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Ir PARTIE. ment à 1 fr. d'amende; que cette décision Les rentes dues à la veuve et aux enfants à l'ouvrier atteint d'incapacité permanente déclare : : « qu'il résulte des termes du dé- mineurs de l'ouvrier décédé des suites d'un partielle, en suite d'un accident du tracret du 21 août 1852 que l'intervention et accident du travail, et dont le salaire an- vail, est en correlation nécessaire avec la la surveillance des garde-ports n'a pas be- nuel excédait 2.100 fr., doivent donc élre diminution de ses facultés de travail ; et, dès soin, pour s'exercer, d'être réclamée; réduites des trois quarts, en tant qu'elles lors, le juge ne peut, tout en constatan! qu'elle n'est pas facultative, mais obliga- sont calculées sur la partie du salaire an- celte diminution, refuser d'allouer la rente toire » ; qu'elle ajoute qu'« en refusant le nuel excédant 2.400 fr. (2) (LL. 9 avril qui y correspond, par ce motif qu'en fait, paiement des rétributions réclamées par 1898, art. 2 et 3; 22 mars 1902; 31 mars le salaire demeurerail, après l'accident, le le garde-port Houchot, en conformité du 1905).

même qu'auparavant (3) (L. 9 avril 1898, décret du 18 juin 1907, les prévenus ont

art. 3). contrevenu aux dispositions de l'art. 55 du (V've de Saint-Rapt C. de Saint-Rapt et

La loi n'a d'ailleurs fixé aucun minidécret du 21 août 1852, ainsi conçu : « En

autres). ARRÊT.

mum au-dessous duquel la rente ne pourcas de refus, de la part des marchands ou LA COUR; Sur le moyen pris de la rait descendre (4) (L. 9 avril 1898, art. 3, de leurs représentants, d'acquitter les ré- violation des art. 1, 2, SS 1 et 2, 3, : 2 A, 21). tributions prévues au tarif, le garde-port de la loi du 9 avril 1898, et de l'art. 7 de En conséquence, les juges, après avoir dresse un procès-verbal, auquel il est

la loi du 20 avril 1810

Attendu que

coitstaté qu'un ouvrier, à la suite d'un donné suite, s'il y a lieu... >; Attendu l'art. 2 de la loi du 9 avril 1898, modifié accident, a élė alteint d'une incapacité qu'Houchot ayant, dans ces circonstances, par celle du 22 mars 1902, est ainsi conçu : permanente de 1 p. 100, ne peuvent refuser assigné Meurisse frères, devant le tribunal * Ceux dont le salaire annuel dépasse de lui allouer une rente, par ce motif de commerce d'Epernay, en paiement de 2.400 fr. ne bénéficient de ces dispositions

qu'une incapacité professionnelle de si la somme précitée de 594 fr. 35, afférente que jusqu'à concurrence de cette somme.

minime importance ne peut avoir aucune aux susdites rétributions, le jugement at- Pour le surplus, ils n'ont droit qu'au quart importance sur la fixation du salaire (5) taqué a repoussé le moyen, pris de la chose des rentes stipulées à l'art. 3, à moins de (L. 9 avril 1898, art. 3). jugée, invoqué par Houchot; que le ju- conventions contraires élevant le chiffre gement se fonde sur ce que, d'une part, de la quotité »; – Attendu que les dispo

(Lehoux C. Chevencey).

ARRÊT. a l'autorité de la chose jugée au criminel sitions de cet article sont générales, et LA COUR; Sur le moyen unique du ne s'attache qu'aux points débattus, appré- s'appliquent aussi bien aux représentants

pourvoi : Vu l'art. 3 de la loi du 9 avril ciés et définitivement jugés par le juge

des victimes d'un accident du travail qu'aux 1898; · Attendu que l'art. 3 de la loi du criminel », et, d'autre part, sur ce qu'il victimes elles-mêmes; que, notamment, les 9 avril 1898 accorde à l'ouvrier victme n'y a ni identité de parties, ni identité de rentes dues à la veuve et aux enfants mi

d'un accident du travail, atteint d'ircacause et d'objet, et que le dispositif du ju- neurs, déterminées par l'art. 3 de la loi

pacité permanente et partielle, une reite gement pénal, auquel Meurisse frères n'ont du 9 avril 1898, modifié par la loi du 31 mars égale à la moitié de la réduction normale satisfait que comme contraints et forcés, 1905, doivent être réduites des trois quarts, de son salaire; que cette réduction no? ne peut exercer aucune influence en tant lorsqu'elles sont calculées sur la portion male est en corrélation nécessaire av que chose jugée sur la question »; qu'en du salaire annuel du défunt qui excédait la diminution de ses facultés de travai; statuant ainsi, le jugement attaqué s'est 2.400 fr.; Attendu qu'il résulte des qu'il suit de là que le juge ne peut, out mis en contradiction avec ce qui avait été qualités de l'arrêt attaqué que de Saint- en constatant cette diminution, refuser la jugé, envers et contre tous, par la déci- Rapt, mort victime d'un accident du tra- rente qui y correspond, par ce motif quen sion de simple police; Sans qu'il soit vail, survenu le 9 déc. 1910, avait reçu, fait, le salaire demeurerait, après l'actibesoin de statuer sur le deuxième moyen;

pendant les douze mois qui ont précédé dent, le méme qu'auparavant; que le Casse le jugement rendu le 21 déc. 1910 l'accident, de veuve de Saint-Rapt et Brice, législateur n'a fixé aucun minimum and par le tribunal de commerce d'Epernay, etc. ses patrons, une somme de 3.500 fr.; que dessous duquel la rente pourrait desce n

Du 5 févr. 1913. Ch. civ. – MM. Bau- sa veuve, agissant tant en son nom per- dre, et qu'il a, cependant, prévu le cas ou douin, ler prés. ; Fabreguettes, rapp.; Mé- sonnel qu'au nom de ses enfants mineurs

elle serait peu élevée; qu'il en autorisse, rillon, av. gen. (concl. conf.); Durnerin et de seize ans, avait conclu devant le tribu- en effet, le remplacement par un capital

, Moret, av.

nal civil à l'allocation d'une pension de quand elle n'est pas supérieure à 100 ff.; 20 p. 100 sur le chiffre total du salaire du

Attendu que l'arrêt attaqué constate défunt; que, cette demande ayant été re- que Priard, ouvrier de Cherencey, a

jetée par le tribunal, la Cour, sur l'appel victime d'un accident du travail qui CASS.-REQ. 3 mars 1913.

de la demanderesse, a confirmé la décision laissé atteint d'une incapacité permanente OUVRIER, ACCIDENTS DU TRAVAIL, REspoN. des premiers juges; qu'en statuant ainsi

partielle de l p. 100; qu'il rejette la leSABILITÉ, Lois DES 9 AVRIL 1898, 22 MARS l'arrêt, qui est motivé, a fait une saine mande en allocation de rente formée par 1902 ET 31 MARS 1903, RENTE VIAGÈRE, application de la loi, et n'a violé aucun des

Lehoux, agissant en qualité de tuteur DÉCÈS, REPRÉSENTANTS DE LA VICTIME,

textes visés au pourvoi; Rejette le pour datif du mineur Priard, par ce mg stil VEUVE, ENFANTS, SALAIRE EXCÉDANT voi formé contre l'arrêt rendu le 9 juill. 1912

qu'une incapacité professionnelle de 2.400 fr. (Rép., vo Responsabilité civile, par la Cour de Paris, etc.

minime importance ne peut avoir aucune n. 2035 et s.; Pand. Rép., po Travail,

Du 3 mars 1913.

MM. Ta

importance sur la fixation du salaire; n. 2959 et s.).

non, prés.; Bonnet, rapp.; Eon, av. gén. qu'en statuant ainsi, ledit arrèt a violé (concl. conf.); Auger, av.

l'article susvisé; Casse l'arrêt rendu le Les disposilions de l'art. 2 de la loi du

29 févr. 1912 par la Cour de Caen, etc 9 avril 1898, modifié par la loi du 22 mars

Du 10 mars 1913. – Ch. civ. — MM. B& 1902, d'après lesquelles les ouvriers dont CASS.-civ. 10 mars 1913 (3 ARRÊTS). douin, ler prés.; Reynaud, rapp.; Lon 17le salaire dépasse 2.400 fr. ne bénéficient de la loi de 1898 que jusqu'à concurrence OUVRIER, ACCIDENTS DU TRAVAIL, RESPON

bard, av. gen. (concl. conf.); Gault, av.

SABILITÉ, LOI DU 9 AVRIL 1898, CALCUL de cette somme, les renles, pour le sur

DE L'INDEMNITÉ, INCAPACITÉ PERMANENTE,

Nota. Du même jour. Arrêts ider plus, étant réduites au quart du chiffre fixé

INCAPACITÉ MINIME (Rép., yo Responsa

tiques : 1° Aff. Dupont C. Guittard. par l'art. 3, sont générales, et s'appliquent

bilité civile, n. 1946 et s.; Pand. Rép.,

Mêmes magistrats; Me Lesoudier, av. aussi bien aux représentants des victimes d'un accident du travail qu'aux viclimes

Travail, n. 2642 et s.).

2° Afi. Nocella C. Soc. des transborde ments maritimes.

Mèmes magistrats ; elles-mêmes (1) (LL. 9 avril 1898, art. 2; La réduction normale du salaire, sur MMes Gault et Alcock, av. 22 mars 1902).

laquelle doit être calculée la rente à allouer

été

Ch. req.

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(1-2) V. conf., Cass. 30 déc. 1912 (Supra, 1'e part., p. 143), et la note.

(3-4-5) La jurisprudence de la Cour de cassation est fixée en ce sens. V, Case, 20 mars 1912

(2 arrêts) (8. et P. 1912.1.320; Pand, pér., 1912.
1.320), la note et les renvois.

CASS.-KEQ. 1er mai 1911.

qui

1° PREUVE TESTIMONIALE, IMPOSSIBILITÉ DE

SE PROCURER UNE PREUVE ÉCRITE, .IMPOSSIBILITÉ MORALE, IMPOSSIBILITÉ ACCIDENTELLE OU MOMENTANÉE, POUVOIR DU JUGE, APPRÉCIATION SOUVERAINE (Rép., vo Preuve testimoniale, n. 333 et s.; Pand. Rép., po Preuve, n. 668 et s.). 20 LOUAGE DE SERVICES, SERVITEUR A GAGES, PAIEMENT DES GAGES, PREUVE TESTIMONIALE, PRÉSOMPTIONS (Rép., v° Louage d'ouvrage, de services et d'industrie, n. 107 et s.; Pand. Rép., Vo Louage d'ouvrage et d'industrie, n. 93 et s.).

1° L'erception que l'art. 1318, C. civ., gages qu'il a payés, une telle réclamation apporte à la prohibition de la preuve tes- impliquant, dans les rapports de celui qui testimoniale au-dessus de 150 fr., lorsqu'il paie et de celui qui reçoit, une certaine den'a pas été possible au créancier de se fiance incompatible avec le caractère des procurer une preuve littérale, ne s'entend relations doivent nécessairement s'élapas seulement de l'impossibilité physique, blir entre le maitre et le serviteur (3) (C. civ., mais de toute impossibilité morale, acciden- 1341, 1318; L. 2 août 1868). telle ou momentanee (1) (C. civ., 1341, 1348). Si, depuis la loi du 2 août 1868, abro

Et, à cet égard, la loi a laissé aux tri- geant l'art. 1781, C. civ., le maitre n'est bunaux un pouvoir absolu d'appréciation (2) plus cru sur son affirmation quant au paie(Id.).

ment des gages, il peut du moins prouver, 26 Les juges du fond ont pu considérer soit par témoins, soit par présomptions à bon droit que la situation du maitre à graves, précises et concordanta, les paiel'égard de ses serviteurs à gages ne lui ments qu'il a faits à ses serviteurs, même permet pas de réclamer une quittance des au delà de 150 fr. (1) (Id.).

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(1 à 4) L'art. 1781, C. civ., relatif au louage de services des domestique et ouvriers, disposait que le maître serait a cru sur son affirmation, pour la quotité des gages, pour le paiement du salaire de l'année échue, et pour les acomptes donnés pour l'année courante », La loi du 2 août 1868 l'a, dans une pensée démocratique et égalitaire, abroge, pour satisfaire les salariés (V. le rapport de M. Mathieu, S. Lois annotées de 1868, p. 330 et 8.

P. Lois, décr., etc. de 1868, p. 562 et s.). Elle a servi de modèle à la loi belge du 10 juill, 1883. Et il est permis de rendre hommage au sentiment qui l'a dictée.

Elle n'est pourtant pas parfaite. Comme beaucoup de lois politiques, elle a été votée hâtivement, sous la pression des circonstances, sans préparation suffisante. On avait signalé au législateur les inconvénients qu'entraînerait l'abolition pure et simple d'un mode de preuve, blessant peut-être l'équité, mais assurément simple et pratique. On lui avait demandé de substituer au système qu'il détruisait un autre qui pût le remplacer. Il n'a tenu compte ni de ces suggestions ni de ces craintes. Il a laissé maître et serviteur sous l'empire du droit commun (V. le passage du rapport de M. Mathieu, cité infra).

Il en est résulté beaucoup d'embarras (V. Peaucellier, Des conséquences de l'abrogation de l'art. 1781, C. Nap., Rev. crit., 1869, t. 34, p. 514 et s.; Glasson,

Le Code civil et la question ouvrière, p. 19 et s.; Arthur Desjardins, Le Code civil et les ouvriers, Rev. des Deux-Mondes, 1888, t. 2, p. 381; Guillouard, Tr. du contrat de louage, t. 2, n. 706; Baudry-Lacantinerie et Wahl, Tr. du contrat de louage, 3e éd., t. 2, 1re part., n. 2835 et s.; Beudant, Cours de dr. civ., La vente et le louage, n. 671; Pic, Tr. de législ, industr., 49 éd., n. 914 et s.), principalement dans l'hypothèse oi, s'élève, à propos

à de salaires, un litige d'intérêt supérieur à 150 fr. Comment alors le serviteur établira-t-il le montant des salaires qui lui sont dus, ou le maitre, à l'inverse, les paiements qui ont éteint son obligation ?

Pour les ouvriers de l'industrie, la pratique des règlements d'atelier (V. Beudant, loc. cit., p. 489, note 1), la théorie des actes mixtes, autorisant, sous certaines réserves (V. Glasgon, op. cit., p. 19, n. 1; et les réserves de M. Thaller, Tr. élém. de dr. comm., 4° éd., n. 27), l'emploi, sans limite de somme, de la preuve testimoniale, permettront assez souvent d'échapper aux difficultés. Mais comment s'en tirer dans les rapports des domestiques et de leurs maîtres ? Où trouver cette preuve écrite, exigée par la loi civile (C. civ., 1841)? II n'est pas dans les usages de constater par acte authentique ou sous seing privé le contrat par lequel le domestique loue ses services à son maître, et pas davantage de dresger quittance des versenents faits par le maître à son domestique.

ANNÉE 1913. 6° cah.

La loi de 1868 paraît placer les parties dans une situation « sans issue (Guillouard, loc. cit., p. 273).

Et c'est bien là, dans la doctrine, le sentiment général (V. les auteurs précités); la loi de 1868 a creusé dans le Oode civil une lacune que seul le législateur, suivant l'exemple de la loi belge (V. l'art. 4 de cette loi, Bull. de la Soc. d'ét. législ., 1905, p. 508, n. 3), aurait qualité pour combler.

La Cour de cassation, pourtant, dans l'arrêt cidessus rapporté, a repoussé cette conclusion. Elle a trouvé remède aux difficultés, en appliquant à l'hypothèse, plus spécialement au cas où le maître veut prouver sa libération, l'art. 1348, 0. civ., aux termes duquel la preuve testimoniale est admise, même au-dessus de 150 fr., « toutes les fois qu'il n'a pas été possible... de se procurer une preuve littérale... »

C'est une idée qui avait déjà, soit en France, soit en Belgique, séduit certains tribunaux. V. spécialement un jugement du tribunal civil de Bruxelles, rapporté par Bodeux, Ét, sur le contrat de travail, p. 61; deux décisions de tribunaux de paix, signalées par Personnaz, Le louage des domestiques, thèse Paris, 1909, p. 24. V. surtout, Trib. de Nogent-le-Rotrou, 8 mars 1895, cité par notre Rép. gen. du dr. fr., vo Preuve testimoniale, n. 335. Non obstant, Trib. de la Seine, 2 août 1888 (Gaz. Pal., 1888.2.357) (le maître, semble-t-il, n'offrait pas de prouver par témoins sa libération); Trib. de la Seine, 18 mars 1902 (Gaz. Pal., 1902.2.394) (le maître n'osait même pas invoquer une imposBibilité, qui, dans le cas particulier, n'existait pas). Comp. Bordeaux, 13 juin 1833 (P. chr.) (l'impossibilité de se procurer une preuve écrite n'existait pas non plus dans cette hypothèse, où d'ailleurs il s'agissait, non du paiement des salaires, mais du remboursement d'un prêt consenti par un do. mestique à son maître).

Quelques auteurs avaient accueilli cette idée (V. not., Bodeux, loc. cit.; Cornil, Du louage de services, p. 151; Baudry-Lacantinerie et Barde, Tr. des oblig., 3• éd., t. 4, n. 2638); mais la plupart l'avaient écartée (V. not., Baudry-Lacantinerie et Wahl, loc. cit., n. 2836 ; Personnaz, loc. cit.).

Elle se heurte à des objections qui ne nous paraissent pas décisives, et qui n'empêchent pas d'approuver la solution de la Cour suprême.

$ 1°r. La première a pour siège l'art. 1348 lui-même.

C'est un texte qui a l'apparence d'une disposition d'exception. Il faut, dit-on, n'en faire usage qu'avec beaucoup de circonspection (V. en ce sens, Laurent, Princ, de dr. civ., t. 19, n. 677 et s.). Qu'il soit permis d'ajouter aux cas d'impossibilité spécialement prévus dans son énumération finale d'autres cas analogues, d'assimiler à l'impossibi

lité absolue l'impossibilité relative, à l'impossibilité physique l'impossibilité morale, cela se comprend à la rigueur; l'histoire, comme l'équité, justifie cette interprétation bienveillante (V. la note sous Riom, 26 févr. 1810, S. chr.); la jurisprudence l'a toujours admise, et, avec elle, la quasiunanimité de la doctrine. V. la note de M. LyonCaen, sous Cass. req. 27 mars 1907 (S. et P. 1907. 1.209); et notre Rép. gen. du dr. fr., po Preure testimoniale, n. 333 et s.; Pand. Rep., v° Preuve, n. 668 et s.

Mais comment oser qualifier d'impossibilité morale une impossibilité toute de sentiment, qui ne résulte que d'un scrupule de conscience, de la crainte de manifester, en exigeant un écrit, « une

détiance incompatible avec le caractère des relations qui doivent nécessairement s'établir entre le maître et le serviteur »? En donnant de l'impossibilité morale une notion si large, la Cour de cassation ne sort-elle pas des limites jusqu'ici fixées par la prudence des tribunaux à l'application de l'art. 1348, C. civ.? Ne risque-t-elle pas d'écraser sous le poids des exceptions le principe posé dans l'art. 1341 du même Code?

L'objection, ainsi présentée, n'est pas seulement exagérée. Nous la croyons mal fondée.

L'arrêt actuel ne fait que suivre la jurisprudence antérieure. L'impossibilité morale, qui, aux yeux des juges, autorise, même au-dessus de 150 fr., l'emploi de la preuve testimoniale, n'est pas exclusivement l'impossibilité matérielle relative (V. sur l'impossibilité morale, entendue en ce premier sens, à propos des marchés passés sur une foire, Trib, de Lorient, 5 juin 1895, aff. Nicol C. Le Pape-Guignier; Trib. de Lorient, 11 juill. 1905, aff. Renaut C. Lecoërec; et, à propos d'un dépôt dans un vestiaire de théâtre, Paris, 23 avril 1902, S. et P. 1904.2.261, la « grande difficulté locale ou momentanée ». Cf. Rennes, 26 févr. 1879, S. 1880.2.214. --- P. 1880.825). C'est aussi celle qui dérive de motifs psychologiques ou moraux.

Il est vrai que souvent l'impossibilité morale se présente sous les deux aspects à la fois : par exemple, au cas d'un louage de services contracté par un domestique illettré (V. Trib. de paix de Mirambeau, rapporté par Personnaz, loc. cit.); d'une belle-sæur chargeant son beau-frère, illettré, de lui changer un billet de banque sur une foire (V. Bordeaux, 2 mars 1871, S. 1871.2.221. - P. 1871.786). Et cela explique qu'on les confonde. Mais cela n'empêche qu'il y ait des hypotheses où le second se rencontre seul, où l'impossibilité s'analyse en une raison de sentiment, et oui cependant les tribunaux, ceux de France, sinon ceux de Belgique ou du Luxembourg, croient pouvoir appliquer l'art. 1348, O. civ. V. sur la résistance persistante opposée à cette thèse par la jurisprudence belge, Siville, Suppl. aux Princ. de

IPART. 39

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(Clément C. Ray).

M. Clément, en quittant le service de M. Ray, a réclamé diverses sommes pour remboursement d'avances et pour gages. En ce qui concerne les avances, un jugement du tribunal civil de Gannat, du 28 juin 1908, a condamné M. Ray à rembourser à M. Clément la somme de 1.000 fr., montant d'un prêt. En ce qui concerne les gages réclamés, M. Ray a soutenu devant le juge de paix d'Ebreuil (Allier), saisi de cette demande, qu'il s'était libéré, et au delà, et il a formé contre M. Clément

une demande reconventionnelle en restitution de l'excédent. Par jugement du 14 oct. 1908, le juge de paix a nommé un expert, avec mission de vérifier les comptes des parties. M. Clément a fait appel de cette sentence, en alléguant qu'elle revenait à autoriser la preuve testimoniale, alors que l'intérêt du litige était de plus de 150tr. – 18 mars 1909, jugement du tribunal civil de Gannat, déclarant que la preuve par témoins était admissible dans la cause, à raison de l'impossibilité où est un maitre de retirer quittance des gages qu'il paie à ses domestiques.

POURVoi en cassation par M. Clément, - 1er et 2e Voyens...

3e Moyen. Violation de l'art. 1341, C. civ., des textes et des principes sur la preuve testimoniale; fausse application de l'art. 1348, C. civ.; violation de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810; violation de la loi du 2 août 1868, abrogeant l'art. 1781, C. civ.; violation de l'art. 1351, C. civ., en ce que le jugement attaqué a autorisé la preuve testimoniale : 1° dans des conditions telles que le jugement faisait revivre la présomption de l'art. 1781, abrogé; 20 alors que cette admission de la preuve

commun

écrite, lorsque du moins elle revêt un caractère impératif. Si, à l'in verse, ils prétendaient que tout scrupule de conscience, qu'il s'inspire ou ne s'inspire pas de la déférence due aux usages, mérite d'être élevé au rang d'impossibilité morale, ils étendraient le domaine de l'art. 1348 à tel point qu'ils en viendraient à supprimer l'art. 1341. En combinant les deux idées, ils évitent les deux écueils, tout en gardant ce qu'elles contiennent de juste et d'avantageux.

? 2.

dr. civ., de Laurent, t. 5, n. 420; et, plus spécialement, dans le sens de l'inapplicabilité de l'art. 1348, au cas d'impossibilité fondée sur une raison de sentiment, C. sup. de justice de Luxembourg, 9 févr. 1900 (S. et P. 1900.4.20); adde, Trib. de Louvain, 21 juin 1889 (Pasicr., 1889.3.285); Trib. de Bruxelles, 13 mai 1891 (Pasicr., 1891.3.320); et surtout, à propos d'un contrat de louage de services, Bruxelles, 27 févr. 1889 (Pasicr., 1889.2.349).

Il en est ainsi toutes les fois que l'obstacle, d'ordre psychologique ou moral, n'est pas spécial, strictement personnel au plaideur, mais commun à tous les individus mis en face des mêmes circonstances de fait, toutes les fois, en d'autres termes, qu'une partie n'a pas réclamé d'écrit, paroe qu'aucun homme raisonnable, ayant l'expérience de la vie et le respect des convenances, n'en aurait, à sa place, réclamé, parce qu'il n'est pas dans les usages, en pareille occurrence, d'en imposer la rédaction (V. sur le système analogue adopté par la jurisprudence italienne, Chironi et Abello, Trattato di diritto civile italiano, t. 16, p. 676 ; et la note sous Parme, 12 mars 1912, Riv. di diritto civile, 1912, p. 697). C'est le cas, lorsque l'impossibilité a sa source dans certains rapports de famille (V. Bourges, 19 mai 1826, S. et P. chr.), dans certaines relations sociales, celles de fournisgeur de marchandises à client (V. pour un jardinier fleuriste, Paris, 9 avril 1821, S. et P. chr.; pour un tailleur, Paris, 6 nov. 1907, aff. de Canson C. Crů et Beix; pour un bottier, Rouen, 28 nov, 1900, Rec. de Rouen, 1900, p. 235; pour un vendeur de bicyclettes, Trib. de Dijon, 22 nov. 1911, Rec. Dijon, 1912, p. 100), de malade à médecin (V. pour l'admission de la preuve testimoniale, au profit du médecin, Cass. 27 mars 1907, précité, avec la note de M. Lyon-Caen et les renvois; et au profit du malade, Trib. de Rennes, 18 janv. 1909, S. et P. 1910.1.501, ad notan; Pand. pér., 1910.1.501, ad notam; Cass. 13 april 1910, S. et P. 1910.1.501; Pand. pèr., 1910.1.501. V. au surplus, Salats, Des honoraires des médecins, thèse Paris, 1905, p. 56 et s.), d'homme d'affaires à magistrat (V. Trib. de Lyon, 6 juill. 1900, aff. Bouchet C. Chapot); de maître à serviteur (V. outre l'arrêt ci-dessus rapporté, les décisions précédemment signalées, et spécialement, Trib. de Nogentle-Rotrou, 8 mars 1895, précité. V. aussi, sous certaines réserves, Bourges, 24 nov. 1824, S. et P, chr.).

Et la thèse jurisprudentielle, ainsi précisée, loin de violer la loi, nous paraît l'adapter très heureusement aux besoins changeants de la pratique. Si les tribunaux n'invoquaient que l'usage pour écarter, ici ou là, la prohibition de l'art. 1341, C. civ., touchant la preuve testimoniale, on serait en droit de leur reprocher d'oublier cette règle essentielle : que, dans nos législations modernes, le simple usage est impuissant à modifier la loi

Mais, cette objection écartée, il en reste une autre, spéciale à l'hypothèse qui nous occupe.

Si, grâce à la notion d'impossibilité morale, dans les rapports entre maître et serviteur, même au-dessus de 150 fr., la preuve testimoniale est autorisée, il faut également permettre la preuve par simples présomptions (arg. art. 1353, C. civ.). Ces présomptions, le juge les trouvera où il lui plaira; il les peut puiser même dans une affirmation, orale ou écrite, émanée du maître, dans une mention de ses livres ou de ses papiers domestiques (V. Trib. de Bordeaux, 21 nov. 1893, Rec. de Bordeaux, 1894.3.46); et, si ces présomptions ne suffisent pas, rien ne l'empêche, par ailleurs, de lui déférer le serment supplétoire, conformément à l'art. 1367, C. civ. N'est-ce pas donner aux tribunaux un moyen facile d'éluder la loi de 1868, et de faire revivre en cachette cette disposition odieuse, qu'elle avait voulu abroger? V. les réflexions émises, à propos d'un cas analogue, sous Trib. d'Ancenis, 1er juill. 1881 (France jud., 1880-1881, 2e part., p. 599).

Ici encore, nous croyons l'appréhension déplacée. Ce qu'on reprochait à l'art. 1781, 0. civ., ce n'était pas d'admettre que certains litiges fussent tranchés sur la foi de la parole du maître. C'était d'obliger le juge, pour toute une catégorie de procès, à se fier à l'affirmation, vraie ou fausse, faite par le maître, comme si toujours et nécessairement elle était digne d'être crue, comme si la qualité de patron constituait, par elle seule, un brevet d'honorabilité et de véracité (V. Homs, De la situation juridique des gens de service, thèse, Paris, 1901, p. 56, n. 1). Le but de la loi de 1868 a été de libérer les tribunaux de ce joug, qu'ils supportaient mal, ou même ne supportaient plus (V. un jugement de justice de paix, réformé en appel, rapporté par Homs, loc. cit.). Ce n'est pas la contrecarrer, mais au contraire la respecter, que de leur accorder la faculté de chercher où bon leur semble la vérité, même dans les assertions du maître, lorsqu'elles leur paraissent mériter créance.

$ 3. La Cour de cassation, à notre avis, n'est donc pas sortie des limites d'une saine interprétation, Elle a suivi la voie que lui traçait le législateur

de 1868 lui-même, lorsqu'il rappelait que le droit

suffit à résoudre, malgré les obstacles qui s'opposent à la preuve testimoniale, des milliers de contestations dont l'intérêt dépasse 150 fr., et auxquelles manquent la preuve écrite ou le commencement de preuve par écrit (Rapport de M. Mathieu, S. Lois annotées de 1868, p. 331, 2° col. - P. Lois, décr., etc. de 1868, p. 564). Mais admettons même, suivant une formule à la mode, qu'elle ait fait euvre prétorienne (Cf. la note de M. Lyon-Caen, précitée; Demogue, Rev. trim. de dr. civ., 1911, p. 446-447), qu'elle ait assoupli, élargi la loi. Si cela est vrai, il faut reconnaître qu'elle l'a corrigée probablement mieux que ne l'aurait fait le législateur à sa place.

On demandait au Parlement, en matière de contrat de travail, d'autoriser, à défaut d'écrit, la preuve testimoniale en tout cas, quelle que fût la valeur du litige (V. l'art. 8 du projet du gouvernement, rapproché de l'art. 7 du projet de la Société d'études législatives, Bull. de la Soc. d'ét. législ., 1906, p. 509). Cette réforme pouvait sembler trop radicale et par là même critiquable (V. les

objections sérieuses » signalées par O. Perreau, Bull. de la Soc. d'ét. législ., 1905, p. 508-509, 1906, p. 80-81). Il y a des hypothèses où le taux élevé des appointements, la nature délicate des services, la complexité du contrat, rendent la preuve testimoniale insuffisante ou même dangereuse, et où, dans l'usage, on rédige presque toujours un écrit. Il serait impolitique d'encourager la négligence en ouvrant si largement aux parties la preuve par témoins,

Le système de la Cour suprême, plus ingénieux et plus nuancé, s'adapte mieux aux exigences de la pratique. En laissant aux juges le soin d'apprécier, dans chaque espèce, la valeur du moyen tiré de la prétendue impossibilité morale (V. en faveur de ce pouvoir discrétionnaire attribué aux juges, outre les considérants de l'arrêt actuel, Cass. 27 mars 1907, précité. Non obstant, Cass. 25 juin 1900, S. et P. 1901.1.328; 13 avril 1910, précité. V. au surplus, dans le même sens, Chironi et Abello, loc. cit. V. cep., les observations faites à cet égard par M. Lyon-Caen dans sa note sous Cass. 27 mars 1907, précité; et la note sous Cass. 13 avril 1910, précité), elle leur permet de n'accueillir la preuve testimoniale qu'à bon escient, lorsqu'ils a croiront devoir l'admettre ». Elle leur confère la liberté que, par ailleurs, leur accorde l'art. 109, O. comm. (V. Cass. 6 mars 1912, S. et P. 1912.1.216; Pand. pér., 1912.1.216, et la note). Elle réalise le veu de la doctrine; elle étend au contrat de travail « les franchises du droit commercial » (Of, Desjardins, loc. cit.).

Louis HUGUENEY,
Professeur à la Faculté

de droit de Dijon.

e

...

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testimoniale portait atteinte à ce qui avait
été décidé par un jugement passé en force
de chose jugée.

ARRÊT.
LA COUR; Sur le premier moyen :...
(sans intérêt);
Sur le deuxième moyen :

(sans intérèt);

Sur le troisième moyen, pris dans ses deux branches : - Attendu que, devant le tribunal, il était uniquement soutenu que le juge de paix ne pouvait, sans violer les dispositions de l'art. 1341, C. civ., autoriser les experts à entendre des témoins sur la demande reconventionnelle, dont le chiffre dépassait 150 fr.; - Attendu que vainement le pourvoi fait grief à la décision attaquée d'avoir, en repoussant ces conclusions, faussement appliqué l'art. 1348 du même Code, et violé les autres textes invoqués; – Attendu, en effet; qu'aux termes dudit article, la règle posée dans l'art. 1341 recoit exception toutes les fois qu'il n'a pas été possible au créancier de se procurer une preuve littérale de l'obligation · qui a été contractée envers lui; — Attendu que cette exception ne s'entend pas seulement de l'impossibilité physique, mais de toute impossibilité morale, accidentelle ou momentanée, et qu'à cet égard, la loi a laissé aux tribunaux un pouvoir absolu d'appréciation; Or, attendu que c'est à bon droit que le tribunal a considéré que la situation du maitre à l'égard de ses serviteurs à gages ne lui permet guère de réclamer une quittance des gages qu'il a payés, une telle réclamation impliquant, dans les rapports de celui qui paie et de celui qui reçoit, une certaine défiance incompatible avec le caractère des relations qui doivent nécessairement s'établir entre

le maître et le serviteur;

Attendu que

L'accident survenu, dans une colonie si, depuis la loi du 2 aout 1868, le maître française la loi de 1898 n'a pas été pron'est plus cru sur son affirmation, comme mulguée, à un ouvrier embauche en France, sous l'empire de l'art. 1781, C. civ., il peut doit être considéré, en ce qui concerne la du moins prouver, soit par témoins, soit par responsabilité du chef d'enireprise, comme présomptions graves, précises et concor- s'étant produit en pays étranger (2) (Id.). dantes, les paiements qu'il a faits à ses Il en est de même en ce qui concerne la serviteurs à gages, même au delà de procedure à suivre; le juge de paix com150 fr.; qu'en le décidant ainsi, le juge- petent est, en conséquence, en vertu de ment attaqué, d'ailleurs motivé, n'a porté l'art. 15, S 6, de la loi du 9 avril 1898, moaucune atteinte au principe de l'autorité difié par la loi du 31 mars 1905, a celui de la chose jugée par le tribunal de Gan- du canton est situé l'établissement ou le nat, le 28 juin 1908; d'où il suit que le ju. | dépôt auquel est attachée la victime » (3) gement entrepris ne viole aucun des textes (LL. 9 avril 1898, art. 15; 31 mars 1905). ni des principes invoqués; --- Rejette, etc. Et l'établissement ainsi visé est celui du

Du ler mai 1911. – Ch. req. -- MM. Ta- siège social de l'entreprise (4) (Id.). non, prés.; Loubers, rapp.; Seligman, av. Si donc un accident est survenu dans gén. (concl. conf.); Lefort, av,

une colonie française à un ouvrier embauché en France par une société y ayant son siège social, l'action en indemniié de cel

ouvrier, formée au lieu du siège social, CASS.-civ. 10 mars 1913.

ne saurait être déclarée non recevable, sous OUVRIER, ACCIDENTS DU TRAVAIL, RESPONSA

le prétexte que la société n'aurait en France BILITÉ, Loi du 9 AVRIL 1898, ACCIDENT

aucun établissement assujetti dont l'ouvrier SURVENU AUX COLONIES OU A L'ÉTRANGER,

aurait été détaché (5) (L. 9 avril 1898, OUVRIER EMBAUCHÉ EN FRANCE, ENTRE

art. 1er). PRISE AYANT SON SIEGE EN FRANCE, COM

(Antipoul C. Hersent frères). - ARRÊT. PÉTENCE (Rép., vo Responsabilité civile, n. 1471; Pand, Rép., po Travail, n. 2302

LA COCR; Vu l'art. Jor de la loi du 9 avril 1898; Attendu que l'obligation

que la loi du 9 avril 1898, dans un intérêt L'obligation que la loi du 9 avril 1898, d'ordre public, impose aux chefs d'entredans un intérêt d'ordre public, impose aux prise, d'indemniser dans la mesure qu'elle chefs d'entreprise d'indemniser, dans la détermine les ouvriers et employés vicmesure qu'elle détermine, les ouvriers vic- times d'un accident du travail, et à ceuxtimes d'accidents du travail, et à ceux-ci ci de ne se prévaloir contre leurs patrons de ne se prévaloir d'aucunes autres dispo. d'aucune autre disposition légale, est la sitions, étant la conséquence nécessaire du conséquence nécessaire du contrat de contrat de louage de services intervenu entre louage de services intervenu entre les les parties, la loi du 9 avril 1898 doit re- parties; que, partout où s'exécute ce concevoir son application partout s'exécute trat, la loi de 1898 doit recevoir son applile contrat (1) (L. 9 avril 1898, art. ler). cation; que, si l'accident s'est produit en

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et s.).

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(1-2) La Cour de cassation, malgré les difficultés de procédure qui pouvaient s'élever avant la loi du 31 mars 1905 (S. et P. Lois annotées de 1905, p. 953; Pand. pér., 1905.3.126), avait déjà posé en principe, dans des termes identiques à ceux de l'arrêt ci-dessus, que la loi du 9 avril 1898 est applicable aux accidents du travail survenus, en territoire étranger, à des ouvriers embauchés en France, pour le compte d'exploitations ayant leur siège en France, V. Case 8 mai 1907 (S. et P. 1907.1.463; Pand. pér., 1907.1.272). Adde dans le même sens, Rennes, 22 déc. 1902 (motifs) (S. et P. 1907.2.217, et la note de M. Wahl; Pand. pér., 1908.2.248); Aubry et Rau, 5° éd., t. 5, p. 451 et s., $ 372 bis; Cabouat, Tr. des acc. du trav., t. 1er, n. 265; Sachet, Tr. de la législ. sur les acc. du trav., 5® éd., t. 10", n. 260. La loi du 31 mars 1905, en réglant la compétence pour cette hypothèse, dans l'art. 15, $ 6, modifié, de la loi du 9 avril 1898, paraît bien avoir mis hors de contestation cette solution. V. la note précitée de M. Wahl (n. I) sous Rennes, 22 déc. 1902, précité.

La même règle doit être appliquée pour les accidents survenus dans les colonies où la loi de 1898 n'a pas été promulgnée et n'est pas par suite ape plicable, le territoire de ces colonies devant, à ce point de vue, être assimilé à un territoire étranger. V. Rennes, 22 déc. 1902, précité, et la note (n. VII) de M, Wahl; adde, Sachet, op. cit., t. 105, n, 250 bis. C'est ce que décide expressément l'arrêt ci-dessus.

La question demeure toutefois ouverte de savoir si l'application de la loi de 1898 aus accidents survenus à l'étranger, et dans les colonies où cette loi n'a pas été promulguée, est subordonnée à la condition que l'ouvrier ait été embauché en France (V. en ce sens, Sachet, op. cit., t. 1or, n. 250 ; Ca. bouat, op. et loc. cit.), circonstance qui se rencontrait dans l'espèce des arrêts de Cass. 7 mai 1907, et de Rennes, 22 déc. 1902, précité, comme dans l'espèce de l'arrêt ci-dessus, ou s'il suffit que l'ex. ploitation à laquelle l'ouvrier est attaché ait son siège en France, sans qu'il soit nécessaire que le contrat de locage de services ait été formé en France. V. en ce sens, la note de M. Wahl (n. VI) sous Rennes, 22 déc. 1902, précité. V. aussi, la note sous Cass. 8 mai 1907, précité; et BaudryLacantinerie et Wahl, Du lounge, 3e éd., t. 2, 2° part., n. 3394.

(3-4-5) Lorsque l'accident est survenu en terri. toire étranger, et il en faut dire de même pour le cas d'accident survenu dans une colonie on la loi du 9 avril 1898 n'est pas applicable (V. la note qui précède), le juge de paix compétent pour procéder à l'enquête et statuer sur les frais médicaux ou funéraires est, d'après l'art. 15, $ 6, de la loi do 9 avril 1898, tel qu'il a été modifié par la loi du 31 mars 1905, celui du canton od est situé l'établissement ou le dépôt auquel est attachée la victime ». V. la note (n. VIII) de M. Wahl sous Rennes, 22 déc. 1902 (S. et P, 1907.2.217). Cette compétence entraîne également, par voie de con

séquence, la compétence, pour l'action en paiement de rente viagère, du tribunal de l'arrondig. sement où siège le juge de paix. V. la note précitée de M. Wahl, loc. cit.; et la note sous Cass. 8 mai 1907 (S. et P. 1907.1.463). C'est ce qui résulte implicitement de l'arrêt ci-dessus, puisqu'il s'agissait, dans l'espèce, de la demande en paiement de . rente.

Mais que faut-il entendre par « l'établissement ou le dépôt auquel est attachée la victime ». Si l'on interprétait strictement ces expressions, il en résulterait que l'application de la loi de 1898 serait mise en échec, si l'établissement ou le dépôt étaient situés à l'étranger ou dans la colonie. Or, on ne peut imputer aux auteurs de la disposition de l'art. 16, $ 6, d'avoir édicté une règle de compétonce qui serait, dans la plupart des cas, dénuée d'efficacité, puisque, lo plus souvent, l'ouvrier sera attaché à un établissement installé & l'étranger ou dans la colonie. Il ne peut guère être mis en doute que l'art. 15, $ 6, a entendu parler d'un établissement situé en France ; et il faut donc décider, comme le fait la Cour de cassation dans l'espèce ci-dessus, que c'est uniquement l'établissement en France qu'il faut envisager, en telle sorte que, l'ouvrier fût-il attaché à un établissement situé à l'étranger ou dans une colonie, l'action pourra être portée devant la juridiction compétente du siège social de l'entreprise en France. V. en ce sens, la note, in fine, de M. Wahl sous Rennes, 22 déc. 1902, précitė.

(

territoire étranger, le juge de paix compétent, aux termes des art. 15 et 16 de ladite loi, est celui du canton où est situé l'établissement ou le dépôt auquel est attachée la victime; que l'accident, survenu dans une colonie française où la loi de 1898 n'a pas été promulguée, doit, en ce qui concerne la responsabilité des chefs d'entreprise et la procédure à suivre, étre considéré comme s'étant produit en territoire étranger, et que l'établissement, que vise la loi du 31 mars 1905, est le siège social de l'entreprise; Attendu que l'arrèt attaqué constate qu'Antipoul, victime, à Dakar (Sénégal), le 13 nov. 1905, d'un accident qui l'aurait laissé atteint d'incapacité permanente, a été embauché en France, le 14 déc. 1904, par Hersent frères, gérants de la Société d'entreprise de travaux publics, dont le siège social est à Paris; qu'il le déclare irrecevable à invoquer le bénéfice de la loi du 9 avril 1898, par ce motif qu'Hersent frères n'auraient en France aucun établissement assujetti dont Antipoul aurait été détaché; qu'en statuant ainsi, ledit arrêt a violé l'article susvisé; Casse l'arrêt rendu le 12 juill. 1910 par la Cour de Paris, etc.

Du 10 mars 1913. - Ch. civ. MM. Baudouin, ler prés.; Reynaud, rapp.; Lombard, av. gen. (concl. conf.); Jouarre et Aguillon, av.

mandée sur la liste des assurés obliga- charges qu'elle impose à la collectivité,
toires : - « Le Tribunal; --- Attendu qu'aux et surtout parce qu'elle édicte des sanctions
termes de l'art. Jer de la loi du 5 avril 1910, pénales à l'encontre des assujettis qui

des salariés des deux sexes de l'industrie, manqueraient à leurs obligations; qu'ainsi,
du commerce, des professions libérales et la règle générale doit être la restriction du
de l'agriculture, les serviteurs à gages, les bénéfice de la retraite nouvelle aux seuls
salariés de l'Etat, qui ne sont pas placés salariés qui réunissent, sans contestation
sous le régime des pensions civiles ou des possible, toutes les conditions requises;
pensions militaires, et les salariés des dé- Par ces motifs, etc. ).
partements et des communes, bénéficie-
ront, dans les conditions déterminées par

Pourvoi en cassation par Me Petitjean. la présente loi, d'une retraite de vieillesse »,

ARRÊT. à condition, pour tous, que le salaire ne dépasse pas 3.000 fr. ; que, suivant l'art. 4 LA COUR; – Attendu que le jugement de la même loi, l'allocation viagère de attaqué constate que, si la demoiselle Petitl'Etat n'est attribuée aux assurés de la pé. jean (Catherine) a été domestique au serriode transitoire ayant au moins 35 ans

vice du sieur Perrier de 1896 à 1902, puis accomplis que s'ils justifient qu'au moment au service du sieur de Menthon, pendant de la mise en vigueur de la loi (3 juill.

un mois, en 1907, elle est devenue rentière, 1911), ils faisaient partie, depuis trois ans

plus de trois ans avant la mise en vigueur au moins, des catégories de l'art. Jer ci

de la loi du 5 avril 1910; qu'elle effectue, dessus visé; Attendu qu'il ressort des

il est vrai, quelques travaux de broderie, documents et certificats produits tant de

mais qu'elle reçoit, de ce chef, une rémuvant le premier juge que devant le tri- nération qui n'excède pas 60 fr. par an, bunal que l'appelante, agée de 57 ans, correspondant à deux journées de travail étant née à Choye le 7 juin 1855, a été cui- par mois, et, que ce fait, joint à celui, non sinière chez Perrier, curé à Faucogney, de

établi d'ailleurs, qu'elle toucherait quel1896 à 1902, et chez de Menthon, pendant ques gratifications de personnes qu'elle un mois, en mai 1907; que, depuis plus de

peut aider exceptionnellement dans la trois ans avant la mise en vigueur de la préparation des repas, ne saurait changer loi du 5 avril 1910, elle est rentière, ainsi

sa condition de rentière, qui résulte des qu'elle l'a formellement reconnu devant

circonstances de la cause;

Attendu que le juge de paix, et qu'elle a recueilli en

ces constatations sont souveraines, et core, il y a quelque temps, une somme de qu'elles justifient la décision par laquelle 7.000 fr. dans une succession; — Attendu,

les juges du fond ont refusé à la demoiil est vrai, que la demoiselle Petitjean ef

selle Petitjean le bénéfice des art. 1 et 4 fectue quelques travaux de broderie pour

de la loi du 5 avril 1910, par le motif qu'elle le compte des demoiselles Lambert de n'avait pas la qualité de salariée; – ReVelleclaire, mais qu'elle reçoit, de ce chef,

jette, etc. une rétribution annuelle d'environ 60 fr.

Du 5 mai 1913. Ch. civ. MM. Bauseulement, correspondant approximative

douin, ler prés. ; Cottignies, rapp.; Mérilment à deux journées de travail par

lon, av. gen. (concl. conf.).
mois; que ce fait, joint à celui, non établi
d'ailleurs, qu'elle toucherait quelques gra-
tifications de personnes qu'elle peut aider

CASS.-civ. 8 juillet 1912.
exceptionnellement dans la confection de

COMMUNAUTÉ CONJUGALE, EFFETS DE COMrepas, ne saurait changer sa situation de rentière, qui résulte des circonstances de

MUNAUTÉ, RECEL, DIVERTISSEMENT, MARI,

LÉGATAIRE UNIVERSEL, RESTITUTION, Dot, la cause, ainsi qu'elle l'a reconnu d'ailleurs; que l'art." jer de la loi du 5 avril

RÉCEPTION, PREUVE, IMPOSSIBILITÉ DE 1910 ne s'applique qu'aux travailleurs, qui,

PREUVE ÉCRITE, DOT CONSTITUÉE PAR UN par leur profession principale, leur situa

TIERS, PRÉSOMPTIONS, POUVOIR DU JUGE, tion économique habituelle, ont la condi

PRÉSOMPTION LÉGALE DE L'ART. 1569, tion de salarié; que la nature des occupa

RÉGIME DOTAI. (Rép., vo Communauté contions et des ressources de l'appelante est

jugale, n. 2090 et s., 2598 et s.; Pand. en contradiction avec la catégorie choisie

Rép., vo Mariage, n. 5713 et s., 6684 et s.

8116 et s.). par elle; qu'au surplus, ainsi que le faisait remarquer M. le conseiller Falcimaigne Si le mari a, aux termes des art. 1421 dans son rapport sur l'affaire ayant motivé el 1422, C. civ., le droit de disposer des l'arrêt du 27 févr. 1912 (S. et P. 1912.1. biens de la communauté, il ne peut les 329; Pand. per., 1912.1.329), la loi du délourner en fraude des droits de la 5 avril 1910 comporte une interprétation femme (2) (C. civ., 1421, 1422). restrictive, d'abord à raison des lourdes Un détournement de cette nature tombe

CASS.-civ. 5 mai 1913.

RETRAITES OUVRIÈRES ET PAYSANNES, LOI DU

5 AVRIL 1910, ASSURÉS OBLIGATOIRES, SA-
LARIÉ ACCIDENTEL, RENTIÈRE, POUVOIR DU
JUGE, APPRÉCIATION SOUVERAINE (Rép., vo
Retraites ouvrières, n. 1 et s. ; Pand. Rép.,

Retraites et pensions, n. 1654 et s.).
Une demande à fin d'inscription sur la
liste des assurés obligatoires, basée sur les
art. ler et 4 de la loi du 5 avril 1910, est à
bon droit repoussée par les juges du fond,
qui constatent souverainement que, si la de-
manderesse a été à différentes reprises do-
mestique au service d'un maitre, elle est
devenue rentière plus de trois ans avant la
mise en vigueur de la loi de 1910, et que la
remunéralion très minime qu'elle reçoit
pour des travaux de broderie ou de ménage
ne saurait changer sa condition de ren-
tière (1) (L. 5 avril 1910, art. 1er et 4).
(Dlle Petitjean C. Préfet de la Haute-Saône).

Par jugement du 19 mars 1913, le tribunal civil de Gray a confirmé en ces termes un jugement du juge de paix de Gy, du 5 mars 1913, qui avait refusé à Milé Petitjean l'inscription par elle de

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(1) On s'accorde en général à reconnaître que les seuls salariés, visés par l'art. 1or de la loi du 5 avril 1910 comme rentrant dans la catégorie des assurés obligatoires, sont ceux qui, par profession, exécutent, pour le compte et sous la direction d'autrui, un travail rémunéré; autrement dit, il faut que le gain fourni par le travail ne soit pas accidentel, mais qu'il entre pour une proportion appréciable dans les ressources de l'intéressé. V. Sachet, Tr. de la législ. sur les retraites ouvrières et paysannes, n. 115 et 154; Pothémont, Législ. des

retraites ouvrières et paysannes, n. 111, p. 72; Sa-
lain, Les retraites ouvrières paysannes, 2° éd.,
n. 11, p. 77; Pinot et Comolet-Tirman, Tr. des re-
traites ouvrières, p. 32. V. aussi la note, % 2, de
M. Sachet, sous Cass. 27 févr. 1912 (S. et P, 1912.
1.329; Pand. pér., 1912.1.329). Et la question de
savoir si un travailleur est habituellement salarié,
et s'il doit par suite être considéré comme un as-
suré obligatoire, est une question de fait (V. Pinot
et Comolet-Tirman, op. et loc. cit.), qui rentre
dans le pouvoir d'appréciation des juges du fond,

seuls en mesure de décider, d'après les circonstances de la cause, si la qualité de salarié est purement accidentelle chez celui qui se prévaut de cette qualité pour demander son inscription sur la liste des assurés obligatoires. V. d'ailleurs, sur le pouvoir d'appréciation des juges du fond en matière de retraites ouvrières, la note de M. Ruben de Couder sous Cass. 7 mai 1913 (Infra, 1re part., p. 321).

(2) Si le mari, chef de la communauté, peut disposer des biens qui la composent (O. civ., 1421 et 1422), il ne peut les détourner en fraude des

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