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que le tiré accepteur de ces traites a pu

On nous dit que la cause, dans les donations ou dans les contrats de bienfaisance, est dans la seule volonté de celui qui s'oblige. Est-ce exact?

La distinction classique entre la cause impulsive (motifs) et la cause finale (but essentiel et apparent) est aisée à établir en ce qui concerne les contrats synallagmatiques et les contrats réels. Dans le contrat synallagmatique, le but immédiat que poursuivent les parties se confond avec l'objet de l'obligation de chacune d'elles. Dans la vente, par exemple, le vendeur s'oblige en vue du prix qui lui est promis, et l'acheteur en vue de la chose qu'il veut acquérir. Dans les contrats réels, comme le prêt, l'obligation naît de la prestation reçue.

Mais cette distinction entre le but immédiat et le but médiat, entre la cause finale et les motifs. est à peu près inextricable en matière de contrats gratuits. Le but immédiat du donateur, de l'obligé bienfaisant, ne correspond pas à une obligation consentie par l'autre partie. Où est donc la cause finale du contrat? On a dit qu'elle est dans l'in tention de donner. Mais c'est un non-sens. « Une cause ainsi entendue, écrit M. Planiol, réduite à une volonté abstraite, ressemble fort à une cause qui n'existe pas» (Rev. crit., 1888, p. 708) (a).

Au surplus, il n'y a pas de volonté sans mobile. Le mobile, en matière de donation, c'est le but principal visé par le donateur, c'est-à-dire le motif qui a fixé sa volonté. Ce sera tantôt la qualité de parent ou d'ami du donateur, tantôt un sentiment de gratitude pour des services rendus, tantôt un simple désir de bienfaisance. Il y aura toujours un motif principal qui formera la cause de l'obligation.

Alléguera-t-on que le législateur du Code a reproduit la théorie de Pothier, et que Pothier trouvait dans la seule volonté de donner la cause de l'obligation du donateur?

Est-il bien certain que ce fût là l'idée entière de Pothier? Il s'inspirait lui-même manifestement de la doctrine de Domat, et Domat trouve la cause de l'obligation dans les motifs qui ont dirigé le donateur. Pothier a donné une formule raccourcie de l'opinion de Domat, sans qu'apparaisse son intention d'en modifier la portée. Quant au Code, il ne dit rien du tout, et, si l'on peut faire état de certaines paroles de Bigot de Préameneu, on ne peut y voir que le reflet de la doctrine admise à cette époque, telle qu'elle se comportait.

Au reste, accepterait-on comme démontré que le législateur voit la cause de l'obligation de donner dans la volonté de donner, il n'en résulterait pas que cette volonté dût être envisagée d'une façon abstraite, et que la donation échappât à la nullité, quand le donateur a agi dans un but illicite ou immoral. Cette conclusion, absurde et antisociale, aurait eu besoin d'être exprimée clairement pour être admise; et elle ne l'a pas été. Nous disons plus; il existe une disposition du Code civil qui prouve que le législateur a entendu atteindre toutes les conventions immorales ou illicites. Ce texte, c'est l'art. 6. Il porte qu'on ne peut déroger par des conventions particulières aux lois qui intéressent l'ordre public ou les bonnes mœurs. Il vise les conventions, prises en bloc, et non point les obligations qui peuvent en découler. Donc toute convention immorale ou illicite doit être frappée de nullité.

Il ne saurait, d'ailleurs, y avoir aucun doute sur la signification générale de ce texte, car elle se dégage des travaux préparatoires. Quand le titre

(a) Plusieurs auteurs ont, en effet, enseigné qu'il n'y a

légitimement supposer que le directeur

préliminaire du Code civil fut présenté, l'art. 8 (devenu l'art. 6) souleva une double critique. On dit, d'une part, qu'il n'y avait pas lieu de distinguer entre les lois d'ordre public et les lois d'intérêt privé. Et on dit, d'autre part, que la disposition projetée était un simple axiome de droit, qui ne devait pas trouver de place dans un texte de loi (Rapport du tribun Andrieux; Fenet, op. cit., t. 6, p. 67).

La première critique tendait à étendre la nullité aux conventions contraires aux lois d'intérêt privé, et la seconde, de pure forme, laissait subsister sans discussion le principe de la nullité des conventions qui dérogent aux lois d'ordre public ou aux bonnes mœurs.

Portalis, en défendant le projet, affirme ce principe dans les termes les plus formels. On annule, dit-il, les conventions contraires au droit public; on n'annule pas celles contraires à des lois qui ne touchent qu'à des intérêts particuliers... Voilà la maxime de tous les temps » (Fenet, op. cit., t. 6, p. 271). Dans l'exposé des motifs, le même Portalis développait la même pensée. Le dernier article du projet, déclare-t-il, porte qu'on ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l'ordre public et les bonnes mœurs. Ce n'est que pour maintenir l'ordre public qu'il y a des gouvernements et des lois. Il est donc impossible qu'on autorise entre les citoyens des conventions capables d'altérer ou de compromettre l'ordre public... Quant aux conventions contraires aux bonnes mœurs, elles sont proscrites chez toutes les nations policées. Les bonnes mœurs peuvent suppléer les bonnes lois; elles sont le véritable ciment de l'édifice social. Tout ce qui les offense, offense la nature et les lois. Si on pouvait les blesser par des conventions, bientôt l'honnêteté publique ne serait plus qu'un vain mot, et toutes les idées d'honneur, de vertu, de justice seraient remplacées par les lâches combinaisons de l'intérêt personnel, et par les calculs du vice (Fenet, op. cit., t. 6, p. 361 et 362). Dans le discours du tribun Faure au Corps législatif, on lit: L'art. 6 contient une maxime conforme à celle que les Romains avaient consacrée. Une convention particulière blesse-t-elle l'ordre public ou les bonnes mœurs, elle est repoussée par la loi (Fenet, op. cit., t. 6, p. 389).

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On le voit, c'est la convention elle-même qui est visée. Et ce serait altérer manifestement la volonté du législateur que de valider, par un subterfuge, une convention contraire à l'ordre public, sous le prétexte fallacieux que l'intention de donner, isolée des motifs qui l'ont déterminée, n'est jamais illicite et immorale. Comme le disait Portalis, il est impossible qu'on autorise des conventions susceptibles de compromettre l'ordre public. L'art. 1131, C. civ., ne saurait fournir un prétexte plausible contre cette solution de bon sens, car, quoi qu'on en ait pu dire, la cause de l'obligation du donateur réside effectivement dans les motifs principaux qui l'out poussé à gratifier le donataire, et ces motifs sont, par hypothèse, illicites.

La jurisprudence, après quelques hésitations et quelques formules embarrassées, ne s'y est pas trompée. C'est surtout à propos de l'art. 900, C. civ., qu'elle a eu à se prononcer. Cet article porte que, dans toute disposition entre vifs ou testamentaire, les conditions impossibles, contraires aux lois ou aux bonnes mœurs, sont réputées non écrites. Il est en opposition directe avec l'art. 1172, pas de cause dans ces sortes de contrats (Thèses Briffaud

agissait pour le compte de la société, et qu'il

qui annule toute convention dépendant d'une condition de ce genre.

Comment concilier ces deux textes? De vives controverses se sont élevées sur ce point. Elles ont été sagement tranchées, en jurisprudence, par une distinction rationnelle.

La condition a-t-elle été un accessoire de la libéralité? Elle sera annulée, et la libéralité sortira effet. A-t-elle été l'objectif principal, la cause impulsive de la donation ou du legs? Il y aura nullité du tout. V. Cass. 17 juill. 1883 (S. 1884.1.805.-P. 1884.1.769, et la note de M. Labbé ; Pand. chr.); 3 nov. 1886 (S. 1887.1.241. - P. 1887.1.593; Pand. pér., 1887.1.19); 26 mai 1894 (S. et P. 1896.1.129, et la note de M. Meynial; Pand. pér., 1894.1.494); 20 nov. 1905 (S. et P. 1906.1.171; Pand. pér., 1906.1.38), et les renvois.

La Cour de cassation admet donc que, quand il s'agit d'une donation, il ne faut pas s'en tenir à l'idée que l'intention de donner est suffisante pour valider le contrat; il faut scruter l'intention du donateur, et annuler la libéralité, si cette intention procede de motifs illicites ou immoraux.

On a cité, comme conçu dans un autre esprit, un arrêt de la chambre des requêtes du 4 janv. 1897 (S. et P. 1898.1.309; Pand. pér., 1897.1.358); c'est mal comprendre la signification de cet arrêt. Il se borne à annuler, comme ayant une cause immorale, le billet notarié souscrit à la suite d'un versement de fonds simulé, en disant qu'il s'agissait en fait d'une dette contractée en vue de payer, maintenir ou prolonger un état de concubinage. Il annule, en réalité, une convention qu'il considère comme une donation déguisée, parce que les motifs de cette donation étaient immoraux.

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C'est en procédant de la même idée, - qu'il convient de prononcer la nullité des conventions immorales, abstraction faite de la cause immédiate de la convention, que la jurisprudence a déclaré inefficace le prêt d'argent consenti en vue d'établir ou d'exploiter une maison de tolérance. La cause de l'obligation de l'emprunteur est dans la prestation reçue, et, cette prestation consistant dans une somme d'argent qui, par elle-même, n'est pas un objet immoral, on aurait dû, si l'on avait accepté la théorie classique, décider que le prêt restait valable, quels que fussent les motifs impulsifs du contrat. C'est le contraire qu'on a décidé. Les motifs impulsifs ayant été considérés, à tort ou à raison, comme immoraux, la jurisprudence en a conclu que le prêt devait être annulé comme immoral. V. Cass. 1 avril 1895 (S. et P. 1896.1.289, et la note de M. Appert; Pand. pér., 1896.1.384).

La jurisprudence étrangère est fixée dans le même sens. On lit dans une décision récente du Tribunal de l'Empire d'Allemagne, relative précisément à un prêt d'argent destiné à l'ouverture et à l'exploitation d'une maison de tolérance: Considérant que le juge a le droit de refuser toute valeur juridique et toute force obligatoire aux actes qui, objectivement et subjectivement, en tenant compte à la fois de leur contenu, de leurs motifs et de leur but, sont contraires aux bonnes mœurs, et dont la validité serait, en conséquence, inconciliable avec la morale ». V. Trib. de l'Empire (Allemagne), 21 janv. 1903 (8. et P. 1905.4.15). Le texte qu'avait à interpréter le Tribunal d'Empire est l'art. 138, 1er alin., du Code civil allemand, d'après lequel l'acte juridique contraire aux bonnes mœurs est nul». V. égal., Trib. de Bruxelles, 5 déc. 1894 (Pasicr., 1895.3,99).

et Timbal sur la cause).

a ignoré que le directeur en était per

Le principe que toute convention contraire à l'ordre public est nulle doit conduire nécessairement à faire prononcer la nullité des effets de complaisance fictifs, qui présentent, à n'en pas douter, ce caractère. Sic, Cass. 8 juin 1891 (S. et P. 1892.1.439; Pand. pér., 1892.1.157); 29 nov. 1893 (S. et P. 1894.1.328); 27 juill. 1897 (S. et P. 1901.1.522); Paris, 9 août 1904 (2 arrêts) (S. et P. 1995.2.144); Lyon, 6 juin 1906 (S. et P. 1906.2.264), et les renvois.

V. De l'étendue de la nullité des effets de complaisance fictifs. - La maxime: Nemo turpitudinem allegans audiri debetur, est-elle en vigueur chez nous? Nous avons déjà dit, et il est inutile d'y revenir, que la nullité des effets de complaisance n'est jamais opposable aux tiers porteurs de bonne foi, et nous avons indiqué ce qu'il fallait entendre par porteurs de bonne foi. Il nous reste à rechercher quelles sont les conséquences de la nullité, soit inter partes, soit à l'égard des tiers porteurs de mauvaise foi.

Un premier point ne saurait faire difficulté : c'est que le porteur de mauvaise foi sera irrecevable à exiger le paiement de l'effet.

Mais, si le tiré ou le souscripteur du billet à ordre a payé l'effet à l'échéance, aura-t-il un recours contre le tireur de la lettre de change ou le bénéficiaire du billet à ordre?

Nous rencontrons ici une question des plus délicates, et qui dépend du parti que l'on prend sur le maintien dans nos lois de la vieille maxime romaine Nemo turpitudinem suam allegans audiri debetur.

Cette maxime était écrite dans la loi 3 et la loi 4, § 2, Dig., De condictione ob turpem vel injustam causam (liv. 12, tit. 5): Ubi dantis et accipientis turpitudo versatur, non posse repeti dicimus... Quoties autem solius accipientis turpitudo versatur, Celsus ait repeti posse V. égal., L. 8, Dig., eod. tit.; LL. 2 et 5, Code, liv. 4, tit. 7. La cause estelle illicite de la part du promettant et du stipulant, la répétition ne doit pas être accordée. Estelle, au contraire, illicite seulement de la part du stipulant qui a reçu, de l'accipiens, le promettant peut exercer la répétition.

La maxime fut acceptée, telle quelle, dans notre ancienne jurisprudence. V. Domat, Lois civiles, liv. 1, tit. 18, sect. 4, n. 5, et liv. 2, tit. 7, sect. 2, n. 4; Pothier, Des oblig., n. 43 (éd. Bugnet, t. 2, p. 25); Ferrière, Dictionn., t. 3, v° Répétition de ce qui a été donné pour cause déshonnête ou injuste.

Doit-on la considérer comme ayant été virtuellement consacrée par le Code civil? La question est particulièrement délicate.

Des jurisconsultes des plus autorisés enseignent qu'elle n'existe plus. Ils invoquent en ce sens les art. 1131, 1235 et 1376, et l'intérêt supérieur de la société. L'art 1131 dispose que l'obligation qui a une cause illicite ou contraire aux bonnes mœurs est nulle. Il résulte de là ces deux conséquences inséparablement corrélatives qu'aucune action n'est ouverte pour en demander l'exécu tion, et qu'une action en répétition est recevable pour obtenir la restitution de ce qui aurait été payé par suite de cette obligation. La convention étant nulle, que reste-t-il? Il reste une somme détenue sans cause, et qui doit être soumise à la condictio sine causa, puisque la nullité, étant d'ordre public, peut être invoquée par toutes personnes intéressées.

Les art, 1235 et 1376 aboutissent à la même (a) Certains arrêts de Cours d'appel écartent cependant la maxime elle-même. V. Caen, 18 janv. 1888 (S.

sonnellement bénéficiaire, n'excèdent pas

conséquence. Il y est dit que celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu. Le Code ne distingue pas en vertu de quelles règles la chose payée était indue; or, la chose payée en vertu d'une convention entachée d'une nullité d'ordre public est indue. Pour refuser la répétition, il faudrait un texte de loi, et ce texte n'existe pas. L'absence de texte est d'autant plus significative que, quand, dans certains cas particuliers, la loi a voulu prohiber la répétition, elle a pris soin de l'indiquer; ainsi, en matière de jeu et d'obligations naturelles (art. 1235, 1967). Abstraction faite des textes, est-ce que la société n'est pas intéressée au premier chef à ce que celui qui stipule le salaire d'un acte illicite sache, à n'en pas douter, non seulement qu'il ne pourra en exiger le paiement, mais que, si ce paiement a été effectué, la répétition en sera possible? La faculté de répéter est une menace qui fera plus d'une fois obstacle à des conventions honteuses ou illicites. V. les notes de M. Meynial sous Caen, 18 janv. 1888 (S. 1890.2.97. P. 1890.1.562), et sous Paris, 16 nov. 1888 (S. 1891.2.89. P. 1891.1.472); la note de M. Lyon-Caen, in fine, sous Lyon, 23 janv. 1884 (S. 1884.2.49. P. 1884.1.316); Colmet de Santerre (contin. de A.-M. Demante), Cours anal. de C. civ., t. 5, n. 49 bis-IV; Demolombe, Contr. ou oblig., t. 1, n. 382; Huc, Comment. du C. civ., t. 8, n. 392; Baudry-Lacantinerie et Barde, Tr. des oblig., 3e éd., t. 1, n. 316.

Dans une opinion diamétralement opposée, on enseigne que la maxime: Nemo turpitudinem... est encore en vigueur de nos jours. Elle serait commandée par le souci de la moralité publique et de la dignité de la magistrature, et non contraire aux textes du Code.

La dignité de la magistrature ne permet pas, dit-on, qu'on laisse discuter dans son prétoire un pacte honteux, que la conscience publique flétrit. Ce serait reconnaître, d'ailleurs, une efficacité à ce pacte, tandis qu'en refusant toute action devant les tribunaux, on livre les parties à la discrétion l'une de l'autre, et on arrête ainsi, par crainte des conséquences de leur déloyauté réciproque, la plupart de ceux qui seraient tentés de former de semblables contrats. V. Caen, 29 juill. 1874 (S. 1875.2.298. P. 1875.1131).

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Quant aux textes de loi qu'on invoque en sens contraire, ils n'ont pas la portée qu'on leur prête. Aubry et Rau écrivent à ce sujet : Que!que générale que soit la disposition de l'art. 1376, il paraît cependant qu'en la décrétant, le législateur n'a entendu s'occuper que de la condictio indebiti proprement dite, sans avoir en vue la condictio propter turpem causam, et que la règle établie par cet article doit ici fléchir devant un principe supérieur, qui se rattache à la dignité de la magistrature, qui domine toute la matière des actions.. Nemo auditur turpitudinem suam allegans. L'argument tiré de l'art. 1131 est plus spécieux encore, et ne repose que sur une confusion. Si, l'action en répétition se trouvant écartée, le défendeur conserve de fait ce qui lui a été payé en exécution de la convention contraire à la loi ou à l'ordre public, il ne le retient cependant pas en vertu de cette convention, à laquelle on donnerait ainsi quelque effet, en contravention à l'art. 1131, mais bien raison de l'indignité du demandeur en répétition, qui n'est pas recevable à alléguer sa propre turpitude (4° éd., t. 4, P. 3890.1 582; Pand. pér., 1888.2.166);

1890.2.97.

-

leur pouvoir d'appréciation des faits de la

p. 742, § 442 bis, note 8). Adde, la note de M. Dubois sous Cass. 15 déc. 1873 (8. 1874.1.241. P. 1874.625); Merlin, Quest. de dr., v° Causes des obligations, § 1, n. 2; Larombière, Théor. et prat des oblig., 2o éd., t. 1, sur l'art. 1133, n. 10; Pont, Petits contrats, t. 1, n. 663.

Quel est l'état de la jurisprudence sur la question? Il n'est pas très aisé de le dégager. Après des flottements, des fluctuations, des retours sur elle-même, elle paraît adopter un système mixte, dont les limites restent quelque peu indécises. Elle refuse, en règle générale, la répétition, en vertu de la maxime, mais elle apporte à cette règle d'assez nombreuses exceptions (a).

Un arrêt de la Cour de cassation du 1er août 1844 (S. 1844.1.582. - P. 1845.1.237) pose le principe de la distinction. Il décide que le prix payé en vertu d'une contre-lettre peut être répété, et il motive sa décision en disant que la maxime : In pari causa melior est causa possidentis ne peut s'appliquer à l'espèce, parce que, dans l'hypothèse du droit romain, peu importe à la société à qui des deux complices également en faute doit appartenir la somme objet du paiement consommé ; tandis que, dans l'espèce où il s'agit du prix d'un office public, il en est tout autrement, par le double motif: 1° que la faute n'est pas égale entre le postulant et le titulaire, puisque c'est ce dernier, fonctionnaire public, ayant en cette qualité des devoirs plus étroits, qui a fait subir la loi d'un prix exagéré au postulant; 2o parce que c'est précisément le paiement de cette partie du prix, cachée et exagérée, qui expose le postulant au danger de manquer à ses devoirs, le public à de graves dommages, et qui blesse, par conséquent, plus particulièrement l'ordre public ». Ainsi, dans la pensée de la Cour, la maxime subsiste, mais elle est exceptionnellement écartée dans l'espèce du procès.

D'autres exceptions ont été admises: en matière de cession de parts dans les offices ministériels (V. Cass., 25 janv. 1887, S. 1887.1.224. - P. 1887. 1.533; Pand. pér., 1887.1.61), lorsque le paiement a été effectué contraint et forcé, pour éviter une saisie-arrêt (V. Cass. 4 janv. 1897, S. et P. 1898 1.309; Pand. pér., 1897.1.358), ou lorsque la répétition est exercée, non par le solvens, mais pas ses créanciers (V. Paris, 31 déc. 1903, S. et P. 1905.2.206).

Convient-il d'admettre le maintien en principe de la maxime, tout en laissant à la jurisprudence le droit de l'appliquer ou d'en écarter l'application suivant les nécessités de l'ordre public?

En droit strict, on peut fortement en douter. Il semble bien notamment que, ei l'on admet que la maxime reste en vigueur, cette maxime va annihiler l'art. 1131, et animer une convention dont le Code prononce la nullité absolue.

Est-ce à dire pourtant qu'on soit obligé, même si on en reconnaît l'utilité sociale, de la considérer comme abrogée?

L'argument tiré des art. 1131 et 1376, confirmé par le silence des travaux préparatoires est des plus sérieux. Est-il tout à fait décisif?

Les textes...; mais ils sont reproduits de Pothier. Pothier écrit : Lorsque la cause pour la quelle l'engagement a été contracté est une cause qui blesse la justice, la bonne foi ou les bonnes mœurs, cet engagement est nul, ainsi que le contrat qui le renferme (Oblig., n. 43, éd. Bugnet, t. 2, n. 43, p. 25). Il dit ailleurs, à propos du Rouen, 24 déc. 1901 (S. et P. 1904.2.237).

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cause, en déclarant la société responsable de l'acte de son représentant, qui a agi dans l'exercice de ses fonctions, alors même qu'il aurait excédé son mandat, tel qu'il était déterminé par le titre de sa nomination et les statuts de la so

paiement de l'indû, que ce paiement repose sur une fausse cause, et que la condictio sine causa est accordée pour en obtenir la restitution (op. cit., n. 42, éd. Bugnet, t. 2, p. 24).

Cela n'empêche point cependant Pothier d'admettre que la maxime: Nemo... fait obstacle à la répétition des sommes payées en vertu d'un contrat illicite ou immoral.

Les deux théories ne sont donc pas inconciliables, et, si l'on observe que les rédacteurs du Code ont suivi pas à pas Pothier en ce qui concerne les dispositions contenues dans les art. 1131 et 1376, on peut en conclure légitimement que ces articles ne condamnent pas irrémédiablement la maxime.

Quant au silence des travaux préparatoires, il peut être interprété de différentes façons. Au lieu d'y voir la preuve que les rédacteurs du Code ont entendu abroger la règle traditionnelle, on peut en induire qu'ils n'ont pas entendu innover à cet égard. Et cette induction est d'autant plus acceptable que la maxime était notoire, et qu'il serait assez singulier qu'on l'eût effacée par simple réticence, et sans en rien dire.

Il nous était venu à l'esprit que le germe de la maxime pourrait être trouvé dans l'art. 1967, qui interdit la répétition des dettes de jeu. Mais, à consulter la genèse de ce texte, on s'aperçoit qu'il est basé sur l'existence d'une obligation naturelle (V. Pothier, Contr. de jeu, n. 49 et s., éd. Bugnet, t. 5, p. 384 et s.; et le discours de Duveyrier au Corps législatif; Fenet, op. cit., p. 560, t. 14); or, les obligations contraires à l'ordre public ou aux bonnes mœurs ne laissent pas substituer d'obligation naturelle. Du moins pouvons-nous retenir de ce qui précède que, si l'art. 1967 ne saurait servir d'argument pour justifier l'existence de la maxime, il ne fournit pas non plus d'argument contre elle. Nous concluons des observations qui précèdent que, s'il y a un intérêt social à conserver la maxime, les textes du Code n'y font pas un obstacle absolu.

Nous n'invoquerons à l'appui de notre opinion, ni la dignité de la magistrature, ni l'immoralité des débats que peuvent provoquer des pactes illicites. Ce sont là des mots, dont la résonance peut être agréable à l'oreille, mais ce ne sont que des mots. Pour refuser la répétition, il faut que le caractère honteux du pacte apparaisse, c'est-à-dire que les faits aient été exposés publiquement, et alors, le mal est fait, si mal il y a. Au reste, est-ce que, en matière civile même, les audiences n'offrent pas fréquemment le spectacle de l'indélicatesse, de la mauvaise foi, de l'immoralité. Il faudrait n'avoir jamais assisté à un procès en divorce ou en séparation de corps pour oser le soutenir! Et puis, qu'est-ce que cette étrange distinction que l'on veut établir entre la justice civile et la justice criminelle! Devant la justice (a) Nous ne comprenons même pas que la restitution soit autorisée, lorsque le signataire de billets n'a payé que contraint et forcé, sous la meuace d'une saisie-arret. V. Cass. 4 janv. 1897 (S. et P. 1898.1.309).

(b) La Cour de cassation, qui avait, d'abord, prononcé l'irrecevabilité de l'action (V. Cass. 7 juil. 1841, S. 1841. 1.693. P. 1841.2.367; 23 août 1842, S. 1843.1.123. - P. 1843.1.339), déclare maintenant cette action recevable, sous le prétexte que le danger que court le cédant entravera l'usage des contre-lettres. V. Cass, 1er août 1844, S. 1844. 1.582. P. 1845.1.237; 13 juill. 1885 (S. 1886.1.205. - P.

ciété (1) (C. civ., 1989, 1998). 2o espèce. Et en condamnant, en conséquence, la société à rembourser au tiré accepteur le montant des traites qu'il a payées à un tiers porteur de bonne foi (2) ̄(Id.). Id.

criminelle, le crime s'étale sous ses formes les plus honteuses. Est-ce que la dignité de la magistrature en souffre? Y aurait-il donc deux sortes de dignités, l'une pour les magistrats siégeant au civil, l'autre pour les magistrats siégeant au criminel!

Nous attacherons-nous à cette idée qu'en prohibant l'action en répétition, on rend, par cette énergique répression, les pactes immoraux moins fréquents, qu'on en entrave la réalisation? Cela est fort douteux; car, si le stipulant peut être arrêté par la pensée d'une restitution possible, le promettant peut être poussé par la pensée de récupérer ce qu'il aura payé. Ce qui est un encouragement à la mauvaise foi, n'est-ce pas de permettre au stipulant de profiter du contrat immoral auquel il a participé? N'est-il pas plus politique de laisser ce stipulant sous la menace de restitution qui enlève toute stabilité à la convention?

Mais, si les diverses considérations alléguées pour justifier la maxime nous laissent assez froid, il en est une autre qui nous touche. En étudiant les espèces nombreuses soumises aux tribunaux, on s'aperçoit que, dans certains cas, il serait plus immoral d'admettre que de refuser la répétition, et que, dans d'autres, il n'y a pas de raison pour changer le statu quo. Prenons quelques exemples.

Un homme a payé les faveurs d'une femme. Par passion amoureuse, par caprice ou par snobisme, il a fait de gros sacrifices d'argent pour établir ou prolonger des relations coupables. La cause du contrat est évidemment immorale. Est-ce à dire qu'il faudra l'autoriser à intenter une action en répétition? Poser la question, c'est la résoudre; il est cent fois plus indélicat, plus choquant, au point de vue de la conscience, de réclamer la restitution d'un engagement librement consenti que de contracter cet engagement.

Autre exemple: deux banquiers véreux ont, dans l'intention de tromper le public, en manquant à tous les principes de la probité commerciale, souscrit mutuellement au profit l'un de l'autre des effets de complaisance fictifs, en vue, non pas de rendre service à un ami, mais de se créer mutuellement un crédit imaginaire. Si, contrairement aux prévisions, et par suite de telle ou telle contingence, l'un de ces banquiers a soldé l'effet tiré sur lui, sera-t-il recevable à en répéter le montant? La question est indifférente. Nous sommes en présence d'agents d'affaires indignes d'intérêt. S'ils courent quelques risques, en raison même de leurs agissements coupables, et s'il en résulte une perte pour l'un d'eux, est-il utile que la loi intervienne? N'est-ce pas le cas de dire : in pari causa melior est causa possidentis?

Supposons maintenant que la question de restitution se pose, non plus entre le stipulant et le promettant, mais entre le premier et les créan1886.1.501); 18 mars 1895 (S. et P. 1896.1.11), et les renvois. Adde, Trib. de Narbonne, 31 oct. 1910 (S. et P. 1911.2.323; Pand. pér., 1911.2.323), et les renvois. La pratique a démontré le contraire, car il n'est peut-être pas, malgré cette jurisprudence, une seule cession d'office qui ne soit accompagnée d'une contre-lettre. Et alors, il reste qu'on vient en aide au cessionnaire de mauvaise foi, qui, saus scrupules, viendra bénéficier de la rigueur des tribunaux. C'est là une solution tout à fait contraire à l'équité, et que l'utilité sociale ne justifie en aucune façon.

(c) Décider, par exemple, qu'un prêt d'argent est nul,

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ciers du second; il sera, au contraire, équitable d'admettre la restitution, parce qu'il serait injuste que ces créanciers, qui n'ont commis aucune faute morale, fussent privés de leur gage à cause de l'indignité de leur débiteur.

En définitive, nous ne répugnons pas à adopter le système de la jurisprudence. Sans doute, il modifie les conséquences de la maxime, telles qu'elles étaient admises autrefois, l'appliquant ou ne l'appliquant pas suivant les circonstances. Mais une maxime juridique n'a pas la rigidité de la loi; elle se plie aux circonstances, évolue avec les mœurs, se pénètre du changement des idées ; elle est élastique, et peut être étendue ou restreinte au gré des nécessités sociales.

Il resterait, pour épuiser la question, à examiner et à apprécier les différentes applications que la jurisprudence a faites de la maxime. Mais ce serait vraiment sortir de notre sujet, et tout au plus nous permettrons-nous quelques indications. Nous acceptons volontiers que l'action en répétition soit interdite à l'occasion du paiement d'un effet de complaisance fictif (V. les arrêts cités, supra, n. IV), ou de billets souscrits pour obtenir ou prolonger un état de concubinage (a), ou encore à l'occasion des sommes versées à un fonctionnaire ou à un homme politique pour le rémunérer des démarches qu'il a faites en vue de procurer une distinction ou une faveur quelconque. V. Cass. 15 mars 1911 (S. et P. 1911.1. 447; Pand. per., 1911.1.447), et la note. Nous comprenons moins qu'elle soit accordée en ce qui concerne le prix supplémentaire payé pour la cession d'un office ministériel en vertu d'une contre-lettre (b).

Et nous ne comprenons pas du tout que la maxime: Nemo... soit invoquée pour refuser tout effet aux contrats à titre onéreux qui se rapportent à l'établissement ou à l'exploitation des maisons de tolérance (c).

E. NAQUET.

P.

(1-2) Dans l'espèce de l'arrêt du 21 mars 1910, une question accessoire se posait. Le préposé d'une société engage-t-il la responsabilité de cette 80ciété par des actes qui dépassent les limites de son mandat? Oui, si la personne avec laquelle il a traité a eu des raisons sérieuses de croire que le préposé agissait au nom de la société V. en ce sens, Cass. 13 févr. 1883 (S. 1884.1.107. P. 1884.1.242); 5 mars 1888 (S. 1888.1.313. 1888.1.761; Pand. pér., 1888.1.263); 5 nov. 1894 (S. et P. 1898.1.514), et les renvois. Adde, BaudryLacantinerie et Wahl, Contr. aléat., mand., cautionn., 3 éd., n. 780. Il serait, en effet, contraire aux usages du commerce et à ses besoins d'exiger que les tiers se fassent représenter une procuration en règle, déterminant exactement les pouvoirs du préposé.

et que le prêteur n'a aucune action en répétition, sous le prétexte que les parties savaient l'emploi qui serait fait de l'argent, est une véritable hérésie juridique. V. Cass. 1er avril 1895 (S. et P. 1896.1.289, et la note de M. Appert: Pand. pér., 1896.1.384). V. égal., Cass., 17 juil. 1965 (S. et P. 1909.1.188; Pand. pér., 1909.1.188), et les renvois, Outre que la cause de l'obligation de l'emprunteur réside simplement dans la prestation reçue, n'est-ce pas pousser la pudeur bien loin que de violer une convention librement consentie, alors que la société croit nécessaire de tolérer les maisons de debauche!

1133 et 1134, C. civ. : Attendu qu'il a été constaté par l'arrêt attaqué et reconnu par les parties qu'en acceptant les lettres de change tirées sur lui, le 21 déc. 1906, par Gorrand et Cie, de Saint-Etienne, à l'ordre de Cabaud et Cie, banquiers à Lyon, qui les ont négociées, le sieur Fontanille avait pour but de faciliter aux tireurs l'ouverture de crédit qu'ils sollicitaient des banquiers susnommés; que celui-ci, qui n'était ni le créancier ni le débiteur d'aucun des intéressés, n'est en réalité qu'un tiers intervenu par son acceptation comme caution des souscripteurs Gorrand et Cie; que c'est donc avec raison que l'arrêt, après avoir déclaré que les opérations critiquées n'avaient aucun caractère fictif, qu'elles avaient une cause licite et valable, a attribué à la signature, apposée volontairement par le demandeur sur les lettres de change dont s'agit, la réalisation d'un contrat antérieur de garantie, l'obligeant envers les défendeurs éventuels au paiement de la valeur énoncée aux titres à leur ordre; que, dans ces circonstances, loin d'avoir violé aucune des dispositions de loi visées au pourvoi, l'arrêt attaqué, qui est régulièrement motivé, en a fait une exacte application; Rejette le pourvoi formé contre l'arrêt de la Cour d'appel de Lyon du 3 juin 1908, etc.

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Du 17 nov. 1909. Ch. req. non, prés.; Gillet, rapp.; Feuilloley, av. gén. (concl. conf.); Mornard, av.

2e Espèce. (Soc. anonymne l'Agence nationale d'affichage C. Saillard et Cic). ARRÊT.

LA COUR; Sur les deux premiers moyens, pris de la violation des art. 1131, 1134, C. civ., 110 et 117, C. comm., et 7 de la loi du 20 avril 1810: Attendu qu'il est constaté par l'arrêt attaqué que, bien que les traites litigieuses eussent le caractère d'effets de complaisance, et que l'obligation en résultant fut sans cause entre le tireur et le tiré, leur négociation n'en a pas moins profité au tireur, et que le tiré, qui les avait acceptées, ayant été

(1-2-3) C'est un point sur lequel on est au. jourd'hui généralement d'accord que les frais de purge des hypothèques inscrites sont, à moins de convention contraire, à la charge du vendeur, tenu de livrer l'immeuble vendu franc et quitte de toutes charges. V. Cass. 22 avril 1856 (S. 1856. 1.849. P. 1857.318, et la note de M. Devilleneuve au Sirey; Pand. chr.). Adde la note et les renvois de la note sous Cass. 8 avril 1874 (S. 1874.1.297. -P. 1874.766): et Aubry et Rau, 5 éd., t. 3, p. 845, $ 293 bis, texte et note 35; Huc, Comment. du C. civ., t. 10, n. 38, p. 62; Carré et Chauveau, Lois de la proc., t. 6, 1re part., quest. 2616; Garsonnet, Tr. de proc., 2o éd., par Cézar-Bru, t. 8, § 2943, p. 177 et s.; Guillouard, Vente, t. 1o, n. 197-III, p. 218 et s.; Baudry-Lacantinerie et Saignat, Id., 3o éd., n. 190; Baudry-Lacantinerie et de Loynes, Nantiss., priv. et hyp., 3o éd., t. 3, n. 2363. Ils viennent en déduction du prix; et, en cas d'ordre ou de règlement judiciaire, l'acquéreur doit être colloqué par préférence pour le montant de ces frais. V. Cass. 22 avril 1856, précité; Nancy, 8 mai 1899 (Journ. des avoués, 1900. p. 384). Adde, la note précitée sous Cass. 8 avril 1874;

condamné à en payer le solde au tiers porteur, dont la bonne foi a été reconnue par une décision passée en force de chose jugée, est fondé à réclamer au bénéficiaire de ces valeurs le montant des sommes qu'il aura ainsi déboursées pour aider à son crédit; Attendu, dès lors, qu'en condamnant le tireur à relever et garantir le tiré accepteur de la condamnation contre lui prononcée dans les conditions sus-indiquées, l'arrêt attaqué, qui est dùment motivé, n'a contrevenu à aucune des dispositions visées aux deux moyens;

Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l'art. 59 de la loi du 24 juill. 1867, de l'art. 1134, C. civ., ainsi que de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810: Attendu qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que Prévost était au service de l'Agence nationale d'affichage, société anonyme dont le siège est à Paris, en qualité de directeur de la succursale que cette société avait à Lyon; que c'est en cette qualité qu'il a signé, sur du papier à l'en-tête de ladite société, les traites litigieuses et les a mises en circulation; que, dès lors, Saillard et Cie, accepteurs desdites traites, sur lesquels il les avait tirées, ont pu, comme ils l'ont fait, légitimement supposer que le susnommé agissait pour le compte de l'Agence nationale d'affichage, celle-ci n'ayant pas démontré, d'autre part, que Saillard et Cie savaient que Prévost était personnellement le bénéficiaire de ces valeurs; Attendant qu'en décidant, dans ces circonstances, que la société litigante était responsable de l'acte de son représentant, qui avait agi dans l'exercice de ses fonctions, alors même qu'il aurait excédé son mandat, tel qu'il est déterminé, comme le prétend le pourvoi, par le titre de sa nomination et les statuts de la société, la Cour d'appel de Lyon, dont l'arrêt est régulièrement motivé, n'est pas sortie des limites de son pouvoir d'appréciation des faits de la cause, et n'a violé aucun des textes de loi invoqués par le pourvoi;

Rejette le pourvoi formé contre l'arrêt de la Cour d'appel de Lyon du 20 nov. 1908, etc.

-

Aubry et Rau, loc. cit.; Garsonnet, op. et loc. cit.; Glasson, Précis de proc., 2° éd, par Tissier, t. 2, n. 1660; et notre Rép. gen. du dr. fr., v° Hypothèques, n. 4203 et s.; Pand. Rép., v° Privilèges et hypothèque, n. 12468 et s. - Pour les hypothèques légales, la question demeure discutée, et paraît devoir être tranchée par des distinctions. V. pour l'exposé de cette controverse, notre Rép. gén. du dr. fr., verb. cit., n. 4287 et s.; Pand. Rép., loc. cit. Adde, aux autorités citées en sens divers, Aubry et Rau, 5 éd., t. 3, p. 846, 293 bis, texte et notes 36 et 37; Garsonnet, op. cit., t. 8, § 2943, p. 180; Baudry-Lacantinerie et Saignat, op. cit., n. 190, p. 198 et s.; et notre C. proc. annoté, par Tissier, Darras et Louiche Desfontaine, sur l'art. 774, n. 13.

D'autre part, il est non moins certain que l'acquéreur, à moins d'interdiction expresse du cahier des charges (V. Cass. 28 juill. 1819, S. et P. chr.; Carré et Chauveau, op. cit., t. 6, 1re part., quest. 2547), est tenu, pour libérer l'immeuble des privilèges et hypothèques qui le grèvent, de requérir l'ouverture de l'ordre, si tous les intéressés n'ont pu se mettre d'accord pour un règle

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CASS.-REQ. 10 juin 1907.

1° PURGE, HYPOTHEQUES INSCRITES, FRAIS, VENDEUR (Rép., vo Hypothèque, n. 4203, 4287 et s.; Pand. Rép., vo Privilèges et hypothèques, n. 12468 et s.). — 2o ORDRE, ADJUDICATAIRE, REQUISITION, LICITATION, HYPOTHÈQUES INSCRITES DU CHEF D'UN DES COLICITANTS, CAHIER DES CHARGES, FRAIS D'ORDRE, FRAIS DE PURGE (Rép., vo Ordre, n. 864 et s.; Pand. Rép., vo Ordre entre créanciers, n. 2160 et s.).

10 Les frais de purge des hypothèques inscrites sont à la charge du vendeur, auquel il incombe de livrer l'immeuble vendu franc et quitte de toute charge (1) (C. proc., 774).

2o D'autre part, l'adjudicataire, qui veut se libérer régulièrement, est tenu de requérir l'ouverture d'un ordre, à moins que le cahier des charges, qui fait la loi des parties, ne l'ait dispensé de cette formalité (2) (C. proc., 777).

Lors donc que le cahier des charges, dressé pour la vente sur licitation d'immeubles indivis, grevés d'hypothèques du chef d'un seul des communistes, a stipulé qu'en cas de purge des hypothèques inscrites, le montant des frais serait imputé sur le prix de la vente, et a prévu l'ouverture d'un ordre, sans autoriser l'acquéreur à payer directement aux vendeurs non grevés la portion du prix leur revenant, c'est à bon droit qu'il est décidé que les frais de purge et d'ordre doivent être supportés par tous les colicitants à raison de leur qualité de vendeurs, et non pas seulement par la portion du prix représentant la part de celui d'entre eux de qui émanaient les hypothèques inscrites sur les immeubles vendus, et que l'adjudicataire est colloqué par privilège pour le montant de ces frais (3) (C. proc., 759, 774).

ment consensuel. V. Garsonnet, op. cit., t. 5, § 1760 et s., p. 229 et s. Et les frais de l'ordre sont à la charge du vendeur, puisque l'art. 759, C. proc., prescrit que ces frais soient colloqués, par préférence à toutes autres créances », sur le prix en distribution. V. Garsonnet, op. cit., t. 5, § 1839, p. 374 et s.; notre C. proc. annoté, sur l'art. 759, n. 29 et s., 37; et notre Rep. gen. du dr. fr., v Ordre, n. 864; Pand. Rép., vo Ordre entre créanciers, n. 2160. Adde, comme application, Paris, 13 janv. 1814 (S. et P. chr.).

Ces principes n'étaient pas contestés par le pourvoi; il prétendait seulement que, lorsque le prix d'immeubles indivis qui ont été licités est mis en distribution par voie d'ordre, à raison de l'existence d'inscriptions hypothécaires grevant les immeubles du chef d'un seul des colicitante, la collocation privilégiée de l'adjudicataire pour le montant des frais de purge et d'ordre doit porter exclusivement sur la portion du prix revenant au colicitant du chef duquel les inscriptions ont été prises, puisque ce sont ces inscriptions qui ont nécessité les frais de purge et d'ordre.

Cette prétention aurait pu avoir chance de succès,

(Epoux Doassans C. Dame Mazerolles).

A la suite de la licitation d'immeubles indivis entre MM. Lucien, Jean et Charles Mazerolles, et Mme Marie Mazerolles, épouse Doassans, comme héritiers de leur père, lors de laquelle le premier lot avait été adjugé à Me Bourda, épouse séparée de biens de M. Lucien Mazerolles, l'état délivré sur transcription ayant révélé l'existence sur les immeubles licités de plusieurs inscriptions hypothécaires, les grevant du chef de l'un des communistes, M. Lucien Mazerolles, l'adjudicataire a procédé à la purge de ces hypothèques, et requis ensuite l'ouverture d'un ordre judiciaire; dans le règlement provisoire, elle a été colloquée par privilège sur l'ensemble des sommes à distribuer, pour les frais de purge et d'ordre. L'un des colicitants, Mme Doassans, ayant demandé que les frais de purge et d'ordre fussent prélevés exclusivement sur la part de M. Lucien Mazerolles, ce contredit a été rejeté par jugement du tribunal civil de Pau, du 16 févr. 1905, confirmé, par adoption de motifs, par arrêt de la Cour de Pau du 27 nov. 1905.

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POURVOI en cassation par les époux Doassans. Moyen unique. Violation des art. 2180 et s., C. civ., 749 et s., C. proc., ainsi que de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, pour défaut de motifs et de base légale, en ce que l'arrêt attaqué a mis à la charge de tous les colicitants d'un immeuble commun les frais de purge et d'ordre nécessités par la présence d'hypothèques constituées du chef d'un seul d'entre eux, sous prétexte que les frais de purge sont à la charge du vendeur, et que l'ordre était nécessaire, alors que l'hypothèque constituée par l'un des colicitants ne grevait que la portion devant lui revenir dans le prix de l'immeuble, et que, par suite, les frais nécessités par la présence de cette hypothèque ne devaient peser que sur ladite portion, à l'exclusion des parts revenant aux colicitants étrangers à l'hypothèque.

LA COUR;

ARRÊT.

Sur le moyen unique: Attendu, en droit, d'une part, que, la purge des hypothèques étant une conséquence de l'obligation qui incombe au vendeur de livrer l'immeuble vendu franc et quitte de toute charge, il est manifeste que cette procédure a lieu dans son intérêt, et que, par suite, il doit en supporter les frais; et, d'autre part, que l'adjudicataire, qui veut régulièrement payer son prix, si les colicitants avaient spécifié, dans le cahier des charges, qui, dans l'adjudication volontaire comme dans l'adjudication forcée, est la loi des parties (V. Cass. 21 nov. 1911, S. et P. 1912.1.212; Pand. per. 1912.1.212, et la note), que les frais de purge et les frais d'ordre ne pourraient être prélevés que sur la portion du prix revenant à celui d'entre eux du chef duquel l'immeuble avait été grevé. Mais, bien loin qu'il en fût ainsi, les stipulations du cahier des charges impliquaient que les colicitants n'avaient entendu imposer aucune ventilation à l'adjudicataire pour le prélèvement des frais de purge et d'ordre, puisque, d'une part, le

[doit, comme le veut l'art. 777, C. proc., requérir l'ouverture d'un ordre, à moins que le cahier des charges, qui fait la loi des parties, ne l'ait dispensé de cette formalité; Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, les cohéritiers Mazerolles n'ayant pas procédé au partage des successions de leurs père et mère, un créancier de Lucien Mazerolles fit ordonner ce partage et la licitation des immeubles indivis entre eux; que lesdits immeubles qui, durant l'indivision, avaient été grevés d'hypothèques du chef de Lucien Mazerolles seul, furent licités en deux lots;

la femme de ce dernier, qui était séque parée de biens d'avec son mari, s'étant rendue adjudicataire du premier lot, fit procéder à la purge des hypothèques inscrites sur les immeubles compris dans son lot, et requit l'ouverture d'un ordre, dans lequel elle fut provisoirement colloquée, comme créancière privilégiée sur l'ensemble des sommes en distribution, pour le montant des frais de la purge dont il s'agit et de ceux de l'ordre; qu'il est, en outre, déclaré par ledit arrêt que le cahier des charges rédigé pour procéder à la licitation stipulait qu'au cas de purge des hypothèques inscrites, le montant des frais serait imputé sur le prix de la vente; que le même document avait prévu l'ouverture de l'ordre, et ne permettait pas à l'adjudicataire de payer directement aux vendeurs non grevés les portions du prix leur revenant; qu'enfin, la damne Doassans, qui avait accepté sans protestation la procédure d'ordre, en avait profité comme les autres colicitants; - Attendu qu'en décidant, dans ces circonstances, que les frais de purge devaient être supportés par tous les colicitants, à raison de leur qualité de vendeurs, et non pas seulement par la portion du prix représentant la part de celui d'entre eux de qui émanaient les hypothèques inscrites sur les immeubles vendus, et qu'il en était de même des frais d'ordre, et en maintenant, par suite, la collocation privilégiée faite au profit de la dame Lucien Mazerolles par le règlement provisoire, la Cour d'appel de Pau, dont l'arrêt est motivé, n'a violé aucun des textes visés au pourvoi, et ne manque pas de base légale ; Rejette, etc.

Du 10 juin 1907. — Ch. req.. MM. Tanon, prés.; Marignan, rapp.; Bonnet, av. gén. (concl. conf.); Morillot, av.

CASS.-civ. 5 février 1913. CHOSE JUGÉE, JURIDICTION RÉPRESSIVE, IN

cahier des charges disposait expressément que les frais de purge seraient imputés sur le prix de la licitation, sans faire aucune distinction, et que, d'autre part, prévoyant l'ouverture d'un ordre, le cahier des charges s'était abstenu d'imposer à l'adjudicataire de payer directement aux colicitants non grevés la portion du prix leur revenant; en telle sorte que l'adjudicataire avait dû requérir l'ordre pour la distribution du prix tout entier dont il était débiteur.

(1-2) V. dans le même sens, sur le principe, Cass. 28 juin 1905 et 5 avril 1909 (S. et P. 1909.1.310; Pand, pér., 1909.1.310), et les renvois. L'applica

FLUENCE AU CIVIL, GARDE-PORT, RETRIBUTIONS, REFUS DE PAIEMENT, CONTRAVENTION, ACTION EN PAIEMENT (Rép., v° Chose jugée, n. 909 et 1088 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 1755 et s., 2369 et s.).

Le juge civil ne peut méconnaitre ce qui a été jugé définitivement au criminel, soit quant à l'existence du fait qui forme la base commune de l'action publique et de l'action civile, soit quant à sa qualification légale, soit quant à la participation des personnes à ce fait (1) (C. civ., 1351).

Spécialement, viole la chose jugée par un tribunal de simple police, qui, sur le procèsverbal dressé par un garde-port, a retenu à la charge d'un commerçant la contravention de refus de paiement à ce garde-port de certaines rétributions réclamées par lui, en vertu du décret du 21 août 1852 et du décret du 18 juin 1907, rétributions qui, d'après le jugement, étaient légalement dues, le tribunal de commerce, saisi d'une demande en paiement de ces mêmes rétributions, formée par le garde-port contre le commerçant, qui repousse cette demande, par le motif que le jugement du tribunal de simple police ne peut avoir aucune influence sur le débat, et en se mettant ainsi en contradiction avec ce qui avait été jugé, envers et contre tous, par le tribunal de simple police (2) (C. civ., 1351; DD. 21 août 1852, art. 54, 55, 61; 18 juin 1907, art. 1 et 2).

(Houchot C. Meurisse frères). ARRÈT. LA COUR; Sur le premier moyen :

Vu l'art. 1351, C. civ.; Attendu que le juge civil ne peut méconnaitre ce qui a été jugé définitivement au criminel, soit quant à l'existence du fait qui forme la base commune de l'action publique et de l'action civile, soit quant à sa qualification légale, soit quant à la participation des personnes à ce fait; Attendu que, par décision, passée en force de chose jugée, du tribunal de simple police de Dormans, en date du 3 mars 1910, rendue sur la poursuite du ministère public, à la suite d'un procès-verbal de contravention, dressé par Houchot, garde-port, en vertu des art. 54, 55 du décret du 21 août 1852, ler, 2 du décret du 18 juin 1907, pour refus, de la part de Meurisse frères, marchands de bois, de payer les rétributions dues à ce garde-port, à l'occasion de son service, pour les ports dits de Port-à-Buisson et de Try, s'élevant, pour l'année 1907, à 594 fr. 35, lesdits Meurisse ont été condamnés, par application de l'art. 471, n. 15, C. pén., conjointement et solidairetion qui a été faite de ce principe par l'arrêt ci-dessus ne souffre aucune difficulté. L'affirmation par le juge de simple police de la culpabilité du contrevenant et du caractère obligatoire de la rétribution due au garde-port en vertu des décrets du 21 août 1852 (S. Lois annotées de 1852, p. 155. P. Lois, décr., etc. de 1852, p. 267), et du 18 juin 1907 (J. off., 23 juin 1907), pour son service de surveillance et de comptabilité, ne permettait plus de remettre en question devant le juge civil le point de savoir si cette même rétribution, appliquée aux mêmes marchandises, était due.

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