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seront pas à sa charge. Or, il n'en est point ainsi, puisqu'il doit démontrer le cas fortuit, la force majeure, le vice propre de la chose, la faute de l'expéditeur ou du voyageur. Nul n'a le droit d'affirmer, fait justement remarquer M. Planiol (Dalloz, 1896.2.459, note, 1 col.), que le débiteur est en faute, puisqu'on n'en sait rien, et on n'a pas besoin de le savoir pour le condamner. Il suffit de constater qu'il existe une obligation dont l'extinction n'est pas prouvée ».

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Ces considérations théoriques exposées, il est aisé de fixer la formule applicable au transport des personnes. Le voiturier, en cas d'accident survenu en cours de transport, est responsable a priori, en vertu d'une obligation contractuelle, et il ne dégage sa responsabilité que par la preuve d'un événement fortuit, ou de force majeure, ou de la faute du voyageur. Au point de vue de la responsabilité et de la preuve, il n'y a donc aucune différence entre le transport des marchandises et le transport des personnes.

Le système de la jurisprudence peut être ainsi résumé les art. 1784, C. civ., et 103, C. comm., ne mentionnent que les choses, les objets; donc, ils ne régissent pas le transport des personnes. Ces articles se rattachent au dépôt nécessaire, à la théorie des corps certains. Or, les personnes ne peuvent, en droit, faire l'objet d'un dépôt, ni être considérées comme des corps certains, au sens de ces mots dans l'art. 1302, C. civ. A l'occasion des accidents aux personnes, c'est donc seule la responsabilité de droit commun qui est en jeu. La cause juridique de la responsabilité, c'est le délit ou le quasi-délit. Le voyageur ou ses héritiers doivent prouver la faute du voiturier (C. civ., 1382). On conçoit qu'au contraire, le voiturier soit responsable de plein droit en ce qui concerne les marchandises; les choses inertes ne peuvent se protéger elles-mêmes; elles sont exclusivement sous la garde, sous la maîtrise du voiturier. Elles ne peuvent se léser, ni commettre des fautes. Il est, dès lors, naturel que le voiturier assume l'obligation de les restituer dans l'état dans lequel il les a reçues. La personne physique, au contraire, est un être animé, doué de raison, capable d'agir, de se préserver, bien plus, capable d'échapper à la surveillance du voiturier, de commettre des fautes, des imprudences qui causeront l'accident. Notamment, le voyageur peut aller et venir dans le wagon, monter dans un train en marche, descendre à contre-voie, se pencher au dehors de la portière, se suicider même. Puisque l'accident, le dommage, peuvent provenir du fait, de la faute du voyageur, pourquoi le voiturier serait-il de plein droit responsable? Rien n'autorise à supposer qu'il a assumé une responsabilité aussi lourde.

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Sans doute, à la différence des objets, inertes et passifs, la personne physique est capable d'agir et de se garder elle-même, d'occasionner l'accident. Mais la chose inanimée peut, elle aussi, se léser. L'art. 103, C. comm., prévoit, en effet, le « vice propre de la chose », c'est-à-dire la faute de la chose; la chose est susceptible de se détériorer, de se corrompre, être dangereuse, explosible, mal emballée. Les animaux vivants sont traités comme les choses inanimées au point de vue de la responsabilité du voiturier et de la preuve; les art. 1784 et 103 leur sont incontestablement applicables. Et cependant les animaux vivants peuvent se blesser, occasionner des accidents comme les personnes. Enfin, la faute de l'expéditeur est également, d'après la jurisprudence constante de la Cour de cassation, prévue par les art. 1784 et 103. Or, il semble que l'expéditeur

hésitera moins que le voyageur à commettre une faute, puisque le voyageur endommagerait sa personne, exposerait sa vie. Malgré l'éventualité d'une faute imputable à la chose inanimée, à l'animal vivant, à l'expéditeur, faute génératrice de la perte, de l'avarie, les art. 1784 et 103 font peser sur le voiturier une responsabilité de plein droit. Pourquoi en serait-il autrement de l'éventualité de la faute imputable au voyageur! En réalité, le voyageur s'est livré corps et biens; il a confié sa personne au voiturier pour l'exécution du voyage; il n'a aucune autorité sur le personnel, aucune action sur l'agencement du matériel, sur la marche du con voi, sa direction, sa vitesse. Et, s'il est vrai en théorie, in abstracto, que le voyageur peut commettre des fautes, on ne peut sérieusement contester que les accidents proviennent, dans la proportion de 99 centièmes, de la faute des voituriers ou de circonstances de fait étrangères aux voyageurs. En droit, assurément, les art. 1784 et 108 ne concernent que le transport des marchandises. Assurément aussi, une personne n'est pas susceptible de se donner en dépôt, de constituer un corps certain, au sens de ce mot dans l'art. 1302, C. civ. Mais il n'y a pas lieu de déduire un argument a contrario du texte des art. 1784 et 103; l'argument a contrario n'est concluant que s'il ramène au droit commun. Or, la disposition des art. 1784 et 103 n'est pas une disposition d'exception, dérogatoire au droit com. mun; elle est l'application d'un principe général à un cas spécial, le transport des marchandises. Les art. 1784 et 103 ne sont peut-être pas inutiles, en tant qu'ils précisent et limitent les causes de libération que le voiturier est recevable à invoquer. Sans ces textes, on aurait pu soutenir que, conformément au § 1er de l'art. 1137, C. civ., le voiturier n'est tenu de donner à la conservation de la chose que les soins d'un bon père de famille, qu'il lui suffit de démontrer l'absence de faute. On aurait pu prétendre que le contrat de transport ne rentre pas dans la catégorie de ces contrats spéciaux qui, d'après le § 2 de l'art. 1137, imposent au débiteur des soins plus attentifs que ceux du bon père de famille. Mais les art. 1784 et 103 sont assurément inutiles, en tant qu'ils déclarent, à propos des marchandises, le voiturier responsable des avaries ou des pertes et l'obligent à prouver sa libération. A défaut de ces textes, il eût fallu nécessairement décider de même en vertu des art. 1147 et 1815, C. civ. Le contrat de transport de marchandises oblige incontestablement par lui-même le voiturier à remettre la chose en bon état. Si cette obligation n'est pas exécutée, il doit justifier que le dommage provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée. Ce sont les termes mêmes de l'art. 1147, C. civ.

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Il n'y a donc pas lieu de rechercher s'il résulte des art. 1784, C. civ., 103, C. comm., un argument a contrario, a pari, a fortiori, en ce qui concerne le transport des personnes. Ces articles doivent être écartés. C'est exclusivement aux art. 1147, 1315, qu'il faut recourir. La Cour de cassation l'a du reste implicitement admis. La faute de l'expéditeur n'est point visée aux art. 1784 et 103. Cependant la Cour de cassation a toujours jugé qu'elle cons. tituait une cause de libération pour le voiturier. Or, à quel texte rattache-t-elle cette solution? Précisément à l'art. 1147. « Attendu, lit-on dans un arrêt de la Chambre des requêtes du 15 mars 1909 (S. et P. 1910.1.185; Pand. pér., 1910 1.185, avec la note de M. Bourcart), que, si la loi du 17 mars 1905 a refusé tout effet aux clauses par lesquelles les transporteurs s'exonéreraient de la responsabilité des avaries survenues aux marchan

dises en cours de route, elle leur a néanmoins laissé la possibilité d'établir que les avaries auraient pour cause le vice propre ou la force majeure; qu'il résulte des observations échangées pendant la discussion de la loi que, comme l'avait admis jusqu'alors la jurisprudence, la faute de l'expéditeur serait assimilée au vice propre, le transporteur ne pouvant, dans un cas comme dans l'autre, répondre d'un fait qui lui serait étranger. On lit également dans le traité d'Aubry et Rau (5o éd., t. 5, p. 631-633, § 373, texte et note 11 quinquies): « Le voiturier serait cependant recevable à établir également, pour s'exonérer, soit que l'avarie existait avant sa prise en charge, soit que la perte ou la détérioration est due à une faute de l'expéditeur. En effet, l'inexécution provient alors d'une cause étrangère et non imputable au débiteur (C. civ., 1147). Si donc l'art. 1147 intervient dans le contrat de transport des marchandises pour ajouter la faute de l'expéditeur aux autres causes de libération du voiturier, alors que ce contrat est réglementé spécialement par les art. 1784 et 103, à plus forte raison doit-il intervenir dans le contrat de transport des personnes, que ne réglemente aucun texte spécial.

Le voiturier contracte l'obligation de transporter le voyageur à la destination convenue et de l'y transporter sain et sauf. Il est garant de la sécurité du voyageur. On objecte en vain que le voiturier n'a pu vouloir prendre ce risque à sa charge; car cette obligation est de l'essence du contrat de transport. Etablie pour les choses par des textes spéciaux, l'obligation de sécurité existe à plus forte raison pour les personnes; le voitu rier n'a pu supposer qu'il devait moins de soins à un être humain qu'à une marchandise, que celle-ci devrait être livrée intacte, mais qu'il pourrait livrer la personne mutilée, en morceaux, substituer un cadavre à un être vivant. Les blessures, l'homicide, même involontaires, constituent un délit pénal. Pour assurer la protec tion de la vie humaine, la loi pénale (C. pén., 319 et 320), dérogeant au principe fondamental que tout délit pénal suppose une intention, punit quiconque par maladresse, imprudence, inattention, négligence, ou inobservation des règlements, aura commis involontairement un homicide ou aura causé des blessures. Fréquemment, un accident proviendra d'un délit pénal. Comment, dès lors, le législateur aurait-il hésité à déclarer responsable a priori, en droit civil, au point de vue seulement des dommages-intérêts, le voiturier auquel le voyageur a dû confier sa personne, et qui tire profit de son entreprise! Etranges résultats que ceux auxquels peut aboutir la distinction admise entre le transport des choses et le transport des voyageurs! Soit une marchandise expédiée par grande vitesse; l'expéditeur prend le même train et emporte des bagages; les marchandises, les bagages sont avariés; le voyageur est blessé; une indemnité sera due par la Comp. de chemins de fer pour les marchandises et les bagages; le voyageur n'en obtiendra peut-être aucune, parce qu'il n'aura pu faire la preuve de la faute de la Comp., preuve dont il est dispensé en ce qui concerne les marchandises et les bagages! L'expéditeur est indemnisé, le voyageur ne l'est pas. Cependant, c'est le même accident qui a occasionné le dommage aux marchandises, aux bagages, au voyageur. Garant du salut des marchandises et des bagages, le voiturier n'est pas garant du salut des personnes !

Antérieurement à la loi du 9 avril 1898, concernant les responsabilités des accidents du tra

vail, des auteurs avaient proposé, pour dispenser l'ouvrier de l'obligation de prouver la faute du patron, d'admettre que le contrat de louage de services impliquait à la charge du patron une obligation de sécurité; l'ouvrier devait être restitué sain et sauf. La jurisprudence a toujours rejeté ce système. V. not., Cass, req. 15 juill. 1896 (S. et P. 1897.1.229, et les renvois de la note; Pand. pér., 1897.1.513). N'y aurait-il pas contradiction à admettre cette obligation de sécurité en matière de transport des personnes? Assurément non. Le contrat de louage de services implique deux obligations corrélatives, obligation pour l'ouvrier de fournir un travail déterminé, obligation pour le patron de payer le salaire. L'obligation de sécurité n'est pas nécessairement sousentendue. Au contraire, l'obligation de restituer en bon état la chose ou la personne est inhérente au contrat de transport; elle en forme un élément nécessaire, car il n'y a pas transport de la chose ou de la personne si l'une ou l'autre n'arrive pas à destination telle que le voiturier l'a reçue.

Le système de la jurisprudence supprime arbitrairement un élément de fait et de droit essentiel, le contrat de transport. L'art. 1382, C. civ., suppose l'absence de tout lien contractuel. C'est le délit ou le quasi-délit qui est la source de l'obligation, la cause juridique de la responsabilité. Or, les rapports entre le voyageur et le voiturier résultent d'un contrat; l'accident s'est produit au cours de l'exécution de ce contrat. Telle est du moins l'hypothèse; car, à défaut de contrat de transport, l'art. 1882 peut seul être invoqué.

Que comprend le contrat de transport en général? Qu'y fait-on rentrer? Quelles sont, de l'aveu de tous, auteurs et arrêts, les obligations qu'il impose au voiturier, qu'il s'agisse de marchandises ou de personnes? Ce contrat comprend l'obligation de transporter dans les délais; il suffit à l'expéditeur, au voyageur, de prouver que les délais d'usage on réglementaires ont été dépassés et que ce retard a causé un dommage. Il comprend l'obligation de livrer les bagages, comme les marchandises, sans perte, sans avaries, en bon état. Il comprend l'obligation de donner au voyageur la place qu'il a choisie, de lui assurer un confort suffisant. Il comprend enfin l'obligation de transporter marchandises, bagages et personnes à la destination convenue.

Ainsi, pour les délais, la conservation des marchandises, des bagages, pour le choix de la place, le confort nécessaire, le contrat de transport est la loi des parties; le voiturier doit réparer le dommage, à moins qu'il ne justifie d'une cause légitime de libération. Et ce même contrat ne sera pas la loi des parties en cas d'accident aux personnes! Sans le contrat de transport, qui a mis en rapports voiturier et voyageur, qui a livré le voyageur au voiturier, le voyageur n'aurait subi aucun dommage. Et cependant on détache, on exclut du contrat de transport l'obligation de réparer le dommage causé aux voyageurs; on applique des règles différentes de celles qui régissent tous les autres litiges auxquels peut donner lieu le

(1) Les personnes qui n'exercent aucune profession, ou dont la profession n'est pas assujettie à la loi du 9 avril 1898, demeurent sous l'empire du droit commun, et leur situation n'est pas modifiée, lorsque, par exception, elles ont fait exécuter des travaux rentrant dans la catégorie de ceux que vise la loi sur les accidents du travail au cas où ils sont entrepris par un assujetti. V. Cass. 6 janv. 1904 (S. et P. 1907.1.30; Pand. pér.,

contrat de transport. Le voyageur lésé, qui in voque

un contrat, est placé dans une situation de droit identique à celle d'un tiers avec lequel le voiturier n'aurait eu aucun rapport juridique avant l'accident; cette confusion entre l'obligation ex contractu et l'obligation ex facto a pour effet d'assurer aux personnes physiques moins de protection qu'aux marchandises.

« Il n'y a pas lieu, dès lors, de s'étonner que la pratique se soit ingéniée à atténuer la rigueur du principe de droit posé par la jurisprudence de la Cour de cassation, à en restreindre en fait la portée. Des arrêts imposent au voiturier, surtout aux Comp. de chemins de fer, des obligations qui excèdent la responsabilité de droit commun. V. not., Riom, 27 janv. 1896 (S. et P. 1900.2.60). D'autres décident que le déraillement implique a priori la faute de la Comp. V. Rouen, 3 déc. 1898, précité. D'autres, enfin, appliquant la disposition de l'art. 1384, aux termes de laquelle on est responsable du dommage causé par le fait des choses que l'on a sous sa garde, déclarent les Comp. de chemins de fer responsables de plein droit, comme ayant la garde de leurs wagons, de leur matériel, etc. V. Besançon, 15 déc. 1909 (S. et P. 1910.2.174; Pand. pér., 1910.2.174). Des auteurs proposent la théorie du risque professionnel, donnant ainsi une extension excessive à une théorie jusqu'à présent réservée à la réglementation des rapports entre patrons et ouvriers. Il est temps de mettre un terme aux justes critiques de la doctrine, de faire cesser les divergences, les discussions, les subtilités. Dans une matière aussi importante que celle des transports, le droit ne peut demeurer incertain, la pratique hésitante et embarrassée. Le droit, science d'application, exige des règles sûres et générales, des théories concordantes. En décidant qu'au point de vue de la preuve de la responsabilité du voiturier, les règles sont les mêmes, qu'il s'agisse du transport des personnes ou du transport des choses, la Cour de cassation formulera un système simple, harmonieux, auquel, sans doute, jurisconsultes et praticiens donneront sans réserve leur adhésion ».

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ARRET (apr. délib, en ch. du cons.). LA COUR: Sur l'unique moyen du pourvoi Attendu que, des qualités de l'arrêt attaqué et de l'arrêt lui-même, il ressort que Mestelan fils a pris, à la gare de Bayonne, un billet à destination de Mende; que, blessé dans un tamponnement survenu le 29 sept. 1908 dans l'arrondissement de Saint-Pons (Hérault), il a dú renoncer à son voyage et revenir à Bayonne; que Mestelan père, se prévalant de l'inexécution du contrat de transport vis-à-vis de son fils mineur, a, par application de l'art. 1147, C. civ., et de l'art. 420, C. proc., assigné en dommages-intérêts la Comp. des chemins de fer du Midi devant le tribunal de commerce de Bayonne, comme étant celui où le contrat a été formé et le prix du billet payé; que la Comp. a décliné la compétence de ce tri

1905.1.66), et la note; 12 juin 1907 et 29 déc. 1908 (S. et P. 1910.1.208; Pand. pér., 1910.1.208). Ainsi, la loi de 1898 ne peut être invoquée à l'encontre du propriétaire qui fait procéder, par des ouvriers de son choix et sous sa direction, à des travaux dans un immeuble lui appartenant. V. Cass. 12 juin 1907, précité, et les renvois. Mais, lorsque le propriétaire ne se borne pas à faire exécuter dans son immeuble, par des ouvriers de son choix, des

bunal; qu'elle a soutenu que, sa responsabilité étant purement délictuelle ou quasi délictuelle, et dérivant des art. 1382 et s.. C. civ., le litige devait être porté, en vertn de l'art. 59, C. proc., devant le tribunal civil de son siège social, ou devant celui de la gare succursale dans le rayon de laquelle l'accident s'était produit; - Attendu qu'à bon droit, l'arrêt attaqué a repoussé cette exception; qu'en effet, la délivrance d'un billet à un voyageur comporte par elle-même, et sans qu'il soit besoin d'une stipulation expresse à cet égard, l'obligation, pour la Comp. de chemins de fer, de conduire ce voyageur sain et sauf à destination; que, dans le cas contraire, il y a manqueinent de la Comp. à ses engagements et inexécution de la convention; qu'en reconnaissant, dès lors, à Mestelan père le droit d'agir en dommages-intérêts contre la Comp., en vertu de l'art. 1147, C. civ., et en se déclarant compétente pour connaitre de cette action, la Cour d'appel de Pau a fait une exacte application des principes de droit en matière de responsabilité et de compétence, et n'a violé aucun des textes de loi invoqués par le pourvoi; - Rejette, etc.

Du 27 janv. 1913. Ch. civ. - MM. Baudouin, fer prés.; Ruben de Couder, rapp.: Sarrut, proc. gén. (concl. conf.); Cail et Mihura, av.

CASS.-Civ. 6 janvier 1913.

OUVRIER, ACCIDENTS DU TRAVAIL, RESPONSABILITÉ, LOI DE 9 AVRIL 1898, PROPRIETAIRE, IMMEUBLE, DIRECTION DE TRAVAUX, TRAVAUX POUR LE COMPTE PERSONNEL DU PROPRIÉTAIRE, TRAVAUX A LA CHARGE DES LOCATAIRES, ENTREPRISE, OUVRIER EMPLOYÉ INDISTINCTEMENT DANS DEUX SORTES DE TRAVAUX (Rép.. v° Responsabilité civile, n. 1898 et s.; Pand. Rép., v° Travail, n. 2377 et s.).

Si le propriétaire n'est pas assujetti à la loi sur les accidents du travail, lorsque, par exception, il fait exécuter, par des ou vriers de son choix et sous sa direction, les travaux que nécessitent l'entretien et la conservation de ses immeubles, et qui lui incombent, il en est autrement, lorsqu'il se fait l'entrepreneur habituel de travaux à la charge de ses locataires, en exerçant ainsi une industrie accessoire, prévue par la loi du 9 avril 1898, qui vise les accidents survenus dans l'industrie du bâtiment (1) (L. 9 avril 1898, art. 1or).

Et les ouvriers que le propriétaire emploie indistinctement dans l'une et l'autre de ces catégories de travaux peuvent, dans l'impossibilité où ils sont de savoir dans

travaux pour son compte, lorsqu'il emploie habituellement des ouvriers à faire des travaux qui incombent à ses locataires, il devient ainsi, faisant travailler pour le compte d'autrui, un entrepreneur de travaux du bâtiment; il exerce donc une industrie classée par l'art. 1o de la loi du 9 avril 1898 au nombre de celles qui sont assujetties à ses prescriptions, et il est responsable, dans les termes de la loi de 1898, des accidents survenus au cours de ces travaux,

quelle catégorie rentrent ceux qui leur sont commandés, réclamer le bénéfice de la loi précitée, toutes les fois qu'ils sont victimes d'un accident dans les travaux auxquels les emploie le propriétaire (1) (Id.).

(Bono C. Comp. d'assur, terr. la Zurich). ARRÊT.

LA COUR; Vu l'art. 1er de la loi du 9 avril 1898; Attendu que, si le propriétaire n'est pas assujetti à la loi sur les accidents du travail, lorsque, par exception, il fait exécuter, par des ouvriers de son choix et sous sa direction, des travaux que nécessitent l'entretien et la conservation de ses immeubles, et qui lui incombent, il en est autrement, lorsqu'il se fait l'entrepreneur habituel de travaux à la charge de ses locataires; qu'il exerce alors une industrie accessoire, spécialement prévue par l'art. 1er de la loi du 9 avril 1898, qui vise les accidents survenus dans l'industrie du bâtiment; - Attendu, d'autre part, que les ouvriers, que le propriétaire emploie indistinctement dans l'une et l'autre de ces catégories de travaux, dans l'impossibilité où ils sont de savoir dans quelle catégorie rentrent ceux qui leur sont commandés, peuvent réclamer le bénéfice de la loi du 9 avril 1898, toutes les fois qu'ils y sont victimes d'un accident;

Attendu que Bono, ouvrier peintre de la Société immobilière de la rue de Clichy, se prétendant victime d'un accident du travail, survenu le 3 sept. 1907, qui l'aurait laissé atteint d'incapacité permanente, a demandé à la Comp. la Zurich, assureur

(1) Solution rentrant dans la jurisprudence, d'après laquelle l'ouvrier employé alternativement dans deux professions exercées par le même chef d'entreprise, dont l'une est assujettie à la loi du 9 avril 1898, tandis que l'autre ne l'est pas, ne peut, en cas d'accident, se voir opposer la distinction entre ces deux professions qu'autant qu'elle ressort du travail même auquel il était employé. V. Cass. 12 juill. 1905 (S. et P. 1908. 1.469; Pand. pér., 1908.1.469), et la note.

(2 à 5) La procédure en chambre du conseil, organisée par l'art. 9 de la loi du 9 avril 1898, pour permettre à l'ouvrier victime d'un accident d'obtenir, à l'expiration du délai de revision, la conversion en capital du quart de la rente qui lui avait été allouée, a un caractère contentieux. Cela avait été contesté (V. Paris, 26 nov. 1904, S. et P. 1906.2.97); mais la Cour de cassation; conformément à l'opinion dominante dans la doctrine (V. les notes sous Paris, 26 nov. 1904, précité, et sous Cass. 5 août 1907, S. et P. 1911.1.169; Pand. pér.. 1911.1.169; adde, Aubry et Rau, 5 éd., t. 5, p. 524, § 372 ter, texte et notes 137 et 138; Baudry-Lacantinerie et Wahl, Du louage, 3° éd., t. 2. 2o part., n. 3365), avait déjà reconnu le caractère contentieux de cette procédure, pour en déduire la recevabilité de l'appel de l'ouvrier contre la décision qui refuse la conversion (V. Cass. 5 août 1907, précité); par l'arrêt ci-dessus, elle l'affirme à nouveau, pour en tirer une conséquence des plus importantes, au point de vue des effets de la décision de la chambre du conseil qui accorde à l'ouvrier la conversion par lui réclamée.

La Cour de Paris, dans l'arrêt précité du 26 nov. 1904, avait conclu, du caractère qu'elle attribuait à la procédure en chambre du conseil

de la société et la substituant, l'allocation de la rente déterminée par la loi; que le tribunal de première instance de la Seine la lui a refusée, par ce motif que la société, propriétaire, n'était pas assujettie à la loi du 9 avril 1898; que, sur son appel. Bono a, par conclusions prises devant la Cour, offert subsidiairement de prouver que la société assumait la direction et la surveillance de travaux, traités de gré à gré avec les locataires pour les réparations qui leur incombaient »; Attendu que l'arrêt attaqué, tout en confirmant la décision des premiers juges, a rejeté l'offre en preuve ci-dessus transcrite, par ce motif que le fait articulé ne serait ni pertinent ni probant; Attendu qu'en Statuant ainsi, dit arrét a méconnu les conséquences juridiques qu'entrainerait la preuve du fait articulé, et qu'il a, par suite, violé l'article susvisé; · Casse l'arrêt rendu le 9 nov. 1909 par la Cour de Paris, etc.

Du 6 janv. 1913. Ch. civ. MM. Baudouin, le prés.; Reynaud, rapp.; Mérillon, av. gén. concl. conf.; Retouret et Brugnon, av.

CASS.-CIV. 18 décembre 1912. OUVRIER, ACCIDENTS DU TRAVAIL, RESPONsabilité civile, LOIS DES 9 Avril 1898 et 31 MARS 1905, RENTE VIAGÈRE, CONVERSION EN CAPITAL, PROCÉDURE, CHAMBRE DU CONSEIL, JURIDICTION CONTENTIEUSE, ASSUREUR, MISE EN CAUSE, DÉLAI, FIN DE NON-RECEVOIR (Rép., v Responsabilité ci

à fin de conversion, que l'ouvrier ne pouvait assigner le patron, ou la Caisse nationale des retraites pour la vieillesse, substituée aux obligations du patron, devant la chambre du conseil. Dans la note sous cet arrêt, nous avions montré combien pareille solution était contraire aux principes, en ce qu'elle excluait de l'instance en conversion celuilà même, patron, assureur, ou Caisse nationale des retraites pour la vieillesse, qui, tenu du paiement de la rente viagère, devra exécuter la décision intervenue, en versant à l'ouvrier le capital représentatif du quart de la rente viagere.

Il y avait là une solution inacceptable, que la Cour de cassation a condamnée par l'arrêt ci-dessus. De son arrêt, il paraît bien résulter que l'ouvrier peut valablement introduire l'instance devant la chambre du conseil par voie de requête. V. en ce sens, la note sous Cass., 5 août 1907, précité, et les renvois. Mais, et c'est là ce qui est essentiel, il faudra que l'ouvrier, s'il a pris cette voie, mette en cause devant la chambre du conseil, celui, patron, assureur ou Caisse nationale des retraites pour la vieillesse, qui, tenu du paiement de la rente viagère, est son contradicteur légitime, puisque c'est vis-à-vis de lui que devra s'exécuter la décision autorisant la conversion. De même, en effet, que l'assureur ne peut être substitué au chef d'entreprise, dans les termes de l'art. 16 de la loi du 9 avril 1898, modifié par la loi du 31 mars 1905, qu'autant qu'il a été mis en cause (V. Cass. 27 mai 1910, sol. implic., et 3 avril 1912, S. et P. 1912.1.388; Pand. pér., 1912.1.388, avec les renvois), de même on ne concevrait pas que la conversion, prononcée en chambre du conseil, pût avoir effet au regard de l'assureur, qui avait été substitué au chef d'en

vile, n. 2212 et s.; Pand. Rép., vo Travail. n. 3025 et s., 3036 et s.).

Si les demandes de conversion en capital du quart de la rente allouée aux victimes d'accidents du travail ressortissent à la juridiction de la chambre du conseil, cette attribution de compétence ne modifie pas le caractère contentieux des décisions rendues sur ces demandes, qui ont pour objet de substituer une condamnation nouvelle à une condamnation précédemment prononcée (2) (L. 9 avril 1898, art. 9).

La partie condamnée à servir la rente doit donc être mise en cause et appelée à présenter ses observations (3) (ld.).

Il en est ainsi specialement de l'assureur, substitué au chef d'entreprise pour le paiement de la rente (4) (LL. 9 avril 1898, art. 9, 16; 31 mars 1905).

Et, le délai d'un mois à compter de l'expiration du délai de revision, dans lequel doit être formée la demande en conversion, étant prescrit dans l'intérêt exclusif de la partie condamnée à servir la rente, il s'ensuit que l'assureur est fondé à exciper de ce que le demandeur en conversion ne l'a pas mis en cause devant la chambre du conseil dans ce délai, ou ne l'a pas. dans le même délai, assigné en exécution de la décision qu'il avait obtenue du tribunal en dehors de lui (5) (LL. 9 avril 1898, art. 9, 19; 31 mars 1905).

(Fourt C. Comp. d'assur. terr. la Thémis). ARRÊT.

LA COUR; Sur le moyen unique du pourvoi : Attendu que l'arrêt attaqué constate que Fourt, ouvrier de Gilbert-Va

treprise pour le paiement de la rente, s'il n'a pas été mis en cause dans l'instance en conversion.

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Il ne suffit même pas que l'ouvrier mette en cause, à une époque quelconque, une fois la demande en conversion formée, celui qui est chargé de servir la rente, patron, assureur ou Caisse na tionale des retraites pour la vieillesse. Sa demande en conversion doit, aux termes de l'art. 19 de la loi du 9 avril 1898, modifié par la loi du 31 mars 1905, être formée dans le mois qui suit l'expiration du délai imparti pour l'action en revision. C'est là un délai préfix (V. Sachet, Tr. de la législ. des acc. du trar., 5o éd., t. 1o, n. 500; Baudry-Lacantinerie et Wahl, op cit., t. 2, 1re part., n. 2596), et qui a été introduit dans l'intérêt de la partie condamnée au service de la rente, pour éviter, suivant les expressions dont s'est servi M. Chovet dans son rapport au Sénat, les graves inconvénients qu'il y aurait, <<< notamment au point de vae du jeu des tarifs, à laisser la victime indéfiniment maîtresse de faire valoir la faculté que lui réserve l'art. 9 » (S. et P. Lois annotées de 1905, p. 970, note 61). Adde, Sachet, op. cit., t. 1, n. 499 et s. De ce caractère du délai et de l'objet qu'il a eu en vue, il suit, comme le décide très justement la Cour de cassation, que l'ouvrier n'évite pas la forclusion en présentant sa demande en conversion dans le délai qui lui est imparti, si, dans le même délai, il n'a pas mis en cause ou assigné la partie condamnée au service de la rente. Faute de ce faire, la décision qu'il aurait pu obtenir de la chambre du conseil demeurerait sans effet, puisqu'il serait forclos, par l'expiration du délai, du droit de former ne instance à l'effet de la rendre opposable à la partie qui lui sert la rente.

renne, victime d'un accident du travail, a obtenu, par jugement du 10 avril 1905, l'allocation d'une rente viagère de 187 fr. 50, portée, sur revision, par jugement du 29 oct. 1908, devenu définitif, à la somme de 210 fr., et mise à la charge de la Comp. d'assurances la Thémis, substituée à GilbertVarenne, son assuré; que, le 5 déc. 1908, Fourt a présenté requête à la chambre du conseil du tribunal de première instance de Montluçon, à l'effet d'obtenir que le quart de cette rente fût converti en un capital; qu'il fut fait droit à sa demande par jugement du 10 de même mois, sans que la Thémis ait été mise en cause; que, sur le refus de la Comp. d'assurances de consentir amiablement à la conversion, Fourt a cité la Thémis, le 30 avril 1909, devant le tribunal, pour obtenir condannation contre elle; qu'à la date de cette assignation, plus d'un mois s'était écoulé depuis l'expiration du délai fixé par le dernier paragraphe de l'art. 19 de la loi du 9 avril 1898, modifié par la loi du 31 mars 1905;

Attendu qu'en cet état des faits, l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable l'action de Fourt contre la Comp. d'assurances la Thémis; qu'en statuant ainsi, il n'a violé aucun des articles visés au pourvoi; Attendu, en effet, d'une part, que le caractère contentieux de la décision rendue par la chambre du conseil sur une demande en conversion du quart de la rente allouée à la victime d'un accident du travail ne saurait être contesté, alors qu'il s'agit de substituer une condamnation nouvelle à une condamnation précédemment prononcée; que l'attribution des demandes en conversion à la juridiction de la chambre du conseil, qu'expliquent des considérations. de convenance et d'économie, n'en modifie pas le caractère; que la partie condamnée à servir la rente doit donc être mise en cause et appelée à présenter ses observations; Attendu, d'autre part, que c'est dans l'intérêt exclusif de la partie condamnée à servir la rente que la loi du 31 mars 1905 a exigé que la demande en conversion fùt introduite au plus tard dans le mois qui suit l'expiration du délai imparti pour l'exercice de l'action en revision; qu'il suit de là que Fourt, deman

(1-2) La question de savoir si les avocats et avoués peuvent et doivent même, lorsqu'ils se présentent en justice de paix ou devant un tribunal de commerce pour défendre ou représenter un client, être revêtus du costume que l'art. 105 du décret du 30 mars 1808 leur prescrit de porter dans toutes leurs fonctions, soit à l'audience, soit au parquet, soit aux comparutions et aux séances particulières devant les commissaires »>, et qui est réglementé par l'arrêté des consuls du 2 niv. an 11 (art. 6), s'est déjà posée à différentes reprises. Il nous a paru que le port du costume était, en justice de paix et devant les tribunaux de commerce, un droit pour les avocats et les avoués, alors surtout qu'ils représentent les parties sans procuration, comme les y autorise l'art. 26 de la loi du 12 juill. 1905, pour les justices de paix, dont l'art. 97 de la loi de finances du 13 juill. 1911 (S. et P. Lois annotées de 1912, p. 202; Pand. pér., Lois annotées de 1912, p. 202) a reproduit la disposition en ce qui concerne les tribunaux de commerce. V. les notes de M. Tissier sous Nimes, 2 avril

deur en conversion, devait mettre en cause la Comp. la Thémis devant la chambre du conseil du tribunal de première instance de Montlucon, dans le délai fixé par la loi, et que, faute de l'avoir fait, il devait, tout au moins, dans le même délai, l'assigner en exécution de la décision qu'il avait obtenue en dehors d'elle; que, ce délai expiré, Fourt était irrecevable dans son action contre la Thémis, ainsi que l'a décidé l'arrêt attaqué : Rejette le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 18 févr. 1910 par la Cour de Riom, etc.

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Du 18 déc. 1912. Ch. civ. MM. Baudouin, 1er prés.; Reynaud, rapp.: Lombard, av. gén. (concl. conf.); Coutard et de Lapanouse, av.

CASS-REQ. 5 novembre 1912. TRIBUNAL DE COMMERCE, REPRÉSENTATION DES PARTIES, AVOUE, COSTUME, INTERDICTION, EXCEÈS DE POUVOIR (Rép., v Tribunal de commerce, n. 61 et s.. 287; Pand. Rép., v Tribunaux de commerce, n. 206, 404, 626 et s.).

Si, d'après les art. 414, C. proc., et 627, C. comm., la procédure devant les tribunaux de commerce se fait sans le ministère d'avoué, l'avoue qui se présente devant un tribunal de commerce de son ressort pour une des parties en cause n'en a pas moins la qualité d'avoué, puisque c'est à raison de cette qualité que l'art. 97 de la loi du 13 juill. 1911 le dispense de produire la procuration de son client; et, par suite, en se présentant en robe, il ne fait que se conformer aux art. 6 de l'arrêté du 2 niv. an 11 et 105 du décret du 30 mars 1808, d'après lesquels les avoués doivent porter, dans toutes leurs fonctions et aux audiences de tous les tribunaux, le costume prescrit (1) (C. proc., 414: C. comm., 627; Arr., 2 niv. an 11, art. 6; Décr., 30 mars 1808, art. 105; L. 13 juill. 1911, art. 97).

En conséquence, commet un excès de pouvoir le tribunal de commerce, qui, sur le motif que la question de savoir si les avoués plaideront devant lui en robe est une question d'ordre, d'administration et de discipline intérieure, décide qu'un avoué, qui se

1906 (S. et P. 1907.2.1), et sous Trib. de simple police de Paris, 17 oct. 1905 et Trib. de paix des Sables-d'Olonne, 21 nov. 1908 (S. et P. 1910.2.89; Pand. pér., 1910.2.89). Il nous a même paru que les juges de paix et il en faut dire autant des tribunaux de commerce- étaient en droit d'exiger que l'avocat ou l'avoué qui se présente devant eux fût revêtu du costume professionnel, surtout lorsqu'il use de la dispense de procuration pour représenter un client sans un pouvoir. V. en ce sens, Trib. de paix de Mussidan, 14 avril 1910 (S. et P. 1911.2.94; Pand. pér., 1911.2.94); et la note de M. Tissier (n. V), sous Trib. de simple police de Paris, 17 oct. 1905 et Trib. de paix des Sables-d'Olonne, 21 nov. 1908, précités. V. aussi ce dernier jugement. Si le port du costume devant les juges de paix et les tribunaux de commerce est un droit pour les avocats et les avoués, spécialement lorsque, se présentant sans procuration, en vertu des art. 26 de la loi du 12 juill. 1905 et 97 de celle du 13 juill. 1911, ils n'ont pas la qualité de mandataires des parties,

présente pour représenter un client, ne sera admis à le défendre qu'en tenue civile, et sans être revêtu de ses insignes (2) (Id.).

Intérêt de la loi. Aff. Chambon).

Le procureur général près la Cour de cassation s'est pourvu, d'ordre du garde des sceaux, en vertu de l'art. 80 de la loi du 27 vent. an 8, en annulation d'un jugement du tribunal de commerce de Clermont-Ferrand du 8 mars 1912, qui avait refusé à Me Chambon, avoué à ClermontFerrand, de représenter une partie autrement qu'en tenue civile.

La lettre du garde des sceaux précédant le réquisitoire introductif était ainsi

conçue:

Le 8 mars 1912, Me Chambon, avoué près le tribunal civil de Clermont-Ferrand, se présentait en robe devant le tribunal de commerce de cette ville pour y soutenir les intérêts de M. Michel. Le président lui contesta le droit de paraître dans ce costume à la barre, et, sur la persistance de l'avoué, le tribunal rendit un jugement, lui interdisant de défendre dans cette instance autrement qu'en tenue civile, et le condamnant aux dépens de l'incident. Me Chambon m'a demandé de déférer cette décision à la censure de la Cour de cassation pour excès de pouvoir.

Les auteurs s'accordent généralement à reconnaître qu'il y a excès de pouvoir toutes les fois que le juge, en sortant de ses attributions et en empiétant sur le rôle d'une autre autorité, a porté atteinte, non seulement à un intérêt privé, mais à un intérêt d'ordre général (Faye, La C. de cass., n. 456; Garsonnet, Tr. de proc., 2e éd., par Cézar-Bru, t. 6, § 2350; et le réquisitoire de M. le procureur général Dupin sous Cass. 1er juin 1847, S. 1847.1.541. P. 1847.1.721). Or, dans l'espèce, il semble que le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand soit, non seulement sorti de ses attributions, mais qu'il ait empiété sur les pouvoirs réglementaires qui n'appartiennent qu'à l'autorité administrative, et qu'il ait en outre porté atteinte à l'intérêt général. En effet, le port de la robe est imposé aux avoués, pour toutes leurs fonctions et devant tous les tribunaux, par des textes réglementaires (Arr., 2 niv. an 11, art. 6; Décr., 30 mars 1808, art. 105), dont les dispositions ne pourraient être modifiées, le cas échéant, que par le pouvoir exécutif.

mais usent d'une prérogative de leurs fonctions, il n'est pas exact de dire, comme l'avait fait l'arrêt de Nîmes, 2 avril 1906, précité, - auquel le jugement du tribunal de commerce de Clermont-Ferrand, déféré à la Cour de cassation dans la présente affaire, a emprunté ce motif, que la question de savoir si les avocats et avoués seront admis ou non à plaider en robe est une question d'ordre, d'administration et de discipline intérieure, dont les tribunaux de commerce et les juges de paix seront seuls juges. Ce qui est en cause, c'est l'application des textes qui réglementent l'exercice de la profession d'avocat ou d'avoué. Il ne peut appartenir à un tribunal de commerce ou à un juge de paix de mettre obstacle à l'exercice d'une prérogative que les avocats et les avoués tiennent de ces textes; il y a donc, de la part d'un tribunal de commerce ou du juge de paix, un excès de pouvoir, dans le fait d'interdire à l'avocat ou à l'avoué de porter à son audience un costume que les textes réglementaires prescrivent aux avocats et aux avoués de porter dans l'exercice de leurs fonctions.

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Or, l'art. 97 de la loi de finances du 13 juill. 1911, en dispensant les avoués qui postulent devant les tribunaux de commerce de la procuration à laquelle sont assujettis les mandataires ordinaires, reconnaît par là même que c'est bien en raison de leur qualité d'avoués qu'ils y sont reçus, qualité qui est inséparable du port de la robe, en vertu des décrets et arrêtés susvisés.

En outre, la décision du tribunal de commerce de Clermont-Ferrand, portant, dans ses motifs, que la question de savoir si les avoués plaideront en robe devant le tribunal de commerce de leur ressort est une question d'ordre, d'administration et de discipline intérieure, constitue une atteinte à l'intérêt général, en ce qu'elle lèse, par son caractère réglementaire, la corporation des avoués tout entière.

« L'excès de pouvoir prévu par l'art. 80 de la loi du 27 vent. an 8 paraît donc caractérisé

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ARRET.

LA COUR; Vu la décision du tribunal de commerce de Clermont-Ferrand du 8 mars 1912, interdisant à Me Chambon, avoué à Clermont-Ferrand, de se présenter devant le tribunal revêtu de ses insignes; Attendu que si, d'après les art. 414, C. proc., et 627, C. comm., la procédure devant les tribunaux de commerce se fait sans le ministère d'avoué, l'avoué qui se présente devant un tribunal de commerce de son ressort pour une des parties en cause n'en a pas moins la qualité d'avoué, puisque c'est à raison de cette qualité que l'art. 97 de la loi de finances du 18 juill. 1911 le dispense de produire la procuration de son client; Attendu qu'aux termes des art. 6 de l'arrêté du 2 niv. an 11 et 105 du décret du 30 mars 1808, les avoués doivent porter, dans toutes leurs fonctions et aux audiences de tous les tribunaux, le costume prescrit par ledit art. 6;-Attendu, cependant, que, le 8 mars 1912, Me Chambon, avoué près le tribunal civil de Clermont-Ferrand, revêtu de ses insignes », ayant demandé à présenter devant le tribunal de commerce de cette ville la défense du sieur Michel, son client, le tribunal, après avoir déclaré, dans les motifs de sa décision, « que c'est donc une question d'ordre, d'administration et de discipline que celle de savoir si les avoués plaideront en robe devant lui, dit que Me Chambon ne pourra défendre, dans l'instance demoiselle Michel C. Michel, qu'en tenue civile; et non revêtu de ses insignes d'avoué; condamne Me Chambon aux dépens de l'incident »;

Attendu qu'en se prononçant ainsi, le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand a commis un excès de pouvoir; Annule comme entachée d'excès de pouvoir la décision ci-dessus relatée du tribunal de commerce de Clermont-Ferrand, etc.

(1-2) Il a été jugé dans le même sens, au cas d'une vente d'immeubles à tant la mesure, avec déclaration de contenance, qu'il peut être convenu que le prix sera définitivement fixé par la contenance déclarée, et que la différence en plus ou en moins qui serait ultérieurement reconnue ne pourra donner lieu à aucune réclamation de la part du vendeur ou de l'acheteur, une pareille clause,

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CASS.-CIV. 19 mars 1913.

1o et 30 VENTE (EN GÉNÉRAL), COUPE DE BOIS, VENTE A LA MESURE, VENTE EN BLOC, ADJUDICATION, CAHIER DES CHARGES, DÉFICIT DE CONTENANCE, GARANTIE (CLAUSE DE NON-), DEMANDE EN DIMINUTION DE PRIX, EQUITÉ (Rep., vo Vente, n. 1127 et s.; Fand. Rép., eod, verb., n. 1474 et s., 1517 et s.). 20 OBLIGATION (EN GÉNÉRAL), LOI DES PARTIES, EXÉCUTION (Rép., vo Obligations, n. 516 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 4974 et s.).

1o Est valable l'insertion, dans le cahier des charges fixant les conditions de la vente aux enchères publiques de coupes de bois, à tant la mesure, avec déclaration de contenance, de la clause suivante : « Il est expressément stipulé qu'il n'y aura aucun recours à exercer contre le vendeur, ni contre les adjudicataires, pour le surplus ou le moins de mesure qui pourrait exister entre la contenance réelle de chaque coupe et celle indiquée; la différence, quelle qu'elle soit, fera le profit ou la perte des adjudicataires; le taillis sera vendu tant plein que vide, c'est-à-dire que les adjudicataires ne pourront prétendre à aucune indemnité, ni diminution de prix, pour les places vides et pour l'emplacement des chemins, lignes, plants d'arbres verts et fossés (1) (C. civ., 1617, 1627).

2o Une pareille clause, en effet, alors du moins qu'elle est exempte de dol ou de fraude, n'a par elle-même rien de contraire à l'ordre public et aux bonnes mœurs, et, comme elle n'a pour objet que de régler des intérêts purement privés, laissés à la libre disposition des contractants, elle est obligatoire pour ceux qui l'ont volontairement souscrite (2) (C. civ., 1133, 1134).

30 Par suite, les juges du fond ne sauraient, tout en reconnaissant que cette clause est nette, formelle et sans ambiguïté », et qu'elle « a été acceptée sans reserves par les adjudicataires », ordonner, néanmoins, une expertise à l'effet d'opérer les arpentages et mesurages nécessaires pour fixer exactement la contenance des bois et l'importance des manquants, en se fondant, soit sur des raisons d'équité et sur cette considération que le vendeur n'a pas entendu spéculer sur une erreur qui est plutot de son fait et de celui de ses préposés que du fait des adjudicataires, soit sur la difficulté, pour ces derniers, eu égard à la configuration des bois, de se rendre compte de leur véritable contenance (3) (C. civ., H133, 134, 1617, 1627).

alors du moins, qu'elle est exempte de dol ou de fraude, n'ayant rien de contraire à l'ordre public et aux bonnes mœurs. V. Cass., 7 nov. 1853 (S. 1853.1.680. - P. 1855.2.14), et la note.

(3) V. conf., sur le principe qu'aucune considération d'équité ne peut autoriser le juge à modifier des conventions librement et légalement formées entre les parties, et qui leur tiennent lieu

(Marquise d'Aligre C. Bachelet et Beaumert).

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19 déc. 1910, jugement du tribunal de commerce de Chartres, ainsi concu : Le Tribunal; Attendu qu'à la date du 24 sept. 1908, lors de la vente annuelle des coupes de bois appartenant à la marquise d'Aligre, Bachelet et Beaumert furent déclarés adjudicataires du lot portant le n. 16 des enchères, consistant en une coupe de bois taillis de l'age de 16 ans, à prendre dans le bois du Coudray, et contenant 12 hectares 16 ares, et comprenant, en outre, 167 arbres anciens et modernes ; que cette coupe leur fut adjugée à raison de 460 fr. l'hectare, soit pour un prix total de 5.593 fr. 60; que les acquéreurs signérent, le même jour, trois billets à ordre d'un montant total égal à la susdite somme, à échéances échelonnées; que les deux premiers billets furent payés sans difficulté et sans observation; que Bachelet et Beaumert se refusèrent à payer le troisième et dernier billet, et donnèrent comme motifs de leur refus la différence considérable qu'un arpentage fait par leurs soins avait dévoilée entre la contenance réelle de la coupe à eux vendue et la contenance énoncée lors de la mise en vente; qu'ils adressèrent à la marquise d'Aligre un mandat-poste de 550 fr., et qu'ils offrent pour solde une somme de 460 fr. 40; ...Sur la recevabilité de la demande en diminution de prix : tendu que la marquise d'Aligre repousse absolument les prétentions de Bachelet et Beaumert, et qu'elle exige le paiement du dernier billet souscrit à son profit par ces derniers, soit 1.865 fr. 60, dont il y a lieu de déduire le montant du mandat-poste que Bachelet et Beaumert lui ont adressé, soit 550 fr.; que le montant total de sa réclamation s'élève donc à 1.315 fr. 60; qu'elle soutient que les conventions intervenues entre elle et Bachelet et Beaumert étaient nettes et formelles; que le cahier des charges stipulait expressément qu'il n'y avait aucun recours à exercer contre la marquise d'Aligre, ni contre les adjudicataires, pour le plus ou moins de mesures qui pourrait exister entre la contenance réelle de chaque coupe et celle indiquée, la différence, quelle qu'elle soit, devant faire le profit ou la perte des adjudicataires; que le taillis serait vendu tant plein que vide, sans réarpentage et sans garantie de mesure, c'est-à-dire que les adjudicataires ne pouvaient prétendre à aucune indemnité ni diminution de prix pour les places vides et l'emplace ment des chemins, lignes, plants d'arbres verts et fossés;... - Attendu que la marquise d'Aligre soutient que Bachelet et Beaumert se sont fermé tout recours pour

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de loi, Cass., 6 mars 1876 (S. 1876.1.161. 1879.379), et la note; 8 août 1900 (S. et P. 1903. 1.46; Pand. pér., 1902.1.13). Adde, Aubry et Rau, 5 éd., t. 4, p. 560, note 1 ter, 346; Baudry-Lacantinerie et Barde, Oblig., 3e éd.. t. 1o, n. 333; et notre C. civ. annoté, par Fuzier-Herman et Darras, sur l'art. 1134, n. 114 et s., 120.

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