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formes ordinaires du droit commun; qu'ainsi, les constatations des juges du fond n'établissent pas que la Comp. de F'Est ait rapporté la preuve que l'avarie litigieuse était le résultat du vice propre de la chose, par elle allégué; d'où il suit qu'en statuant comme il l'a fait, le jugement attaqué a violé l'article de loi ci-dessus visé; Casse, etc.

Du 29 oct. 1912. Ch. civ. MM. Baudouin, ler prés.; Broussard, rapp.; Mérillon, av. gén. (concl. conf.); Barry et Cail,

av.

2o Espèce.

Chem. de fer d'Orléans
C. Baïssas et Cie).

La Comp. des chemins de fer d'Orléans s'est pourvue en cassation contre un jugement du tribunal de commerce de Toulouse, en date du 18 nov. 1907. — 1er Moyen. Violation des art. 1134 et s., 1315, 1382 et s., C. civ., 103, C. comm., du tarif spécial P. V., n. 29, de la Comp. d'Orléans, et de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que le jugement attaqué a condamné la Comp. à payer au propriétaire d'un wagonréservoir une indemnité pour chômage nécessité par la réparation d'une avarie, ainsi que les frais de transport du wagon aux ateliers de réparation, sous le prétexte que la Comp. n'avait pas établi que l'avarie fut le résultat d'un vice propre, alors que le tarif P. V., n. 29, réglementant le contrat d'admission et de circulation des wagons-réservoirs, met l'entretien de ces wagons à la charge de leur propriétaire, et exonére la Comp. de toute indemnité pour le chômage des wagons-réservoirs pendant leur réparation.

2o Moyen. Violation des art. 1153, 1382 et s., C. civ., 130, C. proc., et 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que le jugement attaqué a condamné la Comp. à des dommages-intérêts en sus des dépens légaux, sans constatation ni de faute ni de préjudice.

ARRÊT (apr. délib. en ch. du cons.).

LA COUR; Sur le premier moyen: Attendu qu'il est constaté, en fait, qu'une avarie est survenue, le 23 juill. 1906, en cours de route, à un wagon-réservoir vide, remis à la gare d'Ivry-marchandises, pour être expédié, en gare de Toulouse, à la Société Baïssas et Cie, au nom de laquelle il était immatriculé; Attendu que la Comp. du chemin de fer de Paris à Orléans, attribuant l'avarie à un défaut d'entretien, déclinait toute responsabilité, en invoquant les dispositions de son tarif intérieur P. V., n. 29, lequel réglemente, dans les quatre paragraphes du chap. IV, l'immatriculation, la circulation, l'entretien, le transport et le chômage des wagons-réservoirs; que l'art. 5 met, il est vrai, l'entretien des wagons-réservoirs « à la charge des personnes ou entreprises qui ont obtenu l'immatriculation », et que l'art. 6 porte qu'il n'est du aucune indemnité par la Comp. pour le chômage des wagons-réservoirs pendant leur répaMais attendu que la Comp. de chemins de fer, tenue d'acheminer de la gare expéditrice à la gare destinataire le wagon-réservoir, demeuré, malgré l'im

ration »:

matriculation, la propriété de la Société Baïssas, exécutait un transport; que, dès lors, aucune clause du tarif applicable, quels qu'en soient le sens et la portée, ne pourrait, à peine de la nullité édictée par la loi du 17 mars 1905, soit exonérer la Comp. de chemins de fer de la responsabilité incombant au voiturier en vertu de l'art. 103, C. comm., soit intervertir l'ordre de la preuve mise à la charge de celui-ci pour établir sa libération; Attendu que, dans ces circonstances, le jugement attaqué a décidé à bon droit « qu'il appartenait à la Comp. de faire la preuve que l'avarie était véritablement le résultat du vice propre qu'elle alléguait »; qu'il déclare qu'elle ne fait pas cette preuve, et que cette appréciation est souveraine: d'où il suit qu'en condamnant la Comp. du chemin de fer de Paris à Orléans à payer une indemnité pour le chômage du wagon et à rembourser les frais du transport aux ateliers de réparation, le tribunal de commerce de Toulouse n'a violé aucun des textes visés au moyen; Rejette ce moyen;

At

con

Mais sur le deuxième moyen : Vu l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810; tendu qu'après avoir alloué la réparation intégrale du préjudice, dont il détermine les éléments, le jugement attaqué damne, en outre, la Comp. en 20 fr. de dommages », sans spécifier ni la faute génératrice de ces dommages, ni le préjudice, à raison duquel est accordée cette indemnité supplémentaire; qu'en statuant ainsi, le tribunal n'a pas motivé sa décision, et a, par suite, violé le texte susvisé; - Casse..., mais seulement au chef ayant condamné la Comp. du chemin de fer de Paris à Orléans à payer à Baïssas et Ci 20 fr. de dommages-intérêts, etc.

Du 29 oct. 1912. — Ch. civ. — MM. Baudouin, le prés.; Potier, rapp.; Mérillon, av. gén. (concl. conf.; Cail et Barry, av. 3 Espèce. (Chem. de fer d'Orléans C. Puet et Soc. des wagons-foudres de Béziers).

La Comp. des chemins de fer d'Orléans s'est pourvue en cassation contre un jugement du tribunal de commerce d'Angoulême, en date du 10 mars 1910. Moyen unique. Violation des art. 1134 et s., 1315, 1382 et s., C. civ., 103, C. comm., du tarif spécial commun P. V., n. 129 (tarif P. V., n. 29, de la Comp. d'Orléans), et de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que le jugement attaqué a rejeté le recours d'une Comp. de chemins de fer contre le propriétaire d'un wagon-réservoir, en remboursement d'une indemnité de retard payée au destinataire du wagon, et condamné la Comp. à payer au propriétaire du wagon les frais de réparation d'une pièce en mauvais état, sous le seul prétexte que la Comp. n'avait pas établi que la défectuosité de la pièce provint d'un vice propre, alors que le tarif réglementant le contrat d'admission et de circulation des wagons-réservoirs, met, en principe, à la charge de leur propriétaire, l'entretien de ces véhicules, au sens le plus large du mot, obligeant seulement la Comp. de chemins de fer à effectuer elle

même aux frais du propriétaire les réparations des pièces intéressant la sécurité, et qu'ainsi la responsabilité de la Comp. est subordonnée à la preuve d'une faute de ses agents qui aurait occasionné l'avarie du wagon.

ARRET (apr. délib. en ch. du cons.).

LA COUR; Sur le moyen unique : Attendu qu'il résulte des qualités et des déclarations du jugement attaqué que, le 11 mai 1909, il a été remis à la gare de Béziers (réseau du Midi) un wagon-réservoir, immatriculé au nom de la Société des wagons-foudres, contenant du vin, pour être expédié, par petite vitesse, à Puet, en gare d'Angoulême (réseau de la Comp. Paris-Orléans); qu'en cours de route, des avaries survenues au wagon, loué par le destinataire, ont nécessité des réparations, et occasionné un retard préjudiciable dans la livraison; - Attendu que le pourvoi relève contre le jugement un double grief, fondé sur les dispositions du tarif spécial P. V., n. 129, commun notamment aux Comp. du Midi et de Paris-Orléans, concernant le transport des wagons-réservoirs fournis par les expéditeurs ou les destinataires; qu'il lui reproche, d'une part, d'avoir condamné la Comp. de chemins de fer à indemniser Puet des journées de location supplémentaires payées à la Société des wagons-foudres, alors que l'art. 6 du tarif dispose qu'il n'est dù aucune indemnité par le chemin de fer pour le chômage des wagons-réservoirs pendant leur réparation »; d'avoir, d'autre part, sans établir aucune faute à la charge de la Comp., rejeté le recours qu'elle avait exercé contre la Société des wagons-foudres en raison des condamnations prononcées contre elle au profit du destinataire, et de l'avoir, en outre, condamnée à supporter les frais de réparation du wagon, alors que l'art. 1er du tarif établit, en principe, la responsabilité des entreprises qui ont obtenu l'immatriculation envers le chemin de fer, et que l'art. 5 met expressément à leur charge l'entretien des wagons;

Mais, 1° en ce qui concerne Puet : Attendu que le tarif spécial n. 129 ne réglemente que les rapports entre les Comp. de chemins de fer et les propriétaires des wagons-réservoirs immatriculés; qu'il ne s'applique pas aux accords intervenant librement entre les industriels et les locataires de leur matériel; que les juges du fond, reconnaissant que Puet avait dù, en vertu du contrat, payer à la Société des wagons-foudres des loyers supplémentaires, étaient autorisés à retenir, de ce chef, un élément du préjudice, dont ils allouaient la réparation à ce destinataire, à l'égard duquel le pourvoi ne méconnait pas que la responsabilité du chemin de fer était engagée;

2o En ce qui concerne la Société des wagons-foudres : Attendu que, pour l'exécution du contrat de transport intervenu entre elle et l'expéditeur, la Comp. était tenue d'acheminer le wagon-réservoir, contenant le vin, de la gare expéditrice à la gare destinataire: que ce contrat avait donc pour objet, aussi bien le wagon,

loué par le destinataire, et demeuré, malgré l'immatriculation, la propriété de la Société des wagons-foudres, que la marchandise expédiée; Attendu qu'aucune clause du tarif invoqué, quels qu'en soient le sens et la portée, ne pourrait, à peine de la nullité édictée par la loi du 17 mars 1905, soit exonérer la Comp. de chemins de fer de la responsabilité incombant au voiturier, aux termes de l'art. 103, C. comm., soit intervertir l'ordre de la preuve mise à la charge de celui-ci pour établir sa libération; Attendu que, dans ces circonstances, le jugement a déclaré à bon droit que la Comp. ne saurait échapper aux conséquences de la responsabilité qui lui incombe en raison des avaries constatées au cours du transport, « que si elle rapportait la preuve de la force majeure ou du vice propre de la chose », et qu'il déclare, par une appréciation souveraine, qu'elle ne fait pas cette preuve; D'où il suit qu'en statuant comme il l'a fait, le tribunal d'Angoulême, dont la décision est motivée, loin de violer les textes visés par le pourvoi, en a fait, au contraire, une exacte application; Rejette, etc. Du 29 oct. 1912. - Ch. civ. MM. Baudouin, 1er prés.; Potier, rapp.; Mérillon, av. gén. (concl. conf.); Cail et Barry, av. (Chem. de fer d'Orléans

4e Espèce.

C. Blondeau et autres). ARRÊT (apr. délib. en ch. du cons.). LA COUR; En ce qui concerne la Comp. des wagons-réservoirs: - Attendu que le jugement attaqué constate: 1o que, les 7 août et 14 nov. 1908, Blondeau a remis à la gare d'Elne (réseau du Midi), pour lui être expédiés, par petite vitesse, en gare d'Ivry-marchandises (réseau de la Comp. Paris-Orléans), deux wagons-réservoirs, contenant du vin, que la Comp. des wagons réservoirs lui avait loués; 2o que des avaries survenues, au cours du transport, aux wagons-réservoirs ont occasionné des retards préjudiciables dans les livraisons; Attendu que la Comp. ParisOrléans prétendait, dans ses conclusions, relatées aux qualités, que les avaries avaient pour cause un vice de construction des wagons-réservoirs; Mais attendu qu'il résulte de l'ensemble des déclarations du jugement qu'elle n'a pas fait cette preuve, et qu'au contraire, les arrêts des wagons avaient été occasionnés par

le chauffage des parties en frottement » produit par le défaut de graissage, alors que cette opération, en cours de route, incombe aux agents du chemin de fer, en vertu du paragraphe final de l'art. 4 du tarif spé

(1-2-3) L'indemnité à payer par l'expropriant à l'exproprié doit, à peine de nullité, consister en une somme d'argent. V. Cass. 14 avril 1899 (S. et P. 1899.1.288; Pand. pér., 1899.1.343), et la note. Ce principe reçoit exception, lorsqu'un contrat judiciaire a été formé par le consentement régulièrement constaté des parties pour faire entrer une autre valeur dans le règlement de l'indemnité; en ce cas, le contrat judiciaire fait désormais la loi des parties. V. Cass. 23 mai 1900 (S. et P. 1903.1.480; Pand. pér., 1901.1.462), et la note. Mais il faut que le consentement de l'expropriant

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cial P. V., n. 129, commun notamment aux Comp. du Midi et de Paris-Orléans, applicable au transport des wagons réservoirs fournis par les expéditeurs »; Attendu que ces constatations de fait, souveraines, justifient légalement la décision par laquelle le jugement, après avoir condamné la Comp. de Paris-Orléans à indemniser Blondeau, l'a déclarée mal fondée dans le recours qu'elle avait exercé contre la Comp. des wagons-réservoirs; D'où il suit qu'en statuant comme il l'a fait, le tribunal du commerce de la Seine, dont la décision est motivée, n'a violé aucun des textes visés par le pourvoi; - Rejette le pourvoi contre le jugement du tribunal de commerce de la Seine du 8 juin 1910, etc. Du 29 oct. 1912. - Ch. civ.MM. Baudouin, ler prés.; Potier, rapp.; Mérillon, av. gén. concl. conf.); Cail et Raynal, av.

CASS.-REQ. 26 juin 1912.

EXPROPRIATION POUR UTILITÉ PUBLIQUE, INDEMNITÉ, TRAVAUX, OFFRE NON ACCEPTÉE, EXCÈS DE POUVOIR (Rép., vo Expropriation pour cause d'utilité publique, n. 2681, 3024, 3055 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 1545 et s.).

L'indemnité doit être préalable et consister en une somme d'argent; il n'entre pas dans les attributions du jury, à moins que les parties n'y aient expressément consenti, de substituer, en tout ou en partie, à cette obligation de la partie expropriante, l'obligation d'exécuter certains travaux déterminés (1) (L. 3 mai 1841, art. 38, 3).

Par suite, doit être cassée, pour excès de pouvoir, la décision du jury, qui condamne la Comp. de chemins de fer expropriante à élargir un passage à niveau projeté, alors que, l'exproprie ayant formulé sa demande d'indemnité sans s'expliquer sur l'offre faite par la Comp. relativement au passage à niveau, il n'est pas établi que cette offre ait été acceptée par lui, ni qu'aucun contrat judiciaire soit intervenu sur ce point entre les parties (2) (Id.).

L'expropriant est recevable à critiquer la décision qui a ajouté, à l'offre qu'il a faite par ses conclusions, une condition que celles-ci ne contenaient pas (3) (Id.).

(Soc. des chemins de fer économiques C. Ray). — ARRÊT.

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LA COUR; Sur le moyen unique : Vu l'art. 38, 3, de la loi du 3 mai 1841; Attendu qu'en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique, l'indemnité

--

et de l'exproprié à ce mode particulier de réglement soit régulièrement constaté; s'il ne l'est pas, la décision du jury est nulle, car le jury a statué en dehors des pouvoirs qui lui sont conférés par la loi. V. Cass. 16 avril, 23 juin, 21 et 29 juill. et 13 août 1862 (S. 1862.1.1069. P. 1863.285); 9 févr. 1874 (S. 1874.1.223. P. 1874.547). Adde, la note sous Cass. 23 et 28 mai 1900 (S. et P. 1903. 1.480); de Lalleau, Jousselin, Rendu et Perrin, Tr. de l'expropr. pour util. publ., 8 éd., t. 1er, p. 201, n. 313, texte et note 1; Daffry de la Monnoye, Theor. et prat. de l'expropr. pour util. publ.,

:

doit être préalable, et consister en une somme d'argent; qu'il n'entre pas dans les attributions du jury, à moins que les parties n'y aient expressément consenti, de substituer, en tout ou en partie, à cette obligation de la partie expropriante l'obligation d'exécuter certains travaux déterminés; - Attendu qu'il résulte des constatations du procès-verbal des opérations du jury d'expropriation, réuni à Cusset, le 9 janv. 1912, pour la fixation des indemnités dues par la Société des chemins de fer économiques, partie expropriante, aux propriétaires et locataires des terrains expropriés pour l'établissement du chemin de fer de Dijon à Digoin 1o que, par conclusions du 9 janv. 1912, la société expropriante a élevé à 300 fr. ses offres au sieur Pierre Ray, fermier d'une des parcelles expropriées, et a demandé qu'il lui fût donnẻ acte de ce qu'elle s'engageait à donner au passage à niveau, traversant la ligne dans la parcelle de Chassenard, n. 17, les dimensions suivantes largeur, 3 mètres; pente, 10 centimètres par mètre; 2o que Pierre Ray, sans s'expliquer sur cette dernière offre de la Comp. expropriante, relative au passage à niveau à établir, a, par conclusions du même jour, demandé l'allocation d'une somme de 29.542 fr. 50, pour toutes indemnités; Attendu, en conséquence, qu'il n'est pas établi que l'exproprié ait accepté l'offre de la société expropriante, relative à l'établissement du passage à niveau dans les conditions offertes par elle, ni qu'aucun contrat judiciaire soit intervenu, sur ce point, entre les deux parties; que, cependant, le jury a, par la décision attaquée, fixé à la somme de 2.500 fr. l'indemnité à verser au sieur Ray à raison de cette expropriation, et a dit, en outre, que le chemin à édifier, suivant les conclusions déposées à la barre, devra être établi, et dans le délai de deux mois, avec un contrerail »; - Attendu, d'une part, que la société expropriante est recevable à critiquer la décision qui a ajouté, à l'offre qu'elle avait faite par ses conclusions, une condition que celles-ci ne contenaient pas; que, d'autre part, en imposant à la société expropriante l'établissement du passage à niveau dont il s'agit par l'expropriant, le jury a excédé ses pouvoirs; que, par suite, la décision attaquée a violé le texte susvisé; Casse la décision du jury d'expropriation de Cusset du 9 janv. 1912, etc. Du 26 juin 1912. - Ch. civ. MM. Baudouin, ler prés.; Ditte, rapp.; Mérillon, av. gén. (concl. conf.); Barry, av.

2o éd., t. 2, sur l'art. 38 de la loi du 3 mai 1841, n. 84; Crépon, C. annoté de l'expropr. pour util. publ., sur l'art. 38 de la loi du 3 mai 1841, n. 220 et s.

Dans l'espèce, l'expropriant était d'autant plus fondé à se pourvoir contre la décision du jury que cette décision avait dépassé ses offres, en y ajoutant une obligation qu'elles ne contenaient pas. De ce chef, on pouvait dire que le consentement de l'expropriant, comme celui de l'exproprié lui-même, avait fait défaut pour la formation du contrat judiciaire qui seul aurait légitimé la décision du jury.

CASS.-CRIM. 3 janvier 1913. VOL, TENTATIVE, ACTES PRÉPARATOIRES, COMMENCEMENT D'EXÉCUTION, CHAMBRE D'ACCUSATION, APPRECIATION SOUVERAINE, CRIME IMPOSSIBLE, VOL QUALIFIÉ, PORT D'ARME, MAISON HABITÉE (Rép., vis Tentative, n. 23 et s., Vol, n. 1070 et s.; Pand. Rép., v Tentative, n. 70 et s., Vol, n. 196 et s.).

Est à bon droit considéré comme une

(1-2) De l'aveu de tous les criminalistes, la notion de la tentative est une des plus obscures du droit pénal. Il n'en devrait pas être ainsi, puisque les rédacteurs du Code se sont proposé, en définissant la tentative punissable, de faire cesser l'arbitraire qui régnait dans l'ancien droit. Il en est malheureusement ainsi, parce qu'ils n'ont pas, avec suffisamment de netteté, spécifié dans l'art. 2 ce commencement d'exécution, dont l'accomplissement constituerait la tentative. C'est cette incertitude qui a divisé la doctrine, et laissé à la jurisprudence une latitude, dont elle paraît avoir usé pour chercher une protection toujours plus grande de la sécurité publique.

Que les juges se préoccupent des conséquences pratiques de leur sentence, on ne saurait s'en étonner. Il est à craindre cependant que, si l'on en arrive à placer manifestement la défense sociale au-dessus de la loi, on ne recule d'un siècle, et qu'on n'en vienne à rétablir cet arbitraire odieux en droit pénal, dont la nation, par le vœu de ses cahiers, demandait aux Etats généraux de la faire sortir. La détermination du domaine de la tentative n'a donc pas uniquement un côté qui regarde la protection de la société; elle intéresse la liberté de l'individu, et touche aux principes fondamentaux, que la Révolution française a mis à la base du droit pénal.

On ne saurait, par conséquent, souscrire à l'idée, avancée par quelques auteurs, et qui paraît avoir longtemps reçu l'approbation de la jurisprudence, que la distinction entre les actes préparatoires non punissables et les faits de tentative punissables est une question de fait, laissée à l'appréciation du juge. V. Cass. 11 juin 1818 (S. et P. chr.); 29 avril 1824 (S. et P. chr.); 23 sept. 1825 (S. et P. chr.); 4 oct. 1827 (S. et P. chr.); 26 sept. 1846 (S. 1847.1.282. P. 1847.1.225); Chauveau et F. Hélie, Théor. du C. pén., 6a éd., par Villey, t. 1, n. 255; F. Hélie, Tr. de l'instr. crim., 2° éd, t. 8, n. 4002. C'est là une opinion inacceptable, puisqu'elle rendrait le juge souverain, et lui permettrait, sans autre contrôle que celui de sa conscience, de décréter la responsabilité des individus. En essayant, quelque imparfaitement qu'il y ait réussi, de donner une définition de la tentative, le législateur a montré qu'il ne voulait pas de cet arbitraire, et qu'il ontendait faire de cette notion, comme d'ailleurs de la définition de tout délit, une question de droit. Sur ce point, il n'y a plus de contestation: la doctrine et la jurisprudence sont maintenant d'accord pour le reconnaître. V. Cass. 14 oct. 1854 (S. 1854. 1.825. - P. 1856.2.435); 20 juill. 1861 (S. 1861. 1.1020. P. 1862.203); 12 avril 1877 (S. 1877.1. 329. - P. 1877.820); Trébutien, Cours de dr. crim., 2o éd., par Laisné-Deshayes et Guillouard, t. 1o, n. 496; Blanche, Et. prat, sur le C. pen., t. 1, n. 12; Haus, Princ. du dr. pén. belge, 3o éd., t. 1or, n. 482; Champcommunal, Et. crit, sur la tentative, p. 17 et s.; Garraud, Tr. du dr. pén. fr., 3o éd., t. 1, p. 488 et 489, n. 232. Adde, les notes de ANNÉE 1913. 5 cah.

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Mais l'arbitraire ne va-t-il pas renaître sous une autre forme, quoique avec des effets moindres, si la distinction des actes préparatoires et de la tentative manque de certitude, et s'il est au pouvoir de l'interprète, ou du juge, de placer à des moments différents du développement du dessein criminel le point où commence la responsabilité pénale? C'est ici que se pose le problème capital de la signification à donner à ce commencement d'exécution, que mentionne l'art. 2, C. pén.

Pour le résoudre, il ne faut pas hésiter à écarter tout d'abord ces expressions d'appréciation objective on subjective de la tentative, qui sont un emprunt assez lourd à la littérature étrangère, et qui ne peuvent avoir qu'une importance de classification théorique; car elles n'apportent pas de grandes lumières, puisqu'elles étaient ignorées des auteurs du Code, sur le caractère de leur œuvre et sur le système qu'ils ont consacré. V. cep., Degois, Tr. élém. de dr. crim., n. 268.

Il faut rejeter également les explications qui n'en sont pas. Lorsque Rossi (Tr. de dr. pén., t. 2, p. 218) déclare : L'auteur d'une tentative peut se dire je veux cesser »; l'auteur de simples actes préparatoires: « je ne veux pas commencer, ce savant criminaliste indique un critérium qui ne peut guère être suivi, car il laisse dans la plus complète incertitude sur le moment où un individu peut tenir l'nn ou l'autre de ces langages. Lorsque M. Villey propose (V. les notes sous Cass. 17 déc. 1874, S. 1875.1,385. - P. 1875.913, et sous Cass. 1 mai 1879, précité), la définition que voici : « L'acte préparatoire est en dehors de l'infraction, il n'en fait pas partie; l'acte d'exécution est le commencement de l'infraction, il en fait partie intégrante, l'explication n'est pas plus satisfaisante; car, de l'avis même de cet auteur, la tentative peut porter sur un autre fait matériel que celui qui constitue le délit, comme une escalade ou une effraction, dans un vol, et il n'apparaît pas que ces faits soient plus inséparables du délit que l'achat d'une échelle ou d'une pince, qui étaient nécessaires à l'escalade ou à l'effraction, et qui ne sont que des actes préparatoires.

Laissons donc de côté ces théories, que la doctrine actuelle paraît d'ailleurs abandonner. Il y a un point, qui a été autrefois contesté, non sans de fort sérieuses raisons, par des auteurs considérables, tels que Carnot (Comment, sur le C. pen., t. 1, sur l'art. 2, n. 9 et s.), Chauveau et F. Hélie (Théor, du C. pén., 6° éd., par Villey, t. 1, n. 247, 255 et s.), mais qui semble maintenant acquis, c'est que la tentative ne suppose pas nécessairement l'exécution commencée du fait qui constitue l'infraction. Il peut déjà y avoir tentative de vol, avant que le voleur porte la main sur les choses

pouvant servir à la réalisation de leur projet criminel (1) (C. pén., 2).

Si, pour une partie, ces faits ne constituent que des actes préparatoires, à partir du moment où les prévenus se sont postés devant la maison pour attaquer le garçon de recettes à l'aide des armes qu'ils avaient apportées, le crime est entré dans la période d'exécution (2) (Id.).

Et la chambre des mises en accusation ne fait qu'user de son pouvoir souverain

qu'il désire soustraire; tentative de meurtre, avant que le meurtrier frappe sa victime; tentative d'incendie, avant que l'incendiaire allume le feu qui consumera la maison. On ne discute plus aujourd'hui que le commencement d'exécution, dont il est parlé sans spécification dans l'art. 2, n'est pas forcément l'exécution commencée de l'élément matériel du délit. Impressionné peut-être par des considérations pratiques très fortes, et notamment par ce motif que les criminels échapperaient le plus souvent à toute répression, si la suspension involontaire de leur dessein n'était punie qu'à ce moment, on reconnaît que ce serait reculer trop tard la survenance de la responsabilité pénale que de faire dater la tentative du commencement d'exécution du fait matériel de l'infraction. V. Haus, op. cit., t. 1, n. 449; Ortolan, Elém. de dr. pén., 5 éd., par Desjardins, t. 1er, n. 1013; Trébutien, op. cit., t. 1, n. 495; Champcommunal, op. cit., p. 17; Garraud, loc. cit., p. 491.

La constatation est importante. Il s'ensuit que la tentative ne se différencie pas simplement du délit consommé par une exécution, ici achevée, là seulement commencée, mais que cette exécution peut porter sur des actes différents. Ainsi, dans le vol, le fait matériel est la soustraction de la chose; dans la tentative de vol, le fait matériel pourra être un fait qui n'a aucun rapport avec une soustraction, par exemple, une escalade ou une effraction. V. Cass. 1er mai 1879, précité; 19 déc. 1879 (S. 1880.1.336. P. 1880.784); 16 juill. 1885 (S. 1887.1.95. P. 1887.1.192); Haus, op. et loc. cit.; Ortolan, op. et loc. cit., Garraud, loc. cit., p. 379 et 8., texte et note 3. Il s'ensuit encore que si, pour chaque espèce de délits, l'élément matériel est le même, dans la tentative d'un délit déterminé, ce fait matériel peut varier; il dépend des circonstances, des modalités des espèces, des obstacles que le délinquant rencontre sur son chemin.

Ce sont précisément cette différence du fait matériel dans le délit et la tentative, et cette variété d'actes pouvant la constituer suivant les cas, qui font la grosse difficulté, et peut-être toute la difficulté de la détermination du moment à partir duquel on peut dire qu'on se trouve en présence d'une tentative punissable.

Dans une opinion, qui a été défendue par d'éminents criminalistes étrangers, on a essayé de rattacher ce moment à la mise en péril d'un droit. Le point de transition des actes simplement préparatoires à l'exécution serait le moment où l'agent commence la violation d'une règle de droit, soit relative au délit lui-même, soit concernant un commandement accessoire. V. Manzini, Trattato di diritto penale italiano, t. 2, p. 361; Alimena, Diritto penale, vol. 1, p. 357 et 364. Ce serait la circonstance que cette condition manque dans les actes préparatoires, qui les a fait laisser hors de l'application de la loi pénale, quelque certitude que l'on ait du motif criminel qui les a fait accomplir; et c'est au contraire

I PART. 36

d'appréciation, en déclarant que cette ten

la présence de la violation d'une règle de droit protégeant un bien, qui a fait punir la tentative. Assurément, le criterium est fort séduisant. La tentative pourrait être comparée à une attaque. Or, pour réaliser une attaque, il n'est pas nécessaire de toucher au but final: il suffit de pénétrer dans la sphère juridique d'un tiers. Des doutes viennent cependant à l'esprit sur l'exactitude de ce criterium; et, à tout peser, la formule précédente paraît un peu trop étroite pour contenir la notion complète de la tentative. Il semble bien, en effet, qu'il puisse y avoir tentative, sans qu'il y ait encore atteinte portée à un droit quelconque. On reconnaît que l'embuscade ou le guet-apens constitue la tentative du crime d'assassinat. V. notre C. pén. annoté, par Garçon, sur les art. 2 et 3, n. 74. Nous verrions aussi une tentative punissable dans le fait par des voleurs de dresser une échelle contre un mur pour pénétrer dans l'intérieur d'une maison, quoique, en l'absence de toute escalade, il n'y ait pas eu violation du domicile privé.

En France, c'est à une autre conception que la doctrine s'est généralement ralliée. Entre les actes préparatoires et la tentative, la distinction se ramènerait à la séparation des actes qui tendent médiatement et indirectement au crime, et des actes qui y tendent immédiatement et directement. V. Trébutien, op. cit., t. 1o, n. 495; Champcommunal, op. cit., p. 19; Garraud, loc. cit., p. 491; notre C. pén. annoté, par Garçon, sur les art. 2 et 3, p. 51. Il n'y a là, au fond, qu'un retour à peine déguisé à la tradition de l'ancien droit, qui, dans l'iter criminis, séparait le conatus remotus du conatus propinquus, pour les punir l'un et l'autre, mais de peines différentes. V. Jousse, Tr. de la just. crim., t. 2, p. 637 et s. Entre les actes préparatoires et la tentative, il n'y aurait donc, en définitive, qu'une différence de rapprochement avec le moment de la consommation du délit les actes de la tentative seraient les derniers actes préparatoires. Cette notion pouvait à la rigueur suffire quand une peine arbitraire punissait toutes les manifestations extérieures de la volonté criminelle; la conscience du juge suppléait dans chaque espèce au vague de la définition, en déterminant quels étaient les actes qui étaient suffisamment voisins du délit pour être réprimés plus sévèrement comme actes de tentative. Mais cette notion devient insuffisante dans les législations modernes, qui ont fait commencer la responsabilité pénale la tentative, du moment que ce n'est pas le dernier acte préparatoire, mais les derniers qui constituent la tentative. On a beau cumuler les expressions immédiatement et directement pour préciser ces derniers; elles ne font pas une lumière complète, et peut-être même apportent-elles une certaine confusion. Il semble, en effet, que la tentative ne doit précéder que de courts instants la consommation du délit. Or, il n'en est rien; elle peut fort bien précéder celle-ci de plusieurs semaines; on n'a qu'à songer aux travaux souterrains que, pour accéder aux caves d'une banque, les voleurs seraient obligés d'entreprendre sous une chaussée, ou sous un îlot de maisons intermédiaires.

Il est donc préférable d'en venir à une dernière théorie, qui apparaît chez certains auteurs (V. Garraud, loc. cit., p. 494), et qui a l'avantage, en laissant de côté toute condition de temps qu'ignore l'art. 2, C. pén., d'en suivre davantage les termes et peut-être aussi la pensée. Dans ce système, il y a tentative, quand on peut dire que l'agent est dans

tative de vol n'avait été suspendue que par

la période d'action du crime qu'il projette. Cette période d'action ne commence pas avec le moment où il a décidé d'accomplir son dessein criminel. Les premiers actes extérieurs qui manifestent sa volonté criminelle ne sont pas encore l'exécution du crime. Il lui faut préparer ses moyens, reconnaître le terrain, choisir le moment opportun, et finalement venir à pied d'oeuvre tous ces actes multiples sont la préparation de l'infraction; ils constituent des actes simplement préparatoires; ils ne sont pas encore le commencement d'exécution. La distinction entre les actes préparatoires et la tentative n'est donc pas, comme on l'a cru parfois, imaginaire: elle est réelle, fondée sur une différence de but. Dans la période de préparation, l'agent dispose ses forces; dans la tentative, il les met en œuvre et les utilise. Aussi a-t-on observé, avec beaucoup de sagacité et d'exactitude (V. Manzini, op. et loc. cit.), que le passage de l'une à l'autre est marqué par une crise psychique : le délinquant, qui arrive à ce moment, brûle ses vaisseaux; il est décidé à courir le risque de la partie qu'il engage; il franchit le pas qui lui fait abandonner la conduite d'un honnête homme : alea jacta est, dit-il ou peut-on dire pour lui.

Or, il est naturel de supposer que les rédacteurs du Code se soient attachés au moment où se produit cette crise morale, dès lors qu'ils entendaient laisser en dehors de l'application de la loi pénale les actes simplement préparatoires. Jusqu'à cet instant, en effet, on peut espérer, on peut du moins, avec quelque vraisemblance, alléguer que l'agent ne passera pas de l'intention criminelle aux faits, ou qu'il n'ira pas jusqu'au bout. Mais, ce pas franchi, l'espoir devient vain et l'espérance n'est plus guère concevable. L'agent a traversé la crise, et l'a dénouée en manifestant son intention de persévérer; au reste, cette supposition que ce moment décisif dans le développement d'un dessein criminel a été pris par les auteurs du Code pour caractériser la tentative, rencontre une certaine confirmation dans le texte même de l'art. 2, si on rapproche celui-ci des précédents. Le législateur avait trouvé dans Jousse (op. cit., t. 2, p. 639) cette phrase que la seule pensée de commettre un crime ne se punit point, à moins qu'elle ne soit manifestée par quelque acte extérieur ». C'était la notion ancienne de la tentative. Le Code pénal reproduit cette phrase dans l'art. 2. Mais elle ne lui suffit plus, parce que des actes extérieurs peuvent être des actes préparatoires, et qu'il n'entend plus y appliquer de conséquences pénales. Il ajoute donc ces mots, empruntés à la loi du 22 prair. an 4 (S. 1er vol. des Lois annotées, p. 390) et suivis d'un commencement d'exécution », qui marquent quelque chose de plus, quelque chose de nouveau, sans quoi il n'y aurait eu aucun motif de faire intervenir la loi pénale. Cette situation nouvelle, qui explique que la loi soit sortie de l'attitude passive qu'elle observait jusque-là, c'est que l'agent est entré dans la période d'action.

Il était nécessaire d'indiquer les diverses théories qui se sont fait jour sur la tentative, et de préciser la notion qui traduit celle-ci, avant d'aborder l'examen de l'arrêt de la Cour de cassation. Nous arrivons maintenant à lui.

Il prend comme formule de la tentative celle qui a été indiquée en dernier lieu, celle de la période d'exécution. A partir du moment où les prévenus, dit-il, se sont postés devant l'immeuble pour attaquer Gousset, à l'aide des armes

l'intervention des agents de police, c'est-à

qu'ils avaient apportées à cet effet, le crime est entré dans la période d'exécution ». Peut-être est-ce la première fois que l'on rencontre cette formule dans la jurisprudence; ce qui donne à la décision actuelle une importance particulière. Jusqu'ici, en effet, la Cour de cassation, comme la doctrine d'ailleurs, s'en tenait à la conception courante, et rattachait la tentative aux actes tendant immédiatement à la perpétration de l'infraction. V. notamment, Cass. 4 juill. 1903 (S. et P. 1904. 1.105). La nouvelle définition a le mérite d'être certainement plus claire; elle donne de la tentative une idée plus nette, et aussi légèrement plus large, car elle fait sûrement rentrer sous cette expression l'embuscade et le guet-apens. Avec l'ancienne formule, on pouvait hésiter sur ce point, étant difficile de considérer l'embuscade comme un acte tendant immédiatement et directement à la réalisation du crime. V. la note de M. Villey sous Cass. 1er mai 1879, précité; Garraud, loc. cit., p. 492. Avec la nouvelle, l'hésitation ne se comprend plus. Celui qui, l'arme à la main, attend sur un grand chemin le passage de sa victime, est sorti de l'indécision des actes préparatoires; il est résolu à courir le risque de la partie qu'il joue; il est entré dans la période d'action du crime qu'il a conçu. V. notre C. pén. annoté, par Garçon, sur les art. 2 et 3, n. 74. Et c'est, en effet, la théorie que consacre l'arrêt actuel.

Mais est-ce maintenant avec autant de vérité que cet arrêt affirme dans l'espèce la présence de la période d'exécution? Les faits que la Cour de cassation avait à qualifier étaient les suivants. Deax individus, armés d'un revolver non chargé et d'un marteau, avaient formé le dessein de dévaliser dans l'intérieur d'un immeuble un garçon de recettes, au moment où, après avoir terminé un encaissement, il descendrait l'escalier. Ils avaient choisi cet endroit, parce qu'ils espéraient que le bruit de la chute du corps et de leurs propres mouvements serait atténué par le lourd tapis qui recouvrait l'escalier. Ces deux malfaiteurs, dont les projets furent connus de la police, et qui étaient suivis, n'entrèrent pas dans la maison; ils se postèrent à 4 ou 5 mètres en face de la porte d'entrée, sans la franchir. C'est dans la rue qu'on les appréhenda, après une attente assez longue, le garçon de recettes, averti du danger qu'il courait s'il descendait, n'ayant pas voulu. malgré les agents de police qui l'y invitaient, laisser faire contre sa personne une agression que l'on eût arrêtée, à peine ébauchée.

Il n'y aurait aucun doute, malgré l'absence de tout geste d'agression, sur l'existence de la tentative, du moins dans la thèse consacrée par la jurisprudence, qui est plus large que les autres systèmes doctrinaux, si le lieu du crime avait dû être la rue, et si l'intention des deux malfaiteurs avait été d'y attendre le garçon de recettes pour l'assaillir au milieu de la foule des passants. Il serait alors certain qu'ils étaient en embuscade, en se tenant à 4 ou 5 mètres en face de l'immeuble, surveillant la sortie de leur victime et guettant son passage. Or, on a vu que l'embuscade est comprise dans la période d'action.

Mais les faits ne semblent pas avoir dû se passer absolument de la sorte; et l'on sait que, pour caractériser la tentative, il est indispensable de connaître l'intention de celui qui a accompli les faits retenus comme actes de tentative. V. Garraud, loc. cit., p. 489 et 490. De plus, si cette dé

dire par un fait indépendant de la volonté des prévenus (1) (Id.).

Il n'y a pas à s'arrêter à la double circonstance que les prévenus auraient été empêchés, tant par suite d'un avertissement donné à la police que par leur arrestation, de perpétrer leur crime; l'impossibilité de commettre le crime, qui en est résultée, démontre seulement que c'est par une circonstance indépendante de leur volonté que la tentative a été suspendue (2) (Id.).

La circonstance de port d'arme suffisant pour imprimer au vol le caractère de crime, il importe peu que la circonstance de maison habitée, qui a été également retenue, ne ressorte pas des énonciations de l'arrêt de renvoi devant la Cour d'assises, ou soit en contradiction avec ces énonciations (2) (C. pén., 381; L. 20 avril 1810, art. 7).

(Prévost et Coulond).

Les nommés Prévost et Coulond ayant formé le dessein de dévaliser un garçon de recettes de la Banque de France, M. Gousset, Prévost était allé reconnaitre l'immeuble n. 129 du faubourg Saint-Honoré, où M. Gousset avait, à chaque échéance, des recouvrements à faire. Il avait pu constater que la situation des lieux se prétait à l'exécution du projet, et que, notamment, dans l'escalier de l'immeuble où ils se proposaient d'attaquer le garçon de

termination est nécessaire pour qualifier le délit dont les faits accomplis constitueront la tentative, elle est également indispensable, quoique ce point ait été moins remarqué, pour donner à ces faits, d'après l'intention de leur auteur, le caractère, soit d'actes d'exécution, soit d'actes préparatoires. Or, d'après l'arrêt de la chambre des mises en accusation, souveraine appréciatrice à cet égard de l'intention des inculpés (V. Cass. 9 mai 1902, S. et P. 1905.1.60, et les renvois. V. aussi, Cass. 29 juill. 1909, S. et P. 1911.1.425; Pand. pér., 1911.1.425, et la note), la rue ne devait pas être le théâtre de leur attentat celui-ci devait être l'escalier de l'immeuble, où la présence d'un lourd tapis leur paraissait favoriser l'exécution de leur crime. Lorsqu'on s'empara de leurs personnes, les deux malfaiteurs n'étaient pas encore parvenus sur le lieu de leur crime. Il n'est donc pas exact de dire, comme l'affirme l'arrêt de la Cour de cassation, qu'ils fussent postés. En réalité, ils étaient en route pour se rendre sur le terrain de leur exploit; et cette circonstance d'être en route est généralement considérée comme appartenant à la période de préparation.

Il est cependant vrai que le voleur, qui, pour pénétrer jusqu'à l'appartement qu'il désire dévaliser, est obligé d'escalader une clôture extérieure ou de briser une porte, n'est pas davantage arrivé sur le lieu du délit, et que néanmoins on le retient comme coupable d'une tentative. Mais c'est que l'obstacle qu'il rencontre sur son chemin, et qu'il doit surmonter pour parvenir au but, le contraint à entrer prématurément dans la période d'action, et avance pour lui le moment où il commence à agir. Au contraire, lorsqu'il s'agit, et c'était le cas dans l'espèce, d'un parcours effectué sur une route accessible à tous, la période d'action est plus lente à intervenir, et elle ne commence qu'au moment où se fait la distinction de l'honnête homme et du malfaiteur, au point où s'arrête le premier et où poursuit le second, c'est-à-dire,

recettes, un épais tapis pourrait étouffer le bruit. La réalisation du projet criminel, ourdi par les inculpés, d'abord fixée par les deux complices au 29 févr. 1912, a été remise au 1er avril. Ce jour-là, à une heure et demie de l'après-midi, Prévost et Coulond sont venus se poster à 4 ou 5 mètres de la maison du faubourg Saint-Honoré. Vers 3 heures et demie, M. Gousset est arrivé, s'est engagé sous la voûte et a monté l'escalier pour aller faire l'encaissement dont il était chargé. Prévost et Coulond guettaient la sortie du garçon de recettes. Mais celui-ci, prévenu par la police, est resté dans la maison, pendant qu'on arrêtait Prévost et Coulond, qui ont été trouvés porteurs d'un revolver non chargé, d'un marteau, d'une pince, d'une préparation au ferro cyanure et d'une seringue de Pravaz, tous objets qui pouvaient avoir leur emploi dans l'accomplissement du crime.

Un arrêt de la chambre des mises en accusation de la Cour d'appel de Paris, en date du 8 oct. 1912, qui relate les faits qui viennent d'être résumés, a renvoyé devant la Cour d'assises Prévost et Coulond, sous l'accusation de tentative de vol dans une maison habitée, en réunion et avec port d'armes.

POURVOI en cassation par les accusés.

lorsque se produit cette crise morale que tous deux dénouent de façon opposée. Dès lors, tant que, mêlés à la foule, qui vaquait à ses occupations. les deux prévenus restaient dans la rue, ils n'étaient pas encore parvenus à la période d'exécution. Quatre pas, qu'ils n'osèrent pas franchir, les en séparaient; et si, arrivés au bord du précipice, ils n'osèrent pas s'y jeter, c'est précisément parce qu'ils hésitèrent, et qu'ils reculèrent devant les conséquences d'une exécution, effrayés par la médiocrité de leurs moyens d'attaque et le peu de chance de réussir dans leur entreprise. En un mot, ils ne se sentirent pas le courage de résoudre dans un sens criminel la crise morale que présente tout commencement d'exécution d'un crime. La formule de la tentative donnée par l'arrêt, la plus large de toutes pour faire intervenir rapidement la répression pénale, ce qui nous dispense d'examiner les faits au point de vue des autres systèmes doctrinaux, n'était donc pas applicable à l'espèce. Il n'y avait encore que de simples faits préparatoires non punissables. C'est la conclusion à laquelle nous croyons devoir aboutir: si elle est juste, elle éclaire d'une manière suggestive la façon dont la jurisprudence, pour atteindre un résultat qu'elle estime équitable, applique les textes qu'elle a elle-même interprétés.

J.-A. ROUX.

(1-2-3) Sur ces différents points, la doctrine de l'arrêt paraît irréprochable.

1° Il semble bien, en effet, d'une part, que, si la qualification des actes constituant le commence. ment d'exécution reste sous le contrôle de la Cour de cassation (V. la note qui précède, col. 1), l'appréciation du caractère volontaire ou involontaire de la circonstance qui a suspendu l'exécution, comme d'ailleurs la constatation des faits matériels, et la recherche de l'intention de l'agent qui les a accomplis, appartient souverainement au juge du fait.

ARRÊT.

LA COUR; Sur le premier moyen, pris de la violation des art. 2, 379, 385, 386, C. pén., et de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que l'arrêt attaqué a qualifié de tentative punissable: 1° une prétendue tentative de crime, qui ne s'était pas manifestée par un commencement d'exécution; 2o une prétendue tentative de crime ayant manqué son effet par la volonté de ses auteurs; 3 une prétendue tentative de crime devenu impossible; Sur la première branche de ce moyen : Attendu que l'arrêt attaqué exposé que Prévost et Coulond ont conçu le projet de dévaliser l'encaisseur Gousset; que Prévost est allé reconnaitre les lieux où devait se commettre le vol; que les prévenus ont fixé tout d'abord aú 29 févr. 1912 leur action criminelle; qu'ils l'ont ensuite ajournée au 1er avril suivant; qu'à cette dernière date, ils se sont rendus rue du faubourg Saint-Honoré, n. 129; qu'ils se sont postés à 4 ou 5 mètres de l'entrée de l'immeuble; qu'ils ont attendu l'arrivée de Gousset; qu'ils sont restés là, laissant à celui-ci le temps d'effectuer ses encaissements et le guettant; que, mis en état d'arrestation, ils ont été trouvés porteurs, l'un d'un marteau et d'une pince coupante destinée à couper la chaînette du sac de l'encaisseur, l'autre d'un revol

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2o On aperçoit, d'autre part, malaisément l'intérêt des prévenus à soutenir qu'ils auraient com. mis, non une tentative, mais un délit impossible. Il est, en effet, admis par la pratique, et généralement par la doctrine, que le délit impossible est puni, d'après l'art. 2, C. pén., quand du moins il s'agit d'une impossibilité relative: ce qui eût été le cas. V. Cass. 12 avril 1877 (S. 1877.1.329. - P. 1877.820); et notre C. pin. annoté, par Garçon, sur les art. 2 et 3, n. 109 et s., et not., n. 125. V. toutefois, la note de M. Villey, sons Cass. 12 avril 1877, précité; Garraud, op. cit., t. 1, n. 240. Au reste, l'impossibilité dans laquelle les deux prévenus prétendaient avoir été mis par leur arrestation de consommer leur infraction rentrait d'une manière certaine dans la notion de tentative. L'hésitation ne pent guère se présenter que pour l'avertissement donné à la police des projets des accusés, et qui, transmis par la police au garçon de recettes, supprimait le corps du délit, puisque, en effrayant le garçon de recettes et en le décidant à ne plus sortir de l'appartement, il rendait le crime impossible. Mais on peut objecter que, du moment que l'on suppose l'exécution de la tentative réalisée à l'instant où les inculpés s'étaient postés en face de la porte d'entrée, la détermination du garçon de recettes n'étant pas définitivement prise à ce moment, il y avait un corps de délit possible, et par conséquent une tentative déjà punissable; la suppression du corps du délit ne pouvait ensuite effacer l'existence de cette tentative.

3 Il n'y avait pas enfin plus d'exactitude dans le dernier grief allégué par les accusés contre l'arrêt de la chambre des mises en accusation, qui les renvoyait devant la Cour d'assises. Si la circonstance aggravante de maison habitée devait être écartée, il subsistait d'autres circonstances aggravantes, qui justifiaient la compétence de la Cour d'assises et rendaient régulier l'arrêt de renvoi.

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