janv. 1911, Douai, 17 mai 1911, et Trib. de Cahors, 13 juill. 1910 (S. et P. 1912.2.1; Pand. pér., 1912.2.1); mais les tribunaux ne pourraient s'appuyer sur la simple violation d'une règle canonique pour condamner un ministre du culte à des dommages-intérêts, soit envers un autre ministre, soit envers un fidèle.

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C'est ce qu'a reconnu à diverses reprises la jurisprudence une première fois, l'archevêque de Paris fut actionné en dommages-intérêts par un vicaire pour brusque congédiement; le tribunal de la Seine rejeta la demande, et déclara qu'il était sans intérêt pour la solution du litige de rechercher, au point de vue de la loi civile, la nature des rapports qui existaient entre le vicaire et l'archevêque (Trib. de la Seine, 1re ch., 9 juin 1909, Gaz. des Trib., 10 juin 1909); de même, un prêtre, auteur d'un livre, ayant assigné son évêque en dommagesintérêts pour refus d'imprimatur et retrait du celebret, l'archevêque, déclara le tribunal de la Seine, agit en sa qualité de chef spirituel du diocèse... sa décision (pour l'imprimatur) ne relève que de sa conscience; il remplit dans ce cas un devoir de sa charge épiscopale, qui lui est absolument personnel, et dont il n'a à partager avec personne la responsabilité ». Quant au retrait du

que celui-ci, régulièrement nommé à Apchon, ne pouvait être privé de ses fonctions qu'en suite d'une décision régulièrement prise contre lui, et que l'arrêt attaqué a refusé d'examiner la question de savoir si la soi-disant révocation du 5 sept. 1907, sur laquelle il se fondait, avait été régulièrement prononcée, ou, au contraire, si elle n'était pas entachée d'une nullité radicale, ainsi que le soutenait expressément l'intéressé dans ses conclusions.

ARRÈT (apr. délib. en ch. du cons.).

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Dans une hypothèse voisine, refus de la sépulture ecclésiastique, un tribunal a prononcé une condamnation à des dommages-intérêts contre un ministre du culte (Trib. de Montbéliard, 15 déc. 1910, Rev. des grands procès contemporains, 1911, p. 88 et s.); mais il faut noter d'abord que le tribunal s'est trouvé la en présence d'une violation par le ministre du culte d'une obligation résultant d'un contrat antérieurement conclu avec le décédé; d'autre part, le défendeur ayant déclaré acquiescer par anticipation à toute disposition du jugement qui ordonnerait une expertise à l'effet d'élucider les règles canoniques invoquées par le demandeur, le tribunal s'est refusé à ordonner cette expertise, et, par conséquent, à se placer sur le terrain du droit canonique. V. cep. en sens contraire, la remarquable plaidoirie de M° André Mater, loc. cit., et du même auteur, La politique religieuse de la troisième République, ch. II,

VI et XVI.

Le principe que les actes des autorités ecclésiastiques doivent être acceptés comme des faits par les tribunaux et ne sauraient être appréciés par eux doit s'appliquer aux décisions prises aux divers degrés de la hiérarchie, et par conséquent aux actes du pouvoir pontifical lui-même. Supposons un conflit surgissant, non plus entre deux prêtres, mais entre deux évêques, relativement à un siège épiscopal et à l'occupation d'une cathédrale. Les règles d'organisation du culte catholique, dans leur état actuel, exigent que l'évêque soit investi de sa fonction par le pape; c'est donc la décision du pape elle-même dont les tribunaux devront tenir compte comme d'un fait, sans qu'il leur appartienne de l'apprécier.

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Cette conséquence fort grave et toute nouvelle dans notre droit est la conséquence certaine des lois de séparation, et notamment de l'art. 4 de la loi de 1905. Rappelons-nous l'intervention de M. Briand, rapporteur, lors des laborieux travaux préparatoires de cet article. Nous sommes en présence de l'Eglise catholique, avec la constitution qu'elle s'est donnée... Il y a des curés, des évêques, il y a même un pape... » (Chambre des députés, 2 séance du 22 avril 1905; J. off. du 23, déb. parl., p. 1677, 1 col.). Ajoutons que les textes traditionnels, qui établissaient une collaboration des autorités françaises avec le Saint-Siège, ou un contrôle du gouvernement sur les actes de la Cour de Rome, ont disparu depuis l'abrogation du Concordat et des articles organiques (art. 4 et 5

avant la loi qui a prononcé la séparation des Eglises et de l'Etat, était affectée à l'exercice du culte catholique; que l'abbé Esdoluc avait été nommé curé de cette paroisse en avril 1907, mais, qu'à la suite de difficultés avec ses supérieurs hiérarchiques, il avait été révoqué de ses fonctions, le 5 septembre suivant; que l'abbé Journiac a été nommé, en son remplacement, le 20 mars 1908; Attendu que l'arrêt déclare qu'en sa qualité de ministre du culte catholique, Journiac est recevable à réclamer en justice la mise à sa disposition de l'église d'Apchon et des objets cultuels qu'elle renferme, et qu'il est fondé à l'obtenir, parce qu'il fait partie de la

du Concordat; art. 1 et 18 des organiques). Les tribunaux français n'ont jamais eu à se prononcer à ce sujet, mais ils le feraient sans aucun doute dans le sens que nous indiquons. V. not., l'arrêt de Bastia, 17 févr. 1908, S. et P. 1908. 2.273; Pand. pér., 1908.2.273), où nous relevons le considérant suivant: Pour l'Eglise catholique, les associations doivent être en communion avec l'évêque, uni lui-même au Souverain Pontife V. égal, la note de M. Tissier sous cet arrêt.

Une théorie diamétralement opposée à celle que nous venons de présenter a été soutenue avec beaucoup de talent par Me André Mater et par M. le substitut Matter dans les conclusions qu'il a données devant le tribunal de la Seine lors de l'affaire jugée le 9 juin 1909 (loc. cit.). Pour ces auteurs, l'Eglise catholique est une association, association cultuelle non déclarée. Les prescriptions du droit canonique constituent les statuts de cette association. Lorsqu'ils sont violés au détriment des membres du groupe, ceux-ci, comme des associés quelconques, peuvent exiger des dommages-intérêts. Le droit canon pourrait donc être invoqué devant les tribunaux comme les statuts d'une association.

Mais est-il bien certain que l'Eglise catholique constitue une association? S'il en était ainsi, ce serait une vaste association cultuelle, et une cultuelle non déclarée, en état de contravention permanente à la loi de 1905, qui prescrit à toute cultuelle une déclaration. Et ce serait à cette association en état de révolte que la loi de 1907 aurait permis d'occuper régulièrement les édifices du culte Aux yeux de la loi française, cela ressort de tous les textes cultuels, l'Eglise catholique est un fait et un fait licite; donc elle n'est point une association, qui, par définition, serait illicite. Elle apparaît bien plutôt comme une institution internationale, permanente et autonome, à laquelle ses fidèles donnent leur adhésion, et qui se raproche du type fondation, beaucoup plus que du type association; pas plus que l'Etat luimême, elle ne résulte d'un contrat social productif d'obligations civiles que des tribunaux laïques pourraient sanctionner. Tandis que les statuts d'une association sont susceptibles d'être revisés par l'assemblée de ses membres, les fidèles n'ont aucune compétence pour modifier les règles du droit canon. Celles-ci ne sauraient donc apparaître comme les statuts de l'association-Eglise. (Sur ce point, cf. Crouzel, Le régime légal du culte catholique, p. 83 et s.).

ACHILLE MESTRE, Professeur à la Faculté de droit de Toulouse.

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