Images de page
PDF
ePub

CASS.-REQ. 22 janvier 1912.

SOCIÉTÉ ANONYME, MODIFICATION DES STATUTS, BASES ESSENTIELLES, RÉPARTITION DES BÉNÉFICES, ACTIONS, PARTS DE FONDATEUR, FONDS DE PRÉVOYANCE, PRÉLÈVEMENT, CONSENTEMENT UNANIME DES ACTIONNAIRES, LOI DU 16 Nov. 1903 (Rép., v° Sociétés commerciales, n. 5329 et s.; Pand. Rép., v° Sociétés, n. 10914 et s., 13349 et s.).

(1-2) L'arrêt ci-dessus recueilli est important. D'une part, il précise à deux points de vue la jurisprudence de la Cour de cassation, relative à la question de savoir si, dans une société anonyme, l'assemblée générale, comprenant la moitié des actionnaires (L. 24 juill. 1867, art. 31), peut modifier la répartition des bénéfices, telle qu'elle a été fixée par les statuts. D'autre part, il détermine, dans une certaine mesure tout au moins, l'influence que peut exercer la loi du 16 nov. 1903, qui permet à l'assemblée générale de créer des actions de priorité, sur les pouvoirs de l'assemblée générale relativement à la modification des autres clauses des statuts.

[ocr errors]

I. Parmi les bases essentielles », que l'unani. mité des actionnaires peut seule modifier (V. Cass. 13 déc. 1910, S. et P. 1912.1.254; Pand. pér., 1912.1.254, et les renvois), figurent les clauses des statuts qui concernent l'attribution des bénéfices. L'assemblée extraordinaire ne peut rien faire qui diminue les bénéfices réservés aux actionnaires; les actionnaires ayant pour but principal de faire fructifier les capitaux qu'ils ont placés dans la société, l'attribution des bénéfices rentre dans les bases essentielles, et aucun actionnaire ne peut être astreint à subir, sans son consentement, une diminution de ses droits. V. Paris, 30 nov. 1899 (S. et P. 1903.2.313); Paris, 16 févr. 1911 (S. et P. 1911.2.193; Pand. pér., 1911.2.193), et la note de M. Wahl.

Dans les rapports des actionnaires entre eux, ce principe a été fortement atténué par la jurisprudence, et s'est partiellement transformé en une application d'un autre principe, celui de l'égalité entre les actionnaires, lequel fait aussi partie des bases essentielles. V. Cass. 23 oct. 1905 (S. et P. 1906.1.5, et la note de M. Lyon-Caen; Pand. pér., 1906.1.20); 2 févr. 1910 (S. et P. 1911.1.145; Pand. pér., 1911.1.145), et la note. C'est ainsi que l'assemblée extraordinaire a le droit, suivant la jurisprudence, de créer des réserves extraordinaires ou un fonds d'amortissement, dès lors que les prélèvements effectués dans ce but sont pris en bloc sur les bénéfices, de manière à diminuer, dans une mesure uniforme, les dividendes de tous les actionnaires V. Cass. 29 oct. 1902 (S. et P. 1905.1.89; Pand. pér., 1904.1.128); 6 janv. 1908 (S. et P. 1905.1.449; Pand. pér., 1905.1.307), et les notes de M. Wahl. La Cour de cassation se fonde simplement, pour autoriser ces créations de réserves, sur le motif qu'elles ne détruisent pas l'égalité entre les actionnaires. Au contraire, elle les interdit à l'assemblée générale, si les prélèvements doivent être inégaux entre les actionnaires. Ainsi, il paraît bien résulter de l'arrêt précité de Cass. 29 oct. 1902 que le droit de créer des réserves eût dû être refusé à l'assemblée générale, si, une partie seulement des actions étant amorties, ce prélèvement eût été de nature à détruire l'égalité au détriment des actions non amorties. V. la note de M. Wahl sous cet arrêt.

Nous ne pensons pas, d'ailleurs, que la Cour de
ANNÉE 1913. 1 cah.

[ocr errors]

La délibération, par laquelle l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires d'une société anonyme décide qu'un fonds de prévoyance, qui, d'après les statuts primitifs, devait être forme au moyen de prélèvements opérés sur les bénéfices avant toute répartition entre les actionnaires et les porteurs de parts bénéficiaires, sera alimenté désormais par des prélèvements effectues sur la part des bénéfices réservée aux actionnaires, constituani une modification

cassation soit disposée à reconnaître à l'assemblée générale le droit de créer des prélèvements définitifs, qui appauvriraient les actionnaires; les réserves constituent des prélèvements temporaires; elles doivent, directement ou indirectement, revenir un jour aux actionnaires, soit par voie de distribution entre eux, soit par l'emploi qui en sera fait dans l'intérêt commun. Une délibération, qui emploierait une partie de l'actif ou des bénéfices, de manière à faire subir une perte irrévocable aux actionnaires, respecterait l'égalité; néanmoins, elle porterait une atteinte évidente aux bases essentielles, puisqu'elle enlèverait définitivement aux actionnaires une partie des bénéfices sur lesquels ils avaient cru pouvoir compter.

C'est précisément dans cette catégorie que rentrent les délibérations qui diminuent les bénéfices des actionnaires au profit des autres catégories d'intéressés pouvant avoir droit, d'après les statuts, aux bénéfices administrateurs ou porteurs de parts de fondateur. On a pu décider que l'assemblée générale a le droit d'ordonner le prélèvement d'une part de bénéfices pour être répartie entre les employés de la société (V. Trib. comm. de la Seine, 8 févr. 1904, motifs, Journ. des soc., 1904, p. 433), parce que cette attribution a le caractère d'un salaire; encore cela ne va-t-il peutêtre pas sans difficulté (V. Wahl, Pouvoirs des ass. gén. d'actionn, au point de vue de la modif. des statuls, n. 83, Journ. des soc., 1900, p. 344). Mais, quand le prélèvement effectué sur les bénéfices a pour objet de transporter à des tiers une portion des sommes que les statuts destinaient aux actionnaires, la délibération est, pour ces derniers, une cause de perte, que la majorité ne saurait imposer à la minorité.

C'est ainsi que l'assemblée extraordinaire ne peut créer des parts de fondateurs, dont la rémunération sera prélevée sur les bénéfices. V. la note, n. IX, de M. Wahl sous Riom, 2 févr. 1901 (S. et P. 1903.2.57). Adde, Percerou, note au Dalloz (1904.1.481), sous Cass. 24 mars 1903; Bosvieux, Journ. des soc., 1906, p. 457.

De même, l'assemblée extraordinaire ne peut augmenter la rémunération des administrateurs, notamment en élargissant la quote-part de bénéfices qui leur est allouée, ou en leur attribuant une quote-part que les statuts leur refusaient. Cette question cependant a été fort débattue. Dans les considérants de l'un de ses arrêts, la Cour de cassation a déclaré que la rémunération des administrateurs ne fait pas partie des bases essentielles. V. Cass. 9 févr. 1903 (S. et P. 1904. 1.329; Pand. pér., 1903.1.480). Mais cet arrêt n'autorise pas l'assemblée générale, en principe, à augmenter la rémunération des administrateurs; il l'a permis simplement dans le cas où des services nouveaux sont demandés aux administrateurs, et dans une espèce où l'augmentation de rémunération correspondait à des fonctions qui jusqu'alors étaient attribuées à des ingénieurs spéciaux, désormais remplacés par les administra

des statuts qui préjudicie aux actionnaires pour profiter aux porteurs de parts beneficiaires, doit être considérée comme portant atteinte à l'un des éléments essentiels du contrat (1) (L. 24 juill. 1867, art. 31).

En conséquence, cette modification ne pourrait être introduite dans les statuts qu'avec l'assentiment unanime des actionnaires, conformément à l'art. 31 de la loi du 24 juill. 1867 (2) (Id.)

Il importe peu qu'une disposition des

teurs. Même ainsi limité, le droit reconnu à l'assemblée générale peut être contesté (V. la note sous Cass. 9 févr. 1903, précité); mais il reste vrai qu'en pareille hypothèse, les actionnaires ne sont pas dépouillés, et qu'au contraire, ils retrouvent sous une autre forme la part de bénéfices qui leur est enlevée.

Si la rémunération des administrateurs était augmentée sans profit correspondant pour les actionnaires, il ne nous paraîtrait pas douteux que la délibération ne serait pas opposable aux actionnaires qui n'y ont pas participé. V. Paris, 16 févr. 1911, précité, et la note de M. Wahl.

Ce dernier arrêt a fait apparaître de la manière la plus nette les dangers de la doctrine contraire : comme il est constant que les administrateurs ne sont pas privés du droit de prendre part, en tant qu'actionnaires, aux délibérations qui les intéressent en cette qualité, le droit que l'on accorderait à l'assemblée extraordinaire d'augmenter les émoluments des administrateurs entraînerait cette conséquence que, dans toutes les sociétés où ils détiendraient, par eux-mêmes ou leurs amis, la majorité des actions, les administrateurs pourraient se voter une augmentation de rémunération. Il est inadmissible que les petits actionnaires qui, sur la foi des statuts, ont cru pouvoir se faire écouter dans les assemblées, puissent se voir ainsi lésés au profit d'autres actionnaires par la volonté même de ceux-ci. En tant que les délibérations de l'assemblée générale sont susceptibles de pouvoir favoriser certains membres de l'assemblée au détriment des autres, ces délibérations ne sauraient être valables en elles-mêmes. C'est précisément ce calcul que la Cour de Paris avait aperçu et déjoué.

Ces observations s'appliquent entièrement aux délibérations qui, comme celle qui avait été prise dans l'espèce, ont pour objet, soit directement, soit indirectement (l'assemblée générale, en l'espèce, avait décidé que les prélèvements destinés à un fonds de prévoyance seraient effectués sur la part de bénéfices réservés aux actionnaires, alors que, d'après les statuts, ils devaient être faits sur la portion commune aux actionnaires et aux porteurs de parts de fondateur), de diminuer les dividendes des actions en augmentant ceux des parts de fondateur. La majorité des actionnaires a les mêmes intérêts que la minorité; si elle prend une délibération défavorable aux actionnaires, c'est sans doute parce qu'en fait, les détenteurs de la majorité des actions sont en même temps les porteurs des parts de fondateur, et font ainsi peser sur la minorité une partie des charges qui leur profitent en entier, ou presque en entier, en leur qualité de porteurs de parts de fondateur.

Au point de vue de l'équité comme au point de vue du droit, l'arrêt ci-dessus recueilli doit être approuvé. En droit, il décide qu'une clause, relative à la répartition des bénéfices sociaux, constitue l'un des éléments essentiels du contrat .. Cette formule n'implique pas que la Cour de casI PART. 27

statuts permelle à l'assemblée générale d'apporter aux statuts toutes modifications utiles, si cette disposition réserve elle-même les modifications qui auraient pour effet d'altérer les conditions essentielles du contrat (1) (Id.).

La loi du 16 nov. 1903, en autorisant la création d'actions de priorité, n'a pas mis au rang des clauses secondaires et modi

sation ait voulu trancher la question, indiquée plus haut, de savoir si l'assemblée générale extraordinaire a ou non compétence pour faire un prélèvement sur les bénéfices au détriment des actionnaires; elle s'est bornée à examiner l'hypothèse où ce prélèvement est effectué en vue de favoriser d'autres ayants droit aux bénéfices, comme les porteurs de parts de fondateur. Son arrêt laisse intacte la jurisprudence qui permet à l'assemblée extraordinaire de créer des réserves à l'aide d'un prélèvement sur les bénéfices.

II. On sait que la plupart des auteurs estiment que la loi du 16 nov. 1903, en autorisant l'assemblée extraordinaire à créer des actions de priorité, l'a implicitement autorisée à prendre toutes délibérations qui ne causent pas aux actionnaires un préjudice plus considérable que la création d'actions de priorité. On sait aussi que la plupart des décisions judiciaires rendues depuis la loi de 1903 se sont abstenues de faire aucune allusion à cette loi, et ont tranché par les mêmes arguments qu'auparavant les différentes questions qui leur étaient soumises, et qui avaient trait aux pouvoirs de l'assemblée extraordinaire. V. les notes de M. Wahl sous Cass. 2 févr. 1910, précité; sous Montpellier, 29 déc. 1909 (S. et P. 1911.2.161; Pand. per., 1911.2.161); et sous Paris, 16 févr. 1911, précité, avec les autorités citées.

Nous avons, dans les notes précitées, soutenu qu'au contraire, la loi du 16 nov. 1903 ne doit exercer aucune influence sur la solution de ces questions, par les motifs principalement que, d'une part, cette loi s'est déterminée par des considérations spéciales à l'objet même de ses dispositions, et que, d'autre part, il n'y a pas, en réalité, de commune mesure entre la création des actions de priorité et les autres modifications aux statuts, de sorte qu'on ne peut jamais prétendre que le préjudice causé par une modification quelconque aux actionnaires soit moins sérieux que le préjudice résultant pour eux de la création d'actions de priorité. Bien que la thèse que nous avons défendue ait rencontré de nouveaux contradicteurs (V. Bourcart, Journ. des soc., 1912, p. 27 et s., 145 et s., 193 et s. 241 et s.), nous ne reviendrons pas sur la question, dont nous avons déjà examiné dans ce Recueil tous les éléments, tels que nous les concevons. Nous nous contenterons d'apprécier la portée de l'arrêt ci-dessus recueilli, que l'on a parfois présenté comme n'ayant en aucune manière touché à la question.

Dans le système qui admet l'influence de la loi de 1903 sur la détermination des pouvoirs de l'assemblée générale, il y a, en réalité, deux choses: d'abord, cette formule générale que toutes les modifications qui ne sont pas plus préjudiciables aux actionnaires que la création des actions de priorité sont désormais dans les attributions de l'assemblée extraordinaire; ensuite, la longue énumération des modifications qui rentrent dans cette catégorie.

La Cour de cassation n'a pas entendu trancher le premier point. Elle n'avait pas à se prononcer sur la question de savoir si les pouvoirs de l'as

fiables à la simple majorité par les assemblées générales extraordinaires celles, de quelque nature qu'elles soient, qui fixent la répartition des bénéfices; en effet, la créa tion d'actions de priorité, qui ne modifie les droits des porteurs de titres à la répartition des bénéfices qu'en accordant aux actionnaires nouveaux un rang préférable, ne peut, d'aucune manière, être assimilée

semblée sont, depuis la loi de 1903, ce qu'ils étaient auparavant, ou s'ils sont, au contraire, devenus plus étendus ; cette question reste entière. Sur le second point, au contraire, l'arrêt est très important. En effet, les partisans de l'opinion que nous avons combattue étaient d'accord pour soutenir que, depuis la loi de 1903, les clauses relatives à la répartition des bénéfices ont cessé de rentrer dans les bases essentielles et peuvent être modifiées par l'assemblée. C'est ainsi qu'on a affirmé le droit pour l'assemblée générale d'augmenter, au détriment des actionnaires, la rémunération des administrateurs (V. Percerou, Journ. des soc., 1907, p. 61 et 62; Bosvieux, Id., 1910, p. 91; Houpin, Id., 1911, p. 276), ou de créer des parts de fondateurs (Percerou, op. cit., p. 67).

A notre avis, ces solutions sont inadmissibles (V. la note sous Paris, 16 févr. 1911, précité). A supposer exacte la formule générale par laquelle les auteurs, qui prétendent que la loi de 1903 doit exercer une influence sur les pouvoirs des assemblées générales, définissent cette influence, cette formule est loin de justifier les applications qu'ils en ont faites. La réduction des bénéfices des actionnaires au profit des porteurs de parts ou des administrateurs leur est beaucoup plus préjudiciable que la création d'actions de priorité, car elle constitue pour eux une perte sans compensation, alors que les actions de priorité apportent dans la société un capital nouveau, dont les avantages attribués à ces actions constituent la rémunération. De plus, les actions de priorité sont un moyen d'éviter la ruine, dans l'intérêt de tous les actionnaires, et à défaut, en général, de tout autre procédé qui puisse la conjurer; le prélèvement d'une part des bénéfices pour rémunérer les actions de priorité profite donc à la société, et, par suite, aux actionnaires.

Nous ne pouvons donc qu'approuver l'arrêt ci-dessus recueilli d'avoir annulé la délibération qui augmentait indirectement les droits des porteurs de parts et diminuait ceux des actionnaires; comme le dit l'arrêt en d'excellents termes, tandis que la création d'actions de priorité accorde simplement aux nouvelles actions un rang préférable, la modification des droits respectifs accordés aux actions et aux parts de fondateurs modifie un contrat.

M. Thaller, dans une note au Dalloz (1912.1. 115), a contesté que l'arrêt ait une pareille portée. Suivant lui, c'est seulement en fait, et par application du principe que les actes frauduleux n'ont pas d'effet, que la délibération a été annulée; s'il n'y avait pas eu fraude, elle aurait été déclarée régulière.

C'est là, à notre avis, se méprendre sur la signification de l'arrêt. Il n'y est fait aucune allusion à une fraude; il ne constate même pas que les porteurs de parts, auxquels la délibération accordait des avantages nouveaux, fussent actionnaires et se confondissent avec le groupe d'actionnaires qui avait voté en faveur de cette délibération. Le rapport de M. le conseiller Denis, sans doute,

à un changement qui cause un préjudice à l'une des catégories de bénéficiaires entre lesquels un contrat spécial est intervenu pour cette répartition (2) (L. 16 nov. 1903). (Comp. des moteurs Taylor à gaz pauvre C. Baron).

Le tribunal de commerce de la Seine a rendu, à la date du 29 juin 1908, le juge

parle de spoliation; mais la spoliation n'implique pas la fraude.

Ce rapport donne, en faveur de la solution admise par la Cour de cassation, un argument qui mérite d'attirer l'attention, et qui permet de voir dans cette solution l'application d'une théorie plus large. La loi de 1903 exige qu'après la création des actions de priorité, aucune mesure préjudiciable à l'une.ou à l'autre des deux catégories d'actions ne puisse être prise par une assemblée générale, sans être approuvée par une assemblée spéciale de la catégorie lésée. Ceci, comme le montre M. le conseiller Denis, suppose qu'il existe déjà, au moment de l'assemblée spéciale, deux catégories d'actions. Il n'est pas permis, quand des avantages sont accordés aux porteurs de parts au détriment des actionnaires, d'invoquer la loi de 1903 pour valider ces avantages; car les parts de fondateur ne sont pas des actions, au sens de la loi de 1903.

Etant donné que la mesure ne nuit qu'aux actionnaires qui ne sont pas en même temps porteurs de parts de fondateurs, on n'entrera dans l'esprit de la loi de 1903, si on admet la validité de la modification, qu'en la subordonnant au vote d'une assemblée spéciale de ces actionnaires. On dira de même que la délibération, qui augmente la rémunération des administrateurs, doit être approuvée par une assemblée spéciale des actionnaires non administrateurs. On l'a proposé. Mais cela est inadmissible, d'abord parce que, les actions étant généralement au porteur, il serait impossible de reconnaître si les actions représentées dans l'assemblée spéciale n'appartiennent pas aux administrateurs ou porteurs de parts intéressés; ensuite, parce que, suivant l'observation de M. le conseiller Denis, la loi n'admet d'assemblées spéciales que postérieurement à la création d'une nouvelle catégorie d'actions. Par conséquent, la loi de 1903 reste étrangère à toutes les hypothèses où il ne s'agit pas de créer de nouvelles actions, se différenciant des actions anciennes par un point quelconque qui permette de réunir efficacement des assemblées spéciales. S'il en est ainsi, il est vrai de dire qu'en dehors de la question même qu'elle traite, la loi de 1903 ne peut exercer aucune influence sur les solutions antérieurement admises.

(1) Il est de principe que l'assemblée générale, à laquelle les statuts permettent de délibérer sur toutes modifications utiles, ne peut modifier les bases essentielles du contrat. V. Cass. 6 janv. 1903 (sol. implic.) (S. et P. 1905.1.449; Pand. pér., 1905.1.307), et la note; 9 févr. 1903 (S. et P. 1904.1.329; Pand. pér., 1903.1.480), et la note. Comp. Cass., 2 févr. 1910 (S. et P. 1911.1.145; Pand. pér., 1911.1.145), et la note. A plus forte raison en était-il ainsi dans l'espèce, où les statuts réservaient les clauses essentielles et énuméraient les clauses susceptibles d'être modifiées par l'assemblée gé. nérale. V. le rapport de M. le conseiller Denis ci-dessus reproduit.

(2) V. la note 1-2, supra.

ALBERT WAHL.

ment suivant:

Le Tribunal; Attendu que la Société anonyme des moteurs Taylor à gaz pauvre a été constituée le 24 nov. 1904; que le capital était fixé à 1.000.000 fr., divisé en 2.000 actions de 500 fr., la durée de la société étant de 50 ans; qu'il était créé 300 parts bénéficiaires au porteur, sans désignation de valeur, attribuées à Taylor et Vaugeois, en leur qualité de fondateurs, en représentation de la part de bénéfices qui leur a été allouée pour partie de leurs apports;

Attendu que l'art. 41 des statuts primitifs de la société spécifiait la répartition des bénéfices nets de l'exploitation de la façon suivante: 15 p. 100 pour le fonds de réserve; 2 la somme nécessaire pour payer 5 p. 100 aux actionnaires à titre de premier dividende; 3° 10 p. 100 pour le conseil d'administration en service, le solde devant être attribué, dans la proportion de 70 p. 100 aux actionnaires, et 30 p. 100 aux propriétaires de parts bénéficiaires, étant stipulé que l'assemblée générale avait le droit de décider, sur la proposition du conseil d'administration, le prélèvement, sur le solde des bénéfices, d'une somme qui ne pouvait excéder 25.000 fr., et serait reportée au compte profits et pertes de l'exercice suivant;" Attendu que l'assemblée extraordinaire du 1er févr. 1907, qui réunissait 1.929 actions sur 2.000, vota diverses résolutions, et, notamment, celle portant modification au dernier paragraphe de l'art. 41, susrappelé; que fa rédaction suivante fut adoptée Toutefois, l'assemblée générale a le droit de décider, sur la proposition du conseil d'administration, que, sur le solde de bénéfices revenant aux actionnaires en dehors du premier dividende de 5 p. 100, il pourra être prélevé, jusqu'à concurrence de 75 p. 100, une somme destinée à la constitution d'une réserve supplémentaire ou fonds de prévoyance, consacrée, soit à parer aux risques éventuels présentés par certaines affaires ou à des besoins imprévus, soit au développement de la société, soit à compléter aux actionnaires le premier dividende de 5 p. 100, en cas d'insuffisance des bénéfices d'un ou de plusieurs exercices, le surplus, c'est-à-dire un minimum de 25 p. 100, devant être réparti aux actionnaires à titre de dividende supplémentaire. Mais l'assemblée générale, réunie extraordinairement, pourra, à toute époque, sur la proposition du conseil d'administration, désaffecter le fonds de prévoyance au profit des actionnaires, dans la mesure et dans la forme proposées par le conseil. Cette modification pourra commencer à être appliquée lors du règlement des comptes de l'exercice 1906; Attendu, ceci exposé, que Baron, actionnaire de la Société des moteurs Taylor, demande au tribunal de déclarer nulle et de nul effet la décision de l'assemblée générale extraordinaire du 1er févr. 1907, relative à la modification du paragraphe final de l'art. 41, susvisé; qu'il prétend et fait plaider que cette modification dans la répartition des bénéfices constitue une dérogation aux bases essentielles du pacte social, le droit aux bénéfices, pour les actionnaires,

étant considéré comme un élément constitutif du contrat originaire; que cette dérogation ne pouvait, par suite, être apportée que par l'unanimité des actionnaires, ainsi d'ailleurs que Baron l'avait porté à la connaissance du conseil d'administration par sa protestation du 31 janv. 1907 de Rouxel, huissier, protestation par laquelle il entendait réserver tous ses droits;

Mais attendu qu'en droit, cette prétention de Baron ne saurait être admise, les résolutions adoptées ne touchant en rien à l'essence même du contrat, et l'art. 36 des statuts, acceptés par lui, ayant prévu que, pour certaines modifications au pacte Social, notamment l'augmentation ou la réduction du capital ou son amortissement au moyen de prélèvements sur les bénéfices, l'assemblée générale pouvait délibérer valablement, alors que la moitié du capital social était représentée; Attendu, en fait, qu'en votant cette nouvelle répartition, l'assemblée générale n'a pas créé d'avantages nouveaux au profit d'une catégorie d'intéressés au détriment des actionnaires; que son application n'aura pas pour résultat de diminuer la part proportionnelle de ces derniers, mais seulement d'égaliser l'importance des dividendes à distribuer chaque année; Attendu que c'est dans une idée de prévoyance qu'on ne saurait critiquer, et pour éviter des fluctuations trop brusques dans le cours de ses titres, que le conseil d'administration, lequel, d'ailleurs, n'a pas dépassé la limite de ses attributions, a été amené à proposer cette nouvelle rédaction, qui assure toujours une rémunération de 5 p. 100 au capital-actions, et permettrait dans l'avenir, sans toucher au fonds social, de parer à certaines éventualités nettement définies à l'art. 41, nouveau; Attendu qu'en admettant que cette réserve, ainsi constituée, ne serait pas utilisée, Baron ne saurait soutenir que ses avantages se trouveraient diminués, puisque l'actif social s'en augmenterait d'autant lors d'une dissolution, le partage en fin de liquidation n'en étant que plus important; Attendu qu'on ne rencontre pas davantage de cause de nullité dans le vote à l'assemblée générale du droit que se réservait le conseil d'administration de désaffecter ce nouveau fonds de prévoyance, la répartition dans ce cas devant être faite au profit des actionnaires; qu'à tous égards donc, la demande de Baron est mal fondée et doit être rejetée; Par ces motifs, etc. ».

en ces termes : C

Sur appel formé par M. Baron, la Cour de Paris a, par arrêt du 2 nov. 1910, statué La Cour; - Considérant que, le 31 janv. 1907, veille de l'assemblée générale extraordinaire qui a modifié l'art. 41 originaire des statuts, Baron avait fait signifier à la société qu'il s'opposait à toute modification qui pourrait être apportée à la rédaction dudit article; que, n'ayant pas voté la résolution adoptée, Baron est recevable à demander à en voir prononcer la nullité; Et considérant que la répartition des bénéfices est un des éléments essentiels du contrat de société, qui ne saurait être modifié que de l'assentiment

unanime des intéressés; qu'il est de toute évidence que la modification apportée par l'art. 41, nouveau, dans la répartition des bénéfices cause un grave préjudice aux actionnaires au profit des porteurs de parts bénéficiaires; qu'il suffit, pour s'en convaincre, de constater que, tandis que le prélèvement, à concurrence de 25.000 fr., autorisé sur le solde de bénéfices par l'art. 41, ancien, devait s'opérer sur ce solde avant toute répartition entre les actionnaires et les porteurs de parts, le prélèvement autorisé par l'art. 41, nouveau, en faveur du fonds de prévoyance qu'il institue, s'opère sur la quote-part revenant aux actionnaires: que, le fonds de prévoyance autorisé par l'art. 41, nouveau, devant servir notamment, aux termes mêmes de la délibération entreprise, à couvrir les pertes occasionnées par certaines affaires, à parer à des besoins imprévus ou au développement de la société, toutes dépenses qui, sous l'empire des statuts originaires, diminueraient d'autant les bénéfices à répartir, les sommes distraites du fonds de prévoyance pour couvrir lesdites dépenses seraient en fait prélevées sur la part des bénéfices réservée aux actionnaires par les anciens statuts; qu'il en résulterait que les bénéfices de la société apparaîtraient nécessairement majorés de sommes équivalentes, et que les porteurs de parts bénéficiaires viendraient en prélever 30 p. 100, qu'ils n'auraient pas touchés, si ces pertes ou besoins imprévus n'avaient pas été soldés par le fonds de prévoyance, constitué uniquement, ainsi qu'il a été dit plus haut, par un prélèvement sur la part de bénéfices revenant aux actionnaires; Considérant que la décision de l'assemblée générale extraordinaire, qui a modifié l'art. 41 des statuts, cause donc un préjudice aux actionnaires au profit des porteurs de parts bénéficiaires, et qu'il y a lieu, dès lors, d'en prononcer la nullité; Par ces motifs; Infirme; Déclare nulle et de nul effet la décision de l'assemblée générale extraor dinaire du 1er févr. 1907, etc. ».

POURVOI en cassation par la Comp. des moteurs Taylor. Moyen unique. Violation des art. 31 de la loi du 24 juill. 1867, 34, C. comm., complété par la loi du 16 nov. 1903, 1134, C. civ., et 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que l'arrêt attaqué a décidé qu'une clause des statuts d'une société par actions, relative à la répartition des bénéfices, constitue un des éléments essentiels du contrat de société, qui ne saurait être modifié que de l'assentiment unanime des intéressés, alors, d'une part, que les statuts de cette société autorisaient d'une façon générale toute modification reconnue utile, et de façon spéciale toute une série de modifications d'importance bien supérieure à celle votée par l'assemblée générale, alors, d'autre part, que la loi du 16 nov. 1903 permet à l'assemblée générale d'apporter une modification essentielle au mode statutaire de répartition des bénéfices, et que, cette loi étant interprétative de celle du 24 juill. 1867, toute modification aux statuts, d'importance moindre ou égale à celle autorisée par ladite loi, est susceptible

d'être votée par l'assemblée générale extraordinaire.

M. le conseiller rapporteur Denis a présenté les observations suivantes :

a

La première branche du moyen n'est pas de nature à faire impression sur vos esprits, au moins en ce qui concerne les considérations qu'elle présente sur l'état législatif avant la loi du 16 nov. 1903. El'e est dirigée contre cette appréciation de l'arrêt Attendu que la répartition des bénéfices est un des éléments essentiels du contrat de société. Or, cette proposition, sous l'empire de la loi de 1867, n'a paru douteuse à personne. Si elle n'a pas été formulée dans un arrêt de la Cour de cassation, c'est que la question ne lui a pas été soumise; mais elle l'a été dans divers arrêts de Cours d'appel, et par une doctrine dont le mémoire ampliatif ne discute pas l'autorité. Aussi prétend-il seulement que l'opinion militait contre elle, et aurait fini par triompher, comme une conséquence de la loi de 1903, qui aurait à cet égard éclairé l'art. 31 de la loi de 1867, en ne permettant plus de considérer la répartition des bénéfices comme une base essentielle et intangible des statuts. C'est une opinion qui a été développée dans le Journal des sociétés, 1908, p. 519, ad notam. Nous préférons l'examiner dans la discussion de la seconde branche du moyen, où elle le sera plus à propos, puisque c'est là que l'influence de la loi de 1903 est invoquée par le mémoire.

[ocr errors]

Attachons-nous d'abord à cette remarque du pourvoi que l'art. 36 des statuts de la Comp. des moteurs Taylor à gaz pauvre porte que l'assem

blée générale, convoquée extraordinairement, peut, sur l'initiative du conseil d'administration, apporter aux statuts les modifications dont l'utilité est reconnue par lui Le mémoire en conclut que les statuts eux-mêmes prévoyaient et autorisaient des modifications à la répartition fixée statutairement des bénéfices. Mais l'objection vient de suite, puisque cet art. 36 contenait une énumération des cas prévus d'utilité des modifications aux statuts, et que les modifications à la répartition des bénéfices n'y figurent pas, quoique leur importance n'ait pu échapper aux rédacteurs des statuts. A la vérité, le pouvoir de l'assemblée n'est limité qu'aux objets qui altéreraient le contrat dans son essence; mais la question revient toujours au même point de savoir si les modifications à la répartition prévue des bénéfices n'atteignent pas un des éléments essentiels du contrat.

La première branche du moyen n'offre pas un terrain de discussion décisive; cela vient de ce que la question discutée porte, non pas réellement sur le pouvoir de modifier la répartition des bénéfices, mais sur celui, bien autrement grave, du droit que s'est arrogé, dans notre espèce, l'assemblée générale, de dépouiller une catégorie d'intéressés, les actionnaires, d'une partie des bénéfices Eociaux, à l'avantage d'une autre catégorie, ce qui est absolument contraire à l'art. 1134, C. civ.

Cette observation domine tout le débat, aussi bien sur la seconde branche que sur la première. Deuxième branche. Cette seconde branche se fonde sur la loi du 16 nov. 1903, qui autorise la création d'actions de priorité jouissant de certains avantages sur les autres actions, ou conférant des droits d'antériorité, soit sur les bénéfices, soit sur l'actif social, soit sur les deux ». Edictée pour permettre aux sociétés de sortir d'embarras imprévus lors de leur fondation, par imitation des législations étrangères, et surtout de la législation allemande, cette loi modifie une précédente loi du 9 juill. 1902, et complète l'art. 34, C. comm., ainsi

que le § 3 de l'art. 3 de la loi du 24 juill. 1867. La création d'actions de priorité modifie-t-elle autant qu'on le dit, d'une manière générale, les clauses du pacte social relatives à la répartition des bénéfices? Il faut s'entendre. La création d'actions de priorité modifie le capital social par voie d'augmentation; elle apporte ainsi un changement à la répartition des bénéfices; mais les premiers actionnaires se trouvent simplement préférés par des actionnaires nouveaux et privilégiés; ils reculent d'un rang, et voilà tout. La répartition des bénéfices continuera à s'opérer entre les premiers actionnaires dans les conditions, de la manière prévue au pacte social; comme il arriverait par l'émission d'obligations, ils ne percevront les bénéfices sociaux qu'après que les actions de priorité auront reçu une part déterminée selon le montant de la souscription à l'émission.

Il ne nous apparaît pas que cette innovation législative permette de dire que désormais la répartition des bénéfices cesse d'être une base essentielle et intangible des statuts. Cette répartition doit demeurer ce qu'elle est, telle qu'elle a été fixée lors du pacte social par la volonté des intéressés ; ceux-ci peuvent, et voilà tout, ne percevoir les bénéfices qu'après une catégorie privilégiée d'actionnaires, qu'ils introduisent eux-mêmes dans la société pour une utilité reconnue. Il n'y a pas de rupture d'égalité entre les actionnaires, car l'égalité originaire subsiste. Et on n'est pas autorisé à dire que les associés aient renoncé aux conditions originaires de la répartition des bénéfices, parce que des actionnaires privilégiés peuvent être introduits dans la société; ce n'est pas plus vrai que ce ne le serait vis-à-vis de porteurs d'obligations. Nous en concluons que les auteurs d'articles de revues qui y ont vu autre chose en plus ne peuvent être suivis. Il ne faut pas méconnaître la nature même des droits de priorité.

[ocr errors]

Mais, vraiment, est-ce que ce débat a quelque rapport avec l'espèce sur laquelle a statué l'arrêt attaqué, et celle-ci n'est-elle pas complètement différente? Il est déclaré par cet arrêt, et c'est le fond de sa décision, son motif, que l'on peut dire unique, que la modification apportée aux statuts de la Société des moteurs Taylor par l'art. 41, nouveau, relativement à la répartition des bénéfices, causait un grave préjudice aux actionnaires au profit des porteurs de parts bénéficiaires. Déjà, une assemblée précédente avait tenté d'arriver à ce résultat antisocial; une décision de justice l'avait arrêtée; l'assemblée suivante reprenait ce dessein par l'art. 41, nouveau. Sur la demande de nullité de cette modification, formée par un actionnaire, le sieur Baron, défendeur éventuel, il est condamné une seconde fois par l'arrêt attaqué, et justement, à ce qu'il nous semble. Songez qu'en s'emparant de plus de la moitié des actions par acquisitions ou autrement, les porteurs de parts bénéficiaires viendraient enlever aux autres actionnaires leurs droits à la répartition des bénéfices, sous couleur de renforcer des réserves extraordinaires. Ce n'est plus seulement une violation de l'art. 1134, C. civ., mais une véritable spoliation, qu'aucun législateur n'a pu avoir l'intention de permettre. Et ce résultat de l'art. 41, nouveau, dont l'annulation a été prononcée par l'arrêt, il n'est pas contesté par le mémoire ampliatif, qui, au contraire, reconnaît parfaitement juste la démonstration du préjudice que souffriraient les actionnaires à l'avantage des porteurs de parts bénéficiaires. Peu importe, dit-il, si l'assemblée générale avait le droit de le faire. Sans doute; mais ce droit pour les assemblées générales, qui décident à la simple majorité, de spolier une catégorie de bénéficiaires au profit

d'autres, et malgré eux, n'est reconnu nulle part. Il est interdit par la loi de 1867, qui subsiste sur ce point; on ne peut, en effet, argumenter du droit de créer des actions de priorité. La création des actions de priorité ne nuit à personne; elle profite, au contraire, à tous, sans modifier, en quoi que ce soit, la répartition des bénéfices, telle qu'elle est prévue au contrat, dans une proportion déterminée entre les premiers actionnaires, d'abord, les porteurs de parts bénéficiaires, ensuite. Tout le monde recule du même pas; personne n'est spolié. La loi du 16 nov. 1903 n'a certainement pas entendu permettre aux porteurs de parts bénéficiaires, qui, d'après les statuts de la Société des moteurs Taylor, avaient droit à 30 p. 100 des bénéfices sociaux, d'en percevoir 70 p. 100, sans le consentement unanime des victimes de ce coup d'Etat intérieur.

Que la loi de 1903 ait accordé aux assemblées générales extraordinaires le pouvoir de modifier les conditions statutaires de répartition de bénéfices, soit; mais ce n'est certainement pas en favorisant une catégorie de bénéficiaires aux dépens d'une autre. Nous trouvons, d'ailleurs, dans le texte même de cette loi, la condamnation de la thèse du pourvoi. La partie que nous en avons citée se poursuit ainsi : . Dans le cas où une dé. cision de l'assemblée générale comporterait une modification dans les droits attachés à une catégorie d'actions, cette décision ne sera définitive qu'après avoir été ratifiée par une assemblée spéciale des actionnaires de la catégorie visée. Cette assemblée spéciale, pour délibérer valablement, doit réunir au moins la moitié du capital représenté par les actions dont il s'agit ». Voilà une disposition nouvelle; il n'en a été aucunement question dans le débat suivi devant les juges du fond, et on a cu raison de la laisser de côté. Pourquoi? Si on ne peut supposer une assemblée générale de porteurs de parts de fondateurs, qu'aucun texte de notre législation ne prévoit, on peut admettre une assemblée générale d'actionnaires accordant des avantages nouveaux aux porteurs de parts, si invraisemblable que soit la chose. Ce serait plutôt le contraire qui arriverait, comme cela a été reconnu par un jugement du tribunal de commerce de la Seine du 8 févr. 1908 (Journ. des soc., 1908, p. 518), qui a annulé une délibération de l'assemblée générale ordinaire d'une société anonyme, qui avait lésé, au profit des actionnaires, les porteurs de parts. On s'accorde à penser que la loi de 1903, en permettant la réunion d'une assemblée spéciale d'actionnaires d'une certaine catégorie, a supposé exclusivement le projet de création d'une nouvelle catégorie d'actions de priorité, nuisant à la première; ce sont les actionnaires déjà privilégiés qui seraient appelés à autoriser, dans une assemblée spéciale, comme cela est prévu dans la législation allemande, une création d'actions privilégiées à un rang préférable au leur. Cette disposition suppose, en effet, qu'il existe déjà plusieurs catégories d'actionnaires, porteurs les uns d'actions originaires, les autres d'actions de priorité. Ce n'est pas du tout le cas de la Société des moteurs Taylor, où il n'existe qu'une seule catégorie d'actions, avec des parts bénéficiaires qui ne sont pas des actions. C'est pourquoi le $ 2 de l'art. 1er de la loi du 16 nov. 1903 est resté en dehors de la discussion devant les juges du fond et n'est devant vous l'objet d'aucune discussion. Il ne pourrait d'ailleurs l'être, puisqu'il serait nouveau, comportant les questions de fait qui s'y rattacheraient, l'assemblée du 1er févr. 1907 n'ayant pas été spéciale.

L'ensemble de ces observations vous déter

minera sans doute à prononcer le rejet de la requête D.

LA COUR;

ARRET.

Sur le moyen unique : Attendu que Baron, propriétaire d'actions de la société anonyme de la Comp. des moteurs Taylor à gaz pauvre, poursuivait l'annulation d'une clause relative à la répartition des bénéfices sociaux, substituée à la rédaction primitive des statuts par l'assemblée générale extraordinaire du 1er févr. 1907, à laquelle il n'avait été ni présent ni représenté; qu'il n'est pas contesté que cette modification aux statuts primitifs causait un préjudice aux actionnaires au profit des porteurs de parts bénéficiaires, en ce que le fonds de prévoyance, dont la constitution était prévue lors du contrat, devait être pris sur les bénéfices avant toute répartition entre les actionnaires et les porteurs de parts, tandis que, d'après l'art. 41, nouveau, les sommes distraites de ce fonds de prévoyance pour couvrir certaines pertes et dépenses devaient être prélevées sur la part des bénéfices réservée aux actionnaires par les anciens statuts; Attendu que, d'après ces constatations, la Cour de Paris a pu dire que cette modification à la répartition des bénéfices sociaux, telle qu'elle était instituée par les statuts primitifs, portait atteinte à l'un des éléments essentiels du contrat, et ne pouvait, en conséquence, être introduite dans les statuts qu'avec l'assentiment unanime des actionnaires, selon l'art. 31 de la loi du 24 juill. 1867; Attendu qu'il est vainement prétendu par le pourvoi que l'art. 36

[ocr errors]

(1-2) L'arrêt ci-dessus rapporté mérite l'attention; pour la première fois, en effet, la Cour de cassation était appelée à se prononcer sur l'interprétation de l'art. 3 de la loi du 15 nov. 1887 (S. Lois annotées de 1888, p. 345. - P. Lois, décr., etc. de 1888, p. 595; Pand. pér., 1888.3.9), qui, après avoir déclaré que la volonté du défunt, majeur ou mineur émancipé en état de tester, relativement au règlement des conditions de ses funérailles, notamment en ce qui concerne le caractère civil ou religieux à leur donner, exprimée dans un testament ou dans une déclaration faite en forme testamentaire, soit par-devant notaire, soit sous signature privée, a la même force qu'une disposition testamentaire relative aux biens", ajonte que cette volonté « est soumise aux mêmes règles quant aux conditions de la révocation ». Ce texte, par les termes qu'il emploie, semble indiquer que la révocation de la volonté exprimée par le défunt dans les formes qu'autorise l'art. 3, précité, est soumise aux mêmes règles que la révocation des testaments. Or, c'est une question discutée que celle de savoir si la révocation tacite d'un testament peut résulter de faits établissant un changement de volonté de la part du testateur. Bien que des arrêts de Cours d'appel aient admis l'affirmative (V. les arrêts cités dans la note, in initio, de M. Tissier sous Trib. de la Seine, référés, 10 avril 1897, S. et P. 1897.2.217), l'opi. nion contraire paraît préférable. V. la note précitée de M. Tissier. Mais, quelle que soit la solution que l'on adopte sur cette question, il faut reconnaître que la révocation tacite d'une disposition testamentaire relative au règlement des

des statuts, qui permettait à l'assemblée générale de leur apporter toutes modifications utiles, trouvait là son application, ou que la loi du 16 nov. 1903, en autorisant la création d'actions de priorité, avait mis au rang des clauses secondaires et modifiables à la simple majorité par les assemblées générales extraordinaires celles, de quelque nature qu'elles soient, qui fixaient la répartition des bénéfices; que, d'abord, l'art. 36 des statuts réservait lui-même les clauses qui avaient pour effet d'altérer les conditions essentielles du contrat, et que, d'autre part, la création d'actions de priorité, qui ne modifie les droits des porteurs de titres à la répartition des bénéfices qu'en accordant à des actionnaires nouveaux un rang préférable, ne peut, d'aucune manière, être assimilée à un changement qui cause un préjudice à l'une des catégories de bénéficiaires entre lesquels un contrat spécial est intervenu pour cette répartition; qu'en décidant, par suite, qu'une modification de cette nature n'avait pu valablement être imposée aux actionnaires qui n'y avaient pas consenti par une assemblée générale extraordinaire, laquelle seule avait eu lieu, l'arrêt attaqué, qui est suffisamment motivé, n'a pas violé les règles de droit invoquées par le pourvoi; Rejette, etc. Du 22 janv. 1912. Ch. req - MM. Tanon, prés.; Denis, rapp.; Blondel, av. gén. (concl. conf.); Talamon, av.

CASS. REQ. 23 avril 1912. INHUMATION ET SÉPULTURE, FUNÉRAILLES,

funérailles peut résulter d'un changement de volonté du de cujus, clairement manifesté. V. en ce sens, la note précitée de M. Tissier. A diverses reprises, en effet, au cours des travaux préparatoires de la loi du 15 nov. 1887, il a été affirmé que la révocation devait être admise toutes les fois que le changement de volonté pourrait être établi par un ensemble de faits précis et concordants, démontrant que les dispositions testamentaires relatives aux funérailles sont inconciliables avec les actes postérieurs du défunt. V. les renvois de la note précitée de M. Tissier. Il faut évidemment que les faits invoqués ne prêtent à aucune équivoque. V. Trib. de Mende (référés), 26 janv. 1908 (S. et P. 1909.2.30; Pand. pér., 1909.2.30), et les renvois. Adde, la note de M. Tissier sous Trib. de la Seine, référés, 10 avril 1897, précité, et les renvois. V. aussi ce jugement. Mais, si les faits d'où l'on prétend faire ressortir la révocation tacite sont bien nettement inconciliables avec la déclaration testamentaire par laquelle le défunt avait réglé ses funérailles, ce changement de volonté entraîne révocation tacite, et met obstacle à ce que les dispositions prises par acte testamentaire reçoivent exécution. C'est la solution que M. Tissier avait défendue dans la note précitée sous Trib. de la Seine (référés), 10 avril 1897, et c'est celle que consacre la Cour de cassation par l'arrêt ci-dessus, dont l'importance est d'autant plus grande que, jusqu'à présent, dans les décisions recueillies, la révocation tacite avait été écartée comme non établie, parce que l'on n'invoquait que des actes, tels que le fait par le défunt de s'être marié à l'église

OBSÈQUES CIVILES, TESTAMENT, RÉVOCATION TACITE, CHANGEMENT DE VOLONTÉ, OBSÈQUES RELIGIEUSES (Rép., v° Inhumation et sépulture, n. 16 et s.; Pand. Rép., vo Inhumations, n. 127 et s.).

La révocation d'une disposition, prise par acte testamentaire pour régler les funérailles, dans les formes de l'art. 3 de la loi du 15 nov. 1887, peut être lacile, et la révocation doit être admise, quand le changement de volonté résulte formellement d'un ensemble de faits précis et concordants, démontrant que les dispositions testamentaires sont inconciliables avec les actes postérieurs du défunt (1) (L. 15 nov. 1887, art. 3).

Spécialement, bien qu'un testateur ait, dans un testament, non révoqué expressément, énoncé sa volonté d'être enterré civilement, le juge peut ordonner que ses obsèques seront célébrées religieusement, en se fondant sur ce que, pendant les jours qui ont précédé sa mort, le défunt, en état de complète lucidité d'esprit, a, par son attitude générale, ses paroles, et ses actes, manifesté l'intention de rétracter ses volontés antérieures concernant le caractère de ses obsèques (2) (Id.).

(Vadécart C. Level). ARRÊT.

LA COUR; Sur le moyen unique, pris de la violation de l'art. 3 de la loi du 15 nov. 1887, des art. 969, 1035, C. civ., et 7 de la loi du 20 avril 1810, défaut de motifs, et manque de base légale - Attendu qu'aux termes du 3 de l'art. 3 de la loi du 15 nov. 1887, la volonté exprimée par toute personne capable pour le règle

et de s'être retiré d'une association maçonnique et libre-penseuse (V. Trib. de Mende, référés, 26 janv. 1908, précité), ou le fait par le défunt d'avoir reçu un prêtre à son lit de mort, alors qu'il n'était établi, ni que ce prêtre eût confessé le défunt, ni que celui-ci eût à ce moment l'intégrité de ses facultés (V. Trib. de la Seine, référés, 10 avril 1897, précité), — qui étaient insuffisants pour démontrer un changement de volonté, accompli en connaissance de cause.

[ocr errors]

Faut-il aller plus loin, et attribuer à l'arrêt cidessus une portée plus large, en le considérant comme donnant son adhésion à la doctrine d'après laquelle, en général, le changement de volonté du testateur, ressortant de faits et circonstances non équivoques, pourrait emporter révocation tacite? On l'a ainsi interprété (V. la note de M. Capitant, Dalloz, 1913.1.41), et il faut convenir que les termes de l'arrêt, qui paraît déduire la solution qu'il donne du renvoi que fait l'art. 3 de la loi de 1887 aux règles sur la révocation des testaments, pourraient autoriser cette interprétation. Il nous paraît cependant douteux qu'en présence des critiques qu'a soulevées l'opinion d'après laquelle, en matière testamentaire, un simple changement de volonté emporte révocation tacite, la Cour de cassation ait entendu la consacrer, pour ainsi dire par prétérition, alors qu'elle n'avait à se prononcer que sur le sens de l'art. 3 de la loi du 15 nov. 1887, et que les déclarations faites au cours des travaux préparatoires, quant à la portée de ce texte, permettaient de donner à son arrêt une base infiniment plus solide.

« PrécédentContinuer »