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1902, aux termes desquelles les ouvriers dont le salaire dépasse 2.400 fr. ne bénéficient de la loi de 1898 que jusqu'à concurrence de cette somme, les rentes, pour le surplus, étant réduites au quart du chiffre fixé par l'art. 3, sont générales, et s'appliquent aussi bien aux représentants des victimes d'un accident du travail qu'aux victimes ellesmêmes (1) (LL. 9 avril 1898, art. 2; 22 mars 1902).

Les rentes dues à la veuve et aux enfants mineurs de l'ouvrier décédé des suites d'un accident du travail, et dont le salaire annuel excédait 2.400 fr., doivent donc être réduites des trois quarts, en tant qu'elles sont calculées sur la partie du salaire annuel excédant 2.400 fr. (2) (LL. 9 avril 1898, art. 2 et 3; 22 mars 1902; 31 mars 1905).

(Soc. des engrais complets C. Vve Rabaud).

-

ARRÈT.

LA COUR; Sur le premier moyen du pourvoi: Vu l'art. 2 de la loi du 9 avril 1898, modifié par la loi du 22 mars 1902; - Attendu que les dispositions de cet article sont générales, et s'appliquent aussi bien aux représentants des victimes d'un accident du travail qu'aux victimes elles-mêmes; que notamment, les rentes dues à la veuve et aux enfants mineurs, déterminées par l'art. 3 de la loi du 9 avril 1898, modifié par la loi du 31 mars 1905, doivent être réduites des trois quarts, lorsqu'elles sont calculées sur la partie d'un salaire annuel du défunt qui excédait 2.400 fr.; Attendu qu'il résulte des qualités de l'arrêt attaqué que Rabaud, mort victime d'un accident du travail survenu le 17 juill. 1909, avait reçu, pendant les douze mois qui ont précédé l'accident, de la Société des engrais complets, en qualité de directeur de l'usine de Romainville, une somme de 4.973 fr.; que sa veuve, agissant tant en son nom personnel qu'au nom de ses trois enfants mineurs de seize ans, avait demandé et obtenu du tribunal de la Seine l'allocation de rentes calculées conformément aux prescriptions de l'article susvisé; que, sur l'appel de la société, qui contestait que la mort de

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(1-2) L'art. 2 de la loi du 9 avril 1898 dispose, dans son § 1er: « Les ouvriers et employés désignés à l'article précédent ne peuvent se prévaloir, à raison des accidents dont ils sont victimes, d'aucunes dispositions autres que celles de la présente loi, et dans son § 2 (modifié par la loi du 22 mars 1902) : Ceux dont le salaire annuel dépasse 2.400 fr. ne bénéficieront de ces dispositions que jusqu'à concurrence de cette somme. Pour le surplus, ils n'ont droit qu'au quart des rentes stipulées à l'art. 3, à moins de conventions contraires élevant le chiffre de la quotité ». Bien que l'art. 2 parle seulement des ouvriers et employés, il n'est pas douteux qu'il s'applique également à leurs représentants. Cela a été admis sans difficulté pour le § 1. V. Dijon, 9 mai 1900 (S. et P. 1901.2. 189), et la note; Cass. 1er août 1905 et 16 janv. 1906 (S. et P. 1907.1.25); Aubry et Rau, 5o éd., t. 5, p. 445, § 372 bis, note 25; Baudry-Lacantinerie et Wahl, Tr. du louage, 3e éd., t. 2. 1re part., n. 2489; et notre C. ann. de la législ. ouvrière, par Frèrejouan du Saint, p. 283, sur l'art. 2 de la loi du 9 avril 1898, n. 6. Et il y a les

Rabaud fût due à un accident du travail, l'arrêt attaqué a confirmé le jugement, mais a, sous le prétexte de rectifier une erreur matérielle, élevé la rente de la veuve de 608 fr. 57 à 994 fr. 70, et celle des enfants de 1.065 fr. 18 à 1.740 fr. 72; que ces chiffres établissent qu'il a calculé les rentes dues aux représentants d'une victime dont le salaire annuel dépassait 2.400 fr., sans tenir compte des prescriptions du 2 de l'art. 2 de la loi du 9 avril 1898, modifié par la loi du 22 mars 1902; qu'en statuant ainsi, il a violé ledit arti cle; Sans qu'il soit besoin de statuer sur le second moyen; Casse, mais seulement en ce qui concerne la détermination des rentes dues aux représentants de Rabaud. l'arrêt rendu le 19 juill. 1910 par la Cour de Paris, etc.

Du 30 déc. 1912. — Ch. civ. MM. Baudouin, le prés.; Reynaud, rapp.; Lombard, av. gén. (concl. conf.); Marcilhacy,

av.

CASS.-CIV. 19 février 1913.

PAIEMENT OU LIBÉRATION, LIEU DE PAIEMENT, NOTAIRE, ETUDE, MANDAT, POUVOIR DU JUGE, CASSATION Rép., v Paiement, n. 68 et s. ; Pand. Rép., vo Obligations, n. 2987 et s.).

La clause d'un acte, indiquant l'étude du notaire rédacteur comme lieu de paiement, n'emporte pas, par elle seu'e, pour ce notaire, pouvoir de toucher (3) (C. civ., 1239, 1247, 1985).

Elle peut seulement, suivant les circonstances, faire considérer le notaire comme ayant reçu un tel pouvoir, et il appartient aux tribunaux de relever et d'apprécier ces circonstances (4) (Id.).

Dès lors, manque de base légale le jugement qui déclare valable et libératoire le paiement fait par le débiteur entre les mains du notaire, par le seul motif que l'acte d'obligation indiquait l'étude du notaire comme lieu de paiement, sans relever aucune circonstance de nature à faire admettre que le notaire avait reçu mandat de toucher du créancier (5) (Id.).

mêmes raisons, sinon des raisons plus fortes, d'admettre la même solution pour le § 2. V. en ce sens, Paris, 9 juill. 1912 (Gaz. Pal., 1913.1.113); Chardiny, Comment. de la loi du 9 avril 1898, p. 83. V. aussi, Aubry et Rau, 5o éd, t. 5, p. 510 et s., § 372 ter; et notre Rép. gén. du dr. fr., Responsabilité civile, n. 2035; Pand. Rep., v° Travail, n. 2959 et s. L'art. 2 fait partie des dispositions générales de la loi; il se relie à la fois à l'art. 1, qui indique dans quels cas il y a lieu à l'application de la loi, et à l'art. 3, auquel il renvoie d'ailleurs expressément, et qui détermine le montant des rentes dues en cas d'accident, aussi bien aux représentants de l'ouvrier décédé des suite de l'accident qu'à l'ouvrier lui-même. Le système contraire conduirait du reste à ce résultat inacceptable que, tandis que la loi a entendu n'attribuer aux représentants de l'ouvrier qu'une part de la rente due à l'ouvrier, la renfe due aux représentants, calculée sur la totalité du salaire excédant 2.400 fr., pourrait être plus forte que celle à laquelle aurait droit l'ouvrier lui-même.

(3-4-5) C'est au créancier lui-même ou à la per

(Cons. Pacheu C. Martin et époux Rolland). ARRÈT.

LA COUR; Sur le moyen unique (violation de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, pour manque de base légale et défaut de motifs, ensemble de l'art. 1239. C. civ., et des règles du mandat, en ce que le jugement attaqué, déclarant valable et libératoire le paiement fait par les époux Martin, en mai 1897, en l'étude du notaire M..., de l'obligation par eux souscrite le 27 sept. 1868, a condamné les demandeurs en cassation à indemniser les époux Rolland, sans répondre aux conclusions des consorts Pacheu, contestant la régularité d'un paiement fait, à l'insu du créancier, entre les mains du notaire, qui n'avait pas reçu mandat de recevoir, même par acomptes, le montant de l'obligation litigieuse): Vu l'art. 1239, C. civ.; - Attendu que la clause d'un acte, indiquant l'étude du notaire rédacteur comme lieu de paiement, n'emporte pas, par elle seule, pour ce notaire pouvoir de toucher; qu'elle peut toutefois, suivant les circonstances, faire considérer le notaire comme ayant recu un tel pouvoir; qu'il appartient aux tribunaux de relever et d'apprécier ces circonstances; Attendu que le jugement attaqué a déclaré valable et libératoire le paiement fait par les héritiers Martin entre les mains du notaire M..., pour rembourser une somme prêtée à leurs auteurs, par le seul motif que l'acte de prèt indiquait l'étude du notaire comme lieu de paiement; qu'en ne relevant, à l'appui de cette clause, aucune circonstance de na ture à faire admettre que le notaire avait reçu mandat de toucher pour les créanciers, le jugement n'a pas donné de base legale à sa décision, et à, par suite, violé l'article ci-dessus visé; Casse le jugement rendu par le tribunal de Ploërmel le 7 juil. 1909, etc.

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Du 19 févr. 1913. — Ch. civ. MM. Baudouin, le prés.; Douarche, rapp.; Mérillon, av, gén. (concl. conf.); Durnerin, av.

sonne chargée d'encaisser en son nom, en vertu d'un mandat conventionnel, légal ou judiciaire, que le paiement doit être fait (C. civ., 1239). Aussi une jurisprudence constante décide que la clause d'un acte, aux termes de laquelle le paiement doit avoir lieu en l'étude du notaire rédacteur de l'acte, n'emporte pas, par elle seule, pour le notaire, pouvoir de recevoir paiement au nom et pour le compte de celui auquel il est dû. V. Cass. 5 nov. 1900 (S. et P. 1905.1.442); Douai, 22 févr. 1901 (S. et P. 1903.2.138), et les renvois. Ce pouvoir peut cependant résulter des faits et circonstances qui ont précédé, accompagné ou suivi ledit acte, et qu'apprécient souverainement les juges du fond. V. Cass. 5 nov. 1900, précité, et les renvois. Mais encore faut-il que ces circonstances soient relevées par les juges du fond (V. Cass. 25 janv. 1893, S. et P. 1894.1.186; Pand. per., 1893.7.110, et la note), pour mettre la Cour de cassation à même de se prononcer sur le point de savoir s'ils n'ont pas méconnu la règle que l'indication de l'étude du notaire comme lieu de paiement n'emporte pas en principe, pour le notaire, pouvoir de toucher.

CASS.-REQ. 2 juillet 1912.

10 FAILLITE, VENTE DE MARCHANDISES, RÉTENTION (DROIT DE), DOMMAGES-INTÉRÊTS (Rép., vo Faillite, n. 3606 et s., 3633 et s.; Pand. Rép., v Rétention, n. 200 et s., 235 et s.). 2o LIQUIDATION JUDICIAIRE, VENTE DE MARCHANDISES, RÉTENTION, DOMMAGESINTERETS, INSTANCE ANTÉRIEURE, DROIT ACQUIS (ABSENCE DE), DEMANDE EN EXÉCUTION DU MARCHÉ (Rép., v° Liquidation judiciaire, n. 349 et s.; Pand. Rép., vo Faillite, liquidation judiciaire, etc., n. 3691 et s.).

1° Si l'art. 577, C. comm., accorde au vendeur d'objets mobiliers, en cas de fail

-

(1-2-3) La chambre des requêtes, dans l'arrêt ci-dessus, paraît bien avoir voulu faire application de la jurisprudence de la Cour de cassation, qui, malgré les résistances de la doctrine (V. les notes de M. Labbé sous Paris, 4 mars 1886, S. 1887.2. 25. P. 1887.1.194, sous Cass. 16 févr. 1887, S. 1887.1.145. P. 1887.1.353, et sous Cass. Belgique, 7 févr. 1889, S. 1890.4.1. - P. 1890.2.1; et la note de M. Lyon-Caen sous Cass. 15 janv. 1900, S. et P. 1900.1.433, avec les renvois) et des Cours d'appel (V. not., Rennes, 13 nov. 1902, S. et P. 1903.2.99. V. égal., Cass. Belgique, 7 févr. 1889 précité; Cass. Grand-Duché de Luxembourg, 4 août 1893, S. et P. 1896.4.28), refuse au vendeur d'objets mobiliers, exerçant, en cas de faillite ou de liquidation judiciaire, le droit de rétention, dans les termes de l'art. 577, C. comm., le droit de se prévaloir de l'art. 1184, C. civ., et des autres articles du titre de la vente, pour réclamer des dommages-intérêts contre la masse. V. pour le cas de faillite de l'acheteur, Cass. 16 févr. 1887 (S. 1887. 1.145. P. 1887.1.353; Pand. pér., 1887.1.113); 8 avril 1895 (S. et P. 1895.1.268; Pand. pér., 1896.1.413); 24 avril 1903 (S. et P. 1904.1.6; Pand. pér., 1904.1.95); et pour le cas de liquidation judiciaire, Cass. 8 avril 1895, précité. V. au surplus, notre C. comm. annoté, par Cohendy et Darras, sur l'art. 577, r. 18 et s.; et notre Rép. yén. du dr. fr., vis Faillite, n. 3633 et s., et Liquidation judiciaire, n. 349 et s.; Pand. Rép., vo Faillite, liquidation judiciaire, etc., n. 3691 et s.

Mais il parait bien douteux, si l'on accepte la doctrine de la Cour de cassation, qu'il y eût lieu d'en faire application dans l'espèce. Un vendeur de marchandises avait obtenu, avant la mise en liquidation judiciaire de son acheteur, un jugement condamnant celui-ci à prendre livraison de la marchandise vendue, et à payer, en sus du prix, les frais de surestaries, magasinage et autres, occasionnés par le retard par lui apporté à prendre livraison. La mise en liquidation judiciaire prononcée, l'arrêt attaqué, sur l'appel de l'acheteur et de son liquidateur, avait réformé le jugement, et décidé que le vendeur, par suite de la liquidation judiciaire de l'acheteur, n'avait d'autre droit que de retenir la marchandise, dans les termes de l'art. 577, C. comm., sans aucuns dommages-intérêts; et la chambre des requêtes rejette le pourvoi, en invoquant la jurisprudence ci-dessus rappelée.

Il nous semble que la chambre des requêtes étend cette jurisprudence au delà de l'hypothèse qu'elle a eu en vue. Devant la Cour, le vendeur n'avait pas modifié les termes de sa demande, accueillie en première instance; il avait, en concluant à la confirmation pure et simple du jugement, ANNÉE 1913. 3o cah.

lite de l'acheteur, le droit de retenir les marchandises non encore livrées, le vendeur ne peut se prévaloir, dans ce cas, ni de l'art. 1184, C. civ., ni des articles empruntés au titre de la vente », pour obtenir des dommages-intérêts à raison de l'inexécution du contrat; en effet, ces articles, dont l'application se justifie dans les rapports du vendeur avec l'acheteur, cessent d'être applicables dans les rapports du vendeur avec la masse des créanciers de l'acheteur (1) (C. civ., 1184; C. comm., 577).

20 Il en est ainsi, en cas de liquidation judiciaire de l'acheteur comme en cas de faillite (2) (C. civ., 1184; C. comm., 577; L. 4 mars 1889).

continué à réclamer condamnation à la livraison, au paiement du prix, et à une indemnité pour le retard apporté à la livraison. Sans doute, s'il avait modifié ses conclusions, s'il avait conclu à la résolution de la vente avec dommages-intérêts, la jurisprudence de la Cour de cassation justifierait pleinement la solution adoptée. On ne pourrait pas lui opposer les arrêts par lesquels la Cour de cassation a elle-même reconnu que l'action en résolution de la vente, formée contre l'acheteur in bonis, peut être poursuivie, malgré la faillite ou la liquidation judiciaire, survenue en cours d'instance, sans qu'on puisse lui appliquer la règle que le vendeur d'objets mobiliers non livrés ne peut exercer contre la faillite ou la liquidation judiciaire l'action en résolution, avec dommages-intérêts, l'état de faillite et de liquidation judiciaire lui laissant seulement le droit de retenir les marchandises. V. en ce sens, Cass. 24 déc. 1889 (S. 1891.1.455. P. 1891.1.1111); 26 déc. 1900 (S. et P. 1904.1.409). Ces arrêts se fondent, en effet, sur le motif que le juge, pour apprécier le mérite d'une action, doit se placer au jour où elle a été introduite. Or, dans l'hypothèse sur laquelle nous raisonnons, d'une action en exécution de la vente, à laquelle le vendeur substitue, après la faillite ou la liquidation judiciaire, une demande en résolution, il n'y a pas lieu de se reporter au jour de la demande originaire pour en apprécier le mérite, puisque cette demande a été transformée après le changement survenu dans l'état de l'acheteur; les nouvelles conclusions du vendeur puisent leur fondement dans l'état de faillite ou de liquidation judiciaire; c'est au moyen des règles de la faillite ou de la liquidation judiciaire qu'il y a lieu d'en apprécier le mérite, et la faillite, de même que la liquidation judiciaire, ne laissant au vendeur qui veut résoudre le contrat, d'après la jurisprudence de la Cour de cassation, d'autre droit que de retenir les marchandises vendues, sans pouvoir réclamer de dommages-intérêts pour inexécution du marché, les conclusions du vendeur à fin de dommages-intérêts devraient être repoussées.

Mais doit-il en être de même, au cas, qui est celui de l'espèce, où le vendeur, qui avait actionné l'acheteur in bonis en livraison de la marchandise, en paiement du prix et en dommages-intérêts pour retard dans la prise de livraison, et qui avait obtenu un jugement conforme, ayant, sur l'appel interjeté de ce jugement après la faillite ou la liquidation judiciaire, maintenu ses conclusions, sans manifester l'intention de demander la résolution de la vente, les représentants de la faillite ou de la liquidation judiciaire veulent au contraire lui imposer la réso. lution pour le cantonner dans l'exercice du droit de

En conséquence, sur l'appel interjeté par l'acheteur et son liquidateur judiciaire d'un jugement qui, avant l'admission de l'acheteur à la liquidation judiciaire, avait condamné l'acheteur à prendre livraison des marchandises, et à payer, en sus du prix, des frais de surestaries, de magasinage ou autres dommages, la Cour d'appel décide à bon droit que, par suite de la mise en liquidation judiciaire de l'acheteur, le vendeur n'a d'autre droit que de retenir les marchandises, sans pouvoir réclamer aucuns dommages-intérêts (3) (Id.).

(Vilgrain et Cie C. Guilbert et liquid. Guilbert).

M. Guilbert, qui avait acheté, le 2 sept.

rétention? La question, qui se pose rarement, étant donné l'intérêt que le vendeur a à exercer la rétention plutôt que de concourir avec les créanciers pour le paiement du prix et des dommagesintérêts, s'est déjà cependant présentée devant la Cour de Nimes, qui, par un arrêt fortement motivé, a décidé que le vendeur peut, en cas de faillite, renoncer au droit de revendication ou de rétention des art. 576 et 577, C. comm., pour obliger le syndic à prendre livraison. V. Nimes, 4 juill. 1885 (S. 1886.2.91. - P. 1886.1.569). Et le principe que le vendeur peut, au lieu d'exercer le droit de rétention, obliger la faillite à prendre livraison, sauf à concourir avec la masse pour le paiement du prix, a également été affirmé par deux arrêts de Nancy, 23 mai 1893, et Douai, 29 mai 1893 (S. et P. 1893.2.246). Cette solution est d'ailleurs conforme à la règle que la faillite ou la liquidation judiciaire n'a pas pour effet de mettre fin aux contrats antérieurs, principe que la Cour de cassation a maintes fois proclamé. V. not., Cass. 15 janv. 1900 (S. et P. 1900.1.433, et la note de M. Lyon-Caen ; Pand. pér., 1901.1.217); Lyon, 13 mars 1912 (S. et P. 1912.2.279; Pand. pér, 1912.2.279), et les renvois. Adde, les notes de M. Naquet sous Cass. 9 nov. 1904 (S. et P. 1906 1.173), et sous Cass. 26 avril 1906 (4 arrêts), 24 et 31 juill. 1906 (S. et P. 1907.1.169). Si, en matière de vente de marchandises, la Cour de cassation a estimé, à tort suivant nous, qu'il était apporté une exception à cette règle, et que le vendeur n'avait d'autre droit que de retenir les marchandises non livrées, cette exception, exorbitante du droit commun, doit être limitée au cas où le vendeur opte pour la résolution de la vente ; il ne peut être question de l'appliquer au cas où le vendeur entend, à ses risques et périls, au lieu de retenir les marchandises, poursuivre l'exécution du contrat, sauf à concourir avec la masse pour les condamnations qu'il obtiendra. A plus forte raison est-il impossible de cantonner dans l'exercice du droit de rétention, une fois la faillite déclarée ou l'acheteur admis à la liquidation judiciaire, le vendeur qui, ayant, alors que l'acheteur était in bonis, formé contre lui une demande en exécution de la vente, poursuit cette instance après la faillite ou la liquidation judiciaire, sans modifier ses conclusions. Ce que la Cour de cassation a décidé pour l'action en résolution de vente exercée contre l'acheteur in bonis, est a fortiori exact pour l'action en exécution de la vente, le Code de commerce, qui a enserré dans d'étroites limites le droit de résolution, en cas de faillite, n'ayant pas restreint le droit du vendeur de poursuivre l'exécution, sauf à lui à subir la loi de la faillite.

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1910, à MM. Vilgrain et Cie, 500 tonnes de blé à livrer à l'arrivée du vapeur Bardistan, ayant refusé de prendre livraison, les vendeurs l'ont assigné en exécution du marché, et en paiement des frais de surestaries, magasinage et autres, devant le tribunal de commerce de Lille, qui, par jugement du 7 oct. 1910, a fait droit à la demande. M. Guilbert, ayant été admis à la liquidation judiciaire, a interjeté appel, avec l'assistance de son liquidateur, de ce jugement, dont les vendeurs ont demandé la confirmation.

Le 5 avril 1911, la Cour d'appel de Douai a rendu l'arrêt infirmatif dont extrait suit : -La Cour; -... Attendu que l'appel de Guilbert a pour effet de faire tomber le jugement; et, par suite de l'effet dévolutif de l'appel, la Cour doit juger les questions qui lui sont soumises en l'état des faits tels qu'ils existent au moment où elle statue;

- Attendu qu'aujourd'hui, Guilbert est en liquidation judiciaire, et qu'aux termes de l'art. 577, C. comm., le seul droit du vendeur des marchandises est de les retenir, sans pouvoir réclamer aucuns dommagesintérêts; Par ces motifs; - Dit que, l'acheteur Guilbert étant en liquidation judiciaire, et la résiliation n'ayant pas été demandée avant le jugement prononçant la liquidation judiciaire, le seul droit des vendeurs Vilgrain et Cie est de se prévaloir de l'art. 577, C. comm., et de retenir la marchandise, sans pouvoir réclamer aucuns dommages-intérêts; Par ces motifs; Réformant; Décharge Guilbert et son liquidateur des condamnations prononcées contre Guilbert, etc. ».

POURVOI en cassation par MM. Vilgrain et Cie. Moyen unique. Violation, par fausse application, de l'art. 577, C. comm, du principe de l'effet déclaratif des jugements, en ce que l'arrêt attaqué a décidé que le vendeur de marchandises, qui, antérieurement à la liquidation judiciaire de l'acheteur, avait fait condamner celui-ci à prendre livraison et à payer les frais occasionnés par son refus injustifié d'exécuter le marché, ne pouvait, en cause d'appel, réclamer condamnation pour lesdits fr is, sous prétexte qu'à raison de la survenance de la liquidation judiciaire au cours du litige, il n'avait d'autre droit que de retirer la marchandise, sans dommages-intérêts, alors que, l action ayant été exercée avant le jugement déclaratif, le vendeur avait un droit acquis au remboursement de ces frais.

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ARRÊT.

LA COUR; Sur le moyen unique :

Attendu que Vilgrain et Cie ont obtenu du tribunal de commerce de Lille un jugement, en date du 7 oct. 1910, condamnant Guilbert à prendre livraison d'un marché de 500 tonnes de blé, à en payer, en sus du prix, les frais de surestaries, de magasinage ou autres dommages que son refus aurait pu occasionner; que Guilbert, avant que le jugement füt devenu définitif, a été admis, le 4 nov. 1910, à la liquidation judiciaire, et que lui et son liquidateur ont interjeté appel de cette décision, par acte du 3 décembre suivant; Attendu que, sur cet appel, l'arrêt attaqué, infirmant le jugement, a décidé que, par suite de la mise en liquidation judiciaire de leur acheteur, Vilgrain et Cie n'avaient que le droit de retenir les marchandises, sans pouvoir réclamer aucuns dommages-intérêts; Attendu que la liquidation judiciaire, de même que la faillite, constitue un état particulier, qui a ses règles propres, destinées à maintenir l'égalité entre les divers créanciers du liquidé ou du failli; que, si l'art. 577, C. comm., accorde au vendeur d'objets mobiliers, en cas de faillite de l'acheteur, le droit de retenir les marchandises non encore livrées, cette faveur ne saurait s'étendre au delà des termes de la loi; que le vendeur ne peut se prévaloir, dans ce cas, ni de l'art. 1184, C. civ., ni des autres articles empruntés au titre de la vente, dont l'application se justifie dans les rapports du vendeur avec l'acheteur, mais qui cessent d'ètre applicables dans les rapports du vendeur avec la masse des créanciers, qui sont aussi fondés que lui à se plaindre du préjudice que leur causent l'état de faillite ou de liquidation judiciaire et l'inaccomplissement des obligations du failli ou du liquidé; Attendu, dès lors, qu'en rejetant la demande en paiement des frais de surestaries, magasinage et autres dommages, formée par Vilgrain et Cie, à raison de l'inexécution du marché litigieux, l'arrêt attaqué, dûment motivé, n'a violé ni faussement appliqué l'article de loi et le principe de droit visés au pourvoi;

Rejette le pourvoi formé contre l'arrêt rendu, le 5 avril 1911, par la Cour de Douai, etc.

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Du 2 juill. 1912. Ch. req. MM. Tanon, prés.; Gillet, rapp.; Blondel, av. gén. (concl. conf.); Defert, av.

renvois. Cette règle, qui, dans la métropole, est consacrée par l'art. 4 de la loi du 28 pluv. an 8, au sujet du contentieux des domaines nationaux, est également applicable dans les colonies. V. not., Ordonn., 9 févr. 1827, art. 176; Décr., 5 août 1881, art. 3; Décr., 16 juill. 1888, art. 5. Adde, comme applications, Cons. d'Etat, 16 avril 1886, Assier de Pompignan (Rec. des arrêts du Cons. d'Etat, p. 339); 21 mai 1896, Rufz de Lavison (Id, p. 426); Cass. 7 mai 1895 (S. et P. 1897.1.35; Pand. pér., 1896.1.480), et la note; 1er août 1912 (In ra, 1 part., p. 149), et la note. La compétence du conseil du contentieux administratif dans les colonies est même, en matière de concession domaniale, plus étendue que celle des conseils de

CASS.-civ. 11 et 18 décembre 1911

et 29 janvier 1912.

1° AUTORITÉ ADMINISTRATIVE-AUTORITÉ JUDICIAIRE, PROPRIÉTÉ, RevendicATION, ACTE ADMINISTRATIF, COMPÉTENCE, INTERPRÉTATION, SURSIS (Rép., v° Acte administratif, n. 112 et s.; Pand. Rép., v Autorité administrative [actes de l'], n. 155 et s.). 2 COLONIES, COCHINCHINE, PROPRIÉTÉ FONCIERE, REVENDICATION, CONCESSION, INSCRIPTION AU DIA-BO, INTERPRÉTATION, AUTORITE JUDICIAIRE, INCOMPETENCE, RENONCIATION, IMPÔTS, PAIEMENT (DÉFAUT DE) (Rép., vo Indo-Chine, n. 72 et s.; Pand. Rép., v Cochinchine, n. 596 et s.).

1 L'autorité judiciaire, saisie d'une question de propriété, doit surseoir à statuer et renvoyer à l'autorité compétente l'interprétation des actes administratifs versés aux débats, et qui ne sont pas susceptibles d'une application pure et simple (1) (L. 16-24 août 1790, tit. 2, art. 13). — 1re et 2o espèces.

2 Lors donc qu'à l'appui d'une demande en revendication de terrains mis en vente

aux enchères publiques par l'Administration coloniale en Cochinchine, un acte de concession émanant du gouvernement annamite (2e espèce) et des inscriptions au DiaBô, ou livre foncier (1oo et 2o espèces), sont invoqués, les arrêts qui interprètent ces actes méconnaissent le principe de la séparation des pouvoirs, et doivent être cassés (2) (Ordonn., 9 févr. 1827, art. 176; DD.5 aout 1881, art. 3; 16 juill. 1888, art. 5). Ire et 20 espèces.

Vainement le revendiquant invoquerait, comme consacrant ses droits, des actes de vente et de partage, ainsi que sa possession plus que trentenaire, lesquels ne sauraient, s'agissant de biens dépendant du domaine colonial, sortir à effet que s'ils n'étaient pas en contradiction avec le titre de concession (2 espece) et les inscriptions au Dia-Bô (Ire espece) (3) (ld.). Ire et 20 espèces.

Vainement encore le revendiquant soutiendrait que les inscriptions au Dia-Bo, ayant été effectuées à la suite d'une délimitation et d'un bornage ordonnés par un arrêté colonial, ne présenteraient pas, comme les titres de concession, le caractère d'actes administratifs, mais constitueraient une simple operation de bornage, de la compétence de l'autorité judiciaire (4) (Id.). Tre espèce.

Une nouvelle demande de concession, adressée à l'Administration coloniale, et portant sur des terrains formant déjà l'ob

préfecture en France, puisque les concessions de pêche, par exemple, qui ressortissent aux tribunaux de droit commun dans la métropole, relèvent de ce conseil du contentieux dans les colonies. V. Ordonn., 9 févr. 1827, art. 176.

Que la Cour de l'Indo-Chine, dans l'espèce des arrêts ci-dessus, loin d'appliquer purement et simplement les actes de concession que les parties produisaient à l'appui de leurs prétentions respectives, les eût interprétés, c'est ce qui ressort à l'évidence des arrêts ci-dessus, et tout spécialement de l'arrêt de la Cour d'appel de l'Indo-Chine, rendu dans la deuxième espèce. Quand il faut se livrer à tant d'explications pour déterminer le sens et la portée d'un titre, la preuve est

jet d'une action en revendication introduite par l'impetrant à raison d'une concession antérieure, ne saurait, indépendamment de toutes autres circonstances, être considérée comme une renonciation, de sa part, à son droit préexistant de légitime propriété (1) (C. civ., 2048). Řés. par la C. d'appel (2o espèce).

Le non-paiement de l'impôt, dù pour des terrains concédés par l'administration coloniale, n'entraîne pas la perte de la concession, mais donne seulement au fise le droit de faire saisir et vendre les biens du débiteur pour obtenir le paiement des sommes non prescrites restant encore dues (2) (Arr., 16 therm. an 8, art. 51 et 52). Id.

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LA COUR; Statuant sur l'unique moyen du pourvoi : Vu l'art. 13, tit. 2, de la loi des 16-24 août 1790; - Attendu qu'en réponse à l'action en revendication intentée par Nguyen-Van-Tru contre Nguyen-Van-U, au sujet d'une parcelle de terre de 7 hectares 36 ares, sise au village de Kien-Phuoc (Gocong), le lieutenantgouverneur de la Cochinchine, représentant le domaine local, qui avait vendu cette parcelle à Nguyen-Van-O, le 2 avril 1906, et Nguyen-Van-O lui-même, soutenaient, devant la Cour d'appel de l'Indo-Chine, que, lors de la délimitation et du bornage opérés en exécution de l'arrêté colonial du 20 mai 1901, la prétention de NguyenVan-Tru, en ce qui concernait cette parcelle, avait été écartée, que son père, de qui il tenait ses droits, n'était inscrit au Dia-Bộ du village de Kien-Phuoc que pour une superficie d'un hectare, que c'était seulement cette superficie, légèrement augmentée de 17 ares, dont il lui avait été fait attribution; que l'un et l'autre concluaient à ce qu'il fût sursis à statuer jusqu'à ce qu'il eût été prononcé par l'autorité administrative sur la portée de la concession constatée par l'inscription au Dia-Bô, qui avait attribué à Nguyen-VanTru 1 hectare 17 ares, et l'interprétation à lui donner en ce qui concernait l'étendue des terres attribuées à son père ; — Attendu que, pour repousser ces conclusions, et accueillir, en l'état, la demande en revendication de Nguyen-Van-Tru, l'arrêt attaqué a déclaré que le revendiquant justifiait de titres de propriété réguliers, et que sa longue possession n'était pas contestée, qu'il n'y avait pas lieu à interprétation de l'acte administratif qu'est l'inscription au Dia-Bò, puisque Nguyen-Van-Tru

acquise; le titre n'est ni clair, ni précis; dès l'instant qu'il y a lieu à discussion, l'autorité judiciaire n'est plus compétente; elle doit surseoir à statuer sur le litige et renvoyer pour interprétation à l'autorité administrative. La Cour de l'Indo-Chine allait même jusqu'à refaire, en certaines de ses parties, la délimitation que contenait l'acte de concession, en déclarant « qu'il fallait s'attacher avant tout aux abornements indiqués dans les titres ou dans les registres fonciers, les contenances, essentiellement variables, ne devant entrer qu'accessoirement en ligne de compte ..

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était propriétaire et en possession de la parcelle litigieuse antérieurement à cet acte, qu'il n'en tirait pas son droit de propriété, ledit acte n'ayant fait que consacrer une opération de bornage; Mais attendu que les titres sur lesquels s'est ainsi fondé cet arrêt, et dont il ne fait pas même connaître la nature et l'origine, n'étaient, comme la possession de NguyenVan-Tru, qu'il ne caractérise pas davantage, opposables à Nguyen-Van-0 et au lieutenant-gouverneur de la Cochinchine qu'autant qu'ils n'étaient pas valablement contredits par l'acte d'inscription au DiaBo; qu'il fallait donc vérifier la légalité et déterminer la portée de cet acte, et que, vu son caractère administratif, c'était à l'autorité administrative qu'il appartenait de le faire; que, dès lors, en refusant de surseoir à statuer jusqu'à ce qu'il eût été prononcé sur ce point par cette autorité, sous prétexte que la délimitation en exécution de laquelle l'inscription avait été faite constituait une simple opération de bornage, la Cour d'appel de l'Indo-Chine a violé l'article ci-dessus visé; Casse l'arrêt rendu par la Cour d'appel de l'IndoChine le 13 mars 1908, etc.

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Du 11 déc. 1911. Ch. civ. MM. le cons. Ruben de Couder, prés.; Durand, rapp.; Mérillon, av. gén. (concl. conf.); Labbé, av.

Nota. Du 18 déc. 1911, arrêt analogue, cassant un arrêt de la Cour d'appel de l'Indo-Chine du 13 mars 1908, pour avoir interprété un arrêté prescrivant la délimitation de terres annamites. — Aff. Lieutenant-gouverneur de la Cochinchine C. Chan-Van-Day et autres.. MM. Baudouin, 1er prés.; Durand, rapp.; Mérillon, av. gén. (concl. conf.); Labbé, av.

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2o Espèce. (Lieutenant-gouverneur de la Cochinchine C. Vo-Van-Thien).

20 juin 1904, arrêt de la Cour d'appel de l'Indo-Chine, ainsi conçu: « La Cour;

Considérant que, par exploit en date du 23 oct. 1903, Vo-Van-Thien a fait donner assignation à M. le lieutenant-gouverneur de la Cochinchine, ès qualité de représentant du domaine local de la colonie, à comparaître devant le tribunal de 1re instance de Cantho, pour voir dire et juger que ledit Vo-Van-Thien, demandeur, est propriétaire de l'intégralité des îles de Culao-Phung et de Culao Rong, proches de l'ile Culao-Mai, sises sur le fleuve Bassac, territoire du village de Han-Thanh (Cantho), y compris les 29 lots de terrain dont l'Administration a annoncé la vente aux enchères publiques pour le 26 oct.

La question se posait, dans l'espèce des arrêts ci-dessus, de savoir, si le caractère d'acte administratif, qui appartient aux concessions domaniales, appartient également aux inscriptions au Dia-Bô ou livre foncier. La Cour de cassation répond affirmativement. V. en sens contraire, Rec. de législ. et de jurisp. colon., 1912, p. 201.

(1) Les renonciations à un droit ne se présument pas. V. sur ce principe, Cass. 13 mars 1889 (S. 1889.1.263.-P. 1889.1.646; Pant. pér., 1889.1.434), et la note. V. aussi, Cass. 22 janv. 1912 (S. et P. 1912.1.141; Pand. pér., 1912.1.141), et la note. De ce

1903; voir, en conséquence, dire et juger que lesdits terrains ne seraient pas mis en vente, et que le demandeur sera maintenu en la libre possession des terrains, pour en jouir et disposer comme de choses lui appartenant; Considérant que le premier juge, par décision du 7 avril 1904, dont est appel, déboute purement et simplement ledit Vo-Van-Thien de toutes ses demandes, fins et conclusions, en considérant : 1° que le titre initial accordé à Huynh-u-Van, auteur du demandeur, par l'Administration annamite, en 1856, ne pouvait valoir que comme simple autorisation de culture, et n'avait pu ainsi conférer à son bénéficiaire et à ses ayants droit qu'une simple possession précaire; 2° que Vo-Van-Thien n'avait pu, d'autre part, acquérir, soit par la prescription abrégée de dix ans, soit par la prescription trentenaire, la propriété des iles revendiquées; qu'il y a lieu, dans ces conditions, pour la Cour, d'examiner la valeur des titres produits, et, le cas échéant, la question relative à la prescription; Considérant qu'il convient de remarquer tout d'abord que le premier juge, en déboutant Vo-Van-Thien des fins de sa demande, a prononcé son éviction de toutes les parties de terrains occupées par lui dans les iles revendiquées, sans distinc. tion, alors que l'autorité administrative avait elle-même, par décision gracieuse du 18 juill. 1903, reconnu les droits de légitime propriété dudit sur les surfaces pour lesquelles il est inscrit au Dia Bò, soit 15 hectares 20 ares sur le Culao Rong et 10 hectares 50 ares sur le Culao Phung, et de retenir également que la même decision a formellement reconnu que les titres et les extraits du Bò, produits par le demandeur, s'appliquent bien, en réalité, étant donnés les abornements y indiqués, à l'intégralité des iles de Culao-Rong et de Culao-Phung; Considérant que le demandeur a produit, à l'appui de ses revendications: 1° un titre d'autorisation de défricher, et, selon lui, de concession rẻ gulière, accordé le 21 du 11 mois annamite de la 9e année de Tu-Duc (1856) par le gouvernement annamite, au nommé. Huynhu-Van, habitant du village de Han-Thanh, sur le territoire duquel étaient situées les parcelles dont concession était demandée; 20 un acte de vente définitive, consenti, le 30 du 4 mois de la 19 année de Tu-Duc, par le nommé Huynh-u-Long, fils de Van, au nommé Vo-u-Truc, père du demandeur, et concernant les mêmes parcelles; 3° un acte de partage, intervenu le 20 nov. 1889 entre les trois enfants de Vo-u-Truc, et attribuant à Vo u-Thien, pour sa part, les deux lots de terrains susvisés, avec abor

qu'un concessionnaire de terrains domaniaux croit devoir, pour confirmer son droit existant et éviter des contestations ultérieures, former une nouvelle demande de concession au sujet des mêmes terrains, il ne résulte pas nécessairement qu'il ait voulu renoncer à la propriété qu'il tient de titres antérieurs.

(2) Cette solution est conforme à la procédure de saisie, que les art. 51 et 52 de l'arrêté du 16 therm. an 8 ont organisée pour le recouvrement des contributions directes.

nements indiqués; 4° divers extraits du Dia-Bô de la commune de Han Thanh, depuis 1868 jusqu'à 1903, portant inscription, pour lesdites parcelles, de Huynh-u-Van d'abord, puis du nommé Vo-u-Truc et de Vo Van Thien; qu'il échet de contrôler la valeur réelle de tous ces documents;

a

I. En ce qui concerne le titre conféré, en 1856, à Huynh-u-Van : Considérant

qu'en principe, sous le gouvernement annamite, la délivrance des concessions devait être constatée par un titre régulier, et après l'accomplissement de diverses formalités consistant, notamment, dans le mesurage des terres dont concession était demandée, et dans le dressage du plan des lieux; Mais qu'il est également constant que, dans la pratique, ces diverses formalités étaient rarement observées dans leur intégralité, et que, le plus souvent, les droits résultant pour les concessionnaires d'une autorisation de culture se transformaient ipso facto en droit de propriété, par suite d'une longue possession, accompagnée d'une inscription régu lière au Bô; que tel est précisément le cas de Huynh-u-Van, bénéficiaire de l'acte de 1856; - Considérant, d'ailleurs, que ce fait de concession régulière résulte implicitement du texte même de l'acte et des cachets qui y sont apposés; qu'aux termes dudit acte, Huynh-u-Van a demandé, en effet, la concession de deux parcelles de terre pour en faire des rizières qui lui appartiendront en propre; qu'il a sollicité, en outre, que lesdites terres soient mesurées et que le plan fût dressé; que cet acte, ainsi libellé, a été remis au maire de la commune, lequel, après avoir constaté que les deux parcelles de terre, qui en faisaient l'objet, étaient encore en friche, et que personne ne les avait demandées en concession, a fait délivrer, par le Huyen de Phong-Phu, l'autorisation de mettre en culture; que cette autorisation est accompagnée elle-même de l'empreinte du cachet du Huyen, et qu'indépendamment de cette empreinte, il a été en outre apposé sur l'acte, sur la date même de la demande, l'empreinte d'un grand cachet rouge au nom de la même autorité et un trait au pinceau, lequel, d'après les usages indigènes, signifiait « approuvé et accordé »;

Considérant que, de toutes ces considérations et constatations, il y a lieu de déduire que l'acte ci-dessus analysé constitue bien, au profit de Huynh-u-Van, un titre régulier de concession, de nature à conférer à son bénéficiaire un véritable droit de légitime propriété sur les parcelles concédées; qu'il convient d'ajouter, au surplus, que le pétitionnaire Huynh-u-Van avait demandé la concession de deux terres sises sur le territoire même de son village, et qu'il était de principe, en droit annamite, que, dans un même village, toute terre non possédée et en friche appartenait de droit au premier habitant du village qui en faisait la demande; Considérant, d'ailleurs, que les droits de propriété de Huynh-u-Van sur la parcelle de terre susvisée ont été consacrés par le gouvernement français lui-même, lequel, après revision des titres de propriété antérieurs à l'occupation, conformément aux

dispositions de l'art. 1er de l'arrêté du 30 mars 1865, a maintenu au Dia-Bô de la commune de Han Thanh l'inscription de Huynh u-Van;

II. Sur les actes de vente et de partage de 1866 à 1889: Considérant que ces actes ne sont que la consécration des droits de propriété conférés à Huynh-uVan sur les parcelles de terre qui en font l'objet; que les premiers d'entre eux constatent, en effet, que les terres obtenues en concession par Huynh-u-Van ont été défrichées par ses soins et transformées en rizières, et mesurées par l'ordre de l'autorité; que le second comprend ces deux parcelles parmi les terres successorales constituant l'ensemble de la propriété de Vo-Van-Truc, père de Vo-VanThien; que tous deux ont d'ailleurs été régulièrement visés et certifiés par les notables de la commune de la situation, et que le dernier d'entre eux a été, en outre, soumis au contrôle de l'Administration et à la formalité de l'enregistrement;

III. En ce qui concerne les extraits du Bộ : Considérant que tous portent inscription, comme propriétaires des terrains faisant l'objet des divers actes susvisés, soit de Huynh-u-Van, soit de ses ayants droit, Vo-Van-Truc et Vo-Van-Thien; que ces inscriptions non interrompues remontent à 1868 au moins, c'est-à dire à 36 ans; qu'elles viennent donc corroborer les droits de légitime propriété constatés par le précédent acte; - Considérant, il est vrai, que, tant dans les titres produits que dans ces inscriptions au Dia-Bo, il n'est fait mention que d'une partie seulement des terres en litige; qu'il est constant, d'autre part, que Vo-VanThien n'a pas régulièrement acquitté l'impôt pour la totalité des contenances dont il revendique aujourd'hui la propriété; qu'il convient également d'examiner l'un et l'autre de ces points, à l'effet de se rendre un compte exact de l'étendue des droits de propriété du demandeur;

Considérant, sur le premier point (contenance exprimée par les titres), qu'il est de doctrine et de jurisprudence invariables, en matière de propriété annamite, qu'il faut s'attacher avant tout aux abornements indiqués dans les titres ou dans les registres fonciers, les contenances, essentiellement variables, ne devant entrer qu'accessoirement en ligne de compte; que ces abornements ne peuvent laisser aucun doute sur la nature des terres revendiquées; qu'ils indiquent nettement que les deux parcelles primitives demandées en concession forment, l'une l'ile de Culao-Rong, et l'autre l'ile de Culao-Phung, dans leur intégralité; - Considérant, sur le second point (non-paiement de la totalité de l'impôt), que cette irrégularité ne saurait, par elle-même, constituer une cause de perte de la propriété; qu'en droit annamite, notamment, et aux termes des décrets de la 16e année de Minh-Mang et de la 1re année de Tu-Duc, la propriété de la terre déjà cultivée, pour laquelle le supplément d'impôt n'avait pas été régulièrement payé, demeurait néanmoins au possesseur de la terre, à charge par lui de

payer une amende de trois ligatures par mau au dénonciateur de cette irrégularité fiscale; que, dans ces conditions, les seuls droits du fisc peuvent consister à faire saisir et vendre les biens du débiteur pour obtenir paiement des sommes non prescrites lui restant dues; - Considérant, d'ailleurs, que, même à ce dernier point de vue, Vo-Van-Thien est en règle avec le Trésor, étant donné qu'il a payé à titre d'impot, contre reçus joints au dossier, le 23 nov. 1903, pour cinq années antérieures à 1903, la somme de 603 piastres, et, le 15 mars 1904, pour l'année 1903, la somme de 120 piastres 60 cents, soit au total 723 piastres 60 cents;

Considérant, enfin, qu'on ne saurait faire grief à Vo-Van-Thien d'une prétendue demande en concession portant sur une partie des îles revendiquées par lui, et adressée par lui à M. l'administrateur de la province de Cantho; que cette demande elle-même n'a pas été produite au dossier; qu'il en est simplement fait mention dans un trat émanant du chef de la province; qu'en admettant son existence, cette demande elle-même peut se justifier par l'attitude prise à l'égard de Thien par ses divers locataires; qu'elle ne saurait, dans ces conditions, impliquer sa renonciation à un droit de légitime propriété; Par ces motifs; Infirme le jugement dont est appel; nouveau, déclare Vo-Van-Thien bien fondé dans sa demande, fins et conclusions; Dit, en conséquence, qu'en vertu des titres versés au dossier, ledit Vo-Van-Thien est devenu définitif et légitime propriétaire, avec leurs bornes actuelles, des îles de Culao-Rong et de Culao-Phung, sises dans le fleuve Bassac, sur le territoire de la commune de Han-Thanh, province de Cantho; Dit que son inscription au Bô sera suivie, dans la colonne observations, des mentions : « Ile de Culao-Rong dans sa totalité; île de Culao-Phung dans sa totalité, etc. ».

Et statuant à

POURVOI en cassation par le lieutenant-gouverneur de la Cochinchine, ler Moyen...

20 Moyen. Violation de l'art. 13, tit. 2, de la loi des 16-24 août 1790, du décret du 16 fruct. an 3, et du principe de la séparation des pouvoirs, ensemble des art. 176, S$ 5 et 13, de l'ordonn. du 9 févr. 1827. 3 du décret du 5 août 1881, 5 du décret du 16 juill. 1888, et 7 de la loi du 20 avril 1810, pour défaut de motifs et manque de base légale, en ce que l'arrêt attaqué a statué sur une action relative à la détermination de la portée et de l'étendue d'une concession domaniale, alors qu'il n'appartient qu'à la juridiction administrative de connaître de litiges de cette nature, et qu'en toute hypothèse, un débat s'étant élevé sur le sens des actes constitutifs de concession, la Cour devait, tout au moins, surseoir à statuer jusqu'à ce que l'inter-. prétation de ces actes, dont le caractère administratif n'est pas douteux, ait été donnée par l'autorité à ce compétente.

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