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ver, d'une seringue Pravaz et d'un flacon contenant une préparation de ferro-cyanure dont il devait être fait usage pour commettre le vol projeté; - Attendu que, si, pour une partie, ces faits ne constituent que des actes préparatoires, il échet de reconnaitre qu'à partir du moment où les prévenus se sont postés devant l'immeuble pour attaquer Gousset à l'aide des armes qu'ils avaient apportées à cet effet, le crime est entré dans la période d'exécution;

Sur la deuxième branche du moyen : Attendu que l'arrêt attaqué énonce que cette tentative n'a été suspendue que par l'intervention des inspecteurs de police, c'est-à-dire par un fait indépendant de la volonté des auteurs de ladite tentative: que, sur ce point, la chambre d'accusation n'a fait qu'user de son droit d'appréciation; Sur la troisième branche du même moyen: Attendu que l'impossibilité du crime de vol, invoquée par l'un des demandeurs, résulterait exclusivement de ce que, par l'avertissement donné à la police et par leur arrestation, les prévenus ont été mis dans l'impuissance de consommer leur action criminelle; qu'il n'y a dans cette impossibilité qu'une double circonstance, indépendante de la volonté des demandeurs, par suite de laquelle la tentative a été suspendue; qu'en le déclarant, la chambre d'accusation, loin de violer les articles de loi visés au moyen, les a légale ment appliqués;

Sur le deuxième moyen, pris de la violation de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, pour contradiction entre les motifs et le dispositif, et fausse application de l'art. 385, C. pén., en ce que l'arrét attaqué a qualifié de tentative de vol dans une maison habitée des faits entièrement extérieurs de cette maison, où les demandeurs n'ont pas pénétré : Attendu que l'arrêt attaqué a déclaré qu'il y a charges suffisantes contre les demandeurs d'avoir commis une tentative de vol dans une maison habitée, en réunion et avec port d'armes; Attendu qu'alors même que la circonstance de maison habitée ne ressortirait pas des énonciations de l'arrêt, ou serait en contradiction avec ces énonciations, la circonstance de port d'armes suffit pour imprimer aux faits retenus le caractère de crime, qui justifie la compétence de la Cour d'assises; Attendu que la chambre des mises en

(1) Une première solution, qui résulte implicitement de l'arrêt, est la reconnaissance d'un pouvoir de contrôle, qu'il appartient à la Cour de cassation d'exercer sur la qualification, donnée par les juges du fait, à un contrat, lorsque cette qualification intéresse le caractère d'un délit. Ce contrôle, la Cour de cassation l'a souvent exercé en matière d'abus de confiance. V. not., Cass. 27 nov. 1909 (S. et P. 1911.1.481; Pand. per., 1911.1.481); notre C. pen. annoté, par Garçon, sur l'art. 408, n. 786 et s. Il en est fait usage ici, à propos de la loi du 15 juin 1907 (S. et P. Lois annotées de 1907, p. 508; Pand. pér., 1907.3.160), qui défend, dans son art. 3, dernier alinéa, aux concessionnaires de jeux dans les cercles et casinos des stations balnéaires, de se substituer un fermier des jeux.

Une autre solution plus intéressante est donnée par l'arrêt, relativement à ce qu'il convient d'en

accusation était compétente, et qu'il en est de même de la Cour d'assises devant laquelle les accusés sont renvoyés; Attendu que l'arrêt est rédigé et signé conformément à la loi ; qu'il a été rendu par le nombre de juges fixé par elle; que le ministère public a été entendu, et que les faits objet de l'accusation sont qualifiés crimes par les art. 2, 379, 385 et 386. C. pén.; Joint les pourvois à raison de leur connexité; Les rejette, etc. Du 3 janv. 1913. Ch. crim. MM. Bard, prés.; Mallein, rapp.: Rambaud, av. gén.; Lemanissier, av.

CASS.-CRIM. 29 février 1912.

JEU ET PARI, LOI DU 15 JUIN 1907, FERMIER DES JEUX, SUBSTITUTION (Rep., v Jeu et pari, n. 360 st s.; Pand. Rép., vo Jeu. n. 189 et s., 338 et s.).

Le fait que le risque de l'exploitation des jeux dans un casino a été déplacé, et que les déficits éventuels ont été mis à la charge d'un prétendu employé intéressé, implique la substitution même et le fermage des jeux, que la loi du 15 juin 1907 a eu pour but d'interdire 1 (L. 15 juin 1907, art. 3 et 5).

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ARRÊT.

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(Cabireau et autres). LA COUR; Sur le moyen pris de la violation tant de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, pour imprécision de motifs, que des art. 3 et 5 de la loi du 15 juin 1907, en ce que, en l'état des constatations de fait retenues, la décision de relaxe n'est pas légalement justifiée : - Vu lesdits articles; Attendu que, aux termes de l'art. 3 de la loi du 15 juin 1907, réglementant le jeu dans les cercles et les casinos des stations balnéaires, thermales et climatériques Le directeur et les membres du comité de direction ne pourront, en aucun cas, se substituer un fermier des jeux »; Attendu que Cabireau, Otto et de Mouléan, ès qualités de directeurs et de membres du conseil de direction du casino de Menton, étaient prévenus de s'être substitué des fermiers dans l'exploitation des jeux, en la personne d'André et d'Evrard, pris comme complices du délit; qu'en fait, le jugement,

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tendre par fermier des jeux, au sens de la loi de 1907. La Cour d'appel d'Aix, dont l'arrêt a été censuré par la Cour suprême, a vu dans le fermier simplement un locataire; et elle a borné cette dénomination aux personnes qui possèdent les droits et assument les obligations indiqués par le Code civil au titre du louage. Elle s'est donc refusée à voir un fermier des jeux dans l'individu auquel est attribuée une part dans le produit des jeux, à charge par lui de recruter et de payer le personnel des employés, et de fournir au casino, dans le cas où les premiers mois de la saison ne s'élèveraient pas à un certain chiffre, le complément pour parfaire la somme. Il lui a paru que de pareilles stipulations attribuaient au gérant la qualité, non d'un fermier, mais d'un commis intéressé.

Mais, avec plus de raison, la Cour de cassation, s'appuyant sur les motifs qui ont fait édicter

dont l'arrêt n'a fait que s'approprier les motifs, constate que les prévenus reconnaissent qu'il était attribué à André « une part de 24 p. 100 dans le produit des jeux, à la charge par lui de recruter et payer les employés, et de fournir au casino, dans le cas où les premiers mois de la saison de produiraient pas 50.000 fr., le complé ment pour parfaire cette somme, nécessaire au fonctionnement de l'établissement, André devant en être remboursé sur le produit des mois suivants »; qu'à l'argument proposé par la prévention de la charge imposée à André de compléter la somme de 50.000 fr., au cas où le produit mensuel du jeu ne l'aurait pas produite, soit la somme de 250.000 fr. pour la saison entière, qui est de cinq mois, le jugement répond que, en fùt-il ainsi, cette prétendue garantie n'aurait pas substitué André à la direction du casino, qui n'en serait pas moins resté très intéressé à obtenir un produit supérieur »; Attendu que, envisagée en elle-même, la clause précitée est exclusive de la qualité, attribuée à André, de simple employé rémunéré par une participation dans les bénéfices; que si, comme il apparaîtrait des constatations, insuffisantes au surplus et imprécises en l'état, des juges du fond, le risque de l'exploitation des jeux a été déplacé, et si les déficits éventuels ont été mis indirectement à la charge du susnommé, la convention incriminée implique la substitution même et le fermage que la loi du 15 juin 1907 a eu pour but d'interdire; qu'enfin, le fait que, au point de vue du risque, André a été mis ainsi aux lieu et place de la direction du casino représenterait un élément essentiel et caractéristique de délit, qui ne peut être infirmé par la constatation suivant laquelle l'établissement demeurerait néanmoins encore intéressé à obtenir un produit supérieur aux sommes garanties; D'où il suit que, en l'état des constatations du jugement confirmé, la décision de relaxe n'est pas légalement justifiée: Casse l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix, du 22 mars 1911, etc.

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l'interdiction formulée dans l'art. 3 de la loi du 15 juin 1907, a déclaré que, bien que l'établissement demeurât intéressé à l'élévation du chiffre des recettes, il y avait eu néanmoins la substitution illicite des personnes, prohibée par cette loi. L'exploitation des jeux a, en effet, glissé des mains des concessionnaires pour passer dans celles d'un tiers. La moralité et la réputation de l'établissement ne sont plus celles des personnes à qui la concession a été consentie par une dérogation exceptionnelle à l'art. 410, C. pén.; ce sont celles de l'individu effectivement mis à la tête de la gérance. Or, c'est précisément cette substitution de personnes, dangereuse pour la bonne tenue des établissements où le jeu est toléré, que la loi de 1907 a entendu formellement interdire, sous le nom de ferme des jeux. V. S. et P. Lois annotées de 1907, p. 511, note 16.

CASS.-CRIM. 12 novembre 1909. ABUS DE CONFIANCE, MANDAT, CAUSE ILLICITE, JEUX DE HASARD (Rép., vo Abus de confiance, n. 69 et s., 184; Pand. Rép., eod. verb., n. 37 et s.).

Le mandataire, prévenu d'abus de confiance au préjudice du mandant, ne peut trouver un motif d'impunité dans le fait que le contrat de mandat serait entaché de nullité comme ayant une cause illicite (en l'espèce, l'exploitation de jeux de hasard) (i) (C. pén., 408).

(Chauvin C. Saulnier).

M. Chauvin et M. Saulnier avaient, en 1904, exploité des jeux au Kermor-Casino de Brest. M. Saulnier, prétendant que M. Chauvin avait détourné certaines sommes dont il aurait dù lui rendre compte, l'a poursuivi pour abus de confiance. Par jugement du 29 mai 1908, le tribunal correctionnel de la Seine a con

(1) Lorsque l'art. 408, C. pén., réprime la violation des contrats de louage, de mandat, de dépôt ou de prêt, c'est évidemment à des contrats valables au point de vue du droit civil et régulièrement formés, qu'il se réfère. Le droit pénal est un droit sanctionnateur, auxiliaire des autres droits, auxquels il apporte l'appui de sa sanction rigoureuse, lorsque les sanctions spéciales de ces droits sont, ou paraissent insuffisantes. Son domaine n'est donc pas plus étendu que celui du droit civil, du droit commercial ou du droit public, et il faut au préalable un droit reconnu et protégé par la loi civile, commerciale ou administrative, pour que la loi pénale intervienne avec l'appareil de ses pénalités.

Il semble, par conséquent, qu'on doive déclarer l'art. 408 inapplicable, et le délit d'abus de confiance inexistant, lorsque le contrat violé est vicié d'après le droit civil. Ce n'est pas cependant ce qu'a décidé la jurisprudence. Dans l'arrêt actuel, et dans un précédent arrêt du 4 nov. 1869 (S. 1871.1.172.-P. 1871.473), la Cour de cassation déclare l'art. 408 applicable aux contrats nuls comme ayant une cause illicite. Dans un arrêt du 29 nov. 1902 (S. et P. 1904.1.301), elle a appliqué la même solution aux contrats annulables, formés par des incapables. Ainsi, que le contrat soit régulier, qu'il soit annulable, ou qu'il soit même frappé d'une nul. lité absolue, il importerait peu. Le vice dont il est infecté ne saurait autoriser une impunité, dès lors que le délinquant a frauduleusement détourné ou dissipé les valeurs qui lui avaient été remises dans un but et pour un usage déterminé. C'est une théorie très subjective de droit pénal, que l'on est quelque peu étonné de rencontrer dans notre jurisprudence.

Cette extension donnée à l'art. 408 ne paraît pas au fond pleinement satisfaisante; et une distinction, semble-t-il, doit être faite.

La jurisprudence mérite d'être suivie dans la partie qui concerne les contrats annulables, passés par des incapables. On comprendrait, assez mal en effet, que l'incapable, que la loi pénale déclare responsable de ses délits, ce qui est le cas pour l'interdit ayant agi dans un intervalle lucide, pour la femme mariée d'une manière complète, et pour le mineur, d'une manière mitigée jusqu'à dix-huit ans, puisse s'abriter derrière la tutelle du droit civil pour commettre impunément des infractions. Contre son activité criminelle, il y a

damné M. Chauvin à quatre mois d'emprisonnement et 25 fr. d'amende. Ces condamnations ont été maintenues par un arrêt de la Cour d'appel de Paris du 27 mars 1909.

POURVOI en cassation par M. Chauvin. ARRÈT.

LA COUR; Sur le moyen pris de la violation des art. 408, C. pen., 1131, 1133 et 1965, C. civ., 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que l'arrêt attaqué a prononcé une condamnation pour abus de confiance contre le demandeur, alors que le contrat de mandat, intervenu entre Saulnier et lui, était légalement inexistant, parce qu'il avait pour cause une exploitation de jeux, et ne pouvait, dès lors, produire aucun effet civil ni pénal : — Attendu que l'arrêt attaqué déclare que, s'il est constant que le contrat de mandat intervenu entre Chauvin et Saulnier ne saurait produire

des mesures à prendre, et des protections à établir. Il y a lieu de garantir, non seulement les tiers qui n'ont à se reprocher aucune imprudence, parce qu'ils n'ont pas traité avec l'incapable, mais aussi ceux qui ont à s'adresser quelque reproche, parce qu'en contractant avec lui, ils ont fourni la cause première du délit dont ils sont les victimes. Le Code pénal montre que cette opposition lui est étrangère; car, en visant l'abus de confiance commis par un élève, un clerc ou un apprenti, l'art. 408 suppose bien évidemment que l'auteur du délit peut être un incapable. V. au surplus, les observations qui accompagnent l'arrêt précité du 29 nov. 1902.

Mais la solution change en face de contrats entachés d'une nullité absolue, et, pour prendre l'espèce de l'arrêt actuel, d'un contrat dont la cause est illicite ou immorale. Ni le texte ni l'esprit de la loi ne se rencontrent pour appuyer la jurisprudence. Ici, on est en présence du néant, de l'inexistence. Le contrat dont la cause est illicite ou contraire aux bonnes mœurs, est une apparence plutôt qu'une réalité. L'art. 1131, O. civ., le déclare dénué de tout effet, et les auteurs parlent à propos de lui d'inexistence. V. Demolombe, Contr. ou oblig., t. 1, n. 382; Laurent, Princ. de dr. civ., t. 15, n. 456, et t. 16, n. 157 et 159; Aubry et Rau, 5e éd., t. 4, p. 556, § 345; Baudry-Lacantinerie et Barde, Tr. des oblig., 3° éd., t. 1, n. 316. Peut-on concevoir que la loi pénale, s'attachant à ce que la loi civile se refuse à reconnaitre et rejette, lui donne de l'importance, et vienne constater la violation du néant, de l'inexistence, et en poursuivre la réparation? La réparation de quoi, puisqu'on a en face de soi le néant!

Ce n'est pas seulement la lettre de la loi qui répugne à cette intervention, c'est aussi et plus encore son esprit. Lorsque la loi pénale punit de peines l'inexécution frauduleuse de certains contrats, elle se propose d'apporter son concours à la loi civile, impuissante à faire régner l'équité, à assurer la justice. Elle se fait son auxiliaire, et marche parallèlement à elle vers le même but. Or, ici, elle combattrait et ruinerait sa tâche par une intervention faite mal à propos. Ce que veut la loi civile, assurément, c'est que le contrat qui blesse la loi ou la morale demeure inexécuté et soit privé d'effet. Si la loi pénale sanctionne ce contrat illicite ou immoral, sa menace aura pour effet, ou tout au moins pour objet, de contraindre

d'effets civils, parce qu'il avait pour cause une exploitation de jeux, il n'en est pas moins certain que Chauvin a reçu, pour le compte de Saulnier, des sommes d'argent qu'il avait charge de lui remettre et qu'il à détournées; Attendu qu'aux termes des art. 1, 3 et 4, C. instr. crim., l'action publique est indépendante de l'action civile; qu'aucun texte de loi n'en subordonne l'exercice à l'existence d'une action civile au profit de la partie lésée; qu'elle naît et peut être mise en mouvement dans les formes réglées par la loi, dès qu'une infraction à la loi pénale a été commise; Attendu que, si là cause du mandat était illicite, Chauvin ne peut trouver un motif d'impunité dans le vice du contrat, dès qu'il a frauduleusement violé le mandat au détriment du propriétaire des valeurs détournées; que le fait qu'il a ainsi commis est précisément celui que l'art. 408 a pour objet de punir; - Attendu, dès lors, que l'arrêt attaqué n'a pas violé les articles

les contractants à exécuter leurs conventions illicites ou immorales. C'est une arme qu'elle leur remettra pour presser sur leur volonté. Il est bien entendu qu'ils ne peuvent s'en servir sous forme d'action civile portée devant une juridiction répressive. Mais, s'ils peuvent en user sous forme de plainte, en révélant au ministère public l'existence d'un délit que celui-ci pourra poursuivre, ne croit-on pas que l'on agit contre la loi civile pour favoriser l'exécution des conventions immorales ou illicites? Ne pense-t-on pas que l'on fait échec aux prohibitions de cette loi, inspirées cependant par le même intérêt d'ordre public et de moralité, dont se réclame à son tour la loi pénale?

La solution de la jurisprudence met donc en antagonisme, sur le même terrain de la morale publique, la loi civile et la loi pénale: elle est le fruit d'une médiocre politique criminelle. C'est précisément ce qui doit la faire condamner aux yeux mêmes des partisans des théories subjectives en droit pénal, qui se préoccupent moins de réparer un droit violé que de protéger la société contre toute activité criminelle manifestée extérieurement. Assurément, pour se manifester, l'activité dangereuse d'un délinquant n'a pas besoin de s'attaquer à un droit existant; et la répression du délit d'abus de confiance, en cas de contrats entachés de nullité absolue, pourrait paraître ressembler singulièrement à la répression du délit impossible, admise dans la théorie subjective, où pareillement on ne rencontre la violation d'aucun droit. V. Saleilles, Rev. penit. 1897, p. 53 et 321; Gallet, La notion de la tentative punissable, n. 106; Garraud, Tr. du dr. pén. fr., 3e éd., t. 1, n. 237; notre C. pen. annoté, par Garçon, sur l'art. 2, n. 109 et s., 114 et s. En fait, cependant, les deux hypothèses s'opposent, et ne comportent pas le même régime. Ici la loi pénale est seule en jen; et la loi civile n'élève aucun obstacle, n'oppose aucune objection à ce que le juge répressif frappe celui qu'il déclare criminel. Là, au contraire, la loi pénale n'est pas seule; elle a en face d'elle et contre elle la loi civile, qui s'efforce aussi de faire régner la morale et à assurer la justice, et qui, dans ce but, dénie tout effet aux conventions illicites ou immorales. Il ne conviendrait point que la loi pénale l'emporte sur elle, en sanctionnant de peines ces conventions; car, même dans les théories subjectives, le rôle attribué au droit pénal reste un rôle subsidiaire.

visés au moyen; Rejette le pourvoi de Chauvin contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 27 mars 1909, etc.

Du 12 nov. 1909.-Ch. crim.-MM. Bard, prés.; Duval, rapp.; Lénard, av. gén.; Talamon et de Lalande, av.

CASS.-CRIM. 3 août 1911.

1 COUR D'ASSISES, ARRET DE RENVOI, NOTIFICATION, PLURALITÉ D'ACCUSES, COPIES SÉPARÉES, EXPLOIT, MENTIONS (Rép., v Cour d'assises, n. 407 et s.; Pand. Rép., vo Cassation criminelle, n. 226 et s.). 2 JURY-JURES (EN MATIÈRE CRIMINELLE), LISTE DES JURES, NOTIFICATION, SIGNATURE DE L'HUISSIER (Rép., v° Cour d'assises, n. 486 et s., 585; Pand. Rép., eod. verb., n. 496).

1 L'exploit de notification de l'arrêt de renvoi de la chambre des mises en accusation, portant: « Signifié, délivré et laissé copie: 1° à X..., 2o à Y... », et, à la suite de chacun de ces noms: « actuellement détenu à la maison d'arrêt, où j'ai parlé a lui-même », constate suffisamment que l'arrêt de renvoi a été signifié à l'un et à l'autre des accusés, et que copie a été laissée également à chacun d'eux (1) (C. instr. crim., 242).

2o La signature de l'huissier, apposée au bas de l'exploit qui contient la copie de la liste des jurés, suffit pour donner à cette copie l'authenticité, sans qu'il soit nécessaire que la liste notifiée soit certifiée conforme (2) (C. instr. crim., 395).

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(1) Dans l'espèce, il y avait mention sur l'exploit que l'huissier avait parlé à chacun des accusés. Cela indiquait suffisamment qu'il avait, contrairement à ce que prétendait le pourvoi, laissé copie à chacun d'eux. V. d'ailleurs, sur une espèce semblable, Cass. 5 nov. 1874 (Bull. crim., n. 274). Mais la notification faite par une seule copie plusieurs accusés serait nulle. V. Cass. 13 juill. 1900 (S. et P. 1903.1.542; Pand. pér., 1903.1.868), et les renvois.

(2) La signature de l'huissier au bas de l'exploit qui contient la copie de la liste des jurés suffit pour donner l'authenticité à cette copie (V. Cass. 24 sept. 1834, S. 1835.1.135.

P. chr. ; 18 mars 1869, Bull. crim., n. 67; 29 avril 1869, Bull. crim., n. 99); et il n'est pas nécessaire dès lors que la liste du jury soit certifiée conforme. V. Cass. 18 mars 1869 (motifs), précité.

(3) Cette solution est certaine en jurisprudence. V. Cass. 13 oct. 1820 (S. et P. chr.); 5 mars 1831 (P. chr.); 23 nov. 1837 (S. 1839.1.811.

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P. 1839.2.469); 9 mars 1838 (Bull. crim., n. 66); 30 mars 1838 (Bull. crim., n. 89); 20 août 1891 (Bull. crim., n. 175).

(4-5) Deux points sont certains: 1° l'exercice de l'action publique pour cause d'adultère est subordonné à la plainte préalable du mari; la pour

cusation, qu'une copie séparée dudit arrêt ait été remise à chacun des accusés :

Attendu que l'acte argué de nullité porte: Signifié, délivré et laissé copie d'un arrêt rendu par la Cour d'appel de Caen, chambre d'accusation, le 14 juin 1911, à 1 Lioust (René-Louis-Jules): 2o Mazza (Pierre), et qu'à la suite de chacun de ces noms ledit acte ajoute : « actuellement détenu à la maison d'arrêt de Bayeux, où étant, j'ai parlé à luimême »; Attendu que, de cette rédaction, il résulte que l'arrêt de renvoi a été signifié à l'un et à l'autre des accusés, et que copie a été laissée également à chacun d'eux;

Sur le second moyen, pris de la violation de l'art. 395, C. instr. crim., en ce que la liste des jurés notifiée aux accusés ne serait pas certifiée conforme : Attendu que la signature de l'huissier apposée au bas de l'exploit qui contient la copie de la liste des jurés suffit pour donner à cette copie l'authenticité nécessaire; Rejette le pourvoi contre l'arrêt rendu le 4 juill. 1911 par la Cour d'assises du Calvados, etc.

Du 3 août 1911. - Ch. crim. - MM. Bard. prés.; Herbaux, rapp.; Eon, av. gén.; Dufourmantelle et Coutard, av.

CASS.-CRIM. 27 octobre 1911. CASSATION, MATIERE RÉPRESSIVE, AMENDE (CONSIGNATION D'), FERMIER D'OCTROI (Rép., v Cassation [mat. crim.], n. 387 et s.; Pand. Rép., v Cassation criminelle, n. 607 et s.).

La disposition de l'art. 420, C. instr. crim., dispensant de l'amende les agents publics pour affaires qui concernent directement l'administration et les domaines ou revenus de l'Etat, ne peut s'étendre ni aux maires des communes, ni aux fermiers des

suite ne peut avoir lieu d'office. V. Cass. 31 janv. 1891 (Pand. pér., 1891.1.249; Bull. crim., n. 23); Garraud, Tr. du dr. pén. fr., 2° éd., t. 5, n. 1884; F. Hélie et Depeiges, Prat. crim., 2e éd., t. 2, n. 763; et notre . pén. annoté, par Garçon, sur les art. 336-337, n. 52 et s. 2° Il n'est pas nécessaire, pour régulariser la procédure, que le mari se constitue partie civile; il peut se borner à sa plainte, et demeurer étranger à la poursuite. V. Cass. 22 août 1816 (S. et P. chr.); Pau, 30 janv. 1835 (S. 1836.2,54. — P. chr.); Cass. 25 août 1848 (motifs) (S. 1848.1.731. - P. 1849.1.577, ad notam); 31 août 1855 (S. 1855.1.753. — P. 1856.1.16); et la note de M. Tissier, § 1, sous Orléans, 17 mars 1891 (S. et P. 1893.2.49). Adde, F. Hélie et Depeiges, op. et loc. cit. ; et notre C. pén. annoté, "par Garçon, loc. cit., n. 42 et 63. Mais le mari pourrait-il légitimer les poursuites en se constituant partie civile, sans avoir porté plainte? C'est le point que résout négativement l'arrêt que nous reproduisons.

Antérieurement, il avait été décidé que la dénonciation, exigée par l'art. 336, C. pén., ne pouvait être remplacée par une demande en divorce ou en séparation de corps fondée sur l'adultère de la femme (V. Cass. 16 juin 1842, S. 1842.1.747. - P. 1842.2.20; Garraud, op. cit., t. 4, p. 154 et

octrois dans les villes où les octrois sont établis 3) (C. instr. crim., 420). (Pipet C. Vve Taillard-Boyer).

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ARRÊT.

LA COUR; Vu les art. 419 et 420, C. instr. crim.; Attendu qu'aux termes de l'art. 419, la partie civile qui se pour voit en cassation est tenue à peine de déchéance de consigner une amende de 150 fr.; que l'art. 420 dispense de l'amende les agents publics pour affaires qui concernent directement l'administration et les domaines ou revenus de l'Etat, mais que cette disposition ne peut s'étendre, ni aux maires des communes, ni aux fermiers des octrois dans les villes où les octrois sont établis; Attendu que le fermier d'octroi de la commune de Murat n'a pas produit, à l'appui de son pourvoi, la quittance de consignation d'amende de cassation; Déclare Pipet (Louis), en sadite qualité, déchu de son pourvoi contre l'arrêt de la Cour d'appel de Riom en date du 7 juill. 1911, etc.

Du 27 oct. 1911. Ch. crim. - MM. Bard, prés.; Duval, rapp.; Eon, av. gén.

CASS.-CRIM. 30 mars 1912. ADULTÈRE, MARI, DENONCIATION (DÉFAUT DE), CONSTITUTION DE PARTIE CIVILE, FIN DE NON-RECEVOIR (Rép., vo Adultère, n. 86 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 57 et s.).

Le mari a seul qualité pour provoquer la poursuite du délit d'adultère, et une dénonciation directe et spéciale de sa part peut seule autoriser la mise en mouvement de l'action publique, qui ne saurait s'exercer d'office (4) (C. pén., 336).

Et, si l'action publique a été mise en mouvement sans dénonciation préalable, la constitution de partie civile du mari, intervenue au cours de la poursuite, ne peut en tenir lieu (5) (Id.).

--

et encore

155, n. 1885; notre C. pén. annoté, loc. cit., n. 66), ou par une action en dommages et intérêts à raison de l'adultère, portée par le mari devant la juridiction civile (V. Garraud, loc. cit., p. 155; notre C. pén. annoté, loc. cit., n. 67), moins par une action en désaveu de paternité dirigée contre l'enfant né de l'adultère. V. notre C. pén. annoté, loc. cit., n. 67. La conséquence paraît s'ensuivre qu'une dénonciation formelle et spéciale du mari est la condition préalable et nécessaire de l'exercice de l'action publique en cette matière. C'est en s'appuyant sur cette règle que la Cour de cassation a rangé, à côté des hypothèses précédentes, celle d'une constitution de partie civile, non précédée d'une dénonciation du mari.

On observera toutefois que les cas ne sont pas complètement pareils, et qu'il y a ici une raison de douter qui n'existait pas dans les hypothèses visées. En demandant le divorce, ou en intentant une action en désaveu de paternité, et même en réclamant des dommages et intérêts devant un tribunal civil, le mari ne laisse pas supposer qu'il veuille retirer une vengeance pénale du délit d'adultère de sa femme. Maître, en vertu de l'art. 336, de la vindicte publique, il a, au contraire, par la voie qu'il a choisie, entendu limiter

(Courtet C. Tetuaura a Tapare). ARRÊT.

LA COUR; Sur le premier moyen, pris de la violation de l'art. 336, C. pén., et de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que l'arrêt attaqué ne constate pas que la plainte du mari ait précédé l'exercice de l'action publique : Vu ledit art. 336;

Attendu qu'il résulte de cette disposition qu'en droit, le mari a seul qualité pour provoquer la poursuite du dělit, et qu'une dénonciation directe et spéciale de sa part peut seule autoriser la mise en mouvement de l'action publique; que la loi n'a pas voulu qu'en dehors de la volonté du mari, cette action pût s'exercer d'office sur des faits d'un ordre tout intime, intéressant au plus haut degré l'honneur et la paix des familles; Attendu, dans l'espèce, qu'il n'apparaît d'aucune des constatations de l'arrêt entrepris que la poursuite correctionnelle, dirigée par le ministère public contre Terürereatua, épouse Tetuaura a Tapare, pour délit d'adultère, et contre Courtet (Henri-LouisJoseph-Barbe), pour complicité, ait été légalement provoquée par une dénonciation formelle du mari; Attendu que, si celui-ci s'est constitué partie civile devant le tribunal correctionnel, cette constitution, intervenue au cours de la poursuite, ne saurait impliquer de sa part une dénonciation préalable; qu'à défaut de cette dénonciation préalable, condition irritante de la validité de la poursuite, l'action du ministère public n'a pas été valablement mise en mouvement; qu'il y a lieu, dès lors, de reconnaître que, par voie de conséquence, les actes et décisions qui en ont été la suite manquent absolument de base légale : · Casse l'arrêt du Tribunal supérieur de Papeete, du 21 sept. 1911, etc. Du 30 mars 1912. Ch. crim. MM. Bard, prés.; Lecherbonnier, rapp.; Eon, av. gén.; Coutard, av.

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CASS.-CRIM. 14 décembre 1912.

MENACES, MENACES SOUS CONDITION, MENACE ÉCRITE OU VERBALE, INTERPRÉTATION, POU VOIR DU JUGE, CONTRÔLE DE LA COUR DE CASSATION (Rép., v° Menaces, n. 7 et s.; 72 et s.). Pand. Rép., eod. verb., n. 51 et s., Pour qu'il y ait lieu à l'application des art. 305 et 307, C. pén., il faut qu'il y ait eu menace, écrite ou verbale, de l'un des

à des effets civils les conséquences du délit dont il souffre. Au contraire, en joignant son action à celle du ministère public, et en se constituant partie civile accessoirement à la poursuite de ce dernier, le mari manifeste nettement son intention d'obtenir du délit d'adultère une réparation pénale; il approuve la poursuite du ministère public; il y donne son assentiment, et en quelque sorte il la ratifie. Au surplus, la dénonciation préalable n'est pas une condition tellement nécessaire qu'elle ne puisse faire défaut, puisqu'il n'est pas douteux que le mari pouvait s'en dispenser, en poursuivant directement lui-même devant le tribunal correctionnel sa femme et son complice. V. notre C. pén. annoté, par Garçon, loc. cit., n. 63.

attentats énoncés en l'art. 305, et qu'en outre, cette menace ait été accompagnée d'un ordre ou d'une condition (1) (C. proc., 305 et 307).

Si la loi n'exige pas que la menace ait été faite dans les termes par lesquels elle a caractérisé le délit, et si, lorsque celle menace est déguisée sous des expressions plus ou moins vagues, il appartient aux juges de rechercher le véritable sens du propos dénoncé et d'en déterminer la portée, il ne leur est pas permis de le dénaturer, et leur pouvoir d'interprétation à cet égard est soumis au contrôle de la Cour de cassation (2) (Id.).

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LA COUR; Sur le moyen unique du pourvoi, pris de la violation de l'art. 306, C. pén., de la fausse application des art. 305 et 307 du même Code, et de la violation de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que l'arrêt attaqué a considéré comme des menaces écrites ou verbales sous condition, et réprimé comme telles, des menaces pures et simples, d'après leurs termes mêmes, ou des menaces seulement subordonnées à l'absence d'une provocation future ou de sévices éventuels émanés de la personne menacée, et n'impliquant, par suite, à l'égard de cette personne, aucune contrainte injuste: Vu lesdits articles; - Attendu que l'art. 305, C. pen., est ainsi conçu: Quiconque aura menacé, par écrit anonyme ou signé, d'assassinat, d'empoisonnement, ou de tout autre attentat contre les personnes, qui serait punissable de la peine de mort, des travaux forcés à perpétuité ou de la déportation, sera, dans le cas où la menace aurait été faite avec ordre de déposer une somme d'argent dans un lieu indiqué, ou de remplir toute autre condition, puni d'un emprisonnement de deux ans à cinq ans et d'une amende de 150 à 1.000 fr., et... pourra aussi être mis sous la surveil lance de la haute police pendant cinq ans au moins et dix ans au plus, à dater du jour où il aura subi sa peine »; que, d'autre part, aux termes de l'art. 307 du même Code, si cette menace, faite avec ordre ou sous condition, a été verbale, le coupable sera puni d'un emprisonnement de six mois à deux ans et d'une amende de 25 à 300 fr. », et que, dans ce cas, comme dans le cas prévu par l'art. 305, « la peine de la surveillance pourra être prononcée contre le coupable»; - Attendu, par suite,

Il semble cependant que la solution donnée par la Cour de cassation, soit préférable, et que le formalisme un peu rigoureux de son système mérite approbation. Il n'y a d'abord rien à conclure du droit pour le mari de prendre l'initiative des poursuites, sa constitution de partie civile précédant dans ce cas la mise en mouvement de l'action publique tout comme le dépôt de la plainte. D'un autre côté, en poursuivant sans avoir entre les mains la dénonciation du mari, le ministère public déforme le caractère du délit d'adultère, et engage pour cette raison une procédure qui est nulle. Or, sur cette procédure nulle, d'une nullité absolue, puisqu'elle touche à l'ordre public, ne peut pas se greffer une constitution de

que, dans l'un comme dans l'autre cas, il ne peut y avoir de délit, au sens de ces deux dispositions, qu'autant qu'il y a eu une menace, écrite ou verbale, de l'un des attentats énoncés en l'art. 305, et qu'en outre, cette menace a été accompagnée d'un ordre ou d'une condition; que la loi n'exige pas, il est vrai, que la menace ait été faite dans les termes mêmes par lesquels elle a caractérisé le délit; mais que si, lorsque cette menace est déguisée sous des expressions plus ou moins vagues, il appartient aux juges de rechercher le véritable sens du propos qui leur a été dénoncé et d'en déterminer la portée, il ne leur est pas permis de le dénaturer, et que leur pouvoir d'interprétation à cet égard est soumis au contrôle de la Cour de cassation; Attendu que l'arrêt attaqué constate, en fait 1 qu'au cours d'une scène qui s'est produite le 9 mars 1905, Eugénie Baillard a dit à X... : « Tu m'exaspères, je te tuerai»; 2o que, dans une lettre qu'elle lui a adressée, elle lui a écrit:

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:

J'en fais le serment...; plus rien ne m'arrêtera, j'ai trop souffert »; et 3° que, dans une autre lettre du 4 mars 1912, elle lui a encore écrit: Je vous préviens que si vous levez encore la main sur moi, je vous tuerai comme un chien que vous êtes; que la Cour d'appel a déclaré que le propos et les deux phrases susrelatées constituaient, le premier, une menace verbale, et les deux autres, deux menaces écrites de mort sous condition; Mais attendu que ni le propos, ni les phrases dont il s'agit ne font apparaitre, par euxmêmes, et n'impliquent même en rien qu'ils aient eu ce caractère; que le propos :

Tu m'exaspères, je te tuerai, n'apparaît que comme une menace verbale de mort, sans ordre ni condition; que la phrase: « J'en ai fait le serment..., plus rien ne m'arrêtera, j'ai trop souffert », est trop vague pour que l'on puisse la considérer comme contenant réellement une menace de mort, et que l'on ne saurait, non plus, sans la dénaturer, considérer comme une condition, au sens de l'art. 305, ni comme impliquant une contrainte quelconque à l'égard de X..., l'éventualité de nouvelles violences de la part de celui-ci, à laquelle la demanderesse a exclusivement subordonné la menace de mort contenue dans sa lettre du 4 mars 1912; - Attendu que l'arrêt déclare, à la vérité, qu'il y a lieu de tenir compte de ce que les scènes scandaleuses, les injures et les menaces

partie civile utile. Quant à la ratification, elle peut bien opérer en matière de nullité relative; mais elle est sans effet en matière de nullité d'ordre public, à moins que la loi n'en dispose autrement : ce qui n'est pas le cas ici.

(1) Cela résulte des termes mêmes de l'art. 305, C. pén. V. au surplus, Garraud, Tr. du dr. pén. fr., 2 éd., t. 4, n. 1682.

(2) Les juges ont un pouvoir d'interprétation pour rechercher le véritable sens des propos qui leur sont dénoncés comme constitutifs d'une menace. Mais ce pouvoir ne saurait aller jusqu'à dénaturer les propos incriminés. V. Cass. 19 déc. 1863 (Bull. crim., n. 302); et notre C. pén. annoté, par Garçon, sur les art. 305 à 308, n. 37.

sans cesse renouvelées par la femme Baillard sont toujours produites en vue d'obtenir de l'argent », et que tous ces faits forment un ensemble établissant nettement l'intention de la demanderesse, et caractérisent le délit »; mais que cette affirmation, trop imprécise pour qu'il soit possible d'en contrôler l'exactitude et d'en apprécier la portée, ne saurait suffire pour permettre à la Cour de cassation de reconnaître, en l'état, si chacun des faits retenus à la charge de la demanderesse justifiait la qualification qui lui a été donnée, et si la peine prononcée contre elle lui a été légalement appliquée; Attendu, enfin, qu'en l'état des constatations de l'arrêt, il n'est pas suffisamment établi que la lettre du 4 mars 1912 constitue le délit de menace de mort écrite, mais non accompagnée de condition, le propos incriminé ne pouvant être divisé sans être dénaturé, et le danger allégué pouvant lui enlever le caractère délictueux; que la Cour d'appel était obligée de s'expliquer à cet égard; D'où il suit que l'arrêt attaqué manque de base légale, et qu'en statuant ainsi qu'elle l'a fait, la Cour d'appel a formellement violé les textes visés au moyen; Casse l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris, le 26 juin 1912, etc.

Du 14 déc. 1912. - Ch. crim. MM. Bard, prés.; Thibierge, rapp.; Séligman, av. gén.; Dedé, av.

CASS.-CRIM. 6 janvier 1913.

1o ACTION PUBLIQUE, Pourvoi EN CASSATION, MINISTÈRE PUBLIC, DÉSISTEMENT (Rép., vo Action publique, n. 305 et s.; Pand. Rep., eod. verb., n. 91 et s.).

20 RETRAITES OUVRIÈRES ET PAYSANNES, PRÉLÈVEMENT SUR LE SALAIRE, TIMBRES, OUVRIER, REFUS DE PRÉSENTATION DE LA CARTE, PATRON, RESPONSABILITÉ PÉNALE, PRÉSENTATION TARDIVE DE LA CARTE, CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE, CONSIGNATION AU GREFFE DE LA JUSTICE DE PAIX (Rép., v° Retraites ouvrières, n. 1 et s.; Pand. Rép., v Retraites et pensions, n. 1654 et s.).

1o Le ministère public n'a pas le droit de se désister d'un pourvoi qu'il a formé, et d'anéantir de sa propre autorité l'effet d'un acte régulier, qui, dans un intérêt

(1) Il est de principe que le ministère public, après avoir mis en mouvement l'action publique, n'est plus maître de l'arrêter. V. F. Hélie, Tr. de l'instr. crim., 2o éd., t. 2, n. 576; Laborde, Cours élém. de dr. crim., 2o éd., n. 653; Garraud, Tr. d'instr. crim., t. 1, n. 90; et notre C. instr. crim. annoté, par G. Lepoittevin, sur l'art. 1o, n. 12 et s. Il ne retrouve cette liberté qu'au moment d'exercer une voie de recours contre un jugement. C'est à lui qu'il appartient de prendre la décision, et d'opter entre l'exercice ou le non-exercice de la voie de recours. Mais, la décision une fois prise et la nouvelle juridiction saisie, on revient à la règle, et il n'appartient plus au ministère public de se désister de la voie de recours qu'il a formée. V. Cass. 21 juin 1877 (S. 1878.1.46. . P. 1878.73), et le renvoi; F. Hélie, op. cit., t. 2, n. 578; Mangin, Act. publ. et act. civ., t. 1, n. 32; Garraud, loc. cit., p. 190; notre C. instr. crim.

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d'ordre public, a legalement saisi la Cour de cassation (1) (C. instr. crim., ler).

2o La loi du 5 avril 1910 ne frappant d'une amende, dans l'art. 23, que l'employeur ou l'employé par la faute duquel n'a pas eu lieu l'apposition des timbres sur la carte des assurés, la faute commise par l'employé, qui, en ne présentant pas sa carte à l'employeur, a mis celui-ci dans l'impossibilité d'observer les formalités qui lui sont imposées, l'exonére par là même de toute responsabilité pénale (2) (L. 5 avril 1910, art. 3 et 23).

Cette impossibilité résulte nécessairement de la circonstance que, lorsqu'il était au service de l'employeur, l'employé ne lui a pas présenté sa carte; et cette présentation, faite à un moment où le contrat de travail avait pris fin et après le règlement definitif du salaire, ne saurait astreindre le patron à l'apposition des timbres représentant sa contribution, puisqu'alors il n'est plus employeur, de même que le porteur de la carte n'est plus son employé (3) (Id.).

Par suite, l'employeur, auquel l'employe n'a présenté sa carte qu'après avoir quitté ses ateliers et avoir été intégralement réglé de son salaire, a pu se libérer valablement par le versement de sa contribution effectué au greffe de la justice de paix (4) (Ïd.). (Cohin). ARRÈT

(apr. délib. en ch. du cons.).

LA COUR; En ce qui touche le désistement du procureur de la République près le tribunal de première instance du Mans, en date du 23 déc. 1912, du pourvoi formé le 3 déc. 1912 : Attendu que l'action publique qui résulte du pourvoi en cassation appartient à la société, et non au fonctionnaire public chargé par la loi de l'exercer; que, par conséquent, le ministere public n'a pas le droit de se désister d'un pourvoi qu'il a formé, et d'anéantir de sa propre autorité l'effet d'un acte régulier qui, dans un intérêt d'ordre public, a légalement saisi la Cour de cassation; - Dit n'y avoir lieu de s'arrêter au désistement;

Et statuant au fond: Sur le moyen unique, pris de la violation des art. 3 et 23 de la loi du 5 avril 1910 : Attendu que Cohin était poursuivi pour avoir contrevenu à la loi du 5 avril 1910, en n'apposant pas des timbres patronaux sur les cartes de deux de ses ouvriers, Chevreau

annoté, loc. cit., n. 17. Nous ne croyons pas que ces solutions diverses doivent s'expliquer par l'idée, habituellement invoquée, que, l'action publique appartenant, non au ministère public, mais à la société, qui a le droit de punir, c'est celle-ci seule qui a le droit de disposer de l'action publique, droit qu'elle exerce par des lois en fixant les délais de la prescription ou en accordant une amnistie. V. Garraud, op. et loc. cit. Il nous paraît plus exact de dire simplement, sans nous élever jusqu'à un principe, que, tout en accordant au ministère public l'initiative des poursuites, le législateur, par crainte des abus et pour établir un certain contrôle de la part des tribunaux, lui a refusé le droit de se désister; car ce droit lui a été reconnu par diverses législations étrangères, quoique, là aussi, ce soit au nom du souverain que le ministère public agisse.

(2-3-4) L'arrêt ci-dessus rapporté ne fait que

et Gonesse ; Attendu que le jugement attaqué a relaxé Cohin, par le motif, d'une part, que le défaut d'apposition des timbres, représentant la contribution patronale, est le résultat d'une faute imputable à Chevreau et à Gonesse, qui n'ont jamais présenté leurs cartes, lors du règlement de leur salaire, et, d'autre part, que Colin, après que ces deux ouvriers avaient quitté sa maison, s'est légalement libéré au greffe de la justice de paix de la somme mise à sa charge par la loi; Attendu qu'en statuant ainsi, le jugement a fait une juste application de la loi; Attendu, en effet, que, la loi ne frappant d'une amende, dans l'art. 23, que l'employeur ou l'assuré par la faute duquel l'apposition n'aura pas eu lieu, la non présentation d'une carte constitue, à la charge de l'employé, une faute, qui, en mettant l'employeur dans l'impossibilité d'observer les formalités qui lui sont imposées, l'exonére par là même de toute responsabilité pénale; Attendu qu'aux termes du 2 de l'art. 23,

l'employeur qui a été dans l'impossibilité d'apposer le timbre prescrit peut se libérer de la somme à sa charge en la versant à la fin de chaque mois, directement ou par la poste, au greffier de la justice de paix ou à l'organisme auquel est affilié l'assuré »; Mais attendu que l'impossibi

lité dont il s'agit résulte nécessairement de la circonstance que, lorsqu'il était au service de l'employeur, l'employé ne lui a pas présenté sa carte; que la présentation de ladite carte, à un moment où le contrat de travail a pris fin et après le règlement définitif dù salaire, ne saurait astreindre le patron à l'apposition des timbres représentant sa contribution, puisqu'alors il n'est plus employeur, de même que le porteur de la carte n'est plus son employé; qu'il s'ensuit que Cohin, à qui Chevreau et Gonesse n'ont présenté leurs cartes qu'après avoir quitté ses ateliers et avoir été intégralement réglés de leurs salaires, a pu se libérer valablement par le versement qu'il a effectué au greffe de Du 6 janv. 1913. — Ch. crim. - MM. Bard, prés.; Bourdon, rapp.; Séligman, av. gén. la justice de paix; Rejette le pourvoi contre le jugement du tribunal correctionnel du Mans, en date du 22 nov. 1912, etc.

confirmer la jurisprudence antérieure (V. Cass. 22 juin 1912, 3 arrêts, supra, p. 49, avec la note de M. Roux), en décidant qu'on ne peut rendre l'employeur responsable de la non-imposition du timbre-retraite sur la carte individuelle de l'assuré, lorsque celui-ci a négligé de lui représenter cette carte au moment du paiement des salaires. Mais il déclare, en outre, et cette solution, qui d'ailleurs ne faisait pas de difficulté, est nouvelle, que l'ouvrier, qui a quitté l'atelier et qui, lors du paiement de ses salaires, n'a pas présenté sa carte à l'employeur, n'est plus fondé à la présenter postérieurement à la cessation du contrat de travail et au règlement de ses salaires. Aucune infraction ne saurait être relevée à la charge du patron qui s'est refusé, dans ces conditions, à apposer des timbres sur la carte, et a versé au greffe de la justice de paix sa propre contribution.

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