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s'imputer sur la réserve (1) (L. 20 avril 1810, art. 7).

Quelle que soit, d'ailleurs, la qualification donnée par les juges aux avances faites par le de cujus à l'héritier, la solution, tant au point de vue du calcul de la quotité disponible que de l'imputation sur la réserve, serait la même, dès lors qu'en dehors du rétablissement effectué par l'héritier, il existe somme suffisante pour remplir les ayants droit à la quotité disponible de son montant (2) (C. civ., 843, 919, 922). (Synd. Tessier C. Tessier et consorts). Mme veuve Tessier est décédée au Mans, le 7 oct. 1905, laissant pour seul héritier son fils, M. Henri Tessier. Par testament, en date du 12 juin 1896, Mme Tessier avait légué à son fils, par préciput et hors part: 1o en nue propriété, la quotité disponible, à charge de la remettre à son décès à ses enfants nés ou à naître au premier degré; 2o à titre alimentaire, incessible et insaisissable, l'usufruit de ses biens, sous la même charge de rendre aux appelés. Mme Tessier avait, de son vivant, prêté diverses sommes à son fils, à charge par celui-ci de lui en payer les intérêts. Le montant de ces prêts, en capital et intérêts, s'élevait, au moment de la liquidation de

appliquer l'idée en dehors de l'hypothèse du rapport. La question avait été agitée, sous la coutume de Paris, à propos des héritiers collatéraux, qui, d'après cette coutume, n'avaient pas droit au rapport. On a décidé, nous dit Lebrun, après une fameuse discussion qui a eu lieu au Palais, que l'on pouvait imputer à l'héritier collatéral luimême, sur sa portion héréditaire, ce qu'il devait à la succession. V. Lebrun, Tr. des succ., liv. 3, ch. 6, sect. 2, n. 7, p. 481.

Or, le rapport fictif des donations étant exigé pour le calcul de la réserve, encore que le donataire soit devenu insolvable (V. Cass. 11 janv. 1882, S. 1882.1.129.-P. 1882.1.278, avec les conclusions de M. l'avocat général Desjardins; Aubry et Rau, 4o éd., t. 7, p. 191 et 192, § 684. V. cep. en sens contraire, la note de M. Labbé, sous Caen, 28 mai 1879, S. 1880.2.281. - P. 1880.1088, et les autorités citées; Baudry-Lacantinerie et Colin, Don. et test., 3° éd., t. 1, n. 1006 et s.; Huc, Comment. du C. civ., t. 6, p. 231 et 282, n. 179), il doit en être de même des dettes dont l'héritier réservataire insolvable est tenu envers le de cujus. V. en ce sens, Laurent, Princ. de dr. civ., t. 12, p. 96, n. 60; Aubry et Rau, 4° éd., t. 7, p. 187, § 684, texte et note 6; Demolombe, op. cit., t. 2, n. 266; Baudry-Lacantinerie et Colin, op. cit., t. 1, n. 884. Et comment pourrait-il en être autrement sans étendre la réserve au delà des limites légales? Voici un héritier qui a reçu 40.000 fr., à titre de prêt, de son père, et la succession de celui-ci comprend 40.000 fr, de biens existants. Si la réserve était calculée abstraction faite du prêt, elle porterait sur les 40.000 fr. de biens existants, et serait de 20.000 fr. ; l'héritier prendrait donc 20.000 fr. de ce chef, après avoir reçu 40.000 fr. comme emprunteur. Sa réserve se trouverait ainsi avoir absorbé les 3/4 du patrimoine du de cujus, ce qui serait une violation flagrante de la loi. En dehors du cas d'une donation faite par préciput et hors part, toute donation doit être imputée sur la réserve. V. Cass. 6 nov. 1871 (S. 1871.1.237.-P. 1871.736); Rouen, 19 août 1872 (S. 1873.2.86.-P. 1873.448); Bau

la succession, à 39.906 fr. 66. Quelques mois après la mort de Me Tessier, le 10 janv. 1906, un jugement du tribunal de commerce de la Seine ayant rouvert la faillite de M. Henri Tessier, précédemment close pour insuffisance d'actif, le syndic a intenté, avec M. Henri Tessier, une demande en licitation, partage et liquidation de la succession de Mme veuve Tessier contre M. Malherbe, tuteur à la substitution des enfants de M. Henri Tessier. Par jugement du 28 mars 1906, le tribunal civil du Mans, faisant droit à cette demande, a commis un notaire pour procéder aux opérations de liquidation. L'état liquidatif qui a été dressé en vertu de ce jugement: 1o déterminait comme chiffre de la masse globale des valeurs à partager celui de 79.316 fr. 39, comprenant les 39.906 fr. 66, montant de la créance de Mme Tessier contre son fils; 20 fixait la réserve de M. Henri Tessier au chiffre de 39.658 fr. 19; 30 imputait la créance successorale de 39.906 fr. 66, pour 23.419 fr. 60 sur la réserve, et, pour le surplus, sur la quotité disponible. Par jugement du 31 juill. 1907, le tribunal civil du Mans a homologué l'état liquidatif, après l'avoir rectifié en ce sens que la somme de 39.906 fr. 66 serait imputée sur la réserve jusqu'à due con

dry-Lacantinerie et Colin, op. cit., t. 1, n. 935 et s. Le prêt consenti au successible ne pouvant pas, puisqu'il se présente originairement comme un prêt, être accompagné d'une clause préciputaire, c'est nécessairement sur la réserve du débiteur qu'il doit être imputé. Cette imputation, d'autre part, implique obligatoirement que la dette compte pour la formation de la masse.

Il va suivre de là, nous en convenons, une conséquence fâcheuse pour les créanciers du débiteur, conséquence qui apparaît nettement dans l'espèce de notre arrêt. La dette de l'héritier réservataire insolvable s'élevait à 39.906 fr. 66, et les biens existants dans la succession de sa mère à 39.409 fr. 73. En faisant état de sa dette, la masse comprenait 79.316 fr. 39, et la réserve légale était de 39.658 fr. 19. Sa dette ayant été imputée pour le tout sur la réserve, tout le reste était disponible, et avait pu faire valablement l'objet du legs avec substitution, dont l'héritier réservataire et ses enfants avaient bénéficié. Ce legs, étant grevé de substitution, ne pouvait être saisi par les créanciers de l'héritier légataire, en sorte que ceuxci n'ont rien touché. Il en eût été autrement, si la dette n'était pas entrée en ligre de compte. La quotité disponible aurait été alors seulement de la moi. tié des biens existants en nature, soit 19.704 fr.86, et le reste, soit 19.704 fr. 86, formant la réserve légale, n'aurait pas pu faire l'objet d'une substitution valable. Il se retrouverait donc libre dans le patrimoine successoral de l'héritier, et ses créanciers pourraient s'en emparer.

En somme, la lutte est entre les légataires de la quotité disponible et les créanciers de l'héritier. On comprendrait un système qui préférerait les seconds aux premiers, mais ce n'est pas le système de la loi française. Il serait d'ailleurs très dur de limiter le pouvoir de disposition du de cujus, sous le prétexte qu'un de ses successibles a dissipé les sommes qu'il lui avait prêtées ou données. Quoi qu'il en soit à cet égard, il est de tradition constante que l'imputation sur la réserve doit se faire au préjudice des créanciers de l'héritier. La part

currence. Sur appel du syndic, la Cour d'Angers a rendu, le 2 févr. 1909, un arrêt confirmatif.

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POURVOI en cassation par le syndic de la faillite. — 1er Moyen. Violation des art. 829, 830, 843, 851, 857, 913, 919, 920 et s., C. civ., et 7 de la loi du 20 avril 1810, pour contradiction de motifs, en ce que, d'une part, l'arrêt attaqué a ordonné l'imputation d'une créance successorale contre un héritier unique insolvable sur la seule réserve légale de cet héritier, sous prétexte qu'il y avait lieu d'appliquer les règles du rapport, alors que, s'agissant d'un héritier unique, aucun rapport de dons ni de dettes n'était dû à la succession, et que les seules règles applicables étaient les règles relatives au calcul de la réserve et de la quotité disponible, d'après lesquelles ne doivent pas figurer dans ce calcul les créances successorales contre les héritiers insolvables.

2e Moyen. Violation des mêmes textes, et contradiction de motifs, en ce que l'arrêt attaqué, après avoir formellement constaté l'existence, à la charge de l'héritier réservataire unique et au profit de la succession, d'une dette déclarée rapportable comme telle, et après avoir homologué de ce chef

successorale de l'héritier débiteur doit être responsable de son insolvabilité, » disait Lebrun, op. cit., liv. 3, ch. 6, sect. 2, n. 7, p. 482, 1o col., in fine. Et Bourjon, plus explicite si possible, disait de son côté : « L'imputation de la dette sur la réserve doit avoir lieu, encore que le fils débiteur fût insolvable, et que, par son insolvabilité, il y eût à perdre pour les créanciers (Dr. comm. de la France, t. 1, tit. 17, 2° part., ch. 6, sect. 4, n. 49, p. 856 et 857).

C'est la même doctrine que consacre la Cour de cassation, et nous nous y rallions pleinement. E. NAQUET.

(1) V. sur le principe que la contradiction dans les motifs sur lesquels est fondée une décision judiciaire équivaut à l'absence même de motifs, et entraîne cassation, Cass. 16 mars 1910 (S. et P. 1912.1.519; Pand. pér., 1912.1.519), et les renvois. (2) La question de savoir si les remises de fonds faites par le de cujus à l'héritier l'avaient été à titre d'avancement d'hoirie ou à titre de prêt n'aurait pu avoir de l'importance que si les biens existants n'avaient pas suffi pour remplir de leurs droits les légataires de la quotité disponible. Alors, s'il se fût agi d'une donation en avancement d'hoirie, on n'aurait pas pu demander au réservataire d'abandonner, sur le montant de cette donation, la somme nécessaire pour parfaire le legs. V. Paris, 14 févr. 1881 (S. 1881.2.139. P. 1881. 1.711), et les renvois; Cass. 29 janv. 1890 (S. 1890. 1.335. P. 1890.1.800; Pand. pér., 1890.1.351); Baudry-Lacantinerie et Colin, Don. et test., 3o éd., t. 1, n. 939. S'il se fût agi au contraire d'un prêt, les légataires de la quotité disponible auraient pu exiger que l'héritier débiteur remboursât la succession. V. Baudry-Lacantinerie et Wahl, Tr. des succ., 3o éd., t. 3, n. 2990. Mais, dans l'espèce, les biens existants suffisant pour remplir les légataires, - à une légère différence près, dont il n'a pas été tenu compte, étant donné sa minime importance,

la distinction entre l'avancement d'hoirie et le prêt n'avait pas d'intérêt.

l'état liquidatif précisant les éléments de cette dette (prêts ou paiements en l'acquit du débiteur) en capital et intérêts, a considéré que ces prêts ou paiements constituaient des donations en avancement d'hoirie, imputables d'abord sur la réserve, et, pour l'excédent seulement, sur la quotité disponible.

ARRÊT.

LA COUR; Sur les deux moyens du pourvoi : Attendu qu'en cas de legs de la quotité disponible, il faut, en principe, pour déterminer l'importance de cette quotité, réunir fictivement aux biens existant dans l'hérédité ceux dont le défunt a disposé entre vifs, ou encore les créances de la succession contre un des successibles; qu'il ne faut pas, il est vrai, faire figurer dans le calcul les créances irrécouvrables, mais qu'il n'y a pas lieu de considérer comme telle une créance sur un héritier, dès lors que la liquidation de la communauté lui fournit le moyen de se libérer, par suite de l'attribution qui lui est faite de la somme à concurrence de laquelle il se trouve par avance rempli de ses droits; que cette attribution doit se faire par imputation sur la réserve, en vertu du principe de droit et d'équité qui s'impose à tous les prétendants droit à une fraction d'une masse commune, et qui veut que, pour qu'aucun ne prenne plus que la part qui doit lui revenir, s'il arrive qu'un des copartageants ait déjà entre les mains une partie de la masse, il soit tenu de l'y remettre, afin que le tout soit partagé, et que, si ce rapport en nature est impossible, les autres communistes soient fondés à imputer sur la part qui lui revient la portion qu'il détient, et à prélever, sur les biens composant la masse, une fraction égale à celle dont leur copartageant est déjà muni; Attendu que l'arrêt attaqué a justement appliqué ces principes aux faits par lui constatés, en portant à la masse active de la succession de la dame Tessier, pour le calcul de la quotité disponible, la somme de 39.906 fr. 66, montant des avances faites à Tessier fils, et en imputant ladite somme sur la réserve de ce dernier; que si, après avoir donné aux avances le caractère d'une dette de Tessier fils, l'arrêt emploie, dans sa partie finale, l'expression de donation en avancement d'hoirie, il n'en résulte pas une contradiction de motifs, de nature à en traîner la cassation de la décision; qu'il ressort du contexte de celle-ci que l'arrêt a voulu seulement affirmer la pensée de la mère de famille que les avances par elle faites dans un but libéral à son

(1-2) La solution de l'arrêt ci-dessus rapporté est fondée sur le principe que les juges de paix n'ont, comme juges civils, d'autre compétence que celle qui leur est spécialement attribuée par la loi. V. sur ce principe, Aubry et Rau, 5o éd., t. 1, p. 234, § 46; Hudelot, Compét. des juges de paix, 2o éd., sur l'art. 1er de la loi du 12 juill. 1905, n. 13. Adde, comme application en matière de bail, Caen, 27 juin 1903 (S. et P. 1904.2.199); Cass. 22 févr. 1909 (8. et P. 1909.1.816; Pand. pér., 1909.1.316), et la note; 8 avril 1912 (S. et P.

successible constituaient un acompte de celui-ci sur la succession à recueillir; qu'elles devaient, à ce titre, s'imputer sur la réserve; que, d'ailleurs, quelle que soit la qualification donnée aux avances, la solution, tant au point de vue du calcul de la quotité disponible que de l'imputation sur la réserve, serait la même, dès lors qu'en dehors du rétablissement effectué par le successible, il existe somme suffisante pour remplir les ayants droit à la quotité disponible de son montant; - D'où il suit qu'en statuant ainsi qu'il l'a fait, l'arrêt attaqué, loin de violer les textes visés au pourvoi, a fait une exacte application des règles régissant la matière; Rejette, etc.

Du 28 juin 1910. Ch. req. MM. Tanon, prés.; Poupardin, rapp.; Feuilloley, av. gén. (concl. conf.); Cail, av.

CASS.-REQ. 7 mars 1911.

JUGE DE PAIX, COMPÉTENCE, BAIL, INEXÉCUTION, CONGÉ NON CONTESTÉ, REMISE DES CLEFS, VISITE DES LIEUX, SÉQUESTRE, INCOMPÉTENCE (Rép., v° Juge de paix, n. 367 et s.; Pand. Rép., v° Compétence, n. 248 et s.).

Si, d'après l'art. 3 de la loi du 12 juill. 1905, les juges de paix connaissent des demandes en résiliation de baux et des congés, lorsque le montant du loyer n'excède pas 600 fr., cette attribution de compétence, qui n'existe que pour les cas spécialement déterminés par la loi, ne s'étend pas aux difficultés qui peuvent naitre de l'inexécu tion du bail où à la suite d'un congé dont la validité n'a point été contestée (1) (L. 12 juill. 1905, art. 3).

Par suite, lorsque le congé, donné par le propriétaire, n'a pas été contesté par le locataire, qui l'a même exécuté en quitlant les lieux, la contestation qui porte sur le refus du locataire de remettre les clefs, et sur la nomination d'un séquestre chargé de faire visiter l'immeuble, échappe à la compétence exceptionnelle du juge de paix (2) (Id.).

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1912.1.440; Pand. pér., 1912.1.440). Notamment, si le juge de paix connaît, en vertu de l'art. 3 de la loi du 12 juill. 1905, des congés, lorsque la location n'excède pas annuellement 600 fr., aucun texte de loi ne lui attribue compétence pour connaître des questions qui peuvent naître d'un congé dont la validité n'est pas contestée, et spécialement des difficultés qui peuvent s'élever, après le congé non contesté, comme dans l'espèce, en ce qui concerne la remise des clefs et la nomination d'un séquestre chargé de faire

loyer n'excède pas 600 fr., cette attribution de compétence n'existe que pour les cas spécialement déterminés par la loi; qu'elle ne s'étend pas notamment aux difficultés qui peuvent naître de l'inexécution du bail ou à la suite d'un congé dont la validité n'a point été contestée; Attendu, en fait, que le congé donné par Bizot à Pillard pour le 1er juill. 1909 n'a été, de la part de ce dernier, l'objet d'aucun débat; qu'il a même été exécuté par le locataire, qui a quitté les lieux dès le mois de mars; que si, plus tard, Pillard s'est refusé à remettre les clefs et si son propriétaire a dù l'assigner par voie de référé en nomination d'un séquestre chargé de faire visiter l'immeuble, cette contestation, qui ne portait ni sur la résiliation du bail ni sur la régularité du congé, échappait, ainsi que les mesures provisoires qu'elle pouvait nécessiter, à la compétence exceptionnelle du juge de paix; que l'arrêt attaqué, dûment motivé, n'a, en conséquence, violé aucun des textes susvisés; Rejette le pourvoi contre l'arrêt de la Cour d'Orléans du 9 juill. 1910, etc.

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CASS.-Civ. 6 mars 1912. ARMATEUR, RESPONSABILITÉ (CLAUSE DE NON-), FAUTES, CAPITAINE, FAUTES PERSONNELLES, FAUTES DES AGENTS, PERTE DES MARCHANDISES (Rép., vo Armateur, n. 170 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 399 et s.).

Lorsque le connaissement, par lequel une Comp. de navigation s'est engagée à effectuer un transport, soit par ses navires, soit par navires étrangers, stipule que la Comp. ne sera pas responsable de ses fautes et de celles de ses agents, ni des fautes du capitaine et des gens de l'équipage, si la première de ces deux clauses ne peut avoir pour effet d'affranchir la Comp. de toute responsabilité, elle a pour conséquence de mettre la preuve de fautes qu'elle aurait commises à la charge de l'expéditeur (3) (C. civ., 1134; C. comm., 216).

Quant à la clause d'exonération des fautes du capitaine et des gens de l'équipage, elle produit un effet absolu (4) (C. civ., 1134, 1315, 1784; C. comm., 103).

En conséquence, doit être cassé l'arrêt qui, en cas de non-représentation des marchandises au destinataire, condamne la Comp. à en payer la valeur à l'expéditeur, sans relever, ni à sa charge, ni à la charge d'une autre Comp., qu'elle s'est substituée en

visiter l'immeuble loué. Ces questions échappent, par suite, à la compétence du juge de paix; si les parties veulent obtenir rapidement des mesures provisoires, elles doivent s'adresser au juge des référés.

(3-4) La jurisprudence est aujourd'hui fixée en ce sens, d'une part, que la clause des connaissements, par laquelle l'armateur s'exonére de la responsabilité des fautes du capitaine et de l'équipage est licite, et doit produire effet (V. Cass. 9 mai 1905, S. et P. 1908.1.90; Pand. pér., 1908.

cours de transport, aucun fait précis de faule, et sans s'expliquer sur la clause d'exonération des fautes du capitaine et des gens de l'équipage (1) (C. civ., 1134, 1315, 1784; C. comm., 103, 216).

(Comp. Peninsular and Oriental Steam navigation C. Soc. les Héritiers de Marie ARRÊT.

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Brizard et Roger).

LA COUR; Sur l'unique moyen du pourvoi (violation et fausse application des art. 216, 222, 230, 281 et s., C. comm.; 1134, 1315, C. civ.; violation de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que, en présence d'une clause d'exonération des fautes personnelles de l'armateur, des fautes du capitaine, ou dans le transbordement ou magasinage, l'arrêt attaqué, sans s'arrêter à la preuve rapportée du transbordement et de la mise en magasin, déclare l'armateur responsable de la prétendue non-délivrance de la marchandise, sous le prétexte qu'il n'y a pas à se préoccuper du cas fortuit ou de la force majeure qui serait à la charge de l'expéditeur ou du destinataire, au moins quant à la preuve, suivant les termes du connaissement », alors qu'il aurait dû tout au moins exiger la preuve, à la charge du réclamant, d'une faute personnelle de l'armateur, et qu'il devait s'expliquer sur la clause, invoquée par la Comp. demanderesse et écartée par lui, d'exonération des fautes du capitaine, d'où résultait également l'irresponsabilité absolue de l'armateur): - Vu l'art. 1134, C. civ.; Attendu que, des qualités et des motifs de l'arrêt attaqué, il résulte que, suivant connaissement, en date à Tonnay-Charente du 13 juill. 1903, la Peninsular and Oriental Steam navigation Company a reçu de la Société les Héritiers de Marie Brizard et Roger, pour les transporter à Port-Arthur, soit par ses navires, soit par navires étrangers, 50 caisses contenant chacune 12 bouteilles d'eau-de-vie; qu'il était stipulé audit connaissement que la Peninsular Company ne serait pas responsable de ses fautes et de celles de ses agents, ni des fautes du capitaine et des gens de l'équipage; que les 50 caisses d'eau-de-vie n'ont jamais été remises au destinataire, et qu'en réponse à l'action en paiement de leur valeur, formée par les Héritiers de Marie Brizard et Roger, la Peninsular, tout en maintenant qu'elles avaient été transbordées à Shanghaï, le 18 sept. 1903, sur le steamer Tsizikur, de la Chinese eastern Railway Company, et, à leur arri

1.90, et les renvois; 5 déc. 1910, sol. implic., S. et P. 1911.1.129; Pand. pér., 1911.1.129, la note, n. I, de M. Lyon-Caen, et les renvois; 5 déc. 1910, sol. implic., S. et P. 1911.1.132; Pand. pér., 1911. 1.132; Aix, 16 janv. 1911, S. et P. 1911.2.134; Pand. pér., 1911.2.134); d'autre part, que la clause de non-garantie de ses fautes personnelles n'a pas pour effet d'exonérer l'armateur de sa responsabilité en raison desdites fautes, mais seulement de faire disparaître la présomption de faute que le droit commun fait peser sur lui, en déplaçant le fardeau de la preuve. V. Cass. 9 nov. 1898 (S. et P. 1899.1.398), et les renvois. Adde, la note de M. Lyon-Caen (n. I), précitée, sous Cass. 5 déc. 1910. (1) V. la note qui précède.

conséquence de rompre le lien conjugal et de produire un changement d'état qui af franchit chaque époux des obligations alimentaires (2) (C. civ., 212, 214, 227).

20 Il s'ensuit que la condamnation du mari au paiement d'une pension alimentaire à sa femme, prononcée par l'arrêt de divorce, ne peut être basée sur l'art. 212, C. civ. (3) (C. civ., 212, 227).

Cette condamnation ne peut pas non plus trouver sa justification dans l'art. 301, C. civ., si le divorce a été prononcé contre la femme, à la requête du mari (4) (C. civ., 301). Attendu, ce

vée à Port-Arthur, déposées, faute de réclamation immédiate, dans les magasins de cette Comp., a excipé tant de la clause de l'irresponsabilité de ses fautes que de celle de l'exonération des fautes du capitaine; Attendu que si, de ces deux clauses, la première ne pouvait avoir pour effet d'affranchir la Peninsular de toute responsabilité, elle avait, du moins, pour conséquence, contrairement au droit commun, de mettre la preuve des fautes qu'elle aurait commises à la charge des Héritiers de Marie Brizard et Roger; que l'effet de la seconde était absolu; pendant, que, pour condamner, dans ces circonstances, ladite Comp. à payer, avec dommages-intérêts, à la société expéditrice, la valeur des caisses en litige, l'arrêt attaqué s'est borné à dire qu'il n'y avait pas à se préoccuper du cas fortuit ou de la force majeure, qui serait à la charge de l'expéditeur ou du destinataire, au moins quant à la preuve, suivant les termes du connaissement; que, dans les circonstances de fait où la Comp. posait la question, il n'y avait pas de place pour cette hypothèse, et que notamment il était impossible d'invoquer des faits de guerre, puisque c'était le 18 sept. 1903 que le transbordement s'était opéré, d'après elle, à Shangai, et que c'était, en mars 1904 seulement que la guerre avait éclaté brusquement; qu'en statuant ainsi, sans relever à la charge, soit de la Peninsular elle-même, soit de la Chinese eastern Railway, aucun fait précis constitutif d'une faute, sans, d'autre part, s'expliquer sur la clause d'exonération des fautes du capitaine, la Cour de Poitiers n'a pas légale ment justifié sa décision, et a violé l'article ci-dessus visé; - Casse l'arrêt rendu, le 1er juill. 1907 par la Cour de Poitiers, etc. Du 6 mars 1912. · Ch. civ. MM. Baudouin, ler prés.; Durand, rapp.; Lombard, av. gén. (concl. conf.); Mayer et Bailby,

av.

CASS.-CIV. 22 avril 1913.

1o ALIMENTS, EPOUX, DIVORCE (Rép., vo Aliments, n. 91 et s.; Pand. Rép., vo Aliments, n. 43 et s.). 20 DIVORCE, PENSION ALIMENTAIRE, TORTS RÉCIPROQUES (Rép., v Divorce et séparation de corps, n. 3514 et s.; Pand. Rép., vo Divorce, n. 702 et s.).

1o La prononciation du divorce a pour

(2-3-4) C'est un principe certain que l'obligation alimentaire basée sur l'art. 212, C. civ., ayant son fondement dans le mariage, cesse quand le mariage est dissous par le divorce. V. Cass. 28 juill. 1903 (sol. implic.) (S. et P. 1905.1.9), et la note, 4 et 5 col., de M. Naquet; adde, Baudry-Lacantinerie et Chéneaux, Des pers., 3o éd., t. 4, n. 254; Suppl. à notre C. civ. annoté, par Griffond, sur l'art. 301, n. 2. V. égal., en cas de conversion de la séparation de corps en divorce, Cass. 24 nov. 1886 (S. 1888.1.433. P. 1888.1.1063; Pand. pér., 1887. 1.81), le rapport de M. le conseiller Manau, et la note. La seule disposition légale sur laquelle une pension alimentaire puisse être basée est désormais l'art. 301, C. civ. Mais une pension ne peut être

(Debrie C. Debrie).

M. Debrie s'est pourvu en cassation d'un arrêt de la Cour de Montpellier du 19 févr. 1912, qui, en prononçant le divorce à sa requête et la séparation de corps à la demande de sa femme, l'avait condamné à payer à celle-ci une pension alimentaire. Moyen unique. Fausse application des art. 212 et 301, C. civ., et violation de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que l'arrêt attaqué, après avoir prononcé, d'entre les parties, le divorce à la requête du mari et la séparation de corps à celle de la femme, et ce, aux torts réciproques des deux époux, a condamné le mari à payer à son ex-épouse une pension alimentaire, alors, d'une part, que, par l'effet du divorce prononcé à la requête du mari, le lien conjugal se trouvait rompu, et que, par suite, l'obligation alimentaire entre époux avait pris fin, et alors, d'autre part, que, l'arrêt prononçant le divorce et la séparation de corps aux torts respectifs des parties, aucune de celles-ci, et notamment la femme, ne pouvait être considérée comme « ayant obtenu le divorce ou la séparation à son profit, et comme ayant, par voie de corollaire, droit à la pension spéciale accordée par la loi à l'époux innocent, à titre d'indemnité.

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accordée, d'après ce texte, qu'à « l'époux qui a obtenu le divorce, en telle sorte que, quand le divorce est prononcé aux torts réciproques des deux conjoints, ou quand le divorce a été prononcé aux torts de l'un, et la séparation de corps aux torts de l'autre (ce qui était le cas de l'espèce cidessus), aucun d'eux n'y a droit. V. Cass. 24 nov. 1886, précité, le rapport de M. Manau, et la note. Adde, les renvois de la note, 5 col., sous Cass. 20 févr. 1912 (2 arrêts) (S. et P. 1912.1.569; Pand. pér., 1912.1.569); et Planiol, Tr. élém. de dr. civ., 6o éd., t. 1o, n. 1258. V. égal., en cas de conversion en divorce d'une séparation de corps prononcée aux torts respectifs des époux, Cass. 27 janv. 1891 (S. 1891.1.72. - P.1891.1.153; Pand. pér., 1891.1.335).

noncé le divorce d'entre les époux, à la requête du sieur Debrie; que, d'autre part, ledit arrêt. qui a accordé à la dame Debrie une pension de 1.000 fr. par an, ne peut non plus trouver sa justification dans l'art. 301, C. civ., qui n'accorde la pension alimentaire qu'il détermine qu'à l'époux seul qui a obtenu le divorce, et qu'il résulte de l'arrêt attaqué que le divorce a été prononcé contre la femme, à la requête du sieur Debrie; qu'il suit de là qu'en accordant à la dame Kuentz une pension alimentaire, l'arrêt attaqué a violé les textes de loi visés au moyen; Casse.... mais seulement en ce qui concerne le chef relatif à la pension alimentaire accordée à la dame Debrie, etc.

Du 22 avril 1913. -- Ch. civ. - MM. Baudouin, 1er prés.; Cottignies, rapp.; Mérillon, av. gén. (concl. conf.); Dedẻ, av.

CASS.-REQ. 26 février 1912.

1o ENFANT NATUREL, RECHERCHE DE MATERnité, Preuve PAR ÉCRIT (COMMENCEMENT DE), LETTRES MISSIVES, PARTIE ENGAGÉE DANS LA CONTESTATION, ENFANT LÉGITIME, INTERVENTION FORCÉE, DÉNÉGATION D'ÉCRITURE, VÉRIFICATION (Rép., vo Enfant naturel, n. 273, 284 et s.; Pand. Rép., vo Enfants naturels, n. 546 et s., 640 et s.).

(1) Il est aujourd'hui constant en jurisprudence que l'art. 341, C. civ., qui exige un commencement de preuve par écrit pour rendre admissible la preuve de la filiation naturelle, se réfère, pour les conditions que doit réunir le commencement de preuve par écrit, à l'art. 324 du même Code, en telle sorte que le commencement de preuve par écrit peut résulter d'actes publics et même privés émanés d'une partie engagée dans la contestation, et qui y a intérêt. V. Cass. 4 janv. 1910 (S. et P. 1910.1.304; Pand. pér., 1910.1.304), la note et les renvois. Les lettres missives sont au nombre des actes privés aingi visés. V. Cass. 17 juin 1907 (S. et P. 1909.1.489; Pand. pér., 1909.1.489), la note de M. Naquet et les renvois; adde, Bavdry-Lacantinerie et Chéneaux, Des pers., 3" éd., t. 4, n. 471.

Dans l'espèce, le demandeur en reconnaissance de maternité invoquait des lettres attribuées à un fils légitime de la prétendue mère, qui se trouvait engagé dans l'instance, sa mise en cause ayant été ordonnée, à raison de la production desdites lettres. Pour faire écarter ces lettres du débat, le pourvoi soutenait que l'intervention forcée du fils légitime ne pouvait le faire considérer comme a engagé dans la contestation », au sens de l'art. 324, C. civ. Si, disait le pourvoi, l'usage de telles lettres était autorisé au moyen de la mise eb cause de leurs auteurs, on arriverait à fausser les règles de la preuve, d'après lesquelles les lettres de tiers étrangers au procès ne peuvent être prises en considération. V. sur ce principe, Cass. 22 oct. 1902 (S. et P. 1902.1.485; Pand. pér., 1903.1.62). L'objection ne paraît pas décisive, et la Cour de cassation l'a écartée avec raison. L'intervenant est bien, en effet, engagé dans la contestation », que son intervention soit volontaire ou forcée. Et, d'autre part, le danger signalé n'est pas sérieux, puisqu'il dépend des juges, pour éviter que l'intervention n'ait d'autre but que de procurer une preuve au demandeur, de ne pas l'admettre, si elle

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1o Les actes publics et privés, et notamment les lettres missives, pouvant, aux termes de l'art. 324, C. civ., servir à prouver la maternité naturelle, lorsqu'ils émanent d'une partie engagée dans la contestation ou qui y aurait intérel, si elle était vivante, peuvent être produites dans une action en recherche de maternité, comme étant de nature à constituer un commencement de preuve par écrit, des lettres missives émanées du fils légitime de la prétendue mère naturelle, qui, ayant été mis en cause dans l'action en recherche de maternité, est engagé dans la contestation, et qui, de plus, est intéressé dans cette contestation, en vertu du droit qu'il aurait de former tierce opposition à la décision qui reconnaîtrait le demandeur comme son frère naturel (1) (C. civ., 324, 341).

On ne saurait d'ailleurs faire grief aux juges du fond d'avoir considéré comme commencement de preuve par écrit des lettres non signées et dont l'écriture était déniée, s'ils se sont bornés à dire que ces

ne repose pas sur un motif légitime. V. d'ailleurs, sur l'application de l'art. 324 au cas de lettres écrites par un enfant légitime de la prétendue mère, Cass. 28 nov. 1868 (S. 1869.1.5. - P. 1869.1.5; Pand, chr.); Douai, 29 janv. 1879 (S. 1879.2.195. - P. 1879.829).

(2) Une écriture privée, n'ayant de valeur probante qu'autant qu'elle n'est point déniée, ne saurait, si elle est déniée, constituer un commencement de preuve par écrit, tant qu'elle n'est pas vérifiée. V. Bastia, 20 juill. 1842 (P. 1842.2.656); Aubry et Rau, 4o éd., t. 8, p. 334, § 764, texte et note 17; Laurent, Princ. de dr. civ., t. 19, n. 498; Demolombe, Contr. ou oblig., t. 7, n. 118; Larombière, Théor. et prat. des oblig., 2° éd., t. 6, sur l'art. 1317, n. 25; Bonnier, Tr. des preu

ves,

5o éd. par Larnaude, n. 168; et notre Rép. gén. du dr. fr., vo Preuve par écrit (Commencement de), n. 67; Pand. Rép., v° Preuve, n. 520, 556. L'arrêt attaqué n'avait pas méconnu ce principe, puisque, loin de reconnaître dès à présent, aux lettres non signées produites par le demandeur, le caractère de commencement de preuve par écrit, il en avait préalablement ordonné la vérification.

(3-4-5) En principe, lorsqu'une lettre est confidentielle, elle ne peut être produite en justice sans le consentement de son auteur. V. Cass. 20 oct. 1908 (S. et P. 1909.1.253; Pand. pér., 1909.1.253), et les renvois. Mais ce principe paraît bien comporter exception, comme le décide l'arrêt ci-dessus, en matière de recherche de maternité, où l'art. 324, C. civ., autorise à puiser dans les papiers domestiques de la mère, c'est-à-dire dans des documents revêtant généralement le caractère confidentiel, le commencement de preuve par écrit, qui rend admissible la preuve de la filiation. V. en ce sens, Paris, 11 févr. 1850 (motifs), sous Cass. 3 juill 1850 (S. 1850.1.705. P. 1851.1.488).

Le principe comporte également exception, d'une manière générale, d'après certains auteurs, quand le destinataire a un intérêt légitime à la production

lettres auraient à leurs yeux la valeur d'un commencement de preuve par écrit, au cas où, après la vérification qui était ordonnée, elles seraient reconnues émaner des personnes auxquelles elles étaient attribuées (2) (C. civ., 324, 1347).

L'art. 324, C. civ., n'interdit pas de faire usage de papiers domestiques ou d'actes privés qui auraient le caractère confidentiel, et notamment de lettres missives (3) (C. civ., 324).

2o Le demandeur à l'action en reconnais. sance de maternité a le droit de se servir des lettres qui lui ont été adressées (4) (C. civ., 324, 544).

Alors surtout qu'il n'est pas établi que ces lettres soient confidentielles (5) (Id.).

Et la décision qui l'autorise à invoquer des lettres écrites à des tiers ne saurait être critiquée, dès lors qu'en déclarant qu'il les détient sans fraude, cette décision reconnait implicitement qu'elles lui ont été remises du consentement des destinataires ou de leurs représentants (6) (Id.).

(Consorts Doumeing C. Paul).

A l'appui d'une demande en reconnaissance de maternité naturelle, formée par M. Emile Paul, devant le tribunal civil de Libourne, contre Mme veuve Doumeing, le demandeur avait produit comme éléments de preuve 1° trois lettres non signées,

en justice. V. Aubry et Rau, 4o éd., t. 8, p. 290, $760 ter; Larombière, Théor. et prat. des oblig., 2o éd., t. 6, p. 210 et s., sur l'art. 1331, n. 14; Legris, Du secret des lettres missives, 2o éd., n. 150; et notre Rép. gén, du dr. fr., vo Lettre missive, n. 284. C'est ce qui paraît bien avoir été décidé par la Cour de cassation en matière de recherche de maternité. V. Cass. 3 juill. 1850, précité. Comp. pour le cas où les lettres n'étaient pas confidentielles, Cass. 20 juill. 1880 (S. 1881.1.248.-P. 1881.1.604). Au surplus, une opinion aujourd'hui très accréditée admet que, malgré l'opposition de l'expéditeur, le destinataire d'une lettre confidentielle peut la produire en justice, quand son adversaire est l'expéditeur lui-même. V. les renvois de la note sous Cass. 5 mai 1897 (S. et P. 1901.1.454). V. cep. cet arrêt. Dans l'espèce, d'ailleurs, les juges n'avaient pas reconnu aux lettres produites le caractère confidentiel, et cette appréciation était souveraine. V. Cass. 20 oct. 1908, précité, et les renvois.

(6) Un tiers ne peut se prévaloir en justice du contenu de lettres missives contre le vœu de celui à qui elles ont été adressées. V. Dijon, 3 avril 1868 (S. 1869.2.46. P. 1869.225); Aubry et Rau, 4o éd., t. 8, p. 290 et s., § 760 ter; Larombière, Théor. et prat, des oblig., 2e éd., t. 6, sur l'art. 1331, n. 14. V. spécialement, sur l'application de ce principe en matière de recherche de maternité, Cass. 12 juin 1823 (S. et P. chr.). Mais l'usage en justice de lettres non confidentielles est licite, dès que le destinataire y consent (V. Aubry et Rau, loc. cit.; Larombière, op. et loc. cit.), ce consentement fût-il seulement tacite. V. Legris, Du secret des lettres missires, 2o éd., n. 153. La possession licite d'une lettre fait d'ailleurs présumer le droit pour le tiers détenteur de s'en servir. V. Cass. 20 juill. 1880 (S. 1881.1.248. — P. 1881.1.604); Legris, up. et loc. cit.; et notre Rép. gén. du dr. fr., v° Lettre missive, n. 304; Pand. Rép., v Lettres missives, n. 365, 379.

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adressées à Mme Bertin, chez laquelle il avait été mis en nourrice, et qu'il attri buait à sa prétendue mère; 20 cinq lettres non signées, qui lui avaient été adressées à lui-même, sous le nom de Paul Bertin, et qu'il attribuait à M. Edgard Doumeing, fils légitime de sa prétendue mère. - Par jugement du 22 mars 1907, le tribunal a rejeté la demande, en déclarant que les écrits produits étaient insuffisants pour constituer le commencement de preuve par écrit exigé par la loi. — M. Emile Paul à interjeté appel de ce jugement, et il a produit, en plus des précédentes, cinq lettres non signées, adressées à un tiers, M. P..., et attribuées par lui à Mme veuve Doumeing, sa prétendue mère. --- Par arrêt du 28 août 1908, la Cour de Bordeaux a ordonné la mise en cause de M. Edgard Doumeing. Celui-ci, aussi bien que Me veuve Doumeing, sa mère, ayant dénié l'écriture des lettres qui leur étaient attribuées, la Cour de Bordeaux, par arrêt du 6 déc. 1909, a ordonné une expertise.

POURVOI en cassation par Mme veuve Doumeing et par M. Edgard Doumeing. 1er Moyen. Violation des art. 323, 324, 1324, 1347, 1986 et s., C. civ., des art. 1350 et 1351 du même Code, ainsi que de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que l'arrêt attaqué a fait état de lettres prétendùment écrites par M. Edgard Doumeing, soit personnellement, soit comme mandataire de sa mère, alors que, d'une part, il n'était pas partie engagée dans la contestation, au sens de l'art. 324, précité, alors, d'autre part, qu'il eût fallu que le prétendu mandat, en vertu duquel ces lettres auraient été écrites, fût prouvé par écrit, et qu'enfin, il était impossible, sous peine d'en dénaturer le sens, d'y voir la moindre allusion à un mandat.

2o Moyen. Violation des art. 323, C. civ., et 195, C. proc., en ce que l'arrêt attaqué a retenu, comme commencement de preuve par écrit, des lettres non signées, alors que ces lettres ne pouvaient constituer un commencement de preuve, puisqu'elles ne se présentaient pas comme émanées de la partie à qui on les opposait, et qu'elles ne pouvaient revêtir ce caractère qu'après qu'un commencement de preuve par écrit aurait été acquis aux débats.

(1-2-3) Dans l'espèce, il ressortait très nettement, du contrat intervenu entre le concessionnaire du placement des billets de la loterie et l'intermédiaire auquel il avait remis ces billets pour les vendre, que cet intermédiaire était purement et simplement mandataire, et qu'il n'avait pas la propriété des billets à lui remis. Mais l'intermédiaire, pour se prétendre propriétaire des billets invendus, parmi lesquels s'en trouvait un qui avait gagné un lot important, soutenait que, pour interpréter le contrat, il fallait tenir compte des stipulations de l'arrêté d'autorisation de la loterie, stipulations qui, faisant corps avec l'autorisation, en étaient inséparables, et s'imposaient en conséquence aux parties. V. Cass. 27 avril 1901 (S. et P. 1902.1.543; Pand. pér., 1901.1.374), la note et les renvois. Or, ces stipulations excluaient, d'après lui, chez les intermédiaires, la qualité de mandataires, parce que l'arrêté d'autorisation dis

3e Moyen. Violation de l'art. 544, C. civ., et du principe de l'inviolabilité des lettres, et fausse application de l'art. 324, C. civ., en ce que l'arrêt attaqué a admis l'usage de lettres confidentielles attribuées à un expéditeur déterminé, sans l'autorisation de celui-ci.

ARRÊT.

LA COUR; Sur les deux premiers moyens : Attendu qu'aux termes de l'art. 324, C. civ., les actes publics et privés, dont font partie les lettres missives, peuvent servir à prouver la maternité naturelle, lorsqu'ils émanent d'une partie engagée dans la contestation, ou qui y aurait intérêt si elle était vivante; qu'Edgard Doumeing, auquel sont attribuées les cinq lettres adressées au défendeur éventuel sous le nom de Paul Bertin, est engagé dans la contestation, puisque sa mise en cause a été ordonnée par un arrêt du 10 nov. 1908 qu'il a exécuté; qu'il y est, de plus, intéressé, en vertu du droit qu'il aurait de former tierce opposition à l'arrêt qui reconnaîtrait Emile Paul comme son frère naturel; que les conditions exigées par l'art. 324 se rencontrent donc dans la cause; que vainement on objecte que les lettres, présentées comme l'œuvre tant d'Edgard Doumeing que de sa mère, n'étant pas signées, et l'écriture en étant déniée, ne peuvent constituer un commencement de preuve par écrit; qu'en effet, l'arrêt attaqué ne leur a pas, dès à présent, assigné ce caractère; qu'il a seufement dit qu'elles auraient à ses yeux la valeur d'un commencement de preuve par écrit, si, après la vérification qu'il a ordonnée, elles étaient reconnues émaner de la veuve Doumeing ou de son fils; que, sous ce rapport, le moyen manque en fait;

Sur le troisième moyen :- Attendu qu'il n'est pas établi que les lettres qui ont été mises au débat soient confidentielles, et qu'en tous cas, l'art. 324 n'interdit pas de faire usage de papiers domestiques ou d'actes privés qui auraient ce caractère; que, d'autre part, on ne saurait refuser au défendeur éventuel le droit de se servir des lettres qui lui ont été personnellement adressées; que, quant à celles qui ont été écrites, soit à sa nourrice, soit au sieur P..., l'arrêt attaqué, en constatant qu'il les dé

posait, d'une part, que les billets ne pourraient être cédés qu'au comptant aux intermédiaires, et, d'autre part, parce que les intermédiaires, faute par eux d'avoir restitué les billets invendus avant le tirage, étaient déclarés débiteurs du prix, ce qui impliquait que, tout au moins après le tirage effectué, ils en étaient propriétaires. La Cour de cassation, pour repousser ce moyen, se borne, après avoir constaté qu'en qualifiant de mandat la convention, les juges du fond en avaient donné une interprétation qui ne la dénaturait pas, à ajouter que l'arrêté ministériel, dont aucune des parties n'a violé les prescriptions, demeurait étranger à la cause, où il s'agissait uniquement d'interpréter la convention ». La portée de ce motif est assez difficile à pénétrer, car il s'en tient à une simple affirmation, sans expliquer pourquoi les prescriptions de l'arrêté étaient inapplicables à la cause, et sans préciser en quoi ces prescriptions n'avaient pas

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CASS.-REQ. 17 février 1913.

LOTERIE, PLACEMENT DES BILLETS, CONCESSIONNAIRE, INTERMÉDIAIRE, CONVENTION, INTERPRÉTATION, POUVOIR DU JUGE, APPRÉCIATION SOUVERAINE, Mandat, BILLETS NON VENDUS, LOT, PROPRIÉTE, ARRÊTÉ D'AUTORISATION (Rép., vo Loterie, n. 95 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 146 et s.).

Les juges du fond donnent du contrat, intervenu entre le concessionnaire général du placement des billets d'une loterie autorisée et celui qu'il a chargé du placement de ces billets, une interprétation qui, ne le dénaturant pas, est souveraine, lorsque, pour qualifier ce contrat de mandat, ils se fondent sur ce que c'est la dénomination qui lui a été donnée par les parties, et sur ce que les clauses en sont caractéristiques du mandat, les billets de la loterie étant remis à charge de les placer à un prix fixe, moyennant rémunération de 10 p. 100 sur ce prix, et de représenter, à tout moment, soit les billets, soit leur valeur (1) (C. civ., 1134, 1932, 1986).

En conséquence, celui qui était charge du placement ne peut réclamer un lot gagné par un des billets qui lui avaient été remis et qu'il n'a pas vendus (2) (Id.).

Vainement il s'appuierait, pour prétendre qu'il détenait les billets à titre de vente et non de mandat, sur les clauses de l'arrêté d'autorisation, qui prescrivaient que les billets ne pouvaient être cédés aux intermédiaires qu'au comptant, et que les billets non vendus par les entrepositaires devraient être rendus par eux avant le tirage de la loterie, à peine d'étre débiteurs du prix, ces clauses étant sans application dans l'af faire, où il s'agissait uniquement d'interpréter les conventions des parties (3) (L.

été violées, alors que l'une des clauses invoquées par le pourvoi, celle qui interdisait la vente aux intermédiaires autrement qu'au comptant, a été interprétée par le Conseil d'Etat comme prohibant le dépôt des billets chez les intermédiaires. V. Cons. d'Etat, 17 déc. 1909, Benedetti (S. et P. 1912.3.78; Pand. pér., 1912.3.78). Il serait téméraire de conclure de l'arrêt ci-dessus qu'il ait entendu contredire cette solution. Il est plus vraisemblable qu'il a purement et simplement reproduit, sans la contrôler ni la discuter, l'affirmation de fait de l'arrêt attaqué, que les prescriptions de l'arrêté, invoquées par le pourvoi, n'étaient pas applicables à la loterie de l'espèce, qui avait été soudée avec une autre loterie, émise en vertu de l'arrêté, et que cet arrêté visait d'ailleurs uniquement les rapports de l'établissement en faveur duquel la loterie était autorisée avec le concessionnaire du placement des billets, et non les rapports de ce concessionnaire avec les tiers.

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