Images de page
PDF
ePub

CASS.-CRIM. 22 décembre 1910.

1o ET 30 JUGE D'INSTRUCTION, PRÉVENU, INTERROGATOIRE, DÉLÉGATION, COMMISSION ROGATOIRE, COMMISSAIRE DE POLICE, SUBDÉLÉGATION, CASSATION, MOYEN NOUVEAU (Rép., vo Instruction criminelle, n. 48, 247; Pand. Rép., eod. verb., n. 1030 et s.). 20 INSTRUCTION CRIMINELLE, ASSISTANCE D'UN DÉFENSEUR, RENONCIATION (Rép., vo Instruction crimi nelle, n. 289; Pand. Rép., eod. verb., n. 1344 et s.).

(1-2-3) Ceux qui croient à la pérennité des lois, et qui prétendent qu'elles ne reçoivent de changement que du législateur, se trompent singulièrement. Ils comptent sans l'action de la jurisprudence, qui établit et finalement superpose, au-dessus du système légal, un droit nouveau, possédant un caractère différent. Peut-être ne doit-on pas s'en étonner, et convient-il de voir là un effet de la vie. Il est toutefois regrettable que ces créations, qui sont l'oeuvre raisonnée de la jurisprudence, ne procèdent pas toujours d'un sentiment raisonnable de la justice; et c'est ce qui peut être constaté en matière de commissions rogatoires.

Dans les instructions criminelles, les délégations, par lesquelles le juge d'instruction requiert un autre magistrat de faire pour lui un acte de sa fonction, sont fréquentes; elles constituent une nécessité. Il en est ainsi, lorsqu'il s'agit d'accomplir une mesure d'information en dehors de l'arrondissement, telle qu'une perquisition ou une visite domiciliaire. Mais il en est ainsi même dans le ressort, à cause du nombre restreint des ma. gistrats instructeurs, pour leur éviter de se déplacer, et d'interrompre, pour un transport qui ne donnera peut-être pas de résultats, la besogne utile qui les retient au chef-lieu.

:

Mais, si la loi n'a eu garde d'omettre une disposition aussi importante, et si elle en a parlé dans un certain nombre d'articles, notamment dans les art. 83, 84 et 90, C. instr. crim., elle n'y a vu qu'une mesure exceptionnelle, ne voulant pas que, par un emploi abusif des commissions rogatoires, on enlevât aux prévenus les garanties que l'instruction ordinaire leur accorde. De là une triple limitation, qui paraît bien ressortir des textes qui précèdent la première, quant aux fonctionnaires capables d'être requis, qui doivent avoir la qualité de magistrats pour présenter la même impartialité que le juge chargé d'instruire; la seconde, quant aux actes susceptibles d'être exécutés par commission, pour laisser au juge d'instruction ce qui relève de son pouvoir juridictionnel; et la troisième, quant aux circonstances dans lesquelles peut intervenir une délégation, qui supposent une impossibilité légale ou matérielle du juge d'instruction, afin de maintenir à cette mesure un domaine très étroit.

Par contre, la jurisprudence, impressionnée par des circulaires ministérielles, qui ont recommandé les commissions rogatoires pour diminuer les frais de justice, ou voyant dans leur emploi un moyen d'abréger les procédures et de faire une économie de temps, en est arrivée à une tout autre conception de ces délégations. Les art. 83, 84 et 90 et autres, C. instr. crim., ont été entendus par elle comme des textes simplement énonciatifs; ce qui l'a conduite au sys. tème suivant: 1° il n'est pas indispensable que la commission rogatoire soit adressée à un juge ANNÉE 1913. 3 cah.

1o Si nul ne peut être jugé ou mis en accusation sans avoir été entendu ou dûment appelé, et si, par suite, une information ne peut être close sans que l'inculpé ait été diment interpellé d'avoir à répondre aux inculpations dirigées contre lui et à proposer ses moyens de justification, il n'est pas rigoureusement nécessaire qu'il soit interrogé par le juge d'instruction méme qui a été requis d'informer à son égard (1) (C. instr. crim., 93).

Il est loisible à ce magistrat, dans le cas où l'inculpé réside dans un autre arrondis

d'instruction ou à un juge de paix; elle pent l'être également à un autre officier de police judiciaire, soit un commissaire de police, un maire ou son adjoint, soit encore un officier de gendarmerie (V. Cass. 19 janv. 1866, S. 1866.1.87. P. 1866. 190; 14 juin 1866, S. 1867.1.189. P. 1867.427; 8 juin 1872, Bull. crim., n. 138; 13 juin 1872, S. 1872.1.445. P. 1872.1163; 21 nov. 1879,

[ocr errors]
[ocr errors]

S. 1880.1.188. P. 1880.409; 12 nov. 1896, Bull. crim., n. 325); - 2o la commission rogatoire peut porter sur toute mesure d'information laquelle peut procéder un juge d'instruction, et rentrant dans ses attributions de police judiciaire, non seulement une perquisition ou une audition de témoins, mais aussi l'interrogatoire du prévenu et sa confrontation avec un témoin (V. Cass. 16 juill. 1868, Bull. crim., n. 168); 3° il n'est pas nécessaire, enfin, pour justifier une délégation, que le juge d'instruction soit empêché de procéder en personne à la mesure requise; c'est une affaire de conscience, dont il est seul juge, et qui ne peut donner lieu à un contrôle. V. en ce sens, Cass. 8 juin 1872 (motifs), et 13 juin 1872 (motifs), précités.

Le motif, à vrai dire unique, qui inspire le libéralisme apparent de cette jurisprudence, et qui, expressément ou implicitement, se retrouve dans les arrêts, c'est que la délégation, en matière de procédure criminelle, est de droit commun, et qu'elle est autorisée toutes les fois que la loi ne la défend pas. Or, on ne rencontre pas, dans les art. 83, 84 et 90, O. instr. crim., soit une disposition qui interdise de déléguer un commissaire de police ou un autre officier de police judiciaire, comme un maire, soit une défense de commettre rogatoirement à l'effet d'interroger le prévenu et de le confronter, ou encore une prescription subordonnant la délégation à un empêchement du juge d'instruction. Et il convient d'ajouter que cette jurisprudence commode a trouvé auprès d'un certain nombre d'auteurs un accueil favorable. V. Bourguignon, Jurispr. des Codes criminels, t. 1or, p. 195; Legraverend, Législ. crim., t. 1er, p. 239; Duverger, Man, des juges d'instr., t. 2, n. 367 et 382; Massabiau, Man. du min. public, 5o éd., par Mesnard, t. 2, n. 2433 et 2436; Morin, Dict. du dr. crim., v° Délégation, n. 3 et 5; G. Lepoittevin, Dict. formulaire des parquets, vo Commission roga. toire, n. 2. Mais V. en sens opposé, Carnot, Instr. crim., t. 1, p. 376; Mangin, Tr. de l'instr. écrite, t. 1, n. 88; F. Hélie, Tr. de l'instr. crim., 2o éd., t. 4, n. 1803, 1900 et s.; Trébutien, Cours de dr. crim., 2o éd., par Laisné-Deshayes et Guillouard, t. 2, n. 426 et s.; Boitard, Leç. de dr. crim., 13o éd., par Villey, n. 599. V. aussi la note sous Cass. 16 janv. 1869 (S. 1869.1.433. - P. 1869.1108).

[ocr errors]

Aujourd'hui, poussant jusqu'au bout son système d'interprétation, et combinant ensemble deux de ses précédentes solutions, la jurisprudence en vient à dire dans l'arrêt actuel, que l'unique

sement, de donner commission rogatoire au juge d'instruction de cet arrondissement, à l'effet de l'interroger et de recevoir ses explications (2) (ld.).

Le juge d'instruction, ainsi commis rogatoirement, peut, à son tour, subdéléguer un officier de police judiciaire pour exéculer ladite commission rogatoire (3) (Id.).

2o Un prévenu ne saurait arquer de nullité l'instruction qui a été suivie contre lui par un commissaire de police délégué par un juge d'instruction, auquel le Juge d'instruction saisi avait donne commission ro

interrogatoire du prévenu, auquel il soit procédé au cours de l'information, et qui est essentiel pour la régularité de la procédure (V. Cass. 16 nov. 1849, S. 1850.1.234. P. 1849.2.627; 21 mars 1873, S. 1873.1.431. P. 1873.1028; 8 avril 1892; Pand. per., 1893.7.91; Bull. crim., n. 104; 11 juill. 1902, S. et P. 1903.1.545, et la note; Pand. pér., 1904.1.45), peut être fait au moyen d'une commission rogatoire adressée à un commissaire de police. A ses yeux, cette substitution de personne, cependant si grave dans un acte substantiel, est jugée indifférente; elle la déclare insignifiante, et elle estime qu'elle ne fait grief ni à la bonne administration de la justice ni aux droits de la défense.

Est-ce la cependant ce que la raison enseigne? On n'a pas sans doute oublié les éloquentes protestations que F. Hélie faisait entendre contre la reconnaissance au juge d'instruction en dehors

de l'hypothèse de l'art. 103 - du droit de déléguer l'interrogatoire du prévenu. V. F. Hélie, op. cit., t. 4, n. 1909. Cet auteur supposait cependant que le fonctionnaire requis serait un juge. Qu'auraitil dit devant l'évolution de la jurisprudence, qui estime cette condition de peu d'importance, et qui accepte comme une chose tolérable de remettre à un commissaire de police, demain peutêtre à un maire, l'exécution d'une formalité dont le juge d'instruction ne peut se dispenser à peine de nullité?

Devant une orientation, logique peut-être, mais aussi troublante, de la jurisprudence, il devient nécessaire de reprendre son système, et de l'examiner à nouveau.

Il repose sur l'idée que ce qui n'est pas défendu est permis; la délégation serait de droit commun, tenant essentiellement aux règles générales de la procédure criminelle, et autorisée dès lors qu'elle n'est pas défendue d'une manière positive. V. Morin, Dict. du dr. crim., v° Délégation, n. 1. Mais est-ce bien là, s'agissant de fonctions publiques, un principe certain? N'est-il pas plus exact de penser que, lorsque la loi a remis une fonction quelconque à un corps ou à un individu, c'est ce corps ou cet individu qui doit en personne la remplir. On avoue que cela est vrai de la fonction judiciaire. Il n'appartient évidemment pas à un tribunal, désigné par la loi, de déléguer, serait-ce un tribunal de même nature et de même ordre, dans le jugement de ses propres causes. Et pourquoi ? C'est parce que ce qui touche à l'organisation judiciaire est d'ordre public, établi dans l'intérêt de la bonne administration de la justice, et immuable. Or, le même motif s'applique à la procédure criminelle, qui fait également partie de l'organisation judiciaire. Si la loi a remis à certains magistrats la mission de rassembler les preuves des délits, et d'informer contre les individus inculpés d'infractions, c'est parce qu'elle leur attribue un certain mérite, qu'elle a confiance I PART.

22

gatoire, sous prétexte qu'il n'aurait pas été

dans leur caractère, et qu'elle trouve, au pouvoir qu'elle leur remet, une garantie dans les conditions qu'elle exige pour leur nomination. Elle se serait donc elle-même abusée, et toutes les précautions par elle prises eussent été de pures illusions, si elle avait admis qu'en déléguant à leur guise d'autres fonctionnaires à leur place, ces magistrats peuvent priver la société et les inculpés de la compétence qu'ils offraient. Sans doute, devant les nécessités créées par les compétences territoriales et le nombre limité des magistrats instructeurs, la loi était obligée d'autoriser la délégation. Mais elle n'avait à l'admettre que comme exception à une règle, comme dérogation à un principe. Il ne convient donc pas de dire, ainsi que l'a fait la jurisprudence, que ce qui n'est pas défendu est permis en matière de commission rogatoire, mais de répéter plutôt ce qu'elle disait, lorsque, plus près de l'époque où a été rédigé le Code, elle en avait mieux saisi l'esprit, que, dans l'exercice de ce droit (de délégation) les juges d'instruction sont renfermés dans le cercle restreint des dispositions des art. 83, 84 et 90 ». V. Cass. 27 août 1818 (S. et P. chr.). Du moment qu'il s'agit de l'organisation judiciaire, il n'y a pas de délégation possible en dehors d'une permission légale.

[ocr errors]

On aperçoit dès lors ce qu'il faut penser de la solution de l'arrêt actuel, qu'une commission rogatoire peut être adressée à un commissaire de police. Rien de pareil n'est écrit dans les art. 83, 84 et 90. Ceux-ci ne mentionnent que les juges d'instruction et les juges de paix. C'est donc à eux seuls qu'une délégation peut être faite; et il y a d'excellentes raisons pour le décider ainsi. D'abord, ils suffisent pour satisfaire dans toutes les circonstances aux nécessités auxquelles répondent les commissions rogatoires : le juge d'instruction d'un autre lieu, ou un juge de paix subdélégué, s'il s'agit de procéder à une mesure d'information en dehors de l'arrondissement; le juge de paix du canton, s'il y a lieu de faire un acte d'instruction dans le ressort. Il n'est donc pas besoin de recourir à d'autres officiers de police judiciaire, à un commissaire de police ou à un maire. Croit-on, d'un autre côté, que, si la loi avait admis cette extension, elle ne l'eût pas dit, au lieu de parler d'une manière exclusive, et en quelque sorte systématique, qui éclaire sa pensée, de deux catégories seulement d'officiers de police judiciaire ? La pensée de la loi peut-elle même être obscure? C'est le désir fort compréhensible de conserver autant que possible aux inculpés, auprès du magistrat requis, les garanties qu'ils auraient trouvées auprès du magistrat requérant, qui la motive. Or, cette sauvegarde peut se rencontrer avec un autre juge d'instruction, et même avec un juge de paix, que la législation criminelle, à l'époque contemporaine de la rédaction du Code d'instruction criminelle, honorait de façon particulière. Mais elle ne se trouve plus avec des fonctionnaires adminis. tratifs, en qui manque, avec la qualité de juge, la vertu professionnelle de l'impartialité. Au surplus, le législateur avait sous les yeux la disposition de l'art. 14 de la loi du 7 pluv. an 9 (S. 1er vol. des Lois annotées, p. 553), attribuant au directeur du jury le pouvoir de charger les juges de paix et les officiers de gendarmerie de tous actes d'instruction et de procédure pour lesquels il ne jugerait pas son déplacement nécessaire. S'il avait voulu maintenir ce système, ou un système analogue, il avait un précédent. Mais non! C'est à la loi du 3 brum. an 4 (S. 1 vol. des Lois annotées, p. 362), plus

assisté par un défenseur devant le commis

rigoureuse, et plus respectueuse des droits de la défense, qu'il a songé; ce sont ses art. 110 et s. qu'il a reproduits.

L'autre solution de l'arrêt paraît, au contraire, plus délicate. Le juge d'instruction peut-il déléguer pour interroger un prévenu? On ne peut plus fonder, comme précédemment, sur le silence du législateur, une réponse négative. La délégation pour l'interrogatoire est admise par les art. 266 et 293, C. instr. crim., lorsque l'accusé est arrivé

la maison de justice, par l'art. 497 du même Code, lorsqu'une section de la Cour de cassation est saisie d'une prévention contre un tribunal ou une Cour. Elle l'était encore par l'art. 103, C. instr. crim., pour le cas d'un prévenu arrêté hors de l'arrondissement du juge qui a décerné un mandat contre lui, disposition à laquelle l'art. 5 de la loi du 8 déc. 1897 a substitué d'autres règles. V. Circ. garde des sceaux, 10 déc. 1897, § 2, n. II (S. et P. Lois annotées de 1898, p. 431); F. Hélie, Prat. crim., 2 éd., par Depeiges, t. 1er, p. 135, n. 212. On pourrait donc prétendre que la mesure ne répugne pas à l'esprit de la loi, et, avec la jurisprudence, généraliser les solutions particulières que renferment les textes qui précèdent. Il y aurait même, pour faire cette généralisation, des raisons assez pressantes, que Duverger a indiquées. « Si un prévenu se trouvait dans un lieu éloigné du siège du juge d'instruction, et que ce prévenu fût dans un état de maladie tel qu'il ne pût être transporté facilement et sans péril; que, cependant, il y eût urgence à prendre ses déclarations, soit pour aider à sa décharge, soit pour en obtenir des éclaircissements, des aveux, des révélations sur les faits incriminés ou sur ses complices; si le prévenu était détenu dans une maison d'arrêt, de justice, de détention ou dans un bagne, et qu'il y eût danger ou inconvénient à le déplacer; enfin, si le prévenu n'était l'objet que de charges légères, que de soupçons vagues, et qu'il fût trop fâcheux pour lui de le faire amener ou seulement de le faire comparaître devant le juge d'instruction à une certaine distance de son domicile; dans tous ces cas et autres analogues, il y aurait utilité, prudence, justice et économie à donner une commission rogatoire ». V. Duverger, Man. des juges d'instr., t. 2, n. 367. Adde, Morin, Dict. du dr. crim., v° Délégation, n. 8.

Malgré ces raisons, qui certainement sont impressionnantes, mais qui ne sont pas toutes également fortes, nous hésiterions beaucoup, surtout lorsqu'il n'a été procédé, comme c'était le cas de l'espèce actuelle, qu'à un seul interrogatoire du prévenu, à suivre l'opinion de ces auteurs, et à admettre que cet interrogatoire pût être fait au moyen d'une commission rogatoire. C'est que, comme le disait F. Hélie, avec son grand libéralisme et sa connaissance profonde des choses judiciaires, l'interrogatoire est l'acte principal de l'instruction, la seule voie qui soit laissée au prévenu pour se défendre pendant l'information préalable contre l'inculpation qui pèse contre lui, et qu'on comprend mal que le juge d'instruction se décide et rende son ordonnance de clôture sans avoir fait comparaître le prévenu, sans l'avoir entendu, sans l'avoir vu! V. F. Hélie, Tr. de l'instr. crim., 2o éd., t. 4, n. 1909. C'est un jugement que le juge d'instruction est appelé à rendre; et c'est une conviction qu'il doit avoir. Or, on ne se fait pas une opinion raisonnée sur l'interrogatoire mené par un autre, et lorsqu'on n'a pas soi-même débattu l'inculpation avec le prévenu. Au fond, l'in

saire de police qui l'a interrogé, alors que

terrogatoire de l'inculpé est quelque chose de plus qu'une mesure d'information; c'est un moyen de défense; et c'est pourquoi, à la différence des autres mesures d'instruction, il n'est pas laissé à la liberté du juge d'instruction d'y procéder ou de n'y pas procéder. On peut dire, toutes proportions gardées, que cet acte joue, dans la procédure d'information, un rôle analogue à celui des débats dans la procédure de jugement. Or, on ne conteste pas que les débats ne peuvent pas avoir lieu devant un tribunal, et le jugement au fond devant un autre. V. Cass. 7 fruct. an 9 (S. et P. chr.); Merlin, Rep., v Commissaire, n. 4; et notre Rép. gén, du dr. fr., v° Tribunal de police correctionnelle, n. 400. La même union doit se rencontrer aussi pour l'interrogatoire et l'ordonnance de renvoi; et, semble-t-il, il y a quelque chose de singulier à considérer l'interrogatoire comme substantiel (V. Cass. 16 nov. 1849, 21 mars 1873, 8 avril 1892, et 11 juill. 1902, précités), et à prétendre en même temps indifférente la personne qui doit interroger, comme si la façon de recevoir l'interrogatoire n'importait pas, autant que l'interrogatoire, aux droits de l'inculpé et à ceux de la société !

Une fois de plus, nous vérifions l'appréciation que F. Hélie portait sur la pratique, lorsqu'il disait que, par elle, le Code avait été rendu plus incomplet que ne l'avait fait le législateur, et que, par elle, avaient été rétrécies les garanties qu'il avait accordées. V. F. Hélie, op. cit., t. 4, n. 1629. V. aussi la note sous Cass. 11 juill. 1902, précité.

Vainement dira-t-on que le système de la jurisprudence ne sacrifie aucun intérêt, puisque le juge d'instruction est libre de refaire les actes du magistrat requis, s'il les juge insuffisants ou incomplets, et que, de plus, les règles de forme, que doit observer le magistrat requérant, doivent également être suivies par le magistrat commis. V. Cass. 28 juill. 1899 (sol. implic.) (S. et P. 1902. 1.60), et la note; Paris, 23 févr. 1912 (S. et P. 1912.2.184; Pand. pér., 1912.2.184), et la note. V. aussi l'arrêt actuel. Rien, en effet, n'oblige le juge d'instruction à refaire les actes du magistrat qu'il a délégué; il peut les verser tels quels au dossier de l'information, les croyant de bonne foi complets et véridiques; et, d'un autre côté, on ne contestera pas que les règles de forme ne constituent pas seules les garanties du droit de la défense, qu'il y a aussi la personne du magistrat qui instruit, sa compétence et son impartialité.

Seules, des considérations pratiques, surtout dans les grandes villes, où les juges d'instruction sont surchargés de besogne, peuvent expliquer la solution qui a triomphé devant les tribunaux. Mais il ne faudrait pas se méprendre sur l'importance de ce motif, souvent invoqué. Il est, en effet, possible de respecter la loi, sans sacrifier quoi que ce soit aux exigences de la pratique. Il suffit pour cela de distinguer deux choses, que l'on a peut-être eu le tort de trop rapprocher, et finalement de confondre les délégations, par lesquelles le juge d'instruction requiert un juge de faire à sa place un acte de sa fonction, et qui, parce qu'elles impliquent une substitution d'autorité, doivent être limitées aux cas où la loi les a autorisées; et les commissions ou demandes de renseignements, beaucoup plus libres, que le juge d'instruction peut adresser à tout officier de police judiciaire, voire même au ministère public (V. Cass. 24 déc. 1904, S. et P. 1907.1.198, et la note), et pour lesquelles la restriction précédente n'existe pas, parce qu'elles

c'est par sa seule volonté qu'il a été privé de l'assistance d'un défenseur (1) (L. 8 déc. 1897, art. 9).

3 En pareil cas, le prévenu ne saurait se faire grief de ce que le dossier de lu procédure ne contiendrait pas les ordonnances par lesquelles le juge d'instruction délégué a subdélégué le commissaire de police, alors que les juges, saisis de la pour. suite à la suite de cette instruction, ont constatée que le commissaire de police avait procédé en vertu de subdélégations, que ces subdélégations sont visées dans les procèsverbaux des interrogatoires, et qu'aucune contestation n'a été soulevée sur leur existence devant les juges du fond (2) (C. instr. crim., 93).

En cet état, le moyen de nullité, pris de ce que l'existence des subdélégations ne serait pas régulièrement constatée, doit être considéré comme nouveau, et ne saurait étre invoqué pour la première fois devant la Cour de cassation (3) (Id.).

(King C. Lecoc et Ducoin).

· ARRÊT.

LA COUR; Sur le moyen du pourvoi, pris de la violation des art. 48, 49, 84, 413, C. instr. crim., des droits de la défense, et de la loi du 8 déc. 1897 sur l'instruction contradictoire, en ce que l'arrêt attaqué admet la validité d'une instruction faite d'une façon complète, à l'égard du demandeur, par un commissaire de police, prétendant agir en vertu de subdélégations d'un juge d'instruction commis rogatoirement, alors que l'existence des ordonnances portant ces subdélégations n'est pas constatée régulièrement, et qu'aucune subdélégation verbale ne peut être admise en pareilles circonstances: Attendu,

en droit, que nul ne peut être jugé ou mis en accusation sans avoir été entendu ou dùment appelé; que, par suite, une information ne peut être close sans que l'inculpé ait été dùment interpellé d'avoir à répondre aux inculpations dirigées contre. lui et à proposer ses moyens de justification; mais qu'il n'est pas rigoureusement nécessaire qu'il soit interrogé par le juge d'instruction même qui a été requis d'informer à son égard; qu'il est loisible à ce magistrat, dans le cas où l'inculpé réside dans un autre arrondissement, de donner commission rogatoire au juge d'instruction de cet arrondissement, à l'effet de l'inter

ne contiennent pas une remise de pouvoirs, qu'elles ne servent qu'à titre de renseignement, et qu'elles ne dispensent pas le juge d'instruction de les refaire en personne, lorsqu'elles portent sur une formalité substantielle de l'instruction. Comp. Cass. 8 juin 1872, précité; 28 juill. 1899, précité, et la note. C'est dans cette distinction, qui a été à plusieurs reprises indiquée dans ce Recueil (V. les notes sous Cass. 8 avril 1892, S. et P. 1894.1.521, et sous Cass. 24 déc. 1904, précité), que s'obtiendra la conciliation des nécessités pratiques avec la justice, l'allègement de la tâche du juge d'instruction, que nous n'avons garde de négliger, avec le respect des garanties que le Code a établies en faveur du droit naturel de la défense, et que la jurisprudence laisse se perdre.

J.-A. ROUX.

(1) Point certain. V. Cass. 5 janv. 1901 (S. et

[ocr errors]

At

At

roger et de recevoir ses explications; que le juge d'instruction, ainsi commis rogatoirement, peut, à son tour, subdéléguer un officier de police judiciaire pour exécuter ladite commission rogatoire; tendu que le jugement, et l'arrêt qui en a adopté les motifs, constatent « qu'il est établi par les procès-verbaux d'interrogatoires du commissaire de police de Lille des 16 oct. et 28 déc. 1908, agissant comme subdélégué par le juge d'instruction de Lille, commis lui-même rogatoirement par le juge d'instruction de la Seine, saisi de la poursuite, que King a été régulièrement inculpé et interrogé, et que toutes les formalités prescrites par la loi du 8 déc. 1897 ont été observées »; tendu qu'il est prétendu, à l'appui du pourvoi, que King se serait trouvé dans I impossibilité d'être assisté d'un conseil pendant les interrogatoires qu'il a dù subir, par le motif qu'il a été procédé à ces interrogatoires par un commissaire de police, et non par un juge d'instruction; que l'arrêt attaqué a expressément déclaré que c'est par sa seule volonté que King n'a point été assisté d'un conseil pendant ses interrogatoires; qu'il en résulte qu'il est non recevable à exciper de ce chef d'une prétendue violation des droits de la défense; qu'aucun grief utile ne peut davantage être tiré de ce que le dossier de la procédure ne contiendrait pas les ordonnances par lesquelles le juge d'instruction de Lille aurait subdélégué le commissaire de police de Lille, à l'effet d'exécuter les commissions rogatoires du juge d'instruction de la Seine; que l'arrêt attaqué a constaté que c'est en vertu de subdélégations du juge d'instruction de Lille que le commissaire de police de cette ville a interrogé l'inculpé; que ces subdélégations sont visées dans les procès-verbaux des interrogatoires, et qu'il appert des conclusions prises par le demandeur, tant devant le tribunal correctionnel de la Seine que devant la Cour, qu'aucune contestation n'a été soulevée sur l'existence de ces subdélégations; Attendu que, de ce qui précède, il résulte que le moyen de nullité de la procédure, pris de ce que l'existence de ces subdélégations ne serait pas régulièrement constatée, doit être considéré comme nouveau, et ne saurait être invoqué pour la première fois devant la Cour de

P. 1902.1.103, et la note; Pand. pér., 1901.1. 225).

(2-3) V. sur l'application, en matière répressive, du principe que les moyens nouveaux ne sont pas recevables devant la Cour de cassation, Cass. 15 déc. 1911 (S. et P. 1912.1.421; Pand. pér., 1912. 1.421), et le renvoi.

(4 à 7) Il y a controverse sur la question de savoir si, pour la destruction des bêtes fauves, dans les conditions de l'art. 9 de la loi du 3 mai 1814, le propriétaire ou fermier peut employer des engins de chasse prohibés. V. dans le sens de l'affirmative, de Neyremand, Quest. sur la chasse, 2 éd., n. 60; Giraudeau, Lelièvre et Soudée, La chasse, 2 éd., n. 690; Morael, Chasse et braconnage, p. 135; Menche de Loisne, Dr. de chasse, n. 216. V. aussi la note, n. II, sous Douai, 17 févr. 1897 (S. et P. 1897.2.233). Dans le sens de la négative, V. Villequez, Destruction des animaux malfaisants

[blocks in formation]

CASS.-CRIM. 15 juillet 1910.

CHASSE, BÊTES FAUVES, ENGINS PROHIBÉS (Rep., v Chasse, n. 1167 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 387 et s.).

En autorisant le propriétaire ou le fermier à repousser ou à détruire, même avec des armes à feu, les bêtes fauves qui porteraient dommage à sa propriété, la loi de 1844 a voulu créer une immunité en faveur seulement des nécessités de la légitime défense (4) (L. 3 mai 1844, art. 9, § 3).

Elle n'a point entendu permettre qu'il fut fait usage, pour la destruction des bêtes fauves, d'engins ou d'instruments de nature à capturer le gibier, et qui demeurent par là même prohibés (5) (Id.).

L'emploi de tels engins, alors même que celui qui en fait usage prétendrait avoir eu exclusivement pour but de détruire des bêtes fauves, constitue le délit de chasse à l'aide d'engins prohibés (6) (L. 3 mai 1844, art. 12, $ 2).

Spécialement, se rend coupable d'un délit de chasse le garde particulier, qui, sous prétexte de chercher à détruire des sangliers, dispose, dans le bois soumis à sa surveillance, des collets susceptibles de capturer le gibier, et notamment les chevreuils (7) (ld.).

(Coureul). ARRÊT.

[ocr errors]

LA COUR; Sur le moyen du pourvoi, pris de la violation des art. 9, 33, in fine, et 12, 2, de la loi du 3 mai 1844: Attendu qu'en proclamant, dans le § 3 de l'art. 9, le droit appartenant au propriétaire ou au fermier de repousser ou de détruire, même avec des armes à feu, les bêtes fauves qui porteraient dommage à ses propriétés, la loi de 1844 a voulu créer une immunité en faveur seulement des nécessités de la légitime défense, mais qu'elle n'a point entendu permettre qu'il fut fait usage, pour la destruction des bêtes fauves, d'engins ou d'instruments de na

ou nuisibles, n. 67; Chenu, Chasse et procès, p. 146. L'arrêt ci-dessus rapporté paraît, par les termes qu'il emploie, devoir être interprété comme n'interdisant pas d'une manière absolue l'emploi des engins prohibés, mais seulement de ceux qui sont de nature à capturer le gibier, les autres qui ne pourraient capturer ou détruire que les bêtes fauves, à l'exclusion du gibier, demeurant autorisés. Cette distinction pourrait se justifier, car, si les engins employés sont de nature à capturer ou détruire le gibier, on ne peut plus parler d'acte de défense légitime; et l'intérêt de la protection du gibier, qui a fait interdire l'emploi de certains engins, reparaît. Comp. Cass. 15 oct. 1844 (S. 1845.1.132.

P. 1845.2.119); 25 nov. 1910 (Bull. crim., n. 585). Il faut cependant reconnaître que la distinction est d'une application parfois difficile dans la pratique. Comp. la note sous Caen, 21 juill 1874 (S. 1875.2.208. P. 1875.825).

ture à capturer le gibier, et qui demeurent par là même prohibés; que l'emploi de tels engins, alors même que celui qui en fait usage prétendrait avoir eu exclusivement pour but de détruire des bêtes fauves, constitue le délit de chasse à l'aide d'engins prohibés, prévu et réprimé par l'art. 12, 52, de la loi du 3 mai 1844; Attendu que l'arrêt attaqué constate que les collets, qui avaient été disposés par Coureul, garde particulier, dans un bois. soumis à sa surveillance, étaient de nature à permettre la capture du gibier, notamment des chevreuils; qu'en écartant, dès lors, l'exception que le prévenu opposait à la poursuite, et tirée de l'art. 9, 53, in fine, de la loi du 3 mai 1844, par le motif qu'il était défendu, même pour la destruction des sangliers, c'est-à-dire des betes fauves, de faire usage d'engins prohibés, et en le déclarant coupable du délit prévu par l'art. 12, § 2, de cette loi, l'arrêt attaqué, loin de violer les textes visés au moyen, en a fait une exacte application;

Rejette le pourvoi contre l'arrêt de la Cour d'appel de Caen, du 24 mai 1910, etc. Du 15 juill. 1910. Ch. crim. MM. Bard, prés.; Boulloche, rapp.; Lénard, av. gén.

CASS.-CRIM. 5 novembre 1910.

1o APPEL EN MATIÈRE DE SIMPLE POLICE, PARTIE CIVILE, CITATION, DÉCLARATION AU GREFFE (DÉFAUT DE), FIN DE NON-RECEVOIR (Rép., v° Appel [mat. répressive], n. 136 et s.; Pand. Rép., vo Appel de simple police, n. 200 et s.). 20 CONTRAINTE PAR CORPS, DURÉE, DÉLIT FORESTier, TribuNAL DE SIMPLE POLICE, LOI DU 31 DÉC. 1906 (Rép., v° Contrainte par corps, n. 64, 95 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 99 et s., 233 et s.).

1° Si la partie civile peut saisir la juridiction d'appel par voie de citation directe pour poursuivre l'audience, c'est à la condition d'avoir préalablement formé son appel dans les termes de l'art. 174, C. instr. crim. (1) (C. instr. crim., 174).

Ainsi, lorsque, par sa déclaration au greffe du tribunal de simple police, la partie civile a interjeté appel au regard de

(1-2) L'art. 174, C. instr. crim., qui règle les formes de l'appel en matière de simple police, exige, comme l'art. 203, C. instr. crim., relatif à l'appel en matière correctionnelle, une déclaration faite au greffe. Il a été jugé, en matière correctionnelle (et, ainsi que le décide l'arrêt cidessus rapporté, la solution doit être la même en matière de simple police), que cette déclaration ne peut être remplacée par aucun acte, même par une notification, le texte de la loi étant formel. V. Cass. 9 juin 1809 (P. chr.); 27 sept. 1828 (P. chr.); 22 mai 1835 (S. 1835.1.763. - P. chr.; Pand. chr.); Paris, 1er juin 1855 (S. 1855. 2.583. P. 1856.1.404; Pand. chr.); Aix, 22 mai 1862 (S. 1862.2.560.-P. 1862.1088); Cass. 4 mars 1897 (Bull. crim., n. 84). Adde, le rapport de M. Ruben de Couder sous Cass. 10 févr. 1909 (S. et P. 1909.1.116; Pand. pér., 1909.1.116), et les autorités citées.

l'un des deux prévenus seulement, la citation délivrée à l'autre prévenu, à l'effet de comparaitre devant le tribunal correction-· nel, n'a pu valablement saisir cette juridiction d'un appel au regard de ce second prévenu (2) (Id.).

20 Si, en matière de droit commun, aux termes de l'art. 9 de la loi du 22 juill. 1867, la contrainte par corps prononcée en matiere de simple police ne peut pas excéder cinq jours, cette règle comporte exception en matière forestière et en matière de pêche fluviale, où la contrainte par corps peut, d'après l'art. 18 de la loi précitée, être de huit jours à six mois (3) (LL. 22 juill. 1867, art. 9 et 18).

La loi du 31 déc. 1906 n'a apporté sur ce point aucune modification aux dispositions de la loi du 22 juill. 1867 (4) (LL. 22 juill. 1867, art. 9 et 18; 31 déc. 1906).

(Admin. des eaux et forêts

C. Chéron et Percheron). ARRET
(apr. délib, en ch. du cons.).

LA COUR; En ce qui concerne Chéron: - Attendu que, si la partie civile peut saisir la juridiction d'appel par voie de citation directe pour poursuivre l'audience, c'est à la condition d'avoir préala blement formé son appel dans les termes de l'art. 174, C. instr. crim.; Atten iu que, par sa déclaration au greffe du tribunal de simple police de Fontainebleau, en date du 3 févr. 1910, le représentant de l'Administration des eaux et forêts a interjeté appel au regard de Percheron seulement; qu'il s'ensuit, en ce qui touche Chéron, qu'aucune déclaration d'appel n'ayant été formulée à son égard, la seule citation à lui délivrée, le 17 mars 1910, à l'effet de comparaitre devant le tribunal correctionnel de Fontainebleau, n'a pu valablement saisir cette juridiction, qui a donc déclaré, à bon droit, n'y avoir pour elle lieu de statuer;

[blocks in formation]

(3-4) Cette question, qui est nouvelle, paraît bien jugée par la Cour de cassation. La loi récente du 31 déc. 1906 (S. et P. Lois annotées de 1907, p. 464; Pand. pér., 1907.3.64), modifiant certains articles du Code forestier, attribue au tribunal de simple police le jugement d'un certain nombre de contraventions forestières. Quel que soit le mérite, discutable, semble-t-il, de cette réforme, elle n'a touché ni expressément ni implicitement à l'art. 18 de la loi du 22 juill. 1867, qui a fixé d'une manière spéciale, entre huit jours et six mois, la durée de la contrainte par corps en matière de contraventions forestières. Expressément, la chose est évidente car la loi de 1906 ne fait pas mention, parmi les textes qu'elle modifie, de cet art. 18 de la loi de 1867. Implicitement, la chose ne fait pas non plus sérieuse difficulté car les raisons, qui, en 1867, avaient fait établir la durée de la contrainte par corps

-

de l'art. 9 de la même loi, en ce que le jugement attaqué a fixé la durée de là contrainte par corps à cinq jours seulement, sous prétexte que, le juge compétent étant le juge de simple police, la durée de la contrainte par corps ne pouvait excéder cinq jours, alors qu'en matière forestière, la contrainte par corps ne peut être inférieure à huit jours: Vu lesdits articles; - Attendu qu'aux termes de l'art. 18, paragraphe dernier, de la loi du 22 juill. 1867, en matière forestière et de pêche fluviale, lorsque le débiteur ne fait pas les justifications de l'art. 420, C. instr. crim., la durée de la contrainte par corps est fixée par le jugement dans les limites de huit jours à six mois; qu'il résulte de cette disposition que, dans les matières spéciales qu'elle vise, il n'y a pas lieu d'appliquer les règles ordinaires tracées, en matière de droit commun, par l'art. 9 de la même loi;

Attendu que la loi du 31 déc. 1906, qui attribue au juge de paix la connaissance de certaines infractions forestières punies de peines de police, et limitativement énumérées par l'art. 171, nouveau, C. forest., n'a apporté aucune modification à l'art. 18, précité; que, d'autre part, il ressort de l'ensemble de ladite loi qu'elle a seulement pour objet de changer les règles de la compétence en ce qui touche celles des infractions en matière forestière qui doivent actuellement être déférées au juge de simple police; D'où il suit qu'en fixant à cinq jours seulement la durée de la contrainte par corps prononcée contre Percheron, reconnu coupable d'infraction en matière forestière, le jugement attaqué a violé l'art. 18 de la loi du 22 juill. 1867;

Casse le jugement rendu par le tribunal correctionnel de Fontainebleau le 22 avril 1910, mais seulement dans celles de ses dispositions relatives à la durée de la contrainte par corps prononcée contre Percheron, le surplus dudit arrêt étant expressément maintenu, etc. Du 5 nov. 1910. Ch. crim. MM. Bard, prés.; Bourdon, rapp.; Lénard, av. gén.; Gosset, av.

[ocr errors]

CASS.-CRIM. 21 janvier 1911. HYGIÈNE PUBLIQUE, LOI DU 15 FÉVR. 1902, PUITS, MATIÈRES EXCRÉMENTITIELLES, DÉ

d'une manière spéciale pour les infractions forestières, et tenant à la nature de ces infractions et à la nécessité de réprimer le braconnage, sont indépendantes de la juridiction qui prononce ces condamnations. Dès lors, elles subsistent après la loi de 1906, et ne sont pas touchées par le changement que celle-ci a apporté aux règles de compétence. Au surplus, si la compétence devait déterminer la durée de la contrainte par corps, il en résulterait cette anomalie singulière, le nouvel art. 171, C. forest., n'ayant pas attribué aux tribunaux de simple police la connaissance de toutes les contraventions forestières, que, pour certaines d'entre elles, la durée de la contrainte par corps, fixée par l'art. 18 de la loi de 1867, serait encore de huit jours à six mois, tandis que, pour les autres, elle serait réduite, par application maintenant de l'art. 9 de la loi de 1867, à cinq jours.

VERSEMENT, CONTAMINATION, ATELIERS ET MANUFACTURES, SABLIERE, DÉPÔT D'IMMONDICES, INFRACTION VOLONTAIRE (Rép., v° Police sanitaire et hygiène publique, n. 22; Pand. Rep., v Police sanitaire, n. 72, 183 et s.).

L'art. 28, $ler, de la loi du 15 févr. 1902, qui punit des peines des art. 479 et 480, C. pen., l'introduction des matières excrémentitielles dans l'eau des puits servant à l'alimentation publique, ne distingue pas, suivant que les puits ont reçu des matières nuisibles à la salubrité par voie directe ou par l'intermédiaire d'une nappe souterraine (dite phréatique) (1) (L. 15 févr. 1902, art. 28, § ler).

Et il ne résulte pas de l'art. 32 de cetle loi, d'après lequel elle n'est pas applicable aux ateliers et manufactures, qu'une infraction étrangère à la législation régissant la salubrité des ateliers et manufactures, mais prévue par la loi de 1902, doive etre dépourvue de sanction pénale à l'égard d'un manufacturier ou d'un industriel (2) (L. 15 févr. 1902, art. 32).

L'infraction prévue par l'art. 28, précité, $2, qui interdit, sous les peines portées par les art. 479 et 480, C. pén., l'abandon de matières fécales dans les failles, gouffres, bétoires, ou excavations de toute nature, autres que les fosses nécessaires au fonctionnement des établissements classés, est caractérisée par la constatation du déversement de matières de vidange dans une sablière formant excavation (3) (L. 15 févr. 1902, art. 28, § 2).

L'application de l'art. 28, § 3, de la loi du 15 févr. 1902, qui punit des peines de l'art. 257, C. pén., tout acte volontaire de la nature de ceux prévus aux § 1 et 2 de l'art. 28, est justifiée, lorsque l'infraction a été commise et renouvelée volontairement (4) (L. 15 févr. 1902, art. 28, § 3).

(Thierry). ARRÊT.

LA COUR; - En ce qui touche la mise en état : (sans intérêt);

Sur le premier moyen, pris de la viola

(1-2-3) V. conf., Cass. 23 juill. 1910 (Bull. crim., n. 407). C'est avec raison que la Cour de cassation n'a pas distingué suivant que la contamination d'un puits est produite par l'introduction directe de matières nuisibles dans les eaux de ce puits, ou par l'intermédiaire d'une nappe d'eau souterraine alimentant le puits; dans les deux cas, le résultat est pareil, la nécessité d'assurer la pureté de l'eau potable semblable. L'art. 28, § 1o, de la loi du 15 févr. 1902, au reste, est rédigé dans des termes assez larges pour embrasser également ces deux hypothèses. Quiconque, dit-il, laissera introduire des matières excrémentitielles dans l'eau des sources, des fontaines, des puits, etc...». Le texte ne spécifie pas le mode de l'introduction, directe ou indirecte. Il semble toutefois que, lorsque la contamination d'un puits a lieu par une nappe souterraine, il ne soit possible de relever une responsabilité pénale que tout autant qu'il y avait connaissance que cette nappe souterraine était en communication avec le puits, et lui servait de réservoir. Si cette circonstance vient à manquer, il ne paraît pas qu'on puisse appliquer la disposition de l'art. 28.

Pour sa défense, le prévenu invoquait un second moyen, déduit de l'art. 32 de la loi du 15 févr.

tion des art. 28 de la loi du 15 févr. 1902, 257, C. pén., et 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que l'arrêt attaqué a considéré que des déversements de matières de vidange, dès lors qu'ils étaient susceptibles d'atteindre la nappe phréatique, constituaient l'introduction de matières excrémentitielles dans l'eau des sources, fontaines ou réservoirs d'eau servant à l'alimentation publique, interdite et réprimée par l'art. 28 de la loi du 15 févr. 1902 : - Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la Comp. des engrais magnésiens, dont Thierry est directeur, a installé à Rueil une entreprise de vidange; que, pour arriver à une absorption plus considérable des matières excrémentitielles, ledit Thierry a fait creuser des puits jusqu'à la nappe d'eau phréatique, c'est-à-dire jusqu'à la nappe d'eau qui alimente les puits; que l'arrêt constate que cette nappe d'eau sert à l'alimentation publique, et que le prévenu y a fait déverser lesdites matières; Attendu que

l'art. 28, ler, de la loi du 15 févr. 1902 punit l'introduction des matières excrémentitielles dans l'eau des puits servant à l'alimentation publique; qu'il résulte des énonciations de l'ariet précitées qu'en introduisant des matières de vidange dans la nappe d'eau phréatique, le prévenu a, par là même, contaminé l'eau des puits servant à l'alimentation publique; Attendu que ces constatations contiennent les éléments du délit prévu par l'art. 28, $ler, cet article ne distinguant pas suivant que les puits auront reçu les matières nuisibles à la salubrité par voie directe ou par l'intermédiaire d'une nappe souterraine;

Sur le deuxième moyen, pris de la violation des art. 28, SS 2 et 3, et 32 de la loi du 15 févr. 1902, et 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que l'arrêt attaqué a considéré comme délictueux, indépendamment de toute contamination d'une eau servant à l'alimentation publique, le seul fait de déversement de matières de vidange dans des puits creusés à l'intérieur d'une usine,

[ocr errors]

1902, qui déclare cette loi inapplicable anx ateliers et aux manufactures. Chef d'industrie, disait-il, mes actes relèvent uniquement des lois et règlements concernant les établissements industriels; or, aucun de ces textes ne défend de se débarrasser de vidanges au moyen d'épandages ou de puits absorbants creusés dans le sol ». Mais on pouvait répondre que l'art. 32 n'a pas pour objet de soustraire les ateliers et les manufactures à l'empire de la loi de 1902, mais seulement de laisser subsister la législation spéciale qui les régit, sans qu'on puisse prétendre que cette législation s'est trouvée abrogée par la loi de 1902, postérieure en date. En tant donc qu'elle dispose sur des points nouveaux, la loi de 1902 s'applique aux manufactures et aux ateliers comme aux autres propriétés privées. Il serait, en effet, singulier que l'interdiction de contaminer les eaux des puits soit faite à toute personne, hormis les seuls industriels, qui, plus que d'autres, sont exposés à polluer les eaux. Au reste, lorsque la loi de 1902 a jugé nécessaire de dispenser de l'application de ses dispositions une catégorie d'établissements, elle l'a dit : c'est ce qu'elle a fait dans l'art. 28, § 2, mais pour les établissements classés uniquement. Or, cette exception serait incompréhensible, avec une dis

et sur une sablière utilisée comme dépôt d'immondices: Sur la première branche du moyen: Attendu que l'arrêt vise, dans la généralité de ses termes, aussi bien les puits creusés à l'extérieur que ceux creusés à l'intérieur de l'usine; d'où il suit que la condamnation serait, dans tous les cas, justifiée par la constatation que des matières excrémentitielles ont été versées dans les premiers de ces puits, creusés jusqu'à la nappe phréatique; que, d'ailleurs, l'art. 28, 52, n'a exclu de sa prohibition que les fosses nécessaires au fonctionnement d'établissements classés, ce qui n'est pas le cas de l'espèce; qu'enfin, la loi du 15 févr. 1902, en déclarant, dans son art. 32, qu'elle n'est pas applicable aux ateliers et manufactures, a simplement entendu dire qu'elle laissait intacte la législation spéciale qui régit la salubrité des ateliers et manufactures, l'hygiène et la sécurité des travailleurs; qu'il n'en découle nullement qu'une infraction étrangère à cette législation spéciale, mais prévue par la loi du 15 févr. 1902, doive être dépourvue de sanction pénale à l'égard d'un manufacturier ou d'un industriel, alors qu'elle serait réprimée contre toute autre personne;

Sur la deuxième branche du moyen : Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, et du rapport d'expert auquel il se réfère expressément, que le demandeur a fait déverser des matières de vidange dans une sablière ou carrière formant excavation, ce qui caractérise l'infraction prévue par le § 2 de l'art. 28 de la loi de 1902;

Sur le troisième moyen, pris de la violation des art. 28, § 3, de la loi du 15 févr. 1902, 257, C. pén., et 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que l'arrêt attaqué, sans constater que le prévenu ait pratiqué des déversements de vidange avec l'intention de nuire, et avec la connaissance que la contamination d'une eau servant à l'alimentation publique devait en résulter, a considéré ces déversements comme constitutifs d'un délit, en faisant application de peines

pense totale de la loi de 1902, pour les établissements industriels dans l'art. 32. C'est là ce que décide justement la Cour de cassation.

(4) Pour atténuer sa responsabilité, et tout au moins échapper aux peines sévères de l'art. 257, C. pén., le prévenu alléguait qu'en déversant des matières excrémentitielles dans des puits en communication avec une nappe d'eau souterraine, il avait agi sans intention de nuire, et que l'art. 28. § 3, de la loi du 15 févr. 1902, qu'on lui avait appliqué, et qui aggrave la pénalité pour les acte volontaires, de la nature de ceux énumérés aux §§ 1 et 2 de l'art. 28, supposait cette intention. La Cour de cassation a encore rejeté ce moyen, qui manquait en fait, puisque le prévenu avait été l'objet de nombreux avertissements, dont il n'avait tenu aucun compte; il ne pouvait donc pas prétendre qu'il n'avait commis qu'une faute d'inadvertance. Au surplus, l'expression acte volontaire, que l'on trouve dans le § 3 de l'art. 28, et qui s'oppose à celles de négligence et d'incurie, qui figurent au § 1 (V. S. et P. Lois annotées de 1902, p. 362, note 187), s'entend de faits accomplis intentionnellement, c'est-à-dire en connaissance du résultat que doivent amener les actes incriminés, et, par suite, avec la volonté que ce résultat soit atteint.

« PrécédentContinuer »