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sous l'application des dispositions de l'art. 1477, C. civ. ; et la pénalité civile, prononcée par ce texte, atteint, après le décès du mari, ses héritiers ou légataires, alors du moins que ceux-ci, connaissant le divertissement commis par leur auteur, n'ont pas spontanément déclaré les objets divertis ou recélés (1) (C. civ., 1477).

En conséquence, les juges du fond, après avoir constaté, d'une part, que le mari a frauduleusement détourné des valeurs dépendant de la communauté, dans le but de frustrer sa femme d'une partie de ses droits, et, d'autre part, qu'après le décès du mari, le légataire universel de celui-ci a omis sciemment de déclarer les effets divertis, font à bon droit application au légataire universel des dispositions de l'art. 1477, C. civ. (2) (Id.).

La femme n'est admise à réclamer la restitution de la dot qu'à charge de prouver qu'elle en a reçu le montant (3) (C. civ., 1315).

Mais, à défaut de stipulations particulières du contrat de mariage, elle peut, dans le cas où la dot a été promise par un tiers, en établir le paiement, à l'encontre du mari ou de ses héritiers, à l'aide de

droits de la femme, et celle-ci peut, lors de la liquidation, faire porter à l'actif de la communauté les valeurs qu'elle justifie avoir été frauduleusement dissimulées ou diverties par le mari au cours de son administration. V. Cass. 11 nov. 1895 (S. et P. 1896.1.281, la note de M. Houpin et les renvois; Pand. pér., 1897.1.217). Mais là ne se bornent pas les droits de la femme; suivant une doctrine et une jurisprudence constantes, la pénalité de l'art. 1477, O. civ., est applicable à l'époux coupable d'actes de recélé, antérieurs à la dissolution du mariage, accomplis en vue de cette dissolution. V. les renvois de la note sous Casa. 15 nov. 1911 (S. et P. 1912.1.111; Pand. pér., 1912.1.111). Par suite, la femme peut demander que le mari soit privé de sa part dans les effets par lui divertis ou recélés au cours du mariage.

La femme peut-elle faire valoir le même droit vis-à-vis des héritiers du mari? L'affirmative n'est pas douteuse. On admet, en effet, que l'action à laquelle donne lieu le divertissement ou recel, constituant une action civile en réparation du préjudice causé à l'époux lésé, peut être exercée contre l'héritier ou le légataire de l'époux coupable. V. Paris, 24 juin 1848 (S. 1843.2.331. — P. 1843.2.179), et, sur pourvoi, Cass, 4 déc. 1844 (S. 1845.1.191); Cass. 11 nov. 1895, précité, et la note de M. Houpin; adde, Aubry et Rau, 4° éd., t. 5, p. 429, § 319; Laurent, Princ. de dr. civ., t. 23, n. 35; Huc, Comment. du C. civ., t. 9, n. 326; Planiol, Tr. élém. de dr. civ., 5e éd., t. 8, n. 1326; Guillouard, Contr. de mar., t. 3, n. 1364; Baudry-Lacantinerie, Le Courtois et Surville, Id., 3° éd., t. 2, n. 1168; Rodière et Pont, Id., t. 2, n. 1104; notre C. civ. annoté, par Fuzier-Herman et Darras, sur l'art. 1477, n. 1 et s., et Suppl., par Griffond, eod. loc., n. 3; et notre Rép. gén. du dr. fr., v Communauté conjugale, n. 2090 et s.; Pand. Rép., v Mariage, n. 5713 et s.

Cependant, d'après l'opinion dominante, l'héritier ou le légataire peuvent exciper de leur bonne foi, lorsqu'ils ont spontanément offert de restituer avant toute poursuite. V. la note de M. Houpin et les renvois sous Cass. 11 nov. 1895, précité; adde, Rouen, 20 févr. 1897 (S. et P. 1899.2.241); Baudry-Lacantinerie, Le Courtois et Surville, op.

simples présomptions, même en l'absence de tout commencement de preuve par écrit (4) (C. civ., 1348).

En effet, dans cette hypothèse, la femme demeurant étrangère à la réception de la dot et n'ayant pas, dès lors, légalement la possibilité de se procurer la preuve écrite de ce fait, est fondée à se prévaloir des dispositions de l'art. 1348, C. civ. (5) (Id.). Et cette règle s'applique aussi bien au régime de la communauté qu'au régime dotal (6) (C. civ., 1499, 1502, 1569).

Spécialement, lorsque les juges du fond, pour accueillir la demande formée par une veuve, mariée sous le régime de la communauté d'acquêts, contre la légataire universelle de son mari, en reprise de la dot en argent qui lui avait été constituée par sa mère, se sont fondés, d'une part, sur ce qu'il résultait du contrat de mariage que la dot devrait être versée aussitôt après la célébration du mariage, et, d'autre part, sur ce que, depuis cet événement, et durant une période de trente années, le mari n'avait jamais formulé de réclamation au sujet de la dot, leur déclaration que cette dernière circonstance constituait « une présomption grave et décisive de paiement

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(1-2) V. la note qui précède.

(3 à 7) La femme n'est, en principe, admise à réclamer la restitution de sa dot qu'à charge de prouver que son mari l'a reçue. V. la note sous Cass. 26 avril 1909 (S. et P. 1912.1.514; Pand. pér., 1912.1.514), et les renvois; Aubry et Rau, 4 éd., t. 5, p. 625, § 540; Baudry-Lacantinerie, Le Courtois et Surville, Contr. de mar., 3o éd., t. 3, n. 1888. C'est là l'application d'une règle de droit commun en matière de preuve (C. civ., 1315), et qui, faute d'un texte contraire, s'impose à la femme, sous quelque régime que les époux soient mariés.

Mais à l'aide de quels moyens la femme peutelle faire cette justification? En ce qui concerne la femme dotale, on fait généralement une distinction. S'agit-il pour elle de prouver la réception d'une dot qu'elle s'est constituée elle-même, la preuve doit être faite, au-dessus de 150 fr., conformément au droit commun (C. civ., 1341, 1348), c'est-à-dire par un écrit, ou par un commencement de preuve par écrit, complété à l'aide de présomptions ou de la preuve testimoniale. V. Caen, 23 oct. 1907 (S. et P. 1909.2.286; Pand. pér., 1909.2. 286), et les renvois; adde, la note, 9o col., de M. Wahl sous Cass. 28 oct. 1908 (S. et P. 1911. 1.89; Pand. pér., 1911.1.89). S'agit-il, au contraire, d'une dot constituée à la femme par un tiers, la preuve de la remise au mari peut être faite par tout mode de preuve. V. la note, 10° col., de M. Wahl sous Cass. 28 oct. 1908, précité, avec les renvois. Adde, Aubry et Rau, loc. cit.; Planiol, Tr. élém. de dr. civ., 5o éd., t. 3, n. 1644; Rodière et Pont, Contr. de mar., t. 3, n. 1917; Guillouard, Id., t. 4, n. 2131; Baudry-Lacantinerie, Le Courtois et Surville, op. cit., t. 8, n. 1899, p. 742; et notre Rép. gen. du dr. fr., vo Dot, n. 2689; Pand.

est souveraine (7) (C. civ., 1315, 1353).

Il importe peu qu'ils aient puisé un argument d'analogie dans l'art. 1569, C. civ., qui édicte au profit de la femme dotale une présomption de paiement de la dot après dix années écoulées depuis l'échéance fixée pour son versement, s'ils n'ont point basé leur décision sur ce texte, qu'ils ont même déclaré expressément n'être applicable qu'au régime dotal (8) (C. civ., 1569).

(Epoux Cheveau C. Vve Minguin).

M. Minguin, qui avait épousé en 1875 Mile Puchalsky, est décédé en 1906, ayant institué pour sa légataire universelle Mme Cheveau. Aux termes du contrat de mariage des époux Minguin, portant adoption du régime de la communauté réduite aux acquêts, Mme Puchalsky, mère de la future, avait constitué en dot à celle-ci une somme de 6.000 fr., s'obligeant à

livrer à la future épouse, sa fille, entre les mains du futur époux, savoir : 1.900 fr. en meubles meublants et effets mobiliers, et 5.000 fr. en argent comptant ou en valeurs au porteur au cours du jour du mariage, au choix de la donatrice ». L'état

Rép., vo Mariage, n. 11363 et s. La raison en est que, la dot étant, dans ce dernier cas, versée directement au mari, qui a seul qualité pour la recevoir (C. civ., 1549), la femme s'est trouvée dans l'impossibilité morale de se procurer une preuve écrite du versement (C. civ., 1848). V. la note précitée de M. Wahl. La distinction ainsi faite reposant sur l'application des règles du droit commun en matière de preuve, il n'y a pas de raison, par suite, pour ne pas l'étendre aux autres régimes, et notamment au régime de la communauté (V. en ce sens, Caen, 10 janv. 1855, S. 1855.2.273. — P. 1855.1.138), et au régime de la communauté réduite aux acquêts, lorsqu'il s'agit des rapports entre les époux ou leurs héritiers, les règles restrictives tant de la preuve des apports de la femme que de leur versement au mari, édictées par les art. 1499 et 1510, C. civ., et 563, C. comm., ne pouvant être invoquées par l'un des conjoints ou ses héritiers à l'encontre de l'autre conjoint ou de ses héritiers. V. Cass. 1er août 1910 (S. et P. 1911.1.319; Pand. pér., 1911.1.319); Nancy, 1er juill. 1911 (S. et P. 1912.2.55; Pand. pér., 1912.2.55), et les renvois.

(8) L'art. 1569, C. civ., qui autorise la femme dotale, après dix ans écoulés depuis l'échéance fixée pour le paiement de la dot, à en exiger la restitution, sans avoir à prouver que le mari l'a reçue, est une dérogation au droit commun, et ne peut, par suite, ¡être appliqué sous le régime de communauté. V. Dijon, 11 mai 1888 (S. 1888.2.239.

P. 1888.1.1241), et les renvois. Adde, BaudryLacantinerie, Le Courtois et Surville, Contr. de mar., t. 3, n. 1892; notre C. civ. annoté, par FuzierHerman et Darras, sur l'art. 1428, n. 18; et notre Rép. gén. du dr. fr., verb. cit., n. 2713; Pand. Rép., verb. cit., n. 11369. Mais les juges, qui peuvent retenir de simples présomptions pour établir la preuve de la réception par le mari d'une dot constituée par un tiers à la femme mariée sous le régime de la communauté (V. la note qui précède) ne méconnaissent pas ce principe, lorsque, tirant une présomption de versement du long temps écoulé depuis le mariage sans réclamation de la part du mari, ils invoquent, simplement à titre d'analogie, la disposition de l'art. 1569.

Le

liquidatif de la communauté MinguinPuchalsky, dressé après le décès de M. Minguin, a fait de la part de sa veuve l'objet de plusieurs contestations, qui ont été portées devant le tribunal de Saumur. Mine veuve Minguin a demandé notamment 1 qu'il fût rétabli à l'actif de la communauté deux sommes de 23.699 fr. 30 et de 10.543 fr. 65, provenant de la vente, en 1903 et en 1905, de différentes valeurs que M. Minguin avait diverties à son profit, et dont il devait être privé, par application de l'art. 1477, C. civ.; 2o que, parmi ses reprises, figurat la somme de 5.000 fr., qui lui avait été constituée en dot par sa mère en argent ou en valeurs, et que le notaire liquidateur n'avait pas fait figurer, sous le prétexte qu'il n'était pas établi que le mari eût reçu cette somme. Ces deux rectifications ont été admises par jugement du 30 nov. 1907, ainsi conçu : Tribunal; - En ce qui concerne les deux premiers contredits, relatifs à l'aliénation par le mari sans remploi de deux valeurs de la communauté, l'une de 23.699 fr. 30, l'autre de 10.543 fr. 65: Attendu que ces aliénations, aux dates et dans les conditions indiquées par la demanderesse, ainsi que le défaut de remploi par le mari, résultent suffisamment des documents de la cause; qu'ils ne sont pas d'ailleurs autrement contestés par les défendeurs, qui se bornent à alléguer qu'aucune justification n'est apportée à l'appui de la fraude invoquée contre les droits de la femme; Attendu que, s'il était établi que le mari a fait disparaître les valeurs dans un but d'hostilité vis-à-vis de sa femme, et pour la frustrer, lors de la dissolution de la communauté, de son droit de reprise sur ces valeurs, ces dernières devraient, sans nul doute, être rétablies dans l'actif de la communauté, et qu'en outre, suivant les dispositions de l'art. 1477, C. civ., le mari devrait être privé de sa portion dans lesdites valeurs; Attendu que cette privation ne constitue pas une pénalité ayant un caractère exclusivement personnel, mais bien plutôt la réparation du dommage causé, et qu'à ce titre, les héritiers ou légataires universels de l'époux doivent l'encourir du chef de leur auteur; - Attendu que, dès l'année 1903, date de l'aliénation des valeurs autrichiennes, il est démontré, par les pièces versées aux débats, que les époux Minguin vivaient en mauvaise intelligence, et qu'il est inutile à cet égard de recourir à un plus ample informé; qu'en déshéritant par testament sa femme de son usufruit légal, Minguin a affirmé de façon indiscutable son aversion à l'égard de celle-ci; qu'il est donc certain qu'en soustrayant à la communauté de pareilles sommes, sa préoccupation unique a été de diminuer, autant qu'il le pouvait, les reprises de son épouse; qu'il est impossible d'y assigner un autre motif plausible, et notamment d'admettre, ainsi qu'il a été plaidé, que le montant de ces ventes a pu servir à payer les dépenses occasionnées par des frais exceptionnels ou de maladie; Attendu, en effet, que les époux Minguin ont toujours mené une existence des plus simples, des plus économes; qu'il n'apparait pas

qu'un événement, susceptible d'occasionner d'aussi forts déboursés, ait traversé leur vie à un moment quelconque; Attendu que l'esprit de fraude est encore plus flagrant en ce qui concerne la seconde aliénation, qui a eu lieu quelques mois seulement avant le décès du mari; Attendu, en conséquence, qu'il y a lieu de faire figurer les deux sommes à l'actif de communauté, et d'en priver les époux Cheveau, ces valeurs ayant été détournées ou diverties par leur auteur;

En ce qui concerne les reprises de Mme Minguin: Attendu, relativement à la dot de 5.000 fr., constituée par sa mère, Mme Puchalsky, qu'il résulte du contrat de mariage, dressé le 1er avril 1875, que cette dot était payable sans terme, et qu'en admettant que le mari ne l'ait pas reçue au commencement du mariage, il lui appartenait de la faire rentrer, en sa qualité d'administrateur des biens de sa femme;

Attendu qu'il n'est pas justifié que, pendant les trente années qu'a duré la communauté, le mari ait fait aucune diligence à cet égard, ou qu'il ait formulé quelque réclamation, ce qui implique qu'il n'avait point à en faire; que c'est d'ailleurs le lieu d'appliquer, au profit de la femme, la présomption de l'art. 1569, C. civ., et de l'admettre, en conséquence, à exercer la reprise de cette dot mobilière;... Par ces motifs, etc. ».

-

Sur appel des époux Cheveau, la Cour d'Angers a confirmé par un arrêt du 28 juill. 1908, ainsi conçu : « La Cour; En ce qui touche le divertissement des valeurs de communauté (23.699 fr. 30 et 10.543 fr. 65): - Adoptant les motifs des premiers juges; Et attendu que les circonstances de fait par eux relevées démontrent, non seulement une intention de fraude, mais un divertissement frauduleux, définitivement consommé avant la mort du sieur Minguin; que la répétition de deux ventes de titres russes et autrichiens à trois années d'intervalle, et l'impossibilité d'admettre pour la dernière (qui n'a précédé la mort que de deux mois) des dépenses extraordinaires, établissent que ces deux actes ont le même caractère frauduleux; qu'ainsi, Minguin a fait disparaître le tiers de l'émolument de la communauté; - Attendu que l'art. 1477, C. civ., prive celui des époux qui a diverti ou récélé des effets de communauté de sa portion dans cesdits effets; Attendu que le jugement a, avec raison, considéré que cette disposition ne constitue pas une pénalité ayant un caractère personnel, mais plutôt la réparation d'un dommage causé; qu'à ce titre, les héritiers de l'époux décédé doivent l'encourir du chef de leur auteur; que, dans l'opinion contraire, on arriverait à ce résultat inadmissible que, si l'époux qui a commis le divertissement est décédé, l'héritier profitera du produit de la fraude, ou tout au moins l'acte frauduleux n'aura pas de sanction; - Attendu que la dame Cheveau, légataire universelle de Minguin, représente ce dernier; qu'à ce titre, la veuve Minguin est fondée à lui opposer tous les moyens opposables à son auteur; que, sans doute, l'art. 1422, C. civ., permet au mari, administrateur de la com

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munauté, de disposer à titre gratuit des effets mobiliers, mais pourvu que ce soit sans fraude; que l'art. 1167, C. civ., permettrait encore à la veuve d'atteindre les actes frauduleux; Attendu qu'il résulte des documents de la cause que la dame Cheveau a omis sciemment, dans les diverses occasions qu'elle a eues d'être sincère, de déclarer les valeurs détournées;

En ce qui touche la reprise par la dame Minguin de la partie de sa dot constituée à son profit en argent par sa mère : Adoptant également les motifs des premiers juges; Et attendu qu'il n'est pas contesté que la remise des meubles meublants, portion de la même dot, a été effectuée au mari aussitôt le mariage; que le contrat de mariage (art. 5) indique, par sa rédaction, qu'il devait en être dé même de la dot en argent ou valeurs; Attendu que, si l'art. 1569 est spécial au régime dotal, et dispense la femme, après dix ans écoulés depuis l'échéance du terme pris pour le paiement de la dot, de prouver que le mari a reçu la dot, la circonstance que trente années se sont, en l'espèce, écoulées, sans réclamation du mari relativement à la dot, constitue une présomption grave et décisive des paiements;... Par ces motifs, etc. ».

veau.

POURVOI en cassation par les époux Che- 1er Moyen. Violation des art. 1149, 1421, 1422 et 1477, C. civ., 7 de la loi du 20 avril 1810, et défaut de base légale, en ce que l'arrêt attaqué applique les peines du recel, édictées par l'art. 1477, à l'héritier d'un mari prétendu recéleur, alors que l'arrêt, d'une part, ne constate pas les éléments constitutifs du recel, c'est-à-dire la dissimulation des biens faisant partie de la masse commune, mais seulement la disposition par le mari de biens de la communauté, et alors, d'autre part que, s'agissant pour l'héritier d'un préjudice à réparer à l'égard de la femme, à raison de l'administration du mari, cet héritier ne pouvait être condamné à payer une somme double de la perte éprouvée et du gain manqué par la femme.

2o Moyen. Violation des art. 1315, 1341, C. civ., par fausse application de l'art. 1569 du même Code, de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, et défaut de base légale, en ce qu'appliquant au régime de communauté l'art. 1569, qui déroge au droit commun pour le régime dotal, l'arrêt attaqué dispense une femme commune, réclamant restitution de sa dot, de l'obligation de rapporter une preuve légale du paiement de cette dot au mari.

ARRÊT.

LA COUR; Sur le premier moyen : Attendu que, si le mari a, aux termes des art. 1421 et 1422, C. civ., le droit de disposer des biens de la communauté, il ne peut les détourner en fraude des droits de la femme; qu'un détournement de cette nature tombe sous le coup des dispositions de l'art. 1477, C. civ., et que la pénalité civile prononcée par ce texte atteint, après le décès du mari, ses héritiers ou légataires, alors du moins que ceux-ci, connaissant le divertissement commis par leur

auteur, n'ont pas spontanément déclaré les objets divertis ou recélés; Attendu que l'arrêt attaqué constate, d'une part, que Minguin a frauduleusement détourné des valeurs dépendant de la communauté, dans le but de frustrer sa femme d'une partie de ses droits, et, d'autre part, qu'après le décès dudit Minguin, la dame Cheveau, sa légataire universelle, a sciemment omis de déclarer les effets divertis; qu'en présence de ces constatations, c'est à bon droit que l'arrêt attaqué a, relativement aux valeurs litigieuses, fait application à la dame Cheveau des dispositions de l'art. 1477, précité; qu'en statuant ainsi, il n'a violé aucune loi;

Sur le deuxième moyen: Attendu que la femme n'est admise à réclamer la restitution de la dot qu'à charge de prouver que le mari en a reçu le montant; mais qu'à défaut de stipulations particulières du contrat de mariage, elle peut, dans le cas où la dot a été promise par un tiers, en établir le paiement, à l'encontre du mari ou de ses héritiers, à l'aide de simples présomptions, même en l'absence de tout commencement de preuve par écrit ; qu'en effet, dans cette hypothèse, la femme, demeurant étrangère à la réception de la dot, et n'ayant pas, dès lors, légalement la possibilité de se procurer la preuve écrite de ce fait, est fondée à se prévaloir des dispositions de l'art. 1348, C. civ.; et que cette règle s'applique aussi bien au régime de la communauté qu'au régime dotal; Attendu que, dans le litige engagé entre la dame Puchalsky, veuve de Pierre Minguin, avec lequel elle était mariée sous le régime de la communauté, et la dame Cheveau, légataire universelle de ce dernier, la Cour d'Angers, pour accueillir la demande de la veuve Minguin, en reprise d'une somme de 5.000 fr., montant de la dot en argent à elle constituée par sa mère, s'est fondée, d'une part, sur ce qu'il résultait du contrat de mariage que cette somme devait être soldée aussitôt après la célébration du mariage, et, d'autre part, sur ce que, depuis cet événement, et durant une période de trente années, le mari n'avait jamais formulé de réclamation au sujet de la dot; Attendu que ladite Cour, en déclarant que cette dernière circonstance constituait « une présomption grave et décisive de paiement», n'a fait qu'user du pouvoir souverain d'appréciation qui lui appartenait, et a donné une base légale à sa décision, et que, si elle a puisé un argument d'analogie dans l'art. 1569, C. civ., elle n'a nullement, comme le soutient le pourvoi, fondé sa décision sur ce texte,

(1) Au nombre des fraudes qu'il prévoit, l'art. 1er de la loi du 28 juill. 1824 punit, suivant l'opinion dominante, l'apposition par un fabricant de son nom sur un objet fabriqué par un autre (V. Paris, 9 août 1894, S. et P. 1895.2.278, et la note de M. Lallier), notamment par substitution de son nom à celui du fabricant. V. Paris, 9 août 1894, précité; Pouillet, Tr. des marques de fabr. et de la concurrence déloyale, 5o éd., par Taillefer et Claro, n. 418 ter. Mais encore faut-il, pour que cette substitution constitue l'usurpation de nom, et puisse donner lieu à une action civile en dommages-intérêts, que l'objet sur lequel

qu'elle déclarait même expressément n'être applicable qu'au régime dotal; D'où il suit qu'en statuant comme il l'a fait, l'arrêt attaqué n'a violé aucun des textes visés dans le second moyen; - Rejette, etc. MM. Bau

Du 8 juill. 1912. Ch. civ. douin, 1er prés.; Rau, rapp.; Lombard, av. gén. (concl. conf.); Mornard et Chabrol,

av.

CASS.-REQ. 15 mai 1912.

NOM ET PRÉNOMS, NOM COMMERCIAL, USURPATION, FABRICANT, SUBSTITUTION DE NOM, VOITURE, TRANSFORMATION, ACTION EN DOMMAGES-INTÉRÊTS, CONCURRENCE DÉLOYALE (Rép., vo Nom [et prénoms], n. 183 et s.; Pand. Rép., vo Nom commercial, n. 217 et s.).

Les juges du fond, qui constatent que, par suite des transformations qu'un commerçant a fait subir à une voiture qu'il avait achetée, celle voiture ne peut plus être considérée comme un objet exclusivement fabriqué par le constructeur originaire, qu'elle a perdu, tout au moins, le type caractéristique que son auteur lui avait donné, et que, d'ail leurs, l'acheteur s'est borné à substituer son nom à celui du fabricant sur le chapeau des roues, adapté aux essieux qu'il a dù remplacer, repoussent à bon droit l'action en dommages-intérêts, intentée par le fabricant contre cet acquéreur, pour infraction à la loi du 28 juill. 1824 et concurrence déloyale (1) (C. civ., 1382; L. 28 juill. 1824, art. 1er).

(Gailly C. Fourgeaud).

La Cour d'Alger avait rendu, le 2 mai 1911, un arrêt ainsi conçu ::- La Cour;...

- Attendu que l'interdiction de la loi du 28 juill. 1824 vise le fait, soit d'apposer, soit de faire apparaître par addition, retranchement ou par une altération quelconque, sur des objets fabriqués, le nom d'un fabricant autre que celui qui en est l'auteur; Attendu que, par suite de transformations que Fourgeaud a fait subir à la voiture fabriquée par Gailly, qu'il avait achetée du sieur Coutaya, et qu'il a revendue ensuite au sieur Carré, transformations qui sont établies par le procèsverbal de l'huissier Beausse, du 7 oct. 1909, enregistré, cette voiture ne pouvait plus être considérée comme un objet exclusivement fabriqué par Gailly; qu'elle avait, en partie tout au moins, perdu le type caractéristique que son auteur lui avait donné; que, dès lors, en substituant

est apposé le nom d'un autre que celui du fabricant soit bien demeuré le même, au moins dans ses éléments essentiels, que celui sur lequel le fabricant avait placé son nom. Or, dans l'espèce, il résultait des constatations des juges du fait que la voiture achetée d'occasion avait été complètement transformée, qu'elle avait perdu le type caractéristique que lui avait donné son fabricant, en telle sorte que l'on se trouvait en présence d'une voiture toute différente de celle qui était sortie des mains du fabricant originaire, et qu'il n'y avait pas eu usurpation de nom dans le fait par l'acheteur d'avoir fait apparaître son nom sur des

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POURVOI en cassation par M. Gailly. Moyen unique. Violation des art. 1er de la loi du 28 juill. 1824, 1382, C. civ., et 7 de la loi du 20 avril 1810, manque de base légale, en ce que la Cour a déclaré licite, et non susceptible de donner ouverture à une action en dommages-intérêts, le fait, par un fabricant, d'acheter d'occasion un objet fabriqué par un concurrent, et, après avoir fait subir à cet objet une transformation quelconque, de substituer, sur cet objet ainsi modifié, son propre nom à celui du fabricant, qui y figurait auparavant.

-

ARRÊT.

LA COUR; Sur l'unique moyen du pourvoi : Attendu que les juges du fond ont constaté que, par suite des transformations que Fourgeaud avait fait subir à la voiture fabriquée par Gailly, qu'il avait achetée du sieur Coutaya, et qu'il avait revendue ensuite au sieur Carré, cette voiture ne pouvait plus être considérée comme un objet exclusivement fabriqué par Gailly; qu'elle avait perdu tout au moins le type caractéristique que son auteur lui avait donné; que Fourgeaud s'était borné à substituer son nom à celui de Gailly sur le « chapeau des roues », adapté aux essieux qu'il avait dù remplacer; Attendu qu'en l'état de ces constatations, l'arrêt attaqué, qui est motivé, a, sans violer aucun des textes visés au pourvoi, rejeté à bon droit la demande de Gailly; Rejette, etc. Ďu 15 mai 1912. - Ch. req. MM. Tanon, prés.; Birot-Breuilh, rapp.; Blondel, av. gén. (concl. conf.); Auger, av.

CASS.-REQ. 4 décembre 1912. BAIL (EN GÉNÉRAL), PERTE DE LA CHOSE, PERTE PARTIELLE, PERTE TOTALE, INCENDIE, RÉSILIATION, POUVOIR DU JUGE, APPRECIATION SOUVERAINE, MOTIFS IMPLICITES (Rép., v Bail [en général], n. 2174; Pand. Rép., v Bail en général, n. 1171).

Il appartient aux juges du fond d'appré cier, d'après les circonstances de la cause,

pièces qu'il avait dû remplacer. Dans ces condi- . tions, le délit prévu et puni par la loi du 28 juill. 1824, n'était pas caractérisé, et l'action civile en dommages-intérêts basée sur ce délit ne pouvait être accueillie. On ne pouvait davantage considérer le fait incriminé comme acte de concurrence déloyale, puisque la transformation de la voiture avait été de telle nature que la voiture avait perdu les caractères qui auraient révélé son origine, en telle sorte qu'il ne pouvait naître, de l'apposition du nom du défendeur sur la voiture, aucune confusion avec les types de voitures créés par le demandeur.

si les détériorations de la chose louée la rendent inapte à remplir sa destination, et présentent ainsi le caractère d'une perte totale ou simplement partielle (1) (C. civ., 1722, 1741).

Il leur appartient, par suite, par une appréciation souveraine, qui échappe au contrôle de la Cour de cassation, de décider, après un incendie qui a détruit le premier et le deuxième étages ainsi que la toiture d'une maison, qu'il y avait lieu de prononcer la résiliation du bail (2) (Id.).

Ce motif implique suffisamment que la destruction de la chose, quoique partielle, était, eu égard à sa destination, asses grave pour équivaloir à la perte totale (3) (C. civ., 1722, 1741; L. 20 avril 1810, art. 7).

(Pillet C. de Monti-Rossi).

A la suite d'un incendie survenu dans une maison donnée à bail par M. de MontiRossi à M. Pillet, incendie qui avait détruit le premier et le second étages et la toiture, ne laissant intacts que le rez-de-chaussée et les quatre murs, M. de Monti-Rossi, bailleur, a assigné M. Pillet devant le tribunal civil de Calvi en 6.000 fr. de dommages-intérêts et en résiliation du bail. Cette demande a été repoussée par un jugement du 28 juill. 1910, décidant que l'incendie était dû à un vice de construction. -- Mais, sur appel de M. de Monti-Rossi, la Cour de Bastia, reconnaissant que la responsabilité de l'incendie incombait au locataire, a infirmé, par arrêt du 8 mai 1911, a condamné M. Pillet à 2.500 fr. de dommages-intérêts, et a prononcé la résiliation du bail, avec expulsion, si besoin était, du preneur.

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(1-2-3) En cas de perte totale de la chose louée, le bail est résolu de plein droit, faute d'objet (C. civ., 1722, 1741); et le droit de se prévaloir de cette résolution appartient au bailleur comme au preneur. V. Poitiers, 19 févr. 1894 (S. et P. 1894.2.201, et la note, 6o col., de M. Surville, avec les renvois; Pand. pér., 1894.2.335). Au contraire, en cas de perte partielle, le bail n'est pas résolu de plein droit; l'art. 1722 accorde au preneur une option entre la résiliation ou la continuation avec diminution de prix. Mais, bien que la chose ne soit pas détruite entièrement, il y a, suivant l'opinion généralement admise, perte totale, si elle ne peut plus remplir sa destination. V. Aubry et Rau, 4° éd., t. 4, § 369, p. 495, et 5o éd., t. 5, 2369, p. 344; Laurent, Princ. de dr. civ., t. 25, n. 410; Planiol, Tr. élém. de dr. civ., 5o éd., t. 2, n. 1734; Troplong, Échange et louage, t. 1, n. 231; Guillouard, Louage, t. 1o, n. 392; et notre Rép. gén. du dr. fr., v Bail (en général), n. 2174; Pand. Rép., Bail en général, n. 1171. V. cep., Baudry

dudit immeuble, sans en donner aucun motif, basé, soit sur le fait de n'en avoir pas joui en bon père de famille, soit sur la perte de la chose louée, mettant ainsi la Cour de cassation dans l'impossibilité d'exercer son contrôle.

ARRÊT.

LA COUR; Sur le moyen unique du pourvoi Attendu qu'il appartient aux juges du fond d'apprécier, d'après les circonstances de la cause, si les détériorations de la chose louée la rendent inapte à remplir sa destination, et présentent ainsi le caractère d'une perte totale ou simplement partielle; - Attendu qu'après avoir constaté qu'un incendie, qui s'était déclaré le 12 févr. 1910 dans une maison à usage d'habitation, donnée à bail au demandeur par le défendeur éventuel, avait entièrement détruit les premier et deuxième étages, ainsi que la toiture, l'arrêt attaqué a pu, par une appréciation, souveraine, qui échappe au contrôle de la Cour de cassation, dire qu'en l'état des choses actuel, il y avait lieu de prononcer la résiliation du bail; que ce motif implique suffisamment que la destruction de la chose, quoique partielle, était, eu égard à sa destination, assez grave pour équivaloir à la perte totale; D'où il suit que l'arrêt attaqué, qui est régulièrement motivé, n'a ni violé ni faussement appliqué les textes visés au pourvoi; Rejette, etc. Du 4 déc. 1912. Ch. req. MM. le cons. Lardenois, prés. ; Feuilloley, rapp.; Blondel, av. gén. (concl. conf.); Aguillon, av.

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CASS.-REQ. 3 février 1913. EXPERT-EXPERTISE, CONVOCATION DES PARTIES (DÉFAUT DE), NULLITÉ, DÉFENSE (DROITS DE LA) (Rép., v° Expertise, n. 315 et s.; Pand. Rép., vo Expert-Expertise, n. 458 et s., 885 et s.).

Si les art. 315 et s., C. proc., prescrivent, en matière d'expertise, certaines formalités, notamment la convocation des parties pour

Lacantinerie et Wahl, Louage, 3° éd., t. 1er, n. 527. Ainsi, il a été jugé que l'incendie, qui a détruit dans son objet principal la chose louée, a pour effet de résoudre le bail, alors que le surplus de l'immeuble doit être considéré comme un simple accessoire. V. Nancy, 9 août 1849 (S. 1851. 2.129. P. 1850.2.395); Metz, 25 juill. 1855 (P. 1857.960); Riom, 24 août 1868 (motifs), sous Cass. 9 nov. 1869 (S. 1870.1.60. - P. 1870.181); Trib. de Tours, 7 mars 1905 (Gaz. Pal., 1905.1. 568); et la note sous Cass. 19 juill. 1876 (S. 1877. 1.53. P. 1877.119). C'est d'ailleurs aux juges du fond qu'il appartient d'apprécier souverainement si les détériorations subies par l'immeuble loué présentent le caractère d'une perte totale ou partielle. V. Cass. 16 nov. 1898 (S. et P. 1900.1. 20; Pand. pér., 1900.1.78).

(4) C'est un point certain en jurisprudence que l'observation des formalités prescrites en matière d'expertise par les art. 315 et s., C. proc., n'est pas prescrite à peine de nullité, et que cette nullité ne doit être prononcée que lorsque l'irrégula

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LA COUR; Sur le premier moyen : ... (sans intérêt):

Sur le deuxième moyen, pris de la violation des art. 315 et s., 1034, C. proc., 7 de la loi du 20 avril 1810 (en ce que la Cour s'est fondée, pour prononcer la condamnation des demandeurs, sur une expertise aux opérations essentielles de laquelle ceux-ci n'avaient pas été convoqués, et a rejeté, sans donner de motifs exprès ou implicites à l'appui de ce rejet, les conclusions prises devant elle par les demandeurs, et dans lesquelles ceux-ci invoquaient expressément cette nullité): Attendu que, si les art. 315 et s., C. proc., prescrivent, en matière d'expertise, certaines formalités, notamment la convocation des parties pour assister à l'enquête, afin de contrôler les dires des témoins, de faire toutes réquisitions et observations qu'elles peuvent juger utiles à leurs intérêts, ces dispositions de loi n'édictent pas la nullité en cas d'inobservation de ces formalités; que la nullité n'est encourue que dans le cas où la présence de la partie était indispensable à sa défense, qui serait par son absence gravement atteinte; qu'il n'apparaît pas qu'aucune atteinte ait été portée à la libre défense d'Aillaud et Cerutti; que ce second moyen n'est pas plus fondé que le premier;

Sur le troisième moyen : ... (sans intėrét); Rejette le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 22 mai 1911 par la Cour d'Alger, etc. Du 3 févr. 1913. Ch. req. MM. Tanon, prés.; Bonnet, rapp.; Eon, av. gén. (concl. conf.); Auger, av.

rité commise a eu pour conséquence de porter atteinte à la libre défense des parties. V. Cass. 10 juill. 1907 (S. et P. 1907.1.440; Pand. pér., 1907.1.309), et les renvois. Il en est ainsi spécialement de la convocation des parties aux opérations de l'expertise; l'omission de cette formalité n'entraîne nullité de l'expertise que lorsqu'elle a eu pour effet d'enlever à une partie la possibilité de faire aux experts les observations et réquisitions utiles à ses intérêts (V. Cass. 19 oct. 1898, S. et P. 1899.1.32; Pand. pér., 1898.1.515; 15 févr. 1899, S. et P. 1899.1.371; Pand. pér., 1900.6.6; 19 févr. 1907, S. et P. 1907.1.80, et les renvois), et non lorsque le défaut de convocation n'a pas eu pour résultat d'enlever aux parties la possibilité de faire toutes observations utiles, de leur causer un préjudice et d'entraver leur droit de défense (V. Cass. 15 févr. 1899, précité), ou lorsqu'il ne s'agit que d'opérations accessoires. V. Cass. 12 mai 1897 (S. et P. 1897.1.320), et les renvois. V. aussi, Cass. 20 janv. 1891 (S. 1891.1.57. - P. 1891.1. 126), et la note.

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CASS.-REQ. 9 janvier 1911.

ALGÉRIE, VENTES DOMANIALES, VENTE AUX ENCHÈRES, GOUVERNEUR GÉNÉRAL, REFUS D'APPROBATION, LÉGALITÉ, DÉFAUT DE CONSENTEMENT, ACTION EN DÉLAISSEMENT, AUTORITÉ JUDICIAIRE, COMPÉTENCE, SURSIS (Rép., vo Compétence administrative, n. 56 et s., Suppl., vo Algérie, n. 2123 et s.; Pand. Rép., vis Autorité administrative [actes de l'], n. 139 et s., Colonisation de l'Algérie, n. 213 et s.).

Lorsqu'une vente d'immeubles appartenant à l'Etat, en Algérie, a été faite aux enchères, cette vente, tant par application de l'art. 8 du décret du 13 sept. 1904, qui donne au gouverneur général le droit, pen

(1-2-3) L'arrêt ci-dessus présente une réelle importance, aussi bien pour la détermination des pouvoirs du gouverneur général de l'Algérie, en matière de ventes de terres domaniales en vue de la colonisation, qu'en ce qui concerne la compétence des tribunaux civils pour statuer sur les contestations qui peuvent s'élever sur la validité de ces ventes; il se fonde sur des motifs dont quelques-uns sont critiquables, et il importe, en conséquence, de bien préciser ce que la Cour de cassation a décidé, et les objections que soulèvent les solutions de son arrêt.

Les aliénations des terres domaniales affectées à la colonisation en Algérie sont actuellement réglementées par le décret du 13 sept. 1904 (Bull. off, 2579, n. 45143; Pand. pér., 1905.3.38). V. Larcher, Tr. élém, de législ. algér., 2e éd., t. 3, n. 1045 et s.; et notre Rép. gén. du dr. fr., Suppl., vo Algérie, n. 2123 et s.

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Les ventes de ces terres se font, soit à bureau ouvert, à des prix déterminés l'avance par l'Administration des domaines (Décr. 13 sept. 1904, art. 6), soit aux enchères, par voie d'adjudication, dans le cas où deux ou plusieurs concurrents se présentent pour le même lot offert à prix fixe, ou dans le cas où l'Administration a opté dès l'origine pour la vente aux enchères (même décret, art. 3 et 6); ce n'est qu'exceptionnellement que les ventes peuvent avoir lieu de gré à gré (Décr. 13 sept. 1904, art. 3). La vente à prix fixe ou aux enchères est, aux termes de l'art. 8 du décret, soumise à l'approbation du gouverneur général »; mais ce même article précise les conditions dans lesquelles peut s'exercer le pouvoir du gouverneur général : La décision du gouverneur général doit intervenir dans le délai de deux mois dater de la signature de la vente ou du procès-verbal d'adjudication. Passé ce délai, l'acquéreur entre en possession, et la vente produit son plein et entier effet. L'approbation ne peut être refusée que pour vice de forme ou violation des dispositions de l'art. 4», aux termes duquel Ne peuvent être admis comme acquéreurs, soit à titre onéreux, soit à titre gratuit, que les Français d'origine européenne et les Européens naturalisés jouissant de leurs droits civils, et qui n'ont jamais été acquéreurs, concessionnaires ou cessionnaires, à quelque titre que ce soit, de terres de colonisation, sous réserve de l'exception prévue à l'art. 11 (relatif aux concessions gratuites). Préalablement à l'adjudication, à la signature de la vente où à la concession, le soumissionnaire, l'acquéreur ou le demandeur en concession doit signer une déclaration portant qu'il remplit les conditions ci-dessus. Aucune personne ne peut d'ailleurs acquérir deux lots dans ANNÉE 1913. . 6° cah.

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dant un délai de deux mois, de refuser son approbation à la vente, soit pour vice de forme, soit pour inobservation des dispositions de l'art. 4 du même décret, qu'en application de l'arrêté du gouverneur géné ral réglant les conditions de la mise en vente, et qui dispose que, lorsque l'approbation est refusée, la vente doît être considérée comme nulle et non avenue», doit, en cas de refus d'approbation par le gouverneur général dans le délai de deux mois, imparti par le décret du 13 sept. 1904, être considérée comme n'étant pas définitive, à défaut de consentement de l'Etat vendeur (1) (Décr., 13 sept. 1904, art. 6 et 8; Arr. gouv. gén., 8 déc. 1905, art. 15).

C'est là une conséquence nécessaire du refus d'approbation, et la juridiction civile,

une même vente à prix fixe ou aux enchères .. C'est sur le dernier paragraphe de l'art. 8 que s'est élevée la difficulté sur laquelle le tribunal de Sétif, la Cour d'Alger et enfin la chambre des requêtes ont eu successivement à se prononcer.

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Une adjudication de terres domaniales ayant eu lieu en Algérie, en application du décret de 1904, et en exécution d'un arrêté du gouverneur général du 8 déc. 1905, qui fixait les dates d'adjudication, et déterminait les clauses et conditions des ventes, en spécifiant, dans son art. 15, que, lorsque l'approbation du gouverneur général est refusée, la vente doit être considérée comme nulle et non avenue il avait été révélé que l'adjudicataire s'était livré à des manoeuvres coupables portant atteinte à la liberté des enchères, et qui ont d'ailleurs entraîné contre lui des poursuites suivies de condamnation (C. pén., 412). Se fondant sur ce motif, le gouverneur général avait, dans le délai de deux mois, à lui imparti par l'art. 8 du décret du 13 sept. 1904, refusé son approbation, et les représentants de l'Etat avaient actionné l'acquéreur en délaissement.

Si la demande en nullité avait été basée sur le dol au moyen duquel l'adjudicataire avait écarté ses concurrents, il n'aurait pu faire doute que l'autorité judiciaire, saisie de la demande en nullité, eût eu pleine et entière compétence pour statuer. Il est, en effet, de jurisprudence aujourd'hui constante qu'en Algérie, les tribunaux civils sont compétents pour connaître du contentieux des domaines nationaux. V. Trib. des conflits, 20 juill. 1889, Jumel de Noireterre (S. 1891.3.87. P. chr.); Cass. 4 août 1891 (S. et P. 1892.1.385, et la note de M. Tissier; Pand. pér., 1892.1.49). V. égal., comme application, Cass. 5 mai 1897 (S. et P. 1901.1.491); 21 déc. 1903 (S. et P. 1908.1.211; Pand. pér., 1908.1.211), et le renvoi. C'est qu'en effet, comme l'a dit l'arrêt de Cass. 4 août 1891, précité, l'Etat, aliénant, par une convention de droit civil, une partie de son domaine, ne fait pas acte d'autorité, mais concourt à un contrat formé par l'accord de deux volontés, et qui n'a pas le caractère d'un acte administratif.

Mais tel n'était pas le fondement de la demande en délaissement; elle s'appuyait uniquement sur le refus d'approbation de l'adjudication par le gouverneur général, refus d'approbation dont l'acquéreur contestait la légalité, parce qu'il aurait été pris en dehors des cas où le décret du 13 sept. 1904 autorise le gouverneur général à refuser son approbation. Ce qui était ainsi en cause, c'était, non pas la validité de la vente elle-même, question rentrant dans la compétence des tribunaux civils, mais la légalité du refus d'approbation, et le point de savoir si cet acte n'était pas entaché d'excès

saisie d'une demande en déguerpissement formée par l'Etat contre l'adjudicataire, et compétente pour statuer sur les effets d'une vente de cette nature, ne peut, après avoir constaté le défaut de consentement de l'Etat, partie venderesse, qu'en déduire l'inexistence de la vente, quel qu'ait pu être le motif du refus d'approbation du gouverneur général (2) (Id.).

Elle n'a donc pas à surseoir à statuer sur la demande en délaissement jusqu'à ce qu'il ait été prononcé par l'autorité administrative sur la légalité du motif invoqué par la décision du gouverneur général, dont la régularité, quant à la forme, n'est pas contestée, et dont le sens est clair et précis (3) (LL. 16-24 août 1790, tit. 2, art. 13; 16 fruct. an 3).

de pouvoirs, car l'autorité judiciaire ne pouvait admettre ou rejeter la demande en délaissement sans se prononcer sur le point de savoir si le gouverneur général était ou non, en refusant son approbation, demeuré dans la limite de ses pouvoirs. Il semble bien qu'il y avait là une question préjudicielle, qui devait être au préalable soumise à l'autorité administrative, juge de l'excès de pouvoirs, l'autorité judiciaire ne pouvant accueillir la demande en délaissement que si, sur le sursis par elle prononcé, l'autorité administrative avait décidé, comme l'a fait d'ailleurs, dans la présente affaire, le Conseil d'Etat, sur le sursis ordonné par le tribunal de Sétif, en reconnaissant que le motif allégué par le gouverneur général était bien un vice de forme, au sens de l'art. 8 du décret du 13 sept. 1904 (V. Cons. d'Etat, 25 nov. 1910, Deverdun, infra, 3° part., p. 53, et la note. V. cep., Larcher, Tr. de législ. algér., 2° éd., t. 3, n. 1054, p. 443, et Rev. algér., 1911, p. 101 et 231-232), que le refus d'approbation n'était pas entaché d'excès de pouvoirs. V. sur l'obligation pour l'autorité judiciaire, saisie d'une question de propriété, de surseoir, lorsqu'une question préjudicielle s'élève, soit sur la régularité, soit sur l'interprétation d'un acte administratif, Trib. des conflits, 25 févr. 1888, Comm. de La Seyne (S. 1890.3.15. P. chr.); Cass. 15 juin 1892 (S. et P. 1893.1.16); 17 déc. 1895 (S. et P. 1897.1.492); 11 janv. 1898 (S. et P. 1902.1.38), et les renvois.

La Cour d'Alger, d'abord, et, à sa suite, la chambre des requêtes, ont cependant décidé que l'autorité judiciaire avait compétence pour admettre de plano la demande en délaissement formée par l'Etat, sans avoir à se préoccuper des motifs du refus d'approbation et de leur légalité, et sans avoir par conséquent à surseoir.

La Cour d'Alger et la chambre des requêtes en donnent pour motif que la vente, faute d'approbation du gouverneur général, représentant l'Etat vendeur, était inexistante, pour défaut de consentement de l'une des parties; c'était là une conséquence nécessaire du refus d'approbation, parce que l'arrêté du gouverneur, qui avait prescrit la mise en vente des terrains à aliéner, et qui avait déterminé les clauses et conditions de la vente, disposait expressément que, lorsque l'approbation est refusée, la vente doit être considérée comme nulle et non avenue », en telle sorte que la Cour d'appel, après constatation du défaut de consentement du gouverneur général, résultant du refus d'approbation, n'avait fait que déduire la conséquence de cette constatation, en proclamant l'inexistence de la vente, sans avoir à surseoir jusqu'à décision de l'autorité administrative sur la légalité de l'arrêté de refus d'approbation, dont IT PART. 40

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