Images de page
PDF
ePub

limitée dans ses effets à la colonie et à une durée de quatre ans, est, non seulement contraire à la liberté du commerce et de l'industrie, mais encore attentatoire à la liberté humaine et au droit de vivre, et qu'ils refusent de la sanctionner, comme contraire à l'ordre public (1) (C. civ., 6, 1131, 1133, 1172, 1780; L. 2-17 mars 1791, art. 7).

(Speidel et Cie C. Hardegg). ARRÊT. LA COUR; Sur le moyen du pourvoi, pris de la violation de l'art. 7 de la loi des 2-17 mars 1791 (en ce que l'arrêt attaqué a déclaré nulle comme contraire à l'ordre public une convention entre un patron et son employé, par laquelle le patron stipule que son employé, quand il le quittera, ne pourra pas, pendant quatre ans, s'établir dans une région qu'il précise, alors que l'interdiction à l'employé, étant limitée et quant au lieu et quant au temps, rentre dans le domaine des libres conventions et n'est en rien contraire à l'ordre

public): Attendu que, de l'arrêt attaqué, il résulte que, le 27 sept. 1904, le sieur Hardegg, employé de commerce, acceptait les conditions d'un engagement que lui offrait la maison Speidel, dans une lettre du 29 septembre précédent, où on relève la clause suivante : « Vous vous engagez à ne pas entrer dans une autre maison de commerce de l'Indo-Chine francaise pendant les quatre ans qui suivront votre sortie de notre maison, de ne pas en fonder une, de vous abstenir de toute affaire pour votre compte personnel »; Attendu que ledit arrêt constate que cet engagement contenait, de la part de Hardegg. au profit des sieurs Speidel, non une interdiction d'exercer dans la colonie un commerce ou une branche de commerce similaire, de nature à leur être préjudiciable, mais une prohibition générale de

principes sur lesquels elle repose. Les précédents arrêts visaient des clauses prohibitives d'un seul genre de commerce ou d'industrie; ils les déclaraient valables, à la condition que la prohibition fût limitée, soit quant à sa durée, soit quant aux lieux où elle devait être appliquée, ces limitations étant jugées indispensables au respect de la liberté du commerce ou du travail. V. Cass. 2 juill. 1900 (S. et P. 1904.1.175); 14 mars 1904 (S. et P. 1904. 1.444), et les renvois. Adde, Limoges, 25 nov. 1910 (S. et P. 1911.2.179; Pand. pér., 1911.2.179), et les renvois. Le motif qui inspire cette jurisprudence devait logiquement conduire à la solution donnée par l'arrêt ci-dessus. L'interdiction générale de faire le commerce, même si elle est restreinte à un laps de temps relativement court et à un pays déterminé, constitue une entrave complète à la liberté du travail et porte à cette liberté la plus grave atteinte, en forçant celui qui l'a souscrite à s'expatrier pour vivre, s'il n'a d'autres ressources que celles que lui procure son travail. La solution eût pu être différente, si, au lieu de s'appliquer à toute l'Indo-Chine, l'interdiction stipulée se fût appliquée seulement à une ville ou à une province de cette colonie; les raisons qui viennent d'être exposées n'auraient pas existé, en effet, en semblable hypothèse.

L'arrêt que nous rapportons mérite d'autant plus d'attirer l'attention qu'il n'existe, à notre connaissance, aucun précédent de jurisprudence sur la question même qu'il a solutionnée. On ne

faire un commerce quelconque et même aucune affaire, soit pour son compte, soit pour autrui; que Hardegg, qui est commerçant et n'a d'autre moyen d'existence que l'exercice de cette profession, était mis par une telle interdiction dans une véritable impossibilité de vivre; - Attendu que la Cour d'appel apprécie que, dans cet état des faits, cette clause, quoique limitée dans ses effets à la colonie et à une durée de quatre ans, était, non seulement contraire à la liberté du commerce et de l'industrie, mais encore attentatoire à la liberté humaine et au droit de vivre; qu'en refusant de sanctionner cette clause comme contraire à l'ordre public, l'arrêt attaqué n'a violé, ni l'article invoqué, ni les principes de la matière; - Rejette le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 24 sept. 1909 par la Cour d'appel d'Indo-Chine, etc. Du 17 mai 1911. — Ch. req. MM. Tanon, prés.; Loubers, rapp.; Lénard, av. gén. (concl. conf.); Dufourmantelle, av.

CASS.-CIV. 2 décembre 1912.

1° NOTAIRE, ACTE NOTARIE, INTÉRÊT PERSONNEL, NULLITÉ, PRÈT, EMPLOI PARTIEL A INDEMNISER LE NOTAIRE (Rép.. v° Notaire. n. 459 et s.; Pand. Rép., vis Actes notariés, n. 320 et s., Notaire, n. 3123 et s.). 2 GARANTIE, ACTION RECURSOIRE, PRÊT, ACTION EN REMBOURSEMENT, NOTAIRE, COMPTE (REDDITION DE), CONCLUSIONS, INTERPRETATION, CONNEXITÉ (ABSENCE DE), FIN DE NON-RECEVOIR (Rép., v Garantie, n. 61 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 49 et s., 90 et s., 146 et s.). 3 DEPENS, ENREGISTREMENT (DROITS D'), LETTRE, DOMMAGES-INTERETS (Rép., v Dépens, n. 2333 et s.; Pand. Rép., v Frais et dépens, n. 854 et s.). 4o DOMMAGES-IN

[ocr errors]

peut invoquer en effet, comme la tranchant implicitement, un arrêt de Cass. 20 janv. 1891 (S.1891. 1.440. P. 1891.1.1084; Pand. pér., 1891.1.272), admettant que les juges du fond avaient usé de leur pouvoir souverain d'interpréter des conventions, à la condition de ne pas les dénaturer, en décidant qu'une convention, par laquelle un directeur d'établissement commercial s'était engagé, en quittant un établissement, à ne pas s'intéresser dans une autre affaire dans la même ville pendant trois années, devait être interprétée dans le sens d'une simple interdiction de faire un commerce semblable, et non d'une interdiction de faire toute espèce de commerce; c'était simplement la portée de la convention qui était en question, et non sa validité, au cas où il aurait été admis qu'elle s'étendait à toute espèce de négoce. V. d'ailleurs, sur le pouvoir d'interprétation des juges du fond en cette matière, Cass. 20 janv. 1891, précité, et les renvois; 3 mai 1899 (S. et P. 1901.1.183); 14 mars 1904, précité, et les renvois.

(1) V. la note qui précède.

(2-3) L'arrêt ci-dessus rentre dans la jurisprudence d'après laquelle il n'y a pas disposition en faveur du notaire rédacteur d'un acte, au sens de l'art. 8 de la loi du 25 vent. an 11, par cela seul que cet acte a pu avoir pour résultat de procurer au débiteur du notaire rédacteur de l'acte des fonds à l'aide desquels le notaire a été remboursé de sa créance, s'il ne résulte pas de l'acte lui-même, pour le notaire, un droit distinct et personnel, ayant

TÉRETS, ACTION EN JUSTICE, FAUTE, CARACTERES (Rép., v Dommages-intérêts, n. 140 bis; Pand. Rép., v Responsabilité civile, n. 608 et s.).

1o L'art. 8 de la loi du 25 vent. an 11, qui interdit aux notaires de recevoir des actes où ils sont parties, ou qui contiennent quelques dispositions en leur faveur, ne visé que les actes dans lesquels ils sont parties, soit directement, soit par prête-nom, ou desquels un droit résulte pour eux (2) (L. 25 vent. an 11, art. 8).

On ne saurait, sans en forcer les termes, l'appliquer à un acte de prêt, dont le caractère sérieux est reconnu, par la seule raison que le notaire, en vertu d'un droit distinct et personnel, ne constituant pas une conséquence obligatoire de l'acte dressé par lui, aurait ultérieurement reçu une partie des sommes empruntées en paiement de ce qui lui était dù (3) (Id.).

2o Au cas où un emprunteur, assigné en remboursement par le préteur, a exercé une action récursoire contre le notaire rédacteur de l'acte de prêt, les juges du fond décident à bon droit que cette action ne présentait pas les caractères d'un recours en garantie, lorsque, des conclusions de l'emprunteur, qui, à raison de leurs variations successives, prétaient à interprétation, ils ont déduit que l'action récursoire, qui avail pour base principale la détention par le notaire de partie des fonds provenant des prets et son obligation de rendre compte, n'était pas connexe à l'instance principale, qu'elle procédait d'une cause et d'un contrat distincts, et que, par suite, elle aurait dû faire l'objet d'une demande principale (4) C. proc., 59, 181).

3 Si, par dérogation à l'art. 31 de la lor du 22 frim, an 7, les juges peuvent, en certains cas, et à raison d'une faute commise

des conséquences obligatoires. V. la note de M. Wahl sous Cass. 16 janv. 1901 (S. et P. 1902. 1.65). V. aussi la note sous Cass. 30 janv. 1911 (S. et P. 1911.1.396; Pand. pér., 1911.1.396). Cette solution a été consacrée à différentes reprises dans l'hypothèse, qui était celle de l'arrêt ci-dessus, où un notaire a reçu un acte de prêt dont les deniers ont été employés en partie à le désintéresser. V. Cass. 16 janv. 1901 (S. et P. 1902.1.65, et les renvois de la note de M. Wahl; Pand. pér., 1901. 1.317). V. d'aillenrs, sur le principe que l'art. 8 de la loi du 25 vent. an 11 doit être interprété restrictivement, Caen, 4 mai 1910 (S. et P. 1912.2. 106; Pand. pér., 1912.2.106), et la note.

(4) L'action récursoire, qui ne se rattache à l'action principale par aucun lien de dépendance nécessaire, ni même de connexité la plus éloignée, et dont le sort est indépendant de la solution qui sera donnée à l'action principale, n'a pas le caractère d'une demande en garantie, mais bien celui d'une demande principale et directe, qui doit, dės lors, être portée, selon le droit commun, devant le tribunal du domicile du défendeur. V. Cass, 1er août 1892 (S. et P. 1892.1.584; Pand. pér., 1893.1.254), la note et les renvois; notre C. proc. annoté, par Tissier, Darras et Louiche - Desfontaines, sur l'art. 59, n. 469 et s.; et notre Rép. gén, du dr. fr., vo Garantie, n. 61 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 49 et s. V. aussi la note sous Cass. 18 oct. 1909 (S. et P. 1910.1.140; Pand. pér., 1910.1. 140).

par une partie, mettre à sa charge les frais d'enregistrement des actes ou documents produits au cours du litige, ce ne peut être qu'à la condition de constater une faute suffisamment caractérisée pour justifier une condamnation à des dommagesintérêts (1) (C. civ., 1382; C. proc., 130; L. 22 frim. an 7, art. 31):

Doit, par suite, être cassé l'arrêt qui condamne, à titre de dommages-intérêts, une partie aux frais d'enregistrement d'une lettre produite, en se bornant à déclarer que sa prétention non justifiée en a nécessité la production » (2) (Id.).

4° En effet, l'action en justice est un droit, dont l'exercice ne dégénère en faute, pouvant donner ouverture à des dommages-intérêts, que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi, ou, tout au moins, une erreur grossière équipollente au dol (3) (C. civ., 1382).

(De Castellan C. Me G... et Vve Sallard).

Les époux de Castellan se sont pourvus en cassation contre un arrêt de la Cour de Bourges, en date du 10 nov. 1908. Jer Moyen. Violation des art. 8 et 68 de la loi du 25 vent. an 11, et 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que l'arrêt attaqué a refusé de prononcer la nullité des actes des 1er avril, 7 et 17 mai 1905 et du 10 avril 1906, intervenus entre les époux David et Mme veuve Sallard, et passés devant un notaire qui avait un intérêt personnel auxdits actes, sous prétexte que les articles susvisés de la loi du 25 vent. an 11 ne seraient applicables qu'aux obligations où le notaire était partie, soit personnellement, soit par un prête-nom, et que, d'autre part, les actes dont s'agit n'ont pu profiter au notaire après leur confection que par le consentement exprès ou tacite des intéressés, et cela, malgré la constatation expresse, faite par l'arrêt attaqué, que partie de la somme de 50.000 fr., empruntée devait, lors de lapassation même de ces actes, rester entre les mains du notaire G..., et servir à le désintéresser de créances et frais qu'il prétendait faire valoir contre les époux David.

2 Moyen. Violation des art. 1er et 3 de la loi du 25 vent. an 11, 1188, 1319, 1382 et 1383, C. civ., 175 et s., C. proc., et de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que l'arrêt attaqué, méconnaissant la teneur des conclusions des demandeurs en cassation, a déclaré non recevable leur demande en garantie, sous prétexte que cette demande n'était pas fondée sur les faits qui servaient de base à la demande principale, alors qu'au contraire, cette demande était précisément et avant tout fondée exactement sur les mêmes faits, lesquels étaient, à

(1-2-3) Il est constant en jurisprudence que la condamnation aux dépens ne s'étend pas aux droits perçus sur des actes dont les énonciations du jugement ou de l'arrêt ont révélé l'existence à la Régie; ces droits, dont le jugement ou arrêt n'est que la cause occasionnelle, ne peuvent être mis à la charge d'une partie, autre que la personne qui en est débitrice, d'après la loi fiscale, que par une disposition spéciale, prononçant cette condamnation à titre de dommages-intérêts, et la justifiant par la précision de la faute et du dommage éprouvé V. Cass.

l'égard du défendeur en garantie, incontestablement générateurs d'une responsabilité.

30 Moyen. Violation de l'art. 130, C. proc., de l'art. 1382, C. civ., et de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que l'arrêt attaqué a condamné Mme de Castellan à supporter les frais d'enregistrement d'une lettre du 26 janv. 1906, lesquels n'entraient pas dans les dépens légaux, sans motiver cette condamnation par la constatation d'une faute justifiant la mise à sa charge de ces frais, à titre de dommages-intérêts. ARRÊT.

LA COUR; Sur le premier moyen du pourvoi Attendu que la veuve David, aujourd'hui épouse de Castellan, a argué de nullité les actes d'obligation contractés par son premier mari et par elle, les 1er avril, 7 et 17 mai 1905 et 10 avril 1906, envers différents prêteurs, parmi lesquels la dame Sallard, sous le prétexte que le notaire G.., qui les avait reçus, y aurait été personnellement intéressé; Attendu que, des constatations de l'arrêt attaqué, il résulte qu'une partie de la somme de 50.000 fr., ainsi empruntée, devait rester entre les mains de G..., pour le désintéresser des créances et frais qu'il prétendait faire valoir contre les époux David; mais que l'arrêt déclare, en même temps, d'une part, qu'il est constant que les tiers prêteurs sont réellement créanciers de 50.000 fr., que 15.000 ont été retenus par l'un d'entre eux en paiement d'une dette antérieure, que 10.000 ont servi à verser un acompte sur une acquisition de fours à chaux; que, d'autre part, G..., sortant de ses attributions notariales, avait, à cette époque, ouvert un véritable compte courant aux époux David, et que, si une portion de l'emprunt a été appliquée au règlement de ce compte, cet emploi, postérieur au prêt, a eu lieu avec le consentement de ceux-ci; Attendu que l'art. 8 de la loi du 25 vent. an 11, qui interdit aux notaires de recevoir les actes où ils sont parties, ou qui contiennent quelques dispositions en leur faveur, ne vise que les actes dans lesquels ils sont parties, soit directement, soit par prête-nom, ou desquels un droit résulte pour eux; qu'en ne saurait, sans en forcer les termes, l'appliquer à un acte de prêt, dont le caractère sérieux est reconnu, par la seule raison que le notaire, en vertu d'un droit distinct et personnel, ne constituant pas une conséquence obligatoire de l'acte dressé par lui, aurait ultérieurement reçu une partie des sommes empruntées, en paiement de ce qui lui était dû; — Attendu qu'en déclarant, dans ces circonstances, les deux obligations li

25 janv. 1909 (S. et P. 1911.1.22; Pand. pér., 1911. 1.22); 29 avril 1911 (S. et P. 1911.1.332; Pand. pér., 1911.1.832); 22 avril 1912 (S. et P. 1912.1. 388; Pand. pér., 1912.1.388), et les renvois. Cette règle s'applique notamment aux droits d'enregistrement perçus sur les lettres produites au cours des débats. V. Cass. 30 avril 1895 (sol. implic.) (S. et P. 1895.1.407); 29 avril 1911 (sol. implic.), précité.

La faute, dont la constatation, jointe à celle du préjudice, permet seule de condamner une partie,

tigieuses valables comme actes authentiques, l'arrêt attaqué n'a pas violé ledit article;

Sur le deuxième moyen : Attendu que l'arrêt attaqué constate que la demande de la dame Sallard était fondée sur les prêts consentis, aux termes des actes précités de 1905 et 1906, et sur l'obligation de remboursement prise par la veuve David, dans des conditions déterminées; Attendu que l'assignation du 28 déc. 1906, par laquelle cette dernière a appelé en cause le notaire G..., tendait exclusivement à une reddition de comptes; que, par les conclusions qu'elle a prises en première instance, le 20 févr. 1907, la veuve David a soutenu que les actes de prêt étaient nuls pour cause d'erreur ou de violence, et à raison de l'intérêt personnel qu'ils présentaient pour le notaire rédacteur; mais que, pour le cas où ces nullités ne seraient pas admises, G... devrait être déclaré responsable du montant de l'obligation; qu'elle a demandé au tribunal de dire et juger que les fonds provenant de l'emprunt avaient profité au notaire, qui les avait conservés, et que, par ce fait, le commandement de payer devait être sans effet; qu'enfin, dans les motifs de ses conclusions d'appel, en date du 24 oct. 1908, elle a déclaré que, si les sommes empruntées étaient reconnues immédiatement exigibles, à cause de l'insertion dans les actes d'une déclaration mensongère relative à l'absence de toutes charges antérieures, elle devrait exercer un recours contre le notaire G..., et que le dispositif des mêmes conclusions à demandé à la Cour de dire et juger que, les fonds provenant de l'emprunt ayant profité audit notaire, celui-ci devait les rembourser, et qu'il était responsable des conséquences dudit acte; Attendu qu'à raison de leurs variations successives, ces conclusions prêtaient à interprétation. et que la Cour d'appel a pu déclarer que le recours, exercé sous forme d'action en garantie, avait pour base principale la détention par G... de partie des fonds provenant de l'emprunt et son obligation de rendre comp'e; d'où elle a déduit, à bon droit, que cette demande n'était pas connexe à celle de la dame Sallard, qu'elle procédait d'une cause et d'un contrat distincts, et que, par suite, les griefs de la dame de Castellan contre G... auraient dû faire l'objet d'une demande principale ; Attendu qu'en déclarant, dans ces circonstances, l'action récursoire non recevable, l'arrêt attaqué n'a violé aucun des textes visés au moyen;

Vu

Mais sur le troisième moyen: l'art. 130, C. proc.; - Attendu que si, par dérogation à l'art. 31 de la loi du 22 frim. an 7, les juges peuvent, en certains cas, et à raison

à titre de dommages-intérêts, à supporter les frais d'enregistrement des actes produits en cours de l'instance, c'est, d'après l'arrêt ci-dessus, la faute qui autorise à condamner le plaideur à des dommages-intérêts, en cas d'action téméraire; et, d'après la jurisprudence de la chambre civile, cette faute doit consister en des actes de malice ou de mauvaise foi, ou, tout au moins, d'erreur grossière équivalente au dol. V. Cass. 15 mars 1910 (S. et P. 1910.1.259; Pand. pér., 1910.1.259); 9 juill. 1912 (S. et P. 1912. 1.509; Pand. pér., 1912.1.509), et les renvois.

d'une faute commise par une partie, mettre à la charge de celle-ci les frais d'enregistrement des actes ou documents produits au cours du litige, ce ne peut être qu'à la condition de constater une faute suffisamment caractérisée pour justifier une condamnation à des dommages intérêts; Attendu que l'arrêt attaqué s'est borné à déclarer qu'il y avait lieu d'ordonner l'enregistrement de la lettre du 26 janv. 1906 aux frais de la dame de Castellan, à titre de dommages-intérêts, « sa prétention non justifiée en ayant nécessité la production »;

Mais attendu que l'action en justice est un droit, dont l'exercice ne dégénère en faute, pouvant donner ouverture à des dommages-intérêts, que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi, ou, tout au moins, une erreur grossière équipollente au dol; Attendu qu'aucune circonstance de cette nature n'est relevée par les juges du fond; que, par suite, en statuant comme ils l'ont fait, ils n'ont pas donné une base légale à leur décision, et ont violé l'article de loi ci-dessus visé; Casse..., mais seulement au chef qui a ordonné l'enregistrement de la lettre du 26 janv. 1906 aux frais de la dame de Castellan, etc.

Du 2 déc. 1912. Ch. civ.MM. Baudouin, ler prés.; Falcimaigne, rapp.; Lombard, av. gén. (concl. conf.); Durnerin et Auger, av.

CASS.-Civ. 28 janvier 1913. QUALITÉS DE JUGEMENT OU D'ARRET, RÈGLEMENT, VACATIONS, MAGISTRAT INCOMPÉTENT, NULLITÉ (Rép., v° Jugement et arrêt mat. civ. et comm.], n. 2644 et s.; Pand. Rép., v Jugements et arrêts, n. 1842 et s.).

Si, pendant les vacances, les membres de la chambre des vacations peuvent, vu le caractère d'urgence que présente le règlement des qualités, procéder à ce règlement, en vertu de la plénitude de juridiction dont ils sont investis, ils ne peuvent cependant user de ce pouvoir que dans le cas où tous les magistrats, qui ont concouru à la décision judiciaire à laquelle se rattachent ces qualités, sont absents ou empêchés, et à la condition que leur absence ou leur empêchement soient dûment constatés (1) (C. proc., 145).

A défaut de quoi le règlement est nul, et sa nullité entraine également la nullité du jugement dont les qualités ont été incompétemment réglées (2) (Id.).

(Bedel frères C. Ferrieux).

[ocr errors]

ARRÊT.

LA COUR; Vu l'art. 145, C. proc.; Attendu que si, pendant les vacances, les

(1-2) Jurisprudence constante. V. Cass. 18 janv. 1899 (S. et P. 1901.1.12; Pand. pèr., 1899.1.215); 16 févr. 1903 (S. et P. 1903.1.136; Pand. pér., 1903.1.228); 24 juin 1907 (S. et P. 1907.1.488; Pand. pér., 1907.1.316), et les renvois.

(3-4) L'application de la loi du 9 avril 1898 aux accidents survenus un camionneur pendant la mise en cave de fûts de vins au domicile des destinataires a donné lieu à des décisions diver

membres de la chambre des vacations peuvent, vu le caractère d'urgence que présente le règlement des qualités, procéder à ce règlement, en vertù de la plénitude de juridiction dont ils sont investis, ils ne peuvent cependant user de ce pouvoir que dans le cas où tous les magistrats, qui ont concouru à la décision judiciaire à laquelle se rattachent ces qualités, sont absents ou empêchés, et à la condition que leur absence ou leur empêchement soient dûment constatés; Attendu que les qualités du jugement rendu par le tribunal de Nice, le 3 août 1909, ont été réglées, le 27 août suivant, par M. Roure, et qu'il résulte des énonciations dudit jugement que M. Roure ne figurait pas parmi les magistrats qui l'ont rendu; que, d'autre part, le règlement des qualités ne constate pas l'absence ou l'empêchement des magistrats qui ont pris part au jugement attaqué; d'où il suit que ledit règlement est nul, comme incompétemment effectué, en violation de l'article ci-dessus visé; que cette nullité entraîne la nullité du jugement attaqué; Casse le jugement rendu le 3 août 1909 par le tribunal civil de Nice, etc.

Du 28 janv. 1913. MM. Baudouin, 1er prés.; Cottignies, rapp.; Lombard, av. gén. (concl. conf.); Gault, av.

CASS.-Civ. 10 mars 1913. OUVRIER, ACCIDENTS DU TRAVAIL, RESPONSABILITÉ, LOI DU 9 AVRIL 1898, CAMIONNEUR, LIVRAISON DE FUTS, MISE EN CAVE, USAGES, POUVOIR DU JUGE, APPRÉCIATION SOUVERAINE, RETENUES SUR LE SALAIRE (Rép., v Responsabilité civile, n. 2145 et s., 2707 et s.; Pand. Rép., vis Travail, n. 2454 et s., 4155 et s., Travail [appendice], n. 193).

Les juges du fond décident à bon droit que l'accident, dont a été victime, à Paris, un camionneur au service d'un entrepreneur de transports, pendant qu'il descen dait un fut dans la cave d'un destinataire, à la demande de ce dernier, n'est survenu ni par le fait ni à l'occasion du travail et ne donne pas lieu à l'application de la loi du 9 avril 1898, alors qu'ils constatent souverainement qu'il est d'usage, à Paris, que les marchandises camionnées, et notamment les fùts de vin, soient livrées à la porte du destinataire, et que, dans l'espèce, une mention expresse, portée en tête des bordereaux de livraison, rappelait cet usage (3) (L. 9 avril 1898, art. Ier).

...Et alors que, par une interprétation souveraine des conventions des parties, ils déclarent que le camionneur ne justifie d'aucune autorisation expresse ou tacite que son patron lui aurait donnée de dé

gentes. V. Paris, 31 mai 1910 (S. et P. 1911.2.85; Pand. pér., 1911.2.85); Paris, 3 juill. 1911 (S. et P. 1912.2.164; Pand. pér., 1912.2.164), rendu dans la présente affaire, les notes et renvois. La question n'est pas susceptible d'une solution uniforme. On conçoit que, s'il n'y a pas d'usage ni de convention contraire, le patron du camionneur puisse être déclaré responsable de l'accident survenu au camionneur pendant la mise en cave (V.

roger à cet usage, et que, s'il subissait une retenue sur son salaire, cette retenue était faite par le patron, agissant comme son mandataire, pour l'assurer contre les accidents pouvant survenir aux auxiliaires embauchés et dirigés par lui dans le travail de la mise en cave (4) (Id.).

(Clémençon C. Gauthier).

M. Clémençon a formé un pourvoi en cassation contre l'arrêt de la Cour de Paris du 3 juill. 1911, rapporté S. et P. 1912. 2.164; Pand. pér., 1912.2.164. Moyen unique. Violation de l'art. 1er de la loi du 9 avril 1898, et de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que l'arrêt attaqué a considéré comme ne pouvant être rattaché au travail qui fait l'objet de l'entreprise de Gauthier un travail accessoire, naturellement lié à l'exercice normal de la profession, ainsi qu'il résultait des constatations non déniées par l'arrêt.

ARRÊT.

LA COUR; Attendu que l'arrêt attaqué déclare que Clémençon, camionneur au service de Gauthier, a été chargé, le 17 févr. 1910, de livrer une pièce de vin à Vacher; qu'à la demande de ce dernier, il consentit à descendre le fùt dans la cave; qu'il fut alors victime d'un accident qui l'aurait laissé atteint d'incapacité permanente; que ledit arrêt constate, en outre, souverainement que l'usage, à Paris, est que les marchandises camionnées, et notamment les fûts de vin, soient livrées à la porte du destinataire, et qu'une mention expresse, portée en tête des bordereaux de livraison, rappelait cet usage; qu'il ajoute que Clémençon ne justifie d'aucune autorisation expresse ou tacite que Gauthier lui avait donnée de déroger à cet usage, et que, s'il subissait une retenue sur son salairé, cette retenue était faite par Gauthier, agissant comme son mandataire, pour l'assurer contre les accidents pouvant survenir aux auxiliaires embauchés et dirigés par lui dans le travail de la mise en cave; - Attendu que, de ces constatations et interprétations souveraines des conventions des parties, l'arrêt attaqué a conclu à bon droit que l'accident, dont Clémençon demandait la réparation à Gauthier et au Syndicat lyonnais de garantie, assureur de ce dernier, n'est survenu ni par le fait ni à l'occasion du travail commandé par Gauthier à Clémençon, qui ne peut, par suite, invoquer le bénéfice de la loi du 9 avril 1898; Rejette, etc.

Du 10 mars 1913. Ch. civ. MM. Bau douin, 1er prés.; Reynaud, rapp.; Lombard, av. gén. (concl. conf.); Jouarre et Raynal, av.

en ce sens, Paris, 31 mai 1910, précité, et les renvois de la note), et qu'au contraire, l'application de la loi de 1898 doive être écartée, si l'usage, souverainement interprété par les juges du fond (V. Cass. 8 janv. 1912, S. et P. 1912.1.168; Pană. pér., 1912.1.168, et les renvois), ou la convention des parties interdisent au camionneur de se charger de l'encavage pour le compte des destinataires. V. Paris, 3 juill. 1911, précité.

CASS.-CIV. 3 février 1913.

SERVITUDES, SERVITUDE COUTUMIÈRE, NORMANDIE, CLOTURE OBLIGATOIRE, HAIES, FOSSES, PROPRIÉTAIRE, INTERDICTION DE DÉCLORE, ARRÊT DE RÈGLEMENT DU PARLEMENT DE NORMANDIE, ABROGATION, LOI DES 28 SEPT 6 OCT. 1791 (Rép., vis Clôture, n. 4 et s., Servitudes, n. 581 et 1510; Pand. Rép., vis Clôtures, n. 7 et s., Droit, n. 286 et s.).

(1-2) L'arrêt ci-dessus rapporté résout la question controversée de savoir si une servitude coutumière, spéciale à la Normandie, et reconnue par un arrêt de règlement du Parlement de cette province, en date du 17 août 1751 (Basnage, Comment. sur la cout. de Normandie, 4° éd., t. 1er, appendice, arrêts de règlement, p. 19 et s.), subsiste aujourd'hui comme servitude légale, et peut être encore invoquée par les habitants de nos département de l'Ouest. La Cour de cassation vient de se prononcer pour la négative; et cette solution doit, à notre avis, être approuvée. La servitude spéciale dont il s'agit se trouve, en effet, abrogée, soit par la loi des 28 sept.-6 oct. 1791, soit par celle du 30 vent. an 12.

I. L'art. 1o, sect. 1, tit. 1or, de la loi des 28 sept.6 oct. 1791 (S. 1er vol. des Lois annotées, p. 169) commence par proclamer le principe de la liberté de la propriété sur tout le territoire de la France; puis l'art. 4, sect. 4, même titre, est ainsi conçu : Le droit de clore et de déclore ses héritages résulte essentiellement de celui de propriété et ne peut être contesté à aucun propriétaire. L'Assemblée nationale abroge toutes les lois et coutumes qui peuvent contrarier ce droit ».

Cette disposition, dont la Cour de cassation a déjà, à diverses reprises, fait application, en reconnaissant ainsi qu'elle était toujours en vigueur (V. Cass. 8 mai 1828, S. et P. chr.; 19 juill. 1837, P. 1837.2.621; 27 avril 1846, S. 1846.1.488. P. 1846.2.24), est générale; elle pose, comme règle absolue, que tout propriétaire a le droit de clore et de déclore ses héritages; elle fait de ce droit un attribut, une conséquence du droit de propriété, et, pour en assurer le plein et complet exercice, elle déclare abroger toutes les lois et coutumes qui peuvent contrarier ce droit. V. Demolombe, Servit, t. 1o, n. 282; Laurent, Princ. de dr. civ, t. 7, n. 440; et notre Rép. gen. du dr. fr., ° Clôture, n. 4; Pand. Rép., ° Clôtures, n. 7 et s.

Or, l'art. 11 de l'arrêt de règlement du Parlement de Normandie du 17 août 1751 avait manifestement pour résultat de « contrarier le droit du propriétaire de déclore ses héritages. Ce texte, en effet, interdisait au propriétaire d'une haie vive ou d'un fossé, établis sur son propre terrain, d'enlever la haie, de combler le fossé; il lui imposait l'obligation d'entretenir toujours ces clôtures, et, s'il voulait les faire disparaître entièrement, il ne le lui permettait que pendant une courte période de l'année, et à la condition d'en avertir les voisins trois mois à l'avance.

De telles prescriptions sont, sans aucun doute, restrictives du droit, pour le propriétaire, de déclore ses héritages; elles sont dès lors en opposition avec la loi des 28 sept.-6 oct. 1791, et ne peuvent survivre à son art. 4, qui déclare expressément les abroger. V. en ce sens, Daviel, Tr. des cours d'eau, t. 3, n. 856 ; et notre Rép. gén, du dr. fr., v Haie, n. 22. V. cep., Pand. Rép., verb. cit., n. 20. C'est, à notre avis, méconnaître la portée des ANNÉE 1913. - 5° cah.

La servitude reconnue par l'art. 11 de l'arrêt de règlement du Parlement de Normandie, en date du 17 août 1751, qui imposait au propriétaire d'un héritage clos de haies vives ou de fossés l'obligation d'entretenir ces clôtures le long des héritages voisins, et ne l'autorisait à les détruire que de la Toussaint à Noël, s'il en avait averti les voisins trois mois à l'avance, ne subsiste plus aujourd'hui comme servitude légale (1) (L. 28 sept.-6 oct.

dispositions de la loi des 28 sept.-6 oct. 1791 que de soutenir, comme l'a fait M. Demolombe, op. cit., t. 1er, n. 481, qui cite en ce sens un arrêt de la Cour de Caen du 22 janv. 1848 (Rec. de Caen, t. 12, p. 500), qu'« édictée en vue de supprimer les droits de parcours et de vaine pâture, qui faisaient obstacle au droit de se clore, la loi de 1791 n'a pu abroger l'arrêt de règlement de 1751, qui gênait seulement l'exercice du droit de se déclore, sans le supprimer. Il nous paraît impossible d'interpréter aussi restrictivement la loi de 1791, qui proclame de la manière la plus absolue le droit du propriétaire de déclore ses propriétés, et n'admet pas, par suite, que ce droit puisse être non seulement supprimé, mais même gêné ou entravé.

II. Voulût-on d'ailleurs admettre, avec le savant doyen de la Faculté de droit de Caen, que la loi de 1791 a une portée tout à fait limitée, et qu'elle ne statue qu'en vue du parcours et de la vaine pâture, la solution consacrée par notre arrêt n'en devrait pas moins être adoptée, et cela par application de l'art. 7 de la loi du 30 vent. an 12 (S. 1er vol. des Lois annotées, p. 667).

Cette loi, qui réunit en un seul corps les trentesix lois de droit civil promulguées antérieurement, notamment la loi du 6 pluv. an 12, sur la propriété, et la loi du 10 du même mois, sur les servitudes, contient un article final (art. 7) ainsi conçu : « A compter du jour où ces lois sont exécutoires, les lois romaines, les ordonnances, les coutumes générales ou locales, les statuts, les règlements cessent d'avoir force de loi générale ou particulière dans les matières qui sont l'objet desdites lois composant le présent Code »

[ocr errors]
[ocr errors]

Les auteurs du Code civil, qui voulaient mettre fin à la diversité de l'ancien droit et doter la France d'une législation uniforme, ont ainsi prononcé d'une manière expresse l'abrogation en masse de tout l'ancien droit. L'art. 7, disent MM. Baudry-Lacantinerie et Houques-Fourcade (Des pers., 3e éd., t. 1, n. 67), retire toute force obligatoire au droit ancien, non pas seulement dans la mesure où il est incompatible avec les règles nouvelles, mais dans les matières qui font l'objet du Code civil. Il suffit donc qu'une matière fasse l'objet d'une ou plusieurs dispositions de ce Code, pour que la législation ancienne, relative à cette même matière, soit abrogée complètement ». Ce principe ne reçoit exception que dans le cas où le Code civil rappelle et confirme l'ancien droit. V. en ce sens, Chabot, Quest. transit., t. 1, n. 3; Aubry et Rau, 5o éd., t. 1, p. 34, § 14, texte et note 1; Laurent, op. cit., t. 1, n. 25; Huc, Comment. du C. civ., t. 1, n. 28; Planiol, Tr. élém. de dr. civ., 5 éd., t. 1, n. 82.

Or, l'art. 544, C. civ., définit la propriété le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, ce qui implique, pour le propriétaire, le droit d'exclure les tiers de la participation à l'usage ou à la disposition de ces mêmes choses.

1791, tit. 1er, sect. Ire, art. ler, et sect. 4, art. 4).

En effet, en proclamant comme un attribut essentiel du droit de propriété « celui de clore et de déclore ses héritages, et en déclarant abroger toules les lois et coutumes qui peuvent contrarier ce droit», la loi des 28 sept.-6 oct. 1791 a nécessairement compris dans cette abrogation l'arrêt de règlement susvisé (2) (Id.).

D'un autre côté, la charge que, dans notre espèce, la défenderesse au pourvoi voulait, dans l'intérêt de son fonds, faire reser sur le fonds du propriétaire voisin, était une servitude. Or, le Code a limitativement indiqué les servitudes légales grevant les fonds ruraux; la servitude litigieuse n'y figure pas; elle a donc cessé d'exister à titre de servitude légale.

Enfin, le Code civil a réglementé le droit de clôture Tout propriétaire, dit l'art. 647, peut clore son héritage; le droit de clore comporte, en principe, celui de déclore. Sans doute, dans les villes et faubourgs, chacun peut contraindre son voisin à contribuer aux constructions et réparations de la clôture séparant les héritages contigus (C. civ., 663); mais cette disposition est inapplicable aux biens ruraux; dans les campagnes, le propriétaire peut, à son gré, clore ou déclore son fonds. Il n'est tenu à entretenir une clôture que si elle est mitoyenne (C. civ., 667). Quand la clôture est sa propriété exclusive, il en peut disposer d'une manière absolue, entretenir la haie ou la laisser dépérir, l'enlever en totalité ou en partie, combler le fossé à toute époque de l'année et sans en prévenir le voisin.

Voilà quel est, d'après le Code civil, le droit du propriétaire d'un fonds rural. Ce droit est en complète opposition avec les obligations imposées par le règlement du Parlement de Normandie du 17 août 1751.

Il est donc bien certain que l'art. 7 de la loi du 30 vent. an 12 était applicable dans notre espèce, et que la Cour de cassation aurait pu, en s'appuyant sur cet article, déclarer abrogée la servitude litigieuse. Elle a préféré s'en tenir à la loi des 28 sept.-6 oct. 1791, qui régissait expressément le droit de clore et de déclore les biens ruraux, et avait, par conséquent, une application directe à la question soulevée par le pourvoi.

Mais la jurisprudence antérieure de la Cour de cassation démontre que, lorsqu'elle s'est trouvée en présence, non plus d'une disposition du droit intermédiaire, mais de la loi même du 30 vent. an 12, elle n'a pas hésité à l'appliquer, à en reconnaître toute la portée, et à déclarer aujourd'hui inexistantes, comme servitudes légales, les anciennes servitudes coutumières que le Code civil passe sous silence.

Ainsi, dès le 31 déc. 1810 (S. et P. chr.), elle cassait, pour violation des art. 671 et 672, C. civ., et de l'art. 7 de la loi du 30 vent. an 12, un arrêt de la Cour d'Aix qui avait déclaré encore en vigueur un usage pratiqué dans les environs de Monaco, et suivant lequel les propriétaires d'oliviers, de citronniers et d'orangers avaient le droit de pénétrer sur les fonds des voisins pour cueillir les fruits de ces arbres. Elle décidait, par suite, que cette servitude était abrogée.

De même, le 21 avril 1813, sur un pourvoi formé dans l'intérêt de la loi par son procureur général Merlin (S. et P. chr.), la chambre civile cassait, pour violation de l'art. 7 de la loi de vent.

I PART. 33

(Patry C. Vve Hardouin).

M. Patry est propriétaire à Beauchène, dans l'arrondissement de Domfront (Orne), d'une prairie contigue à un champ appartenant à Mme Hardouin. La prairie était entourée de haies vives, qui étaient la propriété de M. Patry. Le champ de Mme Hardouin est grevé, pour l'exploitation de la prairie, d'une servitude de passage, qui s'exerce au moyen de brèches pratiquées dans les haies. Jusqu'en 1906, ces brèches étaient munies de balises servant de barrières mobiles, que M. Patry_ouvrait quand il avait besoin de passer. En 1906, il a émis la prétention de déclore ces brèches, en enlevant les barrières qui les fermaient. Mme Hardouin lui ayant contesté ce droit, M. Patry l'a assignée devant le tribunal civil de Domfront, à l'effet de voir dire qu'il avait le droit de se clore et de se déclore sans réserve et sans condition; voir décider qu'il pourrait librement user de son droit de propriété, et qu'il pourrait notamment laisser les brèches dont il s'agit ouvertes ou fermées, selon qu'il voudrait, et ce, même sans entente préalable avec l'ajournée ». Pour faire repousser cette demande, Mme Hardouin s'est appuyée sur un arrêt de règlement du Parlement de Normandie, en date du 17 août 1751, dont l'art. 11 est ainsi conçu: « Les propriétaires d'héritages qui sont actuellement clos de haies vives ou de fossés seront tenus d'entretenir lesdites clôtures, si mieux ils n'aiment détruire entièrement la clôture le long de l'héritage voisin, ce qu'ils auront la liberté de faire, s'il n'y a titre au contraire; et, néanmoins, ceux qui voudront détruire leur clôture ne pourront le faire que depuis la Toussaint jusqu'à Noël, après avoir averti le voisin trois mois auparavant; et, jusqu'au temps de la destruction de la clôture, ils seront obligés de l'entretenir». La prétention de Me Hardouin a été admise successivement par un jugement du tribunal de Domfront et par un arrêt confirmatif de la Cour de Caen du 17 juill. 1908.

an 12, un jugement du tribunal civil d'Amiens, qui avait appliqué comme encore en vigueur un ancien usage spécial à la Picardie, suivant lequel un propriétaire, qui venait d'extraire des tourbes de son terrain, pouvait, lorsque ce terrain n'était pas suffisant pour les y faire étendre et les faire sécher, les déposer sur la propriété libre des voisins, en leur payant une indemnité. V. égal., sur l'abrogation des servitudes coutumières par l'art. 7 de la loi du 30 vent. an 12, Merlin, Rép., 5o éd., vo Voisinage, § 4, n. VI; Pardessus, Servit., t. 2, n. 343; Aubry et Rau, 5° éd., t. 1, p. 116, § 30, texte et note 41, et t. 3, p. 4 et s., § 238; BaudryLacantinerie et Chauveau, Des biens, 3o éd., n. 929; et notre Rép. gen. du dr. fr., við Servitudes, n. 581 et 1510, Tourbières, n. 20, et Usages locaux, n. 4; Pand. Rep., v Droit, n. 286 et s., Lois et décrets, n. 53 et s.

Ces arrêts de la Cour de cassation ont ainsi, depuis longtemps, amené l'extinction définitive de quelques servitudes coutumières.

La servitude spéciale de clôture, usitée en Normandie, a survécu plus longtemps, maintenue par la jurisprudence des tribunaux de la région, pro

POURVOI en cassation par M. Patry. Moyen unique. Violation des art. 647, 663, 667, 668, 697, 702, C. civ., 4, sect. 4, tit. 1er, de la loi des 28 sept.-6 oct. 1791, 7 de la loi du 30 vent. an 12 et 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que l'arrêt attaqué, tout en constatant que l'exposant était propriétaire exclusif des haies entourant son pré, et que, de plus, il avait un droit de passage non contesté sur le champ voisin, appartenant à la défenderesse, a déclaré qu'il était tenu, pour clore et déclore sa propriété, de se conformer aux conditions prévues par l'arrêt de règlement du Parlement de Normandie du 17 août 1751, alors que ces dispositions réglementaires ont été abrogées tant par la loi du 28 sept. 1791 que par celle du 30 vent. an 12 et par le Code civil.

ARRÊT.

LA COUR: Sur le moyen unique du pourvoi: Vu l'art. 4, sect. 4, tit. ler, de la loi des 28 sept.-6 oct. 1791; Attendu que, des qualités de l'arrêt attaqué, il résulte que Patry, propriétaire d'une prairie située à Beauchene (Orne), entourée de haies et enclavée, avait un droit de passage sur la terre contiguë, appartenant à la dame Hardouin; Attendu que, pour refuser à Patry le droit de détruire la haie plantée exclusivement sur son terrain, le long de la terre de la dame Hardouin, et pour le contraindre à entretenir ladite haie en tout temps en parfait état, ainsi qu'à maintenir fermées, après chaque passage, les brèches pratiquées dans cette haie, l'arrêt attaqué se fonde sur l'art. 11 d'un arrêt de règlement du Parlement de Normandie, en date du 17 août 1751, qui imposait au propriétaire d'un héritage clos de haies vives ou de fossés la charge d'entretenir ces clôtures le long de l'héritage voisin, et ne l'autorisait à les détruire que de la Toussaint à Noël, s'il en avait averti le voisin trois mois à l'avance;

Mais attendu que le règlement susvisé n'est plus en vigueur; qu'il a été abrogé par la loi des 28 sept.-6 oct. 1791;

[ocr errors]

At

tégée, si l'on en croit M. Demolombe (op. et loc. cit.), « par l'intérêt commun des propriétaires des prairies et des éleveurs de bestiaux qui, d'après le savant auteur, en justifiait la survivance dans la région normande. Quelle que puisse être son utilité, un pareil motif ne nous semble pas être suffisant pour écarter l'application de textes formels, tels que les art. 4 de la loi des 28 sept.6 oct. 1791 et 7 de la loi du 30 vent. an 12. Aussi nous ne pouvons que nous rallier à la solution que vient de consacrer la Cour de cassation, saisie pour la première fois de la question. Il y a tout lieu de penser que son arrêt déterminera les tribunaux et Cours de Normandie à se soustraire à l'influence de considérations exclusivement locales, et à ne pas persévérer dans une jurisprudence qui, en maintenant en vigueur d'anciennes servitudes coutumières, se mettait en opposition manifeste avec la pensée d'unification de la législation qui a inspiré et le droit intermédiaire et le Code civil.

(1) En demandant, sous une contrainte de 1.000 fr., l'exécution de certains travaux, le demandeur avait, il est vrai, maintenu sa prétention dans les limites de la compétence en dernier ressort du tribunal

tendu, en effet, que cette loi, qui, dans l'art. 1er de la sect. Ire du tit. ler, proclame la liberté, en France, de la propriété territoriale, précise, dans l'art. 4 de la sect. 4, que le droit de clore et de déclore ses héritages résulte essentiellement de celui de propriété, qu'il ne peut être contesté à aucun propriétaire, et que ledit article abroge toutes les lois et coutumes qui peuvent contrarier ce droit; d'où il suit qu'en statuant comme il l'a fait, l'arrêt attaqué a violé l'article de loi ci-dessus visé; Casse, etc.

[blocks in formation]

CASS.-Civ. 3 février 1913.

1° DERNIER RESSORT, DEMANDE INDÉTERMINÉE, EXÉCUTION DE TRAVAUX, SERVITUDE, CONTESTATION, NORMANDIE (Rép., v Appel [mat. civ.], n. 222 et s.; Pand. Rép., v° Appel civil, n. 1860 et s.). 20 CASSATION, JUGEMENT EN PREMIER RESSORT, FIN DE NON-RECEVOIR (Rép., vo Cassation [mat. civ.], n. 656 et s.; Pand. Rép., vo Cassation civile, n. 257 et s.).

1 Lorsque le demandeur prétend avoir, en vertu de l'arrêt de règlement du Parlement de Normandie du 17 août 1751, le droit de contraindre le propriétaire voisin à maintenir en bon état les clôtures, appartenant à celui-ci, qui séparent leurs heritages, droit que le défendeur soutient avoir été abrogé par les lois des 28 sept.6 oct. 1791 et 30 vent, an 12, la demande en rétablissement en bon état des clôtures, sous une contrainte de 1.000 fr., mettant en question l'existence d'un droit de servitude, est indéterminée (1) (L. 11 avril 1838, art. 1er).

2o Dès lors, le jugement rendu sur cette demande étant susceptible d'appel, le pourvoi en cassation formé contre ce jugement n'est pas recevable (2) (L. 1er déc. 1790, art. 2).

civil; mais, comme ces travaux étaient demandés en vertu d'un droit de servitude, - la servitude coutumière de clôture obligatoire établie par l'arrêt de règlement du Parlement de Normandie du 17 août 1751, et qui, d'ailleurs, d'après la Cour de cassation, n'existe plus depuis le Code civil (V. Cass. 3 févr. 1913, qui précède), et que ce droit était contesté, la demande présentait un caractère indéterminé. Il est, en effet, de principe que les demandes portant sur l'existence ou l'étendue de servitudes ont le caractère de demandes indéterminées. V. Cass. 10 mars 1884 (S. 1884. 1.423. P. 1884.1.1049), et les renvois. Adde, notre Rép. gen. du dr. fr., v° Appel (mat. civ.), n. 222 et s.; Pand. Rép., v° Appel civil, n. 1860 et s. Comp. Cass. 20 avril 1886 (S. 1890.1.343. P. 1890.1.813). Il en aurait été différemment, si l'existence de la servitude n'avait pas été contesté par le défendeur. V. Cass. 27 mai 1878 (S. 1879.1.261. - P. 1879.642).

(2) Application du principe que le recours en cassation n'est pas ouvert contre les jugements susceptibles d'appel. V. Cass. 13 juill. 1903 (S. et P. 1907.1.15), et les renvois.

« PrécédentContinuer »