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21 mai 1836, art. 5; Ordonn., 29 mai 1844, art. 17).

(David et Delaye C. Soc. l'Omnium).

La Société anonyme l'Omnium, concessionnaire générale du placement des billets de la loterie autorisée du Sanatorium de Saint-Pol-sur-Mer, qui avait remis, par convention du 13 sept. 1906, à MM. David et Delaye, pour les placer, un certain nombre de billets, a contesté à ceux-ci la propriété d'un lot de 250.000 fr., gagné par un des billets qu'ils n'avaient pas vendus, sur le motif qu'ils ne détenaient les billets qu'à titre de mandataires. MM. David et Delaye ont, au contraire, soutenu qu'ils étaient propriétaires des billets à titre d'acheteurs, et qu'ils ne pouvaient d'ailleurs les détenir comme mandataires, l'art. 13 de l'arrêté d'autorisation disposant que les billets ne seront cédés aux intermédiaires ordinaires... qu'au comptant, moyennant un prix qui ne pourra être inférieur de plus de 10 p. 100 au maximum au prix d'un franc», et l'art. 14 spécifiant d'ailleurs que les billets non placés par les entrepositaires devaient être retournés avant le tirage, en telle sorte qu'après le tirage, les entrepositaires devaient être considérés comme acheteurs des billets. Par jugement du 3 mars 1909, le tribunal de commerce de Romans a fait droit à la demande, et, sur appel de MM. David et Delaye, la Cour de Grenoble a confirmé, par arrêt du 14 juin 1910.

POURVOI en cassation par MM. David et Delaye. Moyen unique. Violation de la loi du 21 mai 1836, de l'ordonn. des 29 mai17 juin 1844, des art. 13 et 14 de l'arrêté ministériel du 23 mai 1905; fausse application des art. 1984 et s., 1993, 1998 et 1999, C. civ., en ce que l'arrêt attaqué a décidé, en se basant exclusivement sur la convention passée entre l'Omnium et les exposants, le 13 sept. 1906, dont d'ailleurs il a faussement interprété le sens, que ceux-ci détenaient le billet gagnant à titre de mandataires purs et simples de celui-là, alors que, en vertu des dispositions formelles des art. 13 et 14 de l'arrêté ministériel du 23 mai 1905, qui nécessairement devaient recevoir application, et dont le respect s'imposait à toutes conventions particulières, les exposants ne pouvaient être considérés que comme propriétaires des billets à eux remis par l'Omnium en vue du tirage.

(1-2) Il a été jugé, d'une part, qu'un commandement n'est qu'un acte préalable à la poursuite, laquelle ne commence qu'au procès-verbal de saisie; que cet acte est une formalité commune à toutes les voies d'exécution; qu'il les précède, sans appartenir à la procédure même (V. Cass. 4 avril 1900, S. et P. 1902.1.89, et la note); et, d'autre part, que, soit de la place de l'art. 69, § 8, au titre des ajournements, soit des mots : à la porte du tribunal où la demande est portée », il résulte que ledit § 8 n'a en vue que les exploits introductifs d'une demande en justice; que, par suite, ces dispositions ne s'appliquent pas à la dénonciation d'un procès-verbal de saisie immobilière, et qu'en pareil cas, la dénonciation de la saisie doit être

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ARRÊT.

LA COUR; Sur le moyen unique : Attendu que, par contrat en date du 13 sept. 1906, la Société l'Omnium, qui était le concessionnaire général du placement des billets de la loterie du Sanatorium de SaintPol-sur-Mer, a chargé les demandeurs au pourvoi de la vente d'une certaine quantité de ces billets, au nombre desquels s'est trouvé le numéro 1.526.952, qui, au tirage du 30 sept. 1906, a gagné un lot de 250.000 fr.; Attendu que le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir ordonné la restitution de ce billet à la Société l'Omnium, en décidant que David et Delaye ne le détenaient qu'à titre de mandataires purs et simples du concessionnaire, alors qu'en vertu des dispositions formelles des art. 13 et 14 de l'arrêté ministériel du 23 mai 1905, autorisant la loterie, ils ne pouvaient être considérés que comme propriétaires des billets à eux remis en vue du tirage; Mais attendu que l'arrêté ministériel susvisé, dont aucune des parties n'a violé les prescriptions, demeure étranger à la cause actuelle, où il s'agit uniquement d'interpréter la convention du 13 sept. 1906; Attendu qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que ce contrat a été, à deux reprises, expressément qualifié de mandat par les parties elles-mêmes; que, d'ailleurs, toutes ses clauses sont caractéristiques d'un mandat pur et simple, assujettissant ceux qui en sont investis, d'une part, à tenir les billets à la disposition du public, moyennant le prix de 1 franc par billet, d'autre part, à représenter à tout moment, sur la demande du chef de service des « mandataires, les billets, ou leur valeur pour ceux qui auraient été vendus, sauf à percevoir, à titre de rémunération, 10 p. 100 sur le prix des billets vendus; que nulle part on n'y relève la clause de laissé pour compte ». dont les demandeurs au pourvoi se réclament; que ceux-ci, ayant reçu le billet litigieux des mains de l'Omnium, avec charge de rendre, n'ont d'autres droits que ceux qui leur ont été ainsi conférés à titre purement précaire; Attendu que cette interprétation, qui ne dénature point les conventions des parties, rentrait dans le pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond, dont l'arrêt ne viole aucun des textes de loi visés au moyen; Rejette, etc.

Du 17 févr. 1913. Ch. req. - MM. Ta

faite, non au parquet du tribunal devant lequel l'expropriation est poursuivie, mais au parquet du tribunal dans l'arrondissement duquel la partie saisie avait son dernier domicile. V. Cass. 27 juill. 1868 (S. 1869.1.35.-P. 1869.56). S'il en est ainsi en ce qui concerne la notification du procèsverbal de saisie, c'est-à-dire de l'acte même d'exécution, à plus forte raison doit-il en être de même à l'égard de la notification du commandement, qui n'est que le préalable de cette exécution. V. en ce sens, Paris, 3 févr. 1812 (S. et P. chr.), et le renvoi; Bioche, Dict. de proc., v Saisie immobilière, n. 98; Rousseau et Laisney, Dict. de proc., v Vente judiciaire d'immeubles, n. 177; Carré et Chauveau, Lois de la proc., t. 5, 1° part., quest. 2218; Dutruc,

non, prés.; Duboin, rapp.; Eon, av. gén. (concl. conf.); Mornard, av.

CASS.-CIV. 30 juin 1913.

SAISIE IMMOBILIÈRE, COMMANDEMENT, SIGNIFICATION, DOMICILE INCONNU, REMISE DE LA COPIE, AFFICHAGE, TRIBUNAL DU DERNIER DOMICILE OU DE LA DERNIÈRE RÉSIDENCE, TRIBUNAL DE LA SITUATION DES IMMEUBLES, CHANGEMENT de domicile, DÉCLARATIONS A LA MAIRIE, FRAUDE (Rép., vo Commandement, n. 56 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 127 et s.).

Lorsqu'un débiteur n'a ni domicile, ni résidence connus en France, la remise et l'affichage de la copie du commandement doivent être opérés, non au parquet et à la principale porte de l'auditoire du tribunal du lieu où s'exercent les poursuites de saisie immobilière, mais bien au parquet et à la porte principale de l'auditoire du tribunal du lieu de son dernier domicile ou de sa dernière résidence connus (1) (C. civ., 2217; C. proc.. 69, 8, 673).

Spécialement, lorsqu'un créancier, agissant en exécution d'un jugement, fait procéder à la saisie des immeubles appartenant à son débiteur, et qu'il est reconnu par les juges du fond qu'à raison des circonstances, l'huissier était autorisé à considérer ce dernier comme étant sans domicile ni résidence connus, la remise et l'affichage par l'huissier de la copie du commandement doivent être effectués, non au parquet du tribunal où sont situés les immeubles saisis, et où l'expropriation est poursuivie, si le débiteur n'y a ni domicile, ni même de résidence passagère, mais bien au parquet du tribunal du lieu du dernier domicile ou de la dernière résidence connus de ce débiteur (2) (Id.).

Et il en est ainsi, alors même qu'avant la signification du commandement, le débi teur aurait fait, par lettres recommandées, à la mairie de son dernier domicile ou de sa dernière résidence connus, et à celle du lieu où il disait opérer le transfert de son domicile, les déclarations prescrites par l'art. 104, C. civ., pour les changements de domicile, si, à raison des circonstances, les juges du fond décident que lesdites décla rations ont été passées par le débiteur dans l'intention de leurrer ses créanciers (3) (C. civ., 104).

Suppl. aux Lois de la proc., de Carré et Chauveau, t. 8, vo Saisie immobilière, n. 281; Deffaux et Harel Encyclopédie des huissiers, v° Saisie immobilière, n. 127; notre C. proc. annoté, par Tissier, Darras et Louiche-Desfontaines, sur l'art. 673, n. 94; et notre Rép. gén. du dr. fr., vis Commandement, n. 56 et s., Exploit, n. 885 et s.; Pand. Rép., v Commandement, n. 127 et s. V. cep., Orléans, 11 août 1888 (P. 1888.2.263).

(3) Les juges du fond apprécient souverainement la sincérité des déclarations faites en conformité de l'art. 104, C. civ., pour les changements de domicile. V. Cass. 20 nov. 1889 (S. 1890.1. 155. P. 1890.1.370; Pand. per., 1890.1.860); 14 mai 1901 (S. et P. 1904.1.142), et les renvois.

(Thierry et C1o C. Loups).

5 janv. 1910, jugement du tribunal de Lectoure, ainsi conçu : « Le Tribunal;

Attendu qu'en vertu d'un jugement rendu par le tribunal de commerce d'Alger le 27 nov. 1908, Thierry et Cie ont fait procéder à la saisie de certains immeubles situés dans la commune de Mauvezin, au préjudice de Loups; que celui-ci demande la nullité de la procédure, par le motif que le commandement ne lui a été signifié ni à personne ni à domicile; que cette demande a été régulièrement formée par un dire au cahier des charges, inséré dans les délais prescrits par l'art. 728, C. proc.; qu'elle est dès lors recevable; Attendu

que le commandement tendant à saisie immobilière a été signifié à Paris, à la date du 4 oct. 1909, et que l'huissier Leprince constate qu'il s'est présenté le 4, rue de Trévise, parlant à la concierge de la maison, laquelle a répondu que Loups n'habitait plus la maison, qu'il en était parti, déménagé, depuis huit mois environ, sans laisser sa nouvelle adresse, qu'elle ignore; plusieurs voisins et commerçants du quartier ont fait la même réponse. Je me suis transporté au commissariat de police du quartier, ainsi qu'à la mairie, où étant, dans les bureaux de ces administrations, les employés auxquels je me suis adressé, après recherches, m'ont déclaré ne pas connaitre l'adresse actuelle du susnommé;

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Et attendu que, de ces recherches et de ces déclarations, il résulte que le susnommé est actuellement sans domicile ni résidence connus en France, j'ai affiché, conformément à la loi, copie des présentes et remis copie semblable à M. le procureur de la République à Paris, en son parquet »; Attendu qu'il est constant que, devant le tribunal de commerce d'Alger, Loups s'était déclaré domicilié à Paris, rue de Trévise; que les documents de la cause établissent, d'autre part, qu'à la date du 1er oct. 1909, il a fait, par lettres recommandées, tant à la mairie du 9o arrondissement, à Paris, qu'à la mairie de Toulouse, les déclarations prescrites par l'art. 104, C. civ., pour transférer son domicile à Toulouse, 12, rue Labéda; qu'il est donc bien certain que, tout au moins à la date du commandement (4 oct. 1909), le domicile légal de Loups était à Toulouse, 12, rue Labéda, et que ledit commandement devait, en principe, lui être signifié à domicile; - Attendu, cependant, que les tribunaux peuvent ne pas tenir compte de la double déclaration prévue par l'art. 104, C. civ., et que si, dans l'espèce, à raison des circonstances, les déclarations de Loups pouvaient être considérées comme faites dans l'intention de leurrer ses créanciers, les recherches de I'huissier Leprince démontreraient qu'il a tenté tout ce qu'il devait normalement tenter pour découvrir le domicile et la résidence de Loups, et que, ces recherches étant demeurées infructueuses, ce serait à bon droit qu'il l'a considéré comme sans domicile ni résidence connus; que la signification du commandement devait dès

C'est surtout en matière électorale que cette ju

lors être faite, non en conformité de l'art. 68, C. proc., mais bien conformément à l'art. 69, $8; - Attendu, dans ces conditions, qu'il importe de rechercher si le commandement, signifié à Loups le 4 oct. 1909, l'a été valablement au parquet de la Seine; que le commandement est assujetti aux formalités ordinaires des exploits, et que l'art. 673, C. proc., qui le prescrit, ne déroge en aucune manière aux règles de droit commun en matière d'ajournement; que les dispositions du titre « des ajournements », relatives aux exploits et à leur signification, ont un caractère général, qui oblige à les appliquer toutes les fois qu'il n'y est pas dérogé par une disposition contraire; qu'il s'ensuit que, dès lors qu'un commandement tendant à saisie immobilière est signifié en conformité du 8 de l'art. 69, une copie doit en être remise au parquet, et une autre affichée devant la porte du tribunal devant lequel les poursuites doivent se faire; que, dans l'espèce, la remise et l'affichage de la copie devaient être opérés, non au tribunal et au parquet de la Seine, lieu du dernier domicile connu, mais bien au tribunal et au parquet de Lectoure, où devaient s'effectuer les poursuites en saisie immobilière; Attendu que, de ce qui précède, il résulte qu'en considérant Loups, à la date du 4 oct. 1909, comme domicilié à Toulouse, soit comme n'ayant ni domicile ni résidence connus, le commandement tendant à saisie immobilière n'a pas été signifié à personne ou à domicile, ainsi que le prescrit l'art. 673, C. proc.; que ce commandement est donc nul, aux termes de l'art. 715 du même Code, et que sa nullité entraîne celle de la poursuite en saisie immobilière; qu'il convient, par suite, d'annuler ladite poursuite, et d'ordonner la radiation, au bureau des hypothèques de Lectoure, des diverses transcriptions ou mentions qui ont été opérées; Par ces motifs, etc. ».

Appel par MM. Thierry et Cie; mais, le 18 avril 1910, arrêt de la Cour d'Agen, confirmant par adoption de motifs pure et simple. POURVOI en cassation par MM. Thierry et Cie. Moyen unique. Violation des art. 68, 69, 8, 673 et 715, C. proc., en ce que l'arrêt attaqué a déclaré nul le commandement signifié au défendeur en cassation, eta, en conséquence, annulé les poursuites en saisie immobilière qui en ont été la suite, sous prétexte que, du moment où le défendeur éventuel pouvait être, en raison des circonstances de la cause, considéré comme sans domicile ni résidence connus, le commandement dont s'agit aurait dù être signifié, non au parquet du tribunal de la Seine, lieu du dernier domicile connu, mais au parquet du tribunal de Lectoure, où devaient s'effectuer les poursuites en saisie immobilière, alors pourtant que le principe contraire a été unanimement consacré par la doctrine et la jurisprudence. ARRÊT.

LA COUR; Statuant par défaut sur l'unique moyen du pourvoi; - Vu l'art. 673, C. proc.; Attendu, d'une part, que, d'après les art. 2217, C. civ., et 673, C.

risprudence a reçu de nombreuses applications.

proc., le commandement, formalité commune à toutes les voies d'exécution, n'est qu'un acte préalable à la procédure de saisie immobilière, laquelle ne commence qu'au procès-verbal de saisie; Attendu, d'autre part, que le commandement, ne renfermant aucune demande, ne saurait être soumis aux dispositions de l'art. 69, 8, C. proc.; qu'en effet, soit de la place qu'occupe ce texte, au titre des ajournements, soit des mots : « à la porte du tribunal où la demande est portée », il ressort que ledit § 8 n'a eu en vue que les exploits introductifs d'une demande en justice; qu'il en résulte que, lorsqu'un débiteur n'a ni domicile ni résidence connus en France, la remise et l'affichage de la copie du commandement doivent être opérés, non au parquet et à la principale porte de l'auditoire du tribunal du lieu où s'exercent les poursuites de saisie immobi lière, mais bien au parquet et à la principale porte de l'auditoire du tribunal du lieu de son dernier domicile ou de sa dernière résidence connus; Attendu que Thierry et Cie, agissant en exécution d'un jugement rendu par le tribunal de commerce d'Alger, en date du 27 nov. 1908. ont fait procéder à la saisie des immeubles sis dans l'arrondissement de Lectoure, et appartenant à Loups, leur débiteur; que ce dernier a demandé la nullité de la procédure, à raison de ce que le commandement ne lui avait été signifié, ni à personne, ni à domicile, mais seulement au parquet du procureur de la République près le tribunal civil de la Seine, le 4 oct. 1909, alors que, le 1er du même mois, il avait fait, par lettres recommandées, à la mairie du 9 arrondissement de Paris, et à celle de Toulouse, les déclarations prescrites par l'art. 104, C. civ., pour le transfert de son domicile dans cette dernière ville; - Attendu que l'arrêt attaqué admet que ces déclarations de changement de domicile peuvent, à raison des circonstances, être tenues pour faites par Loups dans l'intention de leurrer ses créanciers; qu'il en déduit à bon droit que l'huissier était autorisé à le considérer comme sans domicile ni résidence connus; que, néanmoins, il décide que la remise et l'affichage de la copie du commandement devaient être opérés, non au parquet et au tribunal de la Seine, mais au parquet et au tribunal de Lectoure, où l'expropriation était poursuivie, mais où le débiteur n'avait ni domicile, ni même de résidence passagère; qu'il statue ainsi par application de l'art. 69, $8, C. proc., et à raison de ce que commandement est assujetti aux formalités ordinaires des exploits, et que l'art. 673 du même Code, qui le prescrit, ne déroge en aucune manière aux règles de droit commun en matière d'ajournement »; D'où il suit qu'en statuant comme il l'a fait, l'arrêt attaqué a violé l'art. 673, C. proc., et faussement appliqué l'art. 69, § 8, du même Code; Casse, etc.

le

Du 30 juin 1913. MM. Baudouin, 1er prés.; Ruben de Couder, rapp.; Lombard, av. gén. (concl. conf.); Palyart, av.

V. Cass. 9 juill. 1913 (Supra, 1re part., p. 343).

CASS.-CIV. 1er août 1910.

1° DONATION (ENTRE VIFS), DONATION DE
SOMME D'ARGENT, AFFECTATION DÉTERMI-
NÉE, SUBROGATION RÉELLE, INTENTION DES
PARTIES (Rép., vis Dons et legs, n. 2236
et s., Subrogation, n. 393 et s.; Pand.
Rép., v Obligations, n. 3658 et s.).
20 COMMUNAUTÉ OU CONGREGATION RELI-
GIEUSE, DONATION DE SOMME D'ARGENT,
AFFECTATION DÉTERMINÉE, CHAPELLE,
ERECTION, CONDITION, DISSOLUTION DE
LA CONGREGATION, ACTION EN REPRISE,
SUBROGATION RÉELLE, INTERPRÉTATION,
POUVOIR DU JUGE (Rép., vo Communauté
religieuse, n. 536 et s.; Pand. Rép., vis
Donations et testaments, n. 1796 et s.,
Sociétés [Appendice, Associations], n. 356).

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(1 à 4) Une doctrine longtemps régnante, sous prétexte que la subrogation réelle a le caractère d'une fiction, en avait prétendu limiter rigoureusement l'application; elle l'admettait en matière d'universalités, par respect pour l'adage célèbre : In judiciis universalibus res succedit in locum pretii et pretium in locum rei; elle ne l'acceptait en dehors de là que par exception, à la condition qu'elle se fondât sur une disposition formelle de la loi (V. Cass.-req. 28 févr. 1899, S. et P. 1901. 1.31; Aubry et Rau, 4° éd., t. 6, p. 238 et s., § 575), ou, c'était une réserve plus théorique que pratique, sur a un titre émané de la volonté de l'homme. V. Aubry et Rau, loc. cit. Une théorie nouvelle, présentée d'abord par M. Saleilles (V. les notes de M. Saleilles sous Dijon, 30 juin 1893, S. et P. 1894.2.185, et sous Cass.-civ. 29 avril 1901, S. et P. 1903.1.321), se rattachant dans sa pensée à tout un mouvement en faveur du développement des fondations, et dont le succès, dans ces dernières années, n'a fait que croître (V. notamment, Planiol, note au Dalloz, 1902.1.33; Demogue, Essai d'une théorie générale de la subrogation réelle, Rev. crit., 1901, p. 236 et s.; Stora, De la subrogation réelle, thèse Paris, 1901; Aurenge, La subrogation réelle, thèse Grenoble, 1910), a brisé ce cadre trop étroit: partant de l'idée que la subrogation réelle répond à la réalité des choses, elle a proposé de reconnaître, en ce qui touche cette institution, une influence souveraine à la volonté des parties, et, plus spécialement, de considérer comme une preuve suffisante de leur intention de subroger aux biens donnés ou légués en vue d'un but déterminé les biens acquis en remploi, la simple clause d'affectation insérée dans la donation ou dans le testament.

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Cette conception a pénétré sur le terrain de la pratique. On s'en est servi comme d'une arme dans les conflits qu'a engendrés l'hostilité de l'Etat moderne à l'égard des congrégations. Après les décrets de laïcisation rendus en exécution de la loi du 30 oct. 1886, sur l'organisation de l'enseignement primaire, les héritiers des fondateurs ou bienfaiteurs d'écoles publiques congréganistes, exerçant contre les communes l'action en révocation pour cause d'inexécution des charges, ont vu dans cette thèse le moyen d'obtenir, au lieu de la valeur des biens originairement compris dans la libéralité, celle, généralement supérieure, des immeubles ou des titres qui, par l'effet de ventes ou d'échanges régulièrement autorisés, leur avaient été entre temps substitués dans le patrimoine des établissements gratifiés. V. Dijon, 30 juin 1893, précité; Cass.-civ. 29 avril 1901 (S. et P. 1903. 1.321; Pand. pér., 1902.1.36). Voici que maintenant, sous l'empire de la loi du 7 juill. 1904, ANNÉE 1913. 78-8 cah.

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1° L'affectation par donation d'une somme d'argent à un objet déterminé ne rentre dans aucun des cas de subrogation réelle établis par la loi, et, dès lors, n'emporte pas, par elle-même, substitution de l'objet à la somme d'argent (1) (C. civ., 953, 954).

Pour que l'affectation ait cet effet, il faut qu'il lui ait été attribué par la volonté des parties (2) (C. civ., 953, 954, 1134).

20 En conséquence, lorsque l'acte, par lequel une religieuse a fait donation à sa communauté d'une somme d'argent, à charge de l'affecter à l'érection d'une chapelle, ne contient pas subrogation de la chapelle à édifier à la somme donnée, les juges du fond n'excèdent pas leur pou

supprimant l'enseignement congréganiste, un liquidatear de congrégation, par un curieux renversement des rôles, s'en empare pour refuser aux héritiers d'une donatrice la restitution d'une somme réclamée en vertu de l'art. 7 de la loi du 24 mai 1825, combiné avec l'art. 5 de cette loi du 7 juill. 1904.

Cette prétention était-elle fondée? Ce liquidateur pouvait-il se contenter de rendre, à la place de la somme donnée, la valeur d'une chapelle, son prix de vente, elle était vendue à part, la plus-value tenant à son existence, si elle était en. globée dans la vente en bloc du couvent, motif pris de ce que cette chapelle était subrogée réellement aux deniers, qui, du consentement de la donatrice, de l'établissement gratifié, et de l'Etat, avaient été affectés à son érection. Cf. la question analogue posée, mais non résolue, par un arrêt de Bordeaux, 30 juill. 1890 (S. et P. 1892.2.273).

La Cour de Bordeaux ne l'a pas pensé. Et la Cour de cassation à son tour, sur les conclusions conformes de M. le procureur général Baudouin, a débouté le liquidateur.

Est-ce là, dans la jurisprudence, un recul? La Cour suprême abandonne-t-elle la voie nouvelle dans laquelle on l'avait cru voir s'engager? Se retranche-t-elle, effrayée des hardiesses des auteurs récents, dans l'étroite et rigide théorie classique?

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Il serait téméraire de le prétendre. M. le procureur général Baudouin lui-même nous a mis en garde contre cette erreur d'interprétation. L'opinion émise par M. Saleilles dans ce Recueil lui semble à la fois « rationnelle et légale (V. ses conclusions dans la Gaz. des Tribunaux du 9 sept. 1910). Et, si la Cour de cassation ne l'a pas expressément consacrée, c'est simplement parce qu'elle a jugé cette consécration inutile: les deux systèmes lui ont paru conduire, dans l'espèce, aux mêmes résultats; son arrêt l'affirme plutôt qu'il ne le démontre. Nous voudrions, en la développant, fortifier la démonstration.

§ 1er.

La doctrine classique, à la rigueur, eût ellemême prêté appui à la thèse du liquidateur. Il eût pu soutenir : 1o que le droit de retour, institué par l'art. 7 de la loi du 24 mai 1825 au profit des donateurs ou testateurs ou de leurs héritiers, pour l'hypothèse de dissolution d'une congrégation religieuse de femmes, étendu au cas de suppression d'une congrégation enseignante quelconque par l'art. 5 de la loi du 7 juill. 1904, a été calqué sur le droit de retour établi pour l'ascendant donateur par l'art. 747, C. civ. (V. en ce sens, Demogue, Rev. crit., 1901, p. 255-256); 2° que l'art. 747, C. civ., assimilant, au point de vue du

voir d'appréciation de l'intention des contractants, en décidant que la communauté n'avait pas entendu limiter son obligation de remboursement, au cas de révocation de la donation, aux résultats de la vente de la chapelle, ni la réduire à la plus-value donnée à l'immeuble par l'érection de la chapelle (3) (C. civ., 953, 954, 1134; LL. 24 mai 1825, art. 7; 7 juill. 1904, art. 5).

Par suite, les juges du fond ont pu, sur l'action en révocation de la donation, formée par la religieuse donatrice contre le liquidateur de la congregation, après sa dissolution, condamner le liquidateur à rembourser aux héritiers de la donatrice le montant de la somme donnée en principal et frais (4) (Id.).

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retour, aux biens qui se retrouvent en nature, d'autres biens qui remplacent des biens aliénés, est pré- prix encore dû, action en reprise, cisément une de ces dispositions par lesquelles la loi française, par exception, fait place à la subrogation réelle. V. not., en faveur de cette interprétation, Lyon, 24 avril 1871 (S. 1872.2.121. - P. 1872.602), et la note; Aubry et Rau, 4° éd., t. 6, p. 353 et 354, 3 608, note 35. Ce raisonnement à deux degrés eût fourni le texte cherché. Mais il ne fût pas resté sans réponse.

On eût objecté que l'art. 747, C. civ., peut s'expliquer tout autrement que par l'idée d'une subrogation réelle (V. sur ce point, Baudry-Lacantinerie et Wahl, Succ., 3° éd., t. 1, n. 719), et qu'à supposer même que telle fût sa base, telle ne serait pas pour autant nécessairement celle de l'art. 7 de la loi du 24 mai 1825, combiné avec l'art. 5 de la loi du 7 juill. 1904.

Ces deux droits de retour, celui de l'art. 747, O. civ., et celui des lois de 1825 et de 1904, se séparent plus que par des nuances. Ils ne s'expliquent pas par les mêmes motifs : le premier est né d'une idée de pitié : ne (pater) et filiæ amissæ et pecuniæ damnum sentiret (L. 6, princ., Dig., De jure dotium, liv. 23, tit. 3); le second, d'une pensée de défiance : le législateur de la Restauration a craint que l'Etat songeât un jour à s'enrichir aux dépens des congrégations, et c'est pour lui enlever jusqu'à la tentation de les détruire, dans des vues peu généreuses », qu'il a conféré aux donateurs ou testateurs ou à leurs héritiers ce droit de reprendre les biens donnés ou légués (V. le discours du comte de Frayssinous, évêque d'Hermopolis, ministre des affaires ecclésiastiques et de l'instruction publique, Archives parlementaires, 2° série, t. 42, p. 639). Ils n'ont pas le même caractère : le premier, de l'avis général, conformément aux traditions de notre ancien droit coutumier, constitue un droit de succession, impliquant contribution aux dettes (V. Aubry et Rau, 4° éd., t. 6, p. 717 et s., § 640 bis; Demolombe, Tr. des succ., t. 1, n. 480 et s., 551; Baudry-Lacantinerie et Wahl, op. cit., t. 1, n. 677 et s., 689); le second, dans l'opinion que nous croyons la plus exacte, n'est pas un droit de succession, et n'oblige pas au paiement des dettes. V. en ce sens, Baston, Des actions en reprise ou revendication, en nullité et en résolution auxquelles donne lieu la dissolution des congrégations enseignantes, thèse Aix, 1908, p. 24 et s. V. cep., Tissier, note sous Cass. civ. 3 mai 1909 (2 arrêts) (S. et P. 1910.1.337; Pand. pér., 1910. 1.337). Ils ne doivent pas avoir la même étendue : pour l'ascendant donateur, on comprend très bien que le retour, en principe, soit restreint aux biens qui se retrouvent en nature, ceux qu'il lui serait le I PART. 46

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(Liquid. de la communauté des Sœurs de Sainte-Ursule de Périgueux C. Coulet et autres).

Le liquidateur de la communauté des Soeurs de Sainte-Ursule de Périgueux a formé un pourvoi en cassation contre

un arrêt de la Cour d'appel de Bordeaux, en date du 23 déc. 1907, rendu au profit des consorts Coulet et autres.

Moyen unique. Violation par fausse application des art. 953 et 954, 1134, C. civ., des art. 7 de la loi du 24 mai 1825, 7 de la loi du 20 avril 1810, et défaut de base légale, en ce que l'arrèt attaqué, admettant la révocation de la donation d'une somme d'argent, faite sous condition expresse de l'emploi de cette somme à l'érection d'une chapelle, condamne le liquidateur à restituer, non la chapelle ainsi construite, conformément à la volonté de la donatrice, mais la somme affectée à cette construction, alors que la subrogation réelle de la construction à la somme qui lui était affectée était la condition nécessaire de la donation.

plus pénible de voir, au décès de son enfant, passer aux mains d'un étranger, l'excessive rigueur de ce principe se trouvant seulement, par-ci par-là, corrigée par des tempéraments tirés de la subrogation réelle; vis-à-vis des congrégations dissoutes, la reprise en valeur se justifie aussi bien que la reprise en nature; l'une et l'autre, suivant les cas, serviront de préservatif contre la fringale de l'Etat. Cf. Baston, op. cit., p. 60 et s.

Qu'on n'objecte pas que l'esprit public a changé, que le législateur de 1904 n'avait plus les appréhensions de celui de 1825. La loi de 1904 ellemême, lorsque, dans son art. 5, elle a fait application, aux congrégations enseignantes qu'elle dissolvait, de l'art. 7 de la loi du 24 mai 1825, s'est bien proposé d'édicter pour elles un système de liquidation relativement favorable, relativement indulgent. Il serait bizarre qu'en proscrivant, en ce qui les concerne, la reprise en valeur, on aboutît à soumettre ces congrégations, jusque-là autorisées, à un régime à certains égards plus draconien que celui auquel la loi du 1er juill. 1901 assujettit les congrégations non autorisées, considérées comme rebelles et dignes de toute sévérité. V. au sujet de ce dernier régime, la note de M. Wahl sous Cass.-civ. 5 juin 1907 (S. et P. 1908.1.129; Pand. pér., 1908.1.129).

L'argumentation, fondée sur les travaux préparatoires de la loi de 1825, conserve donc sa pleine portée; pas plus aujourd'hui qu'autrefois, il n'est permis d'enserrer dans le cadre étroit de l'art. 747, C. civ., le droit de retour établi en matière de congrégations, pour, au travers de cette disposition, y découvrir un cas de subrogation réelle légale. Le liquidateur lui-même l'avait reconnu, et ce n'est pas de ce côté qu'il avait tourné ses efforts. $ 2.

Se cantonnant sur le terrain de la doctrine nouvelle, il n'invoquait à l'appui de la subrogation prétendue que la volonté des parties (V. dans le même sens, Baston, op. cit., p. 68 et 8. Comp. notre Rep. gen. du dr. fr., v° Communauté religieuse, n. 537; Pand. Rép., v° Donations et testaments, n. 1797). Ce raisonnement eût présenté, à supposer réunies les conditions d'exercice d'une

ARRÊT.

LA COUR: Sur l'unique moyen du pourvoi: Attendu qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que, par acte authentique du 12 janv. 1872, la demoiselle Meilhodon, alors novice au couvent de Sainte-Ursule à Périgueux, a fait donation à cette communauté d'une somme de 60.000 fr., nette de tous frais, en stipulant que cette somme serait employée à la construction d'une église ou chapelle que la communauté se proposait de faire édifier à Périgueux; qu'en exécution de cette stipulation, emploi a été fait de la somme donnée pour l'érection de la chapelle connue dans cette ville sous le nom de chapelle Sainte-Ursule; Attendu, en droit, que l'affectation par donation d'une somme d'argent à un objet déterminé ne rentre dans aucun des cas de subrogation réelle établis par la loi, et, dès lors, n'emporte pas, par elle-même, substitution de l'objet à la somme d'argent; que, pour qu'elle ait cet effet, il faut qu'il lui ait été attribué par la volonté des parties; Attendu, en l'espèce, qu'il est déclaré par

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action en révocation pour cause d'inexécution des charges, et que les héritiers l'eussent intentée, comme leur en donnent le droit la jurisprudence et la doctrine la plus récente (V. sur ce point, Cass. 3 mai 1909, 2 arrêts, précités, et la note de M. Tissier), l'avantage de s'y adapter, aussi bien qu'à celle fondée sur l'art. 7 de la loi du 24 mai 1825, la seule en jeu dans l'espèce. Il était à la fois large et simple. Il n'était pas décisif.

Car, admettons, pour un instant, que la Cour de Bordeaux se fût trompée, qu'elle eût mal interprété l'intention commune des parties. Son erreur, pouvait-on prétendre, n'était qu'une erreur de fait, et, comme telle, ne tombait pas sous le contrôle de la Cour suprême. C'est l'objection derrière laquelle s'abrite la Chambre civile. Sa décision s'harmonise avec cette longue série d'arrêts d'après lesquels le juge du fait, au moins en principe, est souverain pour interpréter les actes privés. V. sur ce principe, Cass. 22 mars 1910 (S. et P. 1912.1.267; Pand. pér., 1912.1.267), et les renvois. V. égal., Dereux, De l'interprétation des actes juridiques privés, p. 79 et s.; et notre Rép. gén. du dr. fr., Cassation (mat. civ.), n. 3290 et s., 3571 et s.; Pand. Rép., vo Cassation civile, n. 775 et s., 904 et s. Et c'est cette jurisprudence tout entière qu'aurait dû attaquer de front, pour bien camper son système, le demandeur en cassation.

Il lui eût fallu, à la suite d'esprits hardis, avancer que toute interprétation ne se ramène pas à une recherche d'intention » (Dereux, op. cit., p. 122); qu'il y a des hypothèses, - celle-ci visiblement était du nombre (Cf. Demogue, Rev, trim. de dr. civ., 1911, p. 132), où l'intention des parties n'a pas à être cherchée, parce qu'elle n'a pas existé ou parce qu'elle est inconnaissable; qu'en pareil cas, les tribunaux doivent statuer d'après l'équité; que l'art. 1135, C. civ., les y oblige; que, s'ils violent cette disposition, ils encourent la censure de la Cour suprême (Dereux, op. cit., p. 132).

C'est une théorie qu'il n'a pas su ou n'a pas osé développer. Supposons pourtant qu'il l'eût présentée, et que la Cour de cassation, cédant à ces raisons nouvelles, et modifiant, une fois encore, sa jurisprudence, se fût attribué ces pouvoirs, que certains

l'arrêt attaqué que l'acte du 12 janv. 1872 ne contenait pas subrogation de la chapelle à édifier aux 60.000 fr. versés par la demoiselle Meilhodon, qu'il ne renfermait qu'une donation de cette somme, avec engagement par la communauté de la consacrer à la construction projetée; que, contrairement à la prétention du liquidateur, la communauté n'avait entendu ni réduire, le cas échéant, son obligation de remboursement aux résultats de la vente de la chapelle, ni la limiter à la plus-value donnée à l'immeuble par son érection; qu'en statuant ainsi par interprétation dudit acte, la Cour d'appel de Bordeaux n'a pas excédé son pouvoir d'appréciation de l'intention des contractants, et que, par suite, en condamnant, sur l'action en restitution intentée par les héritiers de la demoiselle Meilhodon, après la fermeture de la communauté, Marchier, ès qualités, à payer à ces héritiers la somme dé 68.812 fr. 40, montant, en principal et frais, de la donation du 12 janv. 1872, elle n'a pas violé les articles invoqués par le pourvoi; Rejette, etc. Du 1er août 1910. Ch. civ.

MM. Bal

aujourd'hui voudraient, pour l'unité juridique » et l'unité morale de la France » (Dereux, op. cit, p. 124), lui confier. Est-ce à dire qu'elle eût dû casser l'arrêt de la Cour de Bordeaux, et, sous prétexte d'interprétation uniforme, affirmer qu'en toutes circonstances, sous l'affectation expresse d'un bien à un but, se cache une subrogation implicite?

C'est une conclusion à laquelle nous nous refusons à souscrire. L'équité, l'intérêt social pouvaient justifier la subrogation dans les espèces jadis soumises, soit à la Cour de Dijon (V. Dijon, 30 juin 1893, précité), soit à la Cour de Montpel. lier (V. Montpellier, 26 oct. 1897, sous Cass.-civ. 29 avril 1901, précité), parce qu'alors elle facilitait le fonctionnement en droit français de ces fondations que paralysent les lois napoléoniennes; parce qu'elle permettait de concilier, avec ce besoin de pérennité qui est l'âme de la fondation, ce besoin d'échange qui domine la vie économique moderne, avec l'immutabilité du but, la perfectibilité des moyens destinés à y satisfaire (substitution à une valeur d'une autre valeur rapportant un revenu plus élevé, à une maison, d'une autre maison plus appropriée aux besoins d'une école). Ils ne la justifient plus dans l'hypothèse présente, parce qu'une chapelle n'est pas un objet d'échange, parce que le but ici poursuivi ne comporte pas la variabilité, la succession des moyens; parce qu'il est atteint en un coup, et parce qu'une fois atteint, il absorbe, en quelque sorte, le moyen. La subrogation n'aurait pour la congrégation point d'utilité; elle ne pourrait que nuire à la donatrice. ou, plus tard, à ses héritiers (V. cep., Demogue, Rev. trim. de dr. civ., 1911, p. 132 et 133); elle aurait l'inconvénient de rendre dans bien des cas illusoire ce droit de reprise, dont le législateur a entendu faire, dans l'intérêt de la paix publique, une arme sérieuse; elle serait, chose étrange, contrairement à leurs intérêts, imposée aux parties au nom d'une doctrine imaginée pour accroître leur liberté.

LOUIS HUGUENEY,

Professeur à la Faculté de droit de Dijon.

lot-Beaupré, 1er prés.; Durand, rapp.; Baudouin, proc. gen. (concl. conf.); Mornard et Perrin, av.

CASS.-CIV. 1er février 1911. FAILLITE, LIQUIDATION JUDICIAIRE, NULLITÉS, PÉRIODE SUSPECTE, JUGEMENT PAR DÉFAUT, ARRÊTÉ DE COMPTE, PAIEMENT PAR COMPENSATION, OPPOSITION, EFFETS, CHOSE JUGÉE, APPEL (Rép., vo Faillite, n. 1499 et s., 1506; Pand. Rép., vo Faillite, liquidation judiciaire, etc., n. 3309 et s.).

Lorsqu'un jugement, rendu au cours de la période suspecte,et qui porte arrêté de compte et condamnation du liquidé judiciaire au paiement du reliquat, a été frappé d'opposition par le liquidateur et le liquidé après le jugement déclaratif de liquidation, le compte et les condamnations prononcées ne sont pas protégés par l'autorité de la chose jugée, l'opposition ayant pour effet de faire considérer le jugement comme inexistant (1) (C. civ., 1350, 1351; C. proc., 157).

Et, par suite, les juges, saisis par le li quidateur judiciaire d'une contestation relative une créance qui figurait dans ce compte, peuvent, sans violer l'art. 1351, C. civ., ordonner des mesures d'instruction propres à les éclairer sur l'application éventuelle de l'art. 446, C. comm., à des paiements, compris dans ledit compte, opérés par le liquide, par compensation, au cours de la période suspecte (2) (C. civ., 1350, 1351; C. proc., 157; C. comm., 446).

Il en est ainsi, alors même que l'opposi tion au jugement par défaut a été déclarée tardive, si le jugement qui l'a rejetée par

(1-2-3) La question de savoir si les jugements obtenus contre le failli au cours de la période suspecte, et la difficulté est la même pour les jugements intervenus dans les mêmes conditions contre le commerçant admis à la liquidation judiciaire, et passés en force de chose jugée, peuvent être compris au nombre des actes auxquels s'appliquent les art. 446 et 447, C. comm., est généralement résolue par une distinction entre les jugements déclaratifs de droits préexistants et les jugements attributifs de droits nouveaux. V. la note de M. Labbé sous Bordeaux, 17 mars 1879 et autres arrêts (S. 1880.2.161.-P. 1880.660). Adde, Lyon-Caen et Renault, Tr. de dr. comm., 3o éd., t. 7, n. 391, 407 et s.; Thaller et Percerou, Faillites et banqueroutes, t. 1o, n. 677 et s.; et notre Rép. gén. du dr. fr., v° Faillite, n. 1499 et s.; Pand. Rép., vo Faillite, liquidation judiciaire, etc., n. 3309 et s. Pour les premiers (jugements déclaratifs), on s'accorde à reconnaître qu'ils sont opposables à la masse, et que le syndic n'est pas fondé à exercer des actions en rapport. V. la note précitée de M. Labbé (1 col.) sous Bordeaux, 17 mars 1879, précité; Lyon-Caen et Renault, op. cit., t. 7, n. 391 et 407; Thaller et Percerou, op. cit., t. 1er, n. 677; et notre Rép. gén. du dr. fr., verb., et loc. cit.; Pand. Rép., verb. et loc. cit. V. aussi Bordeaux, 17 mars 1879, précité. Pour les juge. ments de la seconde catégorie (jugements attributifs), le point de savoir si le syndic peut en faire prononcer la nullité a donné naissance à des opinions divergentes. On admet assez généralement que l'art. 446, C. comm., ne leur est pas applicable. V. en ce sens, la note, 3° col., de M. Labbé, sous Bordeaux,

ce motif a été frappé d'appel (3) (C. civ., | 447, C. comm., ce qui rendait d'ores et déjà 1350, 1351). l'expertise inutile.

(Monduit C. Gilardin et autres).

M. Monduit s'est pourvu en cassation d'un arrêt de la Cour d'Aix du 9 nov. 1905.

Moyen unique. Violation de l'art. 1351, C. civ., et du principe de l'effet déclaratif des jugements; fausse application des art. 446 et 447, C. comm., en ce que l'arrêt attaqué, statuant à la fois sur la demande en admission au passif de la liquidation judiciaire de MM. Gilardin et Palena, pour la somme de 6.772 fr., solde d'un compte liquidé par un jugement par défaut portant condamnation au paiement de cette somme, rendu antérieurement au dépôt de bilan desdites parties, dùment signifié postérieurement à ce dépôt, et non frappé d'opposition avant l'exécution, et sur la demande du liquidateur judiciaire, en rapport à la masse d'une somme de 32.535 fr., comprise dans le compte ainsi liquidé, a ordonné une expertise, à l'effet d'éclairer la justice sur les faits de nature à justifier l'application éventuelle de l'art. 446, C. comm., et débouté le demandeur de ses fins et moyens, tendant à la non-application dudit article, alors qu'il est de principe que les droits de créance résultant de décisions judiciaires, rendues contre le failli ou liquidé judiciaire pendant la période de cessation des paiements qui précède le jugement déclaratif, ce qui est le cas de l'espèce, par suite du report de la cessation des paiements au 20 avril 1902, date antérieure au jugement de condamnation invoqué par le demandeur, échappent à l'application des art. 446 et

17 mars 1879, précité, et les renvois; Lyon-Caen et Renault, op. cit., t. 7, n. 408; Thaller, Rev. crit., 1883, p. 364; Thaller et Percerou, op. cit., t. 1er, n. 678. Mais il y a controverse sur le point de savoir si ces jugements ne peuvent pas faire l'objet d'une demande en nullité fondée sur l'art. 447. V. dans le sens de l'affirmative, Paris, 8 mai et 10 juill. 1879 (S. 1880.2.161.-P. 1880.660), la note, 3°, 4o, 5o et 6 col., de M. Labbé, et les renvois; Thaller, Tr. élém, de dr. comm., 4o éd., n. 1816, et Rev. crit., 1883, p. 363 et s. Mais V. en sens contraire, Cass. 21 déc. 1881 (S. 1882.1.202.-P. 1882.1.496); et, sur renvoi, Bourges, 11 juill. 1882 (S. 1884.2.5,

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- P. 1884.1.86); Lyon-Caen et Renault, op. cit., t. 7, n. 408, p. 401; Thaller et Perceron, op. cit., t. 1er, n. 678; et notre Rép. gén. du dr. fr., verb. cit., n. 1506; Pand. Rép., verb. cit., n. 3206 et s.

Mais, lorsque les jugements obtenus contre le failli au cours de la période suspecte ne sont pas encore passés en force de chose jugée au moment de la déclaration de faillite, cette distinction entre les jugements déclaratifs et les jugements attributifs de droits n'a plus de raison d'être. Les uns pas plus que les autres ne peuvent créer de droits acquis, au profit de ceux qui les ont obtenus, à l'encontre du failli et de la masse (V. en ce sens, sur le principe, Cass. 20 nov. 1860, S. 1861. 1.270. - P. 1861.522; Pand. chr.; Lyon, 30 nov. 1866, S. 1867.2.262. - P. 1867.935. Adde, Douai, 16 mars 1896, Journ. des faill., 1896, p. 446 ; Amiens, 16 mai 1903, Id., 1904, p. 223), puisque le syndic est en droit, par le moyen de l'opposition ou de l'appel, d'en obtenir au profit de la masse la rétractation ou la réformation (V. Paris, 21 mai

ARRÊT (apr. délib. en ch. du cons.).

LA COUR; Attendu qu'il résulte des qualités de l'arrêt attaqué et de l'arrêt lui-même que les sieurs Gilardin et Palena ont été condamnés, par jugement du tribunal de commerce de la Seine, en date du 12 déc. 1902, à payer aux sieurs Monduit et Robin la somme de 6.772 fr., pour solde de compte; que Gilardin et Palena ont été déclarés en état de liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Marseille du 3 janv. 1903, et que l'époque de la cessation de leurs paiements a été reportée au 20 avril 1902, par un autre jugement du 12 févr. 1903; que le jugement du 12 déc. 1902, signifié le 26 janv. 1903, a été frappé d'opposition le 30 mai 1904, et que, si cette opposition a été déclarée tardive et non recevable par jugement du 5 avril 1905, appel a été interjeté de cette dernière décision; tendu que Monduit et Robin ont, le 23 févr. 1903, produit à la liquidation pour le mon tant des condamnations prononcées à leur profit; que le liquidateur a contesté cette production, et fait citer Monduit et Robin devant le tribunal de commerce de Marseille, aux fins de rapporter à la liquidation une somme de 32.538 fr., que ceux-ci auraient fait figurer au crédit de Gilardin et Palena dans le compte réglé par le jugement précité du tribunal de commerce de la Seine, et dont ils auraient obtenu compensation avec d'autres sommes à eux dues par les liquidés, contrairement aux dispositions de l'art. 446, C. comm. ; qu'en appel, Monduit, resté seul en cause, à de

At

1887, motifs, sous Cass. 24 déc. 1889, S. 1891.1. 455, P. 1891.1.1111; adde, la note, 1 et 2 col., de M. Labbé, sous Bordeaux, 17 mars 1879, précité; Lyon-Caen et Renault, op. cit., t. 7, n. 391, 407 et 408, p. 399, note 2; Thaller et Percerou, op. cit., n. 677 et 678).

Tel était le cas dans l'espèce. Le jugement d'arrêté de compte et de condamnation, obtenu par un créancier, au cours de la période suspecte, contre un commerçant admis à la liquidation judiciaire, avait été frappé d'opposition par le liquidé judiciaire et son liquidateur. L'opposition ayant, d'après la jurisprudence dominante, pour effet d'anéantir le jugement par défaut, et de mettre les parties au même et semblable état qu'elles étaient avant le jugement (V. Cass, 23 nov. 1881, S. 1882. 1.113. P. 1882.1.251; 6 mars 1889, S. 1889.1. 198. P. 1889.1.490; 3 févr. 1892, S. et P. 1892. 1.140; Pand. pér., 1893.1.241. V. cep., Montpellier, 25 févr. 1909, S. et P. 1910.2.110; Pand. pér., 1910. 2.110, et le renvoi de la note; Montpellier, 5 janv. 1911, S. et P. 1911.2.114; Pand. pér., 1911.2.114), le jugement par défaut qui était intervenu pour arrêter le compte entre le créancier et le commerçant, ne pouvait mettre obstacle à ce que le liquidateur judiciaire pût se prévaloir de l'art. 446, O. comm., pour opposer la nullité de paiements par compensation compris dans l'arrêté de compte.

L'opposition avait été, à la vérité, déclarée non recevable comme tardive; mais le jugement de débouté d'opposition avait été frappé d'un appel qui avait fait revivre l'opposition avec ses effets.

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