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(De Brémond d'Ars C, de Brémond d'Ars).

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Mme de Bremond d'Ars est décédée le 25 juin 1908, laissant son mari commun en biens, et pour héritiers ses deux fils. Joseph et Josias de Brémond d'Ars, Par son testament olographe, elle léguait à son mari l'usufruit de tous ses biens meubles et immeubles, à concurrence de ce dont la loi lui permettait de disposer en sa faveur, en désignant les biens sur lesquels cet usufruit devait d'abord s'exercer. Puis elle léguait ces mêmes biens en nue propriété à son fils ainé Joseph, en estimant feur valeur à la somme de 700.000 fr., et en ajoutant que, si son fils cadet, Josias, venait à discuter cette estimation, l'aîné recueillerait ces biens par préciput et hors part. La testatrice déclarait, en outre, qu'elle entendait que son fils Josias considéré comme débiteur envers la communauté d'une somme de 430.000 fr., somme, qui avait été payée des deniers de la communauté pour acquitter ses dettes. A ces dispositions, le testament ajoutait la clause pénale suivante: « Au cas où Josias ou ses créanciers viendraient à élever une difficulté quelconque au sujet de cette dette envers la communauté, et iraient jusqu'à la contester en tout ou en partie, je déclare léguer à mon fils ainé, pour qu'il ne soit pas lésé par le fait des emprunts contractés pour son frère, la quotité disponible la plus étendue permise par la loi, par préciput et hors part ». La liquidation de la succession a donné lieu entre les ayants droit, devant le tribunal civil de Quimperlé, à une instance, au cours de laquelle M. Josias de Brémond d'Ars a soutenu notamment : 1° que, le legs en usufruit fait à son père n'étant qu'un legs particulier, le légataire n'avait droit aux fruits que du jour de la demande en délivrance formée par lui, le 8 août 1908; 2° que la clause pénale, relative à l'estimation donnée par le testament aux biens attribués en usufruit à son père et en nue propriété à son frère, était nulle comme portant atteinte à sa réserve;

tise, ou quelque autre mesure de vérification préalable; la Cour de cassation leur refuse cette échappatoire. V. sur ce dernier point, Cass. 30 mai 1866 (S. 1867.1.431. P. 1867.1160); 30 avril 1890 (S. et P. 1893.1.142; Pand. pér., 1891.1.130); Baudry-Lacantinerie et Colin, loc. cit., p. 56. Cette jurisprudence, il est vrai, avait jadis soulevé des doutes. V. la note au Sirey sous Cass. civ. 18 janv. 1858, précité. Mais ces doutes doivent se dissiper. Elle concilie heureusement les droits de l'autorité publique et de l'autorité privée (Sur cette notion de l'autorité privée, cf. Demogue, Les notions fondamentales du droit privé, Paris, 1911). Les peines des plaideurs téméraires ne sont pas chose si désuète qu'il ne convienne de les respecter, lorsque, à défaut du législateur, un particulier les restaure.

Ce premier grief mis de côté, le demandeur en cassation en formulait encore un autre, d'une portée plus restreinte, et beaucoup plus inattendu. La seconde clause, à l'en croire, aurait été nulle, comme constituant un pacte sur succession future prohibé (C. civ., 1180): parce qu'en le contraiguant à s'acquitter immédiatement du montant

3 que la disposition, lui imposant le rapport d'une dette de 430.000 fr., et lui interdisant toute contestation de ce chef, sous une clause pénale, était nulle, parce que, à supposer que sa dette s'élevât à 430.000 fr., ce qu'il niait, il ne pouvait être tenu de rapporter à la succession de sa mère la somme de 430.000 fr., alors que, débiteur envers la communauté de cette somme, il ne devait à la succession ouverte que la moitié, soit 215.000 fr. Ces prétentions, dont la première seule avait été accueillie par le tribunal, dans un jugement du 11 déc. 1908, ont été, sur appel principal de M. Josias de Brémond d'Ars et sur appel incident de M. de Bremond d'Ars père, rejetées par un arrêt de la Cour de Rennes du 30 juill. 1909, dont extrait suit : « La Cour; Sur les fruits: - Considérant que le testament de Mme de Brémond d'Ars porte Je donne et lègue à mon mari... tout ce dont la loi me permet de disposer en sa faveur, mais en usufruit seulement, de tous les biens, meubles et immeubles qui composeront ma succession »; qu'un pareil legs, qui comprend l'usufruit de la moitié de l'hérédité, et porte, par suite. sur une quote-part de l'universalité des biens, constitue un legs à titre universel; qu'Anatole de Brémond d'Ars, ayant demandé la délivrance de ce legs dans l'année du décès, a droit aux revenus des biens soumis à son usufruit à partir du 25 juin 1908, date du décès de la testatrice; que, par suite, les oppositions pratiquées par Josias sur ces fruits doivent être considérées comme nulles et non avenues...;

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<< Sur les clauses pénales: - Considé rant que, si une disposition testamentaire sanctionnée par une clause pénale entame la réserve, l'héritier réservataire a le droit de prouver l'atteinte à la réserve pour faire annuler la disposition et la clause pénale qui en est l'accessoire; mais que, s'il ne fait pas cette preuve, la disposition subsiste et la clause pénale est encourue: — Or, considérant que le testament porte : J'entends que mon fils ainé Joseph... soit attribué, sur ses droits, de la nue propriété

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total de sa dette, la testatrice, disait-il, lui retirait, pour la moitié de cette dette, - celle correspondant à la part du père dans la créance commune, la faculté de se libérer, plus tard, par voie de rapport à la succession paternelle, et que, ce faisant, elle anticipait sur le règlement de la succession de son mari ». Il eût été permis de répliquer que, parmi les motifs justifiant la prohibition et qui en circonscrivent le domaine, il n'en était aucun qui se rencontrât dans l'espèce. V. la note de M. Naquet sous Cass. req., 26 juin 1905 (S. et P. 1907.1.217). On eût aussi pu objecter qu'il ne s'agissait pas d'un pacte, mais d'un acte unilatéral (Sur l'inapplicabilité de l'art. 1130, C. civ., aux actes unilatéraux, V. Nast, Etude sur la prohibition des pactes sur succession future, thèse Paris, 1905, p. 178, note 1. V. cep. en sens contraire, Cass. civ., 11 déc. 1867, S. 1868.1.87. P. 1868.176, et la note). La Cour de cassation, négligeant ces arguments liminaires, s'est contentée d'affirmer que l'obligation imposée à l'enfant, parce qu'elle ne portait pas « sur un objet se trouvant dans la succession non ouverte du père et devant y être recueilli à titre successif

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des biens meubles et immeubles spécialement susdésignés, et dont j'ai légué l'usufruit à mon mari; ces biens sont estimés par moi, en nue propriété, à 700.000 fr., et entreront pour cette valeur dans le partage de ma succession. Au cas où mon fils cadet Josias ... viendrait à discuter l'estimation que je donne aux biens désignés, et voudrait leur faire donner une autre estimation, je déclare les léguer à mon fils ainė Joseph... par préciput et hors part, comme quotité disponible; Considérant que Josias a le droit de prouver que, par cette attribution ou cette estimation, le testament porte atteinte à sa réserve: mais qu'il ne fait pas cette preuve; qu'il n'offre même pas de la faire, et que, déjà pour ce motif, la clause pénale est encourue: Considérant, au surplus, qu'il résulte des documents versés aux débats que, loin de porter atteinte à la réserve de Josias, l'estimation faite par le testament est plus élevée; qu'en effet, le notaire Corelleau avait estimé 602.000 fr. la pleine propriété des biens dont il s'agit; que les droits de mutation ont été perçus pour eux sur un chiffre de 530.000 fr.; qu'enfin, le revenu qu'ils produisent est seulement de 18.358 fr.;

<< Considérant que le testament contient une seconde clause pénale dans la disposition suivante: « Je déclare que l'emprunt au Crédit foncier, que j'ai fait, solidairement avec mon mari, de la somme de 400.000 fr., ainsi que d'autres emprunts sur billets jusqu'à concurrence de 300.000 fr., ont été employés à payer des dettes personnelles à mon fils cadet Josi as,... jusqu'à concurrence de 430.000 fr. ; j'entends done qu'il soit considéré comme débiteur de pareille somme totale de 430.000 fr. envers la communauté; au cas où il... viendrait à élever des difficultés quelconques au sujet de cette dette envers la communauté, et irait jusqu'à la contester en tout ou en partie, je déclare léguer à mon fils Joseph, pour qu'il ne soit pas lésé par le fait des emprunts contractés pour son frère, la quotité disponible..., par préciput

ne tombait pas sous le coup de la prohibition de l'art. 1130, C. civ. Et c'est là sans doute la réponse la plus sûre et la plus topique. Qu'exigeait, en effet, la mère ? Que son fils cadet profitâ: de la succession qu'il allait recueillir pour éteindre, lui débiteur, une créance tombée pour moitié dans le patrimoine de son père. Cette créance, elle ne la considérait pas du tout comme un bien futur, à trouver plus tard dans la succession paternelle son désir était, au contraire, de l'empêcher d'y figurer. Elle ne réglait pas une succession future: elle se bornait à modifier, par un paiement anticipé imposé à un débiteur, la composition de la fortune de son mari encore vivant. Elle ne demandait pas à son fils de se dépouiller d'un droit héréditaire éventuel. L'expectative d'un rapport de dettes n'est pas un droit héréditaire. Le rapport de dettes n'est que la résultante possible de deux qualités combinées : celle de débiteur et celle d'héritier. La loi interdit de renoncer d'avance à la qualité d'héritier, mais pas à celle de débiteur. LOUIS HUGUENEY, Professeur agrégé à la Faculté de droit de Dijon.

et hors part »; Considérant qu'en première instance, Josias n'offrait même pas de prouver que le chiffre de 430.000 fr. est exagéré; qu'en appel, il offre de faire cette preuve, en demandant qu'il soit procédé à l'établissement d'un compte; Mais considérant que les intimés démontrent qu'à l'époque du décès de sa mère, les dettes de Josias, payées par ses parents, dépassaient sensiblement 430.000 fr., et que, par suite, il ne peut se plaindre du chiffre porté au testament; que, du reste, il importe d'observer qu'une erreur, même considérable, dans le chiffre de 430.000 fr., porté au testament, n'aurait pas pour résultat d'entamer la réserve; qu'en effet, les documents produits aux débats démontrent que la quotité disponible sera d'environ 500.000 fr.; que le seul legs important, le legs d'usufruit au père, ne représente qu'un vingtième de la succession; que, par suite, une erreur d'estimation dans le chiffre des dettes payées pour le compte de Josias ne porterait pas atteinte à sa réserve; que, dans ces conditions, il n'y a pas lieu de surseoir à statuer jusqu'à l'établissement d'un compte que Josias ferait établir; Considérant que c'est à tort que Josias critique la disposition du testament, de laquelle il résulte qu'il devra rapporter ou payer 430.000 fr. à la communauté, qu'en effet, s'il est vrai que l'héritier acceptant la communauté ne pas le rapport proprement dit de ses dettes personnelles, le rapport n'étant dû par lui que pour les dettes de son auteur, il n'est pas moins certain que les dettes personnelles qu'il a contractées envers la communauté font partie de l'actif de cette communauté, sauf à ne devenir exigibles qu'à leur échéance; que, sans la clause litigieuse du testament, Josias aurait dû la moitié de sa dette, soit 215.000 fr., à la succession de sa mère, l'autre moitié à son père, et qu'au décès de son père, il aurait dû 215.000 fr. à sa succession, soit en vertu du rapport. s'il acceptait, soit comme débiteur, s'il renonçait; que la mère a préféré qu'on fit le règlement de la dette entière de 430.000 fr. en liquidant sa succession; que sa volonté doit être respectée, puisque le préjudice que peut éprouver Josias, en étant considéré comme débiteur de la seconde moitié de sa dette lors du règlement de la succession de sa mère, au lieu d'attendre l'ouverture de la succession de son père, est manifestement très inférieur à la quotité disponible, qui est d'environ 500.000 fr.; que c'est donc en vain qu'à ce point de vue, Josias essaie de se soustraire à l'application de la seconde clause pénale; Par ces motifs, etc. ».

POURVOI en cassation par M. Josias de Brémond d'Ars. 1er Moyen. Violation ou fausse application des art. 1002, 1003, 1005,

(1) L'art. 26, C. proc., d'après lequel le demandeur au pétitoire ne sera plus recevable à agir au possessoire », crée une fin de non-recevoir absolue contre toute action possessoire dérivant des mêmes faits que l'action pétitoire. V. Cass. 16 févr. 1881 (S. 1883.1.462, P. 1883.1.1158),

1010, 1011, 1014, C. civ., en ce que l'arrêt attaqué a décidé qu'un legs d'usufruit portant sur la moitié de l'hérédité constituait un legs à titre universel, et qu'en conséquence, le légataire, qui avait formé sa demande en délivrance dans l'année du décès, avait droit aux fruits des biens soumis à son usufruit à dater du décès de la testatrice.

2e Moyen. Violation des art. 900, 913 et 1227, C. civ., en ce que l'arrêt a validé une clause testamentaire interdisant à un héritier réservataire, sous peine d'être privé de sa part dans la quotité disponible, de contester l'estimation donnée par la testatrice aux biens attribués par elle en usufruit au conjoint survivant et en nue propriété au cohéritier de l'héritier réservataire, alors que, par elle-même, cette contestation ne tendait qu'à vérifier si la disposition dont s'agit portait ou non at teinte à la réserve, et que cette vérification contradictoire et par la voie judiciaire constituait pour l'héritier réservataire un droit absolu, d'ordre public, auquel il ne pouvait être dérogé par une clause testamentaire.

3 Moyen. Violation des art. 895, 900, 1130, 1134, 1220, 1227 et 1438, C. civ., en ce que l'arrêt attaqué a décidé que Mme de Bremond d'Ars avait valablement obligé par son testament, et sous une clause pénale appliquée par l'arrêt, son fils Josias à rapporter à la succession la somme totale de 430.000 fr., dont il était débiteur envers la communauté d'entre elle et son mari, à raison d'avances faites par cette communauté pour le paiement de ses dettes, alors: 1° que le testament de Mme de Brémond d'Ars obligeait sans droit son fils Josias à rapporter cette somme à la communauté, mais ne l'obligeait pas à la rapporter à la succession; 2o qu'en faisant rapporter à sa succession la somme totale de 430.000 fr., au lieu de la moitié de cette somme, elle avait anticipé sur le règlement de la succession future de son mari; 3° que le fait par M. Josias de Brémond d'Ars d'avoir demandé l'établissement d'un compte ne pouvait par lui-même rendre applicable la clause pénale insérée dans cette disposition.

ARRÊT.

LA COUR; Sur le premier moyen du pourvoi Attendu que le demandeur en cassation soutient que le legs fait par la dame de Brémond d'Ars à son mari d'un usufruit portant, non sur l'universalité de sa succession, mais sur la moitié seule. ment de celle-ci, constitue un legs particulier; Attendu, en fait, qu'il ressort de l'arrêt attaqué que la dame de Brémond d'Ars avait légué en usufruit à son mari tout ce dont la loi lui permettait de dis poser; que ce legs correspondait dans la cause à celui de l'usufruit de la moitié de

et le renvoi. Adde, Aubry et Rau, 5o éd., t. 2, p. 220, $ 186; notre C. proc. annoté, par Tissier, Darras et Louiche-Desfontaines, sur l'art. 26, n. 21 et s.; et notre Rép. gén. du dr. fr., vo Action possessoire, n. 874; Pand. Rép., eod. verb., n. 970. Mais il est généralement admis que la prohibition de l'art. 26

la succession; mais que les legs en usufruit de la totalité de la succession, de la quotité disponible ou d'une quote-part de la succession rentrent également dans la définition, donnée par l'art. 1010, C. civ., du legs à titre universel; que l'arrêt attaqué a pu légitimement constater ce caractère du legs, et en déduire que, le légataire, ayant demandé la délivrance du legs dans l'année, avait droit, à dater du décès, aux revenus des biens soumis à son usufruit; Sur les deuxième et troisième moyens : Attendu que la clause pénale privant un héritier qui conteste de la quotité disponible doit être réputée non écrite, lorsqu'elle a pour objet de faire maintenir des libéralités portant atteinte à la réserve; mais que l'héritier encourt l'application de la clause pénale, s'il vient à succomber dans les contestations par lui élevées contre les dispositions du testateur, et tendant à les attaquer comme contraires à la loi; qu'en conséquence, l'arrêt attaqué, après avoir constaté que les dispositions du testament de sa mère, querellées par Josias de Brémond, ne portaient pas atteinte à la réserve de celui-ci, a pu faire à son encontre application de la clause pénale sanctionnant lesdites dispositions; que, d'autre part, la dame de Brémond d'Ars pouvait imposer à son héritier l'obligation de régler à la communauté les 430.000 fr. qui lui avaient été avancés par celle-ci, dès lors que la disposition ne portait pas atteinte à la réserve; que l'arret attaqué ne crée pas, à l'encontre du demandeur en cassation, une obligation différente de celle qui lui était imposée par le testament de sa mère; que cette obligation, qui ne porte pas sur un objet se trouvant dans la succession non ouverte du père, et devant y être recueilli à titre successif, ne tombe pas sous le coup de la prohibition de l'art. 1130, C. civ.; tendu qu'il suit de ce qui précède qu'en statuant ainsi qu'il l'a fait, l'arrêt attaqué, régulièrement motivé, n'a ni violé ni faussement appliqué les textes visés au pourvoi; Rejette, etc.

-At

Du 29 juin 1910. Ch. req. MM. Tanon, prés.; Poupardin, rapp.; Feuilloley, av. gen. (conf. conf.); Mornard, av.

CASS.-REQ. 30 avril 1912. ACTION POSSESSOIRE, PÉTITOIRE, FIN DE NONRECEVOIR, TROUBLE POSTÉRIEUR, CUMUL DU PÉTITOIRE, TITRES, APPRECIATION (Rép., vo Action possessoire, n. 874 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 970 et s.).

Le demandeur au petitoire est recevable à agir au possessoire, si son action est basée sur des faits de trouble survenus depuis l'introduction de son instance pétitoire (1) (C. proc., 26).

ne s'applique pas, quand les faits de trouble dont se plaint le demandeur au pétitoire sont survenus depuis l'introduction de l'instance. V. Cass. 6 août 1863 (S. 1863.1. 474. P. 1864.152); 15 janv. 1894 (S. et P. 1894.1.182; Pand. pér., 1894.1.204), et les renvois, Adde, Aubry et Rau,

Le juge du possessoire a le droit de rechercher si les titres, invoqués pour colorer et caractériser la possession du demandeur, sont applicables à la cause et opposables au défendeur, auteur du trouble allégué, sans que cet examen préjudicie en rien au droit de propriété (1) (C. proc., 25).

(Monticelli C. Cons. Poutet). ARRÈT. LA COUR; Sur le premier moyen, tiré de la violation des art. 24, 25 et 26, C. proc., et de l'art. 696, C. civ., cumul du possessoire et du pétitoire, et excès de pouvoir : Attendu que le demandeur au pétitoire est recevable à agir au possessoire, si son action est basée sur des faits de trouble survenus depuis l'introduction de son instance pétitoire; - Attendu qu'il résulte des constatations du jugement attaqué qu'après avoir revendiqué, par son assignation du 13 janv. 1906, la propriété exclusive du puits litigieux, les consorts Poutet ont, suivant exploit du 13 juill. 1907, cité Monticelli devant le juge de paix de Roquevaire, statuant au possessoire, pour troubles apportés, le 19 juin précédent, à la possession du chemin conduisant au puits, c'est-à-dire pour des faits distincts de celui qui avait motivé l'action de 1906; - Attendu que le jugement attaqué, rendu sur appel de la sentence du juge de paix du 23 oct. 1907, a pu faire droit à l'action possessoire des consorts Poutet, en basant sa décision sur des troubles postérieurs à l'introduction de leur première instance, et ce sans cumuler le possessoire avec le pétitoire, et sans contrevenir aux dispositions des textes de loi invoqués au pourvoi;

Sur le second moyen, pris de la violation des art. 1319 et 1341, C. civ., et 7 de la loi du 20 avril 1810: Attendu que le pourvoi reproche au jugement attaqué d'avoir admis les consorts Poutet à prouver par témoins leur possession plus qu'annale du chemin accédant au puits litigieux, contrairement au contenu du titre formant

la loi des parties; Mais attendu que le

5 éd., t. 2, p. 221, § 186, texte et note 48; notre C. proc. annoté, sur l'art. 26, n. 26 et s.; et notre Rép. gén, du dr. fr., verb. cit., n. 875 et s.; Pand. Rép., verb. cit., n. 978 et s. V. cep. en sens contraire, les autorités citées en note sous Cass. 6 août 1863, précité. Adde, Garsonnet, Tr. de proc., 2e éd., par Cézar-Bru, t. 3, p. 329 et s., § 1004.

Il convient d'observer que l'art. 26, C. proc., qui ne vise par ses termes mêmes que le demandeur au pétitoire, est sans application à l'égard du défendeur au pétitoire; celui-ci peut agir au possessoire à raison de troubles causés par son adversaire, soit dans le cours de l'instance pétitoire (V. Cass. 5 août 1845, S. 1846.1.46, et la note de Devilleneuve. P. 1845.2.759; 19 avril 1869, S. 1869.1.265. P. 1869.649, et le rapport de M. le conseiller Calmètes), soit même antérieurement. V. Cass. 8 avril 1823 (S. et P. chr.), et les renvois; 16 déc. 1874 (S. 1875.1.64. P. 1875.138). V. égal., Aubry et Rau, 5 éd., t. 2, p. 221, S 186, texte et note 49; Garsonnet, op. cit., t. 3, p. 331, S1004; notre C. proc. annoté, sur l'art. 26, n. 31 et s.; et notre Rép. gén. du dr. fr., verb. cit., n. 877 et s.; Pand. Rép., verb. cit., n. 979 et s.

(1) C'est là une conséquence du principe que le juge du possessoire, qui ne fait état des titres

juge du possessoire avait le droit de rechercher si les titres, invoqués pour colorer et caractériser la possession des défendeurs, étaient applicables à la cause et opposables à l'auteur du trouble allégué, sans rien préjudicier par cet examen au droit de propriété; - Attendu que le jugement du tribunal civil de Marseille, confirmant sur appel celui du juge de paix de Roquevaire, déclare que ce magistrat s'est borné à consulter les titres produits, pour la solution du litige relatif à l'exercice du droit de passage sur le chemin du puits; qu'il a pu légalement autoriser les consorts Poutet à faire la preuve par témoins des faits articulés à l'appui de leur action possessoire; - D'où il suit que le jugement attaqué, qui est régulièrement motivé, n'a ni violé ni faussement appliqué les textes de loi visés au pourvoi; Rejette le pourvoi contre le jugement du tribunal civil de Marseille du 29 déc. 1910, etc.

Du 30 avril 1912. Ch. req: - MM. Tanon, prés.; Gillet, rapp.; Blondel, av. gén. (concl. conf.); Tétreau, av.

CASS.-REQ. 15 juillet 1912.

COMPTE COURANT, LETTRE DE CHANGE, INSCRIPTION, NOVATION, CAUTIONNEMENT, MAINTIEN, POUVOIR DU JUGE (Rép., vis Cautionnement, n. 678 et s., 687, Novation, n. 285 et s., 363 et s.; Pand. Rép., vo Compte courant, n. 431 et s.).

Les juges du fond peuvent, en se basant sur les faits et circonstances de la cause, décider que, nonobstant la novation qui est résultée de la passation en compte courant du montant d'une traite, la caution a maintenu sa garantie pour le paiement du montant de cet effet (2)(C. civ., 1278, 1281, 2034).

(Hæmers C. Société générale).

M. Hæmers, président du conseil d'administration de la Société anonyme la

des parties que pour caractériser les actes de possession sur lesquels il appuie sa décision, ne cumule pas le pétitoire et le possessoire. V. Cass. 5 mars 1901 (S. et P. 1903.1.451; Pand. pér., 1901.7.8), la note et les renvois. V. égal., Cass. 12 nov. 1907 (S. et P. 1910.1.498; Pand. pér., 1910.1.498), et les renvois.

(2) Lorsque l'inscription d'une créance dans le compte courant existant entre le débiteur et le créancier emporte novation (V. sur l'effet novatoire de la passation en compte courant, Rennes, 3 mars 1910, S. et P. 1912.2.21; Pand. pér., 1912. 2.21, et le renvoi), les sûretés garantissant la créance sont éteintes (C. civ., 1278) (V. Cass. 15 déc. 1897, S. et P. 1899.1.393, la note de M. Wahl et les renvois; Rennes, 3 mars 1910, précité), et, par suite, la caution est libérée (C. civ., 1281). Mais le cautionnement subsiste, si la caution a accédé à la dette nouvelle résultant de la novation (V. Aubry et Rau, 5 éd., t. 4, p. 370, § 324, texte et note 59; Colmet de Santerre, contin. de A.-M. Demante, Cours anal. de C. civ., t. 5, n. 229; Beudant, Cours de dr. fr., Contr. et oblig., n. 844; Demolombe, Contr. ou oblig., t. 5, n. 365; Larombière, Théor. et prat. des oblig., t. 5, sur l'art. 1281, n. 3; Baudry

Cellulose française, s'était porté caution, vis-à-vis de la Société générale, du paiement d'une traite de 50.903 fr. 80, tirée sur la Société la Cellulose francaise par MM. Gabuel et Lorsignol. Cette traite a été payée à son échéance par la Société générale, qui en a inscrit le montant au débit du compte courant qu'elle avait ouvert à la Société la Cellulose. Cette société ayant été admise à la liquidation judiciaire, la Société générale a assigné M. Hæmers, devant le tribunal de commerce de Calais, en paiement de la somme de 50.903 fr. 70, montant de la traite qu'il avait cautionnée. M. Hæmers a objecté que, la traite dont il avait garanti le remboursement ayant été passée en compte courant, il était libéré par la novation qui était résultée de cette inscription. — Parjugement du 7 juill. 1910, le tribunal a admis ce moyen de défense, et débouté la Société générale de sa demande. Mais la Cour de Douai a infirmé, par arrêt du 13 avril 1911, en faisant état de présomptions d'où il résultait que la Société générale n'avait pas renoncé à sa sûreté, et que M. Hæmers, de son côté, n'avait pu se croire dégagé de son engagement.

POURVOI en cassation par M. Hæmers. Moyen unique. Défaut de motifs; violation des art. 1281 et 2015, C. civ., en ce que l'arrêt attaqué a décidé que le cautionnement promis par le demandeur, pour la garantie d'une avance déterminée consentie par la défenderesse éventuelle à un tiers, s'appliquait au solde du compte courant avec ce dernier, au débit duquel ladite créance avait été passée en compte, par le motif que ce transfert de garantie résultait manifestement de tous les éléments de la cause, alors que, le solde du compte constituant une créance distincte de celle passée en écriture comme un des éléments de ce compte, la garantie donnée ne pouvait s'appliquer au solde que si la caution avait expressément consenti à ce transfert d'une créance à l'autre de la ga

Lacantinerie et Barde, Des oblig., 3 éd., t. 3, n. 1742), ou si le créancier a fait de cette accession une condition de son consentement à la novation. V. Aubry et Rau, op. et loc. cit.; Colmet de Santerre, op. cit., t. 5, n. 229 bis I; Laurent, Princ. de dr. civ., t. 18, n. 327; Demolombe, op. cit., t. 5, n. 365 et 366; Larombière, op. et loc. cit.; Baudry-Lacantinerie et Barde, op. et loc. cit. V. aussi, notre C. civ. annoté, par Fuzier-Herman et Darras, sur l'art. 1278, n. 4; et notre Rép. gén. du dr. fr., vo Cautionnement, n. 687; Pand. Rép., vo Obligations, n. 5441. Malgré l'effet novatoire reconnu à l'inscription d'une traite en compte courant par celui qui l'a payée, la caution demeure donc tenue, s'il résulte des faits et circonstances de la cause, interprétés par les juges du fond, que tant celui qui a payé la traite cautionnée que la caution elle-même ont entendu que la créance demeurerait garantie par le cautionnement dont elle était assortie. Il appartient de même aux parties, par leur volonté, clairement manifestée, d'empêcher l'effet novatoire de l'inscription en compte courant, à l'effet de maintenir les sûretés dont la créance est assortie. V. Bastia, 27 juill. 1903, sous Cass. 28 juin 1904 (S. et P. 1909.1.194; Pand. pér., 1909.1.194) et les renvois.

rantie fournie par elle, et qu'à défaut de ce consentement exprès, le demandeur se trouvait libéré par l'effet novatoire de l'inscription dans le compte.

LA COUR;

ARRET

Attendu que la question du procès est de savoir si, nonobstant la novation de la créance, résultant de la passation, dans le compte courant ouvert

la Cellulose par la Société générale, du montant de la traite acquittée par cette Société, Hæmers a maintenu son cautionnement à concurrence du montant de l'effet; que le juge du fond a pu résoudre cette question dans le sens du maintien du cautionnement, en se basant sur les faits et circonstances de la cause, que relève l'arrêt attaqué; qu'en statuant ainsi qu'il l'a fait, cet arrêt, dûment motivé, n'a pas violé les textes visés au pourvoi; Rejette, etc.

Du 15 juill. 1912.

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Ch. req. MM. Tanon, prés.; Poupardin, rapp.; Blondel, av. gén. (concl. conf.); Defert, av.

CASS.-CIV. 15 décembre 1908
et 6 août 1912.

1o JUGEMENTS ET ARRÈTS (EN GÉNÉRAL), QUA-
LITÉS, MENTIONS, NOM DES PARTIES, PRO-
FESSION, DEMEURE, CONCLUSIONS, POINT DE
FAIT, POINT DE DROIT, LOUAGE DE SER-
VICES, CAUSES DE RUPTURE, OFFRE DE
PREUVE (Rép., v° Jugement et arrêt [mat.

(1) V. conf. sur le principe, Cass. 3 mai 1909 (S. et P. 1910.1.257; Pand. pér., 1910.1.257); 24 mai 1909 (S. et P. 1909.1.503; Pand. pér., 1909.1.503), et les renvois.

(2 à 5) En principe, dans le contrat de louage de services à durée indéterminée, le patron, qui renvoie un ouvrier ou un employé, est tenu, même si le renvoi est justifié par un motif légitime, d'observer les délais de prévenance, ou de verser une indemnité représentative du préjudice que la suppression de ces délais a fait subir à l'ouvrier ou à l'employé congédié. V. Douai, 11 mai 1892 (S. et P. 1894.2.193); Cass. 21 nov. 1893 (S. et P. 1895.1.166, avec le rapport de M. le conseiller Letellier; Pand. pér., 1894.1.152); la note sous Cass. 9 juill. 1901 (S. et P. 1902.1.114); et la note, n. II, sous Cass. 18 mars 1902 (S. et P. 1903.1,465). Adde, Baudry-Lacantinerie et Wahl, Tr. du louage, 3. éd., t. 2, 1 part., n. 3958. Mais, au contraire, le renvoi peut être immédiat, et ne donner lieu à aucune indemnité, si la faute commise par l'ouvrier est de nature à justifier cette mesure. V. Cass. 9 juill. 1901 (S. et P. 1902.1.114, et la note; Pand. pér., 1901.7.104); 20 janv. 1902 (motifs) (S. et P. 1902.1.189); 15 avril 1904 (S. et P. 1904.1. 357), et la note; 3 août 1910 (S. et P. 1911.1. 383; Pand. pér., 1911.1.383, et la note); 19 jaill. 1911 (S. et P. 1911.1.567; Pand. pér., 1911.1. 567), et la note.

Sur ces principes, la jurisprudence est aujourd'hui fermement assise. Mais il ne paraît pas qu'elle le soit aussi complètement en ce qui concerne les pouvoirs respectifs des juges du fond et de la Cour de cassation pour la détermination du degré de faute de l'ouvrier ou employé qui légitime son renvoi immédiat, sans observation du délai de prévenance; et les deux arrêts cidessus semblent accuser, bien qu'ils émanent

civ. et comm.], n. 2861 et s.; Pand. Rép., vo Jugements et arrêts, n. 1106 et s.). 2o LOUAGE DE SERVICES, DURÉE INDÉTERMINÉE, CONGÉ, BRUSQUE RENVOI, Délai de PRÉVENANCE, INOBSERVATION, FAUTE DE L'OUVRIER OU DE L'EMPLOYÉ, FAUTE GRAVE, POUVOIR DU JUGE, APPRECIATION SOUVERAINE (Rép., vo Louage d'ouvrage, de services et d'industrie, n. 316 et s.; Pand. Rép., vo Louage d'ouvrage et d'industrie, n. 760 et s.).

19 Il est satisfait aux prescriptions de l'art. 141, C. proc., par le jugement dont les qualités contiennent les noms, professions et demeures des parties, leurs conclusions, où se trouvent nettement indiquées les questions sur lesquelles le tribunal est appelé à statuer, le point de fait et le point de droit, et, s'agissant d'une demande en paiement d'indemnité formée par un ouvrier congédié contre son ancien patron, les motifs de la rupture du contrat, précisés dans l'offre de preuve qui en a été faite (1) (C. proc., 141). 2o espèce.

2o Si, au cas de louage de services fait sans détermination de durée, le patron, qui congédie son employé, même pour un motif légitime, est en principe tenu d'observer les délais de prévenance fixés par l'usage et la convention, il en est autrement, lorsque la faute de l'employé présente un caractère particulier de gravité; dans ce cas, le patron a le droit de renvoyer l'employé immé diatement, sans délai de prévenance et sans avoir à lui payer aucune indemnité; il ne

l'un et l'autre de la chambre civile, une tendance différente. L'arrêt du 15 déc. 1908 (1 espèce) affirme que les juges du fond, en déclarant que l'ouvrier avait fait preuve, dans l'exécution de son travail, d'une négligence manifeste, ont constaté l'existence d'une faute à la charge de l'ouvrier, et n'ont fait qu'user de leur pouvoir souverain, en décidant que cette faute était de nature à justifier le renvoi immédiat. L'arrêt du 6 août 1912 (2° espèce), après avoir rappelé les faits relevés par les juges de fond pour constater la faute de l'ouvrier, déclare que leurs constatations motivent suffisamment leur décision, parce que le renvoi immédiat est justifié, lorsque la faute de l'ouvrier présente, comme dans l'espèce, un caractère particulier de gravité.

Cet arrêt, à la différence de l'arrêt du 15 déc. 1908, qui attribuait aux juges du fond un pouvoir souverain pour décider si la faute était de nature à justifier le renvoi immédiat, peut être interprété comme ayant entendu réserver à la Cour de cassation le droit d'apprécier, en ce cas, la gravité de la faute. On peut citer dans le même sens un arrêt antérieur, par lequel la chambre civile, dans une espèce où le contrat de louage de services prévoyait la révocation de l'employé pour faute grave, s'est reconnu le droit de reviser l'appréciation des juges du fond sur la gravité de la faute relevée à la charge de l'employé. V. Cass. 13 janv. 1892 (S. et P. 1893.1.257), et la note.

Si telle est l'interprétation que comporte l'arrêt du 6 août 1912, rapproché de l'arrêt précité du 13 janv. 1892, et si l'on doit y voir, plus que dans l'arrêt du 15 déc. 1908, l'expression de la doctrine de la chambre civile, il en résulterait que, dans l'hypothèse sur laquelle ces arrêts ont statué, c'est-à-dire dans le cas où il s'agit de rechercher si l'ouvrier a commis une faute suffi

lui doit d'autre somme que les salaires en cours, proportionnellement au nombre des journées de travail écoulées jusqu'à son renvoi (2) (C. civ., 1780; L. 27 déc. 1890). - 2o espèce.

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Spécialement, peuvent être considérés comme de justes motifs de renvoi le fait par un employé, chargé de la surveillance des expéditions de marchandises, de laisser partir toute une série d'expéditions sans établir les bons de livraison, et de s'absenter de l'usine pendant plus de deux heures pour aller au cabaret, en suspendant ainsi jusqu'à son retour le service des expéditions (3) (Id.). Id.

Jugé également que, lorsqu'un ouvrier, d'abord employé à la tâche, et ensuite à la journée, ayant refusé, sur l'ordre qui lui en était donné, de cesser le travail à la journée pour reprendre le travail aux pièces, a été brusquement congédié, le rejet de sa demande en allocation d'une indemnité, pour inobservation du délai de congé fixé par l'usage, est justifie par la déclaration des juges du fond qu'il avait fait preuve, dans l'exécution de son travail, d'une négligence manifeste (4) (Id.).— Ire espèce.

Les juges du fond ont, par cette déclaration, constaté à bon droit l'existence d'une faute à la charge de l'ouvrier, et, en décidant que cette faute était de nature à justifier son renvoi immédiat, ils n'ont fait qu'user de leur pouvoir souverain d'appréciation (5) (ld.). — Id.

samment grave pour justifier son renvoi immédiat, le contrôle de la Cour de cassation ne s'exercerait pas seulement, conformément à une jurisprudence bien établie, sur le point de savoir si les faits relevés par les juges du fond présentent le caractère d'une faute (V. en matière de faute délictuelle, Cass. 28 févr. 1910, S. et P. 1911.1.329; Pand. pér., 1911.1.329, et les renvois; 10 mai 1909, S. et P. 1912.1.169; Pand. pér., 1912.1.169; et la note critique de M. Appert sous Cass. 28 févr. 1910; et en matière de faute contractuelle, spécialement au cas de louage de services, Cass. 13 janv. 1892, précité, et la note; 20 mars 1895, 2 arrêts, S. et P. 1895.1.313, avec les conclusions de M. l'avocat général Rau, et la note; 28 juill. 1897, S. et P. 1899.1.33, et la note; Pand. pér., 1898. 1.62; 20 janv. 1902, S. et P. 1902.1.189; Pand. pér., 1903.1.39; 3 août 1910, précité, et la note), mais encore sur le point de savoir si les faits, tels qu'ils sont constatés, révèlent une faute suffisamment grave, en d'autres termes, sur le plus ou moins de gravité de la faute.

L'arrêt du 6 août 1912, si telle est sa portée, mériterait d'autant plus d'attirer l'attention qu'en d'autres matières, au cas où la responsabilité de l'auteur d'une faute n'est engagée qu'en cas de faute grave, la Cour de cassation s'est abstenue d'exercer un contrôle sur le degré de gravité de la faute. C'est ainsi qu'il a été jugé que c'était aux juges du fond qu'il appartenait d'apprécier si la faute prévue par l'art. 804, C. civ., affecte le caractère de gravité qu'elle doit avoir pour engager la responsabilité de l'héritier bénéficiaire. V. Cass. 11 janv. 1830 (S. et P. chr.), dans une partie de l'arrêt non reproduite au Sirey. Adde, la note sous Cass. 17 déc. 1894 (S. et P. 1897.1.329); Demolombe, Tr. des succ., t. 3, n. 237; Baudry-Lacantinerie et Wahl, Tr. des succ., 3° éd., t. 2, n. 1460; Suppl.

Ire Espèce. (Pauly C. Hamot).

--

- Le

M. Pauly, ouvrier tapissier, a fait citer, devant le conseil des prud'hommes d'Aubusson et de Felletin, ses patrons, MM. Hamot, fabricants de tapis et de tapisseries à Aubusson, pour obtenir paiement de sa huitaine, comme ayant été renvoyé de leurs ateliers, sans qu'un congé préalable lui eût été signifié. conseil des prud'hommes a rendu, à la date du 16 juin 1908, un jugement condamnant MM. Hamot à payer à M. Pauly la somme de 54 fr., à titre de dommagesintérêts, pour la huitaine. Appel par MM. Hamot; et, le 5 août 1908, jugement du tribunal civil d'Aubusson, ainsi conçu : Le Tribunal; Attendu que la question qui se posait pour les premiers juges et qui se pose au tribunal est celle de savoir si le renvoi a été justifié, si, en d'autres termes, les appelants, quoique ce soit leur préposé, ont eu un motif légitime de rompre le contrat de louage de services intervenu entre eux et Pauly, sans observer le délai d'usage; Attendu, en effet, qu'il est de principe, en doctrine et en jurisprudence, principe affirmé à maintes reprises par la Cour de cassation, que, au cas de louage de services sans détermination de durée, un patron peut congédier son employé immédiatement, sans être tenu de respecter les délais dé préavis, dans le cas où, soit l'usage, soit la convention les aurait établis, s'il établit que la faute commise, et qui a motivé le renvoi a été d'une gravité suffisante;

Attendu que Pauly soutient que le contrat de louage à la journée et le contrat de louage aux pièces sont des contrats essentiellement distincts, et qu'on ne peut admettre qu'à sa fantaisie, l'une des parties puisse substituer l'un à l'autre, et qu'il n'a pas commis de faute en refusant de travailler aux pièces, alors qu'il travaillait à la journée; Attendu qu'il est certain en droit et non contesté que le contrat de louage à la journée est essentiellement différent du travail à la tàche ou aux pièces ou à façon, prévu par le Code civil sous le nom de devis, ou marché à prix fait; que les deux contrats se différencient, non seulement par le mode de fixation du prix du travail fourni, mais encore par les conditions dans lesquelles l'un et l'autre peuvent prendre fin; que, dans le premier cas, travail à la journée, l'ouvrier peut à tout instant dénoncer le contrat en donnant le congé d'usage, tandis que, dans le second, il doit mener à fin le travail commencé; - Mais attendu que la question qui se pose est précisément celle de savoir si les appelants avaient de justes motifs d'imposer à Pauly le choix entre le travail aux pièces ou un renvoi de l'usine; Attendu que la collaboration

--

à notre C. civ. annoté, par Griffond, sur l'art. 804, n. 3; et notre Rép, gén. du dr. fr., v° Bénéfice d'inventaire, n. 764; Pand. Rep., v° Successions, n. 4706 et s. V. cep., Cass. 17 déc. 1894, pré

cité.

Il a été jugé également, en matière d'assurance, que, lorsqu'il s'agit de décider si l'as

du travail et du capital ne peut être féconde et profitable que si les deux parties remplissent loyalement les obligations qui leur incombent; qu'il est certain, par exemple, que, dans le travail à la journée, l'ouvrier peut, s'il n'est pas consciencieux, causer un grave préjudice à son patron, en apportant peu d'activité ou une négligence voulue à son travail; que, dans le travail aux pièces, au contraire, qui stimule la production, la qualité pourra laisser à désirer; que, dans le premier cas, on ne saurait refuser au patron le droit de surveiller la rapidité ainsi que la bonne exécution du travail, et de prendre en conséquence les mesures commandées par l'attitude de l'ouvrier, mesures qui comportent en première ligne l'offre de modifier les conditions du travail, et, subsidiairement, en cas de résistance, le renvoi; Attendu que les appelants allèguent, en fait, que Pauly, qui travaillait, tantôt aux pièces, tantôt à la journée, avait précédemment accepté sans protester cette substitution d'un travail à l'autre; que cette substitution était cette fois motivée par les considérations suivantes : que, du 1er mai au 4 juin 1908, Pauly avait exécuté un siège fauteuil en trente-sept journées et quatorze heures, à raison de 6 fr. 75 par jour, alors qu'un siège identique, appartenant à la même commande, avait demandé à l'ouvrier Gandy, qui n'était cependant payé que 6 fr. par jour, que trente journées et six heures; que c'est à raison de cette négligence manifeste qu'ils auraient offert à Pauly le travail aux pièces ou le renvoi ; Attendu que ces allégations, contrôlées par le tribunal en chambre du conseil et en présence de Pauly, sur le vu des livres de la maison Hamot, suffisent à justifier le renvoi dont il a été l'objet; qu'il faut bien, en effet, reconnaître au patron un pouvoir absolu d'appréciation en ce qui concerne la direction du travail et les mesures à prendre dans l'intérêt de son entreprise; que c'est donc à tort que les premiers juges ont accueilli la demande de Pauly; Par ces motifs; - Infirme; Déboute Pauly de ses demandes, etc.

POURVOI en cassation par M. Pauly.
ARRÊT.

LA COUR; (sans intérêt); Sur les deuxième, troisième, quatrième et cinquième moyens réunis : - Attendu que le jugement attaqué constate que Pauly, qui travaillait aux pièces pour le compte de la maison Hamot, fut employé par la même maison à la journée, à partir du 6 déc. 1907, à raison de 6 fr. 75 par jour, et que, le 6 juin 1908, il reçut l'ordre de cesser le travail à la journée pour re

Sur le premier moyen : ...

suré a commis une faute grave lui faisant perdre le bénéfice de l'assurance, il appartient exclusivement aux juges du fait d'apprécier le degré de gravité de la faute qui est relevée. V. Cass. 18 avril 1882 (S. 1882.1.245. - P. 1885. 1.601), avec le rapport de M. le conseiller Babinet, et le renvoi. Adde, Cass. 17 juin 1912 (S. et

prendre le travail aux pièces; qu'il refusa, et fut congédié, mais qu'ultérieurement il offrit de faire sa huitaine; · Attendu que, sans prétendre que ses patrons eussent abusé de leur droit de résiliation, Pauly leur réclama, pour inobservation du délai de congé de huitaine établi par les usages locaux, la somme de 54 fr., montant de son salaire pendant huit jours; - Attendu que, pour repousser cette demande, le tribunal déclare qu'il appert des éléments de la cause, contrôlés par lui en la chambre du conseil, en présence de Pauly, sur le vu des livres de la maison Hamot », que cet ouvrier a fait preuve, dans l'exécution de son travail, d'une négligence manifeste ; — Attendu que les juges du fond ont ainsi constaté, à bon droit, l'existence d'une faute à la charge de Pauly, et qu'en décidant que cette faute était de nature à justifier son renvoi immédiat, ils n'ont fait qu'user de leur pouvoir souverain d'appréciation; que les moyens du pourvoi ne sont donc pas fondės; Rejette, etc.

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Du 15 déc. 1908. Ch. civ. MM. Ballot-Beaupré, 1er prés.; Maillet, rapp.; Mérillon, av. gén. (concl. conf.).

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2e Espèce. (Deffrennes C. Thuillier). M. Deffrennes a été engagé par M. Thuillier, fondeur, en septembre 1911, comme pointeau, aux appointements de 150 fr. par mois. D'après les usages locaux, le patron ne pouvait, en principe, mettre fin au contrat de louage qu'après préavis d'un mois, ou, à défaut, moyennant paiement du mois en cours et d'un mois en sus, à titre d'indemnité de prévenance. Alléguant des manquements graves commis par M. Deffrennes dans l'exercice de son emploi de pointeau, M. Thuillier l'a congédié le 27 mars 1912; il lui a fait offre de lui payer les appointements du ler au 27 mars à midi (soit 26 jours et demi à 5 fr.), correspondant à 132 fr. 50, somme se réduisant à 57 fr. 50 pour solde, à raison d'un acompte de 75 fr., versé le 15 mars. M. Deffrennes n'a pas accepté cette offre, et il a assigné M. Thuillier devant le conseil de prud'hommes de Tourcoing, pour s'entendre condamner à lui payer la somme de 225 fr. Le chiffre de la demande se décomposait comme suit: le mois de mars 1911, 150 fr., moins l'acompte de 75 fr., soit 75 fr.; le mois d'avril à titre d'indemnité de prévenance, 150 fr.; total: 225 fr. M. Thuillier a opposé que le renvoi de M. Deffrennes avait été motivé par des manquements graves dans l'exercice de son emploi (négligences de service et absence injustifiée de l'établissement); qu'en conséquence, il n'y avait pas lieu à préavis. 30 avril 1912, jugement du conseil de prud'hommes, qui condamne M. Thuillier au paiement des som

P. 1912.1.456; Pand. pér., 1912.1.456, et les renvois. Enfin, en matière d'accidents du travail, la Cour de cassation déclare que l'appréciation des juges du fait sur le caractère inexcusable ou non de la faute du patron ou de l'ouvrier est souveraine. V. Cass. 18 févr. 1908 (S. et P. 1910.1. 251; Pand. pér., 1910.1.251), et la note.

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