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CASS.-REQ. 9 mars 1910.

VENTE DE MARCHANDISES OU VENTE COMMERCIALE, VENTE SUR TYPE, NON-CONFORMITÉ, CLAUSE COUT, FRET ET ASSURANCE », LIVRAISON, PAIEMENT, VÉRIFICATION, EXPERTISE, RÉSILIATION, DOMMAGES-INTÉRÊTS, APPRECIATION SOUVERAINE (Rép., vo Vente commerciale, n. 216 bis et s.; Pand. Rép., vo Vente commerciale, n. 1136 et s.).

Lorsqu'une marchandise d'un type_convenu est vendue avec la clause coût, fret el assurance », sur certificat délivré à l'embarquement, le certificat attestant la qualité, délivrée par des négociants du lieu d'expédition, ne met pas obstacle à ce que l'acheteur soit fondé à demander une experlise à l'arrivée du navire à destination, si la marchandise ne paraît pas correspondre

(1 à 5) Lorsqu'un marché porte sur des marchandises d'un type convenu, vendues avec la clause coût, fret et assurance, sur certificat délivré à l'embarquement, l'acheteur peut-il, à l'arrivée du navire, élever une réclamation contre la qualité des marchandises et provoquer une expertise? A-t-il le droit, en cas de non-conformité, d'obtenir la résiliation avec dommages-intérêts, ou bien est-il tenu de se contenter d'une réfaction? Telles sont les deux questions qui se posaient dans l'espèce ci-dessus.

1o Dans les ventes « coût, fret et assurance la livraison a lieu au port d'embarquement. V. Trib. comm. de Marseille, 12 sept. 1889 (Journ. de jurispr. de Marseille, 1890, 1o part., p. 8); Trib. comm. du Havre, 28 févr. 1899 (Rec. de jurispr. comm, et marit. du Havre, 1899, 1re part., p. 225); Baudry-Lacantinerie et Saignat, Vente, 3° éd., n. 183-VII; Levé, Code de la vente comm., n. 513; Bédarride, Achats et ventes, nouv. éd., par Abram, n. 278, 282 et s.; et notre Rép. gén. du dr. fr., vo Vente commerciale, n. 319; Pand. Rep., v° Vente commerciale, n. 1136. Mais, l'acheteur ne pouvant, dans la plupart des cas, vérifier la marchandise au moment de l'embarquement, on admet que la livraison au port d'expédition n'emporte pas son agrément, qui est réservé jusqu'au moment où il pourra, en fait, vérifier la marchandise; il peut donc, le cas échéant, présenter des réclamations à l'arrivée et provoquer une expertise. V. Trib. comm. de Marseille, 1er févr. 1887 (Rev. intern. de dr. marit., 1886-1887, p. 575); Trib. comm. du Havre, 28 juin 1897 (Rec. de jurispr. comm. et marit. du Havre, 1897, 1re part., p. 133); Bédarride, op. cit., n. 283. Comp. dans le même sens, en cas de vente sur échantillon, avec la clause franco port d'embarquement, Cass. 1er mars 1892 (S. et P. 1892.1.200; Pand. pér., 1893.1.24).

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Pour éviter toute contestation sur la qualité des marchandises, il est d'un usage fréquent, dans les ventes « coût, fret et assurance », de convenir que l'état en sera dûment constaté au départ, comme répondant aux conditions du marché, par un certificat émanant d'experts ou de commerçants; et ce certificat est adressé à l'acheteur en même temps que les autres documents. Ce certificat tient lieu de réception définitive au lieu d'embarquement,

au type convenu, et si, d'autre part, le certificat, à raison notamment de ses irrégularités et inexactitudes, ne présente pas les garanties d'authenticité et de veracité nécessaires (1) (C. civ., 1587). Rės. par la C. d'appel (sol. implic.).

Il en est ainsi, alors même que l'acheteur a payé le prix à la remise des documents (2) (Id.). — Id.

S'il est reconnu que la marchandise livrée est, non seulement d'une qualité inférieure au type convenu, qui est parfaitement connu, déterminé et classé dans le commerce, mais encore qu'au point de vue commercial, la marchandise est d'une autre nature que la marchandise vendue, et ne peut être utilisée pour les mêmes usages, l'acheteur est en droit de demander la résiliation du marche; il n'y a pas lieu à une simple bonification (3) (C. civ., 1184). Rés. par la C. d'appel.

Ei, si la défectuosité est visible au premier aspect de la marchandise, le vendeur n'est pas fondé, pour prétendre n'être tenu qu'à la restitution du prix et des frais occasionnés par la vente, à se prévaloir de la dis position de l'art. 1646, C. civ.; il doit être

et, par suite, l'acheteur ne peut, en principe, demander une expertise à l'arrivée. V. Paris, 29 déc. 1886 (Rev. intern, de dr. marit., 1886-1887, p. 654); Trib. comm. de Marseille, 6 mai 1907 (Id., 19061907, p. 814); Bédarride, op. cit., n. 283. Mais l'acheteur n'en conserve pas moins le droit d'établir que la vérification stipulée n'a été ni sincère ni réelle, et que le certificat produit est le résultat du dol. V. Paris, 29 déc. 1886 (motifs), précité; Paris, 20 mai 1887 (Rev. intern. de dr. marit., 1887-1888, p. 271); Trib. comm. de Marseille, 6 mai 1907 (motifs), précité; Bédarride, op. cit., n. 283. C'est ce qu'a décidé avec raison la Cour de Rouen, dans l'affaire ci-dessus, en rejetant la fin de nonrecevoir tirée de la livraison de la marchandise.

Le vendeur ne pouvait pas davantage se prévaloir de ce que l'acheteur avait payé la traite documentaire. En effet, dans la vente « coût, fret et assurance ", l'acheteur est tenu de payer la traite, qui est généralement aux mains d'un tiers porteur, et de se livrer de la marchandise, sauf à exercer ultérieurement son recours contre le vendeur, si la marchandise n'est pas conforme aux conditions du marché. V. Trib. comm. du Havre, 8 juill. 1891 (Rec. de jurispr. comm. `et marit. du Havre, 1891, 1 part., p. 219); 16 mars 1898 (Id., 1899, 1re part., p. 67). V. dans le même sens, en cas de vente ⚫ franco bord d'embarquement », Cass. 1er mars 1892, précité, et les renvois.

2o Etant admis le droit de l'acheteur de réclamer à l'arrivée, le défaut de conformité de la marchandise livrée avec le type convenu autorise-t-il l'acheteur à demander la résiliation?

Dans les ventes sur échantillon, on admet que la non-conformité de la marchandise livrée avec l'échantillon entraîne la résiliation de la vente. Cette non-conformité ne saurait être considérée comme une simple différence de qualité, ne donnant à l'acheteur que l'action rédhibitoire prévue et réglementée par les art. 1641 et s., C. civ., mais constitue une différence portant sur la nature même de la marchandise, qui peut donner lieu à la résolution de la vente, avec dommages-intérêts, conformément à l'art. 1184, C. civ., et non à une simple réfaction. V. les renvois de la note 4-5-6, sous Cass. 8 mars 1909 (S. et P. 1911.1.579); Pand. pér., 1911.1.579). La même solution doit être

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D'ailleurs, en caractérisant ainsi les faits soumis à leur appréciation, et en basant sur cette appréciation souveraine la condamnation du vendeur à des dommages-intérêts, conformément à l'art. 1150, C. civ., les juges du fond n'ont violé aucune loi (5).

(Raoul Duval et Cie C. Guilhem et Cie).

Le 30 janv. 1907, MM. Raoul Duval et Cie ont vendu à MM. Guilhem et Cie 100 tonnes de brisures de riz Saigon n. 2, qualité moyenne à l'époque de l'embarquement, suivant certificat final pour la qualité et le numéro, signé par deux négociants de Saigon, au prix de 17 fr. 75 les 100 kilos, coût, fret et assurance Bordeaux, à payer

admise lorsqu'il s'agit de ventes sur type. Les types sont des qualités de marchandises, qui, ainsi que le dit l'arrêt de la Cour de Rouen, sont parfaitement connus, déterminés et classés dans le commerce; le plus souvent, ils correspondent à des spécimens déposés dans une bourse ou dans une chambre de commerce; la loi du 13 juin 1866, sur les usages commerciaux (S. Lois annotées de 1866, p. 29. P. Lois, décr., etc. de 1866, p. 51) a même établi des types officiels pour les cotons et les sucres. La non-conformité de la marchandise livrée avec le type convenu donne à l'acheteur les mêmes droits que lorsqu'il s'agit de la nonconformité à un échantillon convenu. Elle lui permet, par suite, de demander la résiliation de la vente. V. Lyon-Caen et Renault, Tr. de dr. comm., 4o éd., t. 3, n. 111; Baudry-Lacantinerie et Saignat, op. cit., n. 183-II; Levé, op. cit., n. 498 et s. Comp. notre Rép. gén. du dr. fr., v° Vente commerciale, n. 231; Pand. Rep., eod. verb., n. 1136 et ɛ. Il convient, toutefois, dans la vente sur type, de se montrer moins rigoureux que dans la vente sur échantillon, au point de vue de la conformité; l'échantillon étant réputé avoir été détaché de la marchandise vendue, on peut exiger qu'il présente avec la marchandise livrée une identité absolue; au contraire, un type ne donnant que des caractéristiques générales, il suffira que ces caractéristiques se retrouvent dans la marchandise livrée. V. Trib. comm. de Marseille, 15 juin 1900 (Journ, de jurispr. de Marseille, 1900, 1o part., p. 299) ; BaudryLacantinerie et Saignat, op. cit., n. 183-II; Levé, op. cit., n. 498. V. aussi, Douai, 30 juill. 1897 (Journ. des trib. de comm., 1898, p. 840).

Dans l'espèce, il y avait une différence si grande entre le type convenu et les marchandises livrées que celles-ci ne pouvaient être utilisées pour l'usage auquel elles étaient destinées. La résiliation s'imposait donc, en présence de constatations et d'appréciations qui rentraient dans le domaine des juges du fond. Comp. en cas de vente sur échantillon, Cass. 22 déc. 1903 (S. et P. 1904.1.486). Et il appartenait aussi aux juges du fond de fixer souverainement le montant des dommages-intérêts, en

se conformant aux art. 1149 et 1150, C. civ. V. Cass. 3 févr. 1909 (S. et P. 1909.1.128; Pand. pér., 1909.1.128), et les renvois.

sur traites documentaires. Le 2 mars 1907, MM. Guilhem et Cie ont revendu ces mêmes marchandises à M. Delmas, de Bordeaux, au prix de 20 fr. 75 les 100 kilos. A l'arrivée, MM. Guilhem et Cie, qui avaient payé les traites contre remise des documents, ayant reconnu que les marchandises ne correspondaient pas au type prévu, et que le certificat attestant la conformité était inexact, ont assigné MM. Raoul Duval et Ce, en résiliation du marché et en dommages-intérêts, devant le tribunal de commerce du Havre. - Par jugement du 28 août 1907, le tribunal a ordonné une expertise, qui a établi que les brisures de riz ne correspondaient pas à la qualité moyenne des brisures de riz n. 2, et que la différence de qualité pouvait être évaluée à I fr. 50 les 100 kilos. A la suite de cette expertise, il est intervenu, le 11 nov. 1908, le jugement qui suit : «Le Tribunal; Attendu que les experts ont reconnu que les brisures de riz en question ne correspondent pas à la qualité moyenne des brisures n. 2, et ont conclu que cette différence de qualité devait étre évaluée à 1 fr. 50 par 100 kilos; Attendu qu'il est de principe qu'en matière de vente coût, fret et assurance, la livraison de la marchandise est réputée effectuée au port de charge, et que celleei voyage aux risques et périls de l'acheteur; que, cependant, si, d'une part, le vendeur, à moins de stipulation formelle, ne se trouve pas, de ce fait, dégagé de ses obligations à l'égard de son acheteur, celui-ci, d'autre part, doit, dans ses prévisions, tenir compte d'éventualités pouvant donner lieu à une différence de qualité sans gravité sérieuse; qu'il ne peut exiger la résiliation que si la marchandise est reconnue impropre à l'usage auquel elle pouvait être normalement destinée, ou encore s'il y a dol ou mauvaise foi de la part du vendeur; qu'il doit donc, pour cette différence de qualité, être accordé au vendeur une tolérance, qui reste sounise à l'appréciation des experts et du tribunal; Attendu que le chiffre relativement peu élevé de la réfaction prononcée écarte d'abord toute idée de fraude; que les causes de non-conformité indiquées dans le rapport des experts n'ont pu avoir pour effet d'altérer le caractère de la marchandise vendue, ni de la rendre impropre à l'usage auquel elle pouvait être destinée; que, par suite, cette différence de qualité ne peut donner lieu à résiliation, mais seulement à la bonification de 1 fr. 50 fixée par les experts; Attendu que la demande de dommages-intérêts de Guilhem et Cie doit être rejetée en majeure partie, comme n'étant pas fondée, ni en fait, ni en droit; que, régulièrement détenteurs des connaissements, il leur appartenait seuls de prendre toutes mesures utiles pour sauvegarder et leurs intérêts personnels et ceux des tiers intéressés; qu'ils devaient résister aux réclamations de leurs acheteurs, et les faire intervenir dans l'instance afin de les soumettre au même sort que celui qui leur serait fait par justice; qu'ils devaient également faire ordonner prélèvement d'échantillons et vente pour compte de qui de droit, afin

de parer aux fluctuations des cours et éviter des frais; qu'enfin, la bonne foi de Raoul Duval et Cie n'étant pas douteuse, ceux-ci se trouvent dans la situation prévue par l'art. 1616, C. civ., qui dispose que, si le vendeur ignore les vices de la chose, il n'est pas tenu de dommages-intérêts; Par ces motifs; - Dit et juge Guilhem et Cie mal fondés en leur demande de résiliation et les en déboute; Condamne

Raoul Duval et Cie à payer, à titre de bonification sur les brisures de riz en litige, une somme de 1 fr. 50 par 100 kilos, soit la somme de 1.500 fr., etc. ».

Sur appel de MM. Guilhem et Cie, la Cour de Rouen a rendu, le 3 mars 1909, l'arrêt infirmatif suivant : « La Cour;

Attendu que, dans les motifs de son jugement d'avant faire droit, le tribunal, après avoir exactement relaté et sainement apprécié les circonstances et les particularités de nature à faire suspecter les certificats délivrés, a déclaré que ces documents ne présentaient pas les caractères indiscutables d'authenticité et de véracité exigibles pour des pièces de cette importance; que, dans le jugement frappé d'appel, le tribunal de commerce du Havre rappelle son appréciation antérieure sur le peu de valeur des certificats produits; que, d'ailleurs, Raoul Duval et Cie, qui se bornent à demander la confirmation du jugement, ne soutiennent plus aujourd'hui qu'il suffise de s'en référer à l'autorité de ces certificats pour trancher la question litigieuse; qu'une pareille prétention serait d'ailleurs inadmissible, ces certifi cats présentant des inexactitudes et des irrégularités telles que, de toute évidence, ceux qui les ont établis ont commis, tout au moins par légèreté, une faute grossière équipollente au dol, faute dont Raoul Du val et Cie ne pourraient être irresponsables, puisqu'il leur appartenait de veiller au choix des certificateurs, et qu'ils avaient le devoir, s'ils voulaient être de bonne foi, de s'assurer que le choix portait sur des certificateurs sérieux;

« Sur la résiliation: Attendu qu'il résulte du rapport des experts que la marchandise livrée par Raoul Duval et Cie ne correspond pas à la qualité moyenne des brisures n. 2 au moment de l'embarquement; que les brisures livrées sont beaucoup plus petites que le n. 2; qu'elles répondent en général au type n. 3, et que certains sacs, peu nombreux, où le riz se trouve mélangé de paille, répondent même plutôt au type n. 4; qu'ensuite, sur la seconde question posée par le tribunal, les experts ont déclaré que la marchandise livrée valait en moyenne 1 fr. 50 par 100 kilos de moins que la marchandise vendue; Attendu que, s'il ne s'agit pas, à proprement parler, d'une vente sur échantillon, la vente faite par Raoul Duval et Cie n'en porte pas moins sur un type de marchandise parfaitement connu, déterminé et classé dans le commerce, indiqué par le n. 2, tout différent des autres brisures de riz également connues et déterminées, qui sont classées sous les n. 3 et 4, s'en distinguant par son prix plus élevé, par sa dimension, par la possibilité de servir à des usages auxquels ne sauraient être em

ployées les brisures plus petites du genre de celles qui ont été livrées; qu'en effet, les brisures n. 2 sont utilisables pour l'alimentation des nègres dans les colonies, ou pour la boulangerie après leur transformation en farine, et les brisures n. 3 et 4 ne sont utilisables que pour la distillation ou pour la nourriture du bétail; que, si ces brisures n. 2, 3 et 4 sont toutes des déchets de riz, ce sont des déchets toujours séparés les uns des autres en vue de la vente; que, de tout ce qui précède, il ressort, non pas seulement que les brisures livrées sont d'une qualité inférieure aux brisures promises, mais encore qu'au point de vue commercial, la marchandise livrée est d'une autre nature que la marchandise vendue; que la demande en résiliation de Guilhem et Cie est donc justifiée, et que c'est à tort que les premiers juges ont décidé qu'il y avait lieu seulement à une bonification;

Attendu qu'il ne saurait être question, dès lors, d'appliquer l'art. 1646, C. civ., qui, d'ailleurs, ne peut être invoqué, quand, comme dans l'espèce, il s'agit d'une défectuosité visible au premier aspect de la marchandise; que, la demande en résiliation étant fondée, il est de toute évidence que le tribunal a, à tort, relevé, à titre de griefs contre Guilhem et Cie, de n'avoir pas pris des mesures, telles que la mise en cause de leurs acheteurs et la poursuite d'une vente judiciaire pour le compte de qui de droit;

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Attendu

Sur les dommages-intérêts: que, par suite de la résiliation, Raoul Duval et Cie doivent être condamnés à rembourser à Guilhem et Cie le montant des deux traites documentaires payées par ceux-ci pour prix des brisures de riz à eux expédiées, avec intérêts à 5 p. 100 à partir du paiement; que, de plus, Raoul Duval et Cie doivent indemniser Guilhem et Cie des pertes subies par suite de l'exécution défectueuse du marché; que, le 2 mars 1907. Guilhem et Cie ont vendu à Delmas, de Bordeaux, 100 tonnes de brisures de riz n. 2, à prendre en avril et mai, au prix de 20 fr. 75 les 100 kilos; que, de cette opération, résultait pour Guilhem et Cie un bénéfice de 3.000 fr. ; que Delmas, n'ayant pas accepté les marchandises à lui offertes, qui étaient celles que Raoul Duval et Cie avaient expédiées à Guilhem et Cie, a dù se remplacer de 100 tonnes au Havre à la date dù 13 juin 1907; que les brisures achetées par lui en remplacement, brisures dont le prix avait continué de monter, lui sont revenues, rendues à Bordeaux, à un prix supérieur de 1 fr. 70 par 100 kilos à celui qu'il avait promis à Guilhem et Cie. lesquels justifient qu'ils ont dû lui payer 1.700 fr. à titre de dommages-intérêts; que Raoul Duval et Cie ont donc eux-mêmes à indemniser Guilhem et Cie de la perte du bénéfice résultant de la revente (3.000 fr., et aussi du préjudice résultant du paiement de la susdite somme de 1.700 fr., représentant des dommages-intérêts qui pouvaient être prévus lors du contrat du 30 janv. 1907, pour le cas de son inexécu tion; Attendu qu'au-dessus de cette somme de 4.700 fr., la demande en indemnité de Guilhem et Cie n'est justifiée

par aucun fait précis et déterminé, sauf toutefois en ce qui concerne les frais et honoraires du consignataire nommé par autorité de justice, ceux de magasinage et d'expertise judiciaire, qu'il y a lieu de leur allouer à titre de supplément de dommages-intérêts; que Raoul Duva! et Cie, qui succombent, doivent supporter tous les dépens; Par ces motifs; Prononce la résiliation du marché verbal du 30 janv. 1907, aux torts de Raoul Duval et Cie; Condamne Raoul Duval et Cie à rembourser à Guilhem et Cie le montant des deux traites documentaires payées par ceux-ci pour le prix des brisures de riz, depuis le 29 avril 1907, date du paiement de la première traite; - Condamne Raoul Duval et Cie à payer à Guilhem et Cie la somme de 4.700 fr., à titre de dommagesintérêts, pour réparation du préjudice causé par suite de l'exécution défectueuse du marché du 30 janv. 1907, etc. ».

POURVOI en cassation par MM. Raoul Duval et Cie.

ARRET.

LA COUR; Sur le moyen unique, pris de la violation des art. 1645 et 1646, C. civ., et 7 de la loi du 20 avril 1810: — Attendu, d'après les constatations de l'arrêt attaqué, que la vente faite par Raoul Duval et Cé portait sur un type de marchandise connu, déterminé et classé dans le commerce, indiqué par le n. 2, tout différent des autres brisures de riz, également connues et déterminées, qui sont classées sous les n. 3 et 4, se distinguant de celles-ci par son prix plus élevé, par sa dimension, par la possibilité de servir à des usages auxquels ne pourraient être employées les brisures plus petites qui ont été livrées; qu'en vertu de ces constatations, la Cour a estimé que les brisures livrées n'étaient pas seulement d'une qualité inférieure aux brisures promises, mais encore qu'au point de vue commercial, la marchandise livrée était d'une autre nature que la marchandise vendue; qu'en conséquence, il y avait lieu de faire droit à la demande en résiliation fondée sur l'inexécution du marché, et non d'appliquer l'art. 1646, invoqué par Raoul Duval et Cie; Attendu qu'il appartenait à la Cour de caractériser ainsi qu'elle l'a fait les faits qui étaient soumis à son appréciation, et de baser sur cette appréciation souveraine la condamnation aux dommages-intérêts, conformément à

(1-2) Bien que l'art. 305, 1, C. proc., n'édicte aucune sanction, au cas où un jugement, ordonnant une expertise et désignant les experts, n'a pas réservé aux parties le droit de s'entendre entre elles pour en choisir d'autres, la jurisprudence décide que le défaut d'accomplissement de cette formalité entraîne nullité du jugement. V. Cass. 27 avril 1909 (motifs) (S. et P. 1909.1.320; Pand, pér., 1909.1.320), et les renvois; 21 nov. 1911 (motifs) (S. et P. 1912.1.96; Pand. pér., 1912.1.96). Elle est également fixée en ce sens que cette nullité n'est pas d'ordre public, et peut être couverte dans les termes de l'art. 178, C. proc. V. Cass. 27 avril 1909 et 21 nov. 1911, précités, et les renvois. Ces solutions doivent et c'est l'intérêt de l'arrêt ci

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1o EXPERT-EXPERTISE, DÉSIGNATION DES EXPERTS, CHOIX DES PARTIES, SERMENT DES EXPERTS, DÉSIGNATION DU JUGE-COMMISSAIRE, EXCEPTION, NULLITÉ COUVERTE, RENONCIATION TACITE (Rép., vo Expertise, n. 305 et s.; Pand. Rép., v° Expert-Expertise, n. 158 et s., 171 et s.). 2o EXÉCU TION (DES ACTES OU JUGEMENTS), DEMANDE INCIDENTE, ACTE D'AVOUÉ A AVOUE, EXPERTISE, SERMENT DES EXPERTS, DÉSIGNATION DU JUGE-COMMISSAIRE, OMISSION, DIFFICULTÉS D'EXÉCUTION (Rép., vis Demande incidente, n. 10 et s., Exécution des actes et jugements [mat. civ. et comm.], n. 592 et s.; Pand. Rép., v° Exécution des jugements et actes, n. 535 et s.).

1° Si l'art. 305, C. proc., prescrit, à peine de nullité, que le jugement, ordonnant une expertise et désignant trois experts sur la demande des parties, réserve à celles-ci le droit d'en choisir d'autres dans les trois jours de la signification, et nomme le jugecommissaire qui recevra le serment des experts convenus ou nommés d'office, cette nullité est purement relative, et peut être couverte dans les termes de l'art. 173, C. proc. (1) (C. proc., 173, 305).

Spécialement, les juges du fond ont pu déduire la renonciation d'une partie à se prévaloir de cette double nullité, tant du silence qu'elle a conservé au cours de l'instance d'appel du jugement à l'encontre duquel pouvaient être invoquées ces causes de nullité, que des termes de ses conclusions, dans lesquelles elle a déclaré accepter en principe l'expertise ordonnée, en demandant, à titre subsidiaire, le renvoi des parties devant les experts commis (2) (Id.).

2o Lorsqu'un jugement, en nommant des experts, a omis de désigner un juge pour recevoir leur serment, la demande à fin de désignation du juge chargé de recevoir ce serment ne constitue pas un litige nouveau, devant faire l'objet d'une citation nouvelle, mais une simple difficulté d'exécution; et, par suite, cette demande peut être formée

dessus, qui statue pour la première fois sur la question être étendues, par identité de motifs, au cas où, contrairement aux prescriptions de l'art. 305, § 2, C. proc., le tribunal, en ordonnant une expertise, a omis de désigner le juge qui recevra le serment des experts. Il y a d'autant plus de raison d'admettre que la nullité résultant de cette omission n'est pas d'ordre public, et peut être couverte dans les termes de l'art. 173, C. proc., qu'il est de jurisprudence constante que la formalité même du serment des experts n'est pas d'ordre public, et que les parties peuvent y renoncer, soit expressément, soit tacitement. V. Cass. 28 janv. 1912 (S. et P. 1912.1.144; Pand. pér., 1912.1.144), et les renvois.

par voie de conclusions (3) (C. proc., 305, 337, 1038).

(Depeaux C. Dme Decap).

Dans une instance entre Mme Decap et M. Depeaux, le tribunal civil de Rouen, par jugement du 9 févr. 1910, avait ordonné une expertise, en nommant lui-même les experts, sans en réserver le choix aux parties, et en omettant de désigner le magistrat devant lequel les experts devraient prêter serment. Sur appel de M. Depeaux, qui, sans se prévaloir de ces omissions, déclarait accepter l'expertise ordonnée, et demandait, à titre subsidiaire, le renvoi des parties devant les experts désignés, la Cour de Rouen a confirmé le jugement par arrêt du 31 janv. 1911. Mine Decap a alors pris devant le tribunal des conclusions tendant à la désignation du juge chargé de recevoir le serment; mais le tribunal a déclaré cette demande non recevable, motifs pris de ce que la difficulté litigieuse provenait d'un vice même de l'arrêt confirmatif du 31 janv. 1911, que la Cour seule avait qualité pour réparer. - Mme Decap a interjeté appel. M. Depeaux, intimé, a conclu à la confirmation du jugement par adoption de motifs; subsidiairement, il a soutenu que la demande de Mme Decap, constituant une demande principale, aurait dû être introduite par voie d'assignation; plus subsidiairement encore, il a demandé à la Cour de dire que le jugement du 9 févr. 1910, n'ayant pas réservé aux parties le choix de ces experts, ni désigné le magistrat qui recevrait le serment, était nul. Par arrêt du 24 juin 1911, la Cour de Rouen, infirmant du chef de l'incompétence du tribunal, et évoquant, a rejeté les moyens de nullité, et décidé que les experts nommés prêteraient serment devant le président du tribunal civil de Rouen ou le magistrat par lui commis.

C.

POURVOI en cassation par M. Depeaux.

1er Moyen. Violation de l'art. 305, proc., en ce que l'arrêt attaqué a décidé qu'il pourrait être suppléé aux omissions d'un jugement qui n'avait ni réservé aux parties le droit de s'accorder sur le choix des experts, ni désigné le magistrat devant lequel les experts prêteraient serment, alors qu'à ce double point de vue, le jugement était radicalement nul.

2e Moyen. Violation des art. 59 et s., C. proc., 1038 du même Code, en ce que l'arrêt attaqué a déclaré recevable la de

(3) La demande relative à l'exécution d'un jugement ne doit être considérée que comme une suite du jugement et un incident de la même instance, et peut, dès lors, être valablement formée par acte d'avoué à avoué. V. Cass. 19 déc. 1911 (S. et P. 1912.1.191; Pand. pér., 1912.1.191), et les renvois. Or, lorsqu'un jugement, en ordonnant une expertise, a omis de désigner le magistrat chargé de recevoir le serment des experts, comme l'exige l'art. 305, § 2, C. proc., la demande qui tend à cette désignation, et qui a ainsi pour objet de réparer une lacune du jugement, est bien une difficulté sur l'exécution du jugement, et peut, par suite, être formée par voie de simples conclusions.

mande de désignation du magistrat chargé de recevoir le serment des experts, faite par de simples conclusions, alors que cette demande, ayant pour objet de modifier le dispositif d'un précédent jugement qui avait omis cette désignation, devait nécessairement faire l'objet d'une assignation.

ARRÊT.

LA COUR; Sur le premier moyen envisagé dans ses deux branches, et tiré de la violation de l'art. 305, C. proc. : Attendu que, si l'art. 305, C. proc., prescrit, à peine de nullité, que le jugement ordonnant une expertise et désignant trois experts, sur la demande des parties, réserve à celles-ci le droit d'en choisir d'autres dans les trois jours de la signification, et nomme le juge commissaire qui recevra le serment des experts convenus ou nommés d'office, cette nullité, n'étant pas d'ordre public, est purement relative, et peut être couverte dans les termes de l'art. 173, C. proc.; Attendu qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que Depeaux a renoncé à se prévaloir de la nullité qu'il invoque; qu'il déclare, en effet, que sa renonciation ressort manifestement tant du silence qu'il a conservé lors du débat terminé par l'arrêt du 31 janv. 1911, relativement au choix des experts, que des termes formels de ses dernières conclusions, dans lesquelles il a déclaré accepter en principe l'expertise ordonnée, et a expressément demandé, à titre subsidiaire, que les parties fussent renvoyées à compter devant les experts désignés par les premiers juges; que Depeaux ne pouvait, dès lors, dans l'instance actuelle, soulever l'exception de nullité dérivant de l'art. 305, C. proc.; d'où il suit qu'en statuant comme il l'a fait, l'arrêt attaqué n'a pas violé le texte de loi visé au moyen;

Sur le second moyen, pris de la violation des art. 59 et s., C. proc., et 1038 du même Code: Attendu que le pourvoi reproche

(1-2) Par l'arrêt ci-dessus, la Cour de cassation se prononce pour la première fois sur une question très débattue, et qui divisait les Cours d'appel, celle de savoir si, pour la détermination du taux du ressort, on doit prendre en considération le chef de demande tendant à la condamnation du défendeur, en outre des dépens, aux droits d'enregistrement perçus à l'occasion de l'instance. V. pour l'exposé de cette controverse, la note sous Dijon, 9 juin 1904 (S. et P. 1906.2.129). Des arrêts, considérant ce chef de demande comme un accessoire de la demande principale, avaient décidé qu'il devait être sans influence sur le taux du ressort (V. Amiens, 15 juin 1900 et 1er févr. 1901, S. et P. 1906.2.129, ad notam; Nancy, 15 déc. 1908, S. et P. 1910.2.104; Pand. pér., 1910.2.104; Orléans, 22 janv. 1909, Rouen, 4 août 1909, et Paris, 15 févr. 1910, S. et P. 1910.2.207; Pand. pér., 1910.2.207; Bourges, 15 mars 1910, S. et P. 1910. 2.104; Pand. pér., 1910.2.104; Rouen, 8 nov. 1911, S. et P. 1912.2.271; Pand. pér., 1912.2.271), alors même que la condamnation au paiement des droits d'enregistrement était demandée « à titre de dommages-intérêts (V. Amiens, 15 juin 1900; Nancy, 15 déc. 1908; et Paris, 15 févr. 1910, précités), ou « au besoin à titre de dommages-intérêts». V. Amiens, 1er févr. 1901, et Rouen, 4 août

10

à l'arrêt d'avoir déclaré recevable la demande de désignation du magistrat chargé de recevoir le serment des experts, formée par de simples conclusions; Mais attendu que, s'agissant de l'exécution du jugement qui avait ordonné une expertise, l'arrêt déclare que la demande à fin de désignation du juge, uniquement chargé de recevoir un serment, pour rendre possibles les opérations d'une expertise dont la nécessité était acquise aux parties, ne constituait pas un litige nouveau, devant faire l'objet d'une citation nouvelle, mais une simple difficulté d'exécution, et que cette demande pouvait être formulée par voie de conclusions; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, l'arrêt échappe aux critiques du pourvoi; - Rejette, etc.

Du 20 janv. 1913. - Ch. req. MM. Ta non, prés.; Gillet, rapp.; Eon, av. gén. (concl. conf.); Gosset, av.

CASS.-REQ. 9 avril 1913.

1° DERNIER RESSORT, DEMANDE ACCESSOIRE, ENREGISTREMENT (DROITS D'), DOMMAGESINTÉRÊTS (Rép., v° Appel [mat. civ.], n. 181 et s., 450 s.; Pand. Rép., v° Appel civil, n. 1246). 20 CASSATION, JUGEMENT EN PREMIER RESSORT, FIN DE NON-RECEVOIR (Rép., v Cassation [mat. civ.], n. 656 et s.; Pand. Rép., v Cassation civile, n. 257 et s.).

1o La condamnation aux dépens ne s'étendant pas aux droits d'enregistrement perçus sur des actes antérieurs, dont les énonciations du jugement ou de l'arrêt ont révélé l'existence, une demande en justice, en tant qu'elle a pour objet ces droits d'enregistrement, constitue une demande principale, indépendante de la demande en condamnation aux dépens, et qui est d'une valeur indéterminée (1) (L. 11 avril 1838, art. ler).

En conséquence, lorsqu'à une demande principale inférieure à 1.500 fr., le deman

1909, précités. Dans la note sous Dijon, 9 juin 1904, précité, nous avons montré que ce système soulevait de graves objections, et que, si le système opposé présentait le danger de donner au demandeur le moyen de rendre à son gré susceptible d'appel le jugement à intervenir sur sa demande, il pouvait seul se concilier avec la jurisprudence, d'après laquelle les droits d'enregistrement, qui n'ont pas leur cause génératrice dans les dispositions mêmes du jugement, et qui sont perçus simplement à l'occasion de ce jugement, ne sont pas compris dans la condamnation aux dépens, et ne peuvent être mis à la charge d'une partie, autre que celle qui en est débitrice d'après la loi fiscale, que par une condamnation spéciale, prononcée à titre de dommages-intérêts, et justifiée par la précision de la faute et du préjudice. V. Cass. 22 avril 1912 (S. et P. 1912.1. 388; Pand. pér., 1912.1.388), et les renvois. C'est l'argument même que la Cour de cassation invoque pour décider, comme l'avaient fait déjà un grand nombre d'arrêts (V. Dijon, 9 juin 1904, précité; Rennes, 27 déc. 1906, S. et P. 1907.2.8; Paris, 9 déc. 1908, S. et P. 1910.2.104; Pand. pér., 1910.2.104; Dijon, 31 déc. 1910, S. et P. 1911.2. 188; Pand. pér., 1911.2.188; Paris, 8 mai 1911, S. et P. 1911.2.220; Pand. pér., 1911.2.220), que

deur a ajouté celle de tous frais et dépens, en y comprenant tous droits d'enregistrement ou autres, à titre de supplément de dommages-intérêts, le jugement rendu sur cette demande est en premier ressort, et, par suite, susceptible d'appel (2) (Id.).

2o En conséquence, le pourvoi en cassation, formé contre ce jugement, n'est pas recevable (3) (L. 27 nov.-1er déc. 1790, art. 2).

(Chem, de fer d'Orléans C. Besnier).

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LA COUR; Sur le moyen unique du pourvoi Attendu qu'aux termes de l'art. 2 de la loi du 27 nov. 1790, le recours en cassation n'est ouvert que contre les jugements en dernier ressort; tendu que, dans son assignation du 9 nov. 1911, Besnier avait ajouté à sa demande de diverses sommes dont le total n'atteignait pas 1.500 fr., celle de tous frais et dépens, en y comprenant expressément tous droits d'enregistrement ou autres, à titre de supplément de dommages-intérêts; Attendu que la condamnation aux dépens ne s'étend pas aux droits que l'Administration de l'enregistrement perçoit sur des actes antérieurs, dont les énonciations du jugement ou de l'arrêt lui ont révélé l'existence; que la demande de Besnier, en tant qu'elle avait pour objet les droits d'enregistrement, constituait ainsi une demande principale, indépendante de la demande en condamnation aux dépens; qu'elle était d'une valeur indéterminée; D'où il suit que le jugement qui a statué sur le litige était suscep tible d'appel, et qu'en conséquence le pourvoi n'est pas recevable; Rejette le pourvoi formé contre le jugement rendu le 21 déc. 1911 par le tribunal de commerce d'Angoulême, etc. Du 9 avril 1913. Ch. req. MM. Tanon, prés.; Curet, rapp.; Eon, av. gén. (concl. conf.); Cail, av.

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la demande tendant au paiement des droits d'enregistrement est une demande principale, qui doit être prise en considération pour la détermination du taux du ressort, et qui, étant indéterminée, a pour effet de rendre le jugement susceptible d'appel, alors même que l'objet du litige rentrerait dans la compétence en dernier ressort du tribunal de première instance.

La Cour de cassation, dans l'arrêt ci-dessus, comme les arrêts qui s'étaient prononcés dans le même sens, a statué dans des espèces où la condamnation au paiement des droits d'enregistrement avait été demandée à titre de dommages-intérêts ou de dommages-intérêts supplémentaires. Mais la solution ne saurait être différente, ainsi que nous l'avons expliqué dans la note sous Dijon, 9 juin 1904, précité, si le demandeur avait conclu purement et simplement à la condamnation au paiement des droits d'enregistrement sans ajouter qu'il réclame cette condamnation, à titre de dommages-intérêts, ou à titre de supplément de dommages-intérêts.

(3) V. sur le principe que le pourvoi en cassation n'est pas recevable contre un jugement susceptible d'appel, Cass. 13 juill, 1903 (S. et P. 1907. 1.15); 6 févr. 1906 (S. et P. 1909.1.564; Pand. pér., 1909.1.564), et les renvois.

CASS.-REQ. 25 octobre 1909.

1o RESPONSABILité civile ou PÉNALE, CONTRAT D'ÉDITION, EDITEUR, GARANTIE (CLAUSE DE NON-), INTERPRÉTATION, POUVOIR DU JUGE (Rép., v° Responsabilité civile, n. 288 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 1986). 20 PROPRIÉTÉ LITTÉRAIRE OU ARTISTIQUE, CONTRAT D'ÉDITION, EDITEUR, RESPONSABILITÉ (CLAUSE DE NON-), CARACTÈRE ILLI CITE, NULLITÉ (Rép., vo Edition [contrat d'], n. 68 et s.; Pand. Rép., vo° Propriété littéraire, n. 1764 et s. ).

1o Les juges du fond, en déclarant que la clause d'un contrat d'édition, par laquelle il était stipulé que, au cas où des poursuites judiciaires seraient exercées par des tiers à raison des ouvrages édités, l'auteur supporterait la pleine responsabilité pécuniaire

(1) Un contrat d'édition, passé entre un libraire de Paris et un romancier, contenait une clause ainsi conçue: « Le libraire se réserve le droit de ne pas mettre sa firme d'éditeur sur les couverture et titre des ouvrages de l'auteur, si, après lecture sur le bon à tirer, il les jugeait susceptibles de poursuites judiciaires. Toutefois, dans l'impossibilité où il est de pouvoir juger d'une manière absolue s'il y aura ou s'il n'y aura pas de poursuites, il déclare ne vouloir supporter aucune responsabilité morale et financière au sujet des réclamations que pourrait faire surgir leur publication, de la part des personnalités visées ou de celles qui pourraient se reconnaître. L'auteur supportera donc seul la pleine responsabilité pécuniaire et morale des différends et procès auxquels la publication de ses livres pourrait donner lieu, de telle sorte que l'éditeur ne puisse être recherché de ce chef, et il demeurera entièrement responsable vis-à-vis de lui-même dans le cas où ses livres auraient paru avec la firme de l'éditeur ». Après coup, ces réserves parurent sans doute insuffisantes à celui qui les avait faites, car, ayant pris connaissance des manuscrits de l'auteur, l'éditeur refusa, non seulement sa firme, mais son concours, et s'abstint de faire imprimer les deux volumes qu'il s'était engagé à publier. L'auteur, dans ces conditions, l'assigna en exécution de son traité et en paiement de dommages-intérêts. Condamné par le tribunal de commerce de la Seine, l'éditeur fit appel, et, devant la Cour, invoquant un moyen nouveau, soutint que la clause précitée, par laquelle l'auteur le garantissait de toute responsabilité morale et financière, constituait une con. dition illicite, et qui, par application de l'art. 1172, C. civ., rendait nul le contrat tout entier. Accueillant ce moyen, la Cour de Paris, par arrêt du 14 févr. 1908, prononça la nullité des conventions intervenues entre les parties, et déclara que l'éditeur s'était à bon droit refusé à l'exécution de ces conventions. Saisie d'un pourvoi contre cette décision, la chambre des requêtes a rendu un arrêt de rejet ; c'est l'arrêt du 25 oct. 1909, ci-dessus rapporté.

Nous n'hésitons pas à croire que la thèse consacrée par la Cour d'appel et par la Cour de cassation doit être pleinement approuvée. Elle est conforme à ce qu'il y a d'à peu près incontestable dans la doctrine de la nullité des clauses d'exonération. On sait à quelles discussions, à quelles difficultés a donné lieu cette question de l'exonération conventionnelle des fautes. Les auteurs sont divisés, la jurisprudence manque d'unité et de coordination. V. les références dans ANNÉE 1913. - 5 cah.

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ou morale qui pourrait en résulter, de telle sorte que l'éditeur ne pût être recherché, qu'il eût ou non apposé sa firme sur les ouvrages, visait aussi bien les poursuites exercées devant la juridiction répressive que celles qui seraient intervenues devant la juridiction civile, se livrent à une interprétation qui ne dénature nullement ni le sens ni la portée de la stipulation dont il s'agit, et qui rentre par suite dans leur pouvoir souverain (1) (C. civ., 1134).

2o Et c'est à bon droit, dès lors, qu'ils prononcent, étant donné le caractère illicite de cette clause, la nullité du contrat d'édition qui la contenait (2) (C. civ., 1131, 1133, 1172).

(Vigné C. Tallandier).

La Cour d'appel de Paris a rendu, le 14 févr. 1908, un arrêt ainsi conçu : « La

les notes de M, Perreau sous Cass. 31 déc. 1900 (S. et P. 1901.1.401), et de M. Bourcart sons Trib. de paix de Saint-Vivien, 15 mai 1907 (S. et P. 1908. 2.145; Pand. pér., 1908.2.145). Il y a cependant des points sur lesquels on peut considérer l'accord comme établi. Ainsi, il est de pratique constante qu'en matière de faute délictuelle, la convention d'irresponsabilité est entièrement inefficace; on ne peut pas, sans recourir à l'assurance, se mettre par un contrat à l'abri des conséquences de ses délits. Peu importe qu'il s'agisse d'un délit civil ou pénal; le principe est le même dans les deux cas. V. Cass. 19 août 1878 (motifs) (S. 1879.1.422.

P. 1879.1090); Trib. de Saint-Etienne, 10 août 1886 (S. 1887.2.48. P. 1887.1.239), et la note. Adde, Planiol, Tr. élém. de dr. civ., 6o éd., t. 2, n. 882; Baudry-Lacantinerie et Barde, Oblig., 3o éd., t. 4, n. 2869; Sourdat, Tr. de la respons., 6° éd., t. 1, p. 601 et s., n. 662.

Or, l'éditeur figure au premier rang parmi les personnes responsables des délits de publicité; l'art. 42 de la loi du 29 juill. 1881 le mentionne, avant l'auteur lui-même, au nombre des délinquants passibles des peines qui constituent la répression des crimes et délits commis par la voie de la presse. Dans l'espèce, le pourvoi avait cru pouvoir tirer argument d'une décision de la chambre des requêtes, reconnaissant que l'éditeur, responsable vis-à-vis des tiers, pouvait, après condamnation, avoir un recours contre l'auteur. V. Cass. req. 13 déc. 1893 (S. et P. 1896.1.141; Pand. pér., 1895.1.261). Si, disait-on, la garantie est due à l'éditeur, comment celui-ci ne pourrait-il pas la stipuler préventivement? Mais ce n'était pas là une raison décisive. D'une part, il fallait observer que l'arrêt du 18 déc. 1893 n'était guère qu'une décision d'espèce pour admettre le droit de recours des éditeurs contre l'auteur, la Cour d'appel faisait valoir que l'auteur avait été l'ordonnateur, le véritable maître de la publication: Considérant qu'il résulte des pièces produites que, si C... et Cie (les libraires), étaient bien, vis-à-vis du public, les éditeurs responsables (de la publication), l'ayant mise en vente sous leur nom et en cette qualité, ils n'ont été, en fait, vis-à-vis de l'auteur, que de simples dépositaires, ou, comme il les a lui-même qualifiés, ses mandataires ; qu'en effet, il leur a livré un ouvrage non en épreuves, mais tout imprimé et broché, après avoir seul, sans leur concours, affermé la quatrième page de la couverture à des publications financières; qu'on ne s'expliquerait pas, d'ailleurs, s'il en était autrement, le caractère impérieux des instructions

Cour; Considérant que Vigné d'Octon a cédé à Tallandier, à des conditions déterminées, le droit exclusif d'imprimer, publier ou vendre deux ouvrages dont il est l'auteur, ayant pour titres : « Compan du Varet Le citoyen Robinat », faisant partie d'une série de romans de moeurs contemporaines intitulée : « Quelques coins de la 3 République ; - Considérant que l'art. 7 desdites conventions autorise Tallandier, si, après lecture sur le bon à tirer, il jugeait que ces ouvrages sont de nature à motiver de la part de tiers des poursuites judiciaires, à ne pas mettre sa firme, et stipule, en outre, que, Tallandier ne voulant supporter aucune responsabilité morale ou pécuniaire, au cas où des poursuites judiciaires seraient exercées par des tiers qui seraient visés ou prétendraient se reconnaitre, Vigné supportera la pleine

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ou plutôt des ordres donnés par E. à C... et C", auxquels il imposait, en termes qui n'admettaient aucune observation, sa volonté absolue...» (Paris, 31 mai 1892, sous Cass. 13 déc. 1893, précité). Si le rôle de l'éditeur avait été, en cette occasion, ce qu'il est d'ordinaire, s'il avait été associé plus étroitement à la responsabilité de l'auteur, il est vraisemblable que la décision rendue eût été différente; on ne lui eût pas permis d'échapper par un recours aux conséquences de son fait personnel. V. encore, Cass. 19 mai 1909 (sol. implic.) (S. et P. 1911.1.449; Pand. pér., 1911. 1.449), et la note de M. Charmont. Au surplus, la possibilité d'un recours n'implique pas la validité d'une clause d'exonération préventive. La personne civilement responsable du dommage causé par son préposé a contre ce dernier une action récursoire. V. Cass. 24 févr. 1886 (S. 1886.1.460.P. 1886.1.1140, et la note; Pand. pér., 1888.1.351). Cependant la Cour de cassation décide expressément qu'il n'est pas plus permis en principe de s'exonérer d'avance par convention des fautes de ses préposés que de ses propres fautes ». V. Cass. 31 déc. 1900, précité; Pand. pér., 1901.1.169. En réalité, la validité de la clause d'irresponsabilité encouragerait l'imprudence ou la négligence du stipulant et serait plus dangereuse pour les tiers que la simple réserve d'un recours exercé après coup, soumis à des restrictions. C'est ainsi et pour des raisons assez semblables qu'on admet la légitimité de l'assurance-responsabilité (V. Ca88. 28 oct. 1903, S. et P. 1904.1.437, et la note. Adde, Baudry-Lacantinerie et Barde, loc. cit.), sans en conclure qu'on peut s'exonérer des conséquences de sa responsabilité par une convention faite avec la victime éventuelle (V. Dijon, 24 juill. 1874, S. 1875.2.73. P. 1875.343, et la note; Trib. de Saint-Etienne, 10 août 1886, précité, et la note) ou avec l'un des coauteurs du délit. V. Cass. 22 nov. 1898 (S. et P. 1901.1.239), et les renvois. J. CHARMONT.

(2) Cette solution est une application du principe que, lorsque les diverses stipulations d'un acte sont liées les unes aux autres de façon à former un tout indivisible, la nullité de l'une des parties de l'acte en entraîne l'annulation totale. V. Cass. 14 nov. 1843 (S. 1844.1.229. - P. 1844. 1.560); Orléans, 24 mai 1849 (S. 1849.2.600. P. 1849.2.78); Laurent, Princ. de dr. civ., t. 16, n. 158; Solon, Theor. sur la nullité, t. 2, n. 104 et s.; Larombière, Theor. et prat. des oblig., 2o éd., t. 5, sur l'art. 1304, n. 16.

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