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ment à 1 fr. d'amende; que cette décision déclare : : qu'il résulte des termes du décret du 21 août 1852 que l'intervention et la surveillance des garde-ports n'a pas besoin, pour s'exercer, d'être réclamée; qu'elle n'est pas facultative, mais obligatoire; qu'elle ajoute qu'« en refusant le paiement des rétributions réclamées par le garde-port Houchot, en conformité du décret du 18 juin 1907, les prévenus ont contrevenu aux dispositions de l'art. 55 du décret du 21 août 1852, ainsi conçu : « En cas de refus, de la part des marchands ou de leurs représentants, d'acquitter les rétributions prévues au tarif, le garde-port dresse un procès verbal, auquel il est donné suite, s'il y a lieu... »; Attendu qu'Houchot ayant, dans ces circonstances, assigné Meurisse frères, devant le tribunal de commerce d'Epernay, en paiement de la somme précitée de 594 fr. 35, afférente aux susdites rétributions, le jugement attaqué a repoussé le moyen, pris de la chose jugée, invoqué par Houchot; que le jugement se fonde sur ce que, d'une part, « l'autorité de la chose jugée au criminel ne s'attache qu'aux points débattus, appréciés et définitivement jugés par le juge criminel », et, d'autre part, sur ce qu'il n'y a ni identité de parties, ni identité de cause et d'objet, et que le dispositif du jugement pénal, auquel Meurisse frères n'ont satisfait que comme contraints et forcés, ne peut exercer aucune influence en tant que chose jugée sur la question »; qu'en statuant ainsi, le jugement attaqué s'est mis en contradiction avec ce qui avait été jugé, envers et contre tous, par la décision de simple police; Sans qu'il soit besoin de statuer sur le deuxième moyen; -Casse le jugement rendu le 21 déc. 1910 par le tribunal de commerce d'Epernay, etc. Du 5 févr. 1913. Ch. civ. MM. Baudouin, ler prés.; Fabreguettes, rapp.; Mérillon, av. gén. (concl. conf.); Durnerin et Moret, av.

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CASS.-REQ. 3 mars 1913. OUVRIER, ACCIDENTS DU TRAVAIL, RESPON SABILITÉ, Lois DES 9 AVRIL 1898, 22 MARS 1902 ET 31 MARS 1905, RENTE VIAGÈRE, DÉCÈS, REPRÉSENTANTS DE LA VICTIME, VEUVE, ENFANTS, SALAIRE EXCÉDANT 2.400 fr. (Rép., vo Responsabilité civile, n. 2035 et s.; Pand. Rép., v° Travail, n. 2959 et s.).

Les dispositions de l'art. 2 de la loi du 9 avril 1898, modifié par la loi du 22 mars 1902, d'après lesquelles les ouvriers dont le salaire dépasse 2.400 fr. ne bénéficient de la loi de 1898 que jusqu'à concurrence de cette somme, les rentes, pour le surplus, étant réduites au quart du chiffre fixé par l'art. 3, sont générales, et s'appliquent aussi bien aux représentants des victimes d'un accident du travail qu'aux victimes elles-mêmes (1) (LL. 9 avril 1893, art. 2; 22 mars 1902).

(1-2) V. conf., Cass. 30 déc. 1912 (Supra, 11 part., p. 143), et la note.

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LA COUR; Sur le moyen pris de la violation des art. 1, 2, 3 1 et 2, 3, 5 2 A, de la loi du 9 avril 1898, et de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810: Attendu que l'art. 2 de la loi du 9 avril 1898, modifié par celle du 22 mars 1902, est ainsi conçu :

Ceux dont le salaire annuel dépasse 2.400 fr. ne bénéficient de ces dispositions que jusqu'à concurrence de cette somme. Pour le surplus, ils n'ont droit qu'au quart des rentes stipulées à l'art. 3, à moins de conventions contraires élevant le chiffre de la quotité ; — Attendu que les dispositions de cet article sont générales, et s'appliquent aussi bien aux représentants des victimes d'un accident du travail qu'aux victimes elles-mêmes; que, notamment, les rentes dues à la veuve et aux enfants mineurs, déterminées par l'art. 3 de la loi du 9 avril 1898, modifié par la loi du 31 mars 1905, doivent être réduites des trois quarts, lorsqu'elles sont calculées sur la portion du salaire annuel du défunt qui excédait 2.400 fr.; Attendu qu'il résulte des qualités de l'arrêt attaqué que de SaintRapt, mort victime d'un accident du travail, survenu le 9 déc. 1910, avait reçu, pendant les douze mois qui ont précédé l'accident, de veuve de Saint-Rapt et Brice, ses patrons, une somme de 3.500 fr.; que sa veuve, agissant tant en son nom personnel qu'au nom de ses enfants mineurs de seize ans, avait conclu devant le tribunal civil à l'allocation d'une pension de 20 p. 100 sur le chiffre total du salaire du défunt; que, cette demande ayant été rejetée par le tribunal, la Cour, sur l'appel de la demanderesse, a confirmé la décision des premiers juges; qu'en statuant ainsi l'arrêt, qui est motivé, a fait une saine application de la loi, et n'a violé aucun des textes visés au pourvoi; - Rejette le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 9 juill. 1912 par la Cour de Paris, etc. Du 3 mars 1913. Ch. req. MM. Tanon, prés.; Bonnet, rapp.; Eon, av. gén. (concl. conf.); Auger, av.

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CASS.-CIV. 10 mars 1913 (3 ARRÊTS). OUVRIER, ACCIDENTS DU TRAVAIL, RESPONSABILITÉ, Loi DU 9 AVRIL 1898, CALCUL DE L'INDEMNITÉ, INCAPACITÉ PERMANENTE, INCAPACITÉ MINIME (Rép., vc Responsabilité civile, n. 1946 et s.; Pand. Rép., vo Travail, n. 2642 et s.).

La réduction normale du salaire, sur laquelle doit être calculée la rente à allouer

(3-4-5) La jurisprudence de la Cour de cassation est fixée en ce sens. V. Cass. 20 mars 1912

à l'ouvrier atteint d'incapacité permanente partielle, en suite d'un accident du travail, est en corrélation nécessaire avec la diminution de ses facultés de travail; et, dès lors, le juge ne peut, tout en constatant cette diminution, refuser d'allouer la rente qui y correspond, par ce motif qu'en fait, le salaire demeurerait, après l'accident, le même qu'auparavant (3) (L. 9 avril 1898, art. 3).

La loi n'a d'ailleurs fixé aucun minimum au-dessous duquel la rente ne pourrait descendre (4) (L. 9 avril 1898, art. 3, 21).

En conséquence, les juges, après avoir constaté qu'un ouvrier, à la suite d'un accident, a été atteint d'une incapacité permanente de 1 p. 100, ne peuvent refuser de lui allouer une rente, par ce motif qu'une incapacité professionnelle de si minime importance ne peut avoir aucune importance sur la fixation du salaire (5) (L. 9 avril 1898, art. 3).

ARRÊT.

(Lehoux C. Chevencey). LA COUR; - Sur le moyen unique du pourvoi: Vu l'art. 3 de la loi du 9 wril 1898; Attendu que l'art. 3 de la loi du

-

9 avril 1898 accorde à l'ouvrier victme d'un accident du travail, atteint d'incapacité permanente et partielle, une reite égale à la moitié de la réduction normale de son salaire; que cette réduction no male est en corrélation nécessaire avec la diminution de ses facultés de travad; qu'il suit de là que le juge ne peut, out en constatant cette diminution, refuser la rente qui y correspond, par ce motif queen fait, le salaire demeurerait, après l'accident, le méme qu'auparavant; que législateur n'a fixé aucun minimum a dessous duquel la rente pourrait descen dre, et qu'il a, cependant, prévu le cas elle serait peu élevée; qu'il en autorise en effet, le remplacement par un capital, quand elle n'est pas supérieure à 100 f

Attendu que l'arrêt attaqué const que Priard, ouvrier de Cherencey, a victime d'un accident du travail qui laissé atteint d'une incapacité permanen partielle de 1 p. 100; qu'il rejette la mande en allocation de rente formée Lehoux, agissant en qualité de tute datif du mineur Priard, par ce mo qu'une incapacité professionnelle de' minime importance ne peut avoir aucu importance sur la fixation du salair qu'en statuant ainsi, ledit arrêt a vi l'article susvisé; - Casse l'arrêt rendu 29 févr. 1912 par la Cour de Caen, etc

Du 10 mars 1913. Ch. civ. — MM. Ba douin, ler prés.; Reynaud, rapp.; Lon bard, av. gén. (concl. conf.); Gault, av

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ou

Nota. Du même jour. Arrêts iden tiques 1o Aff. Dupont C. Guittard. Mêmes magistrats; Me Lesoudier, av. 2o Afl. Nocella C. Soc. des transbordements maritimes. Mêmes magistrats: MMes Gault et Alcock, av.

(2 arrêts) (S. et P. 1912.1.820; Pand. pér., 1912, 1.320), la note et les renvois.

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CASS.-REQ. 1er mai 1911.

1o PREUVE TESTIMONIALE, IMPOSSIBILITÉ DE SE PROCURER UNE PREUVE ÉCRITE, IMPOSSIBILITÉ MORALE, IMPOSSIBILITÉ ACCIDENTELLE OU MOMENTANÉE, Pouvoir du juge, APPRECIATION SOUVERAINE (Rép., vo Preuve testimoniale, n. 333 et s.; Pand. Rép., vo Preuve, n. 668 et s.). 20 LOUAGE DE SERVICES, SERVITEUR A GAGES, PAIEMENT DES GAGES, PREUVE TESTIMONIALE, PRÉSOMPTIONS (Rép., v° Louage d'ouvrage, de services et d'industrie, n. 107 et s.; Pand. Rép., v Louage d'ouvrage et d'industrie, n. 93 et s.).

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(1 à 4) L'art. 1781, C. civ., relatif au louage de services des domestiques et ouvriers, disposait que le maître serait cru sur son affirmation, pour la quotité des gages, pour le paiement du salaire de l'année échue, et pour les acomptes donnés pour l'année courante.. La loi du 2 août 1868 l'a, dans une pensée démocratique et égalitaire, abrogé, pour satisfaire les salariés (V. le rapport de M. Mathieu, S. Lois annotées de 1868, p. 330 et s. P. Lois, décr., etc. de 1868, p. 562 et s.). Elle

a servi de modèle à la loi belge du 10 juill. 1883. Et il est permis de rendre hommage au sentiment qui l'a dictée.

Elle n'est pourtant pas parfaite. Comme beaucoup de lois politiques, elle a été votée hâtivement, sous la pression des circonstances, sans préparation suffisante. On avait signalé au législateur les inconvénients qu'entraînerait l'abolition pure et simple d'un mode de preuve, blessant peut-être l'équité, mais assurément simple et pratique. On lui avait demandé de substituer au système qu'il détruisait un autre qui pût le remplacer. Il n'a tenu compte ni de ces suggestions ni de ces craintes. Il a laissé maître et serviteur sous l'empire du droit commun (V. le passage du rapport de M. Mathieu, cité infra).

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Il en est résulté beaucoup d'embarras (V. Peaucellier, Des conséquences de l'abrogation de l'art. 1781, C. Nap., Rev. crit., 1869, t. 34, p. 514 et s.; Glasson, Le Code civil et la question ouvrière, p. 19 et s.; Arthur Desjardins, Le Code civil et les ouvriers, Rev. des Deux-Mondes, 1888, t. 2, p. 381; Guillouard, Tr. du contrat de louage, t. 2, n. 706; Baudry-Lacantinerie et Wahl, Tr. du contrat de louage, 3e éd., t. 2, 1re part., n. 2835 et s.; Beudant, Cours de dr. civ., La vente et le louage, n. 671; Pic, Tr. de législ. industr., 4o éd., n. 914 et s.), principalement dans l'hypothèse où, s'élève, à propos de salaires, un litige d'intérêt supérieur à 150 fr. Comment alors le serviteur établira-t-il le montant des salaires qui lui sont dus, ou le maître, à l'inverse, les paiements qui ont éteint son obligation?

Pour les ouvriers de l'industrie, la pratique des règlements d'atelier (V. Beudant, loc. cit., p. 489, note 1), la théorie des actes mixtes, autorisant, sous certaines réserves (V. Glasson, op. cit., p. 19, n. 1; et les réserves de M. Thaller, Tr. élém. de dr. comm., 4o éd., n. 27), l'emploi, sans limite de somme, de la preuve testimoniale, permettront assez souvent d'échapper aux difficultés. Mais comment s'en tirer dans les rapports des domestiques et de leurs maîtres? Où trouver cette preuve écrite, exigée par la loi civile (C. civ., 1841)? Il n'est pas dans les usages de constater par acte authentique ou sous seing privé le contrat par lequel le domestique loue ses services à son maître, et pas davantage de dresser quittance des versements faits par le maître à son domestique. ANNÉE 1913. 6 cah.

1o L'exception que l'art. 1348, C. civ., apporte à la prohibition de la preuve testestimoniale au-dessus de 150 fr., lorsqu'il n'a pas été possible au créancier de se procurer une preuve littérale, ne s'entend pas seulement de l'impossibilité physique, mais de toute impossibilité morale, acciden lelle ou momentanée (1) (C. civ., 1341, 1348). Et, à cet égard, la loi a laissé aux tribunaux un pouvoir absolu d'appréciation (2) (Id.).

2o Les juges du fond ont pu considérer à bon droit que la situation du maître à l'égard de ses serviteurs à gages ne lui permet pas de réclamer une quittance des

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Et c'est bien là, dans la doctrine, le sentiment général (V. les auteurs précités); la loi de 1868 a creusé dans le Code civil une lacune que seul le législateur, suivant l'exemple de la loi belge (V. l'art. 4 de cette loi, Bull. de la Soc. d'ét. législ., 1905, p. 508, n. 3), aurait qualité pour combler.

La Cour de cassation, pourtant, dans l'arrêt cidessus rapporté, a repoussé cette conclusion. Elle a trouvé remède aux difficultés, en appliquant à l'hypothèse, plus spécialement au cas où le maître veut prouver sa libération, l'art. 1348, C. civ., aux termes duquel la preuve testimoniale est admise, même au-dessus de 150 fr., « toutes les fois qu'il n'a pas été possible... de se procurer une preuve littérale... ».

C'est une idée qui avait déjà, soit en France, soit en Belgique, séduit certains tribunaux. V. spécialement un jugement du tribunal civil de Bruxelles, rapporté par Bodeux, Ét. sur le contrat de travail, p. 61; deux décisions de tribunaux de paix, signalées par Personnaz, Le louage des domestiques, thèse Paris, 1909, p. 24. V. surtout, Trib. de Nogent-le-Rotrou, 8 mars 1895, cité par notre Rép. gén. du dr. fr., v° Preuve testimoniale, n. 335. Non obstant, Trib. de la Seine, 2 août 1888 (Gaz. Pal., 1888.2.357) (le maître, semble-t-il, n'offrait pas de prouver par témoins sa libération); Trib. de la Seine, 18 mars 1902 (Gaz. Pal., 1902.2.394) (le maître n'osait même pas invoquer une impossibilité, qui, dans le cas particulier, n'existait pas). Comp. Bordeaux, 13 juin 1833 (P. chr.) (l'impossibilité de se procurer une preuve écrite n'existait pas non plus dans cette hypothèse, où d'ailleurs il s'agissait, non du paiement des salaires, mais du remboursement d'un prêt consenti par un domestique à son maître).

Quelques auteurs avaient accueilli cette idée (V. not., Bodeux, loc. cit.; Cornil, Du louage de services, p. 151; Baudry-Lacantinerie et Barde, Tr. des oblig., 3 éd., t. 4, n. 2638); mais la plupart l'avaient écartée (V. not., Baudry-Lacantinerie et Wahl, loc. cit., n. 2836; Personnaz, loc. cit.).

Elle se heurte à des objections qui ne nous paraissent pas décisives, et qui n'empêchent pas d'approuver la solution de la Cour suprême.

$ 1er.

La première a pour siège l'art. 1348 lui-même. C'est un texte qui a l'apparence d'une disposition d'exception. Il faut, dit-on, n'en faire usage qu'avec beaucoup de circonspection (V. en ce sens, Laurent, Princ. de dr. civ., t. 19, n. 577 et s.). Qu'il soit permis d'ajouter aux cas d'impossibilité spécialement prévus dans son énumération finale d'autres cas analogues, d'assimiler à l'impossibi

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gages qu'il a payés, une telle réclamation impliquant, dans les rapports de celui qui paie et de celui qui reçoit, une certaine defiance incompatible avec le caractère des relations qui doivent nécessairement s'éta blir entre le maître et le serviteur (3) (C. civ., 1341, 1348; L. 2 août 1868).

Si, depuis la loi du 2 août 1868, abrogeant l'art. 1781, C. civ., le maître n'est plus cru sur son affirmation quant au paiement des gages, il peut du moins prouver, soit par témoins, soit par présomptions graves, précises et concordantes, les paiements qu'il a faits à ses serviteurs, même au delà de 150 fr. (4) (Id.).

lité absolue l'impossibilité relative, à l'impossibilité physique l'impossibilité morale, cela se comprend à la rigueur; l'histoire, comme l'équité, justifie cette interprétation bienveillante (V. la note sous Riom, 26 févr. 1810, S. chr.); la jurisprudence l'a toujours admise, et, avec elle, la quasiunanimité de la doctrine. V. la note de M. LyonCaen, sous Cass, req. 27 mars 1907 (S. et P. 1907. 1.209); et notre Rép. gen. du dr. fr., v° Preuve testimoniale, n. 333 et s.; Pand. Rép., vo Preuve, n. 668 et s.

Mais comment oser qualifier d'impossibilité morale une impossibilité toute de sentiment, qui ne résulte que d'un scrupule de conscience, de la crainte de manifester, en exigeant un écrit, « une . défiance incompatible avec le caractère des relations qui doivent nécessairement s'établir entre le maître et le serviteur? En donnant de l'impossibilité morale une notion si large, la Cour de cassation ne sort-elle pas des limites jusqu'ici fixées par la prudence des tribunaux à l'application de l'art. 1348, C. civ.? Ne risque-t-elle pas d'écraser sous le poids des exceptions le principe posé dans l'art. 1341 du même Code?

L'objection, ainsi présentée, n'est pas seulement exagérée. Nous la croyons mal fondée.

L'arrêt actuel ne fait que suivre la jurisprudence antérieure. L'impossibilité morale, qui, aux yeux des juges, autorise, même au-dessus de 150 fr., l'emploi de la preuve testimoniale, n'est pas exclusivement l'impossibilité matérielle relative (V. sur l'impossibilité morale, entendue en ce premier sens, à propos des marchés passés sur une foire, Trib. de Lorient, 5 juin 1895, aff. Nicol C. Le Pape-Guignier; Trib. de Lorient, 11 juil. 1905, aff. Renaut C. Leco rec; et, à propos d'un dépôt dans un vestiaire de théâtre, Paris, 23 avril 1902, S. et P. 1904.2.261, la grande difficulté locale ou momentanée ». Cf. Rennes, 26 févr. 1879, S. 1880.2.214. P. 1880.825). C'est aussi celle qui dérive de motifs psychologiques ou moraux.

Il est vrai que souvent l'impossibilité morale se présente sous les deux aspects à la fois par exemple, au cas d'un louage de services contracté par un domestique illettré (V. Trib. de paix de Mirambeau, rapporté par Personnaz, loc. cit.); d'une belle-sœur chargeant son beau-frère, illettré, de lui changer un billet de banque sur une foire (V. Bordeaux, 2 mars 1871, S. 1871.2.221. -- P. 1871.786). Et cela explique qu'on les confonde. Mais cela n'empêche qu'il y ait des hypotheses où le second se rencontre seul, où l'impossibilité s'analyse en une raison de sentiment, et où cependant les tribunaux, ceux de France, sinon ceux de Belgique ou du Luxembourg, croient pouvoir appliquer l'art. 1348, C. civ. V. sur la résistance persistante opposée à cette these par la jurisprudence belge, Siville, Suppl. aux Princ. de 39

IT PART.

(Clément C. Ray).

M. Clément, en quittant le service de M. Ray, a réclamé diverses sommes pour remboursement d'avances et pour gages. En ce qui concerne les avances, un jugement du tribunal civil de Gannat, du 28 juin 1908, a condamné M. Ray à rembourser à M. Clément la somme de 1.000 fr., montant d'un prêt. En ce qui concerne les gages réclamés, M. Ray a soutenu devant le juge de paix d'Ebreuil (Allier), saisi de cette demande, qu'il s'était libéré, et au delà, et il a formé contre M. Clément

dr. civ., de Laurent, t. 5, n. 420; et, plus spécialement, dans le sens de l'inapplicabilité de l'art. 1348, au cas d'impossibilité fondée sur une raison de sentiment, C. sup. de justice de Luxembourg, 9 févr. 1900 (S. et P. 1900.4.20); adde, Trib. de Louvain, 21 juin 1889 (Pasicr., 1889.3.285); Trib. de Bruxelles, 13 mai 1891 (Pasicr., 1891.3.320); et surtout, à propos d'un contrat de louage de services, Bruxelles, 27 févr. 1889 (Pasicr., 1889.2.349).

Il en est ainsi toutes les fois que l'obstacle, d'ordre psychologique ou moral, n'est pas spécial, strictement personnel au plaideur, mais commun à tous les individus mis en face des mêmes circonstances de fait, toutes les fois, en d'autres termes, qu'une partie n'a pas réclamé d'écrit, parce qu'aucun homme raisonnable, ayant l'expérience de la vie et le respect des convenances, n'en aurait, à sa place, réclamé, parce qu'il n'est pas dans les usages, en pareille occurrence, d'en imposer la rédaction (V. sur le système analogue adopté par la jurisprudence italienne, Chironi et Abello, Trattato di diritto civile italiano, t. 1, p. 676; et la note sous Parme, 12 mars 1912, Riv. di diritto civile, 1912, p. 697). C'est le cas, lorsque l'impossibilité a sa source dans certains rapports de famille (V. Bourges, 19 mai 1826, S. et P. chr.), dans certaines relations sociales, celles de fournisseur de marchandises à client (V. pour un jardinier fleuriste, Paris, 9 avril 1821, S. et P. chr.; pour un tailleur, Paris, 6 nov. 1907, aff. de Canson C. Crú et Beix; pour un bottier, Rouen, 28 nov. 1900, Rec. de Rouen, 1900, p. 235; pour un vendeur de bicyclettes, Trib. de Dijon, 22 nov. 1911, Rec. Dijon, 1912, p. 100), de malade à médecin (V. pour l'admission de la preuve testimoniale, au profit du médecin, Cass. 27 mars 1907, précité, avec la note de M. Lyon-Caen et les renvois; et au profit du malade, Trib. de Rennes, 18 janv. 1909, S. et P. 1910.1.501, ad notum; Pand. pér., 1910.1.501, ad notam; Cass. 13 avril 1910, S. et P. 1910.1.501; Pand. per., 1910.1.501. V. au surplus, Salats, Des honoraires des médecins, thèse Paris, 1905, p. 56 et s.), d'homme d'affaires à magistrat (V. Trib. de Lyon, 6 juill. 1900, aff. Bouchet C. Chapot); de maître à serviteur (V. outre l'arrêt ci-dessus rapporté, les décisions précédemment signalées, et spécialement, Trib. de Nogentle-Rotrou, 8 mars 1895, précité. V. aussi, sous certaines réserves, Bourges, 24 nov. 1824, S. et P. chr.).

Et la thèse jurisprudentielle, ainsi précisée, loin de violer la loi, nous paraît l'adapter très heureusement aux besoins changeants de la pratique. Si les tribunaux n'invoquaient que l'usage pour écarter, ici ou là, la prohibition de l'art. 1341, C. civ., touchant la preuve testimoniale, on serait en droit de leur reprocher d'oublier cette règle essentielle que, dans nos législations modernes, le simple usage est impuissant à modifier la loi

une demande reconventionnelle en restitution de l'excédent. Par jugement du 14 oct. 1908, le juge de paix a nommé un expert, avec mission de vérifier les comptes des parties. M. Clément a fait appel de cette sentence, en alléguant qu'elle revenait à autoriser la preuve testimoniale, alors que l'intérêt du litige était de plus de 150 fr. 18 mars 1909, jugement du tribunal civil de Gannat, déclarant que la preuve par témoins était admissible dans la cause, à raison de l'impossibilité où est un maître de retirer quittance des gages qu'il paie à ses domestiques.

écrite, lorsque du moins elle revêt un caractère impératif. Si, à l'inverse, ils prétendaient que tout scrupule de conscience, qu'il s'inspire ou ne s'inspire pas de la déférence due aux usages, mérite d'être élevé au rang d'impossibilité morale, ils étendraient le domaine de l'art. 1348 à tel point qu'ils en viendraient à supprimer l'art. 1341. En combinant les deux idées, ils évitent les deux écueils, tout en gardant ce qu'elles contiennent de juste et d'avantageux.

2.

Mais, cette objection écartée, il en reste une autre, spéciale à l'hypothèse qui nous occupe.

Si, grâce à la notion d'impossibilité morale, dans les rapports entre maître et serviteur, même au-dessus de 150 fr., la preuve testimoniale est autorisée, il faut également permettre la preuve par simples présomptions (arg. art. 1353, C. civ.). Ces présomptions, le juge les trouvera où il lui plaira; il les peut puiser même dans une affirmation, orale ou écrite, émanée du maître, dans une mention de ses livres ou de ses papiers domestiques (V. Trib. de Bordeaux, 21 nov. 1893, Rec. de Bordeaux, 1894.3.46); et, si ces présomptions ne suffisent pas, rien ne l'empêche, par ailleurs, de lui déférer le serment supplétoire, conformément à l'art. 1867, C. civ. N'est-ce pas donner aux tribunaux un moyen facile d'éluder la loi de 1868, et de faire revivre en cachette cette disposition odieuse, qu'elle avait voulu abroger? V. les réflexions émises, à propos d'un cas analogue, sous Trib. d'Ancenis, 1er juill. 1881 (France jud., 1880-1881, 2 part., p. 599).

Ici encore, nous croyons l'appréhension déplacée. Ce qu'on reprochait à l'art. 1781, C. civ., ce n'était pas d'admettre que certains litiges fussent tranchés sur la foi de la parole du maître. C'était d'obliger le juge, pour toute une catégorie de procès, à se fier à l'affirmation, vraie ou fausse, faite par le maître, comme si toujours et nécessairement elle était digne d'être crue, comme si la qualité de patron constituait, par elle seule, un brevet d'honorabilité et de véracité (V. Homs, De la situation juridique des gens de service, thèse, Paris, 1901, p. 56, n. 1). Le but de la loi de 1868 a été de libérer les tribunaux de ce joug, qu'ils supportaient mal, ou même ne supportaient plus (V. un jugement de justice de paix, réformé en appel, rapporté par Homs, loc. cit.). Ce n'est pas la contrecarrer, mais au contraire la respecter, que de leur accorder la faculté de chercher où bon leur semble la vérité, même dans les assertions du maître, lorsqu'elles leur paraissent mériter créance.

§ 3.

La Cour de cassation, à notre avis, n'est donc pas sortie des limites d'une saine interprétation. Elle a suivi la voie que lui traçait le législateur

POURVOI en cassation par M. Clément. - 1er et 2e Moyens...

3 Moyen. Violation de l'art. 1341, C. civ., des textes et des principes sur la preuve testimoniale; fausse application de l'art. 1348, C. civ.; violation de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810; violation de la loi du 2 août 1868, abrogeant l'art. 1781, C. civ.; violation de l'art. 1351, C. civ., en ce que le jugement attaqué a autorisé la preuve testimoniale : 1 dans des conditions telles que le jugement faisait revivre la présomption de l'art. 1781, abrogé; 2o alors que cette admission de la preuve

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de 1868 lui-même, lorsqu'il rappelait que le droit commun suffit à résoudre, malgré les obstacles qui s'opposent à la preuve testimoniale, des milliers de contestations dont l'intérêt dépasse 150 fr., et auxquelles manquent la preuve écrite ou le commencement de preuve par écrit (Rapport de M. Mathieu, S. Lois annotées de 1868, p. 331, 2. col. - P. Lois, décr., etc. de 1868, p. 564). Mais admettons même, suivant une formule à la mode, qu'elle ait fait œuvre prétorienne (Cf. la note de M. Lyon-Caen, précitée; Demogue, Rev. trim. de dr. civ., 1911, p. 446-447), qu'elle ait assoupli, élargi la loi. Si cela est vrai, il faut reconnaître qu'elle l'a corrigée probablement mieux que ne l'aurait fait le législateur à sa place.

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On demandait au Parlement, en matière de contrat de travail, d'autoriser, à défaut d'écrit, la preuve testimoniale en tout cas, quelle que fût la valeur du litige (V. l'art. 8 du projet du gouvernement, rapproché de l'art. 7 du projet de la Société d'études législatives, Bull. de la Soc. d'ét. législ., 1906, p. 509). Cette réforme pouvait sembler trop radicale et par là même critiquable (V. les objections sérieuses >> signalées par C. Perreau, Bull. de la Soc. d'ét. législ., 1905, p. 508-509, 1906, p. 80-81). Il y a des hypothèses où le taux élevé des appointements, la nature délicate des services, la complexité du contrat, rendent la preuve testimoniale insuffisante ou même dangereuse, et où, dans l'usage, on rédige presque toujours un écrit. Il serait impolitique d'encourager la négligence en ouvrant si largement aux parties la preuve par témoins.

Le système de la Cour suprême, plus ingénieux et plus nuancé, s'adapte mieux aux exigences de la pratique. En laissant aux juges le soin d'apprécier, dans chaque espèce, la valeur du moyen tiré de la prétendue impossibilité morale (V. en faveur de ce pouvoir discrétionnaire attribué aux juges, outre les considérants de l'arrêt actuel, Cass. 27 mars 1907, précité. Non obstant, Cass. 25 juin 1900, S. et P. 1901.1.328; 13 avril 1910, précité. V. au surplus, dans le même sens, Chironi et Abello, loc. cit. V. cep., les observations faites à cet égard par M. Lyon-Caen dans sa note sous Cass. 27 mars 1907, précité; et la note sous Cass. 13 avril 1910, précité), elle leur permet de n'accueillir la preuve testimoniale qu'à bon escient, lorsqu'ils croiront devoir l'admettre Elle leur confère la liberté que, par ailleurs, leur accorde l'art. 109, C. comm. (V. Cass. 6 mars 1912, S. et P. 1912.1.216; Pand. pér., 1912.1.216, et la note). Elle réalise le vœu de la doctrine; elle étend au contrat de travail les franchises du droit commercial (Cf. Desjardins, loc. cit.).

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LOUIS HUGUENEY, Professeur à la Faculté de droit de Dijon.

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Sur le premier moyen: ...

Sur le deuxième moyen : (sans intérét);

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Sur le troisième moyen, pris dans ses deux branches : Attendu que, devant le tribunal, il était uniquement soutenu que le juge de paix ne pouvait, sans violer les dispositions de l'art. 1341, C. civ., autoriser les experts à entendre des témoins sur la demande reconventionnelle, dont le chiffre dépassait 150 fr.; Attendu que vainement le pourvoi fait grief à la décision attaquée d'avoir, en repoussant ces conclusions, faussement appliqué l'art. 1348 du même Code, et violé les autres textes invoqués; Attendu, en effet, qu'aux termes dudit article, la règle posée dans l'art. 1341 reçoit exception toutes les fois qu'il n'a pas été possible au créancier de se procurer une preuve littérale de l'obligation ⚫ qui a été contractée envers lui; - Attendu que cette exception ne s'entend pas seulement de l'impossibilité physique, mais de toute impossibilité morale, accidentelle ou momentanée, et qu'à cet égard, la loi a laissé aux tribunaux un pouvoir absolu d'appréciation; - Or, attendu que c'est à bon droit que le tribunal a considéré que la situation du maître à l'égard de ses serviteurs à gages ne lui permet guère de réclamer une quittance des gages qu'il a payés, une telle réclamation impliquant, dans les rapports de celui qui paie et de celui qui reçoit, une certaine défiance incompatible avec le caractère des relations qui doivent nécessairement s'établir entre

(1-2) La Cour de cassation, malgré les difficultés de procédure qui pouvaient s'élever avant la loi du 31 mars 1905 (S. et P. Lois annotées de 1905, p. 953; Pand. pér., 1905.3.126), avait déjà posé en principe, dans des termes identiques à ceux de l'arrêt ci-dessus, que la loi du 9 avril 1898 est applicable aux accidents du travail survenus, en territoire étranger, à des ouvriers embauchés en France, pour le compte d'exploitations ayant leur siège en France. V. Cass. 8 mai 1907 (S. et P. 1907.1.463; Pand. pér., 1907.1.272). Adde dans le même sens, Rennes, 22 déc. 1902 (motifs) (S. et P. 1907.2.217, et la note de M. Wahl; Pand. pér., 1908.2.248); Aubry et Rau, 5o éd., t. 5, p. 451 et 8., § 372 bis; Cabouat, Tr. des acc. du trav., t. 1o, n. 265; Sachet, Tr. de la législ. sur les acc. du trav., 5o éd., t. 1o, n. 250. La loi du 31 mars 1905, en réglant la compétence pour cette hypothèse, dans l'art. 15, § 6, modifié, de la loi du 9 avril 1898, paraît bien avoir mis hors de contestation cette solution. V. la note précitée de M. Wahl (n. I) sous Rennes, 22 déc. 1902, précité. La même règle doit être appliquée pour les accidents survenus dans les colonies où la loi de 1898 n'a pas été promulguée et n'est pas par suite applicable, le territoire de ces colonies devant, à ce point de vue, être assimilé à un territoire étranger. V. Rennes, 22 déc. 1902, précité, et la note (n. VII) de M. Wahl; adde, Sachet, op. cit., t. 1er, n. 250 bis. C'est ce que décide expressément l'arrêt ci-dessus.

le maître et le serviteur; Attendu que si, depuis la loi du 2 août 1868, le maître n'est plus cru sur son affirmation, comme sous l'empire de l'art. 1781, C. civ., il peut du moins prouver, soit par témoins, soit par présomptions graves, précises et concor dantes, les paiements qu'il a faits à ses serviteurs à gages, même au delà de 150 fr.; qu'en le décidant ainsi, le jugement attaqué, d'ailleurs motivé, n'a porté aucune atteinte au principe de l'autorité de la chose jugée par le tribunal de Gannat, le 28 juin 1908; d'où il suit que le ju gement entrepris ne viole aucun des textes ni des principes invoqués; - Rejette, etc. Du 1er mai 1911. Ch. req. MM. Tanon, prés.; Loubers, rapp.; Séligman, av. gén. (concl. conf.); Lefort, av.

CASS.-Civ. 10 mars 1913.

OUVRIER, ACCIDENTS DU TRAVAIL, RESPONSABILITÉ, LOI DU 9 AVRIL 1898, ACCIDENT SURVENU AUX COLONIES OU A L'ÉTRANGER, OUVRIER EMBAUCHÉ EN FRANCE, ENTREPRISE AYANT SON SIÈGE EN FRANCE, COMPÉTENCE (Rép., vo Responsabilité civile, n. 1471; Pand. Rép., vo Travail, n. 2302 et s.).

L'obligation que la loi du 9 avril 1898, dans un intérêt d'ordre public, impose aux chefs d'entreprise d'indemniser, dans la mesure qu'elle détermine, les ouvriers victimes d'accidents du travail, et à ceux-ci de ne se prévaloir d'aucunes autres dispo sitions, étant la conséquence nécessaire du contrat de louage de services intervenu entre les parties, la loi du 9 avril 1898 doit recevoir son application partout où s'exécute le contrat (1) (L. 9 avril 1898, art. 1er).

La question demeure toutefois ouverte de savoir si l'application de la loi de 1898 aux accidents survenus à l'étranger, et dans les colonies où cette loi n'a pas été promulguée, est subordonnée à la condition que l'ouvrier ait été embauché en France (V. en ce sens, Sachet, op. cit., t. 1o, n. 250; Cabouat, op. et loc. cit.), circonstance qui se rencontrait dans l'espèce des arrêts de Cass. 7 mai 1907, et de Rennes, 22 déc. 1902, précité, comme dans l'espèce de l'arrêt ci-dessus, ou s'il suffit que l'exploitation à laquelle l'ouvrier est attaché ait son siège en France, sans qu'il soit nécessaire que le contrat de louage de services ait été formé en France. V. en ce sens, la note de M. Wahl (n. VI) sous Rennes, 22 déc. 1902, précité. V. aussi, la note sous Cass. 8 mai 1907, précité; et BaudryLacantinerie et Wahl, Du lounge, 3° éd., t. 2, 2 part., n. 3394.

(3-4-5) Lorsque l'accident est survenu en territoire étranger, et il en faut dire de même pour le cas d'accident survenu dans une colonie où la loi du 9 avril 1898 n'est pas applicable (V. la note qui précède), le juge de paix compétent pour procéder à l'enquête et statuer sur les frais médicaux ou funéraires est, d'après l'art. 15, § 6, de la loi du 9 avril 1898, tel qu'il a été modifié par la loi du 31 mars 1905, celui du canton où est situé l'établissement ou le dépôt auquel est attachée la victime V. la note (n. VIII) de M. Wahl sous Rennes, 22 déc. 1902 (S. et P. 1907.2.217). Cette compétence entraîne également, par voie de con

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L'accident survenu, dans une colonie française où la loi de 1898 n'a pas été promulguée, à un ouvrier embauché en France, doit être considéré, en ce qui concerne la responsabilité du chef d'entreprise, comme s'étant produit en pays étranger (2) (Id.). Il en est de même en ce qui concerne la procédure à suivre; le juge de paix compétent est, en conséquence, en vertu de l'art. 15, § 6, de la loi du 9 avril 1898, modifié par la loi du 31 mars 1905, « celui du canton où est situé l'établissement ou le dépôt auquel est attachée la victime » (3) (LL. 9 avril 1898, art. 15; 31 mars 1905).

Et l'établissement ainsi visé est celui du siège social de l'entreprise (4) (Id.).

Si donc un accident est survenu dans une colonie française à un ouvrier embauché en France par une société y ayant son siège social, l'action en indemnité de cet ouvrier, formée au lieu du siège social, ne saurait être déclarée non recevable, sous le prétexte que la société n'aurait en France aucun établissement assujetti dont l'ouvrier aurait été détaché (5) (L. 9 avril 1898, art. 1er).

(Antipoul C. Hersent frères). ARRÊT. LA COUR; Vu l'art. 1er de la loi du 9 avril 1898; Attendu que l'obligation que la loi du 9 avril 1898, dans un intérêt d'ordre public, impose aux chefs d'entreprise, d'indemniser dans la mesure qu'elle détermine les ouvriers et employés victimes d'un accident du travail, et à ceuxci de ne se prévaloir contre leurs patrons d'aucune autre disposition légale, est la conséquence nécessaire du contrat de louage de services intervenu entre les parties; que, partout où s'exécute ce contrat, la loi de 1898 doit recevoir son application; que, si l'accident s'est produit en

séquence, la compétence, pour l'action en paiement de rente viagère, du tribunal de l'arrondissement où siège le juge de paix. V. la note précitée de M. Wahl, loc. cit.; et la note sous Cass. 8 mai 1907 (S. et P. 1907.1.468). C'est ce qui résulte implicitement de l'arrêt ci-dessus, puisqu'il s'agissait, dans l'espèce, de la demande en paiement de. rente.

Mais que faut-il entendre par l'établissement ou le dépôt auquel est attachée la victime ». Si l'on interprétait strictement ces expressions, il en résulterait que l'application de la loi de 1898 serait mise en échec, si l'établissement ou le dépôt étaient situés à l'étranger ou dans la colonie. Or, on ne peut imputer aux auteurs de la disposition de l'art. 15, § 6, d'avoir édicté une règle de compétence qui serait, dans la plupart des cas, dénuée d'efficacité, puisque, le plus souvent, l'ouvrier sera attaché à un établissement installé à l'étranger ou dans la colonie. Il ne peut guère être mis en doute que l'art. 15, § 6, a entendu parler d'un établissement situé en France; et il faut donc décider, comme le fait la Cour de cassation dans l'espèce ci-dessus, que c'est uniquement l'établissement en France qu'il faut envisager, en telle sorte que, l'ouvrier fût-il attaché à un établissement situé à l'étranger ou dans une colonie, l'action pourra être portée devant la juridiction compétente du siège social de l'entreprise en France. V. en ce sens, la note, in fine, de M. Wahl sous Rennes, 22 déc. 1902, précité.

territoire étranger, le juge de paix compétent, aux termes des art. 15 et 16 de ladite loi, est celui du canton où est situé l'établissement ou le dépôt auquel est attachée la victime; que l'accident, survenu dans une colonie française où la loi de 1898 n'a pas été promulguée, doit, en ce qui concerne la responsabilité des chefs d'entreprise et la procédure à suivre, être considéré comme s'étant produit en territoire étranger, et que l'établissement, que vise la loi du 31 mars 1905, est le siège social de l'entreprise; Attendu que l'arrêt attaqué constate qu'Antipoul, victime, à Dakar (Sénégal), le 13 nov. 1905, d'un accident qui l'aurait laissé atteint d'incapacité permanente, a été embauché en France, le 14 déc. 1904, par Hersent frères, gérants de la Société d'entreprise de travaux publics, dont le siège social est à Paris; qu'il le déclare irrecevable à invoquer le bénéfice de la loi du 9 avril 1898, par ce motif qu'Hersent frères n'auraient en France aucun établissement assujetti dont Antipoul aurait été détaché; qu'en statuant ainsi, ledit arrêt a violé l'article susvisé ; Casse l'arrêt rendu le 12 juill. 1910 par la Cour de Paris, etc.

Du 10 mars 1913. — Ch. civ. MM. Baudouin, ler prés.; Reynaud, rapp.; Lombard, av. gen. (concl. conf.); Jouarre et Aguillon, av.

CASS.-CIV. 5 mai 1913.

RETRAITES OUVRIÈRES ET PAYSANNES, LOI DU 5 AVRIL 1910, ASSURÉS OBLIGATOIRES, SALARIÉ ACCIDENTEL, RENTIÈRE, POUVOIR DU JUGE, APPRÉCIATION SOUVERAINE (Rép., vo Retraites ouvrières, n. 1 et s. ; Pand. Rép., vo Retraites et pensions, n. 1654 et s.).

Une demande à fin d'inscription sur la liste des assurés obligatoires, basée sur les art. 1er et 4 de la loi du 5 avril 1910, est à bon droit repoussée par les juges du fond, qui constatent souverainement que, si la demanderesse a été à différentes reprises domestique au service d'un maître, elle est devenue rentière plus de trois ans avant la mise en vigueur de la loi de 1910, et que la remuneration très minime qu'elle reçoit pour des travaux de broderie ou de ménage ne saurait changer sa condition de rentière (1) (L. 5 avril 1910, art. 1er et 4). (Dlle Petitjean C. Préfet de la Haute-Saône).

Par jugement du 19 mars 1913, le tribunal civil de Gray a confirmé en ces termes un jugement du juge de paix de Gy, du 5 mars 1913, qui avait refusé à Mile Petitjean l'inscription par elle de

(1) On s'accorde en général à reconnaître que les seuls salariés, visés par l'art. 1o de la loi du 5 avril 1910 comme rentrant dans la catégorie des assurés obligatoires, sont ceux qui, par profession, exécutent, pour le compte et sous la direction d'autrui, un travail rémunéré; autrement dit, il faut que le gain fourni par le travail ne soit pas accidentel, mais qu'il entre pour une proportion appréciable dans les ressources de l'intéressé. V. Sachet, Tr. de la législ. sur les retraites ouvrières et paysannes, n. 115 et 154; Pothémont, Législ. des

mandée sur la liste des assurés obligatoires : Le Tribunal; Attendu qu'aux termes de l'art. 1er de la loi du 5 avril 1910,

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les salariés des deux sexes de l'industrie, du commerce, des professions libérales et de l'agriculture, les serviteurs à gages, les salariés de l'Etat, qui ne sont pas placés sous le régime des pensions civiles ou des pensions militaires, et les salariés des départements et des communes, bénéficieront, dans les conditions déterminées par la présente loi, d'une retraite de vieillesse », à condition, pour tous, que le salaire ne dépasse pas 3.000 fr. ; que, suivant l'art. 4 de la même loi, l'allocation viagère de l'Etat n'est attribuée aux assurés de la période transitoire ayant au moins 35 ans accomplis que s'ils justifient qu'au moment de la mise en vigueur de la loi (3 juill. 1911), ils faisaient partie, depuis trois ans au moins, des catégories de l'art. 1er cidessus visé; Attendu qu'il ressort des documents et certificats produits tant devant le premier juge que devant le tribunal que l'appelante, âgée de 57 ans, étant née à Choye le 7 juin 1855, a été cuisinière chez Perrier, curé à Faucogney, de 1896 à 1902, et chez de Menthon, pendant un mois, en mai 1907; que, depuis plus de trois ans avant la mise en vigueur de la loi du 5 avril 1910, elle est rentière, ainsi qu'elle l'a formellement reconnu devant le juge de paix, et qu'elle a recueilli encore, il y a quelque temps, une somme de 7.000 fr. dans une succession; Attendu, il est vrai, que la demoiselle Petitjean effectue quelques travaux de broderie pour le compte des demoiselles Lambert de Velleclaire, mais qu'elle reçoit, de ce chef, une rétribution annuelle d'environ 60 fr. seulement, correspondant approximativement à deux journées de travail par mois; que ce fait, joint à celui, non établi d'ailleurs, qu'elle toucherait quelques gratifications de personnes qu'elle peut aider exceptionnellement dans la confection de repas, ne saurait changer sa situation de rentière, qui résulte des circonstances de la cause, ainsi qu'elle l'a reconnu d'ailleurs; que l'art. 1er de la loi du 5 avril 1910 ne s'applique qu'aux travailleurs, qui, par leur profession principale, leur situation économique habituelle, ont la condition de salarié; que la nature des occupations et des ressources de l'appelante est en contradiction avec la catégorie choisie par elle; qu'au surplus, ainsi que le faisait remarquer M. le conseiller Falcimaigne dans son rapport sur l'affaire ayant motivé l'arrêt du 27 févr. 1912 (S. et P. 1912.1. 329; Pand. pér., 1912.1.329), la loi du 5 avril 1910 comporte une interprétation restrictive, d'abord à raison des lourdes

retraites ouvrières et paysannes, n. 111, p. 72; Salain, Les retraites ouvrières et paysannes, 2o éd., n. 11, p. 77; Pinot et Comolet-Tirman, Tr. des retraites ouvrières, p. 32. V. aussi la note, 2, de M. Sachet, sous Cass. 27 févr. 1912 (S. et P. 1912. 1.329; Pand. pér., 1912.1.329). Et la question de savoir si un travailleur est habituellement salarié, et s'il doit par suite être considéré comme un assuré obligatoire, est une question de fait (V. Pinot et Comolet-Tirman, op. et loc. cit.), qui rentre dans le pouvoir d'appréciation des juges du fond,

charges qu'elle impose à la collectivité, et surtout parce qu'elle édicte des sanctions pénales à l'encontre des assujettis qui manqueraient à leurs obligations; qu'ainsi, la règle générale doit être la restriction du bénéfice de la retraite nouvelle aux seuls salariés qui réunissent, sans contestation possible, toutes les conditions requises; Par ces motifs, etc. ».

POURVOI en cassation par Mlle Petitjean. ARRÊT.

LA COUR; Attendu que le jugement attaqué constate que, si la demoiselle Petitjean (Catherine) a été domestique au service du sieur Perrier de 1896 à 1902, puis au service du sieur de Menthon, pendant un mois, en 1907, elle est devenue rentière, plus de trois ans avant la mise en vigueur de la loi du 5 avril 1910; qu'elle effectue, il est vrai, quelques travaux de broderie, mais qu'elle reçoit, de ce chef, une rémunération qui n'excède pas 60 fr. par an, correspondant à deux journées de travail par mois, et, que ce fait, joint à celui, non établi d'ailleurs, qu'elle toucherait quelques gratifications de personnes qu'elle peut aider exceptionnellement dans la préparation des repas, ne saurait changer sa condition de rentière, qui résulte des circonstances de la cause; Attendu que ces constatations sont souveraines, et qu'elles justifient la décision par laquelle les juges du fond ont refusé à la demoiselle Petitjean le bénéfice des art. 1 et 4 de la loi du 5 avril 1910, par le motif qu'elle n'avait pas la qualité de salariée; Rejette, etc.

Du 5 mai 1913. Ch. civ. MM. Baudouin, ler prés.; Cottignies, rapp.; Mérillon, av. gén. (concl. conf.).

CASS.-CIV. 8 juillet 1912. COMMUNAUTÉ CONJUGALE, EFFETS DE COMMUNAUTÉ, RECEL, DIVERTISSEMENT, MARI, LÉGATAIRE UNIVERSEL, RESTITUTION, DOT, RÉCEPTION, PREUVE, IMPOSSIBILITÉ DE PREUVE ÉCRITE, Dot constituÉE PAR UN tiers, PrésompTIONS, POUVOIR DU JUGE, PRÉSOMPTION LÉGALE DE L'ART. 1569, RÉGIME DOTAL (Rép., vo Communauté conjugale, n. 2090 et s., 2598 et s.; Pand. Rép., v Mariage, n. 5713 et s., 6684 et s. 8116 et s.).

Si le mari a, aux termes des art. 1421 et 1422, C. civ., le droit de disposer des biens de la communauté, il ne peut les détourner en fraude des droits de la femme (2) (C. civ., 1421, 1422).

Un détournement de cette nature tombe

seuls en mesure de décider, d'après les circonstances de la cause, si la qualité de salarié est purement accidentelle chez celui qui se prévaut de cette qualité pour demander son inscription sur la liste des assurés obligatoires. V. d'ailleurs, sur le pouvoir d'appréciation des juges du fond en matière de retraites ouvrières, la note de M. Ruben de Couder sous Cass. 7 mai 1913 (Infra, 1re part., p. 321).

(2) Si le mari, chef de la communauté, peut disposer des biens qui la composent (C. civ., 1421 et 1422), il ne peut les détourner en fraude des

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