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(Deverdun ou Duverdun et Magnani C. Préfet de Constantine).

Par un arrêté du 8 déc. 1905, pris en exécution du décret du 13 sept. 1904, le gouverneur général de l'Algérie a déterminé les clauses et conditions des ventes à prix fixe et à bureau ouvert de diverses propriétés domaniales créées dans divers centres de colonisation de l'Algérie, et a fixé au 15 janv. 1906 la date d'ouverture des opérations, en ce qui concernait les immeubles situés dans le département de Constantine, parmi lesquels figurait le lot rural n. 313 du plan de lotissement du centre de Tocqueville, d'une contenance de 34 hect. 33 ares 35 cent., mis aux enchères sur une mise à prix de 17.166 fr. 75. Sept soumissionnaires se sont présentés le 15 janvier, et, les enchères ayant été remises au 17 du même mois, l'un des concurrents a porté les enchères à 17.200 fr. pour le n. 313, et M. Deverdun, ayant, de son côté, enchéri de 100 fr., a été déclaré adjudicataire de ce lot au prix de 17.300 fr. Peu après l'adjudication, une information judiciaire a été ouverte, à la suite de laquelle des poursuites ont été intentées contre MM. Deverdun, Magnani, son beaupère, présumé être le véritable acquéreur de l'immeuble, et deux des soumissionnaires, inculpés d'avoir frauduleusement

le sens était clair et précis et ne prêtait pas à interprétation.

Ces solutions ont été vivement critiquées, et à juste titre, à notre avis. V. Larcher, Rev. algér., 1911, p. 99 et s. La conception de la vente soumise pour son existence même à l'approbation de l'autorité administrative pouvait être celle du décret du 30 sept. 1878 (S. Lois annotées de 1879, p. 389. · P. Lois, décr., etc. de 1879, p. 670), réglementant les concessions gratuites de terres domaniales en Algérie, ainsi que l'avait jugé le Conseil d'Etat (V. Cons. d'Etat, 9 déc. 1892, Martel, S. et P. 1894.3.96, et la note); elle ne paraît pas être celle du décret du 13 sept. 1904; il semble bien résulter de l'art. 6, d'après lequel, en cas de vente à prix fixe ou aux enchères, l'acte de vente ou le procès-verbal d'adjudication, établi par le receveur des domaines, est immédiatement signé par l'acquéreur qui s'est présenté seul, ou par le plus offrant, s'il s'en est présenté plusieurs, que la vente est définitive, dès que l'acquéreur ou adjudicataire a accepté le prix, mais sous la condition résolutoire ou suspensive du refus d'approbation du gouverneur général, dans les cas déterminés par l'art. 8 du décret. En d'autres termes, le gouverneur général a, dans les ventes de terres domaniales, un rôle double en tant que représentant de l'Etat propriétaire, il offre des terres domaniales en vente à ceux qui accepteront les conditions fixées, et, par cette offre, il donne par avance son consentement au contrat d'adhésion qui se formera par l'acceptation de ces conditions par l'acquéreur, et le contrat est formé, le consentement réciproque des parties est parfait par cette acceptation; en tant que représentant de l'Etat, le gouverneur général est chargé de veiller à ce que les prescriptions des art. 4 et 8 du décret de 1904 soient observées, et il doit refuser son approbation aux ventes ou adjudications faites en violation de ces prescriptions. S'il en était autrement, si la formation du contrat était reculée jusqu'à l'approbation du contrat, il en résulterait

écarté les enchérisseurs. Par jugement du tribunal correctionnel de Constantine du 30 juill. 1906, les inculpés ont été condamnés à des peines variant de quinze jours à un mois d'emprisonnement, avec sursis, par application de l'art. 412, C. pén. et ce jugement a été confirmé par arrêt de la Cour d'Alger du 23 nov. 1906, contre lequel M. Deverdun a formé un pourvoi qui a été rejeté le 2 févr. 1907 (Bull. crim., n. 61).

Dans l'intervalle, et à la date du 13 mars 1906, le gouverneur général, se fondant sur les faits qui avaient donné lieu aux poursuites, avait, en vertu des pouvoirs à lui conférés par l'art. 8 du décret du 13 sept. 1904 et l'art. 15 de l'arrêté gouvernemental du 8 déc. 1905, refusé son approbation à l'adjudication du 17 janv. 1906. MM. Deverdun et Magnani, s'étant, malgré ce refus d'approbation, mis en possession du lot n. 313, ont été assignés par le préfet de Constantine, au nom de l'Etat, devant le tribunal de Sétif, en déguerpissement du lot susdésigné, et en paiement de 20.000 fr., à titre de dommages-intérêts. M. Deverdun ayant contesté la légalité de la décision du gouverneur général refusant l'approbation, comme ayant été rendue hors des cas prévus par l'art. 8 du décret du 13 sept. 1904, le tribunal de Sétif, par jugement en date du 7 mai 1907, a décidé

cette conséquence inadmissible que, jusqu'à ce que le gouverneur général ait donné son approbation, l'acquéreur pourrait se désister d'un contrat qui n'aurait pas été formé par le consentement réciproque des deux parties, et pourrait être tout au plus passible de dommages-intérêts pour inexécution de l'engagement résultant de son offre d'acquisition (C. civ., 1142). Il en résulterait également, ce qui n'est pas plus acceptable, parce que ce serait la violation des dispositions impératives de l'art. 8, qui restreint à des hypothèses déterminées le droit du gouverneur général de refuser l'approbation, que le gouverneur général, appelé à donner son consentement à la vente, serait libre de l'accorder ou de le refuser, en accordant ou en refusant son approbation, même hors des cas prévus par l'art. 8, et que l'autorité judiciaire, saisie, à la suite du défaut d'approbation, d'une demande en délaissement contre l'acquéreur, devrait proclamer l'inexistence de la vente, pour défaut de consentement de l'Etat vendeur, sans avoir, non seulement à examiner, ce qui n'est pas de sa compétence, si le gouverneur général, par son refus d'approbation, a commis un excès de pouvoirs, mais même à surseoir jusqu'à ce que l'autorité administrative ait statué sur l'excès de pouvoir allégué.

Alors même d'ailleurs que l'on admettrait que le contrat n'est parfait, au point de vue du consentement des deux parties, nécessaire pour la conclusion de la vente, que par l'approbation du gouverneur général, il n'en resterait pas moins que le décret du 13 sept. 1904 a limité les cas dans lesquels le consentement du gouverneur général, représentant l'Etat vendeur, peut être refusé, et que la vente ne peut être considérée comme inexistante, par suite du refus d'approbation, si le gouverneur général, par ce refus, a méconnu les prescriptions de l'art. 8 du décret de 1904.

La Cour de cassation objecte qu'en vertu de l'arrêté du gouverneur général qui prescrivait la

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qu'il y avait lieu de surseoir à statuer à l'examen de la demande jusqu'à ce qu'il eût été statué par l'autorité administrative sur la validité de la décision du gouverneur général du 13 mars 1906. A la suite de ce jugement, M. Deverdun a saisi le Conseil d'Etat, qui, par arrêt du 25 nov. 1910 (Infra, 3 part., p. 53), a reconnu la validité de la décision portant refus d'approbation. Cependant, le préfet de Constantine avait interjeté appel du jugement du 7 mai 1907, et, sur cet appel, il est intervenu un arrêt de la Cour d'Alger, en date du 3 févr. 1910, ainsi conçu : « La Cour; Au fond: Attendu que, devant les premiers juges, le préfet de Constantine, ès qualité, sans discuter la validité de la décision improbative du 13 mars 1906, a simplement soutenu que l'adjudication, n'ayant pas été approuvée par le gouverneur général, devait rester sans effet, et a conclu au déguerpissement par Deverdun et Magnani des lieux par eux indùment occupés et à des dommagesintérêts; Attendu que, devant la Cour, le préfet de Constantine, appelant, conclut, en outre, à ce qu'en admettant même que l'adjudication du 17 janv. 1906 soit reconnue valable, la Cour prononce la nullité de ladite adjudication, comme ayant été obtenue par des manoeuvres illicites et frauduleuses; Attendu que c'est là une

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mise en vente des terres domaniales à aliéner, l'approbation du gouverneur général était une des conditions de l'adjudication, dont l'existence était ainsi subordonnée à cette approbation. Lorsque l'approbation est refusée, portait l'art. 15 de cet arrêté, la vente doit être considérée comme nulle et non avenue D. Mais, & interpréter cette disposition dans son sens le plus naturel et le plus logique, dans le sens où elle se concilie avec les prescriptions du décret de 1904, elle n'avait d'autre portée que de rappeler les effets nécessaires du refus d'approbation intervenu en conformité du décret de 1904, c'est-à-dire de rappeler qu'un refus d'approbation, conforme aux prescriptions de ce décret, a pour conséquence de faire tenir la vente comme nulle et non avenue. Si, au contraire, on l'interprétait, comme paraît bien le faire la Cour de cassation, en ce sens qu'il conférait au gouverneur général le droit de différer la conclusion du contrat jusqu'à l'approbation, et le droit également de refuser discrétionnairement son approbation, la question se posait de savoir si le gouverneur général avait pu légalement modifier, par un arrêté, les conditions de l'approbation, telles qu'elles sont fixées par l'art. 8 du décret de 1904. A ce point de vue encore, ce qui était en jeu, c'étaient l'interprétation et la légalité d'un acte administratif, et la décision de l'autorité judiciaire devait être différée jusqu'à ce qu'il eût été prononcé sur ces questions par l'autorité administrative.

La Cour de cassation objecte encore que l'arrêté de refus d'approbation était clair et précis, et ne donnait pas lieu à interprétation. La chambre des requêtes, en donnant ce motif, n'a pas tenu compte que ce n'est pas seulement quand une question de propriété implique l'interprétation d'un acte administratif que l'autorité judiciaire doit surseoir, c'est également lorsque la régularité de l'acte administratif est contestée. V. Cass. 17 déc. 1895 et 11 janv. 1898, précités, et les renvois.

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demande nouvelle, dont la Cour n'a pas à connaître; que le procès doit rester le même que devant les premiers juges, et que la Cour ne peut statuer qu'en l'état des dernières conclusions de première instance; que l'unique question qui lui est soumise est donc celle de savoir s'il y a lieu d'ordonner le déguerpissement des lieux par les occupants; Sur la demande en déguerpissement : Attendu que la première condition, exigée par la loi (art. 1108, 1582 et 1583, C. civ.) pour la formation d'un contrat de vente, est le consentement des parties; Attendu qu'entre particuliers, le consentement peut résulter de la manifestation de la volonté des parties, inême verbale; Mais attendu que, lorsque l'Etat est en cause, un acte écrit, passé dans les formes réglementaires, est nécessaire; que, dans la métropole, les immeubles domaniaux ne peuvent même être échangés ou aliénés qu'en vertu d'une loi spéciale; qu'en Algérie, ces immeubles peuvent passer dans le domaine privé des particuliers sans l'intervention du pouvoir législatif, mais qu'un acte du pouvoir administratif a toujours été nécessaire pour constater l'aliénation consentie au nom de l'Etat; qu'aux termes de l'art. 15 du décret du 25 juill. 1860, les adjudications n'étaient valables et exécutoires qu'après l'approbation du ministre; que les attributions du ministre, à cet égard, ayant été, en vertu des décrets des 25 mai et 23 août 1898, dévolues au gouverneur général de l'Algérie, c'est actuellement à ce haut fonctionnaire qu'il appartient de donner à l'aliénation des immeubles de l'Etat l'approbation nécessaire ; Attendu que ce droit du gouverneur général a été réglementé plus particulièrement, pour les ventes à bureau ouvert, par le décret du 13 sept. 1904, art. 8, et par l'arrêté gouvernemental du 8 déc. 1905, art. 15; — Attendu que l'art. 8 du décret du 13 sept. 1904 dispose : « La vente à prix fixe ou aux enchères est soumise à l'approbation du gouverneur général. La décision du gouverneur général doit intervenir dans le délai de deux mois à partir de la signature de la vente ou du procès-verbal d'adjudication; passé ce délai, l'acquéreur entre en possession, et la vente produit son plein et entier effet. L'approbation ne peut être refusée que pour vice de forme ou violation des dispositions de l'art. 4 »; Attendu qu'aux termes de l'art. 15 de l'arrêté gouvernemental du 8 déc. 1905, pris en exécution de l'art. 8 du décret du 13 sept. 1904: Lorsque l'approbation est refusée, la vente doit être considérée comme nulle et non avenue; que cet arrêté doit être considéré comme la loi des parties, comme étant annexé, en qualité de cahier des charges, aux contrats destinés à constater l'aliénation des propriétés vendues à bureau ouvert; Attendu que, de ce qui précède, il résulte à l'évidence qu'en Algérie, en ce qui concerne les ventes de biens domaniaux, le consentement de l'Etat, l'une des parties contractantes, n'est donné que par l'approbation du gouverneur général; que, par conséquent, si ce consentement est refusé dans le délai

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de deux mois, fixé par l'art. 8 du décret du 13 sept. 1904, une des conditions essentielles au contrat de vente fait défaut, et que, par conséquent, l'Etat est bien fondé à demander le déguerpissement de l'acquéreur des biens par lui indûment occupés;

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Attendu, dans l'espèce, que le gouverneur général a, à la date du 13 mars 1906, c'est-à-dire dans les deux mois de l'adjudication du 17 janvier précédent, refusé de donner son approbation à la vente; que ce refus a été notifié à Deverdun, acquéreur opposant, à la même date du 13 mars 1906, par lettre du directeur de l'enregistrement et des domaines à Constantine; que, par conséquent, la vente, à défaut de consentement de l'Etat, l'une des parties au contrat, n'est pas devenue définitive; que les acquéreurs ne pouvaient du reste ignorer, en présence des termes de l'arrêté du 8 déc. 1905, tenant lieu de cahier des charges, qu'au cas de refus d'approbation, la vente devait être considérée comme nulle et non avenue; que, dès lors, c'est à tort et sans droit que Deverdun et Magnani ont pris possession du lot 313, objet du procès, et l'ont exploité; que c'est, par conséquent, avec raison que l'Etat a demandé au tribunal de Sétif d'ordonner, dès à présent, le déguerpissement des occupants; Attendu que ce tribunal n'avait pas à connaître de la question, posée devant lui par Deverdun et Magnani, de savoir si la décision de refus d'approbation de la vente avait été valablement rendue, c'est-à-dire dans l'un des deux. cas prévus par l'art. 8 du décret du 13 sept. 1904; qu'il s'agissait là de l'interprétation d'un acte administratif, qui n'était pas de sa compétence; qu'il appartenait aux intéressés de la porter ultérieurement devant la juridiction compétente, s'ils s'y croyaient fondés; mais qu'en l'état de la demande dont le tribunal de Sétif était saisi, il ne s'agissait que de la question de savoir si un contrat de vente, contrat civil, réunissait les conditions d'existence voulues par la loi, si, en cas contraire, l'acquéreur ayant pris possession sans droit, son déguerpissement ne devait pas être ordonné; que le tribunal de Sétif avait toute compétence pour juger cette question, et qu'il possédait tous les éléments d'appréciation à cet effet; que c'est donc à tort que les premiers juges ont sursis à statuer sur la demande du préfet de Constantine, ès qualité, jusqu'à ce qu'il ait été prononcé par l'autorité administrative sur la validité de la décision du gouverneur général de l'Algérie, refusant d'approuver l'adjudication du 17 janv. 1906; -Attendu qu'il appartient à la Cour de faire ce que les premiers juges auraient dû faire, en ordonnant dès à présent le déguerpissement par Deverdun et Magnani du lot n. 313, objet du procès ;... Par ces motifs, etc. ».

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POURVOI en cassation par MM. Deverdun et Magnani. 1er Moyen. Violation de la loi des 16-24 août 1790, tit. 2, art. 13; de la loi du 16 fruct. an 3, et du principe de la séparation des pouvoirs; en outre, violation de l'art. 8 du décret du 13 sept. 1904, en ce que l'arrêt attaqué, en présence

d'un refus d'approbation d'une vente domaniale algérienne par un acte administratif dont la légalité était contestée, s'est refusé à surseoir jusqu'après la solution par l'autorité administrative de la question préjudicielle de légalité du refus, et a statué au fond par une décision qui, en déclarant la vente inexistante, implique nécessairement la validité du refus d'approbation, et empiète dès lors sur la compétence administrative, et alors, en outre, que, en cas d'annulation du refus par la juridiction compétente, la vente se trouverait validée ipso facto, en vertu de l'approbation tacite admise par l'art. 8 du décret du 13 sept. 1904. 20 et 3o Moyens...

ARRÊT.

le

LA COUR; Sur le premier moyen : Attendu que, pour ordonner, en faisant droit à la demande de l'Administration des domaines, le délaissement par Deverdun et Magnani d'un immeuble par eux occupé, et que Deverdun prétendait avoir acquis de l'Etat, la Cour d'appel a considéré que la vente alléguée n'était pas devenue définitive, à défaut du consentement de l'Etat; Attendu que, d'après l'arrêt attaqué, ce défaut de consentement résulte du refus d'approbation, par gouverneur général de l'Algérie, de l'adjudication dudit immeuble, prononcée au profit de Deverdun le 17 janv. 1906, refus d'approbation formulé et signifié à l'adjudicataire le 13 mars suivant, soit dans le délai de deux mois à dater de la signature de la vente ou du procès-verbal d'adjudication, selon les dispositions de l'art. 8 du décret du 13 sept. 1904, qui règle les conditions et les formes des ventes à bureau ouvert d'immeubles appartenant à l'Etat en Algérie, et les soumet à l'approbation du gouverneur général; Attendu que telle était nécessairement la conséquence de ce refus, conformément à la disposition de l'art. 15 de l'arrêté gouvernemental du 8 déc. 1905, pris en exécution de l'art. 8 du décret susvisé, disposition portant que,

(

lorsque l'approbation est refusée, la vente doit être considérée comme nulle et non avenue ; que la juridiction civile, compétente pour statuer sur les effets de toute vente de cette nature, constatant le défaut de consentement de l'Etat, qui aurait été la partie venderesse, ne pouvait qu'en déduire l'inexistence de la vente prétendue, quel que put être le motif du refus d'approbation opposé par le gouverneur général; et que Deverdun ne peut évidemment, à aucun titre, pour contester la portée de cette décision, arguer de la disposition de l'art. 8 du décret, qui édicte une validation tacite de la vente par le seul fait de l'expiration du délai de deux mois sans que soit intervenue une décision formelle du gouverneur général; Attendu, par suite, qu'à bon droit, la Cour d'appel a jugé qu'il n'y avait pas lieu de surseoir à statuer sur la demande en délaissement jusqu'à ce qu'il eût été prononcé par l'autorité administrative sur la légalité du motif de la décision du gouverneur général, dont la régularité, quant à la forme, n'était pas

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LOUAGE DE SERVICES, Durée indéterminée, BRUSQUE CONGédiement, Abus du droit, OUVRIER VERRIER, RENVOI, FAUTE, MODIFICATION DE L'INDUSTRIE (Rép., v° Louage d'ouvrage, de services et d'industrie, n. 316 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 778 et s., 918 et s.).

L'ouvrier verrier, engagé pour une campagne d'une durée variable, qui commence avec l'allumage du four et finit avec son extinction, est en droit de réclamer à son patron une indemnité pour brusque congédiement, alors que celui ci, désireux de substituer le soufflage mécanique au soufflage à la canne, a éteint le four prématurément, sans que cette extinction s'imposât d'urgence, et a attendu le dernier moment pour signifier leur renvoi aux ouvriers, en faisant ainsi de son droit un usage abusif (1) (C. civ., 1780; L. 27 déc. 1890).

(Comp. fermière de Vichy C. Pouilloux). ARRÊT.

LA COUR; Sur les deux moyens du pourvoi réunis, tirés de la violation des art. 1780, 1382 et 1149, C. civ., et 7 de la loi du 20 avril 1810:

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Attendu, d'après l'arrêt attaqué, que Pouilloux père et fils ont été engagés par la Comp. fermière de Vichy à la verrerie de Mègecoste, et employés au petit four pour le temps de la campagne 1907-1908; que cette campagne était d'une durée variable; qu'elle commençait avec l'allumage du four et finissait avec son extinction, et que c'était la Comp. elle-même qui fixait le moment de cette extinction; Attendu qu'il résulte des constatations de l'arrêt et du juge

(1) Cette solution se justifie par la considération que le patron, qui renvoie ses ouvriers pour une raison personnelle et d'ailleurs légitime, telle que la cessation ou la modification de son entreprise, mais qui a été par lui prévue à l'avance, commet un abus de son droit de congédiement, s'il avise ses ouvriers au dernier moment du congé qu'il est obligé de leur donner. V. en ce sens, Cass. 5 févr. 1896 (S. et P. 1896.1.217; Pand. pér., 1896.1.196). V. aussi, Cass. 12 nov. 1900 (S. et P. 1901.1.221; Pand. pér., 1901.1.518), et la

note.

(2) Un accident ne peut donner lieu à indemnité, en vertu de la loi du 9 avril 1898, si l'interruption du travail qui en a été la conséquence n'a pas duré plus de quatre jours. V. Aubry et Rau, 5 éd., t. 5, § 372 bis, p. 483 et s., et § 372 ter, p. 487, note 6. Ce principe s'applique, non seulement à l'indemnité journalière, en vertu de l'art. 3,

ment, dont il a adopté les motifs, que la Comp., désireuse de substituer le soufflage mécanique au soufflage à la canne, a éteint le four, alors que, usé sur une faible partie de la ligne de flottaison, il ne présentait pas le moindre danger pour les ouvriers, et que les réparations à y faire n'avaient pas un caractère d'urgence; - Attendu que, dans ces circonstances, la Cour de Riom a pu décider que la Comp., qui, seule, était en état de prévoir l'arrêt du four, a commis une faute en attendant le dernier moment pour le signifier à ses ouvriers, et que, par le brusque congédiement qu'elle a donné à Pouilloux père et fils pour le jour même de l'extinction, elle a fait un usage abusif de son droit; que l'arrêt a d'ailleurs fait une saine appréciation des éléments du préjudice qui en est résulté; -- Rejette le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 28 juill. 1910 par la Cour de Riom, etc. Du 2 avril 1912. Ch. req. MM. Tanon, prés.; Morellet, rapp.; Lénard, av. gén. (concl. conf.); Hannotin, av.

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CASS.-CIV. 24 février 1913.

OUVRIER, ACCIDENTS DU TRAVAIL, RESPONSABILITÉ, FRAIS MÉDICAUX ET PHARMACEUTIQUES, INCAPACITÉ n'excédant PAS QUATRE JOURS, HOSPICE, ACTION DIRECTE, FIN DE NON-RECEVOIR, JUGE DE PAIX, INCOMPÉTRIBUNAL CIVIL (Rép., TENCE, APPEL,

v Responsabilité civile, n. 1730 et s.; Pand. Rép., v° Travail, n. 2590 et s.).

L'hospice, dans lequel l'ouvrier victime d'un accident du travail a reçu des soins, ne pouvant, en vertu de l'art. 4 de la loi du 9 avril 1898, actionner directement le chef d'entreprise en paiement des frais médicaux à lui dus qu'à la condition que le chef d'entreprise en soit lui-même débiteur vis-à-vis de la victime, est sans droit pour exercer cette action, si l'accident n'a pas entraîné une interruption de travail de plus de quatre jours (2) (LL. 9 avril 1898, art. 4; 31 mars 1905).

Et si, le juge de paix ayant prononcé la condamnation demandée par l'hospice, le chef d'entreprise a interjeté appel, cet appel, basé sur l'incompétence du juge de paix, est recevable, bien que la demande ait porté sur une somme inférieure à 300 fr.,

§ 3, de la loi du 9 avril 1898, modifié par la loi du 31 mars 1905 (V. Sachet, Tr. de la législ. sur les accid. du trav., 5o éd., t. 1o, n. 489), mais aussi aux frais médicaux et pharmaceutiques (V. Aubry et Rau, 5 éd., t. 5, p. 487, § 372 ter; Baudry-Lacantirie et Wahl, Louage, 3o éd., t. 2, 1r part., n. 2230; Sachet, op. cit., t. 1o, n. 489 et 605; Loubat, Tr. sur le risque professionnel, 3o éd., n. 805), qui ne sont que l'accessoire de l'indemnité temporaire. V. Cass. 26 oct. 1903 (S. et P. 1905.1.342; Pand. pér., 1905.1.66). Il s'ensuit que le chef d'entreprise, qui ne saurait être tenu de ces frais vis-à-vis de l'ouvrier, ne peut davantage être actionné, en paiement de ces frais, par les médecins, pharmaciens ou hôpitaux, usant de l'action directe qui leur est accordée par l'art. 4, § 4, de la loi du 9 avril 1898, modifié par la loi du 31 mars 1905, à moins qu'il n'ait prescrit ou autorisé lui-même les soins dont le montant lui est réclamé. V. Baudry-Lacan

et le tribunal civil infirme à bon droit le jugement, sans avoir à procéder par voie d'évocation (3) (C. proc., 454, 473; LL. 25 mai 1838, art. 14; 9 avril 1898, art. 4, 15; 31 mars 1905).

(Fondation ophtalmologique de Rothschild C. Derriey). ARRÊT.

réunis :

LA COUR; Sur les deux moyens Attendu qu'il résulte tant des qualités du jugement attaqué que du jugement lui-même que Bousquet, ouvrier de Derriey, victime d'un accident du travail le 9 juill. 1909, s'est présenté, pour y recevoir des soins, à la Fondation ophtalmologique de Rothschild, où le chirurgien. de garde lui a extrait de l'oeil un corps étranger qui y avait pénétré, et qu'aucune interruption de travail de plus de quatre jours n'a été la suite de cet accident; que la Fondation ophtalmologique a assigné Derriey devant le juge de paix du canton où l'accident était survenu, lui demandant, en vertu de l'art. 4 de la loi du 9 avril 1898, modifié par la loi du 31 mars 1905, le remboursement d'une somme de 10 fr., montant des frais médicaux dus pour les soins donnés à Bousquet; que le juge de paix a fait droit à cette demande; que Derriey a interjeté appel de cette décision, en soutenant que le juge de paix était incompétent pour connaitre d'une demande se fondant exclusivement sur la loi du 9 avril 1898, et formée en dehors des prévisions de cette loi; que le jugement attaqué a fait droit à l'appel, déclaré l'incompétence du juge de paix dans l'espèce, et a, par suite, déchargé Derriey des condamnations prononcées contre lui; — Attendu qu'en statuant ainsi, le jugement attaqué n'a violé aucun des articles visés au pourvoi; Attendu, en effet, d'une part, que, si la Fondation ophtalmologique pouvait, en vertu de l'art. 4 de la loi du 9 avril 1898, actionner directement le chef d'entreprise en paiement des frais médicaux à elle dus pour soins donnés à la victime d'un accident du travail, ce droit ne lui était concédé qu'à la condition que le chef d'entreprise en fût lui-même débiteur vis-à-vis de la victime; qu'il n'en est ainsi que lorsque l'accident entraîne une interruption de travail de plus de quatre jours; que c'est là une des manifestations du caractère forfaitaire de la loi sur les

tinerie et Wahl, op. cit., t. 2, 1re part., n. 2254.

(3) De ce que l'accident, qui n'a pas entraîné une incapacité de travail de plus de quatre jours, n'est pas régi par la loi du 9 avril 1898 (V. la note qui précède), il suit que le juge de paix ne peut être compétemment saisi de l'action en paiement des frais médicaux et pharmaceutiques, en vertu de l'art. 15, § 4, de cette loi, modifié par la loi du 31 mars 1905, d'après lequel le juge de paix connaît des demandes relatives au paiement des frais médicaux et pharmaceutiques, jusqu'à 300 fr. en dernier ressort, et à quelque chiffre que ces demandes s'élèvent, à charge d'appel... ; et, si le juge de paix saisi a prononcé une condamnation, son jugement est susceptible d'appel, en vertu de l'art. 14 de la loi du 25 mai 1838, alors même que la demande était inférieure à 300 fr. V. Cass. 4 févr. 1907 (S. et P. 1907.1.411), la note et les renvois.

accidents du travail;

Attendu, d'autre part, que, si le juge de paix statue en dernier ressort jusqu'à 300 fr. sur les demandes relatives aux frais médicaux, la décision qu'il rend est susceptible d'appel pour cause d'incompétence; que les conclusions de Derriey soumettaient au tribunal la seule question de savoir si la loi sur les accidents du travail, sur laquelle s'appuyait la réclamation de la Fondation ophtalmologique, était applicable à la cause; que le tribunal a examiné cette seule question, et que l'infirmation qu'il prononce n'est que la conséquence de l'incompétence du premier juge, conséquence ellemême de ce que la loi du 9 avril 1898 était inapplicable à la cause; que, pour statuer ainsi, le jugement attaqué n'a pas procédé par voie d'évocation; Rejette le pourvoi formé contre le jugement rendu par le tribunal civil de la Seine, le 15 juill. 1911, etc.

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(1-2-3) La jurisprudence est depuis longtemps fixée en ce sens qu'en matière disciplinaire, les juges ne sont tenus de se conformer absolument, ni au Code de procédure civile, ni au Code d'instruction criminelle. V. Cass. 24 juill. 1900 (S. et P. 1901.1.261; Pand. pér., 1901.1.123), et les renvois; 17 déc.1900 (S. et P. 1901.1.181, et la note; Pand. pér., 1901.1.134). Le juge peut recourir au procédé d'information qui lui paraît le plus propre à éclairer sa religion. V. Cass. 24 juill. 1900, précité. Il suffit qu'il ne porte aucune atteinte aux droits de la défense. V. Cass. 24 juill. 1900 et 17 déc. 1900, précités, et les renvois; adde, notre Rép. gen. du dr. fr., v° Discipline judiciaire, n. 18 et 168; Pand. Rép., vo Instruction criminelle, n. 1303 et 1304. Ces principes ont reçu leur application, notamment en matière de discipline des avocats. V. Cass. 17 déc. 1900, précité.

Cette jurisprudence, fermement établie, auraitelle reçu quelque atteinte de la loi du 8 déc. 1897, sur l'instruction criminelle, en telle sorte que, dans une poursuite disciplinaire contre un avocat, le rapporteur, que le bâtonnier est dans l'usage de commettre pour procéder à une enquête préparatoire (V. Cresson, Usages et règles de la profession d'avocat, t. 2, p. 120 et s. ; et notre Rép. gén, du dr. fr., Avocat, n. 852; Pand. Rép., eod. verb., n. 1611), ne serait pas seulement tenu de respecter les droits de la défense, et notamment de communiquer, à l'avocat qui est l'objet de la plainte, les accusations portées contre lui et les pièces et témoignages sur lesquels elles sont basées (V. Cresson, op. cit., t. 2, p. 126 et s.), mais qu'il devrait, de plus, se conformer strictement aux prescriptions de la loi du 8 déc. 1897? C'est ce que soutenait le pourvoi, qui relevait la violation, dans l'enquête faite par le rapporteur, des art. 3, 9, 10 et 12 de la loi du 8 déc. 1897.

C'était là donner à la loi du 8 déc. 1897 une portée qu'elle ne saurait avoir. Quelques critiques que l'on puisse adresser aux tendances de la jurisprudence à limiter le cercle d'application de la loi de 1897 (V. les notes de M. Roux sous Cass. 12 mars 1899 et autres arrêts, S. et P. 1899.1. 297, et sous Cass. 20 mars 1903, S. et P. 1905.1. 249), cette jurisprudence ne peut qu'être approu

CASS.-REQ. 1er juin 1910.

1° DISCIPLINE, POURSUITES, PROCÉDURE, LOI DU 8 DÉC. 1897, APPLICATION (Rép., vo Discipline judiciaire, n. 18 et s., 168 et s.; Pand. Řép., vo Instruction criminelle, n. 1303 et s.). 2o AVOCAT, Discipline, POURSUITES, RAPPORTEUR, CONCOURS A LA DÉLIBÉRATION, DÉFENSE (DROITS DE LA), POURVOI EN CASSATION, EXCÈS DE POUVOIRS, INCOMPÉTENCE, FIN DE NON-RECEVOIR, AGENT D'AFFAIRES (Rép., vo Avocat, n. 852 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 1714 et s.).

1o La loi du 8 déc. 1897, spéciale à l'information criminelle, ne saurait être élendue à des procédures disciplinaires qu'elle n'a visées ni comprises dans ses dispositions (1) (L. 8 déc. 1897).

2o Par suite, en cas de poursuites disciplinaires exercées contre un avocat devant le conseil de discipline, le rapporteur, membre du conseil, peut, sans violer aucune loi, et notamment la disposition de l'art. 1er de la loi du 8 déc. 1897, d'après laquelle le juge d'instruction ne peut concourir au jugement des affaires qu'il a instruites, prendre part à toutes ses déli

vée, lorsqu'elle refuse de faire rentrer dans le domaine de la loi de 1897 des actes qui sont étrangers à l'information préalable à la poursuite de crimes ou de délits (V. Cass. 11 févr. 1899, S. et P. 1900.1.425, et la note de M. Roux; Pand. pér., 1899.1.495; 11 août 1899, S. et P. 1902.1.61; 1er sept. 1910, S. et P. 1911.1.421; Pand. pér., 1911.1.421, et la note), notamment aux actes accomplis au cours d'une enquête administrative. V. Cass. 11 févr. 1899, précité, et la note. Il en doit être de même en matière disciplinaire, les enquêtes auxquelles il est procédé préalablement à la poursuite disciplinaire n'ayant pas pour objet la découverte d'une infraction réprimée par la loi pénale. Ces enquêtes demeurent donc soumises aux règles que la jurisprudence avait posées; l'observation d'aucune des formes prescrites par le Code d'instruction criminelle ou les lois qui l'ont complété ne s'impose, pourvu que les droits de la défense aient été respectés.

Ce n'étaient pas seulement les prescriptions mêmes de la loi du 8 déc. 1897 sur les formalités de l'instruction criminelle, dont le pourvoi invoquait la violation; c'était aussi la disposition de l'art. 1o de cette loi, d'après lequel « le juge d'instruction ne peut concourir au jugement des affaires qu'il a instruites », qui aurait été méconnue, en ce que le rapporteur, qui avait instruit la plainte, avait participé avec voix délibérative à la délibération du conseil de discipline. Ce moyen trouvait une réponse péremptoire dans la jurisprudence qui a donné à l'art. 1er de la loi du 8 déc. 1897, de même d'ailleurs qu'à la disposition analogue de l'art. 257, C. instr. crim., pour les Cours d'assises (V. Cass. 25 mars 1905, S. et P. 1908.1.485; Pand. pér., 1908.1.485, et la note), une interprétation très stricte, en refusant de l'étendre en dehors du cas qu'elle prévoit spécialement, c'est-à-dire du concours du juge d'instruction aux affaires qu'il a instruites. V. Cass. 27 janv. 1899 (S. et P. 1900.1.60; Pand. pér., 1899. 1.232); 14 avril 1899 (S. et P. 1900.1.425, et la note de M. Roux; Pand. pér., 1900.7.94); 26 avril 1900 (S. et P. 1903.1.199; Pand. pér., 1901.1.11); 25 mars 1905, précité, et la note. Adde, notre

bérations (2) (L. 8 déc. 1897, art. 1).

L'avocat poursuivi disciplinairement n'est pas fondé à soutenir que les droits de la défense ont été violés, au cours de l'instruction préalable faite par un rapporteur, membre du conseil, lorsqu'il est déclaré par les juges du fond qu'il a eu connaissance de tous les faits visés dans la plainte dont il a été l'objet, avant même d'avoir élé convoqué par le rapporteur, que cette plainte lui a été communiquée, ainsi que toutes les pièces intéressantes, avant le rapport au conseil, qu'il a eu tout le temps nécessaire pour contrôler tous ces documents, et qu'enfin, tous les droits de la défense ont été respectés (3) (Id.).

Un conseil de discipline d'avocats ne commet pas un excès de pouvoirs, et ne sort pas de sa compétence, telle qu'elle résulte des art. 12, 14, 15 et 45 de l'ordonn. du 20 nov. 1822, en retenant à la charge d'un avocat poursuivi, pour prononcer contre lui une peine disciplinaire, une série d'actes d'agence d'affaires et en appréciant leur gravité; dès lors, le recours en cassation contre cette décision n'est pas recevable (4) (Ordonn., 20 nov. 1822, art. 12, 14, 15).

C. instr. crim. annoté, par G. Le Poittevin, t. 1er, p. 204, sur l'art. 1er de la loi du 8 déc. 1897, n. 11 et s. D'autre part, dans les matières disciplinaires où les fonctions du rapporteur ont été prévues par les lois et règlements, avec mission de procéder à une enquête préparatoire sur les faits qui font l'objet de la poursuite (V. pour les avoués, Arr., 13 frim. an 9, art. 3; - pour les huissiers, Décr., 14 juin 1813, art. 77; pour les notaires, Ordonn., 4 janv. 1843, art. 6), le rapporteur, qui fait nécessairement partie de la composition de la chambre pour présenter son rapport, doit concourir à la délibération. V. pour les chambres d'huissiers, Cass. 8 févr. 1869 (S. 1869.1.172. P. 1869.414), et pour les chambres de notaires, Cass. 26 août 1862 (S. 1862.1.950. P. 1862.1060). Cette participation du rapporteur à la délibération se justifie par la considération que le rôle du rapporteur devant ces juridictions disciplinaires est tout différent de celui du juge d'instruction; il n'a pas, comme le juge d'instruction, un pouvoir juridictionnel; il n'a pas à statuer sur la plainte, mais seulement à exposer impartialement l'accusation et les moyens de défense qui lui sont opposés; son rôle est assez semblable à celui du conseiller de la Cour d'appel chargé du rapport en matière correctionnelle, lequel concourt au jugement sur le fond. V. Cass. 26 avril 1900, précité, et la note. La même solution doit être donnée pour le rapporteur devant le conseil de discipline des avocats, dont le rôle, tel qu'il a été consacré par l'usage, est le même que celui du rapporteur devant les chambres de discipline des avoués, des notaires et des huissiers (V. Cresson, op. cit., t. 2, p. 141 et s.; et notre Rép. gén. du dr. fr., verb. cit., n. 863; Pand. Rep., v° Instruction criminelle, n. 1807), et il faut dire également qu'il peut prendre part à la délibération sur la poursuite disciplinaire, sans qu'il y ait là violation d'aucune loi ni des droits de la défense. V. en ce sens, les conclusions de M. l'avocat général Feuilloley dans la présente affaire (Guz. Pal., 1910.2.49).

(4) Application de la jurisprudence constante, d'après laquelle les arrêts qui statuent en assemblée générale de la Cour et en chambre du conseil,

(Me X...).

Me X..., avocat à Paris, ayant été l'objet d'une plainte de la part d'un client, le batonnier de l'ordre a commis, suivant l'usage, un des membres du conseil, Me Salle, à l'effet d'entendre l'avocat dénoncé, de recevoir ses explications, et de faire rapport au conseil. Me Salle s'est acquitté de sa mission, et, les faits ayant paru suffisamment graves pour justifier une poursuite, Me X... a été traduit devant le conseil de l'ordre, devant lequel il a pris des conclusions tendant à faire déclarer nulle l'instruction suivie contre lui, pour inobservation des formalités de la loi du 8 déc. 1897 et violation des droits de la défense. Mais, par décision du 12 mai 1908, ces moyens ont été repoussés, et la peine de la radiation a été prononcée contre Me X... Celui-ci, ayant interjeté appel, a fait valoir devant la Cour de Paris, outre les moyens de nullité déjà invoqués, un grief tiré de ce que le rapporteur avait pris part à la délibération par laquelle le conseil avait statué sur la validité de la procédure et sur le fond. La Cour a repoussé ce nouveau moyen de nullité, et confirmé pour le surplus, par arrêt du 1er juill. 1908, dont extrait suit: - La Cour; En ce qui touche les conclusions relatives à la nullité de la procédure et de l'arrêté du conseil:- Considérant que la justice disciplinaire est une justice confraternelle; que les juges quí la composent peuvent apprécier les faits sans aucun moyen d'instruction, s'ils le jugent convenable, et que, s'ils ordonnent une enquête pour éclairer leur conscience, ils ne sont pas tenus de suivre des règles particulieres, en dehors de celles que l'équité impose pour mettre l'avocat en mesure d'exercer son droit de contrôle ; que cette enquête n'est donc pas soumise aux prescriptions de l'art. 257, C. instr. crim., ni de la loi du 8 déc. 1897, qui a eu pour objet de modifier certaines règles de l'instruction préalable, en matière de crimes et délits seulement; qu'il est bien certain que cette loi, spéciale à l'information criminelle, ne saurait être étendue à des procédures disciplinaires qu'elle n'a ni visées ni comprises dans ses dispositions, et que, dès lors, la circulaire rédigée par M. le garde des sceaux, après la promulgation de ladite loi, ne s'applique point à ces procédures; Considérant qu'il résulte également de ces principes que la forme des voies d'information et la nature des éléments de conviction sont abandonnés à la conscience du confrère à qui le conseil de discipline a confié l'enquête et le rapport; que le rapporteur ne saurait donc être assimilé à un véritable juge d'instruction, tenu d'observer les règles qui lui sont tracées par la loi; que son indépendance absolue lui permet, en qualité de membre du conseil, de prendre

-

sur l'appel des décisions rendues par les conseils de discipline des avocats, ne peuvent être attaqués par la voie du recours en cassation que pour cause d'incompétence ou d'excès de pouvoir. V. Cass. 13 juill. 1908 (S. et P. 1910.1.22; Pand.

part au délibéré, et qu'il ne viole aucune loi, en rédigeant, selon l'usage, la décision prise par le conseil; - En fait : - Considérant qu'il est établi par les documents de la cause que le rapporteur a communiqué à Me X..., avant son rapport au conseil, la plainte, ainsi que toutes les pièces qui intéressaient la vérité; que Me X... a eu tout le temps nécessaire pour contrôler tous ces documents; qu'il a été confronté avec le plaignant; qu'il a été plusieurs fois entendu par le rapporteur; qu'enfin, tous les droits de la défense ont été respectés, soit au cours de l'instruction, soit au cours de la comparution de Me X... et des débats ouverts devant le conseil de discipline; Au fond...;- Par ces motifs; Confirme, etc. ».

POURVOI en cassation par Me X... 1er Moyen. Violation de l'art. 1er de la loi du 8 déc. 1897, des droits de la défense, et excès de pouvoirs, en ce que l'arrêt attaqué a validé et confirmé une décision du conseil de discipline des avocats, à laquelle a participé, avec voix délibérative, le rapporteur qui avait instruit la plainte, et dont l'instruction était arguée de nullité.

2e Moyen. Violation des art. 3, 9, 10, 12 de la loi du 8 déc. 1897 et des droits de la défense, en ce que l'arrêt attaqué a repoussé à tort les moyens de nullité fondés sur l'inobservation de ces articles, et invoqués par l'exposant contre l'instruction suivie antérieurement à la citation, par le seul motif que la loi précitée est inapplicable en matière disciplinaire.

3 Moyen. Excès de pouvoirs, violation de l'art. 12 de l'ordonn. du 20 nov. 1822, et manque de base légale, en ce que l'arrêt attaqué a retenu, comme contraire à l'honorabilité professionnelle, le seul fait par un avocat d'avoir négocié une traite acceptée par son client, sans relever aucune circonstance qui fût de nature à faire tomber cet acte sous le coup de la juridiction disciplinaire.

LA COUR;

ARRÈT.

Sur le premier moyen : Attendu que X..., appelant de l'arrêté du conseil de discipline qui avait prononcé sa radiation du tableau de l'ordre des avocats, demandait à la Cour de Paris de prononcer la nullité de cette décision, à raison de ce que le rapporteur, Me Salle, y avait concouru, malgré l'opposition faite à ce qu'il participe aux débats, et en violation de la loi du 8 déc. 1897, qui porte que le juge d'instruction ne peut concourir au jugement des affaires qu'il a instruites; mais que la Cour d'appel a rejeté ce grief à bon droit, par le motif que cette loi, spéciale à l'information criminelle, ne saurait être étendue à des procédures disciplinaires qu'elle n'a ni visées ni comprises dans ses dispositions,

pér., 1910.1.22), et les renvois. Or, il ne saurait y avoir ni excès de pouvoir, ni incompétence, de la part de la juridiction disciplinaire, à retenir comme constituant une faute professionnelle des actes d'agence d'affaires, qui, aux termes mêmes de

et que le rapporteur, étant membre du conseil de discipline, pouvait, sans violer aucune loi, prendre part à toutes ses délibérations; qu'en effet, la volonté du législateur de soumettre les conseils de discipline aux règles qu'il imposait aux juridictions criminelles ne peut, dans le silence des textes et des travaux préparatoires, être suppléée;

Sur le second moyen: Attendu qu'il est déclaré, tant par l'arrêté du conseil de discipline que par la Cour de Paris, qui a adopté les motifs de cette décision non contraires aux siens, que X... avait eu connaissance de tous les faits visés dans la plainte dont il était l'objet avant même d'avoir été convoqué par le rapporteur, que cette plainte lui a été communiquée, ainsi que toutes les pièces qui intéressaient la vérité, avant le rapport au conseil, qu'il a eu tout le temps nécessaire pour controler tous ces documents, qu'enfin, tous les droits de la défense ont été respectés, soit au cours de l'information, soit au cours des débats ouverts devant le conseil de discipline; que le second moyen, pris de la prétendue violation de ces droits, ne peut donc être retenu;

Sur le troisième moyen : Attendu que le conseil de discipline des avocats de Paris, en retenant à la charge de X... une série d'actes d'agence d'affaires inconciliables avec l'exercice de la profession d'avocat, et en appréciant leur gravité, n'a pu commettre aucun excès de pouvoirs, et n'est pas sorti de sa compétence, telle qu'elle résulte des art. 12, 14, 15 et 45 de l'ordonn. du 20 nov. 1822; que le recours en cassation contre cette décision au fond n'est donc pas recevable; Rejette, etc. Du 1er juin 1910. Ch. req. MM. Tanon, prés.; Gillet, rapp.; Feuilloley av. gén. (concl. conf.); de Lalande, av.

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CASS.-CIV. 26 mai 1913.

1o MOTIFS DE Jugement ou d'ARRÊT, MOTIFS IMPLICITES, CONCLUSIONS D'APPEL, QUALITÉ INEXACTE, FEMME SÉPARÉE DE CORPS, FEMME DIVORCÉE, ADOPTION DE MOTIFS, INTÉRÊT (DÉFAUT D') (Rép., vo Jugement et arrêt [mat. civ. et crim.], n. 2044 et s.; Pand. Rép., vo Jugements et arrêts, n. 1106 et s.). 2o SAISIE-ARRÊT, TRAITEMENT DES FONCTIONNAIRES, INSAISISSABILITÉ, QUOTITÉ, Divorce, Pension ALIMENTAIRE (Rép., v Saisie-arrêt, n. 413 et s.; Pand. Rép., eod verb., n. 369 et s., 870 et s.).

1° Lorsque l'appelant, dans ses conclusions devant la Cour, prétend que les premiers juges ont été, à raison de la qualité inexacte prise par l'une des parties et de l'influence que celle qualité a pu exercer sur la solution du litige, dans l'impossibilité de faire une juste appréciation, au fond, des droits des parties, l'arrêt qui

l'art. 42 de l'ordonn. du 20 nov. 1822, sont incompatibles avec l'exercice de la profession d'avocat. V. sur l'application de cet article, la note et les renvois sous Douai, 29 mars 1911 (S. et P. 1911. 2.280; Pand. pér., 1911.2.280).

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