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(Maire et liquid. jud. Maire C. Brousmiche).

M. Maire, pharmacien à Hanoï, a assigné, devant le tribunal civil de cette ville, M. Brousmiche, également pharmacien au même lieu, ainsi qu'à Haiphong et à Tourane, pour, « attendu qu'un pharmacien ne peut avoir deux, et, à plus forte raison, plusieurs officines, ainsi qu'il résulte, notamment, de la loi du 21 germ, an 11. voir dire que le défendeur serait tenu de fermer ses officines de Hanoi et de Tourane, et s'entendre condamner à 10.000 piastres de dommages-intérêts ». Par jugement du 25 juill. 1908, le tribunal a débouté M. Maire de sa demande; et, sur appel, la Cour d'appel de l'Indo-Chine a rendu, à la date du 4 déc. 1908, un arrêt contirmatif ainsi concu: - La Cour;... - Attendu que, s'il est admis que la déclaration royale du 25 avril 1777, interdisant à Paris le cumul des pharmacies par un même pharmacien, a été maintenue par la disposition générale de l'art. 484, C. pén., dans les points où la loi du 21 germ. an 11 n'a pas statué à nouveau, cette jurisprudence ne doit recevoir d'application que sur les territoires où ladite déclaration royale a été promulguée, car là seulement ses prescriptions peuvent s'ajouter à celles de la loi de germinal qui ne leur sont pas contraires; Or, attendu que cette promulgation n'a pas été faite en Indo-Chine;

Attendu qu'il n'est pas vrai de dire, comme l'a soutenu Maire, que les deux lois doivent être considérées comme inséparables, de telle sorte que les pays dans lesquels celle de l'an 11 a été portée à la connaissance du public se trouvent soumis ipso facto à celle de 1777, car elles conservent chacune, au contraire, leur physionomie et leur autorité propres, et ne se réfèrent nullement l'une à l'autre que cette indépendance réciproque résulte des principaux articles de la loi de germinal an 11, l'art. 25 n'interdisant que d'exercer la profession sans avoir été recu suivant les formes voulues, et l'art. 32, paragraphe final, rapproché de l'art. 33, ne prohibant que le cumul de la pharmacie et de l'épicerie, double interdiction n'offrant aucun autre lien avec celle de cumul des pharmacies que le même souci des intérêts de la santé publique; que cette opinion est confirmée par l'arrêt de la Cour de cassation du 15 nov. 1844 (S. 1845.1.392. P. 1845.1.747), faisant ressortir, comme il a été dit, que la déclaration royale de 1777 n'est en vigueur en France que sur les points où elle n'a pas été abrogée par la loi de germinal, ce qui établit la distinction qui les sépare; que, du reste, les situations qui ont donné naissance à ces deux lois sont également différentes, l'édit de 1777 créant, en effet, la corporation dite Collège de pharmacie », où les charges étaient comptées, où il était par suite difficile de disjoindre la propriété des officines de leur exploitation, tandis qu'en l'an 11, il n'y avait plus de

était dérogé, la colonie se trouverait, dans la période de transition du régime exceptionnel au régime normal, au moment même où l'ordre a le plus besoin d'être assuré par le respect des lois,

corporation, et le nombre des officines dans chaque ville était illimité; qu'il faut donc conclure de ces observations que la loi de germinal an 11 ne saurait faire corps par elle-même avec celle de 1777; qu'en un mot, si elle se substitue à certaines dispositions de celle-ci, là où elles sont concurremment en vigueur, elles ne sauraient être inséparables, dans le sens que Maire semble avoir attaché à ce mot;

«Attendu qu'en admettant même que le système de l'appelant qui vient d'être examiné soit fondé, la loi de germinal ne saurait recevoir aucune application dans la colonie, pour cause d'irrégularité de sa promulgation; car, s'il est vrai que le général commandant en chef avait compétence, le Tonkin étant encore, le 27 févr. 1886, en état de siège, pour procéder à la mise à exécution de la loi de germinal an 11, qui est une loi de police, il est de règle absolue, pour qu'une loi métropolitaine soit valablement promulguée, qu'un décret doit la déclarer applicable dans la colonie; que l'arrêté local, qui n'en demeure pas moins nécessaire, ne constitue que le deuxième élément venant se superposer à cette première promulgation, qu'il rend définitive; Or, attendu qu'aucun décret n'a été rendu en l'espèce; que l'arrêté du 27 févr. 1886, promulguant en Annam et au Tonkin la loi du 21 germ. an 11, doit donc être considéré comme illégal; Attendu qu'une nouvelle preuve de la non-applicabilité en Indo-Chine de ladite loi de germinal est fournie par l'arrêté du gouverneur général du 27 nov. 1905, permettant, pendant un délai de huit années à partir de sa date, aux pharmaciens non diplômés d'ouvrir ou d'acquérir une officine de pharmacie ; que cette disposition, en effet, ne se comprendrait pas, si la loi de germinal avait été considérée par les pouvoirs publics comme exécutoire en Indo-Chine; - Attendu qu'il résulte de ce qui précède qu'il n'existe dans la colonie aucun texte interdisant à un pharmacien d'être propriétaire de deux ou plusieurs officines; - Attendu que Brousmiche est diplômé pharmacien; que M. Chassagne, auquel il a confié la gérance de sa pharmacie d'Hanoï, est pharmacien de Ire classe, ainsi qu'en témoignent les pièces du procès; motifs, etc. ».

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Par ces

POURVOI en cassation par M. Maire. 1er Moyen. Violation des art. 21, 25, 26, 30 et 34 de la loi du 21 germ. an 11, ensemble des art. 1, 2 et 4 de la déclaration du 25 avril 1777 et de l'arrêté du général en chef commandant au Tonkin du 27 févr. 1886, en ce que l'arrêt attaqué a déclaré non applicable au Tonkin l'interdiction, résultant des dispositions susvisées, de posséder et exploiter plus d'une officine de pharmacie.

20 Moyen. Violation de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, pour défaut de motifs.

exposée à la plus complète anarchie, toutes les lois existantes ayant disparu avant qu'elles aient pu être remplacées. Le gouvernement local, voué à l'impuissance, jusqu'au moment où de nouvelles

Devant la Cour de cassation, M. Seranon. nommé, par jugement du tribunal d'Hanoï du 4 janv. 1911, liquidateur judiciaire de M. Maire, a demandé à intervenir dans la cause et à suivre sur le pourvoi formé par le liquidé.

ARRÊT.

LA COUR; Sur l'intervention du sieur Seranon: Attendu que Seranon, syndic de faillite à Hanoi, a été nommé, par jugement du 4 janv. 1911, liquidateur judiciaire du sieur Maire, pharmacien dans cette ville; qu'il a demandé, par application de l'art. 5 de la loi du 4 mars 1889, modifiée par celle du 4 avril 1890, lesquelles ont été déclarées applicables à l'Indo-Chine par le décret du 17 déc. 1890, à intervenir dans la cause et à suivre sur le pourvoi formé par le sieur Maire; Lui donne acte de son intervention;

Sur les deux moyens réunis du pourvoi: Vu les art. 25 et 30 de la loi du 21 germ. an 11; Attendu que, si les dispositions de l'art. 2 de la déclaration du 25 avril 1777, relatives à la possession et à l'exercice par la même personne, ayant titre à cet effet, de la charge de pharmacien. n'ont pas été reproduites explicitement par la loi du 21 germ. an 11, elles sont du inoins virtuellement contenues dans les art. 25, 26 et 30 de cette dernière loi; qu'en effet, l'art. 25 implique la réunion dans une seule personne, légalement recue, de la possession du titre et du fonds: que les art. 21 et 26 excluent la faculté d'avoir une officine ouverte, sans avoir en même temps le titre légal autorisant à prendre une patente de pharmacien; que l'art. 30, en renvoyant expressément aux lois antérieures pour procéder contre ceux qui fabriqueraient ou débiteraient sans autorisation légale des préparations ou compositions médicales, s'est approprié les conditions de légalité antérieurement établies, en même temps que leur sanetion pénale; — Attendu que de telles dispositions sont manifestement inconciliables avec la faculté de faire gérer une pharmacie, même par une personne qui serait apte à la posséder, et qu'elles sont la conséquence de ce que la profession de pharmacien n'est pas libre; - Attendu que la loi de germinal an 11 est devenue applicable au Tonkin, en vertu de la promulgation qui en a été régulièrement faite, le 27 févr. 1886, par arrêté du général commandant le corps expéditionnaire; qu'il était dans les pouvoirs de ce dernier, investi par le gouvernement métropolitain, suivant un télégramme du 31 déc. 1884, « de l'autorité absolue sur tout le Tonkin pendant la durée des opérations», de prendre, de sa propre initiative, toutes les dispositions de police et de sûreté que ce cas exceptionnel déroge nécessairement à la règle générale, en vertu de laquelle les lois métropolitaines n'ont autorité dans les colonies qu'à la double condition d'y avoir

mesures seraient consacrées par des décrets métropolitains, se trouverait dans l'impossibilite d'administrer.

été déclarées applicables, soit par la loi elle-même, soit par un décret préalable, et d'y avoir été promulguées par un arrêté du gouverneur; que les mesures d'ordre général et permanent, comme celles concernant la réglementation de la pharmacie, après qu'elles ont été régulièrement prises, restent en vigueur, tant qu'elles n'ont pas été modifiées ou abrogées; Attendu que, par exploit en date du 26 mai 1908, le sieur Maire, pharmacien à Hanoï, a assigné, devant le tribunal civil de cette ville, le sieur Brousmiche, également pharmacien au même lieu, en même temps qu'à Tourane et à Haiphong, pour, attendu qu'un pharmacien ne peut avoir deux, et, à plus forte raison, plusieurs officines, ainsi qu'il résulte, notamment, de la loi de germinal an 11 », voir dire que ce dernier serait tenu de fermer ses officines de Hanoï et de Tourane, et s'entendre condamner à 10.000 piastres de dommages-intérêts; Attendu que l'arrêt attaqué a rejeté cette demande, par ce motif qu'il n'existait dans la colonie aucun texte interdisant à un pharmacien d'ètre propriétaire de deux ou plusieurs officines; qu'il déclare, notamment, d'une part, que l'interdiction du cumul de pharmacies par un même pharmacien n'est formulée que par la déclaration du 25 avril 1777; qu'elle n'est point reproduite par la loi de germinal an 11; que ces deux lois conservent chacune leur physionomie et leur autorité propres, et ne se réfèrent nullement l'une à l'autre ; que la déclaration de 1777 n'est pas applicable au Tonkin, faute d'y avoir été promulguée; que, s'expliquant, d'autre part, sur la loi de germinal an 11, ledit arrêt en repousse également l'application pour cause d'irrégularité de sa promulgation; qu'il soutient que l'arrêté du général commandant le corps expéditionnaire, en date du 27 févr. 1886, aurait dû être précédé d'un décret du gouvernement métropolitain, sanctionnant par avance cette mesure; - Attendu qu'en statuant ainsi, l'arrêt attaqué a violé les textes de loi susvisés; - Casse, etc.

Du 22 mai 1913. Ch. civ. MM. Baudouin, ler prés.; Ruben de Couder, rapp.; Lombard, av. gén. (concl. conf.); Barry et Frénoy, av.

CASS.-REQ. 3 mars 1913.

ANIMAUX, LAPINS, DÉGATS, RESPONSABILITÉ, FAUTE, MULTIPLICATION EXCESSIVE, MESURES DE DESTRUCTION INSUFFISANTES, BATTUES, TERRIERS, FURETAGE, MOTIFS NON CONTRADICTOIRES (Rép., vis Bestiaux, n. 39

(1) Cette solution rentre dans la jurisprudence, d'après laquelle, si le propriétaire d'un bois où les lapins vivent à l'état sauvage n'est pas responsable de plein droit des dégâts par eux commis, il en est autrement, quand le préjudice qu'ils causent est la conséquence de sa négligence, et, par suite, de sa faute. V. Cass. 22 oct. 1901 (S. et P. 1902. 1.8, et les renvois; Pand. pér., 1902.1.455). Et la faute du propriétaire du bois peut résulter de ce qu'il a laissé les lapins se multiplier d'une fa

et s., Destruction des animaux malfaisants ou nuisibles, n. 271 et s., Responsabilité civile, n. 215 et s.; Pand. Rép., vis Animaux, n. 141 et s., Responsabilité civile, n. 1369 et s.).

Un jugement déclare à bon droit que le propriétaire d'un bois a commis une faute engageant sa responsabilité, à raison des dégâts causés par les lapins aux propriétés voisines, lorsqu'il constate que ces lapins étaient dans le bois en nombre excessif, que le demandeur n'avait pris pour les détruire que des mesures insuffisantes, un nombre minime de lapins ayant été tués dans les battues faites par deux chasseurs, une faible partie des terriers ayant été défoncée, les furetages n'ayant eu d'autre effet que de disperser les lapins dans les champs, et la destruction des bêtes puantes ayant favorisé leur multiplication (1) (C. civ., 1382).

Il n'y a pas d'ailleurs contradiction entre ces motifs du jugement et ceux du jugement rendu sur l'appel, qui, en adop tant les motifs du premier juge, et en constatant à nouveau l'importance des dégâts et la quantité anormale des lapins, déclare que, si le propriétaire du bois a cherché à en diminuer le nombre, il n'a pas employé en temps utile les moyens de destruction suffisants (2) (C. civ., 1382; L. 20 avril 1810, art. 7).

(Durieu de Lacarelle C. Boudet)

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ARRÊT.

LA COUR; Sur le moyen unique, tiré de la violation des art. 1382, C. civ., et 7 de la loi du 20 avril 1810: Attendu que le jugement rendu par le juge de paix de Montet constate que les lapins, venus du bois loué par Durieu de Lacarelle pour ses chasses, avaient occasionné de notables dégâts dans les récoltes des défendeurs éventuels; que ces lapins étaient en nombre excessif; que, si le demandeur avait pris quelques mesures pour les dé truire, ces mesures avaient été absolument insuffisantes; que, dans le peu de battues qu'il avait fait faire dans l'année 19091910, son fils et lui avaient été les seuls chasseurs qui y participassent, et qu'un nombre fort minime de lapins y avaient été tués; qu'il n'avait fait défoncer qu'une faible portion des terriers du bois; que les furetages qu'il avait fait faire l'avaient été de telle façon que les lapins s'étaient dispersés dans les champs d'alentour, au lieu d'être supprimés; que la destruction des a bêtes puantes », ennemies des lapins, opérée conformément à ses ordres, avait favorisé la multiplication des lapins; qu'ainsi, étant donnée la quantité énorme de ces animaux qu'il y avait dans le bois,

çon anormale, en ne chassant pas d'une manière suffisante (V. Cass. 26 févr. 1901, S. et P. 1901. 1.232; Pand. pér., 1901.1.367; 22 mai 1901, S. et P. 1901.1.280; 22 oct. 1901, précité, et les renvois), en ne faisant pas défoncer les terriers, ni détruire les ronciers (V. Cass. 22 mai et 22 oct. 1901, précités; 14 mars 1905, S. et P. 1906.1. 76; 20 oct. 1908, S. et P. 1908.1.528; Pand. pér., 1908.1.528, et les renvois), ni fureter (V. Cass. 26 févr. 1901, précité, et le renvoi), et, d'une

la faute du demandeur se trouvait nettement établie, et engageait sa responsabilité, aux termes des art. 1382 et 1383, C. civ.; Attendu que, sur l'appel interjeté contre ce jugement, le tribunal de Moulins a, en adoptant les motifs du premier juge, constaté à nouveau l'importance des dommages causés aux champs par les lapins dont s'agit, ainsi que la quantité anormale de ces animaux, et déclaré que, si Durieu de Lacarelle avait cherché à en diminuer le nombre, il n'avait pas employé en temps utile les moyens de destruction suffisants: qu'aucune contrariété n'existe entre les motifs du jugement du tribunal de Moulins et ceux du jugement rendu par le juge de paix, et que la décision attaquée n'a violé aucun des articles de loi visés au pourvoi; Rejette le pourvoi formé contre le jugement rendu le 10 mars 1911, par le tribunal de Moulins, etc.

Du 3 mars 1913. . Ch. req. MM. Tanon, prés.; Morellet, rapp.; Eon, av. gén. (concl. conf.); Dufourmantelle, av.

CASS.-REQ. 5 mars 1913.

TESTAMENT OLOGRAPHE, DATE FAUSSE, RECTIFICATION, ELEMENTS INTRINSÈQUES, POUVOIR DU JUGE, APPRÉCIATION SOUVERAINE (Rép., vo Testament, n. 478 et s.; Pand. Rép., v Donations et testaments, n. 6398 et s., 6422 et s., 6483 et s.).

L'erreur dans la date d'un testament olographe n'est pas une cause de nullité, lorsqu'elle peut être rectifiée avec certitude à l'aide d'éléments fournis par le testament lui-même, laissant apparaitre d'une façon précise les jour, mois et année auxquels le de cujus a rédigé son œuvre testamentaire (3) (C. civ., 970).

A cet égard, l'appréciation des juges du fait est souveraine (4) (Id.).

Spécialement, lorsqu'il est établi que la date d'un testament (3 mai 1898) est erronée quant au mois et quant à l'année, les juges du fond usent du pouvoir souverain d'appréciation qui leur appartient, si, ayant reconstitué la date du mois et de l'année à l'aide d'énonciations empruntées au testament, et démontrant qu'il a été nécessairement écrit entre le 13 janv. et le 3 févr. 1909, ils déclarent que le mois de février 1909 seul a pu fournir la date du 3, indiquée par le testateur comme étant celle où il a écrit son testament, en telle sorte que la date intégrale (3 févr. 1909) se trouve ainsi restituée d'une façon indiscutable (5) (Id.).

manière générale, en ne prenant des mesures de destruction que tardivement ou d'une manière insuffisante. V. Cass. 22 mai 1901, précité; 8 juil. 1901 (S. et P. 1902.1.87; Pand. pér., 1902.1.524); 4 déc. 1901 (S. et P. 1902.1.8; Pand, pér., 1903. 1.528); 22 avril 1907 (S. et P. 1907.1.232), et les renvois.

(2) V. anal., Cass. 22 avril 1907 (S. et P. 1907. 1.232).

(3-4-5) C'est un point certain que l'erreur dans

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LA COUR; Sur le moyen de cassation pris de la violation de l'art. 970, C. civ., et de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810:

Attendu, en droit, que l'erreur dans la date d'un testament n'est point une cause de nullité, lorsqu'elle peut être rectifiéc avec certitude à l'aide d'éléments fournis par le testament lui-même, laissant apparaître d'une façon précise les jour, mois et année auxquels le de cujus a rédigé son euvre testamentaire; qu'à cet égard, l'appréciation des juges du fait est souveraine;

Attendu qu'il est constant en fait que la date du testament litigieux : « 3 mai 1898, est erronée quant au mois et à l'année, le testament n'ayant pu être écrit, ainsi qu'il a été établi par les juges du fait, que dans la période comprise entre le 13 janv. et le 3 févr. 1909; que le quantième trois reste seul comme étant la date du jour du testament, écrite et fixée par le testateur lui-même; d'où il appert que la date, fausse quant à l'année et au mois, reste exacte pour le quantième, ainsi que l'arrêt attaqué l'a déclaré : - Attendu que le grief du pourvoi porte uniquement sur cette déclaration de la Cour, les demandeurs soutenant que, la date du quantième, ainsi déterminée, n'étant pas à l'abri de toute inexactitude, il en résulterait que cette date ne saurait servir de fondement à la reconstitution de la date de l'année et du mois; Mais attendu que ces deux dernières dates ont été reconstituées par le juge du fait uniquement à l'aide d'énonciations empruntées au testament luimême, et qui établissent que ce document a été nécessairement rédigé entre le 13 janv. 1909, date du décès de la mère du de cujus, auquel il fait allusion dans cet écrit, et le 3 février de la même année, date du jour même de son décès; que, dès lors, le mois de février seul a pu fournir cette journée du 3, indiquée et fixée par Sicard comme étant celle où il a écrit son testament, dont la date intégrale se trouve ainsi reconstituée d'une façon indiscutable et de nature à ne laisser aucun doute sur son exactitude; - D'où il suit qu'en le décidant ainsi, la Cour d'appel n'a fait qu'user du pouvoir souverain qui lui appartient, et que sa décision, d'ailleurs régulièrement inotivée, n'a par conséquent violé aucun des textes invoqués; - Rejette le pourvoi

la date d'un testament olographe peut être rectifiée par les juges, à la double condition que cette erreur ait été involontaire (V. Cass. 31 mars 1896, S. et P. 1897.1.408; Pand. per., 1897.1.89; Amiens, 3 juill. 1912, infra, 2 part., p. 73, et les renvois), et que la rectification puisse se faire, avec une évidence absolue, à l'aide d'éléments empruntés au testament lui-même. V. Cass. 12 févr. 1906 (S. et P. 1908.1.30; Pand. pér., 1908.1.30); 21 févr. 1906 (sol. implic.) (S. et P. 1908.1.31; Pand. pér, 1908.1.31); Amiens, 3 juill. 1912, précité. Les juges du fond apprécient d'ailleurs souverainement les éléments de fait à l'aide desquels peut être faite la rectification. V. Cass. 9 janv. 1894 (S. et P. 1894.1.311; Pand. pér., 1891.1.265), et les renvois.

(1) Les juges, saisis de l'action en paiement de

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CASS.-CIV. 3 avril 1913. OUVRIER, ACCIDENTS DU TRAVAIL, RESPONSABILITÉ, LOIS DES 9 AVRIL 1898 ET 31 MARS 1905, RENTE VIAGÈRE, SALAIRE DE BASE, ENTREPRISE CONTINUE OU NON CONTINUE, POUVOIR DU JUGE, APPRECIATION SOUVERAINE, TRAVAIL INTERMITTENT, CHOMAGE EXCEPTIONNEL (Rép., vo Responsabilité civile, n. 2162 et s.; Pand. Rép., vo Travail, n. 2512 et s.).

La question de savoir si le travail de l'entreprise, au service de laquelle un ouvrier a été victime d'un accident du travail, est ou non continu, et s'il y a lieu, par suite, pour la détermination du salaire de base, en vue du calcul de la rente, d'appliquer les 1 et 2, ou bien le 3 3 de l'art. 10 de la loi du 9 avril 1898, est une question de fait, que les juges du fond décident souverainement (1) (L. 9 avril 1898, art. 10).

La disposition de l'art. 10, § 3, de la loi du 9 avril 1898, qui, pour le calcul du salaire de base de l'ouvrier employé dans une entreprise non continue, prescrit qu'il soit fait état de ses gains en dehors de l'entreprise pendant la période d'inactivité, ne saurait être étendue à l'ouvrier occupé à des intervalles variables dans une entreprise continue; pour celui-ci, le seul salaire qui doive servir de base au calcul de la rente, en cas d'accident, est celui qui, pendant les douze mois qui ont précédé, lui a été alloué dans l'entreprise (2) (L. 9 avril 1898, art. 10, $ 3).

Le chômage prévu par le § 4 de l'art. 10 de la loi du 9′ avril 1898, modifié par la loi du 31 mars 1905, qui permet de faire étal, pour la détermination du salaire de base, du salaire moyen y correspondant, étant un chômage exceptionnel, on ne peut considérer comme tel les intervalles accoutumes pendant lesquels un ouvrier n'est pas employé dans l'entreprise (3) (LL. 9 avril 1898, art. 10, 4; 31 mars 1905).

(Geneix C. Soc. électrique du Mont-Dore).

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rente, doivent nécessairement, pour permettre à la Cour de cassation d'exercer son contrôle, préciser si l'entreprise dans laquelle était employée la victime était continue ou non. V. Cass. 5 mars 1997 (S. et P. 1910.1.446; Pand. pér., 1910.1. 416), et la note. Mais les précisions données par eux, portant sur un point de pur fait, sont souveraines, et échappent à la Cour de cassation.

(2) V. dans le même sens, Cass. 27 juin 1912 (S. et P. 1912.1.444; Pand. pér., 1912.1.444), la note et les renvois. En ce qui concerne la fixation du salaire de base de l'ouvrier employé d'une manière intermittente depuis moins de douze mois dans une entreprise à travail continu, V. Cass. 11 juin 1912 (S. et P. 1912.1.444; Pand. pér., 1912.1.444), et les renvois; 4 déc. 1912 (Supra, 1r part., p. 128).

réunis :

Attendu que l'arrêt attaqué constate que Geneix, ouvrier de l'usine électrique du Mont-Dore, a été victime d'un accident du travail, le 13 nov. 1909; que cet ouvrier, atteint d'une incapacité permanente et partielle, devant entrainer une réduction normale de salaire de 25 p. 100, a touché, pendant les douze mois qui ont précédé l'accident, une somme de 454 fr. 80; qu'il constate, en outre, que, si Geneix n'était employé dans l'entreprise qu'à des intervalles assez espacés, le travail y est, cependant, continu; que l'arrêt calcule, en conséquence, la rente allouée à Geneix conformément aux prescriptions de l'art. 10, § 1er, de la loi du 9 avril 1898, modifié par la loi du 31 mars 1905; - Attendu qu'en statuant ainsi, ledit arrêt n'a violé aucun des articles visés au pourvoi; Attendu, en effet, d'une part, que la question de savoir si le travail de l'entreprise, au service de laquelle était occupé l'ouvrier victime, est continu, est une question de fait, souverainement résolue par le juge du fond, et que les termes mêmes du 3 de l'art. 10 de la loi du 9 avril 1898, ne permettent pas d'en étendre l'application au cas où l'ouvrier d'une entreprise continue n'y est occupé qu'à des intervalles variables et est obligé de compléter par un autre travail un gain insuffisant; que le seul salaire qui doive servir de base au calcul de la rente due à la victime est celui qui. pendant les douze mois qui ont précédé l'accident, lui a été alloué par le chef de l'entreprise au service de qui ledit accident est survenu; Attendu, d'autre part, que le chômage prévu par le § 4 de l'art. 10 de la loi sur les accidents du travail, et qui permet de faire état, pour la détermination du salaire de base, du salaire moyen y correspondant, est un chômage exceptionnel; qu'on ne peut considérer comme tel les intervalles accoutumés pendant lesquels un ouvrier n'est pas employé dans l'entreprise; Rejette le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 6 avril 1911 par la Cour de Riom, etc.

Du 3 avril 1913. — Ch. civ. MM. Baudouin, ler prés.; Reynaud, rapp.; Lombard, av. gén. (concl. conf.); Morillot et Brugnon, av.

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(3) Par son arrêt du 27 juin 1912 (S. et P. 1912.1.444; Pand. pér., 1912.1.444), la Cour de cassation avait déjà, implicitement, écarté l'appli cation, à l'ouvrier qui ne travaille que d'une manière intermittente dans une entreprise continue, de la disposition du § 4, ajouté à l'art. 10 de la loi de 1898 par la loi du 31 mars 1905, et d'après lequel, pour l'ouvrier qui a chômé exceptionnellement et pour des causes indépendantes de sa volonté », il est fait état du salaire moyen qui eût correspondu à ces chômages. Bien que cette solution rigoureuse puisse être critiquée (V. la note et les renvois sous Cass. 5 avril 1909, S. et P. 1909.1.316; Pand. pér., 1909.1.316; et la note sous Cass. 27 juin 1912, précité), la chambre civile l'affirme, cette fois, d'une façon explicite.

CASS.-REQ. 17 novembre 1909 et 21 mars 1910.

1o EFFETS DE COMMERCE, EFFETS DE COMPLAISANCE, LETTRE DE CHANGE, AcceptaTION, CRÉDIT (OUVERTURE DE), CAUTIONNEMENT, CAUSE LICITE, TIREUR, TIRÉ, PAIEMENT, ACTION EN RÉPÉTITION (Rép., vo Lettre de change, n. 249 et s.; Pand. Rép., vo Effets de commerce, n. 4223 et s.). - 2o MANDAT-MANDATAIRE, SOCIÉTÉ, DIRECTEUR, EFFETS DE COMMERCE, LETTRE DE CHANGE, RESPONSABILITÉ (Rép., vo Mandat, n. 672, 714 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 1107 et s.).

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(1-2-3) C'est toute une théorie qu'il a fallu créer pour résoudre les difficultés diverses que soulèvent les effets de complaisance. Pour expliquer, avec quelque clarté, les idées que nous croyons vraies en cette matière, nous étudierons saccessivement les points suivants :

I. Qu'est-ce qu'un effet de complaisance? N'y at-il pas à distinguer les effets de complaisance ayant une cause réelle et ceux qui sont purement fictifs ? II. Validité des effets de complaisance, réels ou fictifs, à l'égard du porteur de bonne foi.

III. De la validité des effets de complaisance réels à l'égard des parties.

IV. De la nullité, inter partes, des effets de complaisance fictifs, ce qui nous permettra d'esquisser une théorie de la cause dans les contrats à titre gratuit.

V. Quelle est l'étendue de la nullité des effets de complaisance fictifs? La maxime: Nemo propriam turpitudinem allegans audiri debetur, est-elle en vigueur chez nous? Quelles sont les conséquences qu'on doit y rattacher?

I. Qu'est-ce qu'un effet de complaisance? Distinction des effets de complaisance réels et fictifs. —L'effet de complaisance est un effet émis en l'absence de toute opération commerciale, actuelle ou future, par pure complaisance, pour procurer un crédit à celui qui doit en profiter.

C'est, le plus souvent, sous forme de lettre de change qu'il apparaît, le tiré acceptant la lettre de change, bien que le tireur ne soit pas son créancier. L'effet de complaisance peut se présenter également sous la forme d'un billet à ordre, souscrit pour donner au bénéficiaire de ce billet le moyen de faire de l'argent en l'escomptant.

Dans tous les cas, ce qui le caractérise, c'est la complaisance, intervenant en dehors d'une opération commerciale réalisée ou future, dans le but d'étendre le crédit d'un commerçant.

On qualifie quelquefois les effets de complaisance d'effets de circulation; Trib. comm. d'Epinal, 8 mars 1892, sous Nancy, et Nancy, 2 janv. 1893, motifs, S. et P. 1894.2.206; Trib. comm. de Honfleur, 24 août 1898, sous Caeo, et Caen, 30 mai 1899, S. et P. 1900.2.163; Pand. pér., 1899.2. 145) (V. Lyon-Caen et Renault, Tr. de dr. comm., 4o éd., t. 4, p. 3, n. 3, note 1; ainsi, d'une façon plus générale, que tous les effets négociables. V. Lyon-Caen et Renault, op. et loc. cit., n. 3. Toutefois, on réserve, le plus souvent, cette expression d'effets de circulation » pour désigner les effets qui correspondent à une créance réelle, mais dont l'échéance est éloignée, et que les parties consentent, d'un commun accord, à renouveler jusqu'à l'échéance. Les effets deviennent ainsi bancables et peuvent être aisément escomptés. La validité des effets de circulation proprement dits n'est pas contestée. V. la note (§ 1, n. VI) de M. Wahl sous Lyon, 30 mars 1897 (S. et P. 1900.2.153); ANNÉE 1913. 6o cab.

1o Celui qui, sans être créancier ni débiteur d'aucune des parties intéressées, accepte des lettres de change tirées sur lui, dans le but de faciliter au tireur l'ouverture de crédit qu'il sollicitait d'un banquier, à l'ordre duquel les lettres étaient passées par le tireur, se rend ainsi, par son acceptation, caution du tireur (1) (C. civ., 2011 et s.; C. comm., 117). Tre espèce.

En conséquence, c'est avec raison que les juges, après avoir déclaré que ces opérations n'avaient aucun caractère fictif, qu'elles avaient une cause licite et valable, ont considéré cette acceptation comme la réalisation d'un contrat antérieur de garan

Thaller, Tr. élém. de dr. comm., 4o éd., n. 1436; Hémard, Des effets de complaisance, p. 14 et 15. Les effets de complaisance peuvent être sincères, avoir une cause réelle, encore que cette cause ne consiste pas en une opération commerciale. Si celui qui prête sa signature, tiré au cas de lettre de change, souscripteur au cas de billet à ordre, le fait dans le but de rendre service à autrui, d'aider un confrère à sortir d'une passe difficile, de lui éviter la faillite, l'engagement contracté trouve sa cause légitime dans le désir de secourir une infortune; c'est un acte de bienfaisance, qui profitera, non seulement au bénéficiaire de l'acte, mais à tous ceux qui, ayant des relations commerciales avec lui, ont intérêt à ce que son crédit reste intact.

Mais il arrive aussi trop souvent que les effets de complaisance soient des instruments de fraude. C'est une manoeuvre combinée entre deux individus, également aux abois, pour se donner un crédit imaginaire, en créant réciproquement des effets l'un sur l'autre, sans avoir l'intention, ni, la plupart du temps, la possibilité de les payer à l'échéance. Ces effets manquent de tout fondement juridique; ils sont la manifestation d'un procédé déloyal, destiné à tromper les tiers, et qui ne saurait leur servir de cause: ce sont des effets fictifs.

Cette distinction est de première importance, car elle va nous permettre de prendre parti sur la question, très débattue, de la validité ou de la nullité des effets de complaisance.

II. Validité des effets de complaisance, quels qu'ils soient, à l'égard du porteur de bonne foi. Tout le monde s'accorde à reconnaître que le porteur d'un effet de commerce ne peut, lorsqu'il est de bonne foi, être repoussé par une fin de non-recevoir tirée de la nullité de l'effet inter partes. Un effet de commerce est un effet négociable, c'est-à-dire transmissible par la voie de l'endossement. La cession par endossement ne ressemble en rien à la cession civile des art. 1639 et s., C. civ. Les cessionnaires n'ont à se préoccuper que des conditions légales prescrites pour la régularité du titre, les seules que les tiers puissent apprécier. Les titres à ordre ne pourraient pas remplir leur fonction, qui est de circuler comme une monnaie de convention, si le porteur pouvait se voir opposer des exceptions et fins de non-recevoir du chef du cédant. Exiger du porteur qu'il recherche si l'effet qui se présente comme valable dans la forme peut contenir une cause de nullité interne, ce serait simplement tuer le crédit commercial. Aussi, et bien que cette règle ne soit écrite expressément dans aucun article du Code, a-t-elle été unanimement admise par la doctrine et par la jurisprudence. V. Cass. 30 mai 1883 (S. 1884.1.154. - P. 1884.1.368); 29 mars 1887 (S. 1887.1.160. P. 1887.1.379); 12 nov. 1906 (S. et P. 1912.1.362; Pand. pér., 1912.1.362), et les renvois; Alauzet, Comment. du C. comm., t. 4, n. 1341; Demangeat,

tie, obligeant le tiré au paiement des effets passés à l'ordre du banquier (2) (C. civ., 6, 1131, 2011 et s.; C. comm., 110, 115, 117). Id.

Bien que des traites aient le caractère d'effets de complaisance, et que l'obligation en résultant soit sans cause entre le tireur et le tiré, celui-ci, qui les a acceptées et qui a été condamné à en payer le solde au tiers porteur, dont la bonne foi a été reconnue, est fondé à réclamer au tireur le montant des sommes qu'il a ainsi déboursées pour aider à son crédit (3) (Id.). 2o espèce.

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2° Lorsque le directeur de la succursale d'une société a mis en circulation des

sur Bravard-Veyrières, Tr. de dr. comm., t. 3, p. 139 et s., ad notam; Boistel, Précis de dr. comm., 3o éd., n. 754 et s.; Lyon-Caen et Renault, op. cit., t. 4, n. 130 et s.

Si la nullité du titre ne peut être invoquée contre le porteur de bonne foi, en quel sens faut-il entendre les mots : porteur de bonne foi? Le tiers qui a ignoré le caractère fictif d'un effet négociable, mais a connu son caractère d'effet de complaisance, est-il un porteur de bonne foi?

Pendant longtemps, la jurisprudence a refusé la qualité de porteur de bonne foi à celui qui savait que l'effet était de complaisance, encore qu'il ignorât son caractère fictif. V. Cass. 18 oct. 1886 (S. 1886.1.470. P. 1886.1.1157); 8 févr. 1892 (S. et P. 1892.1.197; Pand. pér., 1893.1.62); Lyon, 3 juill. 1896 (Ann. de dr. comm., 1897, p. 27).

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L'arrêt du 17 nov. 1909, ci-dessus rapporté, est conçu dans un tout autre esprit. Un industriel ayant sollicité une ouverture de crédit, le banquier auquel il s'adressa n'y consentit qu'autant qu'il lui serait donné une caution solvable. La caution fut donnée par un tiers sous la forme de l'acceptation de plusieurs traites créées par l'industriel au profit du banquier. Ce dernier savait donc pertinemment qu'il s'agissait d'effets de complaisance. La Cour de cassation n'en a pas moins admis qu'ayant agi honnêtement et sans l'intention de tromper personne, il ne pouvait être écarté par une exception de nullité. C'est la première fois que la Cour décide que l'obligation de l'accepteur complaisant lie celuici vis-à-vis du porteur qui a connu le caractère de complaisance de la convention.

III. Validité des effets de complaisance erga omnes. Les effets de complaisance sont-ils valables en principe, et sauf réserve pour le cas où ils sont purement fictifs, aussi bien à l'égard des parties que du porteur de bonne foi? Nous croyons fermement à leur validité.

Cette opinion a été cependant très discutée, et il est indispensable d'en établir la justification.

On a proposé contre la validité de ces effets différents textes. On a invoqué en ce sens l'art. 585, O. comm., l'art. 5 de la loi du 24 germ. an 11, portant création de la Banque de France, et, relativement à la lettre de change, l'art. 115, C. comm., qui veut que la provision de la lettre soit faite par le tireur. Notre conviction très arrêtée est que ces textes sont inopérants, par plusieurs raisons, principalement par la raison qu'aucun d'eux ne prononce la nullité des effets de complaisance.

Mais, la démonstration de ce que nous avançons ayant déjà été faite, complète et décisive, dans ce Recueil même, ce serait répéter inutilement ce qui a été si bien dit que d'entrer dans des détails sur ce point. Nous nous bornons donc à un renvoi. V. la note de M. Wahl sous Lyon, 30 mars 1897, précité; et la note de M. Hémard sous Amiens, 9 janv. 1903 (S. et P. 1903.2.241). V. IT PART. 38

traites qu'il avait écrites et signées en sa encore, la note de M. Lacour au Dalloz, 1912.1.281.

Le seul motif plausible qu'on puisse faire valoir contre la validité des effets de complaisance, c'est que ces effets seraient émis dans le but immoral de créer un crédit imaginaire, en supposant l'existence d'opérations qui n'existent pas, chose contraire à l'honnêteté commerciale, aussi bien qu'à l'ordre public. V. Lyon-Caen et Renault, op. cit., t. 4, n. 537-3.

Mais ce motif perd toute sa portée, dès l'instant que nous supposons un effet de complaisance sincère, ayant pour cause la volonté de rendre service à ceux qui en bénéficient. Qu'importe que le signataire complaisant ait fait ou non une opération commerciale avec celui qui reçoit l'effet! S'il est solvable au moment où il s'oblige, ce que nous supposons, personne ne peut avoir à souffrir de sa complaisance. Le contrat qui intervient alors n'est rien autre qu'un cautionnement, qu'un contrat de garantie, et on ne voit pas pour quelle raison, de droit ou d'équité, il serait annulé.

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On a soutenu cependant, et nous sommes surpris que M. l'avocat général Feuilloley ait appuyé de son autorité une pareille doctrine, qu'il ne pouvait y avoir de cautionnement valable en matière d'effets de commerce que sous la forme d'un aval. V. les conclusions de M. l'avocat général Feuilloley dans la 1 espèce (Gaz. des Trib., 27 nov. 1909). Le tiré, disait M. Feuilloley, est partie essentielle, substantielle même, au contrat de remise de place en place qui se forme par l'émission de la lettre de change. De plus, il a accepté l'effet; il doit donc comme accepteur. Comment pourrait-il être en même temps donneur d'aval? On ne se cautionne pas soi-même! Cela est si vrai, ajoutait le savant magistrat, que l'art. 142, C. comm., définit l'aval une garantie donnée par un tiers; or, l'accepteur n'est pas un tiers. Le système contraire, combattu par M. Feuilloley, aurait été condamné par un arrêt de la chambre civile du 30 janv. 1907 (S. et P. 1908.1.321; Pand. pér., 1908.1.321). Adde dans le même sens, Thaller, note au Dalloz sous Lyon, 30 mars 1897 (2 arrêts) (1897.2.388, col. 2); Bourcart, note sous Cass. 30 janv. 1907, précité.

Cette argumentation n'est que spécieuse. L'art. 142, C. comm., ne contient pas une formule restrictive; il dit simplement que la garantie par aval est fournie par un tiers, sur la lettre même ou par acte séparé; il ne dit pas qu'elle ne peut être fournie que par un tiers. Vainement a-t-on prétendu justifier cette amplification du texte par le caractère rigide des lettres de change et des billets à ordre. La lettre de change, a écrit M. Bourcart dans la note précitée, est un titre de présentation. Cela ne veut pas dire simplement que le titre doit être présenté pour obtenir paiement; cela signifie aussi que le titre doit contenir les éléments de la créance, que les tiers doivent pouvoir compter absolument sur les rapports juridiques qui leur sont révélés par le document. Nous ne sommes plus dans la sphère ondoyante des conventions individuelles que gouverne le droit civil, mais sous un régime plus rigoureux, et cette rigueur a été le prix de la netteté et de la certitude. Mais en quoi les tiers pourront-ils être trompés, parce que la garantie sera donnée sous une forme autre que l'aval?

Si elle est fournie sous forme d'endossement, le tiers, qui escompte l'effet, sait qu'il aura un recours contre l'endosseur aussi bien que contre le tiré. Il ne serait pas mieux renseigné si la garantie avait été donnée sous forme d'aval.

Si la caution se cache derrière le tiré ou le sous

qualité sur du papier à en-tête de la socripteur d'un billet à ordre, le tiers qui escompte sait également à quoi s'en tenir, puisque le titre lui apprend qu'il n'aura de recours que contre le tiré et le tireur ou le signataire du billet à ordre.

Le contrat de garantie est libre en droit commercial comme en droit civil, et si même on acceptait l'idée, erronée à notre sens, qu'il doit, quand il se présente sous l'aspect d'un aval, émaner d'un tiers, cela ne ferait point obstacle à ce qu'il pût intervenir autrement que sous la forme d'un aval.

L'arrêt du 30 janv. 1907, cité par M. Feuilloley, bien loin de contredire notre opinion, la confirme expressément. Cet arrêt se borne à déclarer que, quand l'obligation de garantie a été stipulée au moyen d'un endossement, les règles de l'endossement doivent être appliquées, à l'exclusion de celles de l'aval, et que, notamment, le porteur ne peut être relevé de la déchéance qu'il encourt s'il n'a pas fait protester dans les délais légaux. 11 reconnaît, d'ailleurs, dans ses motifs, que l'endosseur aurait pu être traité comme un donneur d'aval, si sa prétention d'avoir signé par pure complaisance avait été établie, parce qu'alors on aurait pu le considérer comme un tiers, et l'art. 142, C. comm., ne lui aurait pas été opposable.

Si l'on remarque que nous nous occupons précisément d'un effet de complaisance, l'arrêt de 1907 nous est tout à fait favorable.

Dans tous les cas, l'arrêt du 17 nov. 1909 n'hésite pas à donner le cautionnement pour base juridique à l'effet de complaisance. Il y est dit que le tiré est intervenu comme caution des souscripteurs, et que la signature apposée volontairement sur la lettre de change n'était que la réalisation d'un contrat antérieur de garantie.

En cela, d'ailleurs, la Cour de cassation est restée logique avec elle-même, car, ayant admis que l'aval peut être fourni sous la forme d'un endossement (V. Cass. 16 janv. 1888, S. 1888.1.457.

- P. 1888.1.1134; 10 juill. 1895, sol. implic., S. et P. 1899.1.460; 2 févr. 1904, motifs, S. et P. 1908.1.450; Pand. pér., 1908.1.450, et les notes sous ces arrêts), on ne concevrait pas qu'elle interdit de le donner sous la forme de l'acceptation d'une lettre de change ou de la signature d'un billet à ordre.

IV. Nullité des effets de complaisance fictifs. Esquisse d'une théorie de la cause dans les contrats à titre gratuit. L'effet fictif, nous l'avons déjà indiqué, implique une manoeuvre frauduleuse pour tromper le public. Il est donc contraire à l'honnêteté commerciale, à l'ordre public, et l'intérêt général commande impérativement qu'il soit annulé, afin d'éviter les déceptions et les ruines qu'il peut engendrer.

Cette conception apparaît manifestement fondée à tous ceux que n'aveuglent pas les subtilités juridiques. Mais les textes du Code relatifs à la cause des obligations ont fourni un prétexte à ces subtilités. Et nous voici ainsi amenés à rechercher, à esquisser au moins la théorie générale de la cause.

D'après la doctrine classique, la cause n'est autre chose que le but immédiat poursuivi par les contractants.

Longtemps inconnue dans notre ancien droit, cette doctrine a été créée de toutes pièces par Domat. D'après Domat, il faut distinguer les contrats synallagmatiques, les contrats réels et les contrats gratuits. Dans les contrats synallagmatiques, l'obligation de chacune des parties a pour cause l'obligation de l'autre. Dans les contrats réels, comme le prêt, c'est la prestation faite qui est le fondement de l'obligation. Dans les contrats gra

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Pothier reproduisit les idées de Domat, à une variante près; tandis que celui-ci assigne pour cause aux contrats gratuits le motif qui a déterminé le donateur, ou, si l'on veut, considère que ce motif tient lieu de cause, Pothier écrit : « Dans les contrats de bienfaisance, la libéralité que l'une des parties veut exercer envers l'autre est une cause suffisante de l'engagement qu'elle contracte envers elle (Tr. des oblig., n. 42, éd. Bugnet, t. 2, p. 24. Encore que les travaux préparatoires du Code ne contiennent rien de bien précis sur la notion de cause, il semble cependant que les rédacteurs du Code se sont inspirés directement de Pathier. Bigot de Préameneu, dans l'exposé des motifs du titre des obligations, se borne à dire « Il n'y a point d'obligation sans cause; elle est dans l'intérêt réciproque des parties ou dans la bienfaisance de l'une d'elles (Fenet, Trav. prépar. du C. civ., t. 13, p. 228). Adde dans le même sens, les observations de Portalis sur le titre de la vente (Locré, Législ. civ., etc., t. 14, p. 77 et 78).

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Il semble donc que, dans la pensée des rédacteurs du Code, la cause des contrats à titre gratuit se trouve dans la volonté seule de gratifier.

S'il en est ainsi, la cause de l'obligation consentie par le signataire d'un effet de complaisance est simplement dans la volonté du signataire de rendre service.

Cela étant, les contrats gratuits et de bienfaisance n'auront jamais une cause illicite, puisque leur cause réside dans la volonté abstraite de donner ou de se montrer complaisant. Ils ne peuvent donc être annulés par application de l'art. 1131, C. civ. On pourrait, sans doute, ajoutent les partisans de ce système, concevoir une législation d'après laquelle le contrat serait apprécié dans son ensemble, et serait annulé lorsque le but final que se proposent les parties est immoral ou illicite. Mais le Code civil ne s'est pas placé à ce point de vue. C'est l'obligation considérée en elle-même qu'il envisage, non le contrat, et il ne prononce la nullité que si l'élément essentiel de l'obligation, l'élément sur lequel a dû nécessairement porter l'accord des parties, est lui-même illicite ou immoral. Il a, d'ailleurs, procédé sagement en s'attachant à l'obligation plutôt qu'au contrat. Car, s'il y avait lieu de rechercher le but du contrat, c'est-à-dire les motifs qui l'ont déterminé, les tribunaux devraient se livrer à une véritable inquisition, et devraient scruter les consciences et les intentions, ce dont la vie sociale ne s'accommoderait guère. V. la note de M. Appert sous Cass. 1er avril 1895 (S. et P. 1896.1.289); et la note de M. Wahl sous Lyon, 30 mars 1897, précité.

L'objection peut être ingénieuse; elle est, à notre avis, absolument mal fondée. Et cela pour deux raisons.

Tout d'abord, il n'est pas démontré que la cause dans les contrats gratuits ou de bienfaisance consiste dans la seule volonté de la partie qui s'oblige.

En outre, il nous semble que le Code lui-même contient un texte duquel découle la preuve irréfutable qu'il a entendu annuler, non seulement les obligations illicites ou immorales, mais le contrat qui présente un caractère illicite ou immoral.

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