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le dimanche 8 mai 1910, que, ce même jour, à l'issue de la grand messe célébrée à l'occasion de la fête de Jeanne d'Arc, et à laquelle assistait la société de gymnastique la Jeanne d'Arc de Carrouges », Robillard, ministre du culte et directeur de ladite société, l'a reformée devant la porte de l'église, et a regagné, au son des tambours et des clairons, le presbytère, distant d'environ quatre-vingts mètres, et que la société était suivie d'une quarantaine de personnes, le jugement attaqué déclare qu'il n'y a pas eu de procession dans l'espèce, mais une manifestation qui, eu égard au jour et à l'heure où elle s'est produite, à l'occasion de la grand'messe de ce dimanche 8 mai, à l'occasion de la fète de Jeanne d'Arc, béatifiée récemment, peut être dénommée manifestation religieuse »; Attendu que les constatations susrelatées ne sauraient suffire pour imprimer au fait retenu à la charge du prévenu le caractère d'une manifestation interdite par l'arrêté précité; que, pour l'application de cet arrêté, le parcours effectué par la société de gymnastique sur la voie publique ne devait être envisagé qu'en lui-même, et indépendamment de toute circonstance extrinsèque, et qu'il est demeuré licite, au regard dudit arrêté, dès lors qu'il n'a été accompagné d'aucune démonstration extérieure de croyances religieuses; D'où il suit qu'en attribuant au fait par lui retenu le caractère d'une manifestation religieuse, au sens de l'arrêté précité, le juge de police a donné à cet arrêté une portée qu'il n'a pas; Casse le jugement du tribunal de simple police du canton de Carrouges, en date du 1er juin 1910, etc.

Ch. crim.

Du 17 nov. 1911. MM. Bard, prés.; Thibierge, rapp.; Séligman, av. gén.

(1-2-3) L'arrêt ci-dessus reproduit donne, pour justifier une solution exacte, une raison qui est peutêtre de nature à surprendre. Il refuse, en effet, d'appliquer l'art. 34 de la loi du 9 déc. 1905, qui punit la diffamation commise par un ministre du culte envers un citoyen chargé d'un service public, à la diffamation envers un conseiller municipal; et le motif qu'il en donne, c'est que les conseillers municipaux ne disposent d'aucune portion de l'autorité publique.

Il est très vrai que le législateur de 1881, qui a expressément visé, au cours de la discussion de la loi sur la presse, les membres des conseils généraux, d'arrondissement ou municipaux, les a placés parmi les citoyens investis d'un mandat public. V. Barbier, Code expliqué de la presse, 2 éd., par Matter et Rondelet, t. 1, n. 486. Il est encore vrai que la loi de 1905, ne reproduisant pas complètement la loi de 1881, mentionne les citoyens chargés d'un service public, et se tait sur les citoyens chargés d'un mandat public.

Mais il a été reconnu par la jurisprudence, et notamment par un arrêt des chambres réunies du 29 déc. 1898 (S. et P. 1899.1.301; Pand. pér., 1899.1.121), dont nous reproduisons les termes, que, par les expressions citoyens chargés d'un

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L'art. 34 de la loi du 9 déc. 1905 ne réprimant, dans les circonstances spéciales qu'il prévoit, l'outrage ou la diffamation que lorsqu'ils sont commis envers des citoyens chargés d'un service public, les conseillers municipaux, qui ne disposent d'aucune portion de l'autorité publique, ne sauraient être compris sous cette dénomination (1) (L. 9 déc. 1905, art. 34).

Et, le mandat public dont ils sont investis les plaçant au nombre des personnes enumérées par l'art. 31 de la loi du 29 juill. 1881 (2), les poursuites basées sur la diffamation et les injures dont ils ont été l'objet à raison de leurs fonctions ou de leur qualité, de la part d'un ministre du culte, dans les circonstances prévues par l'art. 34, pré. cité, sont, aux termes de l'art. 45 de la loi précitée, de la compétence des Cours d'assises (3) (L. 29 juill. 1881, art. 31 et 45).

(Abbé Berdaguer). — ARRÈT. LA COUR; Sur le moyen pris de la violation, par fausse application, des art. 33, ler, et 45 de la loi du 29 juill. 1881, et, par défaut d'application, des art. 222 et s., C. pén.: Attendu que Berdaguer, ministre du culte catholique, a été poursuivi devant la juridiction correctionnelle, en vertu de l'art. 34 de la loi du 9 déc. 1905, pour avoir outragé ou diffamé, dans un lieu où il exerçait le culte, sept conseillers municipaux de la commune d'Estoher, à raison de leur vote dans une délibération du conseil municipal; Attendu que l'art. 34, précité, ne réprime, dans les circonstances spéciales qu'il prévoit, l'outrage ou la diffamation que lorsqu'ils ont été commis envers des citoyens chargés d'un

service ou d'un mandat public », il faut entendre tous agents investis, dans une mesure quelconque, d'une fraction de l'autorité publique..., mais non pas les personnes qui ne participent pas à cette autorité, quoiqu'un intérêt public s'attache à leur service Adde, Matter et Rondelet, sur Barbier, op. cit., t. 1, n. 485. En joignant ainsi, dans sa définition, les citoyens qui sont chargés d'un service public et les citoyens qui sont chargés d'un mandat public, et en les définissant les uns et les autres d'une manière identique, la Cour de cassation leur attribue, sous la différence relative à leur mode de nomination, et peut-être d'autres différences qu'il n'importe pas de déterminer ici, même nature et même qualité. C'est donc qu'également, elle voit dans les citoyens chargés d'un mandat public des agents investis d'une fraction de l'autorité publique. Il y a dès lors quelque difficulté, et même quelque impossibilité à concevoir que la diffamation envers les conseillers municipaux, que la chambre criminelle, dans notre arrêt qualifie de citoyens chargés d'un mandat public, échappe à l'application de l'art. 34 de la loi du 9 déc. 1905, parce que ces agents ne disposent d'aucune partie de l'autorité publique, et rentre, au contraire, sous l'application de l'art. 31 de la loi du 29 juill. 1881, comprenant les citoyens chargés d'un mandat public, c'est-à-dire des agents

service public; que les conseillers municipaux, qui ne disposent d'aucune portion de l'autorité publique, ne sauraient être compris sous cette dénomination; que, d'autre part, les faits incriminés ne rentrent pas dans les prévisions des art. 222 et s., C. pén.; que le mandat public dont les conseillers municipaux sont investis les place au nombre des personnes énumérées par l'art. 31 de la loi du 29 juill. 1881, et que les poursuites motivées par les diffamations et les injures dont ils peuvent être l'objet à raison de leurs fonctions ou de leur qualité sont, aux termes de l'art. 45 de la loi précitée, de la compétence des Cours d'assises; tendu qu'il suit de ce qui précède que la poursuite ne pouvait, à aucun titre, être déférée à la juridiction correctionnelle, et que, dès lors, c'est à bon droit que la Cour d'appel s'est déclarée incompétente pour en connaître; Rejette le pourvoi contre l'arrêt de la Cour d'appel de Montpellier du 20 oct. 1911, etc.

-

At

Du 3 févr. 1912. Ch. crim. MM. Bard, prés.: Petitier, rapp.; Seligman. av. gén.

CASS.-CRIM. 10 février 1910. CASS.-REUN. 18 janvier 1912. CONTRIBUTIONS INDIRECTES, VISITE DOMICI LIAIRE, DÉBITANT, EXERCICE, SUPPRESSION, POURSUITE A VUE, PROCÈS-VERBAL, INSUFFISANCE, PREUVE (Rép., v° Contributions indirectes, n. 208 et s., 586 et s.; Pand. Rép., vis Impôts, n. 7280 et s., Procès-verbaux, n. 897 et s.).

La disposition du 1er de l'art. 237 de la loi du 28 avril 1816, qui, en cas de soupçon de fraude, n'autorise, à peine de nullité du procès-verbal, les employés des contributions indirectes à faire des visites dans les habitations des particuliers non sujets à l'exercice qu'en observant certaines formalités, s'applique, en principe,

investis d'une fraction de l'autorité publique! Car, enfin, si les conseillers municipaux, comme citoyens chargés d'un mandat public, sont investis d'une fraction de l'autorité publique, le motif pour leur refuser la protection de l'art. 34 de la loi de 1905 devient erroné. Et, si les conseillers municipaux ne sont pas investis d'une fraction de l'autorité publique, ce n'est pas seulement la loi de 1905 qui ne les protège plus contre leurs diffamateurs, c'est aussi la loi de 1881, qui ne protège, comme citoyens chargés d'un mandat public, que les individus possédant une parcelle de la puissance publique.

Il semble qu'il eût été plus simple, en laissant de côté la question de savoir si les conseillers municipaux participent ou non à l'autorité publique, de dire simplement que, la loi de 1905 n'ayant mentionné dans son art. 34 que les citoyens chargés d'un service public, et ayant pris cette expression à l'art. 31 de la loi de 1881, avec le même sens (V. Cass. 25 juill. 1908 et 11 févr. 1910, S. et P. 1911.1.237; Pand. pér., 1911.1.237, et la note. V. aussi, Cass. 16 juill. 1908, S. et P. 1911. 1.239; Pand. pér., 1911.1.239), il était impossible d'appliquer cette disposition aux conseillers municipaux, qui, d'après la loi de 1881, sont des citoyens chargés d'un mandat public.

aux débitants de boissons, affranchis de l'exercice par l'art. 5 de la loi du 29 déc. 1900 (1) (LL. 28 avril 1816, art. 237, § 1er; 29 déc. 1900, art. 5). 1er et 2 arrêts.

Si le 2 de l'art. 237 autorise les employés à s'introduire sans formalités spéciales, dans le domicile d'un non-assujetti, cette exception au principe général posé par le ne s'applique qu'autant que l'introduction des agents a lieu au cours d'une opération déjà commencée et en suivant une marchandise, qui, transportée en fraude, serait, au moment d'être saisie, introduite dans une habitation pour la soustraire à leurs recherches et à leurs constatations (2) (L. 28 avril 1816, art. 237, 2). — Id.

Ces circonstances peuvent résulter, en dehors des énonciations du procès-verbal luimême, des faits relevés par les juges du fond, et constatés par leur décision (3) (C. instr. crim., 154; L. 28 avril 1816, art. 237, § 2). fer arrêt (sol. implic.), et 2e arrêt. Mais, des énonciations d'un procès-verbal, dressé par un employé des contributions directes, et constatant qu'étant dans une rue, il a aperçu un particulier, porteur de deux litres paraissant contenir des spiritueux, s'introduisant chez un débitant de boissons, et qu'ayant pénétré dans le débit, il lui a été déclaré par le particulier que les litres eontenaient de l'anisette, dont il était porteur sans titre de mouvement, il

ne résulte pas que l'employé ait procédé en cas de contravention actuelle ei flagrante, et poursuivi dans le débit une operation commencée sur la voie publique (4) (Id.). — 1er et 2e arrêts.

Les juges ne peuvent donc, en se référant exclusivement aux énonciations du procèsverbal, déclarer valable le procès-verbal dressé dans ces conditions (5) (Id.). 1er arrêt (sol. implic.), et 2e arrêt.

Il importe peu que, pour déclarer le procès-verbal valable, les juges du fond ajoutent qu'à raison de la tolérance admise pour la circulation des petites quantités de boissons à destination des particuliers autres que les débitants. l'infraction punissable n'est apparue à l'employé qu'au moment où le prévenu a quitté le trottoir pour pénétrer dans le débit; qu'aussitôt, l'employé s'est élancé à la suite du prévenu, et que l'entrée de l'un et de l'autre dans le débit a eu lieu dans le même trait de temps, si ces circons

(1 à 5) La loi du 29 déc. 1900 (S. et P. Lois annotées de 1901, p. 65; Pand. pér., 1902.8.1), a supprimé l'exercice chez les débitants de boissons, en réservant simplement le droit de visite de la Régie dans les caves, magasins et autres locaux affectés au commerce des débitants de boissons dans les communes où il n'existe pas de surveillance effective et permanente aux entrées. V. S. et P. Lois annotées de 1905, p. 71, note 21. Les débitants de boissons sont donc rentrés dans le droit commun; et leur domicile a repris le caractère d'inviolabilité qui appartient au domicile des citoyens. Dès lors, les employés des contributions indirectes sont tenus, en cas de soupçon de fraude, pour effectuer une visite domiciliaire chez des débitants non soumis à l'exercice, d'observer les formalités prescrites par l'art. 237 de la loi du 28 avril 1816, et de se faire accompagner dans leurs perquisitions par un des fonctionnaires mentionnés dans ce texte,

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LA COUR; Sur le premier moyen, pris de la violation, par fausse application, de l'art. 237, § 2, de la loi du 28 avril 1816, subsidiairement, de l'art. 24 de la loi du 30 déc. 1903, des règles de la preuve, et de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, pour manque de base légale, en ce que l'arrêt attaqué a prononcé une condamnation fondée sur les résultats d'une visite domiciliaire effectuée en dehors des conditions prévues par l'art. 237, précité, en déclarant ladite visite régulière, alors que le contraire résulte du procès-verbal, et qu'en tout cas, il modifie les faits constatés au procès-verbal et y ajoute, sans énoncer sur quelles preuves il s'appuie: Vu les art. 24 de la loi du 30 déc. 1903 et 7 de la loi du 20 avril 1810; Attendu que la disposition de l'art. 237, 1er, de la loi du 28 avril 1816, qui, en cas de soupçon de fraude, n'autorise la visite à l'intérieur des habitations des particuliers non sujets à l'exercice qu'en observant les formalités qu'elle prescrit, s'applique, en principe, aux débitants, lesquels ont été affranchis de l'exercice par l'art. 5 de la loi du 29 déc. 1900; qu'il n'est apporté d'exception à cette disposition, par le $2 de l'art. 237, précité, que dans le cas où, au cours d'une opération déjà commencée, une marchandise suspecte est soustraite à la poursuite des employés de la Régie; qu'alors seulement,

modifié par les art. 14 et s. de la loi du 6 août 1905 (S. et P. Lois annotées de 1906, p. 162; Pand. per., 1906.3.212). Et, si le § 2 de l'art. 237 les dispense de l'accomplissement de ces formalités, lorsqu'ils suivent des marchandises transportées en fraude, et soustraites à la poursuite par leur introduction dans une demeure privée au moment où ils allaient les saisir (V. comme application, Cass. 2 juill. 1869, S. 1870.1.144. P. 1870.320), il est bien évident que cette mesure exceptionnelle doit être strictement entendue, et restreinte au cas de poursuite, c'est-à-dire de contravention actuelle et flagrante. Sans doute, la loi n'exige pas que le caractère frauduleux du transport ait déjà été constaté (V. Cass. 9 mars 1878, Bull. crim., n. 67); mais elle suppose que les agents sont déjà lancés à la poursuite du transporteur, qu'ils soupçonnent de fraude. V. le même arrêt. Ce n'est pas le cas d'un agent, qui,

-

ceux-ci peuvent, en suivant lesdites marchandises, pénétrer, après elles, sans remplir aucune formalité, au domicile où elles sont introduites; Attendu qu'il est énoncé, dans le procès-verbal dressé par l'employé Bellurot, que celui-ci, se trouvant Grand Place, à Tourcoing, a aperçu Hardy, coursier au service de Grau, marchand en gros, porteur de deux litres paraissant contenir des spiritueux, s'introduisant chez la veuve Dupont, débitante de boissons; qu'ayant pénétré chez la veuve Dupont, Hardy lui déclara que les litres contenaient de l'anisette et qu'il n'avait aucun titre légitimant leur entrée dans le débit; Attendu qu'il n'appert pas de ces énonciations que l'employé Bellurot ait procédé en cas de contravention actuelle et flagrante, en poursuivant dans le débit une opération commencée sur la voie publique; Attendu, à la vérité, que, pour juger qu'il a été procédé dans le cas prévu par l'art. 237, 2, de la loi du 28 avril 1816, l'arrêt déclare, en outre, que Bellurot a vu Hardy se diriger vers le débit de la veuve Dupont; qu'à raison de la tolérance admise pour la círculation des petites quantités de boissons à destination des particu liers autres que les débitants, l'infraction punissable n'est apparue qu'au moment où Hardy a quitté le trottoir pour pénétrer dans le débit; qu'aussitôt, l'employé de la Régie s'est élancé à la suite du prévenu, et que l'entrée de l'un et de l'autre dans le débit a eu lieu dans le même trait de temps; Attendu que, pour statuer sur la régularité de l'introduction de l'employé Bellurot au domicile de la veuve Dupont. rien ne s'opposait à ce qu'il fut fait état des circonstances de fait susrelatées, si elles avaient été établies par les débats, et si l'arrêt l'avait ainsi déclaré; mais que l'arrêt les tient pour constantes, en se référant exclusivement au procès-verbal, alors qu'elles n'y sont pas énoncées, et qu'elles ne peuvent non plus s'induire des énonciations qui y sont renfermées; D'où il suit qu'il y a eu violation des articles de loi susvisés; Sans qu'il soit besoin de statuer sur le deuxième moyen du pourvoi; Casse...; renvoie devant la Cour d'appel d'Amiens, etc.

Du 10 févr. 1910. Ch. crim. MM. Bard, prés.; La Borde, rapp.; Blondel, av. gén.; de Lalande et Aubert, av.

n'ayant encore manifesté par aucun acte extérieur l'intention de suivre un transporteur d'alcool, voit celui-ci entrer chez un débitant, et pénètre à sa suite chez celui-ci. V. en ce sens, Cass. 21 juill. 1876 (motifs) (S. 1876.1.436. - P. 1876.1097), et les renvois. Ce n'était pas non plus le cas de l'espèce actuelle, puisque l'employé de la Régie, en surveillance sur la place d'une ville, n'avait eu le soupçon qu'un transport frauduleux avait pu s'accomplir devant lui qu'en voyant le porteur des deux bouteilles d'anisette quitter la chaussée et pénétrer chez un débitant; il n'y avait donc eu aucune opération de poursuite commencée sur la voie publique.

(6) V. sur le principe que la Régie peut suppléer à l'insuffisance d'un procès-verbal par d'autres moyens de preuve, Cass. 19 févr. 1909 (S. et P. 1912.1.430; Pand. pér., 1912.1.430), et la

note.

• $ 2.

La Cour d'Amiens, saisie du renvoi ordonné par l'arrêt qui précède, a rendu, le 9 juill. 1910, contre les prévenus, un arrêt de condamnation, fondé sur ce que les énonciations renfermées dans le procèsverbal suffisaient à elles seules pour justifier l'introduction de l'employé Bellurot dans le domicile de la veuve Dupont, sans qu'il fut besoin de faire état des circonstances de fait relatées dans l'arrêt de la Cour d'appel de Douai, et qui ne figuraient pas au procès-verbal ».

Nouveau pourvoi par les prévenus. Moyen unique. Violation, par fausse application, de l'art. 237, 82, de la loi du 28 avril 1816; violation de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, pour défaut de base légale, en ce que l'arrêt attaqué a déclaré valable un procès-verbal dressé à la suite d'une visite domiciliaire effectuée sans observation des formalités que prescrit le § 1er de l'article susvisé, par le motif que la régularité de ladite visite résultait des seules mentions du procès-verbal, alors que cet acte ne relate pas les circonstances essentielles nécessaires pour valider cette opération.

Le 14 janv. 1911, arrêt de la chambre criminelle renvoyant l'affaire devant les chambres réunies de la Cour de cassation.

2o ARRÊT (apr. délib, en ch. du cons.).

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LA COUR; Sur le moyen unique du pourvoi Vu l'art. 237 de la loi du 28 avril 1816; Attendu que la disposi· tion du § ler de cet article, qui, en cas de soupçon de fraude, n'autorise, à peine de nullité du procès-verbal, les employés des contributions indirectes à faire des visites dans l'intérieur des habitations des particuliers non sujets à l'exercice qu'en observant les formalités qu'elle prescrit, s'applique en principe aux débitants de boissons, qui ont été affranchis de l'exercice par l'art. 5 de la loi du 29 déc. 1900; que, si le 2 de l'art. 237 autorise les employés à s'introduire sans formalités spéciales dans le domicile d'un non-assujetti à l'exercice, cette exception au principe général posé par le 1er ne s'applique qu'autant que cette introduction des agents

(1) Nous avons déjà eu l'occasion, à propos d'une autre affaire de revision, de signaler les lacunes que présentent parfois les instructions criminelles. V. la note sous Cass. réun. 31 janv. 1906 (S. et P. 1909.1.531; Pand. pér., 1909.1. 531). Nous n'entendons certes pas poser en règle ce qui n'est heureusement qu'un fait très rare, et la présente affaire vient montrer comment des fonctionnaires, qui devraient être des auxiliaires empressés des magistrats, peuvent être, par leur négligence, les auteurs responsables de leur documentation insuffisante.

En l'espèce, un individu avait été arrêté sous prévention d'un vol de bicyclette, et placé en état de détention préventive. Pendant son incarcération, il donna des signes d'aliénation mentale; les gardiens de la maison d'arrêt, croyant se trouver en présence d'un simulateur, ne jugèrent pas à propos de signaler ces faits, soit au parquet, soit au tribunal, et le prévenu fut condamné sans

a lieu au cours d'une opération déjà commencée, et en suivant une marchandise qui, transportée en fraude, serait, au moment d'être saisie, introduite dans une habitation pour la soustraire à leurs recherches et à leurs constatations; qu'il faut, en outre, que ces circonstances résultent, soit des énonciations du procès-verbal lui-même, soit des faits relevés par les juges du fond et constatés par leur décision; Attendu qu'il est énoncé dans le procès-verbal dressé par Bellurot, commis des contributions indirectes à Tourcoing,

que cet agent, se trouvant, le 11 juill. 1908, Grand Place, à Tourcoing, a aperçu Hardy, coursier au service de Grau, marchand en gros de cette ville, porteur de deux litres, qui paraissaient contenir des spiritueux, s'introduisant chez la veuve Dupont, débitante en boissons; qu'il pénétra chez cette femme; que Hardy lui déclara que les litres qu'il transportait contenaient de l'anisette, et qu'il n'avait aucun titre légitimant leur entrée dans le débit »; Attendu qu'après avoir reproduit ces énonciations du procès-verbal, l'arrêt attaqué ajoute qu'elles suffisent à elles seules à justifier l'introduction de l'employé Bellurot dans le domicile de la veuve Dupont »; Mais attendu, d'une part, qu'il ne résulte pas de ces énonciations que l'employé Bellurot ait procédé en cas de contravention actuelle et flagrante, en poursuivant dans le débit de boissons une opération déjà commencée sur la voie publique; que, d'autre part, si l'arrêt tient cette circonstance pour constante, il ne le fait qu'en se référant au procès-verbal, alors que celui-ci n'en dit rien, et qu'elle ne peut s'induire non plus des énonciations qu'il contient; — Attendu, dès lors, qu'en déclarant valable le procèsverbal dressé dans ces conditions, l'arrêt attaqué a violé l'article de loi visé par le pourvoi; Casse...; renvoie devant la Cour d'appel de Nancy, etc.

Du 18 janv. 1912.

Ch. réun.

MM. Baudouin, ler prés. ; Bulot, rapp.; Sarrut, proc. gén.; de Lalande et Aubert, av.

CASS.-CRIM. 26 octobre 1911.

REVISION, FAIT NOUVEAU, FOLIE (Rép.,

avoir été soumis à un examen médical. La Cour de cassation s'est vu obligée de procéder à la revision de cette condamnation, parce que, depuis la condamnation, il avait été établi que le prétendu responsable était un inconscient, atteint de paralysie générale au moment de son délit.

Il apparaîtra certainement singulier et regrettable que de simples gardiens de prison se taisent sur l'attitude tenue par les prévenus qui leur sont remis. Ce ne sont pas des médecins pour discerner avec exactitude si une folie est réelle ou simulée; et leur jugement sur ce point ne paraît pas sûr. Au reste, que la folie fût simulée ou non, cela était indifférent; en aucun cas, les gardiens ne pouvaient se dispenser d'avertir la justice réelle, la folie arrêtait les poursuites; feinte, elle constituait une forte présomption de culpabilité à la charge du prévenu. Le parquet doit donc se préoccuper d'être toujours exactement renseigné sur les faits des individus placés en état de détention préventive;

vo Revision de procès, n. 111 et s.; Pand. Rép., v Revision des procès criminels, n. 91 et s.).

La preuve faite, postérieurement à la condamnation, de l'état de démence du condamné au moment de l'action, constitue un fait nouveau, de nature à justifier la demande de revision (1) (C. instr. crim.. 443, n. 4).

(Davoust). ARRÊT.

LA COUR; Sur la recevabilité de la demande en revision: Attendu que la Cour a été saisie par son procureur général, en vertu d'un ordre du ministre de la justice, agissant après avoir pris l'avis de la commission instituée par l'art. 444, C. instr. crim.; que la demande rentre dans le cas prévu par le dernier paragraphe de l'art. 443; qu'elle a été introduite dans le délai déterminé par l'art. 444; qu'enfin, le jugement, dont là revision est demandée, est passé en force de chose jugée; que, dès lors, le pourvoi en revision est recevable; - Sur l'état de la proAttendu que les pièces produites permettent à la Cour de statuer sur le fond en pleine connaissance de cause; qu'il n'y a pas lieu, par suite, d'ordonner, ni un plus ample informé, ni l'apport de pièces supplémentaires;

cédure :

Au fond: Attendu que Davoust (Eugène-Louis) a été arrêté le 11 mai 1910, à Charenton, en flagrant délit de vol d'une bicyclette sur la voie publique, et que, par le jugement susénoncé du 27 du même mois, il a été condamné à quatre mois d'emprisonnement à raison de ce vol; qu'il s'était constamment borné à alléguer, pour sa défense, qu'il avait agi « sous l'influence de la boisson »; mais que, dès cette époque, il avait commis, en prison, des actes qui l'avaient fait considérer par ses gardiens comme simulant la folie, sans que ces actes aient d'ailleurs été portés à la connaissance de l'autorité judiciaire: Attendu qu'ultérieurement, et alors qu'il subissait sa peine dans la prison de Fresnes, il a présenté, au point de vue mental, des troubles à raison desquels il a dù être transféré à l'infirmerie spéciale du dépôt pour y être examiné; que, dès le 24 juill. 1910, le médecin et des mesures devraient être prises par l'admi nistration pénitentiaire pour qu'il le soit efficace

ment.

Un autre enseignement à tirer de l'affaire, c'est que les magistrats devraient, en quelque sorte d'office, porter toujours leur attention sur l'état mental de la personne qui comparaît devant eux. Depuis les progrès de l'alcoolisme, l'aliéné criminel est plus fréquent qu'on ne le croit communément; et, si l'habitude se prenait de toujours vérifier, avant de renvoyer un inculpé devant une juridiction de jugement ou avant de prononcer une condamnation, sa mentalité particulière, qui est un facteur capital de sa culpabilité, il ne se commettrait pas des erreurs dans le genre de celle qui est relevée ici, et que l'on retrouve pareille, à quelques mois d'intervalle, dans l'affaire d'un condamné à mort, heureusement non exécuté. et mort quelques mois après, dans un hôpital, atteint de folie. V. Revue pénitentiaire, 1911, p. 442 etx.

adjoint de cette infirmerie le déclarait atteint de paralysie générale, et, en conséquence, dans un état mental nécessitant son placement dans un asile d'aliénés; - Attendu que Davoust a été aussitôt interné à l'asile de Ville-Evrard, et que le médecin en chef de cet établissement constatait, à la date du 3 déc. 1910, qu'il présentait les symptômes d'une paralysie générale arrivée à la dernière période, et dont les débuts paraissaient remonter à une époque antérieure au mois de mai précédent, et même à plus d'un an; Attendu qu'au cours de l'enquête administrative, à laquelle il a été procédé pour l'instruction de la demande en revision, le médecin adjoint de l'infirmerie spéciale a été appelé à se prononcer sur la responsabilité de Davoust, et que, se fondant tant sur les observations qu'il avait faites personnellement au mois de juillet précédent que sur le certificat de situation du médecin en chef de Ville-Evrard, du 6 déc. 1910, il a déclaré, dans un rapport du 12 févr. 1911, qu'à la date du 11 mai 1910, Davoust était déjà en puissance de paralysie générale, et, par conséquent, irresponsable; qu'il a ajouté que, de toute certitude, au moment du vol, Davoust avait agi en paralytique général »; tendu que toutes les circonstances de l'affaire autorisent à tenir cette appréciation pour fondée; Attendu qu'ainsi révélée postérieurement au jugement de condamnation, l'irresponsabilité de Davoust au moment de l'action constitue un fait nouveau, inconnu des premiers juges, et d'où il résulte, en outre, que le fait pour lequel il a été condamné ne constituait, dès lors, aux termes de l'art. 64, C. pén., ni crime, ni délit; qu'il y a done Et lieu de casser le jugement attaqué; attendu que Davoust est décédé le 31 janv. 1911; Casse le jugement du tribunal correctionnel de la Seine du 28 mai 1910, etc. Du 26 oct. 1911. - Ch. crim. MM. Bard, prés. Thibierge, rapp.: Eon, av. gén. Jouarre, av.

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CASS.-CRIM. 20 janvier 1912. ESCROQUERIE, MANOEUVRES FRAUDULEUSES, EN-TÊTE DE LETTRES (Rép., vo Escroquerie, n. 55 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 104 et s.).

Il y a mise en œuvre d'actes matériels et extérieurs, corroborant les allégations mensongères du prévenu, et présentant, par suite, les caractères des manoeuvres frauduleuses

(1) La jurisprudence étend de plus en plus la notion de l'escroquerie. Son but est certainement moral. Mais on peut se demander si la condition de manoeuvres frauduleuses, écrite dans l'art. 405, C. pén., n'est pas effacée par les décisions de la jurisprudence, et si la règle qu'un mensonge, même formulé par écrit, ne constitue pas, lorsqu'il émane uniquement du prévenu, le fait matériel et extérieur caractéristique de la manoeuvre frauduleuse (V. Cass. 8 févr. 1900, S. et P. 1902.1.248; 8 août 1907, S. et P. 1911.1.348; Pand. pér., 1911.1.348, les notes et renvois; adde, notre C. pén. annoté, par Garçon, sur l'art. 405, n. 27), ne devient pas lettre morte. Naguère la Cour de cassation a

constitutives du délit d'escroquerie, dans le fait de se servir, pour commander des marchandises, de lettres portant un en-tête imprimé en vue de faire croire, contrairement à la réalité, à l'existence d'un commerce important et sérieux (1) (C. pén., 405).

(Labbé). ARRÊT.

LA COUR: Sur le moyen pris de la violation de l'art. 405, C. pén., et de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que l'arrêt attaqué a condamné le demandeur comme coupable d'escroquerie, alors qu'aucun des faits relevés contre lui ne constituerait la manoeuvre frauduleuse qui est l'un des éléments indispensables du délit :

Attendu qu'il résulte des énonciations du jugement, dont l'arrêt attaqué s'est approprié les motifs, que, pour se faire reinettre des objets mobiliers, notamment des moteurs, une pompe et une dynamo, par Tilmont, Labbé a adressé à celui-ci une lettre à en-tête ainsi libellé : « Louis Labbé, ingénieur, 61, rue des Templiers.

Houblons fins de tous pays. Achat et vente de matériel d'occasion, pour toutes industries et métaux divers, Réfrigérant portefeuille Labbé, entièrement démontable, breveté S. G. D. G. en France et à l'étranger; marque déposée, spécial pour brasseries, distilleries, laiteries, etc. Commission », alors qu'en réalité, il n'avait aucun magasin, qu'il habitait à CanteleuLhomme, rue des Templiers, 65, un appartement loué au nom de ses nièces, et d'un loyer mensuel de 26 fr.; qu'il n'avait aucun établissement commercial, et n'était nullement ingénieur; Attendu qu'il y a mise en œuvre d'actes matériels et extérieurs corroborant les allégations mensongères du prévenu, et constituant, par suite, les manoeuvres frauduleuses du délit d'escroquerie, dans le fait de se servir, pour commander des marchandises, de lettres portant un en-tête imprimé, en vue de faire croire, contrairement à la réalité, à l'existence d'un commerce important et sérieux; Attendu, en outre, que l'arrêt Reattaqué est régulier en la forme; jette le pourvoi contre l'arrêt du 21 févr. 1911 de la Cour d'appel de Douai, etc. Du 20 janv. 1912. Ch. crim. MM. Bard, prés.; Paillot, rapp.; Eon, av. gén.; Coutard, av.

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CASS.-CRIM. 15 février 1912. DÉCLINATOIRE, MATIÈRE RÉPRESSIVE, JONCTION AU FOND, EXCÈS DE POUVOIR, DÉFENSE

vu l'existence de ces manoeuvres dans l'insertion d'annonces dans les journaux en vue de faire croire à une entreprise imaginaire. V. Cass. 7 févr. 1908 (S. et P. 1908.1.208; Pand. pér., 1908.1.208). V. aussi, Cass. 14 févr. 1908 (S. et P. 1909.1.64; Pand. pér., 1909.1.64). Cette solution prêtait déjà à des objections. V. les notes sous les arrêts précités. Cependant, aujourd'hui, la Cour de cassation fait un pas de plus vers le mensonge écrit, et voit la manoeuvre frauduleuse dans l'emploi d'un en-tête de lettres commerciales mensonger, quoiqu'il s'agisse d'affirmations purement personnelles et propres au prévenu. V. dans le même sens, Cass. 5 juin 1908 (Bull. crim., n. 238); 13 août 1908

DROITS DE LA) (Rép., vo Déclinatoire, n. 128 et s.; Pand. Rép., v Exceptions et fins de non-recevoir, n. 39 et s.).

Le devoir du juge, appelé à statuer sur une exception d'incompetence, est de se renfermer strictement dans l'examen de la question qui lui est soumise, et de n'envisager les faits incriminés que dans leur rapport avec la loi pénale et avec les lois de compétence, abstraction faite de la question de culpabilité du prévenu, laquelle est réservée pour faire l'objet d'un débat ultérieur (2) (C. proc., 172).

Commet donc un excès de pouvoir, et viole les droits de la défense, l'arrêt qui, saisi d'une exception d'incompétence, affirme la culpabilité du prévenu, et préjuge ainsi la solution de la question de fond (3) (Id.).

(Pérés et autres).

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LA COUR; Sur le moyen pris de la violation des droits de la défense et excès de pouvoir, en ce que l'arrêt attaqué, pour statuer sur la compétence, a préjugé la solution de toutes les questions de fond: - Vu ensemble l'art. 172, C. proc.; - Attendu que le devoir du juge, appelé à statuer sur une exception d'incompétence, est de se renfermer strictement dans l'examen de la question qui lui est soumise, et de n'envisager les faits incriminés que dans leur rapport avec la loi pénale et avec les lois de compétence, abstraction faite de la question de culpabilité du prévenu, laquelle est réservée pour faire l'objet d'un débat ultérieur; Attendu que l'arrêt de la Cour d'appel de Toulouse a méconnu ce principe qu'au lieu de se borner à l'examen de la question de compétence, il a, prématurément et avant tout débat sur le fond, affirmé la culpabilité des prévenus, en déclarant que l'inobservation de la loi qui leur était reprochée constituait un délit, qu'elle avait été volontaire et intentionnellement accomplie « pour préparer une manoeuvre de nature à altérer la sincérité des opérations électorales »;

Attendu que l'arrêt attaqué, en préjugeant ainsi la solution de la question du fond, a tout à la fois commis un excès de pouvoir et violé les droits de la défense; D'où il suit que cet arrêt doit être annulé; - Casse l'arrêt de la Cour d'appel de Toulouse du 25 oct. 1911, etc. Du 15 févr. 1912. MM. Bard, prés.; Lecherbonnier, rapp.; Eon, av. gén.; Raynal, av.

Ch. crim.

(Bull. crim., n. 363). — Au lieu d'enfler démesurément, et par conséquent contrairement à la lettre et aussi à l'esprit de la loi, la notion de la manœuvre frauduleuse, on pourrait se demander, au moins dans un certain nombre de cas, si on n'arriverait pas aux mêmes solutions que la jurisprudence, en retenant la fausse qualité de commerçant, qui, à défaut de manoeuvres frauduleuses, suffit pour caractériser le délit d'escroquerie. V. notre C. pén. annoté, par Garçon, loc. cit., n. 32, 82 et s. (2-3) V. conf., Cass. 17 nov. 1905 (S. et P. 1908. 1.557; Pand. pér., 1908.1.557); 31 juill. 1908 (Bull. crim., n. 341). V. aussi la note sous Cass. 17 nov. 1905, précité.

CASS.-REQ. 27 avril 1911. SMISIE-ARRET, TRAITEMENT DES FONCTIONNAIRES, CRÉANCIERS D'ALIMENTS, FEMME, INSTANCE EN DIVORCE, PENSION ALIMENTAIRE, GARDE DES ENFANTS (Rép., v° Saisiearrêt, n. 413 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 870 et s.).

La loi du 21 vent. un 9, en soustrayant en majeure partie le traitement du fonctionnaire public à l'action de ses créanciers,

(1-2) Il est bien certain que les traitements, appointements, salaires, pensions ou retraites des fonctionnaires, employés ou ouvriers, sont, d'une façon générale, destinés à assurer la subsistance, non seulement de celui à qui ils sont dus, mais aussi de sa famille, des personnes qu'il a l'obligation légale de nourrir et d'entretenir. C'est une vérité élémentaire; la raison, l'équité, la morale, l'intérêt social, l'imposent d'une façon à notre avis incontestable. On a toujours admis qu'il faut prendre en considération les charges de famille des fonctionnaires, employés ou ouvriers, pour fixer le montant de leurs traitements, appointements ou salaires ; et, dans les cas nombreux où on a établi des règles sur l'insaisissabilité des traitements ou salaires, on a toujours avec raison affirmé la nécessité de mettre à l'abri des poursuites des créanciers du fonctionnaire, de l'employé ou de l'ouvrier, ce qui est nécessaire à l'existence de sa famille. Il y a pour le fonctionnaire, l'ouvrier ou l'employé une obligation juridique d'affecter à sa famille le produit de son travail. La loi du 13 juill. 1907, art. 7 (S. et P. Lois annotées de 1908, p. 593; Pand. pér., Lois annotées de 1908, p. 593), n'a fait que formuler d'une manière plus précise et sanctionner plus simplement et plus énergiquement cette obligation, quand elle a donné à chaque époux le droit de demander au juge de paix d'ordonner la saisie d'une partie du produit du travail de l'autre époux, si celui-ci ne subvient pas spontanément aux dépenses de la famille. L'obligation qui pèse sur le mari est à cet égard si forte qu'on a souvent proposé de la sanctionner par des peines correctionnelles, et d'ériger en délit le fait de celui qui abandonne sa famille et ne subvient pas à sa subsistance.

Nombreux sont les textes qui ont fait des applications de ce principe, et qui ont réservé, sur les traitements, salaires ou pensions, en formulant leur insaisissabilité totale ou partielle, le droit exceptionnel de saisie des personnes auxquelles le fonctionnaire, employé ou ouvrier, en activité ou en retraite, doit des aliments. Ainsi, en ce qui concerne tout d'abord les pensions, les lois des 11 avril 1831 (art. 28) et 18 avril 1831 (art. 30), sur les pensions militaires, réservent un droit de saisie d'un tiers aux personnes créancières d'aliments en vertu des art. 203 et 205, C. civ. (enfants et ascendants). Les lois de 1831 ne visant pas les art. 212 et 214, C. civ., la question s'est posée de savoir si un droit de saisie existe au profit de la femme de l'officier pensionné; à notre avis, ce droit doit être reconnu; il existe sans qu'il soit besoin d'un texte spécial, à raison même de l'affectation de la pension et de l'obligation légale de son titulaire. V. à cet égard, en sens divers, Cass. 24 déc. 1883 (S. 1885.1.17. - - P. 1885.1.25), la note et les renvois; Rennes, 26 avril 1893 (S. et P. 1894.2.307); Trib. de Caen, 27 juill. 1891 (S. et P. 1892.2.160). Au surplus, un avis du Conseil d'Etat du 11 janv. 1808 (S. 1 vol. des Lois annotées, p. 764) reconnaît au ministre le droit d'orANNÉE 1913. 5 cal.

-

a eu pour but d'assurer convenablement les moyens d'existence de ce fonctionnaire el ceux de sa famille; ainsi, ayant un caractère essentiellement alimentaire, la portion réservée du traitement constitue, le cas échéant, au même titre que la partie saisissable, et dans la mesure qu'il appartient aux tribunaux de déterminer, le gage des créanciers d' « aliments », qui ne sauraient être assimilés à des créanciers ordinaires, ni se voir opposer une interdiction destinée à leur profiter comme au fonctionnaire lui

donner une retenue d'un tiers sur la pension du militaire qui ne remplit pas, à l'égard de sa femme et de ses enfants, les obligations à lui imposées par la loi. Notons d'ailleurs que la loi du 19 mai 1834, art. 20 (S. 2o vol. des Lois annotées, p. 233), sur les pensions de réforme des militaires, réserve un droit de saisie pour un tiers, non seulement dans les cas prévus par les art. 203 et 205, mais aussi dans celui de l'art. 214, O. civ. Quant aux pensions civiles, la loi du 9 juin 1853 (art. 26) donne un droit de saisie du tiers aux créanciers d'aliments dans les cas des art. 203, 205, 206, 207, 214, C. civ., c'est-à-dire dans tous les cas d'obligation alimentaire. V. encore, sur le droit de saisir les pensions civiles et militaires, l'ordonn. sur la comptabilité publique du 31 mai 1838 (S. 2° vol. des Lois annotées, p. 458), art. 231, et le décret sur la comptabilité publique du 31 mai 1862 (S. Lois annotées de 1862, p. 59. P. Lois, décr., etc. de 1862, p. 101), art. 267 et 268.

Des règles analogues se trouvent admises dans d'autres textes particuliers. Ainsi, un décret du 14 mai 1856 (S. Lois annotées de 1856, p. 48. -P. Lois, décr., etc. de 1856, p. 81), sur les pensions de retraite des artistes et employés du théâtre de l'Opéra, réserve (art. 35) la saisie d'un tiers dans les cas prévus par les art. 203, 205, 206, 207, 214, C. civ. Un décret du 12 juill. 1899 (S. et P. Lois annotées de 1900, p. 958) donne (art. 25), dans les cas des art. 203, 205, 206, 207, 214, C. civ., un droit de saisie du tiers sur les pensions, indemnités et secours dus aux sapeurs-pompiers. Un autre décret du 14 juill. 1908 (S. et P. Lois annotées de 1908, p. 769; Pand. pér., Lois annotées de 1908, p. 769) (art. 26) reconnaît le droit de saisie d'un tiers, dans les cas des art. 203, 205, 214, C. civ., sur les pensions et secours payés par la Caisse des invalides de la marine.

On sait d'ailleurs que la règle de l'art. 582, C. proc., d'après laquelle les provisions alimentaires ne peuvent être saisies que pour cause d'aliments, est étendue aux pensions alimentaires de l'art. 581; on réserve ainsi un droit de saisie, non seulement aux créanciers qui ont fourni des aliments (Cass. 18 janv. 1875, S. 1875.1.153. P. 1875.366), mais aussi à ceux auxquels des aliments sont dus d'après les art. 203 et s., C. civ. V. en ce sens, les auteurs cités en note sous Cass. 18 janv. 1875, précité. Adde, Dodo, De la saisiearrêt, n. 125; Leurquin, Code de la saisie-arrêt, n. 647 et 666. V. toutefois les autorités citées en sens opposé sous Cass. 18 janv. 1875, précité, et sous Cass. 18 mars 1902 (S. et P. 1906.1.214). II peut exister d'ailleurs des cas exceptionnels, dans lesquels une pension, notamment une pension allouée à titre d'indemnité, est constituée, non en vue d'assurer la subsistance du pensionné et de sa famille, mais avec le caractère de pension essentiellement personnelle et nominative, à l'abri de toute saisie, même de la part de la femme du pensionné. V. Cass. 18 mars 1902, précité, et la note. Quant aux traitements, appointements ou sa

même (1) (C. civ., 214; C. proc., 580; L. 21 vent. an 9, art. 1er).

En conséquence, la saisie-arret, pratiquée par la femme d'un percepteur, sur le traitement de ce fonctionnaire, pour avoir paiement de la pension à elle allouée au cours de son instance en divorce, afin de subvenir à ses besoins et à ceux des enfants issus du mariage, dont la garde lui a été confiée, a pu être validée jusqu'à concurrence de moitié des quatre cinquièmes, non saisissables, du traitement du percepteur (2) (Id.).

laires, on sait que la loi du 12 janv. 1895 (S. et P. Lois annotées de 1895, p. 913; Pand. pér., 1896. 3.1), sur la saisie des salaires et petits traitements. après avoir réduit le droit de saisie au dixième seulement, avait excepté (art. 3) du principe par elle posé les créanciers d'aliments en vertu des art. 203, 205, 206, 207, 214 et 349, C. civ. Cette disposition a été reproduite dans l'art. 63, liv. 1er, C. trav. Des textes, visant la solde des officiers, ont réservé au ministre le droit de percevoir des retenues pour le paiement des dettes alimentaires résultant des art. 203, 205, 214, C. civ. V. Ordonn., 19 mars 1823 (S. 1er vol. des Lois annotées, p. 1089), art. 428; Ordonn. 25 déc. 1837 (S. 2 vol. des Lois annotées, p. 399), art. 444; Ordonn. 22 juin 1847 (S. Lois annotées de 1847, p. 37. - P. Lois, décr., etc. de 1847, p. 502), art. 393; Décr., 24 sept. 1896 (S. et P. Lois annotées de 1897, p. 261), art. 120. D'autres textes disposent que les soldes des officiers mariniers et marius des équipages de la flotte sont exceptionnellement soumises à la saisie dans le cas des art. 203, 205, 214, C. civ. V. Décr., 11 août 1856 (S. Lois annotées de 1856, p. 187. P. Lois, décr., etc. de 1856, p. 324), art. 250; Décr., 10 juill. 1895 (S. et P. Lois annotées de 1896, p. 6), art. 351.

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Tous ces textes, qui ne sont pas toujours d'une concordance parfaite, ne sont, nous l'avons dit, que des applications d'une règle supérieure et plus générale, d'après laquelle, les traitements, salaires, pensions étant destinés à faire vivre la famille de celui à qui ils sont dus, la règle de l'insaisissabilité ne peut être opposée aux personnes créancieres d'aliments en vertu des art. 203 et s., C. civ., et notamment à la femme et aux enfants. Là où les textes font défaut ou sont incomplets, le droit de saisie n'en doit donc pas moins être admis, comme résultant du principe supérieur d'affectation des traitements et pensions. C'est à ce point de vue que s'est placée la Cour de cassation, quand elle a admis, dans un arrêt du 28 nov. 1900 (S. et P. 1901.1.257, et la note de M. Lyon-Caen; Pand. pér., 1901.1.57), que le salaire des gens de mer, insaisissable en principe pour le tout, peut cependant être saisi pour le paiement de la pension alimentaire à laquelle le marin a été condamné au profit de sa femme et de ses enfants. Aucun texte ne le dit; mais l'arrêt affirme avec raison que le principe d'insaisissabilité ne peut être invoqué contre les engagements qui ne procèdent pas de la volonté du marin, mais qui, comme les obligations nées du mariage, ont leur source dans un principe supérieur d'ordre public, et dérivent directement et immédiatement de la loi elle-même ».

a

L'arrêt ci-dessus de la chambre des requêtes fait application du même principe. Il statue sur le cas, qui a été souvent discuté, mais que la Cour de cassation n'avait pas encore eu à juger, du droit de saisie de la femme du fonctionnaire civil.

On sait que la loi du 21 vent. an 9 (S. 1 vol. des Lois annotées, p. 557) a déclaré que les traitements des fonctionnaires civils sont saisissables seulement à concurrence d'un cinquième sur les I PART. 30

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